Cycle de conference "Qu est ce qu'Internet ?" partie 3

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Présentation[modifier]

Cycle de conférence "Qu'est ce qu'Internet ?" partie 3 Intervenant Benjamin Bayart date 2010 Lien vers la vidéo : http://www.libertesnumeriques.net/archives/430


Transcription[modifier]

Organisateur : Notre cycle de conférence sur « Qu'est-ce que l'internet » donc avec Benjamin Bayart. Donc nous avons dans la première partie traité de qu'est-ce que le réseau, du fonctionnement du réseau, la deuxième partie nous avons traité des applications et donc la partie, cette partie conclusion abordera des problématiques plus transversales, puisqu'elle traitera des impacts sociaux et des conséquences politiques de l'internet. Donc cette conférence a été organisée en partenariat avec le Medialab, donc et Libertés Numériques l'association numérique des étudiants de Sciences Po, donc qui depuis deux ans cherche à sensibiliser les étudiants aux problématiques numériques et également aux problématiques du logiciel libre, par des conférences, des cours et également l'organisation d'évènements à Sciences Po, et donc en partenariat avec le Medialab et je vais céder la parole quelques instants à Dominique Boullier qui va rapidement vous expliquer qu'est-ce qu'est le Medialab et à quoi il sert.

Dominique Boullier : Bien alors pour ceux qui sont déjà venus aux conférences précédentes, désolé de faire une répétition. Je suis Dominique Boullier, je suis coordinateur scientifique du Medialab, qui est un équipement à destination des sciences humaines et sociales, et des chercheurs de Sciences Po à l'origine, et qui a été créé à l'initiative de Bruno Latour. Il est temps de profiter de l'opportunité qui est offerte par les numériques d'exploiter de nouvelles traces, de nouveaux types de données puisque vous le savez sans doute, sans le vouloir, vous laissez beaucoup de traces, sans le vouloir ou en le voulant, mais vous laissez beaucoup de traces et c'est une merveille pour les chercheurs de sciences sociales. Ce n'est pas forcément une merveille politique, éthique, tout ce que vous voulez, ça c'est autre chose, on en discutera sans doute, mais en attendant toutes ces données là, nous avons de quoi les exploiter à condition d'avoir les outils, les ????, les fonds de visualisation de l'information, pour travailler ce que l'on appelle les datascape, en plus de la possibilité de récupérer ces données, et de naviguer dans ces données. Donc ce sont des nouveaux outils pour les sciences sociales, bien entendu à disposition aussi des étudiants qui commencent à graviter autour du Medialab. Mais ça veut dire quand même que la recherche en sciences sociales maintenant ne peut plus vraiment se passer du numérique à tout point de vue et qu'elle a découvert de nouveaux terrains , de nouvelles sources et que tout cela est une façon de donner un élan un peu différent à la façon dont elle était avant reliée aux activités scientifiques et techniques. Voilà.


2:37:13[modifier]

Benjamin Bayart : Bonsoir, alors normalement, non ça marche encore, je suis toujours surpris, voir Linux marcher sur un truc en duplex. Bon, donc de quoi je vais vous parler. Ben en fait, comme je ne suis pas trop méchant je vous ai fait un petit rappel des deux épisodes précédents, Donc c'est un cycle de ??? croix ???, de trois conférences qui cherche à définir ce qu'est internet. Dans le premier volet qui était il y a deux semaines, on a vu que c'était un réseau de transport, on a vu ce que c'était qu'un réseau et le fait qu'internet était un réseau de transport, on a défini ce qu'étaient les applications de ce réseau de transport, et ce qu'on va voir ce soir ce sont les impacts politiques et sociétaux de l'apparition d'internet. Bien. Donc on va essayer de reprendre par une explication en reprenant vraiment le contenu des deux premières parties, mais sous l'angle de ce que ça veut dire. C'est à dire on a a vu ce qu'était techniquement internet, maintenant ce qu'il faut c'est regarder ce que ça veut dire. Qu'est-ce que ça donne en vrai, ce que c'est internet. Ensuite on regardera les impacts politiques, ensuite les impacts sociétaux. Alors je précise, j'ai horreur de ce mot là, sociétal, je ne sais pas ce que ça veut dire moi, en français je connais le mot social, je vois bien c'est ce qui touche à la société, sauf que si j'avais dit les impacts sociaux, tout le monde aurait compris ce que ça va changé pour la rémunération des salariés et pour les syndicats, alors c'est pas de ça que je veux parler. Donc j'ai pris l'espèce de mot que je trouve très pas beau. Et juste quelques conclusions rapides.

Bien on va commencer par ce qu'est internet. Alors il y a un premier point dont je voulais m'excuser, c'est qu'il y a très peu de transparents, alors que j'ai beaucoup de choses à dire. Donc en fait je vais à beaucoup de moments laisser et ne pas suivre mon plan, ce qui est très mal à Sciences Po si j'ai bien compris, c'est mal vu, voilà, moi je vais faire comme ça parce que je n'ai pas eu le temps de préparer beaucoup, les derniers ont été écris dans le métro en venant. J'avais jamais essayé d'écrire des slides dans le métro, c'est vachement chiant en fait, autant dans le TGV c'est le bonheur, dans le métro, c'est l'enfer. On va dire à la RATP de mettre des tablettes.

Bien. Donc dans la première partie du spectacle, vous avez eu droit à internet est un réseau ; dont la principale caractéristique par rapport aux réseaux précédents est d'être un réseau à communication de paquets, ce qui fait que sur ce réseau, on peut en simultanée avoir des communications de n'importe quel point vers n'importe quel autre sans interrompre les communications précédentes. Ça a l'air idiot dit comme ça mais ça veut dire que vous pouvez tout à fait recevoir un mail en même temps que vous surfez sur le web. Figurez vous que sur le minitel, ça ne marchait pas comme ça. Et sur tous les réseaux précédents, ça ne marchait pas comme ça. On ne pouvait pas ou difficilement être en communication téléphonique avec deux personnes en même temps.

5:33:28[modifier]

On a vu également que c'est un réseau essentiellement passif, qui se montre en fait inintéressé par ce qu'il transporte. Qu'il transporte quelque chose de pressé ou de pas pressé, d'urgent de pas urgent, que ce soit une question ou une réponse, en fait ce n'est pas du tout au niveau du réseau que ça se passe. Le réseau n'a pas conscience même du fait qu'il y a des questions et des réponses. Le fait que vous demandiez à accéder à www.google.fr et que la petite machine de Google vous renvoie une réponse, pour le réseau, il n'y a pas de différence entre la question et la réponse. On a vu également que ce réseau était acentré. C'est à dire que sur le réseau lui-même, il n'y a rien qui définisse un centre. Si vous coupez le réseau en deux, vous obtenez deux moitiés de réseaux parfaitement fonctionnelles, dont chacune est persuadée que l'autre n'existe pas ; mais qui fonctionne très bien. Et on a déjà vécu ce genre d'évènement là, c'est à dire qu'internet soit coupé en deux, c'est par exemple ce qui vous arrive à chaque fois que votre ligne ADSL est en panne. D'un côté votre ordinateur qui est persuadé qu'internet n'existe plus, et de l'autre côté internet qui est persuadé que votre ordinateur n'existe plus. Ce réseau est essentiellement local, c'est à dire dans la gestion du réseau, chaque noeud, chaque compteur, pour reprendre la bonne terminologie, prend sa décision de manière locale. Il n'y a pas besoin de consulter une autorité centrale pour décider ce qu'il va faire avec chaque paquet. C'est ce qui fait que quand on le coupe en deux, il continue à fonctionner ; exactement comme certains animaux qui sont un petit peu au dessus de l'unicellulaire et un petit peu en dessous du rat de laboratoire, quand on les coupe en deux, ils font deux moitiés d'animaux relativement viable et qui vivent assez bien. On a ça chez les plantes très fréquemment. Ce réseau est du coup par nature résistant. C'est à dire à peu près quoi qu'on lui fasse même si on le découpe en plusieurs morceaux, il continue à être un réseau, et il suffit d 'établir un lien même simple entre deux moitiés de réseau pour refaire un tout. Donc la possibilité de tuer véritablement le réseau est assez faible.


7:42:00[modifier]

Et ce qu'on a vu surtout, c'est que les techniques mises en oeuvre qui sont enseignées dans les écoles d'ingénieur les plus prestigieuses, peuvent être expliquées en vulgarisation en une heure de conférence de manière à peu près intelligible même par quelqu'un de même pas informaticien, et basiquement ça peut s'expliquer en à peu près 6 à 8 heures d'explications un peu technique, pour quelqu'un qui a un peu l'esprit scientifique. Donc on est sur des choses qui sont extraordinairement simples. La grande caractéristique d'internet par rapport à tous les réseaux qui l'ont précédé, c'est qu'il est beaucoup plus simple. Il n'est pas beaucoup plus puissant, il est beaucoup plus simple. Et c'est ce qui a fait toute sa force. En particulier parce que ce réseau de transport est si simple et est composé de maillons suffisamment crétins cela inclus un réseau qui est totalement indépendant des services qu'on fait tourner dessus. C'est à dire des services c'est pourquoi on utilise le réseau. Une fois qu'on a fait un réseau, c'est bien mignon, on a des ordinateurs qui se racontent des histoires d'ordinateurs entre eux, qu'est-ce que les humains en font. Et on a vu qu'il y avait essentiellement quelques typologies de services ; qui avaient un centre réparti de nommage, c'était un des services clés, le DNS, qui sert à nommer les objets sur internet, qui sert à nommer les ordinateurs avant tout ; mais il sert aussi à nommer d'autres choses ; qui est réparti, c'est à dire qu'il y a un point qui détient le centre et en fait ensuite l'information est déléguée par zone entière par pans entiers du DNS, jusqu'à potentiellement l'ordinateur qui est dans ma chambre à côté du lit et qui est responsable de la zone : mapiaule.edgar.fdn.fr.

9:21:16[modifier]

Donc on a vu que ça c'était le seul point centré sur internet à l'heure actuelle, imposé techniquement. Il n'y en a pas d'autre. Et ce point est centré et cependant réparti sur plusieurs centaines d'endroit sur la planète ; même le centre névralgique du truc est répliqué à plusieurs centaines d'endroit sur la planète ce qui fait qu'il est : 1 – solide, il ne va pas tomber en panne tout seul, 2 – qu'il peut très difficilement servir de point de censure puisque seule une partie infinitésimale du trafic arrive véritablement à cet endroit là. Donc sauf à mettre la main de facto sur les 150 ou 200 répliques de ce point là et allet le modifier sans que personne ne s'en rende compte, on ne peut pas de manière discrète porter atteinte par ce biais là aux communications. Et accessoirement si les gens qui ont officiellement la main dessus décidaient d'y intégrer à peu près n'importe quoi juste pour filtrer, empêcher, etc... on est plusieurs centaines ou milliers d'administrateurs réseaux dans le monde qui le verrions à priori dans l'heure qui suit. Donc dans l'heure qui suit, il apparaîtrait des copies de ce centre qui ne serait plus administré par ces gens là. S'en suivrait un brave bordel pendant quelques années mais à priori leur intervention n'aurait un impact que très très très limité seulement.

11:13:05[modifier]

On a vu dans les applications il y avait des applications entièrement centralisées. L'exemple type étant MSN, où le moindre message que vous échangez entre deux correspondants sur MSN transite chez Microsoft. Ça c'est typique d'une application centralisée, c'est le cas également de Facebook par exemple. Il n'y a aucune raison à ça. C'est techniquement plutôt une erreur de design, on peut complètement rendre les mêmes services sans passer par un centre, donc c'est purement une erreur technique de conception. On a vu que les mêmes applications pouvaient fonctionner de manière acentrée. On a expliqué comment. C'est le cas du mail d'une application sensiblement différente ou de Jabber qui est la version dite interactive qui est la messagerie instantanée, qui fonctionne sur le même principe que le mail pour ce qui est d'être acentré. Voilà, donc ça c'est ce qu'on a vu, qu'il y avait ces trois grands types d'applications. Il y en a une qui est centrée structurellement qu'on ne peut pas empêcher de tout centrer, il y a toutes celles qui sont centralisées par erreur de design et qui s'avèrent être plutôt dangereuse, et il y a la majorité de ce qui se fait sur internet, qui n'est pas par nature centré. Typiquement, le web n'est pas centré. C'est l'usage qu'on fait du web qui est centré. Le fait de décider d'être 50000 à mettre notre blog sur la même machine, c'est une erreur de design. Le fait d'avoir mis plusieurs centaines de millions d'adresses mail sur les mêmes ordinateurs de la même boite, que ce soit Hotmail ou Gmail ou Orange c'est un erreur d'utilisation. Ce n'est pas une erreur structurelle. Bien.

12:59:19[modifier]

Maintenant, voyons rapidement ce que produit internet. C'est à dire on a fait un réseau, on a créé des applications dessus, on pourrait se poser la question de savoir pourquoi les applications sont apparues, parce que vous constaterez que la majorité des applications sont apparues bien avant que les gens se demandent même si on pourrait peut-être s'en servir. Moi, à l'époque où j'ai appris à utiliser internet, jamais il ne serait venu à l'idée de ma mère et encore moins de ma grand-mère d'envoyer un mail à quelqu'un. D'envoyer un courrier, on voyait bien, c'était une lettre, on avait un truc à dire, passer un coup de fil, on voyait assez. On pourra se poser la question pourquoi, c'est pas. Bien le premier effet du réseau c'est de créer de la diffusion. La structure d'internet fait qu'à partir de n'importe quel point du réseau, je peux à tout moment diffuser n'importe quoi comme contenu à destination de n'importe qui. Ça c'est quelque chose qui n'existait pas dans le réseau précédent.

C'est donc une vraie grande rupture. Internet crée un réseau qui est un réseau de diffusion massive; qui n'a structurellement aucun rapport avec tous les réseaux de diffusion qu'on a connu avant. On en a connu un paquet. Que ce soit la radio, que ce soit la télévision par satellite, que ce soit le cable, ce sont des réseaux qui ne permettent pas à tout le monde de diffuser. Tout le monde peut recevoir la radio ou la télévision, tout le monde ne peut pas diffuser la radio ou la télévision sinon ça ne marche plus. Hors sur internet, n'importe quel point du réseau peut potentiellement diffuser n'importe quoi.

C'est également un réseau de communications. Je ne sais pas si vous êtes nombreux à faire la différence entre communication et diffusion. Quand je publie une note sur mon blog, je diffuse. Quand j'envoie un mail à ma maman, je communique. C'est très différent.

Et puis il y a l'effet résilience du numérique. C'est à dire que le réseau de diffusion, quand il est centré par définition quand vous éteignez le centre il ne diffuse plus. Je suis formel, si on atomise l'immeuble de TF1, la chaîne n'est plus diffusée. Sur internet c'est beaucoup moins évident. On retrouve cet effet là pour chaque site web. Si j'éteins l'ordinateur qui héberge le site web, le site web disparaît. Cependant, il ne suffit pas d'éteindre un ordinateur donné pour éteindre tout le web. Donc pour peu que mon site web ait été copié parce que des gens l'avaient jugé intéressant, il survit. Donc sur un réseau de diffusion maillé comme est internet, le fait de copier un contenu n'est pas une agression vis à vis du contenu. C'est plutôt un service à lui rendre. Réfléchissez ça exactement comme dans le domaine des livres et des bibliothèques. La bibliothèque d'Alexandrie, chacun sait, ça a mal terminé. Plus il existe de copie d'un élément, moins il disparaîtra. Ça c'est l'effet de résilience. Un contenu numérique est enfantin à copier, et plus vous le copiez, plus vous le rendez solide. Créer une copie d'un contenu, c'est quelque part lui faire une faveur. C'est bien ça, c'est à dire que c'est exactemeny comme plus un livre a été tiré à un nombre élevé d'exemplaire, plus il a de chances que dans 50 ans on en retrouve un exemplaire. C'est à dire que mon petit livre que j'ai imprimé avec ma petite imprimante à la maison, j'en fait quatre exemplaires, un pour ma maman, un pour ma soeur, un pour mon papa, un pour mon frère, il y a peu de chances que dans deux siècles on en retrouve un exemplaire. Par contre des ouvrages essentiels comme le dernier roman à l'eau de rose tiré à plusieurs centaines de milliers d'exemplaires, il y a pas mal de chance que dans quelques siècles, on retrouve un exemplaire encore lisible, au fin fond d'une bibliothèque.


17:23:00[modifier]

Le numérique qui permet la réalisation de ces copies en nombre quasiment illimité et à coût à peu près nul, en général les économistes disent que les copies sont réalisées à coût marginal nul, c'est à dire en supposant le même nombre d'ordinateur le même nombre de réseaux, le même nombre de routeurs, le même nombre de tout, si on fait un exemplaire de plus ou un exemplaire de moins, du fichier pdf de ma présentation, ça ne change pas globalement l'équation économique du ???merdier ??? . Le coût marginal d'un exemplaire supplémentaire est nul.

Ça veut dire qu'on peut créer de la résilience de manière très simple. Chacun peut garder une copie de ce qu'il a envie, de manière assez simple. On voit des effets de ça de manière très courante. Vos navigateurs gardent les copies de toutes les pages que vous avez été voir. Un côté très invasif. C'est à dire que si je prends votre ordinateur, je sais tout ce que vous avez vu. Et puis c'est aussi le côté, vous augmentez les chances que ce contenu soit vu.

Donc ça ce sont les trois effets essentiels du réseau. Et il faut bien comprendre que ça le rend fondamentalement incontrôlable. Puisqu'on peut diffuser depuis n'importe quel point du réseau, on peut communiquer librement entre personnes, la communication ne passant pas par un point central, et que l'effet de résilience numérique fait que l'on peut copier un contenu à coût marginal nul. Ça ça crée quelque chose qu'il est, dans la pratique, impossible de réellement contrôler sauf à l'éteindre. Comment voulez vous que depuis Paris je puisse empêcher un ordinateur qui est au Japon d'envoyer un contenu à un ordinateur qui est au Venezuela qui en fait sera lu depuis un ordinateur qui est ailleurs, par quelqu'un dont je ne sais pas où il est. D'accord ? Le côté fondamentalement acentré du réseau et le fait que le réseau soit entièrement agnostique aux applications, et le fait que le numérique ait créé une forme de résilience simple et d'assez longue durée, fait que l'ensemble est sensiblement incontrôlable. Et c'est pas une erreur de design. C'est bien un choix structurel des gens qui ont réfléchi au machin. C'est un des éléments qui plaisait bien à l'armée, ça veut dire que l'ennemi ne peut pas prendre vos communications sous prétexte qu'il a réussi à prendre la base machin. Et puis c'est des trucs qui plaisaient vachement aux anarcho-gauchistes qui travaillaient sur le sujet. Je ne suis pas sur que les militaires aient bien compris ce que ça voulait dire. Par contre les mecs qui ont fait le réseau, vérifiaient ce qu'ont fait les anciens, vérifiaient dans quel coin des Etats-Unis ils bossaient, vérifiaient quels cours ils suivaient étant étudiants, c'est pas possible. Ils n'ont pas pu le faire par erreur. Donc ça c'est ce qu'a produit internet. Internet produit un outil de diffusion massive, un outil de communication acentré, et permet la résilience numérique et donc la survie des contenus, et ce de manière incontrôlable par choix.


20:42:00[modifier]

Maintenant on va essayer de voir un petit peu ce que ça a comme impact politique. Parce que politiquement tout ça, on comprend bien, c'est pas neutre. Possibilité de diffuser ce qu'on veut comme contenu, avec une difficulté extrême à le limiter. Rien que dit comme ça on comprend ce que ça veut dire politiquement. Ben c'est la mise en oeuvre de l'article 11 de la déclaration des droits de l'homme de 1789. je sais que vous êtes au moins deux dans la salle à le connaître à peu près par coeur, pour les autres le l'ai recopié à peu près sommairement de ma petite main avec des fautes. Donc l'article 11 de la déclaration des droits de l'homme de 1789 nous dit : la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme. Tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi. Ça c'était un article qui était essentiellement inapplicable jusqu'à il y a peu. Effectivement j'ai bien le droit de raconter ce que je veux aux gens qui me connaissent, mais je ne peux pas les diffuser bien loin. La liberté d'imprimer, c'est mignon, vous êtes combien à posséder une imprimerie dans la pièce ? Je vais vous aider, vous êtes combien à posséder une imprimante ? Il y a moins de marge, au moins quelques uns. Vous êtes combien à posséder un ordinateur ? Pas ???. Internet permet de diffuser du contenu. Il permet l'exercice de cette liberté là. Jusqu'à basiquement pour le grand public 1997, cette liberté était purement virtuelle. Maintenant c'est une liberté tout à fait concrète, vous publiez tous très régulièrement. Ça c'est un des effets, c'est un impact et politiquement pas neutre du tout. Un autre élément intéressant comme impact politique, c'est que le droit de censure a changé d'endroit. Il y a 20 ans quand vous vouliez commenter un article paru dans la presse, vous envoyiez une petite lettre au courrier des lecteurs. Le journal pouvait ou pas publier votre lettre en fonction de s'il jugeait le contenu acceptable ou pas. Vous restiez de toute façon responsable d ce qui avait été écrit dedans, c'était pas un problème . Ça si dans votre commentaire vous teniez des propos racistes injurieux etc, etc, vous en étiez pleinement responsable, mais le journal exerçait un droit de censure. De nos jours, ce droit de censure s'est déplacé, il est beaucoup moins dans les journaux, il est beaucoup plus sur le réseau. C'est à dire que effectivement, Libé peut vous empêcher de commenter un article en ligne. Il ne peut pas vous empêcher de publier un billet sur votre blog disant que leur article est pourri. Donc il est ??? selon ce que vous avez envie de dire. En général, quand on veut dire que c'est génial, il n'y a pas de censure. Donc le pouvoir de censure a changé. On a bien vu, il n'est pas véritablement dans l'internet. Un opérateur internet ne peut pas censurer. Il ne peut guère censurer que ce qui se passe sur son réseau à lui, sur son tout petit bout d'internet. Sur son en moyenne 1/40000ème d'internet. Cependant, il y en a un qui peut censurer ce que vous faîtes, c'est votre fournisseur d'accès. A partir du moment où pour accéder à internet vous passez par un point unique, c'est à dire que si vous avez chez vous deux fournisseurs d'accès, si votre site web est hébergé en étant raccordé à deux opérateurs, alors il ne peut pas être censuré par l'un, il faut qu'il soit censuré par les deux. Donc en fait on a déplacé le couloir de censure. Le réseau lui même a un pouvoir de censure. En pratique faible, en pratique contournable, en pratique techniquement assez enfantin à déjouer, mais la seule forme de censure possible n'est plus que sur le réseau.


25:00:00[modifier]

Enfin un point intéressant politiquement. On a créé un outil de diffusion, c'est à dire que si vous pensez quelque chose, vous décidez de le coucher par écrit, d'autres gens pourront le lire. Et on a créé un outil de communication qui fait que ces autres gens pourront vous dire ce qu'ils en pensent. Et comme le plus souvent cette communication retour est faite en public soit en commentaire, et ce que tout le monde connait aujourd'hui que sont les blogs soit pour les discussions sur les forums, newsgroups, ou que ce soient des forums sur le web aujourd'hui, ça créé un débat. Et en fait tout le monde a de nos jours accès au débat public. Le débat c'est quelque chose qu'on connait. Vous dinez avec quelqu'un, vous vous mettez à parler politique, il y en a un au PS un à l'UMP, vous êtes surs normalement avant le dessert ils sont à s'insulter. Le pire étant si on a les deux au PS quand même. (rires). Que je vous rassure, quand il y a les deux à l'UMP ça fait des choses curieuses aussi, il y en a un il parle de crocs de boucher ???????? vous vous faites une petite idée entre un ancien premier ministre et un ancien ministre de l'intérieur au hasard et vous allez obtenir un truc cocasse. Donc on créé du débat public. Pas du débat privé, le débat privé existe depuis que la ??? existe vous créez du débat public. C'est à dire que vous allez échanger vos arguments, face à un public qui lit. Ça c'est quelque chose de nouveau. Le débat public n'est pas quelque chose qui était à portée de tout le monde avant internet. On trouvait des débats publics, des gens qui échangeaient des informations par les arguments par presse interposées. Je ne sais pas, mettons l'affaire Dreyfus. C'est à dire que Machin dans tel journal a écrit « Dreyfus est coupable », Bidule dans tel autre journal avec tel autre argument a écrit « Dreyfus est innocent » certains de ces argumentaires sont restés célèbres comme le « J'accuse » mais le débat public n'était pas à la portée de tous. Or ce que crée l'internet c'est un outil dans lequel n'importe qui se retrouve à débattre en public. Et en règle générale, la première fois que ça lui arrive, il est ridicule. Parce que il échange des arguments minables, des raisonnements qui ne tiennent pas debout, que le premier un tout petit peu plus éduqué que la moyenne va lui renvoyer dans la tête. C'est très formateur de se faire claquer dans un débat. Je sais, j'ai commencé comme ça. Encore petit à l'époque. C'était bien avant qu'internet se démocratise. Et donc ça apprend à débattre en public. Ça apprend à échanger des arguments avec des gens qui vont vous renvoyer quand vous dites de la merde. On crée donc des populations entières de gens qui savent débattre, de gens qui peuvent enfin exercer la liberté prévue par l'article 11 et qui en plus savent défendre leurs arguments puisqu'ils sont amenés à les défendre en public. Ça ne crée pas du tout du citoyen lambda comme il y en avait l'habitude il y a 40 ans. Ça crée une nouvelle variété de citoyens éclairés. C'est à dire exactement comme en 1789 basiquement dans les citoyens il y avait ceux qui avaient lu et compris Voltaire et il y avait ceux qui étaient occupés bêcher les patates parce qu'il faut manger. Ce que fait internet, c'est mettre Voltaire à la portée de tout le monde. Pas que de le lire, ça c'est la démocratisation de l'imprimerie, ça c'est des années 50 60, c'est l'invention de l'imprimerie ???, non non pas que le lire, donc le lire mais en plus on peut lui dire, tiens il s'est gouré. C'est très différent. Ça ça crée un contexte politique qui est à peu près de la même nature que celui qui a été créé par l'apparition de l'imprimerie, puis des Lumières, puis des échanges d'idées qui font qu'à un moment la société ne tient plus et n'est plus en conformité avec l'ensemble. Donc internet permet politiquement à comme impact politique de créer des générations entières de citoyens éclairés, habitués au débat public, et qui sont donc tout à fait capable de débattre avec n'importe qui d'autres connaissant à peu près le sujet dont on parle, en particulier capable de débattre avec les hommes politiques. Donc on sent bien vu la présentation que j'en fait qu'il y a des côtés plutôt positifs.


30:08:25[modifier]

Il y a aussi des côtés tout à fait négatifs. Mais il y a des côtés très positifs à tout ça. Comment est-ce qu'on protège ça ? Il y a un premier point fondamental, qui est qu'il faut que le réseau garde son aspect essentiel aujourd'hui qui est la neutralité liée à sa structure technique. Beaucoup de gens peuvent croire que les débats qui ont lieu aujourd'hui autour de la neutralité du réseau sont des débats qui visent à partager le bout de gras entre les opérateurs d'un côté, qui aimeraient bien gagner du pognon en opérant un réseau, et les marchands de contenu de l'autre qui aimeraient bien gagner du pognon en vous revendant très cher votre vie privée. Oui, basiquement quand Facebook gagne de l'argent alors que la seule chose qu'il a à vous donner c'est votre réseau d'amis, il suffit de regarder de la pub pour parler çà vos potes, c'est curieux; la seule chose qu'il a à vous vendre c'est votre vie privée. Réfléchissez au modèle de Meetic, c'est encore plus rigolo. Il est en train de vous vendre votre sexualité, c'est super drôle. Et pour vous il vous vend comment ???. Bien.


31:31:12[modifier]

Donc un premier point essentiel pour défendre tout ça, c'est la neutralité. Parce que effectivement si le réseau cesse d'être neutre, on a bien vu l'importance qu'avait la structure du réseau pour la structure des applications. Si le réseau ne permet plus de tout transporter, alors il ne transporte plus toutes les applications, d'où effectuant un choix dans les applications, il effectue un choix dans les contenus. Donc si le réseau n'est plus neutre, le premier item à l'article 11 tombe. Et tout le reste tombe avec. Donc il y a bien un enjeu central dans ce débat sur la neutralité du réseau sur internet et que sir internet parce que pour le coup le réseau privé qui relie les agences de la BNP, j'en ai rien à cogner, n'étant pas une agence de la BNP et ne m'en servant pas pour exprimer mes opinions. Donc la neutralité d'internet est un sujet politique majeur. Il y a un des poins essentiels dans les débats qui sont apparus qui est une très grande différence entre l'Europe et les Etats-Unis. Aux Etats-Unis ils en font essentiellement un débat business qui basiquement oppose Google à tous les cablo- opérateurs. En France, en Europe en général, on en a fait un débat essentiellement politique devant le parlement européen précisément pour ce sujet là. Parce que la question n'est pas technqiue, n'est pas économique. Savoir si c'est plus rentable qu'internet soit neutre ou ne le soit pas, c'est une question qui en gros n'intéresse que quelques acteurs économiques qui n'est pas très intéressante politiquement. Moi savoir lequel des deux va gagner le plus d'argent, ça ne changera pas ma façon de voter aux prochaines élections. Par contre savoir si on va me dire de fermer ma gueule, ça ça me parle. Bien évidemment à partir du moment où on a garantit au réseau une certaine neutralité, même une absolue neutralité, ou une neutralité certaine, j'aime mieux dans ce sens là, une fois qu'on a garantit la neutralité du réseau on a donc un meccano dans lequel tout le monde peut s'exprimer librement, et donc peut débattre et donc peut évoluer. Grand problème, si personne n'est responsable, ça va forcément partir en couille. C'est à dire qu'on est bien d'accord, tout n'est pas bon à publier. Publier ce que je fais chez moi le soir alors que je n'ai pas décidé de le publier, c'est une atteint à ma vie privée, qui est un des droits de l'homme, c'est pas acceptable. Publier contre mon autorisation certaines de mes oeuvres c'est une atteinte au droit d'auteur, c'est pas acceptable. Même si je plaisantais à demi-mots tout à l'heure sur le fait que faire une copie d'un contenu c'est rendre un service à l'oeuvre copiée, ce qui est vrai, il n'empêche que diffuser une oeuvre sans l'accord de son auteur c'est pas cool. Il y a beaucoup de choses que l'on a pas le droit de dire, d'ailleurs en 1789, ils ne s'y sont pas trompés. On a le droit d'imprimer librement, de dire d'écrire tout ça, sauf à répondre de l'abus de cette liberté. Donc il y a bien un régime de responsabilité très particulier à trouver et il ne faut certainement pas faire croire que : petit 1 internet soit un réseau dans lequel les gens sont irresponsables, petit 2 que ce soit souhaitable que les gens soient irresponsables. C'est à dire que il faut bien que dans l'immense majorité des cas, on sache qui a publié quoi, pour que en cas d'abus on puisse faire en sorte que l'abus cesse. Ça c'est une vraie question, la responsabilité. C'est une question sur laquelle on se bat avec les parlementaires, plus souvent contre les parlementaires depuis une grosse dizaine d'années. J'ai des souvenirs des premières lois sur le sujet où l'affaire Estelle Hallyday contre ??? je dirais 1998 de mémoire, donc ça fait 12 ans, c'était la LSI ou la LSQ elle a changé de nom. Les lois contre lesquelles on se bat changent souvent de nom en cours de route.


35:57:13[modifier]

Il y a en fait plusieurs point dans la responsabilité. Il y a le fait qu'il serait inacceptable que le réseau qui transporte ce que je dis soit responsable de mes propos. Typiquement, ce que je vous dis ce soir, mon discours n'ayant pas été validé par Sciences Poje pense que Sciences Po n'en serait pas tenu responsable. C'est moi qui parle. Ça c'ezst ce qu'on appelle le chapitre de la responsabilité des intermédiaires techniques. Rendre les intermédiaires techniques responsables c'est les autoriser à censurer, forcément, on ne peut pas être responsable d'un truc su lequel on n'a aucun contrôle. Donc rendre les intermédiaires techniques responsables, c'est les autoriser à censurer. C'est quelque chose qui est politiquement, vraiment politiquement dangereux. Techniquement on s'en fiche, c'est très accessoire. Il se trouve que techniquement c'est dangereux aussi. Mais le vrai problème est politique là-dedans. Donc voilà un problème de responsabilité des intermédiaires. On a un problème du fait qu'il faut bien que les gens soient responsables de ce qu'ils écrivent, pour ça le meilleur moyen c'est de leur dire, c'est de le leur apprendre. Et puis on a le fait que, … comment formuler ça ? Les gens qui font internet, les gens qui font les noeuds du réseau, il y a 40 et quelques mille opérateurs dans le monde, les plus petits opérateurs ont à peu près deux admin-réseaux, le plus gros opérateurs en ont quelques dizaines, donc on a quelques centaines de milliers de personnes, qui très pragmatiquement, les deux mains dans le cambouis, font le réseau. Ces gens là ont une responsabilité qui à l'heure actuelle est totalement ignorée par la loi. Du temps où j'ai été salariée de tous les gros ISP de France, si mon patron me demandait de filtrer quelque chose sur le réseau, lui était responsable de ce qu'il m'avait demandé, moi je n'étais pas responsable de ce que je faisais. C'est ennuyeux. Il y a là un vrai problème de responsabilité. J'estime moi à titre personnel que politiquement le fait qu'on puisse demander à une personne de faire quelque chose qui soit intentatoire à la neutralité du réseau, est un problème. Ça fait partie des clauses d'exemption, à mon sens il devrait y avoir une espèce de sorte d'objecteur de conscience là dessus.


38:31:25[modifier]

Donc on a des vraies questions de responsabilités. Et puis une fois qu'on a traité toutes les questions de responsabilité, quand on travaille dans une démocratie, il faut absolument que l'anonymat puisse exister. L'anonymat n'est pas une ??? anerie ???. c'est une norme, c'est fondamentalement une norme. Ce qui différencie structurellement la société française de la société chinoise, c'est qu'en France, l'immense majorité de ce que j'ai à dire, je peux le dire sous mon vrai nom. Je n'ai pas besoin d'être anonyme. Les gens qui ont besoin d'être anonyme pour s'exprimer sont basiquement des gens qui sont entrés en résistance. Il est important, il est fondamental dans une société qu'on puisse entrer en résistance. Il est vital qu'on puisse être anonyme. Ça devrait être pour moi, un droit fondamental. C'est la racine même de ce qui dit qu'on ne peut pas être inquiété pour ses opinions. C'est quelque part dans le code pénal ou civil, je ne sais plus. Nul ne pourra être inquiété pour ses opinions. Pour moi, si je suis obligée de signer tout ce que je dis, alors il y a un risque que je sois inquiété pour mes opinions, si je suis dans un pays où mes opinions dérangent. Par exemple, en France, on n 'a pas le droit d'être raciste. C'est comme ça. C'est pourtant une opinion, qu'on n'ait pas le droit de tuer les gens parce qu'ils sont noirs c'est une chose, que ce soit une circonstance aggravante du fait de tuer les gens, c'est une chose aussi, mais on n'a pas le droit d'être raciste. C'est une opinion. On peut poser souci. Plus embêtant, en France on n'a pas le droit de dire que c'est bien de faire pousser du chanvre pour le fumer. C'est extraordinaire. Si j'explique sur un site web, non pas comment je fais pousser du chanvre, parce que je n'ai pas le droit d'en faire pousser, mais comment on peut faire pousser du chanvre, c'est interdit. En fait même, il y a de bonnes chances que juste en vous parlant là, ce soit interdit. Je pense que je ne serais pas allé en prison, mais... donc on a absolument besoin qu'il existe une forme d'anonymat assez dure. Non pas une forme d'anonymat pour que je puisse insulter mon voisin, mais une forme d'anonymat pour que je puisse dire du mal du gouvernement, sans que le gouvernement sache qui je suis. Et c'est pas que pour pouvoir dire dans une gare « Sarko, je te vois », c'est pas un problème. En France ça se passe assez gentiment là-dessus, hormis quelques épiciers qui font des mois en prison, ça se passe en général assez bien. Mais en Chine, c'est fondamental. On ne peut pas dire qu'un réseau internet sur lequel plus personne n'a la possibilité d'être anonyme est politiquement suffisant. On sent bien. Les chinois trouveraient qu'effectivement, internet où il n'y a plus personne d'anonyme c'est impeccable. Donc voilà, ça ce sont les impacts de la possibilité de diffuser.


41:54:00[modifier]

maintenant, en restant dans la sphère politique, les impacts de la possibilité de communiquer. Ça permet l'échange direct. Alors ça a un impact essentiellement sociétal, dont je parlerai après, qui est de la communication entre personnes en dehors du champ politique. Mais ça permet, ça me permet d'écrite à mon député pour lui dire ce que je pense de ce qu'il a dit hier dans l'hémicycle. Alors on peut trouver que ça offre de la démocratie participative, ce qui est vrai, ou que ça fout un bordel anarchique pas possible. Parce que si chaque député doit passer son temps à s'expliquer devant chaque électeur sur à peu près chaque connerie qu'il a pu dire, il a plus le temps de bosser.

Intervention du public : ...de faire plus de connerie,

(rires)

Benjamin Bayart : oui et non, parce que si ça se trouve, c'était en négligeant ce qu'il avait dit, mais va falloir qu'il explique pendant une dizaine d'heures que c'était intelligent jusqu'à ce que son interlocuteur comprenne. Or c'est très contraire au principe de la démocratie participative, qui veut que basiquement si on les a élu pour nous représenter c'est bien parce qu'on n'avait pas le temps nous d'éplucher tous les amendement sur tous les textes pour décider ce qu'il fallait voter sur tous les sujets. Alors que eux par contre, ils n'ont que ça à faire. C'est leur métier. Donc il y a une vraie question, en créant de l'échange direct, on crée une implication des citoyens, mais on crée une forme de démocratie participative qui doit pas virer au complètement anarchique. Faut que l'ensemble continue à tourner. On crée un problème de représentation. A partir du moment où j'ai accès à l'information, où je sais débattre en public, pour me forger mon opinion, il y a une probabilité assez faible pour qu'elle colle absolument parfaitement aux corps constitués qui prétendent me représenter. C'est à dire que du coup forcément, ayant pris cette habitude du débat public, j'ai un mal de chien forcément, à être 100% d'accord avec ce que dira un parti politique; à être 100% d'accord avec ce que dira un syndicat; à être 100% d'accord avec ce que dira n'importe lequel de mes représentants. Et donc forcément internet crée une crise de représentation, crée une difficulté.


44:16:20[modifier]

Un des effets également de l'outil de communication, c'est de créer une accélération. Aujourd'hui la diffusion de l'information et les échanges qui vont autour sont beaucoup plus rapide, tout le monde le sait, tout le monde le sent. Aussi bien pour les nouvelles importantes, basiquement, je ne sais pas, je vais dire une bêtise, si le gouvernement changeait, l'information serait diffusée en quelques minutes. Il y a 50 ans, quand le gouvernement changeait, il fallait à peu près 48 heures pour que tout le monde le sache. Il y a 100 ans, quand le gouvernement changeait, il fallait à peu près une semaine pour que tout le monde le sache. Donc on accélère la diffusion de l'information. On accélère aussi la diffusion de la rumeur. Chacun sait ce que c'est le buzz sur le net, une rumeur se diffuse en quelques minutes, en quelques heures. Ça aussi ça crée des problèmes politiques, ça crée des instabilités. C'est à dire que ça crée une réaction épidermique. Pas forcément grave, c'est à dire basiquement, un citoyen éclairé qui a l'habitude, qui connait les sujets, et qui machin, voit passer un truc, ça a l'air gros, avant d'immédiatement sortir la fourche à la main pour aller planter des têtes sur des piques, en 10 minutes, il clique sur deux trois liens, il regarde un peu, est-ce que ça a l'air d'être vrai, qu'est-ce que c'est ce bordel. En général, au bout de 10 minutes il fait, bon c'était de la merde, c'est pas grave. Mais donc on a un vrai problème, qui est que politiquement cette inflation de la communication entre les personnes et de la communication directe vers les gens qui prennent la parole en public, donc entre autre les politiques; pour moi quelqu'un qui tient un blog qui sert à raconter autre chose que ces recettes de cuisine, c'est quelqu'un qui fait de la politique. La seule réponse que je connaisse à ça, c'est de former. La seule réponse que je connaisse à ça, c'est d'apprendre aux gens à s'en servir. Moi, je n'ai pas encore bien fini mon apprentissage, ça ne fait que 15 ans que je m'en sers. Il y a un rôle fondamental de la formation. Exactement comme dans les conséquences de l'imprimerie, il y avait le fait qu'il fallait apprendre aux gens à lire; puisqu'on pouvait leur mettre enfin à disposition des gens des livres. Fallait bien qu'ils puissent les lire. Et bien de la même manière, puisque tout le monde peut maintenant prendre une part active at véritablement publique à n'importe quel débat, il faut apprendre aux gens à la faire. C'est à dire qu'il y a une question centrale de formation pour apprendre aux gens à écrire. Pas simplement à écrire sans faire de fautes d'orthographe, mais à écrire pour être lu par quelqu'un d'autres que le prof. On apprend pas ça dans les écoles. Et il y a vraiment besoin de l'apprendre, et il y a besoin de l'apprendre pour tous les gens qui sont amenés à être sur internet. C'est à dire que c'est un enseignement aussi fondamental que la lecture et l'écriture au CP. Internet n'a pas à être relié à des cours d'informatique, qui soient en école d'ingénieur, au lycée ou pour passer le bac. C'est une formation qui est nécessaire avant le certificat d'étude, ???pour vous aider dans les différents niveaux???, puisque tous les citoyens en ont besoin, savoir s'exprimer en public.


47:46:00[modifier]

Pas forcément être à l'aise quand il y a une centaine de personnes dans la salle et qu'on tient le micro, non, mais au moins savoir s'exprimer par écrit en public. Et je ne connais pas d'autres réponses à ça. Et c'est la seule chose qui nous garantit qu'on sera plutôt du côté du participatif que de l'anarchique, qui permettra aux modèles de représentation d'évoluer. Je ne sais pas vers quoi il va évoluer, il évoluera peut-être vers des systèmes beaucoup plus polymorphe; non pas trois grands partis ou quatre syndicats très représentatifs, mais quelques centaines d'associations, des tissus, des réseaux, sur tels points, sur les questions environnementales je suis plus proche de telle position que de telle autre. Sur les questions du traitement social de la crise, je suis plutôt proche de telle position que de telle autre, en matière d'économie etc. Et on aura, je ne sais pas, des structures plus spécialisées qui font que on retrouvera un modèle de représentation compatible avec le fait qu'il y a beaucoup plus de citoyens, beaucoup plus informés et beaucoup plus débattant. Mais ça va forcément mener à une crise. Et c'est une des raisons pour lesquelles les politiques n'aiment pas internet quoiqu'ils en disent, puisque ça remet en cause la représentation et ils sont des représentants. Et puis faut chercher. C'est à dire que je pense qu'on a probablement vu qu'un tout petit bout des effets d'internet. Et donc on a pas encore compris quelle structure de société il amènerait et donc quelle structure politique il amènerait avec lui. Je pense que vouloir lutter contre les effets néfastes est en soi amplement insuffisant. C'est exactement comme vouloir dire, je veux lutter contre les effets néfastes des tremblements de terre. Oui, ça n'empêchera pas la Terre de trembler. La seule chose qu'on puisse faire c'est d'apprendre à fabriquer des immeubles qui résistent. Essayer de se dire si je l'attache bien le continent il ne va plus bouger, ça ne marchera pas. C'est exactement de la même nature. En se disant, je vais forcer les gens à être représenté comme on était représenté au 19ème siècle, ça ne marchera pas. Donc il faut bien regarder vers quoi ça évolue pour trouver les modèles qui vont avec. Et plutôt chercher à accompagner que chercher à empêcher.


50:07:26[modifier]

Ça j'imagine que pour les gens qui sont venus ce soir c'étaient des choses que vous aviez déjà à peu près compris ; les impacts politiques d'internet. Les impacts sociétaux, par contre, c'est des choses auxquelles on réfléchit assez rarement. Il y a une approche que j'aime bien ; alors je cite rarement mes sources, celle là je l'ai volé

Ça j'imagine que pour les gens qui sont venus ce soir, c'était des choses que vous aviez déjà à peu près compris ; les impacts politiques d'internet. Les impacts sociétaux, par contre, c'est des choses auxquelles on réfléchit assez rarement. Il y a une approche que j'aime bien, alors je cite rarement mes sources, celle là je l'ai volé, celle là je l'ai piqué à Laurent Chemla qui est de dire que internet est une étape de l'évolution. Si je caricature le principe de l'évolutionnisme, la fonction crée l'organe. Ce n'est pas tout à fait ça, mais ce n'est pas très loin. Basiquement, dans l'évolution des grands singes, il est venu un moment où on a eu besoin de la parole pour communiquer. Si je ne me trompe pas, tous les grands singes communiquent, et on est les seuls grands singes à communiquer par des structures qui sont vraiment du domaine de la parole. C'était une étape dans l'évolution. Et puis il est venu un moment dans l'évolution de l'espèce plus que de la société ; le social est tellement intégré profondément à l'espèce humaine qu'on ne peut pas supprimer la communication de l'espèce. L'individu n'existe pas sans la société. Un bébé humain à qui on ne parle pas meurt. C'est un point important à comprendre. Un bébé humain, si on ne lui parle pas, il meurt, parce qu'il n'apprend pas à parler et basiquement, il ne marche pas. L'être humain ne fonctionne as s'il n'est pas en société. Donc l'écriture a représenté une étape après. Quand la parole ne suffisait plus, il était nécessaire de conserver par écrit parce qu'on perdait des bouts, parce qu'on ne s'en souvenait plus, etc. il est très compliqué de savoir dans l'exemple de l'imprimerie, si c'est l'imprimerie qui a créé la Renaissance, ou si c'est la Renaissance qui a créé l'imprimerie. Cela faisait très longtemps qu'on savait imprimer des textes. On ne savait pas le faire vite, on ne savait pas le faire efficacement, on ne savait pas le faire bien. Et ce qui s'est créé dans le cadre de l'imprimerie, c'est un modèle qui permettait de diffuser le savoir plus vite ; à une époque où la société en avait besoin. C'est à dire que les progrès de la société des Lumières, les progrès du renouveau de la recherche scientifique de la Renaissance n'auraient pas pu se diffuser sans l'imprimerie. Je ne sais pas lequel des deux a créé l'autre. Les deux sont apparus nécessairement ensemble.


52:37:00[modifier]

Internet répond très probablement aux mêmes besoins. L'imprimerie ne permet plus de diffuser suffisamment de connaissances, suffisamment vite, pour répondre aux besoins des sociétés humaines. C'est un besoin d'évolution de société, donc un besoin d'évolution de l'espèce. C'est pour moi une réponse à un besoin très fort. Et ce n'est pas parce que il y a internet qu'on a appris à communiquer vite. C'est pas non plus parce qu'on communique vite qu'on a créé internet ; puisqu'on ne communiquait pas aussi vite avant de le créer. Les deux vont ensemble. C'est parce qu'il y avait une pression dans ce sens de la façon dont fonctionnent les sociétés humaines, que le réseau est devenu inévitable. Ça aurait probablement été un autre réseau, dans un autre modèle. D 'ailleurs on a fait une tentative de réseau bien avant. C'est le cas du téléphone, c'est le cas de la télévision, c'est le cas de la radio. C'est le cas des réseaux pré-internet, tous les réseaux à communication, à ...(là B Bayart indique qu'il s'est trompé de mot de façon non verbale) à commutation de circuit, plutôt qu'à commutation de paquet étaient des tentatives de réseaux. S'ils n'ont pas aussi bien marché, c'est simplement qu'ils ne remplissaient pas le besoin. C'est très évolutionniste comme approche. Le réseau qui a survécu, c'est celui qui marche. Une conséquence de ça, c'est qu'on arrivera pas à empêcher internet. Forcément. Même si on l'éteignait, il ré-émergerait différemment.


54:23:15[modifier]

Ensuite une autre façon de réfléchir sur les impacts sociétaux. Je me suis coupé au milieu de ma phrase tout à l'heure, l'approche évolutionniste je l'ai volée à Laurent Chemla. Pour info, dans un papier qui doit s'appeler le téléporteur, où il fait très précisément ce parallèle là sur l'impact sur la société d'internet ; de mémoire je dirais que ça date de décembre 1999, ce qui tend à prouver que le débat est fort récent. Donc dans les impacts sociétaux, il y a un autre point qui est assez important à comprendre, qui est le fait que le réseau va changer la façon dont les humains font société entre eux. Exactement comme les chemins de fer ou la voiture automobile, ça change les distances. De manière très différente de ce que faisait le téléphone puisque je peux en permanence discuter avec plusieurs interlocuteurs, pas seulement pendant les quelques minutes où nous sommes au bout du fil, mais par écrit, de manière continue. C'est très différent comme façon de faire. Donc on change encore une fois les notions de distance. Le train avait raccourci les distances, Marseille n'était plus une province si éloignée qu'il fallait mettre plusieurs jours pour y aller. La voiture a changé les distances. C'est à dire que le petit village en banlieue Marseille était devenu atteignable, et non plus simplement la ville. De la même manière internet change les distances. A partir du moment où je parle à quelqu'un qui est raccordé au réseau, je n'ai pas de moyens, ça n'a pas d'importance de savoir si il est prêt, s'il est loin, s'il est sur le même continent, s'il est dans une ville ou dans une campagne, il est un interlocuteur. Ça c'est un point essentiel, on change complètement les notions de distance. Là, je suis très très loin de la connexion internet la plus proche, je suis donc en rase campagne. Si je branche un câble là, tout d'un coup je suis en zone civilisée, et je suis en zone autant civilisée que si j'étais en rase campagne mais au bout du réseau. Donc on touche aux notions de distance. C'est à dire qu'on change la géographie humaine. On touche aux notions de proximité. Ça c'est quelque chose qu'on connaissait déjà avant, c'est pas complètement nouveau, mais internet re-bouscule ce monde là. On touche les notions de proximité, les gens qui sont mes proches, ne sont plus seulement mes voisins géographiques immédiats, ça ça fait longtemps, ne sont plus seulement mes correspondants habituels, c'est à dire ceux à qui j'envoyais des lettres, mais deviennent mes lecteurs habituels, mais deviennent les commentateurs habituels de mes écrits etc. On crée donc un critère de proximité, qui n'est plus le même. C'est pas nouveau. En créant le travail en entreprise, par opposition au travail à la ferme, on changeait la proximité et donc on changeait la structure de groupe. La notion même de syndicat professionnel au 14ème siècle n'avait pas de sens. Il y avait éventuellement des dîmes pour certaines professions, mais c'était plutôt rare. De nos jours, l'idée qu'il y ait un syndicat d'à peu près n'importe quel métier semble parfaitement normal ; parce qu'on a créé une proximité, un groupe social. Et bien de la même manière, il pourrait de manière assez logique y avoir un syndicat des abonnés de Facebook, qui ne soit pas le même que le syndicat des abonnées de Gmail. Même si c'est plutôt globalement les mêmes gens dedans. Ils ne défendront pas les mêmes intérêts. Il se pourrait même que les deux syndicats soient assez fâchés. Ça n'est pas spécialement idiot.


58:34:14[modifier]

Donc on change la notion de proximité, on change la notion des gens dont on est proche. On change beaucoup la notion de rumeur. Une rumeur se propageait autrefois de bouche à oreille, donc de manière géographiquement spatiale. Potentiellement elle partait d'un point donné dans Paris, après elle circulait autour, et il y avait des études assez amusantes pour voir au bout de combien de temps on avait entendu la rumeur en question à telle ou telle distance. Ça ça explose complètement. Ce qui veut dire que les idées qui se propagent très vite, je ne sais plus comment ça s'appelle, il y a une définition de ce que c'est qu'un « meme » par analogie au gêne, c'est à dire une idée qui curieusement ne disparaît pas. Elle a a été lancée à un endroit, et puis elle circule et se reproduit assez naturellement. Ce qu'on appellerait être une idée dans l'air du temps. La diffusion des idées qui sont dans l'air du temps et qui donc se propagent bien dans la société parce que elles correspondant assez bien à la façon de penser actuelle, est énormément simplifiée par internet. Ça existant déjà avant, c'est à dire qu'il y avait déjà des idées très courues, très répandues à toute époque de l'humanité, mais qui se diffusaient lentement. En général, elle se diffusait sur des évènements assez sanglants. C'est à dire que telle idée qui paraissait à peu près évidente, comme j'en sais rien, tien la charrue par exemple, un truc utile, ça se diffusait rarement juste par proximité. C'était plutôt lors d'une guerre. Parce que les gens qui avaient la charrue étaient partis envahir les gens qui ne l'avaient pas, une fois que le chef était chef des deux, ils se rendaient compte que tiens, c'est quand même pratique, et c'était adapté. Ça ne veut pas dire qu'on tuait tout le monde et qu'on prenait le territoire, c'était pas très grave une guerre à l'époque. Ils se battaient entre chefs et le bon peuple n'en avait rien à foutre. Mais c'était un des principaux vecteurs d'échanges de rumeurs et de savoirs. Et donc ça ce sont des notions qui sont vraiment bouleversées. On me dit qu'il faut que je fasse un break. On a une minute de pause. Et en fait c'est très pénible car il faut que je me souvienne de l'endroit où je suis.


01:01:20[modifier]

C'est bon, ça tourne ? Bien. Donc en fait, on sent bien qu'on change la façon dont on fait le tissu entre les gens, dont se créent les liens entre les gens. On enlève pas les façons d'avant, les gens qui vous sont le plus proche sont toujours les êtres humains qui vous ont élevés ; que ce soient vos parents biologiques ou pas ; Voilà. On ne change rien à ce que c'est qu'une ????. on ne supprime pas la notion de cellule familiale, on ne supprime pas les notions de proximité géographique, on ne supprime pas la notion de proximité au travail ou dans le monde associatif, ce qui existe depuis quelques siècles, on crée de nouvelles racines du tissu social. On modifie subtilement les racines existantes, en particulier les familles ne se constituent plus de la même façon, mais donc on change bien la façon dont se fait le tissu social et donc la façon dont l'espèce évolue. On touche à des éléments très fondamentaux de la société. C'est pas du tout comme la mode du bilboquet. C'est pas du tout de la même ampleur. Pourquoi je dis ça, parce que dans les projets de lois qu'on nous présente et qui parlent d'internet, à prendre le célèbre Hadopi, internet est un jouet pour enfant et on va priver les enfants d'internet comme on les prive de télévision quand ils regardent trop la télé. C'est le fond de l'esprit de la loi. C'est fondamentalement une ânerie. Quelque chose qui touche aussi profondément la façon dont la société se construit, et la façon dont les citoyens sont en politique ne peut pas être considéré comme un jouet. C'est beaucoup plus sérieux que ça.


01:03:23[modifier]

D'autres impacts que j'ai classé dans les sociétaux même si je ne sais pas encore s'ils sont politiques ou pas, ou si ils ne sont que sociétaux. Le modèle sous-jacent à internet, est un modèle où le savoir se diffuse beaucoup structurellement puisque internet sert à ça, et où les gens communiquent et échangent énormément. C'est forcément très voisin de la notion « d'open society », mais alors le nom du mec qui a avancé ça en 1945, m'échappe. Il y a bien quelqu'un de cultivé à Sciences Po. Popper je crois, donc la notion de société ouverte qui est une société basiquement on dirait démocratique aujourd'hui, est une notion où une société où les libertés fondamentales sont respectées, où la liberté d'expression est respectée et où les gouvernants sont plutôt honnêtes vis à vis des gouvernés. Ça doit être à peu près ça la définition. On retrouve ça assez facilement dans le modèle internet où basiquement on crée une espèce, alors je ne sais pas quel mot trouver à part open society, on crée un modèle dans lequel si quelqu'un ment ça va se voir, et où il y a une forme de contrôle mais pas un contrôle invasif, je ne sais pas comment dire. Basiquement dans le monde du réseau, si quelqu'un fait une connerie, il ne risque pas grand chose de plus que le ridicule, mais il sera sévèrement ridicule. Et donc il va s'arrêter assez vite. Un opérateur réseau qui fait n'importe quoi sur son réseau ne peut pas espérer que ça passe inaperçu. Le réseau est trop limpide pour que ça ne se voit pas. C'est à dire que quelqu'un qui fait une bêtise dans le monde du réseau, ça je parle de l'historique, vraiment des gens qui font internet, des gens qui opèrent les routeurs etc ; quelqu'un qui fait une bêtise, ça se voit.


Intervention d'une personne dans le public : open society c'est Bergson !

Benjamin Bayart : open society c'est Bergson ?

Une autre personne dans le public : c'est le titre d'un ouvrage de Popper.

Benjamin Bayart : et c'est le titre d'un ouvrage de Popper. Il me semblait bien que je ne l'avais pas inventé celui-là. Donc, les gens qui ont fait internet, ce sont des gens qui se sont assez vite habitués à un monde dans lequel sans surveiller ce que vous faîtes, quand vous endommagez le réseau, ça se voit et il y a une réponse du réseau; généralement sous forme d'une exclusion, sous forme juste d'une remarque, attention là tu t'es gouré, t'as cassé un truc ; qui crée une espèce de société transparente dans laquelle on n'est pas spécialement exposé puisque les gens ne peuvent pas trop savoir ce que vous faîtes; on n'est pas non plus véritablement invisible, et où ça resemble un peu au contrôle qu'exercent le peuple sur les gouvernements. C'est à dire que l'information étant librement disponible, on sait ce que les gouvernants font, même si dans la majorité des cas on s'en fiche parce qu'on sait qu'il font bien, si ils se mettent à mal faire, ça va se voir, puisque nous disposons d'une presse informée et éclairée, qui nous le dira. Ben si, souvenez vous, on a découpé un roi en deux pour ça quand même. Donc ce modèle là sur internet fonctionne assez bien. Il participe de ça. Il correspond à un modèle social, à un modèle de société qui n'est pas très loin de ce que décrit l'open society. Qui n'est pas très loin de la façon dont fonctionne le logiciel libre. Je ne sais pas si le logiciel libre ça parle à tout le monde, mais ça a été une des conséquences très directe d'internet. Tous les logiciels qui font tourner internet, ont été échangés entre les gens qui faisaient internet. Il n'y a pas eu chacun..., je veux dire ce n'est pas un comité d'organisation qui a écrit ce que c'était du réseau et puis toutes les sociétés concurrentes qui se sont mises à écrire le logiciel faisant réseau. Et où quand on a le droit de tout faire tomber, basiquement on marche. Non non et ils ont tous échangés entre eux, « ah tiens , si on faisait comme ça plutôt que comme çi » et puis ils s'échangent des bouts de programme qui marchent. Et ils ont naturellement gardés ce mode de fonctionnement. Tout ce qui fait les bases techniques d'internet, ce sont des programmes qui sont librement disponibles. Quand on publie une norme qui dit, tiens je proposerais que pour consulter le contenu qui est hébergé sur un ordinateur ailleurs on utilise un protocole que j'appellerais HTTP, et bien en même temps on diffuse le bout de programme qui réalise ça. Pour dire aux gens, voilà je t'ai fait une description de ce que je pensais qui était chouette comme norme technique permettant de, je t'ai écris le programme qu'il fait comme preuve du fait que ça peut marcher, et je te propose, on le fait tourner 3,4, 5, 10, 20, 30 personnes pour vérifier que ça marche. Et puis bien après si tu as envie de faire un autre programme qui est compatible et qui viendra s'interconnecter, et au moins j'aiune preuve de comment c'est prié de marcher. Disons que le programme fait partie de la norme. Et il est librement diffusable. Donc ça ce sont des notions qui sont intimement liées à la notion de logiciel libre. C'est à dire que le logiciel libre est une conséquence immédiate d'internet et internet est une conséquence du logiciel libre. Je ne sais pas, enfin pour moi, il n'y a pas de causes et de conséquences. Il y a deux phases du même objet.


01:09:26[modifier]

C'est l'une des raisons pour lesquelles les réseaux précédents n'ont pas marché. Parce qu'ils étaient basés sur des modèles d'implémentations qui ne permettaient pas ça. C'est à dire qu'en fait, quiconque est raccordé à internet, n'importe quel informaticien qui venait se raccorder au réseau, même des tous premiers jours, ayant accès à comment le réseau fonctionne, pouvait dire tiens je propose qu'à tel point on l'améliore de telle façon. Et publier cette proposition. Et si elle était globalement acceptée, c'est à dire en fait si on trouvait la majorité des opérateurs du réseau à implémenter la fonctionnalité en question, c'était de facto devenu une norme. C'est à dire, le DNS il ne s'est pas imposé parce qu'un jour le chef d'internet a signé en bas un décret d'application disant vous utiliserez du DNS. C'est juste il y a un mec qui a dit, plutôt que de recopier tous les noms de toutes les machines à la main dans un fichier qu'on s'échange toutes les semaines, je propose qu'on essaye de faire comme ça pour plier le truc. Ça va être plus simple. Puis comme ça fonctionnait assez bien, les gens l'ont réutilisé. C'est plus une adoption par consensus, que des décrets. Et ça c'est un mode de fonctionnement qui est très voisin de celui du logiciel libre. Qui est un modèle qui n'est pas qu'un modèle de développement économique. On sent bien que derrière, il y a un mode de fonctionnement de la société qui est un espèce d'héritage de la société des informaticiens qui ont créé le réseau et qui ont créé le logiciel libre. Et ces modèles sont en train de diffuser. C'est à dire, le monde du logiciel libre est en train petit à petit de faire tâche d'huile vers d'autres couches de la société. On trouve beaucoup dans les milieux alter-quelque-chose de gens qui réfléchissent à , ah tien si on faisait de la monnaie comme on fait du logiciel libre. On trouve des gens qui réfléchissent à , tiens si on diffusait des contenus artistiques sur les mêmes principe que celui des logiciels libres. Qu'est- ce que ça induirait comme processus de création. Et on retrouve ça dans pas mal de branches de la société. C'est en train de se diffuser. Et ces principes là sont quelque part entre ce que l'on appelle communément de la démocratie participative, qui n'est pas simplement de prendre tous les avis de tous les pochtrons de tous les cafés du commerce, pour définir un programme politique. C'est un petit peu plus fin que ça normalement dans le mode de fonctionnement. C'est quelque part entre l'open society de Bergson ou Popper selon moi à qui on voudra l'attribuer, et le modèle de démocratie participative que tout le monde commence à peu près à entrevoir. Donc ça ça correspond bien à un modèle de société et je soupçonne qu'internet pousse la société vers ce modèle là. Parce que c'est un des modèles qui semble fonctionner y compris à grande échelle, avec un réseau neutre dans lequel tout le monde peut largement diffuser et communiquer. Et que c'est un modèle de société qui fait vivre des rumeurs comme dans toutes les sociétés humaines et tend aussi à les effacer comme dans toutes les sociétés humaines. Ou plus exactement à les ramener au degré d'importance qu'elles ont. Moi là-dedans entre le monde du libre, donc le bout de modèle social qu'il amène, j'ai l'intuition de n'être pas très très loin de ce qu'on appelle l'open society dans les livres, entre ça et internet, je ne sais pas lequel des deux est la cause. Et je ne sais pas lequel des deux est la conséquence. Les deux semblent intimement liés. C'est à dire que basiquement, je ne sais pas dire si c'est parce que les sociétés prenaient cette tournure là qu'internet était devenu inévitable, ou si c'est parce que l'internet est apparu qu'il est devenu inévitable, et que la société prenne cette tournure là. Pour moi, l'ensemble forme un tout, et je ne sais pas lequel est la cause et lequel est la conséquence. Exactement comme ce que j'expliquais tout à l'heure, je ne sais pas dire qui est la cause de qui est la conséquence en tre la Renaissance et l'imprimerie. Les deux vont ensemble. Les deux se sont produits ensemble, parce que ce sont en fait deux faces du même objet, qui était la croissance du savoir humain, qui n'a pas eu lieu pendant un certain nombre de siècle, et qui a repris.

Une personne dans le public : ça boucle et c'est récursif.

Benjamin Bayart : oui, ça boucle et c'est récursif mais ça ne dit pas mequel des deux est la cause de l'autre. C'est un problème de poule et d'oeuf. Les deux sont apparus.

Une personne dans le public : consubstentiellement,

Benjamin Bayart : oui. Et dans consubstanciellement, il y a substanciel. (rires). Donc si j'essaye de revenir à ma conclusion sur ce que c'est qu'internet, on a bien vu, c'est un réseau de transport neutre, par commutation de paquet, donc solide, donc résilient, donc permettant n'importe quelle application et la séparation entre ce que c'est qu'un réseau d'une part et ce que c'est que des applications, les deux étant parfaitement étanches, le réseau se contrefout de savoir s'il y a des applications, et les applications se fichent de savoir comment est fait le réseau. Cette séparation très stricte entre les deux couches application et réseau amène non pas à un objet technique, qui est simplement ce que l'on enseigne dans les écoles d'ingénieurs avec une adresse IP, un routeur, une appli, un serveur, un client, etc ; mais ça crée un outil politique majeur. Exactement comme l'imprimerie, ce n'était pas simplement le jouet technique des gens avec des casses des ???, des fonts, des formes, des caractères, des rouleaux encreurs, des presses, etc. ça n'était pas que des objets techniques, c'était beaucoup plus que ça. C'était un outil politique fort. Et donc de la même manière, internet est un outil politique fort. C'est une des racines de la société, en cours de construction de la société telle qu'elle est en train d'évoluer. Couper internet, c'est couper une des racines de la société actuelle. La façon dont la société dans laquelle nous vivons est en train d'évoluer dépend intimement du réseau internet. Je ne sais pas bien si c'est une marche dans l'évolution. Mais il y a des chances. L'hypothèse évolutionniste qui est celle qu'avait avancée Laurent Chemla et qui me semble assez séduisante, c'est à dire qu'internet est apparu parce que l'espèce humaine en avait besoin, par essai erreur, par amélioration successive, c'était le réseau qui a enfin abouti à ce dont l'espèce avait besoin comme réseau et qui continuera à évoluer d'ailleurs, c'est évident. Là on a quelque chose dont je ne sais pas si c'est vraiment une marche évolutionniste au sens de l'espèce, mais j'ai l'impression que oui. C'est à dire que les sociétés humaines seront profondément changées, et donc le mode de fonctionnement des êtres humains est profondément changé. Donc on n'est plus du tout sur un petit jouet technique. Exactement comme ce que faisait Gutemberg, ça n'était pas des clés de serrage et des petits parallélépipèdes en plomb. Il faisait autre chose. Il n'était pas forcément au courant. Mais il faisait autre chose. Quels enjeux du coup ?


01:17:28[modifier]

La question de savoir lequel des deux va manger l'autre entre le fournisseur d'accès et Google, n'est pas par elle même intéressante. C'est une question faible, qui a des petites conséquences en terme d'économie, en terme de régulation, en terme de politique quotidienne, mais en terme de politique à long terme, relativement peu importante. La question intéressante est beaucoup plus de savoir ce que deviendra le réseau. L'objet important là-dedans c'est le réseau. Puisque c'est lui qui façonne la société. Donc on a affaire à des questions qui sont politiquement beaucoup plus importantes qu'elles en ont l'air. Je ne dirais pas que c'est plus ou moins important que les questions de crise financière ou d'environnement, mais c'est très certainement de la même envergure. C'est à dire qu'un parti politique aujourd'hui, qui ne réfléchit pas aux impacts qu'a le réseau sur la société est un part qui réfléchit à des questions du siècle dernier. L'impact qu'avait l'industrie et qu'avait l'humanité en général dans l'environnement c'est une question du 20ème siècle. Elle n'est pas devenue fausse, mais c'est une question qu'il fallait se poser au 20ème siècle. La question de l'impact du réseau sur la société et donc de savoir quel réseau on veut pour savoir quelle société on a c'est une question essentielle du 21ème siècle. Et si on ne se la pose qu'au 22ème on ne se la posera que pour assumer les conséquences de nos erreurs. Les erreurs on est en train de les commettre aujourd'hui. On est donc sur un des enjeux politiques majeurs du 21ème siècle. Pas à mettre à la place des autres, mais bien à prendre en compte en plus des autres. Bien évidemment, internet est encore tout petit. C'est un enfant fort jeune. On est donc très très très très loin d'avoir compris quels impacts il aura. Moi en voyance j'ai déjà eu l'occasion de l'expliquer. Je suis très mauvais, surtout pour les prévisions concernant l'avenir. Celles sur le passé j'arrive à peu près à trouver des bouts, parce que ma mémoire déconne pas encore trop. Mais l'avenir je suis nul. Et il est évident que ce machin qui est internet a d'autres conséquences que celles que j'ai déjà comprises, et que j'ai essayé de vous expliquer de manière résumée ce soir.


01:20:08[modifier]

Il est évident que ces changements ne se feront pas sans douleur. La mort des gens dont le métier était de fabriquer des copies d'objets que maintenant on sait copier gratuitement de manière numérique, est un des tous petits effets de ce qu'est internet. Les difficultés qu'ont rencontrés les politiques en tant que représentant dans un modèle où les citoyens deviennent actifs, c'est un des phénomènes de ce qu'est ..., une des conséquences de ce qu'est internet. Une conséquence importante mais probablement pas la seule. Et on ne peut pas s'abstraire de réfléchir sur ces sujets là et de chercher non pas comment on empêchera le changement ; ce serait à mon avis parfaitement idiot ; ce qui fait que les positions des mines copistes de DVD sont parfaitement idiotes, ils ont essayé de s'opposer au changement, ça ne marchera pas. Ils ont perdu d'avance. Même si ils ne sont pas forcément convaincu, eux ils pensent qu'ils ont gagné parce qu'ils ont réussi à fabriquer une loi. Ils disaient déjà ça à la loi précédente et ils avaient déjà pas gagné. La question n'est pas de savoir comment on peut s'opposer. La question est de savoir, ce changement étant en cours et étant en cours pour des raisons probablement très profondes, comment peut-on l'accompagner ? Comment peut-on faire en sorte qu'il crée plus de solutions que de problèmes, et que les problèmes qu'il crée on sache les traiter ? C'est à peu près comme vouloir s'opposer à l'industrialisation au 19ème siècle eut été une idiotie, par contre avoir laissé l'industrialisation se faire sans traiter les problèmes sociaux qu'elle crée a été une erreur grave. Pour ceux d'entre vous qui l'ont oublié, Marx n'est pas un homme politique, c'est essentiellement un économiste, et quand vous lisez les explications économiques qu'il apporte, il décrit des phénomènes qui aujourd'hui seraient considérés comme politiquement inacceptable. L'évolution qu'on a laissé faire a été dangereuse. De la même manière, si on laisse internet modifier le monde tout seul, il y aura des crises graves. Je pense que par exemple, une de ces crises à l'heure actuelle, c'est celle sur les questions de vie privée. Je ne suis pas du tout sur qu'on puisse traiter ça de manière légère. Je ne suis pas sur non plus qu'on puisse traiter ça de manière législative. Je suis même à peu près certain qu'on ne peut pas, et on ne rend pas les gens intelligents par la loi. Par contre, il y a là, une vraie question de société dont on ne peut pas s'abstraire. Et des questions de société de cet ordre là, il y en aura des dizaines, dont certaines auront des impacts. Et donc il y a deux grands axes pour moi là-dedans, l'une qui est de comprendre que ces questions politiques sont sérieuses et l'autre qui est de comprendre que la seule chose qu'on puisse faire est de faire en sorte que le changement se passe bien. Empêcher le changement on ne pourra pas. Voilà, c'est à peu près ça que j'avais à vous dire, et j'espère que maintenant vous voyez un peu mieux ce que c'est qu'internet.


01:23:12[modifier]

(applaudissements).

la règle du jeu, à 9h10 il y a quelqu'un qui nous fout dehors et à 9h15 il lâche les chiens. Donc vous avez le droit à 30 minutes pour poser toutes les questions que vous voulez.

Question : bonsoir, donc je maintiens ce que j'ai dit l'autre fois sur la naïveté de votre conception sociologique du problème, là j'ai une question toute bête, c'est comment concilier anonymat et responsabilité ?

Benjamin Bayart : ce n'est pas une question toute bête et je n'ai pas une réponse toute bête. Je ne concilie pas, il fait bien qu'il y ait les deux. Je ne sais pas dire autrement. S'il n'y a aucune responsabilité, ça mène à un bordel sans nom, s'il n'y a pas le droit à l'anonymat, on n'est plus dans une société de ???. Il faut bien qu'il y ait les deux. Pour moi il doit y avoir un anonymat possible de principe, et les gens ne doivent pas avoir besoin d'y recourir. Curieux, comme approche. Mais exactement comme dans la vie de tous les jours. Je peux dans la société actuelle être à 99,99% anonyme et donc épouvantablement difficile à attraper. Certains des gens que je connais anarcho-gauchistes opposants à la société actuelle sont dans ce modèle là et s'expriment en général sous des faux noms, parfois avec de fausses identités, et donc sont très difficile à suivre. C'est pas mon cas. C'est important qu'on puisse, c'est important qu'ils puissent entrer en résistance. La résistance à l'oppression fait partie des droits de l'homme. Donc il est important que sur internet, on puisse être anonyme. Et ??? beaucoup plus important qu'on n'ait pas besoin de l'être. Mais il faut bien les deux. Si je ne suis pas anonyme par contrainte, je ne suis plus libre. Il faut que je ne sois pas anonyme par choix. Je ne sais pas si ça répond à la question. J'ai pas ???. moi, encore une fois je suis informaticien de métier. Et donc je suis beaucoup plus doué et certains de mes réponses en matière de ce que c'est une adresse IP, un port, un protocole, du routage et la différence qu'il y a entre BGP qui est un protocole de routage et ICMP qui est un protocole de signalisation.


01:25:58[modifier]

Question : Bonsoir, pour intervenir sur le débat sur l'anonymat, un phénomène actuel c'est wikileaks, qui est donc une organisation, une espèce d'association qui s'est mise en place pour isoler les gens qui avaient des informations hautement sensibles dans le sens où ça embête les gouvernements ou les très grandes sociétés qui ont beaucoup de moyens et le public. Donc c'est une nouvelle forme alternative de journalisme, qui s'est créé un peu pour préserver l'anonymat des sources. Donc c'est un phénomène actuel et peut-être une solution pour le futur. Sinon en fait une petite question pour revenir à un débat qui est d'actualité chez le régulateur à l'Arcep sur la neutralité.al. Donc tu étais au colloque de l'Arcep, et on a pu entendre Pascal Rogard décrire comment Dailymotion a été momentanément coupé de SFR.

Benjamin Bayard : ah non, Martin Rogard

Question : Martin Rogard, l'Arcep c'est ...

Benjamin Bayart : c'est le père, ils n'ont pas tout à fait le même point de vue sur la question,

Question : on a pu entendre deux acteurs de l'internet et leurs petites aventures, là-dessus la question est est-ce qu'il faut faire intervenir la police la régulation et la loi etc, et comment tu vois un petit peu ce qui peut se passer sur ce sujet ?

Benjamin Bayart : c'est compliqué, on a vu des entreprises se fighter, une qui a gagné, une qui a perdu, au final le réseau s'en est sorti indemne. Moi je retiens ça comme ça. Je suis très content parce que le réseau s'en est sorti indemne sans que la police soit intervenue. Et si la police était intervenue je ne suis pas sur que le réseau s'en serait sorti aussi bien. Donc je suis plutôt content de la façon dont ça s'est soldé cette affaire. Pour les gens qui n'ont pas suivi les références, à une époque Neuf a considéré que Dailymotion faisait trop de trafic et donc a décidé de foutre le bordel et de faire passer le trafic entre les abonnées neuf et Dailymotion par un chemin vicinal ce qui évitait de saturer les belles autoroutes toutes propres dont on venait de refaire les peintures. Donc Dailymotion voyant ça a fait ben moi écoutez j'y peux rien, je ne peux pas changer la façon dont le trafic est écoulé sur le réseau de Neuf, par contre ce que je peux faire c'est que les gens qui viennent voir les vidéos qui sont chez moi depuis chez Neuf, je leur mets un petit bandeau disant je suis désolé ça ne marche pas bien, ce n'est pas de ma faute c'est de la faute de votre fournisseur . Si en tant que client vous n'êtes pas content, le numéro de la hotline c'est ça (rires). Moi ayant travaillé chez les opérateurs, je me souviens bien, un client qui appelle la hotline, quelque soit le motif, même si c'est payant, même s'il attend vachement plein de minutes tout ça ça coûte. Ça coûte en moyenne 7 euros par appel. Je vous assure que c'est une arme de négociation redoutable. Je crois que Neuf a mis un peu moins de 48 heures à finalement se rendre compte que de la place sur les autoroutes, ils allaient en trouver. Et ils en ont trouvé. Donc voilà la négociation s'est bien passé, le réseau avait été abimé par un opérateur, ça s'est vu, il y eu une réaction et basiquement le réseau s'est défendu. C'est très rigolo, le réseau s'est défendu contre l'homme qui fabrique le réseau. C'est bien ça ce qui s'est passé. Est-ce qu'il faut que la police puisse intervenir, oui forcément. Parce que là on était dans une guerre entre deux acteurs qui sont à peu près de la même taille. Si au lieu de filtrer Dailymotion, Neuf avait décidé de filtrer Wikileaks, justement, ça ne créerait pas les mêmes problèmes. En particulier, Wikileaks n'aurait pas de moyen de résister. Je vais vous donner d'autres exemples, peut-être plus grand public. Si un opérateur réseau si puissant fut-il en France décide de filtrer un site de grande audience, on peut prendre un cas extrême, le plus gros opérateur de France, Orange décide de filtrer le plus gros site de contenus au monde, Google. Si les abonnés Orange n'ont plus accès à Google, ou y ont accès de manière dégradée, je pense que le bras de fer entre Orange et Google sera réglé en moins de 24 heures. Et je connais le nom du vainqueur. C'est réglé d'avance. Maintenant si on prend le même Orange et qu'on met dans le camp d'en face, j'en sais rien moi, le site de n'importe quel opposant au régime en place en Birmanie ou en Tunisie, la guerre est gagnée d'avance, il sera filtré. Il n'y a à peu près que les 50 personnes en France que le sujet intéresse qui vont le voir, comme personne ne va le relayer, Orange aura gagné. Voilà pourquoi j'estime quel a police doit intervenir. C'est malsain que Google gagne à tous lez coups contre Orange, et c'est encore plus malsain que Orange gagne à tous les coups contre l'opposant de Birmanie. Donc il y a besoin que la police intervienne, et il y a besoin que la police intervienne pour une raison très simple, ce que l'opérateur de réseau produit est un bien commun. Est une partie d'un tout, le tout s'appelant internet et le tout étant une des racines de la société. Exactement comme on ne peut pas laisser les marchands de manger vendre n'importe quoi. On a considéré à une époque qu'on pouvait parce que assez étonnamment les gens étaient en moyenne plutôt de bonne fois. Ils mettaient parfois un petit peu d'eau dans le lait, mais ça n'allait pas beaucoup plus loin. Et puis ça s'est mis à aller plus loin. De nos jours si on ne surveille pas les marchands de manger c'est pas de l'eau qu'ils mettent dans le lait. C'est de la table en poudre. C'est des malades. Le seul moyen contre ça c'est la police, je n'en connais pas d'autres. Et donc de la même manière, les gens qui fabriquent internet, ils fabriquent du manger pour la tête si tu veux. Ils fabriquent le support du manger pour la tête. On ne peut pas les laisser vendre n'importe quoi, n'importe comment sous n'importe quel nom. Il faut bien qu'il y ait un minimum de contrôle sanitaire dans ce qu'ils produisent ces gens là. Et donc ils doivent être responsable de ce qu'ils font. Et donc pour moi, il y a bien un besoin de régulation. Et les gens qui fabriquent le réseau doivent être contraints à fabriquer du réseau propre. Sans quoi on leur donne le moyen de produire un réseau qui est nocif à la société. Et ça c'est vraiment un point important comme les grands financiers ont un grand pouvoir de nocivité et doivent être contrôlés. On ne peut pas imaginer de laisser autant de pouvoir à aussi peu de gens d'être aussi nocifs sans contrôle. C'est même probablement plus important en matière d'internet qu'en matière de finance.

Question : dans ce sujet là, les opérateurs Orange et compagnie vendent de l'accès internet illimité par le téléphone qui lui bien sur en vérité il n'est pas illimité. Comment ça se positionne à ce moment là, comment est ce que...parce que on n'a beau essayer de le dire, avec une toute petite voix, on n'a pas l'impression que ça va bien loin avec la police ?

Benjamin Bayart : alors il faut bien se rendre compte jusqu'où ça va. Quand vous dîtes par téléphone, c'est pas téléphone mobile, évidemment que oui, donc on vous vend effectivement de l'accès internet illimité qui n'est pas de l'accès internet d'une part puisque le téléphone n'a pas d'adresses IP publique, ça je l'ai expliqué pendant le tome 1 de la conférence, qui n'est pas de l'accès à internet puisque vous n'avez pas accès à la totalité des applications d'internet ça je l'ai expliqué pendant le tome 2, et ce parce que leur réseau n'est pas neutre et donc représente une atteinte très grave à l'objet politique et sociétal qu'est internet, tome 3, et donc il devrait être interdit et devrait avoir des embêtements avec la police. Il y a pour ça à l'heure actuelle au moins une ou deux lois, qui le leur interdise strictement. La première c'est celle sur la publicité mensongère puisqu'ils appellent internet quelque chose qui ne l'est pas, qu'il décrivent sur leur publicité que c'est illimité alors que ça ne l'est pas. Il y a une deuxième loi qui est le code de communications électroniques, le code des postes et communications électroniques, qui est donc celui qui définit ce que c'est qu'un opérateur, qui dit que l'opérateur doit être neutre, doit opérer un réseau qui est neutre vis à vis des contenus, ce qui n'est pas le cas, puisque il peut décider par quelle application vous allez envoyer votre mail ou téléphoner à maman. Donc il y a violation de deux textes. Dans les éléments qui sont ressortis de la table ronde à laquelle je participais au colloque de l'Arcep qu'évoquait Laurent tout à l'heure, il est ressorti deux informations intéressantes. Étaient à la même table ronde que moi, le patron d'Orange, Stéphane Richard, le patron de Bouygues Telecom et un des piliers de Vodafone. Ça doit être un des responsables des affaires réglementaires de chez Vodafone, au niveau Europe. Ont tous les trois convenus en réponse à une question du public,la question du public était posée de mémoire par Martin Vigneau de Completel, qui demandait : est-ce que les opérateursà la table sont d'accord avec la définition de benjamin Bayart qui est de dire s'il n'y a pas d'adresses IP publiques, ce n'est pas un accès internet, les trois ont répondu oui. Ils sont d'accord. (rires). A une autre des questions du public, Stéphane Richard a répondu qu'effectivement France Telecom avait ces dernières années un petit peu abusé des petites lignes en bas des affiches et qu'il faudrait qu'ils arrêtent. C'est à dire qu'il est maintenant officiel et reconnu par le patron de la boite que France Telecom ment à ses clients. C'est pas bien. Visiblement la direction générale du contrôle de la concurrence et de la répression des fraudes est occupé à autre chose. D'un autre côté on ne peut pas leur en vouloir, les inspecteurs de la DGCCRF il y en a à peu près plus. Il y en a moins d'inspecteurs du travail et ce n'est pas peu dire. La police s'en fout.

01:36:58[modifier]

Question : donc aujourd'hui pour faire intervenir la police, il ne suffit pas de prendre un abonnement et …

Benjamin Bayart : non, il y a un moyen simple de faire intervenir le police, il faut dire : « Sarko, je te vois » (rires). Alors si on peut faire intervenir la police, simplement on ne peut pas faire intervenir n'importe laquelle. Il y deux choses, il y a deux moyens de faire intervenir la police, parce qu'il y en a plusieurs, des polices. L'une d'entre elle c'est la DGCCRF, elle n'intervient pas. Je ne sais pas pourquoi, je ne sais pas comment, c'est un constat elle n'intervient pas. D'ailleurs en fait quand elle se réveillera pour regarder le dossier elle dira tiens les opérateurs se sont tout seul remis à faire des trucs propres, avec à peu près cinq ans de retard. Plus exactement elle attendra qu'il n'y ait plus de problèmes à traiter pour regarder le dossier, ce qui fait que du coup elle constatera qu'il n'y a rien à faire, et c'est bien pratique parce que de toutes façon elle n'a pas les moyens de les traiter. C'est un bon moyen ça de régler le problème. En laissant suffisamment le travail reposer, à un moment il n'y a plus de travail à faire. Proscratination ça s'appelle. L'autre bout de la police c'est l'Autorité de Régulation des Communications électroniques et des Postes, et donc effectivement le problème c'est qu'un abonné ne peut pas avec juste un abonnement attaquer devant l'ARCEP . Parce qu'un abonné ne peut pas attaquer un opérateur devant l' ARCEP. L' ARCEP ne règle pas les litiges entre le grand public et les opérateurs. Alors un abonné peut prendre un abonnement internet sur le machin et puis aller devant un tribunal. Et bien avant d'avoir atteint le tribunal et très longtemps avant, France Telecom ou Bouygues ou SFR auront retenu leur très grande faute et accepté la résiliation du contrat sans pénalités ni indemnités bien évidemment. Ce dont on a besoin c'est qu'un opérateur attaque devant l' ARCEP un autre opérateur sur ce sujet là. Aller dire bonjour Mr ARCEP, je suis opérateur , ???? autre opérateur empêche mes abonnés d'utiliser mon service. C'est parfaitement anormal. Là il aurait gain de cause. C'est une des raisons pour lesquelles on est en train de mettre un peu de feu sous la casserole chez FDN pour se mettre à fournir du téléphone. Si au moment où on sort un ???? téléphone il y a encore un opérateur téléphonique en France sur le réseau mobile qui empêche ses abonnés d'accéder à notre service de téléphonie mobile sur IP, on ira en discuter avec les régulateurs. Je ne sais pas ce que ça nous coûtera en frais d'avocat, mais ????? (rires). Mais bon la tendance étant à ce que plus sérieusement les gros opérateurs ont reconnu qu'ils étaient en tort, ils vont corriger. C'est à dire qu'ils vont corriger au moins sur le filtrage. Sur le fait que ils devraient donner des adresses IP publiques, ça par contre on n'est pas rendu.

Question : c'est pas sur leur pub simplement ????

Benjamin Bayart :à mais moi ça me suffit. C'est à dire si la pub elle commence à dire je vends un accès à un réseau tout pourri où tu peux faire que ce que je veux que tu fasses, ça me va bien, au moins les clients savent ce qu'ils achètent. (rires). Après tu pourras au moins enlever le côté DGCCRF. Les gens sauront qu'ils achètent des trucs pas bien . Après on pourra attaquer du côté code des postes et des communications électroniques parce que celui là c'est pas le plus risqué. Et le fait qu'ils empêchent l'accès à telle ou telle application, et le fait que le kilo-octet de mail utilisé de telle façon coûte plus cher que le Ko de mail utilisé de telle autre façon, ce n'est pas acceptable. C'est comme ça. Le Mo de vidéo acheté chez eux coûte moins cher à transporter que le Mo de vidéo acheté n'importe où ailleurs. C'est pas acceptable. Et donc voilà, ça c'est pas normal. Les gens qui ont intérêt à agir sont les opérateurs. Et les litiges entre opérateurs se règlent devant l' ARCEP. Voilà. Je suis assez surpris parce qu'il n'y a pas de question sur le contenu de ce que j'ai raconté. Soit c'était limpide, soit vous êtes absolument tous d'accord.

Question : je sais pas si c'est forcément une question dur le contenu de ce que vous avez raconté, au moment où vous parlez, d'inspection de paquet en profondeur, je ne sais pas comment on appelle ça.

Benjamin Bayart : Deep packet inspection ?

Question : exactement, ce qui contrevient un petit peu à ce que vous expliquez sur la neutralité du réseau, des fournisseurs etc, vous pouvez en dire deux mots ?

Benjamin Bayart : alors le Deep Packet Inspection ce sont des outils, des outils DPI qui sont en général utilisés par les opérateurs et qui permettent à un routeur pendant qu'il est en train de transporter tout son trafic habituel de la main gauche, avec la main droite de faire des analyses de contenu des paquets et de prendre une décision en fonction simplement non plus de l'adresse de destination mais du contenu du paquet. Après quelle qualité d'analyse il fait, je n'en sais rien, mais basiquement à partir du moment où il arrête de regarder juste l'information nécessaire au routage, il fait du Deep Packet Inspection. Parfois c'est vachement véridique, c'est à dire que il a récupéré tous les paquets de la connexion, il a reconstitué le film, et il a vu qu'il y avait quand même un dessin de bite dedans, et il dit non non ça c'est pas bien. (rires). ?????. ce serait vraiment du vachement deep packet inspection. (rires) . Mais on peut ?????. ça c'est un outil. C'est un outil. Si l'outil il sert à faire une analyse disant sur mon réseau, 77,2% des clients vont regarder des vidéos chez Dailymotion alors que 18,3% des gens vont regarder des vidéos chez Youtube, je m'en fous. Ça ne porte pas atteinte à la neutralité du réseau, ça ne porte pas atteinte à la vie privée des gens puisque c'est une analyse parfaitement anonyme, parfaitement statistique. A partir du moment où ce n'est plus anonyme ni statistique, c'est inacceptable. C'est une atteinte à la vie privée. C'est même une atteinte au secret de la correspondance privée. Mais il existe des usages parfaitement légaux du deep packet inspection. À partir du moment où il prend en compte le résultat des analyses pour modifier le comportement de son réseau, dans quelque sens que ce soit, c'est une atteinte à la neutralité du réseau. Et ce n'est pas acceptable à priori. À l'heure actuelle, c'est justement tout l'enjeu des débats, avec les régulateurs, le législateur, national et européen sur ce que sait la neutralité du réseau, l'importance que ça a etc, etc. Les outils des deep packet inspection sont des outils. Ils ne sont pas manifestement destinés à abîmer le réseau. Ils ont d'autres usages. Evidemment, à l'heure actuelle, quand on regarde les prospectus publicitaires, les prospectus publicitaires des fabricants d'équipement qui font du DPI, expliquent tous que ça sert à faire un réseau tout pourri. Ils expliquent que ça permet de retirer des gens qui regardent des vidéos qui sont trop roses, que ça permet d'empêcher les méchants clients d'aller chez les odieux concurrents, que ça permet de retirer tous les ignobles pirates qui échangent des contenus illégaux. Je ne sais pas comment ça fait pour la légalité du contenu. En particulier quand j'échange des contenus parfaitement légaux, qui sont des copiés privées entre ma machine de Paris et ma machine d'Amiens, je ne sais pas comment il fait le machin pour se rendre compte que cette copie là est légale. Et il a intérêt à bien s'en rendre compte parce que ça s'est dans les textes européens, la copie légale j'ai le droit. Donc touts les publicités disent que ça sert à ça. Maintenant moi en tant qu'ingénieur réseau, je sais aussi qu'on peut faire d'autres usages de ces équipements là. Point. Tout ce que j'en sais. Donc je ne vois pas de raison d'interdire les équipements eux-même, par contre les usages illégaux j'aimerais bien qu'ils soient effectivement illégaux et interdits. Et j'aimerais bien qu'on m'explique avec quels moyens la police va pouvoir s'assurer que les gens qui détiennent des équipements aussi dangereux,en fassent un usage raisonnables ; finalement moi je n'ai rien contre la vente libre des chars d'assaut, j'ai beaucoup contre l'usage libre des chars d'assaut. Et si on m'explique qu'il n'y a pas moyen d'empêcher l'usage libre, je préfère qu'on empêche leur vente.

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Question : bonsoir, dans ta conférence tu insistes beaucoup sur la dimensions politique d'internet, et le côté révolutionnaire que ça peut apporter, et ce truc là est-ce que ce ne serait pas plutôt une utopie, les gens sont peut-être plus intéressés d'aller faire des tests sur Facebook que de donner leur avis sur la politique ????.

Benjamin Bayart : je sais pas, je sais pas. Comme je disais tout à l'heure, en 1789, il y avait quand même une majorité de gens qui étaient quand même plus préoccupés de faire pousser des patates pour manger, que de gens qui avaient lu Voltaire. Et ça n'a pas empêché de couper un roi en deux. Donc je ne suis pas du tout sur de ça, je suis certain qu'effectivement tout le monde n'a pas envie de passer l'immense majorité de son temps à se battre pied à pied sur des questions politiques, aller faire des conférences pour défendre un point de vue, etc, etc. je pense cependant que la fraction de la population basiquement qui réfléchit à ce qu'elle fait, pour faire simple, entraîne assez vite l'adhésion de la fraction de la population qui dit qu'elle a autre chose à faire. Si bien que même dans les élections les moins fréquentées, à peu près un français sur deux qui va voter, c'est pas vraiment parce qu'il trouve un intérêt immédiat franc, je veux dire il n'y a pas de manger, il n'y a pas de boire, le spectacle est nul, je ne sais pas si vous êtes déjà allé voter, bon basiquement les gens y vont quand même. Même si il y a une minorité assez faible de français engagés en politique, où ayant leur carte dans un parti où étant impliqué par un biais ou par un autre dans un débat, ils sont une majorité à se dire que c'est quand même relativement important. Ils se disent qu'ils n'ont pas de pierre à apporter à l'édifice, ils se disent qu'ils ont peut-être autre chose à faire dans la vie etc, mais ça ne veut pas dire qu'ils font complètement une impasse. En particulier, oui, il restera toujours une majorité de gens, pour qui internet est un outil qui permet de faire Kicoolol sur facebook. De même qu'il y a une majorité de gens, pour qui la presse sert à examiner de près et si possible de dos, le cadeau de Ribéry. (rires). Voilà. Il y a des gens, une majorité pour qui la presse ça sert à ça. Il n'empêche que si demain on portait une atteinte trop grave et trop frontale à la liberté de la presse, personne ne pourrait se le permettre politiquement ?????. une atteinte subtile masquée qui ne se voit pas trop, ça va, ça peut passer, il n'y aura pas le peuple dans la rue. Une atteinte trop massive, il y aura le peuple dans la rue. Donc voilà. Les limites de l'exercice sont la. Et basiquement l'immense majorité de population qui se fout du débat politique, qui n'a pas envie d'y participer, s'intéressera quand même aux conclusions. Et la frange de population qui participe activement au débat, je ne parle pas des quelques centaines d'élus, qui sont un peu trop minoritaires, simplement les quelques centaines de milliers de gens qui sont militants de tout poil de quelque chose. Que ce soit dans des partis, dans des syndicats, des assocs, juste qui viennent en conférence, voilà tout ce beau monde là est suffisamment nombreux pour être en contact avec la totalité du reste de la société. Et donc diffuse. Basiquement, quelqu'un qui fait de la politique que au café du commerce trois semaines avant la présidentielle, récupère quand même le résultat d'une partie de ce travail là. Qui finit par diffuser jusqu'à lui. Ça diffuse pas en huit jours, ça diffuse dans une version un peu déformée, mais ça finit par diffuser. L'exemple que je retiens, quand j'essaye d'expliquer ça c'est ce qui s'est passé sur le traité constitutionnel européen. Qui a été rejeté, alors que le seul endroit où était échangé des arguments contre c'était internet. Dans la presse, rien, dans la télé à part quelques très rares débats à des heures improbables, rien. Le seul endroit où il y avait des arguments étayés défendus etc, contre, c'était internet. Et curieusement ce sont ces arguments qui ont été retenus. Effectivement, les sondages d'opinions montrent que il y a une part non négligeable de l'électorat opposé qui était juste opposée à l'action du gouvernement, mais pas que. La part liée à vraiment des arguments opposés au traité qu'était suite à un travail et à une réflexion, est pas négligeable du tout. Et suffit plus qu'amplement à justifier les cas ?????. Donc si la frange de gens qui se servent d'internet en tant qu'outil politique, de manière directe représente une influence suffisante pour faire bouger la société. Dernière question, pour ceux qui n'en ont pas encore posé. J'essaierai de faire court pour qu'on puisse en faire deux.

Question : puisqu'on est sur les impacts sociétaux et politiques et que tu as beaucoup parler d'anonymat, qu'est ce que tu penserais d'une identité régalienne électronique ?

Benjamin Bayart : pourquoi pas comme on peut en avoir trois douzaines d'autres.

Question : pourquoi trois douzaines ? Pourquoi d'autres ?

Benjamin Bayart : et bien parce que sinon je ne suis pas anonyme. C'est pas simple. Alors quand je dis anonyme, c'est pas anonyme vis-à vis de mon banquier. C'est anonyme vis-à-vis de l'état. Et donc de tout le monde.

Question : y compris des tribunaux ?

Benjamin Bayart : bien sur !

Question: vis-à-vis de la législation, remise en cause de la responsabilité ?

Benjamin Bayart : bien sur !

Question : ça veut dire qu'on ne peut pas rechercher le responsable ?

Benjamin Bayart : si, je dois avoir la possibilité d'être anonyme. Je n'ai pas dit que ça devait être facile, je n'ai pas dit que ça devait être trivial, je n'ai pas dit que ça devait être permanent, je dois avoir la possibilité d'être anonyme. Il est important que les tribunaux français dans les périodes où il fonctionne pas bien parce qu'ils répondent à des lois mauvaises, ne puissent pas attraper des terroristes qu'on appelle aujourd'hui résistants. C'est important. Le droit à pouvoir résister à l'oppression. C'est dans les droits de l'homme. Or le seul moyen c'est qu'il n'y ait pas de certitude que les tribunaux puissent l'identifier. Si les tribunaux sont absolument certains de pouvoir identifier absolument tout le monde, en absolument tout moment, il n'y a plus moyen d'être en résistance. Dont il n'y a plus moyen de résister à l'oppression, quand il y a une oppression. Il est donc fondamental qu'on puisse être anonyme et que l'on ne ressente pas le besoin de l'être. Ce sont bien ces deux volets là. Je me promène avec mes papiers d'identité et j'agis sous mon vrai nom, parce que je suis intimement convaincu que je suis dans mon bon droit et qu'il ne m'arrivera rien. Et que même quand je dis du mal du gouvernement, on ne me mettra pas en prison. C'est important, les deux. Je pourrais faire ma conférence sous un faux nom, je pourrais militer sous un faux nom, ça m'éviterait parfois pas mal d'emmerdes avec mes patrons, ça pourrait éventuellement m'éviter des emmerdes avec la police, si on était dans un état moins démocratique. Il est important qu'il puisse y avoir les deux. Je ne dis pas que tout le monde doit être anonyme tout le temps. Je n'ai jamais été à aucun moment anonyme sur internet. Je ne veux pas être anonyme, je veux avoir le droit de l'être. Tu as droit à 12 secondes.

Question : très rapidement, tout à l'heure tu avais mentionné un traitement différent sur la neutralité du net sur le traitement entre les Etats-Unis et l'Europe ; et dans ce que tu disais, j'avais l'impression que en Europe c'est un sujet beaucoup plus politique que aux Etats-Unis ; pourquoi il y a cette différence et pourquoi est-ce que cette question ne serait pas importante aux Etats-Unis alors que le réseau est ???? partout ?

Benjamin Bayart : elle est tout à fait importante aux Etats-Unis, simplement aux Etats-Unis, les citoyens ne s'en sont pas rendus compte. Basiquement, la question de la neutralité du net, les débats aux Etats-Unis ont eu lieu il y a plusieurs années. Et à l'époque, il n'y a pas eu de structure citoyenne militante qui ait vu passer le machin et qui ait pu faire houla ça c'est important. Ça a été identifié par les structures politiques militantes, je ne parle pas des démocrates et des républicains, je parle de tous les autres. Dans les structures militantes un peu agile et un peu attentive aux Etats-Unis basiquement elles n'ont pas vu passer ce débat là qui a eu lieu il y a à peu près quatre , cinq ans. Il n'a pas été identifié comme étant politique et pour les quelques groupuscules qui l'ont vu et qui l'ont poussé, ils n'ont pas réussi à faire en sorte que ça embraye.

Question : il y a un texte ?

Benjamin Bayart : par exemple, le DMCA, Digital Millenium Copyryght Act qui date du début des années 2000, qui est un peu l'équivalent de notre UCD, est passé comme une lettre à la poste. Mais le UCD en Europe, la directive sur les copyryght et les DRM qui doit dater de 1998 ou 2000 dans ces eaux là, est passé comme une lettre à la poste. Pareil, pas un pli. C'est après qu'on s'en est rendu compte, nous les associations des libristes, etc, on a vu le texte trop tard en fait. Il était déjà voté. En fait sur la neutralité du réseau, chez nous la transposition de ces textes là ont eu lieu en France sous le nom de loi Davsi, en 2006, et c'est là qu'on a commencé à avoir un petit peu de prise de conscience politique. Où on était plus, sur les sujets internet ça fait très longtemps qu'on parle, le premier combat était vers 97,98, je peux citer les noms des combattants, je suis un peu le dernier des survivants si tu veux. Et encore, j'étais à l'époque très jeune padawan. (rires). J'étais président de FDN depuis à peine 6 mois, voilà. Laurent Chemla, ça fait longtemps qu'il est rangé des voitures, Myriam ???? on ne la voit plus , enfin voilà. Ça ne marche plus. Ils ne sont plus là, mais ça fait très longtemps, et donc pourquoi est-ce que aux Etats-Unis ils ne se sont pas rendus compte qu'il y avait ce morceau là, je ne sais pas. Peut-être parce que le débat a eu lieu un poil trop tôt. Et je pense que c'est un des points intéressant dans le fait que cet enjeu politique soit apparu aussi fort en Europe. Les américains vont se rendre compte qu'on a tout à fait raison de la traiter comme un enjeu politique. Mais simplement à l'heure actuelle, tu trouves dans l'Assemblée Nationale des députés qui ont compris le problème, même au Sénat, on trouve des sénateurs qui ont compris le problème, j'avais demandé à Bruno Retailleau de venir intervenir ce soir avec moi. Il n'a pas pu venir parce qu'il était en mission à l'étranger, donc sénateur de droite qui a parfaitement bien compris les enjeux de la neutralité. Donc on a des politiques parlementaires qui ont parfaitement compris. Je ne suis pas convaincu qu'aux Etats-Unis ce soit le cas. Parce qu'ils ne se sont pas pris des claques en boucle comme s'en prennent nos députés et nos sénateurs, sur Hadopi et Davsi. La décision du conseil constitutionnel qui dit que la liberté d'accéder à internet est nécessaire à l'exercice de la liberté fondamentale de l'article 11 de la déclaration de 1789, c'est la décision du conseil constitutionnel contre Hadopi, elle dit l'accès à internet est nécessaire. En fait elle dit l'article 11 implique le droit d'accéder librement à internet. Très clair. Ça c'est une décision européenne, forcément que la cour Suprême aura à se poser la question aux Etats-Unis, elle regardera ce qui s'est raconté sur le sujet. Et donc elle regardera entre autre, ce que les européens ont raconté. Et il y a donc d'assez grande chance, qu'elle se dise tiens cette position là n'est pas idiote, c'est vrai que c'est un point de vue qui se défend. Que dit notre premier amendement sur le sujet ? (rires) pour le moment, les rares fois où ils se sont posés la question, ils n'ont pas vu qu'il y avait ????.

Question : ils peuvent aussi prendre le problème par le liberté du commerce,

Benjamin Bayart : oui pour la liberté du commerce,

Question : le réseau doit être rendu accessible pour le monde entier. Benjamin Bayart : oui, oui.

Organisateur : merci à tous. (Applaudissements). Merci à Benjamin Bayart, les vidéos seront disponibles en format ouvert sur notre site www.libertésnumériques.net. En enfin je tiens à remercier tous les membres de l'association qui nous ont aidé à monter ce cycle d'évènement, en particulier Sylvain, et Léo, qui … (applaudissements). Merci à tous.