Émission Libre à vous ! du 18 février 2025

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Titre : Émission Libre à vous ! diffusée sur Radio Cause Commune le mardi 18 février 2025

Intervenant·es : Gee - Simona levi - Alexis Kauffmann - Frédéric Couchet - Michael Benarouch Julie Chaumard - Isabella Vanni - Magali Garnero à la régie

Lieu : Radio Cause Commune

Date : 18 février 2025

Durée : 1 h 30 min

Podcast PROVISOIRE

Page de présentation de l'émission

Licence de la transcription : Verbatim

Illustration : Déjà prévue.

NB : Transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·es mais rendant le discours fluide.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.

Transcription[modifier]

Voix off : Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.

Isabella Vanni : Bonjour à toutes, bonjour à tous dans Libre à vous !. C’est le moment que vous avez choisi pour vous offrir une heure trente d’informations et d’échanges sur les libertés informatiques et également de la musique libre.
Le Parcours libriste de Simona Levi, c’est le sujet principal de l’émission du jour. Avec également au programme la chronique de Gee, « Prestidigitateur ou sorcier  ? », et aussi la chronique « À la rencontre du Libre » de Julie Chaumard, « Téléphonie, apprentissage et créativité ».

Soyez les bienvenus pour cette nouvelle édition de Libre à vous !, l’émission qui vous raconte les libertés informatiques, proposée par l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.

Je suis Isabella Vanni, coordinatrice vie associative et responsable projets à l’April.

Le site web de l’émission est libreavous.org. Vous pouvez y trouver une page consacrée à l’émission du jour avec tous les liens et références utiles et également les moyens de nous contacter. N’hésitez pas à nous faire des retours ou à nous poser toute question.

Nous sommes mardi 18 février. Nous diffusons en direct, mais vous écoutez peut-être une rediffusion ou un podcast.

À la réalisation de l’émission aujourd’hui Magali Garnero. Bonjour Magali.

Magali Garnero : Salut.

Isabella Vanni : Nous vous souhaitons une excellente écoute.

[Jingle]

Chronique « Les humeurs de Gee » – « Prestidigitateur ou sorcier  ? »[modifier]

Isabella Vanni : Nous allons commencer avec la chronique « Les humeurs de Gee ». Gee, auteur du blog-BD Grise Bouille, vous expose son humeur du jour : des frasques des GAFAM aux modes numériques, en passant par les dernières lubies anti-Internet de notre classe politique, il partage ce qui l’énerve, l’interroge, le surprend ou l’enthousiasme, toujours avec humour. L’occasion peut-être, derrière les boutades, de faire un peu d’éducation populaire au numérique.
Bonjour Gee.

Gee : Bonjour et salut à toi, public de Libre à vous !
Aujourd’hui, j’avais envie de changer un peu d’air et de te raconter une petite histoire, une fiction sans aucun rapport avec le monde réel.
Notre histoire se passe dans un étrange pays lointain, un pays qui, depuis de nombreuses années, est cerné par un gigantesque incendie. Comment est-ce possible, me diras-tu ? Eh bien au départ, l’incendie était très loin et beaucoup, dans le pays, doutaient même de son existence. Maintenant qu’il est juste aux frontières du pays, c’est beaucoup plus compliqué de le nier, mais c’est aussi devenu compliqué de lutter contre, évidemment !
Dans ce pays, il y a une jeune femme, une scientifique du nom de Cassandre. C’est un nom qui lui va bien, car elle alerte depuis très longtemps sur le danger mortel que représente cet incendie pour le pays, mais personne ne l’écoute ! On lui dit que ce n’est pas si grave, qu’on s’adaptera à un air plus chargé en fumée, qu’on portera des combinaisons ignifugées et puis surtout, qu’on trouvera bien un moyen d’éteindre cet incendie sans se fatiguer, enfin, que la science trouvera un moyen de l’éteindre ! Évidemment, cela rend folle Cassandre, parce que la science c’est son boulot, et la science, en fait a déjà résolu le problème. Pour éteindre l’incendie il faut arrêter de tirer des feux d’artifice en direction de la forêt. Oui, ça tombe sous le sens, mais le problème, c’est que l’économie entière du pays dépend de l’industrie du feu d’artifice, que les gens adorent les feux d’artifice. Du coup, œillères, déni ! On trouvera bien une innovation qui permettra d’éteindre l’incendie sans arrêter de tirer des feux d’artifice en direction de la forêt ! On pourrait inventer le feu d’artifice froid, par exemple, le feu qui ne brûle pas ! Enfin voilà, tu vois bien l’idée !

Bref, c’est dans ce contexte qu’un beau jour, le compagnon de Cassandre, Candide, entre dans l’appartement qu’il partage avec elle et lui apprend une nouvelle assez étrange : un magicien est arrivé dans le pays et il est absolument incroyable. Il réalise des exploits qui bluffent tout le monde, c’est LE sujet dont la population entière parle, le buzz du moment, l’événement incontournable ! Ce magicien est un certain monsieur Gipiti, Charles Gipiti. Candide dit à Cassandre que ce Charles Gipiti peut faire apparaître des lapins comme on n’a jamais vu personne le faire, c’est un vrai magicien. Et là, Cassandre tique un peu. Elle demande à Candide : « Attends, quand tu dis magicien, tu veux dire quoi exactement ? » Candide lui répond : « Un magicien quoi, tu vois bien, un mec qui fait apparaître des lapins dans un chapeau. » Cassandre précise : « D’accord, mais tu sais que ”magicien”, c’est un terme un peu ambigu. Tu parles d’un prestidigitateur ou d’un sorcier ? — Euh, c’est-à-dire ? – Un sorcier, c’est un vrai magicien, quelqu’un qui maîtrise la magie, qui peut faire des choses surnaturelles, inexplicables, alors qu’un prestidigitateur ne fait qu’imiter la magie, il met en scène des choses qui paraissent surnaturelles mais qui sont, en fait, parfaitement explicables, à base d’illusions, de trucages. » Là, Candide hausse les épaules, il n’en sait rien. Effectivement, il y a peut-être un truc, mais truc ou pas, peu importe. « Après tout, est-ce qu’il y a vraiment une différence entre la magie et quelque chose qu’on n’arrive pas à distinguer de la magie ? ». « Mais bien sûr que oui ! » s’écrie Cassandre, « ça n’a rien à voir ! Si on commence à confondre un prestidigitateur avec un sorcier, on lui prête des pouvoirs qu’il n’a tout simplement pas ! C’est un tremplin pour se faire manipuler, se faire abuser et pour abandonner tout esprit critique ! »
Comme d’habitude, Cassandre a du mal à convaincre, pas seulement Candide mais tout le monde. Au fil des jours, elle réalise vite que la popularité de Charles Gipiti explose, à tel point que les grosses industries du pays se mettent à activement financer le magicien. Et tout le monde semble se foutre, comme d’une guigne, des avertissements de Cassandre les enjoignant à ne pas confondre prestidigitateur et sorcier.

Agacée, Cassandre décide d’enquêter un peu sur ce fameux Gipiti. Et là, ce qu’elle découvre est encore pire que ce qu’elle imaginait ! Non seulement, cet énergumène n’est évidemment pas un sorcier mais bien un prestidigitateur, comme elle l’avait prédit : il n’utilise que des trucages pour simuler des pouvoirs surnaturels et, en plus, il utilise des machines qui fonctionnent en propulsant du kérosène par hectolitres en direction de l’incendie qui cerne le pays. Et, pour couronner le tout, Cassandre se rend compte que les fameux lapins que Gipiti fait apparaître ont tout simplement été volés dans les nombreux élevages de la ville, mettant pas mal d’éleveurs et d’éleveuses sur la paille au passage. Mais les gens préfèrent acheter un lapin qui est sorti d’un chapeau dans une explosion de paillettes qu’un bête lapin d’élevage !

Là, Cassandre explose et hurle sur la foule rassemblée : « Arrêtez de soutenir cet escroc ! Ce n’est pas un sorcier, c’est un vulgaire prestidigitateur ! Voleur et pyromane avec ça ! ». Évidemment, sa démonstration ne provoque que soupirs agacés et désintérêt. « D’accord, il a volé des lapins, mais vu ce qu’il arrive à faire avec, ça va, on ne va pas non plus l’attaquer en justice ! En plus, les élevages n’auront qu’à s’adapter, c’est le progrès, c’est tout ! Et puis, tu nous emmerdes avec tes termes compliqués, « prestidigitateur » que personne n’arrive à prononcer, alors autant continuer à dire que c’est un magicien. » « D’accord », dit Cassandre, « et la pyromanie ? Les galons de kérosène qu’il balance sur un incendie qui menaçait déjà tout le pays avant ? ». Alors là, on sort la carte joker : « Mais Cassandre, si on finance la magie de Charles Gipiti, si on laisse ce magicien s’améliorer, alors c’est sûr, il va trouver une solution pour éteindre l’incendie. Certes, son activité aggrave temporairement les choses, mais pour mieux les améliorer ensuite ! » « Mais c’est débile ! », s’écrie Cassandre, « Vous dites que si un prestidigitateur travaille suffisamment, il peut finir par devenir sorcier et faire de la vraie magie ? Ça n’a aucun sens ! En plus, on sait très bien quelle est la solution pour éteindre l’incendie ! Ce que vous voulez, c’est continuer à vivre comme avant, tirer des feux d’artifice partout en tablant sur le fait qu’un énergumène qui fait apparaître des lapins volés finisse par sortir de son chapeau le feu d’artifice qui ne brûle pas. Vous êtes cinglés, ma parole ! Et quand bien même vous auriez raison ! Admettons qu’il soit théoriquement possible qu’un prestidigitateur devienne un sorcier –~n’importe quoi !, mais OK~–, que fait-on dans l’hypothèse où il ne trouve quand même pas de solution pour éteindre l’incendie qu’il aura aggravé d’ici-là ? On fait quoi ? ». Silence. La foule ne dit rien. Elle est déjà occupée par l’arrivée d’un autre magicien, un certain monsieur Sique, Œdipe Sique, un magicien qui fait des choses aussi impressionnantes que monsieur Gipiti, mais pour beaucoup moins cher ! Et ça, Charles Gipiti n’aime pas ! Parce qu’apparemment, ce fameux Œdipe Sique a lui-même volé à Gipiti les lapins qu’il fait apparaître ! Une assez cruelle ironie ! Et ça ferait un peu marrer Cassandre si la situation n’était pas si désespérante !

Petit à petit, plein d’autres magiciens arrivent, et il devient impossible d’y échapper. Des magiciens dans les écoles, des magiciens dans les transports, dans les bureaux ! Que tu en veuilles ou pas, ils sont là, partout. Avec parfois quelques petits ratés, comme pour ce monsieur Lucien qui ne fera apparaître que des morceaux de lapins un peu déchiquetés, mais, quelque part, Cassandre s’en fout : le fait que les tours de magie marchent ou pas ne changent rien au fait que ce ne sont que des trucages. De toute façon, quand il n’y aura plus de lapins à voler, les magiciens n’auront pas d’autre choix que de voler les leurs, et toute l’illusion en prendra un sacré coup !

Au bout d’un moment, cerise sur le gâteau, même les pouvoirs publics s’y mettent. Oui parce que, non seulement, les entreprises privées déversent un flot énorme d’argent pour alimenter cette bulle des magiciens, mais même l’État finit par annoncer un plan de 110~milliards pour financer des magiciens ! 110~milliards ! Et pourtant, le pays en question n’est pas un pays qui va très bien ! Ah non ! Des gens dorment dans la rue, des gens n’arrivent plus à se chauffer, à manger à leur faim, les hôpitaux sont saturés, les services publics sont en ruine, mais paf !, on trouve 110~milliards pour les magiciens, comme ça !
En attendant, l’incendie se rapproche toujours plus vite, et toujours pas l’ombre d’une solution en vue. La fumée commence à arriver aux narines de tout le monde, mais les gens continuent d’applaudir les magiciens, peut-être pour tromper la peur du vide, de ce qui arrivera quand l’incendie aura atteint le pays.

Je ne vais pas vous mentir, je ne connais pas vraiment la fin de cette histoire, mais je la devine. Les magiciens continuent à détrousser l’intégralité de la société aussi longtemps que possible, avec des illusions toujours plus réussies. Sauf qu’au lieu de chercher des solutions –~parce que, encore une fois aucune solution n’est compatible avec leurs activités~–, ils utilisent en fait cet argent pour se construire de belles montgolfières. Et, lorsque l’incendie finit immanquablement par ravager le pays, ils foutent le camp avec l’air chaud créé par les flammes, laissant tous les gens qui s’étaient laissé duper, d’ailleurs les autres aussi, mourir par millions dans le cataclysme qu’ils auront contribué à accélérer.
Oui, je sais, ce n’est vraiment pas une fin heureuse, c’est ce que les anglophones appellent un cautionary tale, un récit de mise en garde. Parce que si d’aventure des prestidigitateurs de pacotille venaient se prendre pour des sorciers chez nous en pillant des élevages pour faire apparaître leurs lapins et en alimentant un gigantesque incendie en faisant mine de lutter contre, ce serait peut-être plutôt eux qu’il faudrait foutre au feu, avant qu’il ne soit trop tard.
Fin ! Ou plutôt, à suivre !

Isabella Vanni : C’est de la fiction, bien sûr. Toute ressemblance avec des faits réels est purement fortuite. J’avais envie de rire à certains moments de la chronique, mais la fin, effectivement, fait plutôt pleurer. Merci. C’est très bien écrit et je te donne avec plaisir rendez-vous au mois prochain, Gee.

Gee : Au mois prochain.

Isabella Vanni : Nous allons maintenant faire une pause musicale.

[Virgule musicale]

Isabella Vanni : Après la pause musicale nous entendrons le Parcours libriste de Simona Levi.
En attendant, nous allons écouter Blue Cats par Alpha Brutal. On se retrouve dans un peu moins de quatre minutes. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : Blue Cats par Alpha Brutal.

Voix off : Cause Commune, 93.1.

Isabella Vanni : Nous venons d’écouter Blue Cats par Alpha Brutal, disponible sous licence libre Creative Commons, CC By SA 3.0, titre qui a beaucoup plu au studio, j’espère que vous aussi, auditrices et auditeurs, avez apprécié.

[Jingle]

Isabella Vanni : Passons maintenant au sujet suivant.

[Virgule musicale]

Parcours libriste de Simona Levi. Rediffusion du sujet principal de l’émission Libre à vous ! du 14 janvier 2025[modifier]

Isabella Vanni : Nous allons poursuivre par notre sujet principal, le Parcours libriste de Simona Levi interviewée par Alexis Kaufmann. C’est la rediffusion du sujet principal de l’émission Libre à vous ! du 14 janvier 2025. On se retrouve en direct d’ici une petite heure.

[Virgule sonore]

cf : https://www.librealire.org/emission-libre-a-vous-diffusee-mardi-14-janvier-2025-sur-radio-cause-commune#Parcours-libriste-de-Simona-Levi-un-echange-avec-Alexis-Kauffmann

[Virgule sonore]

Isabella Vanni : Nous sommes de retour en direct sur radio Cause Commune. Nous venons d’écouter la rediffusion d’un sujet du 14 janvier 2025. Vous pouvez retrouver toutes les références de ce sujet sur la page consacrée à l’émission du jour, libreavous.org/236.
Nous allons maintenant faire une pause musicale.

[Virgule musicale]

Isabella Vanni : Après la pause musicale, nous entendrons la chronique de Julie Chaumard qui aujourd’hui porte sur « Téléphonie, apprentissage et créativité ».
Pour l’instant, nous allons écouter The 5th Element par Kellee Maize. On se retrouve juste après. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : The 5th Element par Kellee Maize.

Voix off : Cause Commune, 93.1.

Isabella Vanni : Nous venons d’écouter The 5th Element par Kellee Maize, disponible sous licence Creative Commons CC By 4.0.

[Jingle]

Isabella Vanni : Je suis Isabella Vanni de l’April, nous allons passer au sujet suivant.

[Virgule musicale]

Chronique « À la rencontre du Libre » de Julie Chaumard – « Téléphonie, apprentissage et créativité »[modifier]

Isabella Vanni : Nous allons poursuivre avec la chronique « À la rencontre du Libre » de Julie Chaumard. Pour sa chronique du jour consacrée au thème « Téléphonie, apprentissage et créativité », Julie a invité au studio Michael Benarouch, responsable de la téléphonie Europe pour le troisième acteur mondial des centres de contact. Il va nous parler de la façon dont il utilise les logiciels libres dans le contexte de la téléphonie et aussi de ce que le logiciel libre apporte à l’apprentissage et à la créativité.
Bonjour Julie, Michael.

Michael Benarouch : Bonjour.

Julie Chaumard : Bonjour Isabella. Bonjour Michael.

Michael Benarouch : Bonjour Julie.

Julie Chaumard : Aujourd’hui « À la rencontre du Libre » poursuit son tour. J’essaye de faire un tour de France des usages du Libre, donc, Michael Benarouch, tu es mon invité aujourd’hui. On se connaît depuis peut-être une petite dizaine d’années.

Michael Benarouch : Oui, à peu près ça maintenant.

Julie Chaumard : Je connais bien ton sujet, les systèmes informatiques et la téléphonie.

Michael Benarouch : Qui a pu être le tien aussi.

Julie Chaumard : Qui a pu être le mien dans une ancienne vie. Je t’ai contacté parce que tu utilises le logiciel libre dans ta vie de geek, on va dire, je voulais donc que tu viennes nous raconter ce que le Libre t’apporte, comment tu as pu l’utiliser. De ce que j’ai compris, tu es quand même un défenseur des libertés informatiques et je voulais savoir ce qui t’attire dans le Libre, dans le logiciel libre dans les libertés informatiques. Qu’est-ce que c’est pour toi ?

Michael Benarouch : Au départ, le Libre ce n’est pas dans la téléphonie pour moi, c’est à une époque où les systèmes vendus par un certain leader mondial de systèmes d’exploitation ne fonctionnaient pas du tout et étaient vendus très cher, comme c’est toujours le cas aujourd’hui, je me suis donc intéressé naturellement à certaines alternatives à l’époque, GNU/Linux en particulier comme système d’exploitation pour le PC utilisateur, mais également pour la partie serveur. J’ai donc découvert que tout ce qui était payant et qui m’aurait permis, à l’époque, sachant que je suis autodidacte, d’acquérir des compétences était possible via le monde des logiciels libres. J’ai donc fait mes armes là-dessus tout en exerçant le travail de professionnel de l’informatique comme responsable support au début, avec une main dans les serveurs, les deux autres mains dans le PC, il y a très longtemps.
Dans les années 2000/2003, il faut savoir que je travaille sur la téléphonie sur des auto-commutateurs, des standards téléphoniques on va dire, des très gros systèmes. Dans les centres d’appels, qui est ma branche d’activité, on a d’énormes systèmes qui sont indissociables de l’activité dans le sens où c’est par ces systèmes que l’on capte les appels téléphoniques des consommateurs et qu’on les oriente vers les agents les plus compétents dans un minimum de temps avec ces systèmes qui disposent, en plus de leur fonction de téléphonie de base, d’algorithmes dit intelligents de distribution des appels.

Julie Chaumard : C’est le cœur de ton métier aujourd’hui.

Michael Benarouch : Voilà ! Dans les années 2003/2004, on a bougé d’un monde qui était digital, le RNIS [Réseau numérique à intégration de services] en France, vers la voix sur IP et la téléphonie sur IP, qui est le protocole que vous retrouvez aujourd’hui sur Skype, Teams, Zoom et consorts.

Julie Chaumard : C’est donc une grosse révolution de la technique pour passer des appels téléphoniques qui, avant, étaient plus en mode télécoms et maintenant c’est plus en mode informatique, si je peux résumer.

Michael Benarouch : C’est ça. On utilise les réseaux informatiques et le réseau TCP/IP Internet, pour simplifier à l’extrême. À l’époque, je n’avais pas forcément les compétences ou les connaissances et puis, comme on travaille sur des systèmes en production, assez importants, qui coûtent très cher, c’était un peu difficile pour moi de faire mes armes et de changer de technologie en évitant d’exploser le système en plein milieu de journée, en pleine production. C’était donc soit travailler la nuit soit trouver des alternatives. J’ai trouvé les alternatives naturellement en cherchant sur le Net, comme je l’avais fait pour les alternatives au serveur de mails, au serveur de Web, et je suis tombé sur ce projet qui existait depuis cinq/six~ans à l’époque, qui s’appelait Asterisk. J’ai voué une véritable passion à cet outil qui fait que j’ai appris toute la voix sur IP, le protocole SIP [Session Initiation Protocol] et tout ce qui concerne la téléphonie moderne aujourd’hui au travers de ce système que j’ai d’ailleurs interfacé assez tôt avec les systèmes qu’on avait à disposition au travail. Ça m’a déjà permis d’apprendre, de tester tout un tas de choses que je ne pouvais pas tester en production et puis, plus tard, de les utiliser sur des services spécifiques que l’on n’arrivait pas à mettre en place avec les solutions qui nous étaient proposées par les fournisseurs que l’on avait au niveau du centre d’appel.

Julie Chaumard : Tu as donc utilisé, je ne sais pas si c’est un système libre ou un logiciel libre.

Michael Benarouch : Un logiciel de serveur libre.

Julie Chaumard : Un logiciel qui s’installe sur le serveur, tu as utilisé ce qui s’appelle Asterisk, qui est donc un système pour faire ce que tu as dit tout à l’heure, pour pouvoir passer des appels et faire de la distribution d’appels, en fait faire de la programmation sur les appels.

Michael Benarouch : Entre autres. Au début Asterisk est ce qu’on appelle un autocommutateur ou un PABX [Private Automatic Branch Exchange], on va appeler ça un standard. En France, on utilise un standard téléphonique, ce qui fait qu’en entreprise vous avez des numéros courts et puis quelques lignes qui vous permettent de sortir vers l’extérieur. Le standard téléphonique c’est une interface entre l’intérieur de l’entreprise et le réseau public de téléphonie.
Donc Asterisk, au début, est un serveur de téléphonie sur IP. Dans le sens téléphonie, on parle de fonctions. La voix sur IP c’est Zoom, c’est Skype, c’est Teams. En téléphonie, on parle de fonctions qui vont être la distribution d’appels, intelligente pourquoi pas, mais ce n’est pas là où je l’utilise le plus. Par exemple des fonctionnalités de serveurs vocaux interactifs « appuyez sur 1 pour parler à un agent français ; appuyez sur 2 pour parler en français ».

Julie Chaumard : On peut faire tout cela avec Asterisk, un logiciel libre.

Michael Benarouch : On peut faire des serveurs de conférences téléphoniques, on peut faire des serveurs de boîtes vocales et puis on a un aspect programmation puisqu’il y a une couche d’API sur Asterisk, pour être plus précis il y en a trois, ce qui permet, en fait, de créer à peu près n’importe quoi, via n’importe quel langage de programmation, en utilisant le noyau d’Asterisk pour créer effectivement les logiciels qui correspondent à nos besoins.

Julie Chaumard : Donc grâce à ce logiciel libre que tu as installé sur un serveur, tu as pu apprendre, comme tu dis, tous les rouages de la téléphonique, tu as pu bidouiller, c’est cela qui t’a intéressé, c’est vraiment la bidouille pour pouvoir apprendre par la pratique.

Michael Benarouch : Au début, tu parlais de geek, ce n’est pas un faible mot pour me décrire. Peut-être que je suis le seul zozo au monde qui passe son temps le week-end à créer des standards téléphoniques et à tester des intégrations. En tout cas, ça me plaît, c’est ce qui m’anime aujourd’hui parce que je ne suis pas un peintre ou un sculpteur, j’exprime ma créativité comme cela.
À l’époque j’étais aussi un peu de collectionneur de vieux PC, j’ai donc installé GNU/Linux sur un PC, puis j’ai installé le software comme la procédure l’indiquait et puis, un peu au jour le jour, j’ai découvert les nouvelles fonctionnalités, les couches, j’avais même fait un site internet où j’avais mis quelques lignes gratuites et je communiquais sur mon site internet pour que les gens puissent venir tester les fonctionnalités.

Julie Chaumard : Ce site existe encore ?

Michael Benarouch : Non. À cette époque, on est en 2003.

Julie Chaumard : Dommage !

Michael Benarouch : Avec l’avènement de ChatGPT, plus récemment je me suis interrogé. Lorsque ChatGPT 3.5 est sorti, c’était il y a deux ans maintenant, je ne connaissais pas, je ne savais pas de quoi on parlait, je ne comprenais pas quand on parlait d’intelligence artificielle, c’était un monde inconnu pour moi et je me suis dit « il existe des domaines dans l’informatique sur lesquels je n’ai aucune connaissance. » Je me suis donc intéressé à cela et, très vite, j’ai décidé de mettre en ligne un numéro d’appel qui permette de communiquer avec une voix de synthèse et de la reconnaissance vocale avec ChatGPT 3.5. C’était une petite intégration archaïque. Je ne suis pas codeur au début, peut-être bon bidouilleur, mais, ce qui est intéressant, c’est qu’à partir de ChatGPT, j’ai pu créer un voicebot avec Asterisk en discutant pendant des jours et des jours avec ChatGPT pour qu’il me donne le code final à intégrer dans Asterisk, pour interfacer l’API de ChatGPT avec Asterisk.

Julie Chaumard : En fait, grâce à Asterisk que tu as pu installer, tester, apprendre, tu as pu aussi répondre à des spécificités que certains logiciels n’offraient pas. Du coup, tu as pu créer tes propres spécificités, les développer toi-même, grâce à un logiciel libre et tu as réussi. Tu peux donc, grâce à ce logiciel, apprendre, créer des choses, des spécificités que peut-être d’autres logiciels du marché ne pouvaient pas fournir à ce moment précis.

Michael Benarouch : En tout cas pas aussi rapidement.

Julie Chaumard : Ensuite tu as pu, grâce à ça, apprendre aussi au reste de ton équipe. C’est donc un moyen d’apprentissage interne par la pratique et je pense que c’est aussi cela qui te plaît.

Michael Benarouch : C’est effectivement exactement ça. Je l’utilise dans un but de formation, en mode « on se débrouille » quand les solutions commerciales à notre disposition sont trop onéreuses, eh bien on prend des biais et on utilise ce qui est à notre disposition.

Julie Chaumard : Merci Michael. Ça passe très vite, on a envie de parler de plein sujets. En tout cas, merci d’être venu sur le plateau parler avec nous de la téléphonie. On refera sûrement un autre sujet là-dessus.

Michael Benarouch : Avec grand plaisir. Merci.

Isabella Vanni : Merci à vous.
Nous approchons de la fin de l’émission. Nous allons terminer par quelques annonces

[Virgule musicale]

Quoi de Libre ? Actualités et annonces concernant l’April et le monde du Libre[modifier]

Isabella Vanni : Dans les annonces aujourd’hui, commençons par une annonce des plus importantes.
La campagne de mobilisation pour la 24e édition de Libre en Fête est lancée. Pour accompagner l’arrivée du printemps, toutes les organisations ayant à cœur la promotion du logiciel libre et de la culture libre sont invitées à proposer des événements de découverte, à destination du grand public, partout en France autour du 20 mars, dans une dynamique conviviale et festive. L’édition 2025 de Libre en Fête aura lieu du samedi 8 mars au dimanche 6 avril. Il est possible de proposer des événements ad-hoc ou bien déjà prévus pour la période. Nous comptons sur vous pour faire de cette 24e édition une belle réussite.

L’assemblée générale de l’April approche. Elle aura lieu le samedi 15 mars à l’Université Jussieu à Paris. Si l’assemblée générale est réservée aux membres, ce n’est pas le cas de deux événements qui l’accompagnent.
Samedi 15 mars, au matin, un temps de conférences éclairs est prévu. Vous pouvez en proposer jusqu’au 2 mars ou, simplement, venir y assister le matin de l’AG. Cet évènement s’inscrit dans le cadre du Libre en Fête.
Le dimanche 16 mars aura lieu un April Camp, l’occasion de se réunir entre membres et soutiens de l’April pour faire avancer différents projets de promotion ou de défense du logiciel libre ou, plus simplement, pour discuter, faire connaissance. Il aura lieu à Paris et en distanciel.

AlpOSS, L’événement isérois de l’écosystème du logiciel libre revient, pour une deuxième édition, jeudi 20 février 2025 à Échirolles, avec notamment Jean-Christophe Becquet qui présentera ses pépites libres préférées. L’événement sera également retransmis en direct sur l’instance PeerTube de la ville d'Échirolles. Vous trouverez le lien sur la page consacrée à l’émission du jour.

Je vous invite, comme d’habitude, à consulter le site de l’Agenda du Libre, agendadulibre.org, pour trouver des événements en lien avec le logiciel libre ou la culture libre près de chez vous.

Notre émission se termine.

Je remercie les personnes qui ont participé à l’émission : Simona Levi, Alexis Kauffmann, Gee, Julie Chaumard et Michael Benarouch.
Aux manettes de la régie aujourd’hui Magali Garnero.
Merci également aux personnes qui s’occupent de la post-production des podcasts : Samuel Aubert, Élodie Déniel-Girodon, Lang 1, bénévoles à l’April, et Olivier Grieco, le directeur d’antenne de la radio.
Merci aussi aux personnes qui découpent les podcasts complets des émissions en podcasts individuels par sujet : Quentin Gibeaux et Théocrite, bénévoles à l’April, et mon collègue Frédéric Couchet.

Vous retrouverez sur notre site web, libreavous.org/236, toutes les références utiles de l’émission du jour, ainsi que sur le site de la radio, causecommune.fm.
N’hésitez pas à nous faire des retours pour indiquer ce qui vous a plu, mais aussi des points d’amélioration.
Vous pouvez également nous poser toute question et nous y répondrons directement ou lors d’une prochaine émission. Toutes vos remarques et questions sont les bienvenues à l’adresse bonjour@libreavous.org.

Si vous préférez nous parler, vous pouvez nous laisser un message sur le répondeur de la radio pour réagir à l’un des sujets de l’émission, pour partager un témoignage, vos idées, vos suggestions, vos encouragements ou pour nous poser une question. Le numéro du répondeur est le 09~72~51~55~46.

Nous vous remercions d’avoir écouté l’émission.
Si vous avez aimé cette émission, n’hésitez pas à en parler le plus possible autour de vous et à faire connaître également la radio Cause Commune, la voix des possibles.

La prochaine émission aura lieu en direct mardi 25 février 2025 à 15~heures~30. Notre sujet principal portera sur le réseau français des fablabs.

Nous vous souhaitons de passer une belle fin de journée. On se retrouve en direct mardi 25 février et d’ici là, portez-vous bien.

Générique de fin d’émission : Wesh Tone par Realaze.