Émission Libre à vous ! du 25 mars 2025
Titre : Émission Libre à vous ! diffusée sur Radio Cause Commune le mardi 25 mars 2025
Intervenant·es : Lorette Costy - Laurent Costy - Magali Garnero - Vincent Calame Pierre Beyssac - Luk - à la régie
Lieu : Radio Cause Commune
Date : 25 mars 2025
Durée : 1 h 30 min
Page de présentation de l'émission
Licence de la transcription : Verbatim
Illustration : Déjà prévue.
NB : Transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·es mais rendant le discours fluide.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.
Transcription[modifier]
Voix off : Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.
Frédéric Couchet : Bonjour à toutes, bonjour à tous dans Libre à vous !. C’est le moment que vous avez choisi pour vous offrir une heure trente d’informations et d’échanges sur les libertés informatiques et également de la musique libre.
Ce mardi, nous vous convions Au café libre pour débattre autour des actualités du logiciel libre avec Bookynette, Vincent Calame et Pierre Beyssac, ce sera le sujet principal de l’émission du jour. Avec également au programme, en début d’émission, une chronique de Laurent et Lorette Costy intitulée « La technique du loup concentré-recroquevillé » et, en fin d’émission, une chronique de Luk intitulée « Qu’est-ce qu’on est bien quand on est dans son bain ! ».
Soyez les bienvenus pour cette nouvelle édition de Libre à vous !, l’émission qui vous raconte les libertés informatiques, proposée par l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.
Je suis Frédéric Couchet, le délégué général de l’April.
Le site web de l’émission c’est libreavous.org, vous pouvez y trouver une page consacrée à l’émission du jour avec tous les liens et références utiles et également les moyens de nous contacter. N’hésitez pas à nous faire des retours ou à nous poser toute question.
Nous sommes mardi 25 mars 2025. Nous diffusons en direct, mais vous écoutez peut-être une rediffusion ou un podcast.
À la réalisation de l’émission du jour mon collègue Étienne Gonnu. Bonjour Étienne.
Frédéric Couchet : Salut Fred. Bonne émission.
Frédéric Couchet : Merci. Nous vous souhaitons une excellente écoute.
[Jingle]
Chronique « À cœur vaillant, la voie est libre » de Laurent et Lorette Costy – « La technique du loup concentré-recroquevillé »[modifier]
Frédéric Couchet : Comprendre Internet et ses techniques pour mieux l’utiliser, en particulier avec des logiciels libres et services respectueux des utilisatrices et utilisateurs pour son propre bien être en particulier et celui de la société en général, c’est la chronique « À cœur vaillant, la voie est libre » de Laurent Costy, administrateur de l’April, et de sa fille Lorette.
La dernière chronique date de 2024 et je sais que ça vous manquait, une chronique dans laquelle on apprend des choses et on se marre aussi. Le thème du jour : « La technique du loup concentré-recroquevillé ».
[Virgule sonore]
Laurent Costy :Hello ma Louloute, ça fait un bail qu’on n’a pas squatté la bande FM pour raconter majoritairement des trucs inutiles avec quelques tips habilement dissimulés et deux ou trois informations badass, comme disaient les jeûnes d’il y a 10~ans !
Lorette Costy :Je confirme. Notre dernière chronique, c’était le 10 décembre 2024. On avait réussi à glisser la loi n°~2016-483, du 20 avril 2016, qui punit de cinq~ans d’emprisonnement et de 75~000 euros d’amende « la révélation ou la divulgation, par quelque moyen que ce soit, de toute information qui pourrait conduire, directement ou indirectement, à l’identification d’une personne comme membre des unités des forces spéciales ».
Laurent Costy :Les années se suivent et se ressemblent ! Un article du Monde du 17 janvier 2025 titrait : « StravaLeaks » : des dates de patrouilles des sous-marins nucléaires français dévoilées par l’imprudence de membres d’équipage ». J’étais pourtant persuadé que le cri d’alarme « Uiiii ! Uiiii ! Uiiii ! », que nous avions poussé tous les deux, dans la dernière chronique, avait été écouté par les plus hauts gradés et qu’ils avaient pris leurs responsabilités.
Lorette Costy :Moi aussi, mais tu sais, on n’était pas loin de Noël. Ils avaient sans doute encore à faire des emplettes et à acheter des mitraillettes en plastique à leurs enfants ou petits-enfants ou pire, une montre espion connectée. L’état-major n’avait donc pas le temps d’écouter notre superbe chronique, malgré toute la qualité intrinsèque qui transpire à chaque fois qu’on l’écoute.
Laurent Costy :Ça veut dire quoi « intrinsèque » ?
Lorette Costy :Je ne sais pas. Un TGV qui roule sous le soleil ?
Laurent Costy :Je ne suis pas sûr. En tous cas, j’espère qu’ils ont privilégié les mitraillettes en plastique devant les montres connectées ; c’est plus inoffensif, même si je ne pensais pas dire ça un jour en tant qu’objecteur de conscience ! Mais on pourrait faire 42 chroniques sur le sujet donc, pouet, pouet, passons à des choses plus sympathiques. Des choses plus modestes aussi que la sécurité nationale mais importantes après tout. Il faut que je te raconte mes premières impressions de mon nouveau travail !
Lorette Costy :Je serai ton oreille attentive, nettoyée de tout cérumen, et saurai te poser les questions qui vont bien pour éclairer cette nouvelle expérience. Dis-moi tout ! Est-ce que vous avez une machine à café par exemple ?
Laurent Costy :Une cafetière thermos, oui.
Lorette Costy :C’est bien ! Et sur le système d’information, tu peux nous en dire plus ?
Laurent Costy :Non, c’est top secret. Mais, puisque c’est toi, qu’on est entre nous et que ça ne dévoile pas une date de plongée d’un sous-marin nucléaire ou l’identité d’un membre des unités des forces spéciales, je vais partager. D’abord, et c’est chouette, il y a un processus de migration qui vient d’être engagé dans l’association, ce qui m’a permis de découvrir, en attendant, les outils privateurs qui étaient utilisés. C’est extrêmement déboussolant de changer d’outils. J’ai vraiment un ressenti de foufou la loutre de trucs vraiment mal conçus, mal organisés, mal pensés…
Lorette Costy :Mais, finalement, c’est juste le fait de devoir changer tes habitudes qui te donne cette impression d’être complètement paumé et incompétent ? Ce ne sont pas forcément les outils en eux-mêmes ? Si ?
Laurent Costy :Il y a beaucoup de ça, effectivement, même si ma mauvaise foi aurait envie de s’exprimer largement. Je vois aussi des choses que je ne soupçonnais pas. Par exemple, j’ai dû utiliser l’adresse gmail qui m’avait été créée et je l’ai fait directement dans le Webmail que propose Google.
Lorette Costy :À ce moment-là, combien de collègues as-tu décédés suite à cette contrainte qui te transforme d’habitude systématiquement en Hulk lanceur d’écran à travers l’environnement qui t’entoure ?
Laurent Costy :Ce sont quand même des nouveaux collègues ! J’ai essayé de me contenir et d’éviter de trop les agresser.
Lorette Costy :C’est très bien ! Je suis vraiment fière de toi. En plus, tu es encore en période d’essai et, si j’en crois mes cours de droit, le Code du travail interdit d’abîmer un collègue pendant cette période ! Et puis tiens, en passant, j’en profite pour passer un message à Léa, Antoine, Patrick, Magali, Alexandre, Mieke, Perrine, Henri et Yohann, le petit dernier : si mon papa vous fait des embêtements au travail, par embêtement j’entends défenestration quelconque, n’hésitez pas à venir m’en parler, j’ai quelques gros dossiers.
Laurent Costy :Justement, pour éviter que tu ne sortes ces gros dossiers-là, j’ai expérimenté la technique du loup concentré-recroquevillé.
Lorette Costy :Ah oui ! La technique Techlocore pour les initié·es. Ça ne veut rien dire quand c’est « acronymisé », mais tous le monde n’a pas les compétences de Framasoft pour trouver des compressions qui veulent dire des trucs.
Laurent Costy :Exact. Et puisque tu me le demandes, j’explique en quoi consiste cette technique qui, selon une source IA, remonterait à avant la Grèce antique. C’est une technique qui consiste justement à récupérer un vieil ordinateur qui traîne, le premier qui te tombe sous la main, à effacer le Windows qui est dessus et à installer un GNU/Linux à la place. C’est redoutablement efficace pour redescendre. Ça soulage… Un peu comme le caca du matin.
Lorette Costy :Ah oui ! Tu étais vraiment à cran ! Tu avais… des choses à sortir ! C’est quoi, donc, qui t’as mis dans un état pareil ?
Laurent Costy :Déjà, quand j’ouvrais une fenêtre pour écrire un mail, ça ouvrait une toute petite fenêtre avec le logo de l’asso qui prenait tout l’espace ! Bien sûr, c’est sans doute paramétrable, mais j’ai trouvé ça étonnant que ce soit l’affichage par défaut.
Lorette Costy :Donc, tu as reformaté Google et tu as installé GNU/Linux ?
Laurent Costy :Gné, gné, gné ! Qui se moque de son père, à Noël aura moins de cadeaux, dit le dicton.
Lorette Costy :Oh non, je n’aurai pas de montre connectée ! Je suis tristesse ! Et du coup, tu as trouvé le paramètre pour améliorer l’affichage ?
Laurent Costy :Je n’ai surtout rien cherché ! D’une part, il est prévu de changer de fournisseur mail bientôt et, d’autre part, un autre paramètre m’a convaincu de gérer autrement mes mails pros. Lorsque tu es sur le Webmail de Google, uBlock Origin s’affole et je ne m’attendais pas à de tels scores : figure-toi qu’en laissant ouvert le navigateur une vingtaine de minutes, uBlock Origin détecte et bloque plus de 130 requêtes non utiles pour l’affichage et la gestion des mails !
Lorette Costy :Pour celles et ceux qui ne savent pas ce qu’est uBlock Origin et qui n’écoutent pas nos chroniques, vous gagnez un blâme. Eh bien, oui, on l’a déjà dit dans des chroniques précédentes et on va devoir le répéter rien que pour vous. On vous le redit et on insiste : écoutez nos chroniques, et celles des autres et l’émission complète Libre à vous ! tant qu’à faire ! Il paraît que ça fait revenir la femme ou l’homme aimé et que ça fait éviter la prison au Monopoly.
Laurent Costy :Je rappelle qu’au bout de 10 blâmes, une personne vient chez vous, sonne à votre porte, si vous avez une sonnette, et vous demande d’adhérer ou d’augmenter votre cotisation à l’April.
Lorette Costy :C’est bien de le préciser. Donc, comme notre fibre pédagogique est naturelle et non synthétique, on vous réexplique ce qu’est µBlock Origin. On vous recommande de l’ajouter au navigateur Firefox. Comme dit le site, c’est une « extension pour navigateur, gratuite et multiplate-formes, servant à filtrer le contenu indésirable de manière pratique. » Depuis sa naissance en 2014, « le projet uBlock Origin refuse toujours les dons – je cite – et conseille plutôt à tous ses clients, utilisateurs et soutiens, de faire des dons aux gérants des listes de blocage. »
Laurent Costy :Pour comparer, j’ai ouvert dans mon navigateur l’interface web de gestion des mails que me propose mon petit fournisseur d’accès français respectueux des utilisateurs et utilisatrices, que je paye 15~euros par an pour ce service. Résultat, 0~élément détecté !!!
Lorette Costy :Trois points d’exclamation !
Laurent Costy :Ça fait quand même une belle différence ! D’autant que depuis qu’on en a parlé tout à l’heure, le compteur sur la page Google est monté à 180 et que ça ne cesse d’augmenter !
Lorette Costy :Et avec notre niveau de compétence, difficile de savoir à quoi servent précisément toutes ces requêtes vers des serveurs tiers, mais, globalement, ça sert surtout à affiner un profil consommateur pour cibler la publicité et sans doute entraîner de l’IA, tout ce qu’on veut ! Mais, on vient de faire la preuve qu’on peut gérer des mails sans tout ça !
Laurent Costy :Et c’est pour cela que je recommande la bonne vieille méthode : utiliser un client « lourd » comme Thunderbird.
Lorette Costy :« Lourd », c’est-à-dire un programme installé localement sur votre ordinateur. Vous n’avez pas à vous soucier de savoir si un bloqueur de pub est installé et fonctionnel. Mais le paramétrage initial d’un courrielleur libre, comme Thunderbird, est souvent une barrière par rapport à un service en ligne qui ne demande qu’un identifiant et un mot de passe.
Laurent Costy :C’est juste et j’ai deux remarques au sujet de Thunderbird : d’abord, le processus de connexion d’un nouveau compte s’est beaucoup amélioré. Et aussi, c’est important de comprendre ce qu’il se passe entre son ordinateur et le serveur !
Lorette Costy :Je crois qu’on a déjà parlé des protocoles POP et IMAP, mais, de toute façon, comme il y en a qui n’écoutent pas !
Laurent Costy :J’ai eu un échange avec mon nouveau collègue, Alexandre, qui est super. Il m’a dit : « J’espère qu’on va pas être obligé d’utiliser Thunderbird ! ». Il semblait réellement traumatisé. Après quelques échanges, j’ai compris qu’il avait de longue date un usage avec un protocole –~sans doute l'IMAP~– et que, lorsqu’il est passé sous Thunderbird, le paramétrage avait été fait avec l’autre protocole sans qu’il le sache.
Lorette Costy :Du coup, le comportement n’était pas du tout celui qu’il attendait et il a gardé le souvenir d’un truc qui ne marche pas, je comprends. Quelle histoire madame Placard !
Laurent Costy :Je le rassure. De toute façon, il ne sera pas obligé, avec les nouveaux mails, d’utiliser Thunderbird. Je saurai appliquer la technique du loup concentré-recroquevillé et formater le premier ordinateur qui traînera. Et puis, tolérance et compréhension, avec les quatre libertés du logiciel libres, sont les deux mamelles d’une transition réussie.
Lorette Costy :Oh la vache ! Tu vas les chercher loin tes formules ! Bref, le temps file et j’ai une vie en dehors de tes podcasts en TGV sous le soleil. Malheureusement, il va falloir conclure mon papounet potam !
Laurent Costy :Yep ! Je conclus. Non sans préciser que l’on va aussi migrer de Slack, solution propriétaire de messagerie instantanée qui tourne autour de 110 requêtes bloquées par µBlock, par Mattermost hébergé par un Chaton. Là encore, on devrait se sentir moins surveillé·es !
Lorette Costy :D’ailleurs rapidement, en parlant de surveillance, allez lire l’article de La Quadrature du Net sur le projet de loi français sur la surveillance ciblant le narcotrafic. Selon La Quadrature, il faut se méfier du « narcotraficotage » autour du texte de la loi car, sous prétexte de protéger, on affaiblit les libertés individuelles. Bref ! À lire pour la prochaine fois, il y aura interro. La bise potapapam.
Laurent Costy :La bise ma puce au silicium, à l’arséniure de gallium, à l’aluminium et au cuivre. Oui, il faut de plus en plus de métaux rares pour faire des puces.
[Virgule sonore]
Frédéric Couchet : C’était la chronique de Laurent et de lorette Costy « À cœur vaillant, la voie est libre ». Le thème du jour c’était « La technique du loup concentré-recroquevillé ».
Nous allons faire une pause musicale.
[Virgule musicale]
Frédéric Couchet : Après la pause musicale, ce sera l’heure du Café libre pour discuter autour de certains sujets d’actualité du logiciel libre.
La pause musicale a été choisie par Bookynette qui va intervenir dans le Café libre. Nous allons écouter Le Tube par les bretons de l’est. On se retrouve dans deux minutes trente. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.
Pause musicale : Le Tube par les bretons de l’est.
Voix off : Cause Commune, 93.1.
Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter Le Tube par les bretons de l’est. La chanson est disponible sous licence Art Libre.
[Jingle]
Frédéric Couchet : Nous allons passer au sujet suivant.
[Virgule musicale]
Au café libre, actualités chaudes, ton relax : débat autour de l’actualité du logiciel libre et des libertés informatiques[modifier]
Frédéric Couchet : Nous allons poursuivre par notre sujet principal et nous vous donnons rendez-vous aujourd’hui Au café libre pour discuter de certains sujets d’actualité du logiciel libre et des libertés informatiques.
Autour de la table, avec moi, il y a Pierre Beyssac. Bonjour Pierre.
Pierre Beyssac : Bonjour tout le monde.
Frédéric Couchet : Il y a Vincent Calame. Bonjour Vincent.
Vincent Calame : Salut.
Frédéric Couchet : Et, à distance, il y a Magali Garnero, alias Bookynette, car elle était un peu prise aujourd’hui, donc elle intervient depuis sa librairie. Bonjour Mag.
Magali Garnero, alias Bookynette : Salut Fred.
Frédéric Couchet : N’hésitez participer à notre conversation 09~72~51~55~46 ou sur le salon web dédié à l’émission, sur le site causecommune.fm, bouton « chat ».
Toutes les références de ce dont on va parler dans l’émission du jour sont déjà disponibles sur la page consacrée à l’émission, sur le site libreavous.org/240.
Les assemblées générales de l’April[modifier]
Frédéric Couchet : On va aborder un premier sujet, on va commencer par un sujet d’actualité dont la presse n’a pas encore parlé mais ça ne saurait tarder, c’est le week-end d’assemblée générale de l’April. Magali, c’est toi qui voulais parler un peu de ça, parce que, le week-end dernier, il y a eu deux assemblées générales de l’April.
Magali Garnero : Effectivement, les 15 et 16 mars, ça été un énorme week-end avec plein de choses extraordinaires, je ne peux pas dire « comme à chaque fois » parce que ce n’est pas vrai, c’est la deuxième année qu’on le fait. Avant l’AG, on aime bien se faire des matinées avec des petites confs éclairs de six~minutes, un tout petit peu plus parfois, où on parle de plein de sujets, qui sont faites par plein de gens, et c’est extrêmement intéressant même s’il faut se lever tôt puisque ça commence à dix~heures. Après, quand on a mangé tous ensemble, on a pu poser toutes les questions qu’on voulait aux intervenants qui n’avaient eu que six~minutes le matin, ça a donc fait un repas vraiment très animé au point de vue des conversations. Et puis, on a repris pour une assemblée générale extraordinaire, le genre de truc qu’on ne fait pas souvent, parce que cette année, Fred tu pourras le confirmer, nous avons modifié les statuts de l’April, nous les avons rendus un peu plus inclusifs et puis, surtout, nous les avons mis au goût du jour, nous avons enlevé tout ce qui n’était plus valable et ainsi de suite.
Après, il y a eu l’assemblée générale ordinaire avec, comme à chaque fois, bilan moral exposé par plusieurs personnes dont toi Fred, dont Étienne, dont Isa, dont Laurent, dont moi. On a aussi eu la chance d’avoir deux jeunes du Chapril, Pitchoum et Pilou, qui sont aussi venus nous parler de tous les services que propose notre petit Chapril.
Frédéric Couchet : Précise ce qu'est le Chapril.
Magali Garnero : Le Chapril, ce sont plusieurs services qui sont mis à la disposition des adhérents, mais pas que, par l’April. On y trouve pas mal de services comme le date, le date, je ne sais pas comment on doit dire, où on peut mettre un agenda en place.
Frédéric Couchet : C’est pour des rendez-vous amoureux, ou pas ?
Magali Garnero : Si je le prononce à l’anglaise, c’est vrai que ça peut prêter à confusion !
Frédéric Couchet : C’est plutôt pour fixer des dates de rendez-vous ou faire des sondages. C’est ça ?
Magali Garnero : Voilà, exactement, mais il y a plein de services sur le Chapril. Je pourrais vous parler aussi de tout ce qui est visioconférence avec BigBlueButton.
Frédéric Couchet : Donne peut-être le site web, tout simplement.
Magali Garnero : chapril.org. Il y a à peu près 14 services et il y en a un petit nouveau, qui s’appelle bd.chapril.org, qui permet de faire des petits dessins de BD. C'est quelque chose qu’on avait mis en place en mode urgence pour la campagne du Lama déchaîné et qui a été repris par un bénévole, qui s’appelle Frédéric, que je salue s’il nous écoute, qui nous a même fait une conférence lors des confs éclairs du matin.
C’est plein de services qui sont distribués gratuitement, librement.
Frédéric Couchet : Le Lama déchaîné, c’est la campagne de soutien financier, d’adhésion de fin d’année. Je te rappelle que nous sommes à la radio, il y a peut-être des gens qui découvrent l’April aujourd’hui. Une campagne qui a eu beaucoup de succès et qui, sans doute, sera de retour dans le courant de l’année.
Il y a donc eu des conférences éclairs le matin. Les conférences éclairs, c’est effectivement sur des sujets variés de six~minutes max pour permettent d’enchaîner, sauf une personne qui a eu neuf ou dix~minutes.
Vincent Calame : Ce n’est pas sept~minutes ?
Frédéric Couchet : Non, c’était six~minutes, Vincent, pourquoi ?
Vincent Calame : Il me semblait.
Frédéric Couchet : Non, je t’assure que c’était six~minutes max. D’ailleurs, Vincent, avant de poursuivre avec Mag sur l’AG, toi qui étais présent à ce week-end d’AG, comment as-tu trouvé ça ?
Vincent Calame : J’étais à l’émargement l’après-midi, j’étais donc dehors, j’ai suivi de loin l’AG.
J’aime beaucoup le format des conférences éclairs, parce que ça permet de voir plein de sujets pour lesquels on ne serait pas prêt à aller à une conférence d’une heure en lisant le sujet. C’est un très bon format de découverte, je pense d’ailleurs qu’il devrait être utilisé plus souvent dans des réunions libristes pour avoir cet aspect de présentation rapide. Je trouve que c’est un très bon format là-dessus.
Frédéric Couchet : C’est un format classique dans beaucoup de conférences techniques, ce n’est pas forcément six~minutes, ça peut être dix~minutes, mais c’est souvent assez classique, on le retrouve souvent. Je crois d’ailleurs que bientôt toi, Magali, et Isabella Vanni, ma collègue notamment en charge de la vie associative et des projets, vous allez intervenir dans une conférence à Lyon, en format éclair, mais une dizaine de minutes. C’est ça ?
Magali Garnero : Ça doit être ça. Je n’étais pas au courant du fait qu’on n’avait que dix~minutes, mais oui, on va le faire, on va assurer.
Frédéric Couchet : Peut-être que c’est une erreur de ma part, je vais vérifier, mais je crois que c’est une dizaine de minutes. C’est à Mixit, c’est fin avril, on mettra les références sur le site.
Précisons que les conférences éclairs étaient ouvertes à toute personne, membre ou pas de l’April. Par contre, les AG de l’après-midi étaient réservées aux membres de l’April, d’ailleurs au moins une personne a adhéré entre les deux, qui était venue pour faire une conférence éclair.
Magali Garnero : Deux !
Frédéric Couchet : Deux ! Très bien.
Pierre Beyssac : Encore mieux !
Frédéric Couchet : OK ! Pierre, sens-toi libre d’intervenir sur la partie AG. Même si tu n’es pas membre de l’April, tu as le droit de parler.
Pierre Beyssac : Merci, c’est gentil.
Magali Garnero : Comment ça ! Il n’est pas membre de l’April !
Pierre Beyssac : Pas encore.
Frédéric Couchet : En plus, Pierre Beyssac est l’une des personnes qui connaît l’April depuis… Le plus vieux !
Pierre Beyssac : J’étais né avant sa naissance, c'est tout dire !
Frédéric Couchet : Avec Pierre, nous nous connaissons depuis très longtemps.
Je vais préciser que sur la page consacrée l’émission du jour, sur libreavous.org/240, on a publié deux références : l’un des articles, c’est la publication du rapport d’activité 2024, avec 70 pages et un résumé à lire en une dizaine de minutes, pour vous permettre, en toute transparence, de voir ce que l’April a fait en 2024.
La deuxième chose, ce que tu disais tout à l’heure, l’assemblée générale extraordinaire, la première depuis une vingtaine d’années pour mettre à jour les statuts. Quel était l’objectif de mise à jour des statuts ? Tu as parlé de les rendre plus inclusifs ou de les rendre totalement inclusifs. Quel était l’objectif en fait ?
On a peut-être perdu Mag.
Magali Garnero : L’objectif était assez simple. Les statuts dataient de 2005, ils avaient à peu près 20~ans, ils n’étaient plus du tout d’actualité, ils faisaient référence à des situations qui n’étaient plus réalisables. Typiquement, en 2005, je ne sais plus combien on avait d’adhérents, mais avec 500 adhérents on pouvait encore faire des réunions tous ensemble, mais là, à 2500 ce n’est plus possible, donc il fallait changer certains termes. Il y avait aussi la comptabilité de tiers ou la comptabilité de deniers, au CA, on ne savait même plus que ce que c’était, donc ça non plus ce n’était plus valable. Il fallait vraiment leur donner un petit coup de propre, un petit coup de jeune et c’est ce qu’on a fait. On en a aussi profité pour les rendre inclusifs. Je dis tout de suite, les rendre inclusifs sans point médian, puisque, à l’April, on n’utilise pas le point médian, même si ça nous a été reproché par des personnes qui n’avaient manifestement pas lu les statuts ! On a vu le terme « président-te » arriver, « trésorièr-re » arriver, des « personnes membres ». On a aussi beaucoup utilisé des termes épicènes. Voilà ! Ça fait un joli petit coup de neuf et c’était très agréable à faire. On l’a fait en plusieurs réunions. J’ai été contente que ce soit aussi bien accueilli.
Frédéric Couchet : Oui, parce que le vote a été massif en faveur de ces nouveaux statuts, à part, effectivement, quelques personnes qui ont considéré que c’était du temps perdu, du temps inutile ou, simplement, sont opposées à ce genre de modification.
Je ne sais si vous avez un avis, soit Pierre, soit Vincent, sur ce sujet.
Vincent Calame : Je ne lis jamais les statuts d’associations ! Je dis ça ! Les statuts c'est normal, ça sert toujours en cas de crise, c’est au moment où il y a des crises, ce qui peut toujours arriver dans la vie d’une association, qu’on se rend compte que les statuts sont mal foutus. C’est donc très bien de les avoir nettoyés, je ne dis pas que l’April a un problème de crise. Malheureusement, c’est à ce moment-là que ce genre de texte est utile et il faut qu’il soit bien fait.
Pierre Beyssac : J’aime bien lire les statuts de temps en temps, à dose modérée quand même, parce que c’est vite un peu pénible. Sur l'écriture, je ne suis pas super fan du point médian parce que je suis un grammarnazi de la typographie et je trouve que c’est souvent utilisé de manière incohérente. J’aime mieux l’écriture inclusive, « président ou présidente », etc., un truc explicite puisque le point médian c’était censé, au départ, permettre une écriture plus compacte. Ça gêne des gens, moi, ça ne me gêne pas, mais ça fait quand même un peu jargon. J’aime mieux l’écriture inclusive à l’ancienne, disons, c’est peut-être mon côté vieux con, je ne sais pas.
Frédéric Couchet : Non, pas du tout ! Il y a différents outils d’écriture inclusive. Dans la première étape de la rédaction de la modification des statuts pour les rendre inclusifs, nous avons eu recours à Amélie Vergne, de la collective (R)évolution Inclusive, qui est une spécialiste de l’écriture inclusive et justement, dans les demandes qu’on lui avait faites, c’était de ne pas utiliser le point médian, de ne pas utiliser de néologismes. Un exemple de néologisme, « auditeurices » au lieu de dire « auditrices et auditeurs ». Donc pas de point médian, pas de néologismes, parce que, effectivement, les points médians peuvent rendre la lecture un peu compliquée et puis on savait que des gens se bloqueraient rien que sur ce principe-là. Ceci dit, certains se sont bloqués rien que sur ce principe-là, mais sans lire les statuts, partant du principe que « inclusive » veut dire « point médian ».
Pierre Beyssac : Ah oui ! C’est actuellement un problème : les gens qui se battent contre l’écriture inclusive ont plutôt des réserves vis-à-vis du point médian. C’est pour cela que j’aime bien le fonctionnement épicène, c’est pour cela que je dis « bonjour tout le monde », par exemple, des choses comme ça, ça évite de genrer inutilement.
Frédéric Couchet : Il faut savoir que le terme « membre », par exemple, est considéré aujourd’hui comme épicène notamment par le Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes, on peut donc dire « un membre actif » ou « une membre active ». C’est pour cela qu’on n’a pas utilisé l'expression « adhérente et adhérent », on a gardé le terme « membre ».
Sur ces points AG, avant qu’on passe au sujet suivant, est-ce que tu veux rajouter quelque chose ? Vincent veut quelque chose.
Vincent Calame : Préciser que l’AG était sur un jour, et qu’on a eu un Camp. Nous nous sommes retrouvés le dimanche. Un camp, c’est tout simplement une salle ouverte avec de la lumière, un peu de chauffage et une connexion internet. On en profite pour avancer sur les dossiers ou débattre de sujets qui touchent à l’April, profitant du fait que des gens ont pu venir de plus loin pour l’AG, d’enchaîner, puis comme ça on est chaud, on travaille là-dessus. Le matin, on a eu un débat sur l’IA, c’est très original, et ensuite, l’après-midi c’était plutôt des groupes de travail qui ont avancé chacun un peu dans son coin.
Frédéric Couchet : Occasion de remercier aussi la structure qui nous accueille, la FPH, la Fondation pour le Progrès humain, une structure qui a fait modifier son nom pour des questions d’inclusivité, parce que, avant, c’était Fondation pour le Progrès de l’Homme. J’en parle d’autant plus que Vincent en fait partie, nous a accueillis le matin, a ouvert les lieux. C’est un lieu super, en plus accessible, dans le 11e arrondissement.
Est-ce que c’est bon pour vous sur cette partie-là ? Mag.
Magali Garnero : J'aurais bien voulu dire que l’April Camp avait fini par des jeux de société en fin de journée, mais ça ne fait pas très travail, donc je n’ose pas le dire.
Des gens se sont plaints que le fait de travailler sur les statuts a enlevé de la masse bénévole à l’April, je voulais les rassurer en leur disant que nous sommes suffisamment nombreux pour ne pas avoir négligé d’autres dossiers quand nous avons travaillé sur les statuts.
Frédéric Couchet : Nombreux et nombreuses alors !
[Sonnette]
Contrat Microsoft et Éducation nationale, École polytechnique[modifier]
Frédéric Couchet : J’espère, Mag, que tu as entendu la petite sonnette, je sais que ça te fait plaisir.
Magali Garnero : J’ai entendu la sonnette !
Frédéric Couchet : Nous allons passer au deuxième sujet qui a été proposé initialement par Pierre, c’est, malheureusement, un sujet un peu récurrent, je vais le laisser introduire. C’est simplement un nouvel Open Bar/Microsoft avec le ministère de l’Éducation nationale et également une migration de l’École Polytechnique vers les outils dits de cloud de Microsoft.
Pierre, quel est le sujet ?
Pierre Beyssac : C’est mon thème récurrent, mon grand amour pour Microsoft que vous connaissez. De ce que je comprends, c’est un marché qui vient d’être lancé avec l’Éducation nationale, un marché public pour un montant entre 74~millions d’euros et 152~millions.
Frédéric Couchet : Précisons que c’est un contrat. Le contrat a été signé.
Pierre Beyssac : C’est déjà un contrat, je n’avais pas compris ! En fait, l’Éducation nationale fait une énorme commande Microsoft pour utiliser ses solutions, ce qui est un petit peu problématique en général, mais particulièrement vu le contexte géopolitique avec un président des États-Unis qui n’hésitera pas à utiliser tous les moyens à sa disposition dont les CLOUD Act, FISA et compagnie pour accéder aux contenus des utilisateurs européens des solutions des sociétés étasuniennes.
Frédéric Couchet : Rappelle ce qu’est le FISA.
Pierre Beyssac : FISA, c’est Foreign Intelligence Surveillance Act, qui autorise, qui oblige même les fournisseurs étasuniens à donner accès aux données de leurs clients partout dans le monde au gouvernement américain, sur demande de la justice ou des services secrets, le Foreign Intelligence ce sont plutôt les services secrets. Donc vos données, même si Microsoft vous garantit le contraire dans un contrat –~ce qu’il évitera probablement de faire~–, peuvent être regardées à tout moment par les services secrets étasuniens. Il y a déjà eu des précédents en la matière, de manière illégale, mais, maintenant, c’est fait de manière légale au sens de la loi étasunienne et c’est évidemment en contradiction avec les lois européennes comme le RGPD [Règlement général sur la protection des données]. Vu le contexte actuel avec un président américain qui ne se considère même plus comme l’allié de l’Europe de l’Ouest, ça devient potentiellement très dangereux. On peut supposer qu’il n’y a pas de trop de choses secret Défense à l’Éducation nationale. C’est le premier truc.
Frédéric Couchet : Avant de parler du deuxième, tu fais référence à la Défense. C’est malheureusement un problème traditionnel parce que, historiquement, il y avait aussi un Open Bar/Microsoft avec le ministère de la Défense. C’est toujours le même principe. En règle générale, c’est d’une durée de quatre~ans, avec des montants minimum, des montants maximum. À l’époque de l’accord-cadre du ministère de la Défense, dont le premier avait été signé dans les années 2005/2006, il y avait déjà des libristes dans les services informatiques du ministère de la Défense qui poussaient plutôt vers des solutions logiciel libre mais, finalement, une décision d’en haut leur impose un accord-cadre avec Microsoft. Là, on a un peu la même chose. Il n’y a pas encore très longtemps, on a reçu Alexis Kauffmann qui est à la Direction du numérique éducatif, qui pousse vers le logiciel libre à l’Éducation nationale, et là, une décision vient d’en haut, un accord-cadre qui, en plus, et c’est ce que dit le Conseil national du logiciel libre, serait visiblement illégal parce qu’il n’y a pas eu d’appel d’offres, c’est-à-dire qu’il a été signé sans appel d’offres, de gré à gré directement avec Microsoft.
Pierre Beyssac : Le communiqué du CNLL [Union des entreprises du logiciel libre et du numérique ouvert] est très intéressant parce qu’il est vraiment très détaillé sur les impacts juridiques, les risques, etc., c’est vraiment à lire.
Frédéric Couchet : On l’a mis en lien sur libreavous.org/240. Je rappelle que toutes les références de ce dont on parle aujourd’hui sont sur libreavous.org/240 et si on en cite des choses qu’on n’avait pas prévues, on les rajoutera avant le podcast.
Étienne.
Étienne Gonnu : Fred, si je peux me permettre une précision rapide sur cet Open Bar. En 2021, il y avait déjà eu un accord et un marché public passé à peu près sur le même périmètre, ce n’est pas exactement le même type de mise sous licence, etc., mais ce sont les mêmes concessions. La logique, derrière, étant qu’il y a déjà du Microsoft, pour les affaires courantes il faut continuer à l’utiliser. Là, ce qui ressort, c’est qu’on est quand même sur des montants bien supérieurs, en tout cas, ça rend évident qu’il n’y a aucune volonté de sortir de cette dépendance. C’est une chose de dire qu’on a encore du Microsoft, on ne peut pas arrêter du jour au lendemain, ça peut se discuter, enfin voilà. En tout cas, l’augmentation de la somme et la poursuite de ces accords et de ces formes de contractualisation attestent qu’il y a une absence de volonté politique au plus haut niveau alors qu’elle serait bien nécessaire pour en sortir.
Frédéric Couchet : Ça c’est l’Éducation nationale. Magali, je précise que si tu veux intervenir, n’hésite pas. Il y a aussi Polytechnique, c’est ce dont tu voulais parler, Pierre.
Pierre Beyssac : Il y a effectivement aussi Polytechnique. Je trouve ça encore plus problématique parce que Polytechnique est à la croisée du militaire, des écoles d’ingénieurs et de la recherche, donc un endroit stratégique. C’est un endroit où on forme nos étudiants, on les habitue à des logiciels. Polytechnique vient également de signer avec Microsoft un contrat sur Office 365, donc la bureautique Microsoft. Je ne suis pas grand spécialiste, grand utilisateur de produits Microsoft, donc je ne sais pas exactement ce que ça recouvre, mais, à priori, il doit y avoir des choses comme Teams et la messagerie.
Frédéric Couchet : Ça regroupe la messagerie, tous les produits et, surtout, sur des zones gérées par Microsoft, avec effectivement accès par les instances américaines si besoin.
Pierre Beyssac : Là-dedans, les problèmes sont multiples. Déjà, imbiber les étudiants qui vont bientôt sortir de l’école et entrer dans le monde professionnel de l’idéologie d’un écosystème Microsoft, ça omet de leur montrer qu’il n’y a pas que Microsoft. Ça donne des gens qui sont persuadés qu’à part Microsoft, il n’y a rien, c’étaient littéralement les réactions sur les réseaux sociaux « si vous ne voulez pas qu’ils mettent Microsoft, qu’est-ce qu’il y a d’autre ? ». En fait, les gens ignorent complètement qu’il y a d’autres solutions tout à fait utilisables. En plus, on est dans une école qui a de forts liens avec les militaires, bien entendu, donc il va y avoir de la recherche, du secret Défense, des choses comme ça, ça pose tout un tas de problèmes de confidentialité sur la recherche de pointe et, évidemment, l’argent part chez Microsoft plutôt que…
Frédéric Couchet : De l’argent public.
Pierre Beyssac : Et, pas du tout accessoirement, en plus, il y a manifestement un problème de concertation avec les chercheurs, puisque cette décision semble avoir été prise par la direction de manière unilatérale et il n’y a pas eu de discussion pour vérifier que les utilisateurs pressentis étaient d’accord avec ce type de choix. Le milieu de la recherche est un milieu qui a été, historiquement, sur l’informatique et sur Internet avant que Microsoft débarque, qui est donc habitué à des solutions plutôt libres et universitaires, donc leur balancer du Microsoft comme ça, sans demander leur avis, c’est un petit peu rude, c’est même un petit peu contre-culturel.
Frédéric Couchet : Magali, ton avis en tant que présidente de l’April ?
Magali Garnero : La première chose que j’ai dite sur les réseaux sociaux c’est que je ne suis pas surprise, mais ça m’énerve. Ça m’énerve vraiment parce que, encore une fois, les gens qui vont utiliser ces services ne sont pas consultés, on leur impose du Microsoft, on les enferme. Pour les étudiants, c’est pareil. Non seulement ils sont enfermés dans Microsoft et ils n’ont pas la chance de découvrir autre chose. Je me dis qu’il faut encore qu’on reparte au combat, alors que je pensais qu’avec la doctrine qui avait été remise à jour en juillet 2024, la doctrine technique du numérique pour l’Éducation nationale, j’avais l’impression qu’on avait fait un pas en avant. Et quand je vois ce genre de chose, je me dis que non seulement on recule, mais ils n’ont toujours rien compris !
Frédéric Couchet : Vincent, tu veux réagir avant qu’on passe au sujet suivant ?
Vincent Calame : Oui, si j’ai bien compris pour l’accord de l’Éducation, il s’agit du personnel du ministère, ça ne concerne pas tous les profs et tout le monde, c’est rappelé.
Frédéric Couchet : Excuse-moi, mais il faudrait déjà que les profs aient des ordinateurs ! Je le dis en connaissance de cause, ma femme étant elle-même prof, des ordinateurs à jour en plus !
Vincent Calame : Très bien. Alors une petite pensée pour toutes les amies et les amis militants du logiciel libre dans le monde de l’éducation, il y en a quand même un paquet et, pour eux, ça doit effectivement être une annonce pénible à digérer, mais il y a quand même plein de choses. Je rappelle l’émission 206 de Libre à vous ! sur le lycée Carnot de Bruay-la-Buissière qui montre bien tout le combat pour le logiciel libre dans le cadre d’un lycée. Une très bonne émission.
Frédéric Couchet : On va rappeler que le député Philippe Latombe a posé deux questions écrites dont on attend évidemment la réponse, incessamment sous peu, façon de parler évidemment, en tout cas on salue sa constance sur ce sujet-là.
Cet accord-cadre concerne les agents des services publics et des services décentralisés.
Pierre Beyssac : Philippe Latombe a une action de long terme en faveur de la souveraineté, ce n’est pas juste opportuniste de sa part. Il est aussi un de ceux qui ont défendu, qui ont demandé à ce que le HDH, le Health Data Hub du ministère de la Santé, ne soit pas sur moyens Microsoft.
Frédéric Couchet : Nos amis de La Quadrature nous rappelleraient que c’est aussi un grand défenseur de la vidéosurveillance algorithmique, alors qu’elle n’a démontré aucun intérêt et, au contraire, plein de dangers, mais ce n’était pas un sujet prévu aujourd’hui, donc on ne va pas en parler.
Est-ce que ça vous va si on change de sujet ?
[Clochette]
Mastodon[modifier]
Frédéric Couchet : Un petit sujet, non, pas du tout un petit sujet, d’ailleurs on ne quitte pas totalement les effets de la récente élection américaine, de tout ce qui se passe aux États-Unis, notamment avec les évolutions très toxiques de ex-Twitter, qui s’appelle maintenant X, de Meta, suite à l’élection du président américain ; un certain nombre de changements notamment par rapport à la diversité. Je crois que c’est Magali qui voulait en parler, je ne me souviens plus, en tout cas je vais juste faire l’intro. « Après son départ de X, des conseillers parisiens proposent que Paris créent un serveur Mastodon », un article de Thierry Noisette. C’est un vœu des écologistes « pour que des alternatives aux réseaux sociaux d’Elon Musk et de Mark Zuckerberg soient mis en avant par la ville de Paris et même d’aller jusqu’à créer un serveur Mastodon. »
Je crois que c’est toi, Magali, qui avait proposé ce sujet.
Magali Garnero : Oui, dès qu’on peut parler du fait qu’il faut quitter Twitter, je suis toujours à fond. Je suis donc tombée sur cet article via les réseaux sociaux que je suis : la ville de Paris, ville dans laquelle j’habite donc j’étais toute fière, allait quitter X –~j’étais contente~–, qu’elle allait aller sur Bluesky –~un peu de déception~–, mais qu’elle allait aussi avoir un compte sur Mastodon. Alors forcément, la première chose que j’ai faite c’est d’aller chercher le compte de Paris sur Mastodon pour voir si je le trouvais, même si c’est juste un compte miroir de Twitter. Il se trouve que je ne l’ai toujours pas trouvé, donc je ne sais pas où c’est référencé et puis, contrairement à Bluesky, il n’y a pas de lien pour Mastodon. Mais, je me dis que si des villes commencent à aller sur des réseaux comme Mastodon, ça va amener leurs habitants et plus il y aura de gens qui seront sur ces réseaux-là, mieux ce sera.
Frédéric Couchet : Rappelle-nous rapidement ce qu’est Mastodon pour des personnes qui ne connaîtraient pas.
Magali Garnero : Mastodon, c’est l’alternative libre et éthique à X, ex-Twitter, c’est du microblogging, on peut s’envoyer des messages, des images, on a chacun son profil. On peut discuter avec tous les gens qui sont sur sa propre instance, donc le serveur qu’on a choisi, mais aussi sur les serveurs des autres instances, des autres associations. Typiquement à l’April, notre instance, qui s’appelle pouet.chapril.org, est une instance libre, qui peut aussi discuter avec n’importe quelle autre instance. Il me semble que celle de Framasoft c’est framapiaf.org. Bref, c’est une sorte de réseau social énorme, ouvert, et c’est tellement mieux que Twitter !
Frédéric Couchet : Pierre, Vincent, une réaction là-dessus ?
Pierre Beyssac : Oui quelques mots. Je trouve la proposition plutôt bonne. Mastodon est un logiciel libre, un logiciel diffusé de manière libre, à juste titre, de manière évidente. Mastodon fait partie d’un réseau qui a des protocoles ouverts, il n’y a pas juste Mastodon qui permet d’y accéder, ça s’appelle le fédiverse, et, dessus, il y a aussi d’autres logiciels comme GNU social. En fait, c’est Mastodon le plus visible et le plus connu. C’est tout à fait à la portée de la mairie de Paris de s’installer une instance Mastodon, ça réclame un peu de boulot d’un informaticien, ça permet d’être autonome. La seule petite difficulté de Mastodon c’est que, étant décentralisé, c’est plus compliqué que sur un réseau centralisé pour retrouver des personnes ou des contenus. Parfois, il faut un peu chercher une aiguille dans une botte de foin, mais, globalement ça donne effectivement un résultat qui est très similaire à ce que fait Twitter et sans les problèmes de propriétaire de Twitter ou de X maintenant.
Frédéric Couchet : Avant de te redonner la parole, Magali, je vais simplement indiquer que nous avons consacré une émission à ce sujet, Mastodon, c’est l’émission 185. Vous allez sur libreavous.org/185, vous retrouverez l’émission avec Benjamin Sonntag, qui cogère l’instance pialle.fr, et Cécile Duflot, l’ex-ministre, actuellement directrice exécutive d’Oxfam France, qui a expliqué pourquoi elle utilise Mastodon.
Magali, je crois que tu voulais réagir.
Magali Garnero : Oui, parce que cette semaine je suis allée à Malakoff et j’ai rencontré Renaud Chaput, une des personnes qui travaillent justement pour Mastodon, qui a parlé d’une fondation qui serait mise en place pour récupérer des sous et ainsi de suite. Lui était en total désaccord sur le fait que des villes puissent avoir leur propre instance. La question lui a été posée, « est-ce que la ville de Malakoff doit avoir son instance » et il a répondu « attention, si des administrations, des élus politiques ont leur propre instance, ils auront la possibilité de censurer, de modérer, de savoir qui sont les personnes qui discutent sur ces instances-là. » Il n’était pas tout à fait chaud pour donner ce pouvoir-là à des villes en général, pas forcément Malakoff ou Paris. J’ai bien aimé réfléchir sur ce sujet-là, parce que, au départ, j’étais à fond genre « c’est trop cool et ainsi de suite » et puis, finalement, si des élus politiques commencent effectivement à avoir ce genre de pouvoir, est-ce que c’est bien, est-ce que ce n’est pas bien ? Je ne sais pas.
Frédéric Couchet : Avant de donner la parole à Vincent, je vais préciser que dans le vœu qui a été adopté suite à la sujétion des écologistes, une partie du vœu propose en particulier que la ville installe un serveur Mastodon « dont les règles de modération soient décidées par les Parisiennes et les Parisiens ». Je fais référence à ça par rapport à la remarque de Renaud Chaput qui est le directeur technique du projet Mastodon.
Vincent qui, apparemment, vient récemment de se créer un compte Mastodon. Je découvre.
Vincent Calame : Je n’étais pas du tout réseau social et je me suis dit « il faut que je me force ». En fait, tout cela c’est un effet de club, de nombre de personnes présentes, il faut donc se forcer et s’abonner à tout le monde parce que ça augmente les nombres. J’ai trouvé que le mouvement HelloQuitteX était très bien, beaucoup d’organisations ont fait l’effort de quitter X, mais si c’était pour partir sur Bluesky, les mêmes causes faisant les mêmes effets, c’est un peu problématique.
Juste une remarque. Je n’ai pas trop compris l’argument contre l’instance de Paris. Je trouve aussi qu’un intérêt de Mastodon et des instances différentes, c’est leur mode de certification de qui dit quoi, ça a quand même son importance dans le sens où si je sais que c’est un gouvernement qui a une instance. Dans le cas de Twitter, c’est la première personne qui prenait le pseudo qui avait l’identité, alors que là, avec le fait que sur Mastodon ce soit des instances différentes, c’est comme pour les sites web, on sait qu’il y a des instances plus fiables que d’autres. Ça fait aussi partie de l’apprentissage de Mastodon de savoir qu’il y a des instances plus fiables que d’autres.
Pierre Beyssac : Il y a, dans Mastodon, un mini système de certification qui permet de dire « je donne l’URL de mon blog ou de mon site officiel ou autre » au serveur qui gère mon compte et le serveur peut valider, il envoie une petite clé, un petit jeton de vérification qu’il affiche, ce qui permet aux autres utilisateurs de voir qu’il a bien vérifié que l’utilisateur correspondant est bien la personne derrière tel site ou telle adresse courriel ; je ne sais plus exactement ce qu’on peut faire, il y a différentes options. Ça permet une petite certification collaborative large, c’est un bon palliatif.
Frédéric Couchet : Sur les instances, précisons que des journaux, des médias ont créé leur propre instance. Par exemple, Mediapart a créé sa propre instance, donc les journalistes sont sur l’instance de Mediapart.
Dernière intervention sur Mastodon avant qu’on fasse une petite pause musicale pour reprendre des forces. Je crois que tu voulais intervenir, Mag.
Magali Garnero : Justement, je voulais parler de Mediapart qui vient de créer son instance. À la soirée où j’ai rencontré René Chaput, j’ai aussi rencontré Gaëtan Le Feuvre.
Frédéric Couchet : Le Feuvre et c’est Renaud Chaput, tu as dit René.
Magali Garnero : Je suis vraiment désolée. Je ne peux pas dire que c’est à cause du décalage, que c’est par téléphone et que le son passe mal ? Non, ça ne marche pas ?
Frédéric Couchet : Si, ça peut marcher.
Magali Garnero : Ça peut marcher, super. J’ai rencontré Gaétan qui était très content de dire que Mediapart avait sa propre instance, que c’était ouvert à plein d’autres personnes. Il nous a expliqué toutes les raisons pour lesquelles le journal a quitté les réseaux sociaux pas libres pour venir sur Mastodon. La réflexion est assez intéressante. Je vous conseille d’aller récupérer la vidéo de cette soirée, même si j’ai dit une grosse bêtise à un moment donné, parce que ça vaut vraiment le coup. Elle a été envoyée à l’April, donc ça ne devrait pas tarder à apparaître sur nos sites.
Frédéric Couchet : Si quelqu’un peut le mettre sur la zone de chat, sur causecommune.fm, bouton « chat », salon #libreavous, ça permettra aux gens qui nous suivent de la voir et nous la rajouterons dans la page des références.
On va avoir une petite pause musicale, parce qu’on en a quand même besoin. La sonnette a un peu de mal aujourd’hui, je ne sais pas ce qu’elle a.
Magali Garnero : C’est parce que je ne suis pas là.
Frédéric Couchet : C’est parce que tu n’es pas là, exactement, et tu nous manques.
Le choix de la pause musicale est un choix de Vincent Calame. Nous allons écouter Dig Deeper par Troigo, j’espère que ça se prononce comme ça. On se retrouve dans trois minutes. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.
Pause musicale : Dig Deeper par Troigo.
Voix off : Cause Commune, 93.1.
Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter Dig Deeper par Troigo, disponible sous licence libre Creative Commons Attribution, CC By 4.0.
[Jingle]
Deuxième partie 51’ 28[modifier]
Frédéric Couchet : Nous allons poursuivre notre discussion Au café libre, toujours avec Vincent Calame et Pierre Beyssac avec moi autour de la table, dans sa librairie Magali Garnero, alias Bookynette, Étienne toujours en régie qui intervient également quand il le souhaite.
SNCF, Deutsche Bahn et CFF sur la voie de l’interopérabilité open source[modifier]
Frédéric Couchet : On va parler un petit peu principalement aux ferrovipathes, les fans de ferroviaire, de trains. Ce n’est même pas Pierre, qui est pourtant un ferrovipathe connu, qui a proposé ce sujet, c’est moi. J’ai trouvé ça vraiment très intéressant, un sujet qui parle donc des trains en Europe et de l’interopérabilité basée sur le logiciel libre. Est-ce que tu peux nous en dire plus, Pierre ?
Pierre Beyssac : Ce sont trois grandes compagnies, donc la SNCF, les chemins de fer français la Deutsche Bahn, les chemins de fer allemands, et les CFF, les chemins de fer fédéraux suisses, plus l’UIC, l’Union internationale des chemins de fer, qui se sont associées pour promouvoir le logiciel libre en matière ferroviaire. Il y a du boulot parce que, le ferroviaire, ce sont des compagnies nationales, avec des systèmes nationaux, des protocoles nationaux, des formats de fichiers, des systèmes d’horaires, de tarifs, tout cela est géré de manière nationale et, avec l’Union européenne, on a les moyens de libérer un petit peu tout ça. Il y a des initiatives au niveau signalisation pour harmoniser au niveau européen. Il y a quelques années, une locomotive française ne pouvait pas aller sur le réseau allemand parce que ce n’étaient pas les mêmes systèmes, il fallait que chaque locomotive soit équipée pour tous les systèmes de signalisation des différents réseaux, donc ça compliquait fortement l’interopérabilité, c’est le même mot qu’en informatique, pour faire coopérer tout ça.
Frédéric Couchet : Peut-être, d’ailleurs, peux-tu préciser ce que veut dire interopérabilité dans un langage compréhensible par tout le monde.
Pierre Beyssac : L’interopérabilité, c’est la possibilité, pour un système, de fonctionner à partir d’une description technologique, technique, des mesures à respecter, des protocoles et du fonctionnement à respecter. Ça permet à deux systèmes conçus par des opérateurs ou des personnes différentes de fonctionner ensemble. Il y en a évidemment partout dans les réseaux, il y en a dans les formats de fichiers, il y en a à tous les niveaux, il y en a pour l’automobile, il y en a dans tout ce qui concerne les communications et le transport en fait.
Dans le ferroviaire, il y a des progrès à faire parce que beaucoup de systèmes ont été développés, de manière historique, pour des réseaux nationaux, des trucs assez anciens. Au niveau horaire, notamment, il y a un système qui s’appelle Hafas, qui est le système d’échange d’horaires pour les trains internationaux, mais qui est complètement fermé, c’est ce qu’on appelle un logiciel métier, ce sont des logiciels qui sont développés par des sociétés que les vendent à quelques gros clients.
Frédéric Couchet : On va donner le nom de l’initiative : elle s’appelle Openrail. J’ai cru comprendre que l’un des premiers projets sur lesquels cette initiative travaille, c’est apparemment sur la billetterie.
Pierre Beyssac : Oui, parce que la billetterie, c’est un gros binz entre pays, comme on le voit à chaque fois qu’on veut prendre un train pour voyager à l’international. Il y a beaucoup d’harmonisation d’horaires à faire, les correspondances aux frontières ne sont pas toujours optimisées pour avoir les meilleurs trajets lorsqu’on ne peut pas avoir un train direct. Ça commence à progresser pour les achats de billets, mais ce n’est pas super simple. Par exemple, les plateformes SNCF ne vendent pas les billets de la concurrence, notamment Trenitalia qui fait des trains entre Paris et Milan. D’autres plateformes sont plus ouvertes. Il y a énormément de boulot de ce côté-là. Les Français de la SNCF ont développé quelque chose qui s’appelle OSRD, j’oublie le développement, pourtant je l’avais noté dans un coin, c’est une sorte de façon de jouer au train électrique à partir des cartes collaboratives type OpenStreetMap, de simuler les horaires et vérifier que les horaires sont gérables par rapport au réseau existant. Il y a tout un tas d’initiatives autour de ça. L’initiative est très large, c’est vraiment favoriser la coopération entre réseaux à tous les niveaux, au niveau infrastructures, au niveau horaires, au niveau billets, pour partager les besoins et essayer d’harmoniser tout cela à l’échelle européenne.
Frédéric Couchet : OSRD, c’est Open Source Railway Designer, je te laisse traduire en français.
Pierre Beyssac : Je dirais « conception en logiciel libre de chemins de fer ».
Frédéric Couchet : Je vois ton petit message, Booky, je te passe la parole juste après.
Précisons que, depuis plusieurs années, la SNCF s’est bien investie dans le logiciel libre parce qu’elle fait partie des structures fondatrices d’une autre initiative qui s’appelle TOSIT, The Open Source I Trust, qui veut dire « le logiciel libre dans lequel on a confiance », qui travaille plus sur la partie logicielle, notamment les bases de données, pour travailler avec les projets, s’assurer une pérennité, l’aspect sécurité, et ça regroupe des grandes structures, il y a Orange dedans, anciennement France Télécom, je crois qu’il y a France Travail, en tout cas, il y a différentes structures. On espère, normalement, les avoir au second semestre. En tout cas, la SNCF est bien investie là-dedans.
Magali tu voulais réagir.
Magali Garnero : Oui. Pierre a cité quatre pays, quatre entreprises. Sur l’article, il me semble que des Belges sont venus s’insérer dans ce projet-là et même des Marocains. On sort donc un peu du niveau juste européen et on commence à s’étendre. Je trouve que c’est un très beau message à envoyer, le fait que tout le monde soit interopérable, c’est peut-être quelque chose qui aurait dû être fait dès le départ, comme les chargeurs de téléphones qui ont tous la même prise USB, bref, c’est du détail, mais j’adore ce mot « interopérable », donc j’adore le dire.
Frédéric Couchet : Les chargeurs de téléphones sont tous les mêmes partout ?
Magali Garnero : Non, ils ne sont pas tous les mêmes partout, mais ça devrait ! Tu vois, mon téléphone m’a fait un message ; ça devrait, tout devrait être interopérable.
Frédéric Couchet : Je vais laisser réagir Vincent, je crois qu’il voulait parler d’un point de vue historique. Dans l’article dont on parle qui est, pareil, en référence sur libreavous.org/240, c’est un article de CIO-online, il est indiqué qu’un autre objectif c’est aussi de collaborer avec des fabricants pour élaborer des normes et stimuler l’innovation. C’est donc aussi travailler avec les gens qui fabriquent du matériel.
Vincent, je crois que tu voulais parler d’un point de vue historique.
Vincent Calame : L’interopérabilité est un très vieux sujet dans les trains, le sujet de la problématique de la largeur d’écartement des rails : pendant longtemps, l’Espagne n’avait pas le même écartement, donc ce n’était pas opérable à la frontière. Il y avait eu une première conférence à Berne, en 1886, avec notamment l’Allemagne, la France, la Suisse, on les retrouve, l’Autriche-Hongrie, qui avait déjà fixé des normes d’interopérabilité, on en parle dans Wikipédia, la clé de Berne, avoir le même format de clé pour ouvrir et pour manipuler les pièces. En fait, l’interopérabilité est depuis longtemps un grand sujet pour le train. On peut, d’un côté, se réjouir, mais, d’un autre côté, plus ce sera interopérable, plus la mise en concurrence sera facile, c’est donc aussi un sujet sensible politiquement, puisque l’interopérabilité facilite la mise en concurrence sur des lignes.
Frédéric Couchet : Et permet de lutter contre des positions dominantes.
Magali Garnero : Ça va dans les deux sens !
Frédéric Couchet : Ça va dans les deux sens. Je dis ça parce qu’on a un sujet, après, sur l’abus de position dominante.
Vincent Calame : Après, qu’un service public ait une position dominante, c’est ça la question.
Frédéric Couchet : Pierre.
Pierre Beyssac : Je ne sais pas si c’est une légende urbaine, tu pourras peut-être nous le dire, mais il se disait que les choix d’écartements différents, notamment sur le continent européen, avaient paradoxalement été faits pour réduire, empêcher les invasions militaires. Si un convoi militaire doit traverser la frontière et ne peut pas utiliser les rails de l’autre côté de la frontière pour envahir un pays et envoyer des troupes, évidemment ça complique. Il paraît que ça avait été pensé pour éviter cela.
Frédéric Couchet : Ça n’arrive plus !
Pierre Beyssac : Ça n’arrive plus !
Vincent Calame : C’est l’explication qui a été donnée pour la Russie, mais je pense qu’il y a aussi le fait que les réseaux ferroviaires ont été construits à partir des capitales et ne sont connectés qu’après, après que les choix aient été faits.
Frédéric Couchet : On va préciser que Vincent est particulièrement intéressé par l’interopérabilité franco-suisse vu qu’il est lui-même franco-suisse.
Vincent Calame : Tout à fait. Une précision, en termes d’interopérabilité au sein même de la Suisse, la CFF est très bonne : il y a plusieurs compagnies ferroviaires en Suisse et ça se fait très bien au niveau billetterie, au niveau des horaires, pour l’usager c’est transparent. La coexistence de plusieurs compagnies est donc possible.
Frédéric Couchet : Tu veux dire qu’en France c’est plus compliqué ? Que la SNCF fait tout pour empêcher par exemple Trenitalia et d’autres de venir sur son marché ?
Vincent Calame : Il y a un problème de dialogue. Il y a aussi le problème du dialogue entre la SNCF et les régions, c’est le gros sujet avec les TER.
Frédéric Couchet : Aussi. Ça dépasse le cadre du logiciel libre et autres.
Vincent Calame : Mais on pourrait accuser le logiciel libre de faire jeu avec le libéralisme économique !
Frédéric Couchet : Je crois qu’on consacrera un jour une émission sur ce sujet. Le temps passe vite. Est-ce que vous avez quelque chose à rajouter sur la partie train ? Vas-y Pierre.
Pierre Beyssac : Juste un mot, annexe à Openrail lui-même. Au FOSDEM [Free and Open Source Software Developers' European Meeting], il y a pas mal de conférences sur les logiciels libres liés au ferroviaire, j’en ai notamment vu passer une sur l’optimisation de la consommation énergétique des locomotives, pour consommer le moins possible pour un trajet donné en respectant l’horaire.
Frédéric Couchet : Le FOSDEM est un événement qui a lieu le premier week-end de février, à Bruxelles, c’est sur fosdem.org, à priori, c’est en anglais, je le précise tout de suite, mais, aujourd’hui, il y a sans doute des outils de traduction qui permettront d’aider. En tout cas, vous allez sur fosdem.org, je pense que les vidéos sont disponibles.
Magali, sur les trains, est-ce que tu veux rajouter quelque chose, toi qui aimes bien les trains, notamment les trains couchettes, pour aller dans les villes pour faire ton tour de France des libristes.
Magali Garnero : Non, je ne veux rien rajouter.
Frédéric Couchet : OK. On passe au sujet d’après.
[Clochette]
Le Point et Wikipédia[modifier]
Frédéric Couchet : Vincent, il n’y a pas très longtemps, a parlé de Wikipédia. Tu as parlé d’un historique, en fait tu fais les enchaînements, c’est pour cela que je te le dis, parce que, maintenant, on va parler de Wikipédia. Tout à l’heure on a parlé de Mediapart, un journal sérieux, là on va parler du Point !
Magali Garnero : Ah !
Frédéric Couchet : C’est joli quand même, c’est gentil. Un sujet suivant qui a été proposé par Magali, ce sont les soucis que rencontre Wikipédia avec Le Point, ou l’inverse, je ne sais pas, sachant qu’un livre va bientôt paraître sur le sujet, c’est ce qui était marqué dans les échanges de préparation. Est-ce que tu peux nous raconter rapidement, Magali, ce qui se passe entre Wikipédia et Le Point, le magazine français.
Magali Garnero : Déjà, je vous dirai que vous ne trouverez pas ce futur livre en vente chez moi puisque j’ai décidé de le boycotter.
Frédéric Couchet : Parce qu’il est de chez Fayard.
Magali Garnero : Je sais plus chez qui il est, mais ça pourrait.
Vous connaissez l’encyclopédie Wikipédia, la plupart des gens peuvent intervenir pour écrire des articles, en améliorer, en justifier certains, apporter des sources secondaires ou primaires. Il se trouve que sur la page du journal Le Point, des bénévoles ont mis certaines références. Je ne vais pas prendre parti, mais, en tant que présidente de l’April, j’ai été démarchée pour appuyer un article qui avait été fait parce qu’un des journalistes du Point s’en est pris à un des bénévoles sous prétexte qu’il n’avait pas à mettre les chroniques que le journaliste avait lui-même écrites. C’est compliqué, mais, en gros, les bénévoles de Wikipédia agrémentent l’encyclopédie sur la page du Point, concluent certaines choses qui ne conviennent pas au Point. Le Point n’est pas content de ce que les bénévoles peuvent mettre sur cette page qui, du peu que j’ai vu, correspond juste à la réalité. Ils ont donc lancé une grande campagne de désinformation totale sur Wikipédia, des menaces à des bénévoles, et là j’ai vu une pétition : 50 signent cette pétition contre Wikipédia et viennent de tomber très bas dans mon estime.
Frédéric Couchet : Et aussi une mise en demeure. Pierre ou Vincent. Pierre.
Pierre Beyssac : J’ai vu l’épisode. Effectivement Le Point n’y a pas été de main morte, il a publié une série d’articles, un par jour pendant une semaine. Cela dit, j’ai quand même l’impression que Le Point avait été un peu maltraité sur sa page et il a peut-être un peu surréagi. Dans la communauté Wikipédia, d’ailleurs j’ai découvert le mot à cette occasion, il y a ce qu’on appelle des POV-pushers, des gens qui poussent leur point de vue, qui altèrent donc un peu la neutralité des pages. Ce n’est pas systémique dans Wikipédia, ça dépend des sujets, ça dépend des domaines, suivant l’équilibre des contributeurs, et, lorsque des contributeurs qui ont beaucoup de temps pour suivre les procédures Wikipédia à la lettre arrivent à se mettre sur une page pour l’orienter dans un sens qui va dans leur point de vue, c’est difficile à faire rectifier, il faut avoir beaucoup de temps là-dessus et tout le monde ne l’a pas. Il y a quand même, peut-être, quelques assouplissements à faire côté Wikipédia pour éviter qu’il y ait des espèces de forteresses, des pages tenues en forteresses, dont les points de vue ne sont pas jugés suffisamment neutres par les personnes concernées.
Après, il y a effectivement une pétition d’un certain nombre de personnes qui s’estimaient plus ou moins maltraitées dans leur page ou dont la page avait été supprimée. C’est difficile, je ne mettrais pas tous les torts du côté du Point. D’ailleurs, les contributeurs de Wikipédia ont fait des efforts, parce que, de ce que j’ai compris, la page du Point, a été un petit peu remise au carré après. Un contributeur considérait que tout ce qui était à droite de la gauche de la gauche était d’extrême droite, des noms d’oiseaux ont volé ici et là, ça a donc été un petit peu réorienté. Je trouve que ça se termine quand même plutôt pas mal.
Frédéric Couchet : Je ne sais pas si c’est terminé. Il y a quand même une mise en demeure du Point contre Wikipédia.
Je ne sais plus qui en parlait tout à l’heure, sans doute Mag, le journaliste un peu à l’origine de tout cela, Erwan Seznec, a proféré des menaces non voilées tendant à vouloir révéler l’identité réelle d’un des contributeurs de Wikipédia. Il faut rappeler que les contributeurs de Wikipédia peuvent intervenir sous leur nom, mais aussi en pseudonymat ; ce n’est pas de l’anonymat parce que ça peut être levé, par exemple sur une décision de justice. Ce journaliste avait clairement laissé entendre qu’il allait donner des informations permettant de révéler des informations personnelles sur cette personne-là, c'est ce qu’on appelle du doxing, c’est quand même quelque chose de très grave.
Je crois qu’il y a eu aussi un débat sur l’importance des sources, parce qu’en fait, dans Wikipédia, les articles sont toujours basés sur des sources primaires, secondaires, tertiaires, ce que les gens ne maîtrisent pas forcément toujours tellement.
J’ai noté dans l’article de Next, en référence dans le site sur la page de l’émission, libreavous.org/240, et je laisserai évidemment Magali et Vincent réagir, que ce que Le Point disait globalement c’est que la page présentait le magazine comme étant d’extrême droite. David Monniaux, chercheur en informatique et contributeur historique de Wikipédia, précise dans l’article sur Next : « L’article relatif au Point ne dit pas que le magazine est d’extrême droite. Il pointe des sources qui disent que certains thèmes du journal sont proches de ceux de l’extrême droite », ce n’est pas exactement la même chose quand même. Je vais conclure et je vous laisserai réagir. Dans la conclusion de l’article un universitaire, Jean-Noël Lafargue, souligne « le contexte très particulier dans lequel intervient la charge du Point, quelques semaines après qu’Elon Musk ait intensifié ses attaques à l’encontre de Wikipédia », parce qu’Elon Musk, aussi, a fait des attaques à Wikipédia, et Jean-Noël Lafargue reprend l’idée déjà exprimée par David Monniaux selon laquelle « peut-être que le caractère anti-commercial de Wikipédia lui vaut cet opprobre » et, je cite « quoi de plus inquiétant, quoi de plus subversif dans un monde marchand, que ce qui ne peut être acheté. Si Wikipédia est politique ce n’est peut-être pas parce que je ne sais quel tropisme « woke » –~entre guillemets~–, je connais plus d’un Wikipédien clairement d’extrême droite, c’est par sa résistance aux intérêts mercantiles, par sa défense de la connaissance et par la solidité sur des principes fondateurs. »
Qui veut réagir Vincent, Magali ?, ou pas besoin, pas forcément.
Vincent Calame : C’est presque étonnant qu’il y ait à nouveau ces questions-là. On a l’impression que Wikipédia est tellement dans le paysage depuis 20~ans déjà, que c’est étonnant qu’il y ait à nouveau cette offensive. On peut donc se poser des questions sur les motivations de cette offensive. Et puis, je me demande si maintenant Le Point sera considéré comme une source par Wikipédia !
Frédéric Couchet : Effectivement ! Pierre.
Pierre Beyssac : Wikipédia souffre d’un handicap dans certains milieux qui est de ne pas être commercial. Il y a quand même des dons, mais il n’y a pas de chiffre d’affaires commercial autour de Wikipédia, donc ça oblitère, ça rend plus difficile le fait d’être audible dans certains milieux. De manière naturelle, le contributif c’est plutôt l’œuvre de bénévoles, sinon il y a aussi des gens qui veulent manipuler les pages pour des raisons commerciales, qui sont payés pour ça, qui le font pour un client, c’est donc un peu compliqué. Je ne sais pas s’il n’y a aussi une question de binarisation de la vie politique, de l’opinion, avec des gens qui s’opposent, en fait, le fait de n’avoir plus que des points de vue extrêmes. Chez Wikipédia, j’aime bien l’explication que la neutralité ce n’est pas la moyenne entre deux points de vue extrêmes, ce n’est pas si simple que ça et on a peut-être tendance à l’oublier un petit peu dans la vie, dans le débat public aujourd’hui.
Frédéric Couchet : Magali, en conclusion, avant qu’on passe au prochain sujet.
Magali Garnero : Je trouve que ce qui fait la richesse de Wikipédia c’est que, justement, elle n’est pas commercialisable, sinon je pense qu’on aurait déjà un Musk qui l’aurait rachetée, qui l’aurait pervertie en réécrivant l’histoire, en redonnant plein d’informations. Donc, continuons à avoir un Wikipédia qui soit un véritable bien commun non commercial, un exemple qu’on peut citer pour expliquer ce qu’est la notion du Libre, tout comme OpenStreetMap qui est aussi quelque chose de formidable.
Frédéric Couchet : Belle conclusion.
Pierre Beyssac : Peut-être un dernier mot sur Wikipédia, par rapport au sujet : la Fondation Wikimedia, qui gère Wikipédia, n’a pas été invitée aux auditions à l’Assemblée nationale, la semaine dernière, sur l’IA et la propriété intellectuelle. C’est aussi lié au fait que tout ce qui est libre n’est pas considéré commercialement intéressant, donc n’est pas tellement audible auprès des parlementaires. C’est un peu embêtant !
[Clochette]
Un refus d’interopérabilité peut constituer un abus de position dominante[modifier]
Frédéric Couchet : On passe au sujet. Je crois que c’est aussi Mag qui l’a proposé. Tout à l’heure on a parlé d’interopérabilité, on a parlé d’abus de position dominante. Donc une critique de l’article de Silicon, que vous retrouverez sur libreavous.org/240 : « Un refus d’interopérabilité peut constituer un abus de position dominante ». C’est dans un dossier qui oppose Google, une petite structure, à une entreprise italienne autour d’Android Auto et de l’application JuicePass.
Magali, est-ce que tu veux nous expliquer ?
Magali Garnero : Comme ça fait un moment que je l’ai lu, je ne l’ai plus vraiment en tête. En gros, c’est une entreprise italienne qui avait demandé à pouvoir apparaître sur la plateforme Play Store d’Android et ça lui avait été refusé. Dans mes souvenirs, il y a eu une action en justice qui a duré trois ou quatre~ans.
Frédéric Couchet : Ce n’est pas exactement ça Mag.
Magali Garnero : Alors vas-y, parce que, du coup, je suis sur autre chose, je l’ai, c’est depuis 2020.
Frédéric Couchet : L’entreprise italienne, qui s’appelle Enel, avait lancé, en 2018, l’application JuicePass qui permet de localiser et de réserver des bornes de recharge de véhicules électriques. En fait, pour faciliter la navigation vers ces bornes, Enel avait demandé à Google de rendre l’application compatible avec Android Auto, on parle donc d’interopérabilité, sachant que Android Auto, c’est, en fait, la version d’Android qui est conçue pour les tableaux de bord des voitures. Une version modifiée de l’Android que certaines personnes ont sur leur téléphone est disponible pour les tableaux de bord des voitures.
Google avait refusé cette interopérabilité, donc donner les informations nécessaires à l’entreprise italienne pour pouvoir être compatible avec son système d’exploitation pour voiture. L’entreprise italienne a attaqué. Ça a commencé en 2019, il y a eu une décision du Conseil d’État italien qui s’est tourné ensuite vers la Cour de justice de l’Union européenne qui, au final, a donné raison à l’entreprise italienne.
Je crois que Pierre a dû lire l’article.
Pierre Beyssac : Pas vraiment, je n’ai pas trop suivi.
Frédéric Couchet : D’accord. Vas-y Mag.
Magali Garnero : Ce qui me tue c’est que Google a totalement une position de domination, il peut refuser de faire cette interopérabilité et, à côté, pousser à d’autres logiciels comme Google Maps ou le petit Waze avec la voiture et une tétine. Du coup, c’est une concurrence totalement déloyale et on ne peut rien faire ! Même si la justice donne raison à l’entreprise italienne, même si des questions sont posées à la Cour de justice de l’Union européenne, Google s’en fout, il fait ce qu’il veut !
Frédéric Couchet : L’article n’en parle pas, je ne sais pas s’il y a une amende financière ou autre, s’il y a des obligations de donner les informations d’interopérabilité, je ne sais pas. En tout cas, on va suivre ce dossier-là. Vincent veut réagir.
Vincent calame : Je suis plutôt optimiste parce que c’est quand même une très bonne nouvelle qu’il y ait un arrêt de la Cour européenne de justice. Le droit ce sont des lois, mais c’est beaucoup de jurisprudence. Je dis à chaque fois « chapeau » à ceux qui portent plainte les premiers, qui mènent un procès sur des années, mais, ensuite, ça aide beaucoup ceux qui suivent. Maintenant que Google a été pris la main dans le sac, peut-être que, dans une autre situation, ce sera beaucoup plus facile pour d’autres de porter plainte et Google hésitera à deux fois parce qu’il saura qu’il a déjà perdu une fois. C’est quand même une très bonne nouvelle.
[Clochette]
Firefox et données personnelles[modifier]
Frédéric Couchet : On va passer juste au dernier sujet prévu, on n’a même pas trois~minutes, mais ça va être rapide, je pense que Pierre est capable de maîtriser ça en moins de deux~minutes, sinon, de toute façon, je le coupe. Ça va être rapide, c’est la polémique, les débats qui ont lieu autour des changements récents dans les conditions d’utilisation de Firefox concernant le partage des données avec des partenaires. Est-ce que tu peux nous résumer rapidement ce qui s’est passé, Pierre ?
Pierre Beyssac : Firefox avait fait une promesse qui était dans sa FAQ, qui était quasiment son slogan « on ne partagera jamais vos informations, ça restera toujours comme ça » et la mention a disparu du jour au lendemain, provoquant pas mal d’émotions. La Fondation Mozilla, qui gère Firefox, a fini par émettre un communiqué rassurant disant « ne vous inquiétez pas, il n’y a pas de changement fondamental. »
Frédéric Couchet : C’est pire que ça, ils ont rajouté une mention ! Ils avaient rajouté la mention « une licence mondiale non exclusive et excluant toute redevance pour l’utilisation de ces informations –~donc les informations des personnes qui utilisent Firefox~– pour vous aider à naviguer, utiliser et interagir avec du contenu en ligne dans le cadre de votre utilisation de Firefox ». En gros, la crainte c’est qu’on avait l’impression que Mozilla allait pouvoir utiliser toutes les données qui transitaient par notre Firefox, quels que soient ses besoins, et, en plus, c’était quelque temps après le rachat d’une entreprise spécialisée dans la publicité, si j’ai bien suivi.
Pierre Beyssac : Oui. Il y avait effectivement des gros doutes là-dessus, c’est quand même à surveiller. Il y a tout un enrobage juridique autour, c’est un peu toujours la question des juristes corporates qui font des conditions générales blindées, ultra-bétonnées, qui peuvent enlever pas mal de droits aux utilisateurs, il faut quand même être vigilant à ça, qui ne se rendent pas forcément compte ou qui feignent de ne pas se rendre compte des impacts sur les droits des utilisateurs.
Frédéric Couchet : Il faut préférer les juristes qui travaillent dans les ONG ou les associations comme l’April, qui sont là pour redonner des libertés aux utilisatrices et utilisateurs.
Pierre Beyssac : Absolument. Si un juriste vous dit « il y a marqué noir », en fait ça veut dire « blanc », il faut toujours se méfier.
Frédéric Couchet : Peut-être 30~secondes chacun et chacune, Vincent, Mag, si vous voulez réagir là-dessus, pas obligé. Je crois que Mag est partie.
Magali Garnero : Non.
Frédéric Couchet : Tu voulais réagir sur Firefox
Magali Garnero : Non, 30~secondes ce n’est pas assez !
Frédéric Couchet : Quarante-cinq~secondes. Vas-y, on peut réduire la pause musicale.
Magali Garnero : Firefox, c’est quand même une communauté de pas mal de gens qui travaillent sur plein de sujets. On parle de cette petite phrase-là, mais je me souviens de la conf éclair qui a été faite le week-end de l’AG, où on nous a parlé de la possibilité d’avoir plein d’onglets, de regrouper des onglets. Ils font énormément de choses à Firefox. Faisons-leur de la pub sans oublier d’être vigilants.
Frédéric Couchet : Exactement. C’est la conférence de Christophe Villeneuve et je pense qu’à un moment ou un autre, peut-être d’ici la fin de la saison ou la prochaine, on consacrera un sujet à Firefox et aussi à la Fondation Mozilla qui sont deux choses un peu différentes.
Vincent.
Vincent : Dans le cadre de la conf, on a eu un exemple avec plus de 7~000 onglets ouverts.
Magali Garnero : 7~317, quelque chose comme ça !
Frédéric Couchet : Pierre ouvre des grands yeux. Nous aussi, nous avons ouvert des grands yeux.
Pierre Beyssac : Je suis plutôt à 250 onglets, c’est déjà pas mal !
Frédéric Couchet : Merci. On a abordé tous les sujets prévus, le dernier rapidement.
Au café libre avec Pierre Beyssac, Vincent Calame, Magali Garnero/Bookynette qui sera de retour la semaine prochaine pour un autre Café libre, mardi 1er avril, qui sera peut-être un peu particulier, on verra l’actualité qu’il y aura.
En tout cas, je vous remercie. Aux personnes qui nous écoutent, toutes les références qu’on a citées, les articles de presse, sont sur la page consacrée à l’émission du jour, libreavous.org/240.
Nous allons faire une pause musicale.
[Virgule musicale]
Frédéric Couchet : Après la pause musicale, nous entendrons la chronique de Luk.
Je suis très content parce que, en musique libre, les artistes sont souvent assez anciens, ne tournent pas et là, c’est un groupe qui tourne encore, je vous annoncerai où vous pourrez le rencontrer bientôt.
Nous allons écouter Agger par Stone From The Sky. On se retrouve dans quatre minutes. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.
Pause musicale : Agger par Stone From The Sky.
Voix off : Cause Commune, 93.1.
Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter Agger par Stone From The Sky, disponible sous licence libre Creative Commons, Partage dans les mêmes conditions, CC By 3.0.
J’en profite pour signaler que Stone From The Sky sera au Festival Graf Zeppelin, au Mans, le 31 mai 2025.
[Jingle]
Frédéric Couchet : Nous allons passer au sujet suivant.
[Virgule musicale]
Chronique « La pituite de Luk » – « Qu’est-ce qu’on est bien quand on est dans son bain ! »[modifier]
Frédéric Couchet : Nous allons poursuivre avec la chronique « La pituite de Luk ». « La pituite de Luk » est une chronique rafraîchissante, au bon goût exemplaire, qui éveille l’esprit et développe la libido. Il a été prouvé scientifiquement qu’écouter la pituite augmente le pouvoir de séduction, augmente le succès dans les affaires et aux examens, et décuple le sex-appeal, retour de l’être aimé, il ou elle reviendra à manger dans votre main, comme un petit chien. Ça a été écrit par Luk, je lui en laisse la responsabilité.
Le thème du jour de « La pituite de Luk » : « Qu’est-ce qu’on est bien quand on est dans son bain ! »
[Virgule sonore]
Luk : Pituite exceptionnelle. Cette fois-ci, je ne vais pas parler d’Elon Musk, pas tout à fait. Ce n’est pas facile ! J’ai compris grâce à lui et quelques autres de ses compères que les visions de l’univers des astronomes comme des platistes sont erronées. Copernic s’est planté, l’univers est en réalité « omphalotropique ». Ne cherchez pas, c’est moi qui ai inventé l’expression pour faire intello à bon compte. Ça vient du grec omphalos, le nombril. À l’évidence, le monde orbite beaucoup autour de celui de Musk ces temps-ci.
Mais il y a plus intéressant que le bonhomme lui-même. La cristallisation de la contestation un peu partout dans le monde autour de ses bagnoles retient mon attention. Les ventes plongent, les concessions crament, les propriétaires se font doxer… La presse parle beaucoup de sa valorisation boursière en chute libre, mais, si on regarde son évolution, elle avait explosé depuis six mois et, pour l’heure, ce n’est qu’une régression vers son niveau précédent.
Vu de ma chaise, ça ressemble à une attaque en règle contre lui. Il faut savoir que la fortune qu’il a déversée pour racheter Twitter vient en grande partie d’un emprunt adossé à ses actions Tesla. Si l’action plonge réellement, alors sa solvabilité sera très précaire et ce n’est pas Twitter/X qui va faire rentrer du cash. C’en est au point que même le golfeur qui occupe la maison blanche entre deux parties, fait de la retape et menace les vandales de 20~ans de prison pour sauver le business de son exécuteur des hautes œuvres. C’est que c'est fragile ces petites choses-là, les voitures mais aussi le château de cartes qu’est l’empire de Musk.
Je retrouve donc un peu d’espoir à voir une riposte qui attaque le petit portefeuille sensible de Musk qui palpite là où les autres humains ont un cœur.
Les entreprises de la tech, comme on dit, sont coutumières des valorisations boursières délirantes et on voudrait nous faire croire que c’est légitime. Ils innovent, ils écrivent le futur, ce sont des génies. Et pourtant, dans le cas de Tesla, des choses bizarres se passent : les actionnaires commencent à s’impatienter de ne pas voir de nouveaux modèles débouler, alors que la concurrence a largement rattrapé son retard. Oui, la boîte est de plus en plus rentable, elle a commencé à gagner de l’argent en 2019, mais, mis à part la blague du Cybertruck, elle n’a pas sorti de nouveaux modèles depuis 2017. C’est plus facile de faire du bénéfice quand on n’investit pas, je suppose.
Musk a récemment annoncé un projet de robotaxi entièrement autonome, qui a été immédiatement suivi de la démission de quatre de ses subordonnés directs ; huit ont quitté la boîte dans l’année. En 2024, il a retenté de se faire payer une rémunération exceptionnelle de 56~milliards, ce qui représente huit fois le bénéfice de l’année. Caramba !, encore raté, la justice a bloqué la manœuvre une seconde fois. C’est comme si Musk avait perdu son mojo.
Toujours vu de ma chaise, c’est bizarre, mais en plissant un peu des yeux, on dirait que ce gros merdier a la forme d’une bulle.
Et Tesla n’est pas une exception. Professionnellement, je connais deux solutions concurrentes. L’une développée depuis 15~ans par une équipe de trois dev d’une PME française. L’autre est développée par une de ces entreprises de la tech depuis 15~ans aussi. Ils ont toute la panoplie : les tours de table successifs jusqu’à collecter presque un milliard de dollars, la valorisation délirante, l’absence de bénéfice et la prétention d’être les meilleurs du marché. Cette dernière a notamment mis un de ses clients dans la merde, jusque par-dessus la tête. Sur le périmètre précis que je connais, ils ont dû facilement déverser 10~fois plus de budget que la solution de la PME. Pourtant, l’écart fonctionnel entre les deux n’est pas énorme. Avec un~milliard, ils auraient dû écraser toute la concurrence qui est loin d’être aussi riche. Où est passé le pognon ? Je plisse à nouveau un peu des yeux pour essayer de le découvrir et soudain, j’ai encore l’impression de voir une grosse bulle.
Parce que des bulles, j’en vois partout, quand je lis par exemple que Temu perd 30~dollars à chaque fois qu’ils font une vente, qu’il y a plus de logements vides en Chine que d’habitants et que le chômage des jeunes y monte encore et encore.
Cryptos, IA, des bulles partout ! J’ai l’impression d’être plongé dans un bain moussant, mais pas le genre quantique de Michel Onfray.
J’ai également appris récemment que même dans un grand groupe, qui a toujours mis toutes ses billes chez les GAFAM, le doute s’est installé. Le chaos est en marche et ils s’aperçoivent soudain que leur dépendance a de bonnes chances de leur péter à la gueule.
Alors puisque notre avenir c’est le chaos, que ces bulles pètent au plus vite ! L’attention se recentrera, je l’espère, sur les gens qui font des trucs utiles, sans poudre aux yeux, avec des méthodes loyales et qui répondent simplement aux besoins. Et ça, on en a plein dans l’informatique libre !
[Virgule sonore]
Frédéric Couchet : Nous allons passer aux annonces de fin.
[Virgule musicale]
Quoi de Libre ? Actualités et annonces concernant l’April et le monde du Libre[modifier]
Frédéric Couchet : Dans les annonces.
Share alike, la série documentaire sur les licences libres et la création, une série de neuf épisodes d’une quinzaine de minutes chacun, le premier épisode a été publié le 24 mars 2025.
Côté des événements l’April sera présente avec un stand à Innov, vendredi 4 et samedi 5 avril 2025, à Vigneux-sur-Seine, en Essonne.
Et le Libre en Fête continue jusqu’au 6 avril 2025.
Vous retrouverez toutes les infos utiles concernant ces annonces sur la page consacrée à l’émission du jour, sur libreavous.org/240.
Notre émission se termine.
Je remercie les personnes qui ont participé à l’émission du jour : Laurent et Lorette Costy, Bookynette, Pierre Beyssac, Vincent Calame, Luk.
Aux manettes de la régie aujourd’hui Étienne Gonnu.
Je remercie également l’équipe de la post-production des podcasts : Samuel Aubert, Élodie Déniel-Girodon, Lang 1, Julien Osman, Olivier Grieco, Quentin Gibeaux, Théocrite et Tunui.
Je me permets un peu d’auto-promo pour une autre émission de la radio Cause Commune que j’ai le plaisir de coanimer. Il s’agit de Chemins de traverse, chaque mercredi de 22~heures à 23~heures~30, une émission centrée sur les parcours individuels, les engagements, les passions. Et demain, mercredi 26 mars, notre invité est Laurent Wargon. Après avoir été plus de dix~ans responsable informatique, Laurent a rejoint, en 2017, Easter-eggs, une entreprise du numérique libre et a ainsi trouvé ce qu’il souhaitait : être associé dans une entreprise citoyenne et produire des services en logiciel libre. Nous allons également parler de ses activités bénévoles et professionnels face à l’urgence climatique. Donc rendez-vous mercredi 26 mars à 22~heures en direct sur Cause Commune ou plus tard en podcast.
La prochaine émission aura lieu en direct mardi 1er avril à 15~heures~30. Notre sujet principal sera de nouveau Un café libre, Un café libre peut-être un petit peu spécial, nous verrons bien.
En attendant nous vous souhaitons de passer une belle fin de journée. On se retrouve en direct mardi 1er avril et d’ici là, portez-vous bien.
Générique de fin d’émission : Wesh Tone par Realaze.