Numérique et apprentissages

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15èmes Rencontres d'Autrans
12, 13 et 14 janvier 2011


Numérique et apprentissages


Jean-Pierre Archambault
chargé de mission, CNDP-CRDP de Paris


         Le numérique, en général, et le Web 2.0, en particulier, proposent des outils et constituent un contexte nouveau pour les apprentissages. L'intégration de l'informatique dans l'enseignement remonte aux années 70. C'est un long et lent processus, ne serait-ce que parce que le temps de la pédagogie est le temps long. Cela étant, le paysage éducatif s'est déjà significativement transformé.


         Où en est-on des usages éducatifs du numérique ? La situation actuelle amène à notamment regarder du côté de la culture générale scientifique informatique, de la culture générale scolaire au XXIè siècle'. Le numérique entraîne des mutations dans la pédagogie et l'institution éducative.
Quelles mutations de l'acte d'apprendre et de son organisation sociétale, à savoir l'institution scolaire ? Avec une question qui revient comme une antienne : quid de la place et du rôle de l'enseignant ? Aujourd'hui et demain, même si l'on sait que la prospective est un art difficile et périlleux. La (classique) dialectique potentialités et exigences issues du numérique/invariants de la pédagogie irrigue cet immense dossier (il y a des invariants dans l'Histoire des sociétés, dans la pédagogie aussi). Il faut d'abord poser le regard sur l'étroite relation qui existe entre l'utilisation (maîtrisée et raisonnée) des TIC par les enseignants et les élèves et leur culture scientifique et technique en informatique.


I) Une relation étroite entre utilisation des TIC et culture scientifique informatique Si beaucoup a été fait en matière d'utilisation des TIC dans le système éducatif, beaucoup reste à faire. La France occupe le 24e rang en Europe pour l'utilisation des TIC dans le système éducatif, mais au 8e rang pour l'équipement en ordinateurs et au 12e rang pour les connexions en haut débit (1). Quand on interroge les enseignants sur les raisons de ce classement, ils mettent notamment en avant la (non) disponibilité des matériels (« Cela ne marche pas toujours quand on en a besoin ») ; les problèmes de maintenance des équipements, de la compétence de proximité à disposition dans les établissement scolaires et les écoles et de la prise en compte insuffisante de la quantité de travail que cela représente. Les enseignants mentionnent également l'insuffisante formation des personnes ressources et de la leur, évidemment. Dans son rapport remis à la ministre de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche en 2009, le groupe mathématiques-informatique du SNRI (Stratégie Nationale Recherche et Innovation) faisait le constat d'un « niveau non optimal en informatique des ingénieurs et chercheurs non informaticiens » (2). La situation est analogue pour les enseignants dans leur ensemble, qui ne sont pas des spécialistes de l'informatique mais en sont des utilisateurs dans le cadre de l'exercice de leur métier : outil pédagogique, évolution de leur discipline dans ses objets et ses méthodes de par l'informatique, outil de travail personnel et collectif. On est donc face à un problème de formation initiale et continue des enseignants. On entend souvent dire que, l'informatique irriguant la vie quotidienne de tout un chacun, les nouvelles générations, qui baignent dans Internet depuis leur plus jeune âge, n'auraient pas besoin d'une formation spécifique de nature scientifique et technique. Leurs utilisations d'Internet, dans et hors l'école, suffiraient. Qu'en est-il exactement ? Dans le cadre de sa thèse de doctorat, Cédric Fluckiger a réalisé une étude dans un collège de la région parisienne. Lucas, élève de troisième, pense qu'il est nécessaire d'avoir plusieurs abonnements à Internet pour accéder à toutes les pages, car les moteurs de recherche proposés sur les différents portails n'indiquent pas la même liste de sites : « Wanadoo ils ont pas les mêmes pages. Si je cherche quelque chose, j'aurai pas les mêmes choses dans Wanadoo et dans quelque part d'autre. (...) Ça change tout, c'est pour ça qu'on en a pris trois différents. » Cet exemple d'utilisation approximative, qui n'est pas unique loin s'en faut, traduit manifestement une représentation mentale erronée de l'environnement numérique dans lequel le collégien évolue. Des pratiques spontanées et sans recul ne suffisent pas à devenir un utilisateur averti. Une bonne appropriation de notions scientifiques fondamentales est indispensable car elle conditionne une utilisation rationnelle de l'outil conceptuel qu'est l'ordinateur et la résolution des problèmes rencontrés au fil du temps présent et à venir dans la société et l'économie numériques. Il faut relativiser fortement les compétences acquises hors de l'École, qui restent limitées aux usages quotidiens. Elles sont difficilement transférables dans un contexte scolaire plus exigeant. Les pratiques ne donnent lieu qu'à une très faible verbalisation. Les usages reposent sur des savoir-faire limités, peu explicitables et laissant peu de place à une conceptualisation. Pour les élèves, en elles- mêmes des pratiques sont insuffisantes à permettre une utilisation « intelligente » des outils (3). L'ambition culturelle de l'Ecole ne peut pas se contenter d'élèves en restant à une simple et approximative « consommation », sans parler des objectifs de formation de futurs professionnels avertis, « créateurs » d'informatique, et de citoyens éclairés. II) Culture générale au XXIème siècle Les constats précédents illustrent à leur façon la nécessité d'un enseignement de l'informatique en tant que tel (4). Dans les années 80, les lycées d'enseignement général où existait une option informatiques donnaient lieu à une plus grande utilisation de l'ordinateur que dans les autres (cette option alors en voie de généralisation a été supprimée en 1992, rétablie en 1994 puis à nouveau supprimée en 1998). L'informatique « objet d'enseignement » et l'informatique « outil pédagogique » sont complémentaires et se renforcent mutuellement. Les statuts éducatifs de l'informatique sont divers (5). Si des connaissances scientifiques et techniques en informatique sont une condition de son bon usage dans les apprentissages des autres disciplines (dont par ailleurs l' « essence », les objets et les méthodes, évolue de par l'influence de l'informatique), elle doit elle-même faire l'objet d'un apprentissage. On retrouve là un invariant de l'éducation, à savoir l'évolution de la culture générale scolaire de par l'évolution de la société. Des disciplines apparaissent, d'autres voient leur place diminuer, des recompositions s'opèrent au sein des disciplines elles-mêmes. Ainsi les sciences physiques sont-elles devenues une matière scolaire parce qu'elles sous-tendaient les réalisations de la société industrielle (or « le monde devient numérique », intitulé de la conférence inaugurale de Gérard Berry au Collège de France). Les raisons qui fondent la nécessité d'une discipline informatique sont diverses (omniprésence du numérique dans la vie quotidienne et les entreprises ; l'informatique représente 30% de la R&D dans le monde (18% seulement en Europe) ect.). Elles correspondent aux trois missions de l'Ecole : former l'homme, le travailleur et le citoyen. Lors des débats concernant le nucléaire le citoyen peut s'appuyer sur ses connaissances acquises dans le cours de sciences physiques ; les OGM sur le cours de SVT. Or le monde devient numérique venons-nous de rappeler... Et, concernant le Web 2,0 et les Webs à venir, dans un entretien accordé à Paris Match, le patron de Free, Xavier Niel, ainsi que Jacques-Antoine Granjon (Vente-Privée) et Marc Simoncini (Meetic), font état de leur projet d’ouvrir une école qui formerait les jeunes au web. Leur objectif ? Donner toutes les connaissances liées aux nouveaux métiers de l'Internet, qui pourront mener à la création du «Google de demain», nous indique le site Maxisciences (6). L'idée de cette nouvelle école de l’Internet «n’est pas de former une élite, mais des jeunes qui sortent avec des connaissances utiles pour prendre leur destin en main et trouver un travail dans l’industrie du web ». En effet, le fondateur de Meetic explique avoir du mal à recruter aujourd’hui. Marc Simoncini, pour qui « l'Ecole actuelle ne formerait pas assez bien aux nouvelles technologies », "à tout ce qui vient d’être inventé sur le web», donne l’exemple d’énarques ou autres «gens très brillants qui dirigent des entreprises» : «ils n’ont rien compris à l’Internet». C'est cela qu'il faut changer, estiment les trois hommes. L'on sait l'importance de la précocité des apprentissages. L'on sait également que le lycée est l'espace et le moment où les élèves construisent leur autonomie intellectuelle et où naissent les vocations. Les lycéens choisissent d'autant plus une voie par goût aux contenus qu'ils l'ont effectivement rencontrée concrètement dans leur scolarité ! La pénurie concernant les métiers des TIC est bien réelle et il y aura de plus en plus de ces professions : il faut absolument agrandir leur vivier. Et pour cela tirer les enseignements de la période qui vient de s'écouler, à savoir que le choix fait de la formation au numérique et à l'informatique par la simple utilisation des outils ne suffit pas, loin de là, et ne permet pas de répondre aux enjeux et défis de notre époque. La teneur de cet entretien illustre donc à sa manière une des missions fondamentales de l'enseignement scolaire général qui est, non pas de former des spécialistes, mais d'installer les connaissances qui permettront leur formation ultérieure. En leur donnant la culture générale de leur époque dont une des composantes est l'informatique. Un enseignement de spécialité optionnel « Informatique et sciences du numérique » a été créé en Terminale S pour la rentrée 2012. C'est une mesure qui va dans le bon sens. Et, conséquence importante dans la problématique qui nous intéresse, la formation des futurs professeurs pourra s'appuyer sur un enseignement d'informatique quand ils auront pu en bénéficier au lycée (celle des enseignants en poste relève de leur formation continue). III) L'acte pédagogique et les TIC Sans conteste, le numérique enrichit la panoplie des outils et des ressources à la disposition des enseignants dans l'exercice de leur métier. Ils peuvent faire autrement ou mieux ce qu'ils faisaient déjà. Ou faire des choses qu'ils ne pouvaient pas faire auparavant. L'acte pédagogique a tout à gagner à une utilisation raisonnée, maîtrisée, circonstanciée du numérique. Les apports sont évidents et bien connus, d'Internet aux applications spécifiques en passant par le traitement de texte (« Ecrire c'est réécrire » est un exemple particulièrement éclairant (7)). Toutes les démarches s'y retrouvent, le tableau numérique utilisé par l'enseignant aussi bien que le logiciel permettant une individualisation de l'apprentissage, le travail personnel et le travail en groupe... dans le cadre de la liberté pédagogique de l'enseignant. La classe évolue, le système éducatif aussi, à l'instar des administrations et des entreprises qui intègrent l'informatique au service de leur propre fonctionnement. Tout cela est bien connu, et reconnu ! Mais, si beaucoup de choses changent et changeront, qu'en est-il de la pédagogie et de ses fondamentaux ? De ses invariants qu'il faut avoir à l'esprit quand on imagine des scénarios pour l'avenir ? Ainsi que l'existence de cycles dans l'histoire des technologies. Par exemple, au début du XXe siècle, des firmes américaines soutenaient-elles déjà le développement de l’éducation par correspondance avec des arguments quant à sa capacité à offrir un apprentissage débarrassé de la contrainte du lieu et du temps, et plus individualisable. Le résultat a été une énorme banqueroute. Les plates-formes d’enseignement à distance ont fait resurgir les questionnements des débuts de l’enseignement assisté par ordinateur, autour de l’analyse automatique des réponses des élèves et de parcours individualisés qui en résultent (8). Où va-t-on ? Jusqu'où ira-t-on ? Quid de la pédagogie, le métier de l'Ecole, et de son cadre institutionnel, le système éducatif, dans le contexte du développement et de l'intégration du numérique ? Si assurément le numérique modifie le paysage pédagogique et a, et aura, des implications sur les institutions éducatives, pour autant peut-on conjecturer des changements radicaux ressemblant à un changement de nature de l'acte éducatif (9) ? Ou plus simplement un nouveau contexte enrichi ? Quid, avons-nous demandé, du rôle et de la place de l'enseignant ? Dans les lignes qui suivent nous rappellerons quelques aspects des questions de la complexité des apprentissages et de leur dimension « relation humaine », de l'autonomie des élèves, du rôle de l'enseignant dans l'appropriation des savoirs. Parmi d'autres (l'efficacité pédagogique, l'évaluation...), elles sont souvent présentes dans les réflexions sur la place des TIC dans l'éducation, d'une manière explicite ou implicite. Où doit-on placer le « curseur homme-machine » ? 1) La complexité des apprentissages et leur dimension « relation humaine » Les apprentissages ont des composantes cognitives, physiologiques, psychologiques, affectives, sociales et bien sûr pédagogiques et didactiques (des contenus et connaissances enseignés). Le plaisir d'apprendre pour apprendre est décisif (10). La dimension humaine est ô combien importante. Les enfants ont besoin d'être rassurés. On a tous à l'esprit l'enseignant remarquable à l'origine du choix d'une discipline et d'un métier. Il arrive même qu'un professeur soit le sujet d'un amour, platonique mais bien réel ! L'Ecole est un endroit privilégié de la socialisation des enfants et des adolescents. Le rôle du groupe est essentiel, le groupe classe en premier lieu. On sait la place qu'occupent le sentiment d'appartenance et la vie de groupe, le plaisir de retrouver les copains et les copines. De ce point de vue, les élèves ne sont pas des adultes en entreprise avec des recompositions fréquentes en groupes-projets. Il faut veiller à la stabilité de l'entourage et de l'environnement, à un bon équilibre dans le temps avec bien sûr des moments de « rupture » qui aident à lutter contre une monotonie qui peut s'installer. Le numérique ne saurait signifier moins de présence humaine adulte. Quant à l'enseignement à distance avec les outils modernes, il ne peut avoir une place qu'exceptionnelle pour la maternelle, le primaire et le collège (enfants malades par exemple). Le contraire serait irréaliste, et terrifiant. Il suffit de songer aux individus que cela produirait. Au lycée, il ne peut être qu'un complément limité, concernant des publics particuliers comme les sportifs de haut niveau. 2) L'autonomie des élèves Si le Web 2,0 et les TIC sont une bonne propédeutique au travail coopératif que les élèves rencontreront dans leur vie professionnelle, ils permettent aussi une individualisation des apprentissages, des démarches fondées sur l'autonomie. L'élève a potentiellement à sa disposition une multitudes de ressources. Supposé autonome, il peut être censé se fabriquer ses parcours. L’enseignant perd-il pour autant sa raison d’être ? Non, bien sûr. Médiation et autonomie ne sont nullement antinomiques. Développer l’autonomie chez les élèves requiert beaucoup de médiation humaine. On ne peut, sauf à confondre l’objectif final (former une personne autonome) et les moyens d’y parvenir, laisser l’élève seul avec ses outils, en se reposant sur une autonomie que justement il n'a pas encore et qu'il est en train d’acquérir. Il est complètement illusoire de penser s’en remettre à la seule machine. Les nouveaux outils permettent d’enrichir le rôle de l’enseignant en le diversifiant, non de s’en passer (11). On sait aussi que l'enseignement à distance requiert des publics autonomes, performants et motivés, qu’il convient mieux à des adultes en formation continue qu’à des jeunes en formation initiale, à des acquisitions de savoirs et savoir-faire explicites et directement opérationnels qu’à un enseignement de la philosophie. 3) L'appropriation des connaissances – le rôle du maître Avec Internet, tous les savoirs et connaissances accumulés par l'humanité, son patrimoine culturel sont à portée d'un clic. L'on sait les fabuleuses potentialités que cela recèle pour le travail intellectuel en général, les enseignants et les élèves en particulier. Nous avons vu la nécessité d'une culture informatique qui permet de procéder à des requêtes efficaces. Mais pour cela encore faut-il connaître les domaines sur lesquels on recherche. Cette proximité d'informations accessibles, beaucoup plus que dans le CDI de l'établissement ou dans le manuel scolaire, si elle offre des possibilités nouvelles, riches et multiples en termes de démarches pédagogiques change-t-elle pour autant fondamentalement l'acte d'apprendre et son environnement institutionnel ? Etant entendu qu'il n'est pas question de penser que l'élève refasse lui-même le parcours que l'humanité a emprunté sur des millénaires. Le monde est complexe mais il l'a toujours été. Le savoir des autres n'est pas le sien propre. En être « informé » ne suffit pas. Il faut se l'approprier. C'est la mission du système éducatif. Pour cela l'élève doit être guidé, accompagné. C'est le rôle immémorial de l'enseignant qui met en place (implicitement pour les élèves) des situations d'apprentissages fondées sur les didactiques des disciplines, dans des démarches pédagogiques s'appuyant sur l'environnement et l'expérience des élèves. Qui aide à mettre en évidence le simple dans le compliqué, dans des cadres disciplinaires qu'il faut constituer chez les élèves. La réalité est toujours d’un abord assez impénétrable quand on essaye de la comprendre un peu mieux. À chaque fois l’on se doit d’y mettre un peu d’ordre dans un premier temps, en identifiant et en isolant des pans fondamentaux de la connaissance, Il faut se garder d’une entrée précipitée dans le complexe qui négligerait de s’appuyer sur la simplicité de fondamentaux éprouvés ou d’une mise en relation prématurée des contenus. Cheminer avec intelligence dans un réseau est plus difficile que parcourir une arborescence, se mouvoir dans une structure en arbre moins aisé que d’emprunter un trajet linéaire. Dans les apprentissages, l’hypertexte ne rend pas caduc le séquentiel, il en renforce au contraire la nécessité. L’interdisciplinarité n’a de sens que dans un contexte disciplinaire, ce qui suppose l’existence d’au moins deux disciplines de référence avec une action réciproque. Le temps de l'interdisciplinaire survient donc quand les champs disciplinaires sont suffisamment installés, ont suffisamment de substance pour permettre des mises en relation fructueuses. On peut alors mieux montrer dans une tension créatrice et une approche interdisciplinaire alors féconde les insuffisances respectives des disciplines et leurs complémentarités. En mettant l'élève en contact avec une multitude de savoirs, en fait, Internet renforce la mission traditionnelle de l'enseignant dans un contexte où l'élève est sollicité (« parasité » ?) par une pléthore d'informations qu'il faut transformer en connaissances maîtrisées. Autre continuité, permanence, le rôle de la mémoire dans les apprentissages et la formation des capacités. HL. Dreyfus, observant la façon dont les adultes acquièrent de nouveaux savoir-faire, propose cinq stades : de la situation de novice à celle d'expert en passant par l'état de débutant avancé, de celui qui est compétent puis qui maîtrise (12). Si le maître voit ce qu’il faut faire puis décide de la façon de faire, cela lui demande du temps. Mais, que l’on pense au joueur de tennis, au pilote d’avion ou au joueur d’échecs pris par le temps, il existe de nombreux cas où celui à qui l’on reconnaît le statut d’expert (de « grand maître») ne dispose que d’une très petite fraction de seconde pour décider. Il sait réagir, faire ce qu’il faut faire. Comment procède-t-il exactement ? Manifestement il n’applique pas de règles, « il ne réfléchit pas ». Il a mémorisé de nombreuses classes de situations pouvant ne présenter entre elles que des différences imperceptibles. Chaque classe est décomposée en sous-classes, chacune relevant d’une même décision. L’expert discrimine parmi des dizaines de milliers de cas particuliers. Quand les événements prennent une tournure non familière, il doit prendre son temps pour réfléchir : il « régresse» ! On a là un autre invariant dans les apprentissages. Qui ne se confond pas avec la nécessité de savoir chercher (rapidement) avec efficacité sur Internet des informations dont on a besoin dans des champs de la connaissance que l'on maîtrise. Les deux s'apprennent avec un indispensable enseignant ! IV) Un nouveau contexte En définitive, le numérique entraîne des mutations pour le système éducatif, comme il le fait dans tous les secteurs de la société. Ces mutations ont un caractère de nécessité. Elles offrent des possibilités, immenses et nouvelles, à l'institution pour son « métier », à savoir la pédagogie, et pour son fonctionnement, les deux au service de ses missions fondamentales, former l'homme, le travailleur et le citoyen, dans les conditions, de la société du XXIè siècle, avec ses potentialités et ses exigences. Le Web 2,0, les outils informatiques, les ressources numériques enrichissent la panoplie des instruments dont l'enseignant dispose pour exercer son métier au service des élèves. Il peut faire des choses nouvelles, mieux faire des choses qu'il faisait déjà, varier les approches et les démarches... dans des utilisations maîtrisés et raisonnés de l'ordinateur. Des environnement numériques de travail se mettent en place qui permettent une continuité des outils et des documents de l’établissement au domicile, l’organisation de l’accès à des ressources électroniques distantes, la facilitation du travail coopératif, la mutualisation, l'individualisation aussi. Ces environnements d’apprentissage (de la maternelle au lycée) modifient le paysage pédagogique. Ils sont faits d'ordinateurs, de logiciels, de plate-formes, de bureaux virtuels de l’enseignant et de l’élève, de cartables électroniques, de ressources pédagogiques numérisées, de manuels numériques, d'espaces d'échanges pour des communautés humaines. Cela étant, l’enseignement reste fondamentalement présentiel, même s’il « s’hybride » quelque peu. Un nouveau contexte éducatif institutionnel s'installe, avec des élèves en chair et en os qui viennent dans des classes et des établissement « en dur » pour retrouver leurs compagnons d'apprentissage et leurs irremplaçables professeurs. (1) Rapport Fourgous, Réussir l'école numérique, page 115 : « Les statistiques européennes classent la France au 24e rang au niveau européen (sur 25 pays européens*), pour ce qui est de l'accès à l'outil, sa maîtrise dans un contexte pédagogique et la motivation des enseignants (soit un indicateur de 19 pour une moyenne européenne de 38). Ainsi, les établissements scolaires français se situent au 8e rang européen pour l'équipement en ordinateurs, au 12e rang pour les connexions en haut débit, mais au 21e rang pour l'utilisation de l'ordinateur en classe et au 24e rang pour ce qui est de l'usage de l'outil dans un contexte pédagogique. »

  • La Bulgarie et la Roumanie n'ont pas participé à cette enquête lancée avant leur entrée dans l'Union en

2007. http://www.reussirlecolenumerique.fr/pdf/Rapport_mission_fourgous.pdf (2) Stratégie Nationale de Recherche et d'Innovation (SNRI) http://media.enseignementsup-recherche.gouv.fr/file/SNRI/69/8/Rapport_general_de_la_SNRI_- _version_finale_65698.pdf Groupe de travail « Connaissance pluridisciplinaire 4 : numérique, calcul intensif et mathématiques » : http://media.enseignementsup-recherche.gouv.fr/file/Defi_de_connaissance_pluridisciplinaire/97/5/ SNRI2009_rapport_groupe_de_travail_Nummath_65975.pdf Voir : « Nous avons lu » dans EpiNet n° 129 de septembre. http://www.epi.asso.fr/revue/lu/l0909q.htm (3)Voir « Internet et ses pratiques juvéniles », Édric Fluckiger, Médialog n° 69. http://medialog.ac-creteil.fr/ARCHIVE69/juvenile69.pdf http://www.epi.asso.fr/revue/articles/a0905d.htm (4) L'informatique discipline scolaire. Un long cheminement http://www.epi.asso.fr/revue/articles/a1011b.htm Sur les freins qui accompagnent ce long cheminement, voir les extraits du texte précédent en annexe 1. L'approche qui consiste à vouloir donner une culture générale informatique par les utilisations dans les autres disciplines, symbolisée par le B2i, ne fonctionne pas. Voir le rapport Fourgous : Rapport Réussir l'école numérique, Partie III, II-5-3 http://www.reussirlecolenumerique.fr/pdf/Rapport_mission_fourgous.pdf. On pourra consulter « Quelques notes de lecture sur le rapport Fourgous : Réussir l'école numérique » http://www.epi.asso.fr/revue/docu/d1003a.htm. (5) Outil pédagogique, l'ordinateur enrichit la panoplie des outils de l'enseignant. Il se prête à la création de situations de communication « réelles » ayant du sens, notamment pour des élèves en difficulté. Il constitue un outil pour la motivation. Il favorise l'activité, l'initiative, la créativité, etc. L'informatique s'immisce dans les objets, les méthodes et les outils des savoirs constitués, transformant leur « essence », et leur enseignement doit en tenir compte. C'est particulièrement vrai pour les enseignements techniques et professionnels. Et pour les mathématiques, notamment de par l'impact des outils de calcul (dans le cadre de la pérenne et intrinsèque dialectique démonstration/calcul). Mais, peu ou prou, toutes les disciplines sont concernées. L'ordinateur est également outil de travail personnel et collectif des enseignants, des élèves et de la communauté éducative, notamment dans le cadre des ENT. Voir Ecole, éducation et multimédia, Les Cahiers dynamiques n° 26 http://lamaisondesenseignants.com/download/document/LCD26.pdf (6) http://www.maxisciences.com/%E9cole/xavier-niel-veut-creer-une-ecole-de-l-internet_art11366.html (7) Voir annexe 2 Ecrire c'est réécrire (8) Institutions éducatives et e-formation http://medialog.ac-creteil.fr/ARCHIVE44/eformation44.pdf (9) Les appétits de marchandisation de certains secteurs de l’offre éducative produisent des discours en se sens. Voir (7) (10) Le plaisir d'apprendre pour apprendre http://lamaisondesenseignants.com/download/document/plaisirappren.pdf (11) L'éducation, grand marché du XXIème siècle http://medialog.ac-creteil.fr/ARCHIVE39/jpa39.pdf (12) article sur « La portée philosophique du connexionnisme », paru dans l’ouvrage « Les sciences cognitives». Voir : Des banques de données , dans la tête aussi http://medialog.ac-creteil.fr/ARCHIVE31/jpa31.pdf Annexe 1 L'informatique discipline scolaire. Un long cheminement (extraits) Un grand classique ! I) Emergence dans la douleur Contrairement à ce que l'on pourrait penser de prime abord, ce long, tortueux et chaotique cheminement d'une discipline informatique au lycée ne saurait surprendre. C'est la loi du genre dans tous les domaines, un grand classique : le nouveau émerge toujours dans la douleur. Et cela ne date pas d'hier. Déjà, Confucius mettait en garde : « Lorsque tu fais quelque chose, sache que tu auras contre toi ceux qui voulaient faire la même chose, ceux qui voulaient faire le contraire et l'immense majorité de ceux qui ne voulaient rien faire. » Ainsi, au début du XXe siècle, un lobby du courant continu s'évertuait-il à « prouver », force arguments « scientifiques » à l'appui, que le courant alternatif constituait une impasse. Provocant mais réaliste, Bernard Stiegler se plait à dire que « si vous demandez aux gens ce qu'ils attendent des nouvelles technologies, leur première réponse sera : Rien, fichez-moi la paix ! ». Encore aujourd'hui, il n'y a que sept informaticiens à l'Académie des Sciences, sur 243 membres, alors que, répétons-le, l'informatique représente 30 % de la R&D dans le monde et qu'elle est une des trois grandes familles de la science contemporaine avec les mathématiques et les sciences expérimentales. Dans un mouvement de balancier, la discipline informatique revient (on peut penser que ce retour est définitif) après la suppression de l'option d'enseignement générale des lycées des années quatre-vingts. Il s'agit d'un phénomène international, que l'on retrouve dans beaucoup de pays, développés notamment, aussi bien au niveau des mesures prises que des discours. Les raisons de ce long cheminement sont donc profondes. II) Les obstacles au changement sont multiples. 1) Remise en cause d'identités personnelles et professionnelles qui s'incarnent dans des champs du savoir, des compétences et des savoir-faire. Difficultés objectives à s'approprier de nouvelles connaissances, surtout quand les fondamentaux de culture générale correspondants ne sont pas là, quand le contexte économique et social ne favorise pas les évolutions. 2) Plus prosaïquement aussi, la volonté délibérée de ne pas donner aux autres les clés de la réussite. Parmi ceux qu'on appelle les « passeurs » des TIC, également du côté de certaines sociétés de service, on peut très bien se satisfaire du manque de culture informatique des autres (ce handicap les concernant également) et décréter d'une manière péremptoire qu'une telle culture n'est pas nécessaire. Leurs situations de rentes en seront d'autant plus pérennes, que ce soit pour proposer des formations à la version n+1 d'un logiciel bureautique ou des solutions d'informatisation dont les coûts explosent et les délais s'allongent à n'en plus finir, avec des contrats qui en rejettent par avance la responsabilité sur les clients ! III) Avec ses spécificités, le monde de l'éducation n'échappe pas à ces freins.. 1) La massification de l'enseignement engendre des tensions fortes, posant avec acuité la question des efforts que la nation est prête à consentir pour l'éducation, pourtant le premier des investissements pour préparer l'avenir, qui plus est dans la société de la connaissance. 2) Il y a la difficulté récurrente à introduire une nouvelle discipline scolaire : à la place de quoi, formation des enseignants à mettre en place, concours de recrutement à créer, intégration dans les examens... IV) L'informatique étant à la fois une science et une technique... 1) la problématique de l'outil est omniprésente, avec cet argument que son utilisation suffirait à le maîtriser : on peut alors légitiment se demander à quoi servent les enseignements techniques et professionnels, ainsi que le cours de mathématiques, outil conceptuel au service des autres disciplines. Maurice Nivat nous invite opportunément à relire André Leroy Gourhan qui nous a appris que l'outil n'est rien sans le geste qui l'accompagne et l'idée que se fait l'utilisateur de l'outil de l'objet à façonner [20]. Et d'ajouter : « Ce qui était vrai de nos lointains ancêtres du Neanderthal, quand ils fabriquaient des lames de rasoir en taillant des silex est toujours vrai : l'apprentissage de l'outil ne peut se faire sans apprentissage du geste qui va avec ni sans compréhension du mode de fonctionnement de l'outil, de son action sur la matière travaillée, ni sans formation d'une idée précise de la puissance de l'outil et de ses limites. » 2) Le thème de l'outil est aussi celui de la technique, de sa place dans la société française, de celle du travail manuel, du rapport de secteurs des élites de la nation à la science et à la technique [21]. Combien de fois n'a-t-on pas entendu « Ce n'est qu'un outil » ? Un outil qui ne devrait pas nous détourner d'objectifs culturels nobles ! Comme si l'outil n'était pas partie intégrante de la culture humaine depuis la nuit des temps. La science aussi faut-il le rappeler. A ce sujet, si dans un passé récent le fait que l'histoire-géographie devienne optionnelle en Terminale S (tout en restant heureusement présente à l'école et dans le secondaire jusqu'à la classe de Première, ce qui n'est pas encore le cas de l'informatique) a provoqué une légitime émotion, le fait que les mathématiques deviennent optionnelles en Première L n'a pas fait la une des journaux, c'est le moins que l'on puisse dire. Deux poids deux mesures. 3) L'informatique présente des aspects techniques. C'est indéniable. David Monniaux fait justement remarquer qu'elle n'est pas la seule discipline dans ce cas [22]. Il prend le cas des mathématiques, science de l'abstraction et du conceptuel formalisés qui, cependant, a une grande part de technique. « Même si, de nos jours, des moyens de calcul informatiques existent, il faut tout de même savoir faire à la main des résolutions d'équations, des calculs d'intégrales, des majorations, etc. » Et le français, tel qu'enseigné dans le secondaire, est également largement une activité technique. En effet, « l'enseignement et la notation portent en bonne partie sur la forme des textes produits (orthographe, grammaire, et plus généralement expression) et non sur le fond ». La forme a également beaucoup d'importance dans certaines filières de l'enseignement supérieur. « De fait, il semble que les entreprises s'intéressent parfois aux étudiants en lettres pour leurs qualités rédactionnelles... L'idée est ancienne : ne dit-on pas que Charles de Gaulle avait recruté Georges Pompidou parce qu'il voulait "un normalien sachant écrire" ? ». Quant aux langues étrangères, si Shakespeare est un « monument » de la culture universelle qu'il faut connaître, « on n'en attend pas moins d'une personne ayant étudié sa langue une connaissance de l'anglais contemporain, tel que parlé et écrit en pratique chez les partenaires économiques ». Idem pour le japonais avec « le vocabulaire et les expressions de la robotique ou des centrales nucléaires et ceux du Dit du Genji. Les universités ont donc ouvert des filières de langues étrangères appliquées. » V)La pédagogie est un terrain de débats, voire d'affrontements quant au bien-fondé d'un enseignement de l'informatique. Rien que de très normal. 1) Les boulangers se divisent sur la façon de faire le pain, les maçons sur celle de monter un mur... les enseignants sur la façon de faire cours. 2) Au début des années quatre-vingt-dix, le réseau local fut mal accueilli dans certains cercles de formateurs informatiques des MAFPEN. Au nom de la sacro-sainte pédagogie qui se serait pleinement satisfaite des postes autonomes, la technique détournant du fondamental à savoir les usages de l'ordinateur en classe. Étrange myopie qui ne voyait pas que le réseau était en train de devenir le mode d'existence dominant de l'informatique, offrant qui plus est des potentialités nouvelles justement sur le plan de la pédagogie (communication, travail collaboratif...). Attitude qui s'explique en partie par la difficulté objective à former les enseignants sur des environnements plus complexes. La pièce sera rejouée avec l'arrivée d'Internet : « Internet d'accord mais pour quoi faire ? ». Alors que dix ans de télématique scolaire avait montré la voie des usages pédagogiques que l'on pouvait avoir avec un réseau longue distance. On pourrait multiplier les exemples, ainsi le rejet du LSE par ceux dont la position et le prestige dans l'établissement, de par les services qu'ils rendaient avec le Basic, étaient menacés par la formation des collègues accompagnant l'arrivée des ordinateurs dans l'établissement. Et qui pour cela disaient pis que pendre d'un langage structuré pourtant conçu pour l'enseignement, avec des instructions en langue française. 3) Les débats sont souvent vifs et paradoxaux. La discipline informatique au XXIe siècle s'inscrit dans les trois missions de l'École, former l'homme, le travailleur et le citoyen, avons-nous dit d'emblée. Mais quand on parle pédagogie et informatique, il arrive que certains ne voient pas, par exemple, les potentialités de la programmation, qui favorise l'activité intellectuelle, l'appropriation de notions informatiques mais aussi des autres disciplines. On constate en effet avec l'ordinateur une transposition des comportements classiques que l'on observe dans le domaine de la fabrication des objets matériels. À la manière d'un artisan qui prolonge ses efforts tant que son ouvrage n'est pas effectivement terminé, un lycéen, qui par ailleurs se contentera d'avoir résolu neuf questions sur dix de son problème de mathématiques (ce qui n'est déjà pas si mal !), s'acharnera jusqu'à ce que fonctionne le programme de résolution de l'équation du second degré que son professeur lui a demandé d'écrire, pour qu'il cerne mieux les notions d'inconnue, de coefficient et de paramètre. La programmation est un « outil » pédagogique à même de fournir d'autres voies pour la compréhension des concepts, de proposer des projets coopératifs « vrais » préparant aux modalités de travail dans l'entreprise. La programmation est également une bonne école de formation à la rigueur (attention à la virgule mal placée ou à la parenthèse qui manque). Dommage de s'en passer. Surtout pour de mauvaises raisons comme celle selon laquelle le lycée n'a pas vocation à former des informaticiens professionnels. Ni des mathématiciens d'ailleurs. Pourtant les élèves font des mathématiques du cours préparatoire à la classe de Terminale ! 4) Certes, la machine et sa puissance peuvent entretenir les illusions. Une requête mal formulée donne quand même des résultats (mais que valent-ils ?) alors que la feuille peut rester blanche avec un crayon. On a vu ci-avant la confusion sur les statuts éducatifs de l'informatique, pour une part conséquence d'identités professionnelles qui ont du mal à accepter les évolutions. Et l'on a pu constater que l'absence de discipline scolaire, prônée par certains, de par la non institutionnalisation qu'elle signifiait, facilitait la constitution de prés carrés, de sortes de chasses gardées pédagogiques où les auto-proclamations sont légions. Comme si la méconnaissance des algorithmes, de l'interopérabilité ou du modèle OSI était un avantage pour réfléchir sur les sérieuses questions sociétales du monde du numérique. Mais les esprits évoluent, les choses changent, la nécessité s'impose et, en définitive, le nouveau se fait sa place, toute sa place. [20] « L'informatique, science de l'outil », Maurice Nivat http://www.epi.asso.fr/revue/articles/a1003a.htm Voir aussi : « Machines, outils et informatique », Maurice Nivat http://www.epi.asso.fr/revue/articles/a1004f.htm [21] Ces préjugés qui nous gouvernent, Gilles Dowek, éditions Le Pommier. Voir également : « Un chemin initiatique vers l'abstraction », Gilles Dowek http://www.epi.asso.fr/revue/articles/a1009g.htm [22] « L'informatique, discipline "technique" », David Monniaux, Chargé de recherche au CNRS à VERIMAG, Grenoble, professeur chargé de cours à l'École Polytechnique http://www.epi.asso.fr/revue/articles/a0911d.htm Annexe 2 Ecrire c'est réécrire Le traitement de texte est pour beaucoup d’enseignants l’outil pédagogique emblématique. Écrire c’est réécrire : une banalité certes, mais une lourde tâche pour les pédagogues quand ils veulent que les élèves « revoient leur copie ». Réécriture suppose relecture. Mais les élèves rechignent à le faire. Quelques annotations de l’enseignant ne suffisent pas. Il obtient souvent au mieux quelques corrections orthographiques et de ponctuation. En effet, avec un stylo et sur une feuille de papier, déplacer un mot, une phrase, un paragraphe, corriger quelques fautes, recopier une nouvelle version issue d’un brouillon vite devenu illisible de par la multiplicité des modifications... devient vite fastidieux et rédhibitoire s’il n’y a pas une forte motivation Or, il arrive que les élèves doivent se persuader qu’ils n’ont pas maintenu le dialogue implicite avec un lecteur (ils ont tu des données...), qu’ils ont insuffisamment fait la différence entre ce qu’ils voulaient dire et ce qu’ils ont réellement écrit, qu’ils ont mal perçu les registres de langue... Avec un traitement de texte, tout change. S’il faut repérer des répétitions ou mettre en évidence ce qui relève du langage parlé, l’enseignant peut demander de mettre les mots en caractères italiques. Erreurs, ratures, ajouts ne sont plus insupportables. La reprise est facile. On échappe à la lourdeur de la réécriture à la main. Une mauvaise graphie ne s’oppose plus à la lecture par les autres, une écriture illisible de par des troubles de motricité fine n’est plus un obstacle. En complément d’autres outils (dictionnaire, stylo, grammaire...), l’apport de l’ordinateur est riche et singulier. L’ordinateur se révèle être une condition (nécessaire ?) d’existence d’opérations intellectuelles, en ce sens qu’il en permet effectivement la réalisation en la rendant infiniment plus aisée, en en supprimant les contraintes « bassement matérielles ». Comme si la portée de l’outil était d’autant plus grande que son effet est anodin.

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15èmes Rencontres d'Autrans 12, 13 et 14 janvier 2011 Numérique et apprentissages Jean-Pierre Archambault chargé de mission, CNDP-CRDP de Paris Le numérique, en général, et le Web 2.0, en particulier, proposent des outils et constituent un contexte nouveau pour les apprentissages. L'intégration de l'informatique dans l'enseignement remonte aux années 70. C'est un long et lent processus, ne serait-ce que parce que le temps de la pédagogie est le temps long. Cela étant, le paysage éducatif s'est déjà significativement transformé. Où en est-on des usages éducatifs du numérique ? La situation actuelle amène à notamment regarder du côté de la culture générale scientifique informatique, de la culture générale scolaire au XXIè siècle. Le numérique entraîne des mutations dans la pédagogie et l'institution éducative. Quelles mutations de l'acte d'apprendre et de son organisation sociétale, à savoir l'institution scolaire ? Avec une question qui revient comme une antienne : quid de la place et du rôle de l'enseignant ? Aujourd'hui et demain, même si l'on sait que la prospective est un art difficile et périlleux. La (classique) dialectique potentialités et exigences issues du numérique/invariants de la pédagogie irrigue cet immense dossier (il y a des invariants dans l'Histoire des sociétés, dans la pédagogie aussi). Il faut d'abord poser le regard sur l'étroite relation qui existe entre l'utilisation (maîtrisée et raisonnée) des TIC par les enseignants et les élèves et leur culture scientifique et technique en informatique. I) Une relation étroite entre utilisation des TIC et culture scientifique informatique Si beaucoup a été fait en matière d'utilisation des TIC dans le système éducatif, beaucoup reste à faire. La France occupe le 24e rang en Europe pour l'utilisation des TIC dans le système éducatif, mais au 8e rang pour l'équipement en ordinateurs et au 12e rang pour les connexions en haut débit (1). Quand on interroge les enseignants sur les raisons de ce classement, ils mettent notamment en avant la (non) disponibilité des matériels (« Cela ne marche pas toujours quand on en a besoin ») ; les problèmes de maintenance des équipements, de la compétence de proximité à disposition dans les établissement scolaires et les écoles et de la prise en compte insuffisante de la quantité de travail que cela représente. Les enseignants mentionnent également l'insuffisante formation des personnes ressources et de la leur, évidemment. Dans son rapport remis à la ministre de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche en 2009, le groupe mathématiques-informatique du SNRI (Stratégie Nationale Recherche et Innovation) faisait le constat d'un « niveau non optimal en informatique des ingénieurs et chercheurs non informaticiens » (2). La situation est analogue pour les enseignants dans leur ensemble, qui ne sont pas des spécialistes de l'informatique mais en sont des utilisateurs dans le cadre de l'exercice de leur métier : outil pédagogique, évolution de leur discipline dans ses objets et ses méthodes de par l'informatique, outil de travail personnel et collectif. On est donc face à un problème de formation initiale et continue des enseignants. On entend souvent dire que, l'informatique irriguant la vie quotidienne de tout un chacun, les nouvelles générations, qui baignent dans Internet depuis leur plus jeune âge, n'auraient pas besoin d'une formation spécifique de nature scientifique et technique. Leurs utilisations d'Internet, dans et hors l'école, suffiraient. Qu'en est-il exactement ? Dans le cadre de sa thèse de doctorat, Cédric Fluckiger a réalisé une étude dans un collège de la région parisienne. Lucas, élève de troisième, pense qu'il est nécessaire d'avoir plusieurs abonnements à Internet pour accéder à toutes les pages, car les moteurs de recherche proposés sur les différents portails n'indiquent pas la même liste de sites : « Wanadoo ils ont pas les mêmes pages. Si je cherche quelque chose, j'aurai pas les mêmes choses dans Wanadoo et dans quelque part d'autre. (...) Ça change tout, c'est pour ça qu'on en a pris trois différents. » Cet exemple d'utilisation approximative, qui n'est pas unique loin s'en faut, traduit manifestement une représentation mentale erronée de l'environnement numérique dans lequel le collégien évolue. Des pratiques spontanées et sans recul ne suffisent pas à devenir un utilisateur averti. Une bonne appropriation de notions scientifiques fondamentales est indispensable car elle conditionne une utilisation rationnelle de l'outil conceptuel qu'est l'ordinateur et la résolution des problèmes rencontrés au fil du temps présent et à venir dans la société et l'économie numériques. Il faut relativiser fortement les compétences acquises hors de l'École, qui restent limitées aux usages quotidiens. Elles sont difficilement transférables dans un contexte scolaire plus exigeant. Les pratiques ne donnent lieu qu'à une très faible verbalisation. Les usages reposent sur des savoir-faire limités, peu explicitables et laissant peu de place à une conceptualisation. Pour les élèves, en elles- mêmes des pratiques sont insuffisantes à permettre une utilisation « intelligente » des outils (3). L'ambition culturelle de l'Ecole ne peut pas se contenter d'élèves en restant à une simple et approximative « consommation », sans parler des objectifs de formation de futurs professionnels avertis, « créateurs » d'informatique, et de citoyens éclairés. II) Culture générale au XXIème siècle Les constats précédents illustrent à leur façon la nécessité d'un enseignement de l'informatique en tant que tel (4). Dans les années 80, les lycées d'enseignement général où existait une option informatiques donnaient lieu à une plus grande utilisation de l'ordinateur que dans les autres (cette option alors en voie de généralisation a été supprimée en 1992, rétablie en 1994 puis à nouveau supprimée en 1998). L'informatique « objet d'enseignement » et l'informatique « outil pédagogique » sont complémentaires et se renforcent mutuellement. Les statuts éducatifs de l'informatique sont divers (5). Si des connaissances scientifiques et techniques en informatique sont une condition de son bon usage dans les apprentissages des autres disciplines (dont par ailleurs l' « essence », les objets et les méthodes, évolue de par l'influence de l'informatique), elle doit elle-même faire l'objet d'un apprentissage. On retrouve là un invariant de l'éducation, à savoir l'évolution de la culture générale scolaire de par l'évolution de la société. Des disciplines apparaissent, d'autres voient leur place diminuer, des recompositions s'opèrent au sein des disciplines elles-mêmes. Ainsi les sciences physiques sont-elles devenues une matière scolaire parce qu'elles sous-tendaient les réalisations de la société industrielle (or « le monde devient numérique », intitulé de la conférence inaugurale de Gérard Berry au Collège de France). Les raisons qui fondent la nécessité d'une discipline informatique sont diverses (omniprésence du numérique dans la vie quotidienne et les entreprises ; l'informatique représente 30% de la R&D dans le monde (18% seulement en Europe) ect.). Elles correspondent aux trois missions de l'Ecole : former l'homme, le travailleur et le citoyen. Lors des débats concernant le nucléaire le citoyen peut s'appuyer sur ses connaissances acquises dans le cours de sciences physiques ; les OGM sur le cours de SVT. Or le monde devient numérique venons-nous de rappeler... Et, concernant le Web 2,0 et les Webs à venir, dans un entretien accordé à Paris Match, le patron de Free, Xavier Niel, ainsi que Jacques-Antoine Granjon (Vente-Privée) et Marc Simoncini (Meetic), font état de leur projet d’ouvrir une école qui formerait les jeunes au web. Leur objectif ? Donner toutes les connaissances liées aux nouveaux métiers de l'Internet, qui pourront mener à la création du «Google de demain», nous indique le site Maxisciences (6). L'idée de cette nouvelle école de l’Internet «n’est pas de former une élite, mais des jeunes qui sortent avec des connaissances utiles pour prendre leur destin en main et trouver un travail dans l’industrie du web ». En effet, le fondateur de Meetic explique avoir du mal à recruter aujourd’hui. Marc Simoncini, pour qui « l'Ecole actuelle ne formerait pas assez bien aux nouvelles technologies », "à tout ce qui vient d’être inventé sur le web», donne l’exemple d’énarques ou autres «gens très brillants qui dirigent des entreprises» : «ils n’ont rien compris à l’Internet». C'est cela qu'il faut changer, estiment les trois hommes. L'on sait l'importance de la précocité des apprentissages. L'on sait également que le lycée est l'espace et le moment où les élèves construisent leur autonomie intellectuelle et où naissent les vocations. Les lycéens choisissent d'autant plus une voie par goût aux contenus qu'ils l'ont effectivement rencontrée concrètement dans leur scolarité ! La pénurie concernant les métiers des TIC est bien réelle et il y aura de plus en plus de ces professions : il faut absolument agrandir leur vivier. Et pour cela tirer les enseignements de la période qui vient de s'écouler, à savoir que le choix fait de la formation au numérique et à l'informatique par la simple utilisation des outils ne suffit pas, loin de là, et ne permet pas de répondre aux enjeux et défis de notre époque. La teneur de cet entretien illustre donc à sa manière une des missions fondamentales de l'enseignement scolaire général qui est, non pas de former des spécialistes, mais d'installer les connaissances qui permettront leur formation ultérieure. En leur donnant la culture générale de leur époque dont une des composantes est l'informatique. Un enseignement de spécialité optionnel « Informatique et sciences du numérique » a été créé en Terminale S pour la rentrée 2012. C'est une mesure qui va dans le bon sens. Et, conséquence importante dans la problématique qui nous intéresse, la formation des futurs professeurs pourra s'appuyer sur un enseignement d'informatique quand ils auront pu en bénéficier au lycée (celle des enseignants en poste relève de leur formation continue). III) L'acte pédagogique et les TIC Sans conteste, le numérique enrichit la panoplie des outils et des ressources à la disposition des enseignants dans l'exercice de leur métier. Ils peuvent faire autrement ou mieux ce qu'ils faisaient déjà. Ou faire des choses qu'ils ne pouvaient pas faire auparavant. L'acte pédagogique a tout à gagner à une utilisation raisonnée, maîtrisée, circonstanciée du numérique. Les apports sont évidents et bien connus, d'Internet aux applications spécifiques en passant par le traitement de texte (« Ecrire c'est réécrire » est un exemple particulièrement éclairant (7)). Toutes les démarches s'y retrouvent, le tableau numérique utilisé par l'enseignant aussi bien que le logiciel permettant une individualisation de l'apprentissage, le travail personnel et le travail en groupe... dans le cadre de la liberté pédagogique de l'enseignant. La classe évolue, le système éducatif aussi, à l'instar des administrations et des entreprises qui intègrent l'informatique au service de leur propre fonctionnement. Tout cela est bien connu, et reconnu ! Mais, si beaucoup de choses changent et changeront, qu'en est-il de la pédagogie et de ses fondamentaux ? De ses invariants qu'il faut avoir à l'esprit quand on imagine des scénarios pour l'avenir ? Ainsi que l'existence de cycles dans l'histoire des technologies. Par exemple, au début du XXe siècle, des firmes américaines soutenaient-elles déjà le développement de l’éducation par correspondance avec des arguments quant à sa capacité à offrir un apprentissage débarrassé de la contrainte du lieu et du temps, et plus individualisable. Le résultat a été une énorme banqueroute. Les plates-formes d’enseignement à distance ont fait resurgir les questionnements des débuts de l’enseignement assisté par ordinateur, autour de l’analyse automatique des réponses des élèves et de parcours individualisés qui en résultent (8). Où va-t-on ? Jusqu'où ira-t-on ? Quid de la pédagogie, le métier de l'Ecole, et de son cadre institutionnel, le système éducatif, dans le contexte du développement et de l'intégration du numérique ? Si assurément le numérique modifie le paysage pédagogique et a, et aura, des implications sur les institutions éducatives, pour autant peut-on conjecturer des changements radicaux ressemblant à un changement de nature de l'acte éducatif (9) ? Ou plus simplement un nouveau contexte enrichi ? Quid, avons-nous demandé, du rôle et de la place de l'enseignant ? Dans les lignes qui suivent nous rappellerons quelques aspects des questions de la complexité des apprentissages et de leur dimension « relation humaine », de l'autonomie des élèves, du rôle de l'enseignant dans l'appropriation des savoirs. Parmi d'autres (l'efficacité pédagogique, l'évaluation...), elles sont souvent présentes dans les réflexions sur la place des TIC dans l'éducation, d'une manière explicite ou implicite. Où doit-on placer le « curseur homme-machine » ? 1) La complexité des apprentissages et leur dimension « relation humaine » Les apprentissages ont des composantes cognitives, physiologiques, psychologiques, affectives, sociales et bien sûr pédagogiques et didactiques (des contenus et connaissances enseignés). Le plaisir d'apprendre pour apprendre est décisif (10). La dimension humaine est ô combien importante. Les enfants ont besoin d'être rassurés. On a tous à l'esprit l'enseignant remarquable à l'origine du choix d'une discipline et d'un métier. Il arrive même qu'un professeur soit le sujet d'un amour, platonique mais bien réel ! L'Ecole est un endroit privilégié de la socialisation des enfants et des adolescents. Le rôle du groupe est essentiel, le groupe classe en premier lieu. On sait la place qu'occupent le sentiment d'appartenance et la vie de groupe, le plaisir de retrouver les copains et les copines. De ce point de vue, les élèves ne sont pas des adultes en entreprise avec des recompositions fréquentes en groupes-projets. Il faut veiller à la stabilité de l'entourage et de l'environnement, à un bon équilibre dans le temps avec bien sûr des moments de « rupture » qui aident à lutter contre une monotonie qui peut s'installer. Le numérique ne saurait signifier moins de présence humaine adulte. Quant à l'enseignement à distance avec les outils modernes, il ne peut avoir une place qu'exceptionnelle pour la maternelle, le primaire et le collège (enfants malades par exemple). Le contraire serait irréaliste, et terrifiant. Il suffit de songer aux individus que cela produirait. Au lycée, il ne peut être qu'un complément limité, concernant des publics particuliers comme les sportifs de haut niveau. 2) L'autonomie des élèves Si le Web 2,0 et les TIC sont une bonne propédeutique au travail coopératif que les élèves rencontreront dans leur vie professionnelle, ils permettent aussi une individualisation des apprentissages, des démarches fondées sur l'autonomie. L'élève a potentiellement à sa disposition une multitudes de ressources. Supposé autonome, il peut être censé se fabriquer ses parcours. L’enseignant perd-il pour autant sa raison d’être ? Non, bien sûr. Médiation et autonomie ne sont nullement antinomiques. Développer l’autonomie chez les élèves requiert beaucoup de médiation humaine. On ne peut, sauf à confondre l’objectif final (former une personne autonome) et les moyens d’y parvenir, laisser l’élève seul avec ses outils, en se reposant sur une autonomie que justement il n'a pas encore et qu'il est en train d’acquérir. Il est complètement illusoire de penser s’en remettre à la seule machine. Les nouveaux outils permettent d’enrichir le rôle de l’enseignant en le diversifiant, non de s’en passer (11). On sait aussi que l'enseignement à distance requiert des publics autonomes, performants et motivés, qu’il convient mieux à des adultes en formation continue qu’à des jeunes en formation initiale, à des acquisitions de savoirs et savoir-faire explicites et directement opérationnels qu’à un enseignement de la philosophie. 3) L'appropriation des connaissances – le rôle du maître Avec Internet, tous les savoirs et connaissances accumulés par l'humanité, son patrimoine culturel sont à portée d'un clic. L'on sait les fabuleuses potentialités que cela recèle pour le travail intellectuel en général, les enseignants et les élèves en particulier. Nous avons vu la nécessité d'une culture informatique qui permet de procéder à des requêtes efficaces. Mais pour cela encore faut-il connaître les domaines sur lesquels on recherche. Cette proximité d'informations accessibles, beaucoup plus que dans le CDI de l'établissement ou dans le manuel scolaire, si elle offre des possibilités nouvelles, riches et multiples en termes de démarches pédagogiques change-t-elle pour autant fondamentalement l'acte d'apprendre et son environnement institutionnel ? Etant entendu qu'il n'est pas question de penser que l'élève refasse lui-même le parcours que l'humanité a emprunté sur des millénaires. Le monde est complexe mais il l'a toujours été. Le savoir des autres n'est pas le sien propre. En être « informé » ne suffit pas. Il faut se l'approprier. C'est la mission du système éducatif. Pour cela l'élève doit être guidé, accompagné. C'est le rôle immémorial de l'enseignant qui met en place (implicitement pour les élèves) des situations d'apprentissages fondées sur les didactiques des disciplines, dans des démarches pédagogiques s'appuyant sur l'environnement et l'expérience des élèves. Qui aide à mettre en évidence le simple dans le compliqué, dans des cadres disciplinaires qu'il faut constituer chez les élèves. La réalité est toujours d’un abord assez impénétrable quand on essaye de la comprendre un peu mieux. À chaque fois l’on se doit d’y mettre un peu d’ordre dans un premier temps, en identifiant et en isolant des pans fondamentaux de la connaissance, Il faut se garder d’une entrée précipitée dans le complexe qui négligerait de s’appuyer sur la simplicité de fondamentaux éprouvés ou d’une mise en relation prématurée des contenus. Cheminer avec intelligence dans un réseau est plus difficile que parcourir une arborescence, se mouvoir dans une structure en arbre moins aisé que d’emprunter un trajet linéaire. Dans les apprentissages, l’hypertexte ne rend pas caduc le séquentiel, il en renforce au contraire la nécessité. L’interdisciplinarité n’a de sens que dans un contexte disciplinaire, ce qui suppose l’existence d’au moins deux disciplines de référence avec une action réciproque. Le temps de l'interdisciplinaire survient donc quand les champs disciplinaires sont suffisamment installés, ont suffisamment de substance pour permettre des mises en relation fructueuses. On peut alors mieux montrer dans une tension créatrice et une approche interdisciplinaire alors féconde les insuffisances respectives des disciplines et leurs complémentarités. En mettant l'élève en contact avec une multitude de savoirs, en fait, Internet renforce la mission traditionnelle de l'enseignant dans un contexte où l'élève est sollicité (« parasité » ?) par une pléthore d'informations qu'il faut transformer en connaissances maîtrisées. Autre continuité, permanence, le rôle de la mémoire dans les apprentissages et la formation des capacités. HL. Dreyfus, observant la façon dont les adultes acquièrent de nouveaux savoir-faire, propose cinq stades : de la situation de novice à celle d'expert en passant par l'état de débutant avancé, de celui qui est compétent puis qui maîtrise (12). Si le maître voit ce qu’il faut faire puis décide de la façon de faire, cela lui demande du temps. Mais, que l’on pense au joueur de tennis, au pilote d’avion ou au joueur d’échecs pris par le temps, il existe de nombreux cas où celui à qui l’on reconnaît le statut d’expert (de « grand maître») ne dispose que d’une très petite fraction de seconde pour décider. Il sait réagir, faire ce qu’il faut faire. Comment procède-t-il exactement ? Manifestement il n’applique pas de règles, « il ne réfléchit pas ». Il a mémorisé de nombreuses classes de situations pouvant ne présenter entre elles que des différences imperceptibles. Chaque classe est décomposée en sous-classes, chacune relevant d’une même décision. L’expert discrimine parmi des dizaines de milliers de cas particuliers. Quand les événements prennent une tournure non familière, il doit prendre son temps pour réfléchir : il « régresse» ! On a là un autre invariant dans les apprentissages. Qui ne se confond pas avec la nécessité de savoir chercher (rapidement) avec efficacité sur Internet des informations dont on a besoin dans des champs de la connaissance que l'on maîtrise. Les deux s'apprennent avec un indispensable enseignant ! IV) Un nouveau contexte En définitive, le numérique entraîne des mutations pour le système éducatif, comme il le fait dans tous les secteurs de la société. Ces mutations ont un caractère de nécessité. Elles offrent des possibilités, immenses et nouvelles, à l'institution pour son « métier », à savoir la pédagogie, et pour son fonctionnement, les deux au service de ses missions fondamentales, former l'homme, le travailleur et le citoyen, dans les conditions, de la société du XXIè siècle, avec ses potentialités et ses exigences. Le Web 2,0, les outils informatiques, les ressources numériques enrichissent la panoplie des instruments dont l'enseignant dispose pour exercer son métier au service des élèves. Il peut faire des choses nouvelles, mieux faire des choses qu'il faisait déjà, varier les approches et les démarches... dans des utilisations maîtrisés et raisonnés de l'ordinateur. Des environnement numériques de travail se mettent en place qui permettent une continuité des outils et des documents de l’établissement au domicile, l’organisation de l’accès à des ressources électroniques distantes, la facilitation du travail coopératif, la mutualisation, l'individualisation aussi. Ces environnements d’apprentissage (de la maternelle au lycée) modifient le paysage pédagogique. Ils sont faits d'ordinateurs, de logiciels, de plate-formes, de bureaux virtuels de l’enseignant et de l’élève, de cartables électroniques, de ressources pédagogiques numérisées, de manuels numériques, d'espaces d'échanges pour des communautés humaines. Cela étant, l’enseignement reste fondamentalement présentiel, même s’il « s’hybride » quelque peu. Un nouveau contexte éducatif institutionnel s'installe, avec des élèves en chair et en os qui viennent dans des classes et des établissement « en dur » pour retrouver leurs compagnons d'apprentissage et leurs irremplaçables professeurs. (1) Rapport Fourgous, Réussir l'école numérique, page 115 : « Les statistiques européennes classent la France au 24e rang au niveau européen (sur 25 pays européens*), pour ce qui est de l'accès à l'outil, sa maîtrise dans un contexte pédagogique et la motivation des enseignants (soit un indicateur de 19 pour une moyenne européenne de 38). Ainsi, les établissements scolaires français se situent au 8e rang européen pour l'équipement en ordinateurs, au 12e rang pour les connexions en haut débit, mais au 21e rang pour l'utilisation de l'ordinateur en classe et au 24e rang pour ce qui est de l'usage de l'outil dans un contexte pédagogique. »

  • La Bulgarie et la Roumanie n'ont pas participé à cette enquête lancée avant leur entrée dans l'Union en

2007. http://www.reussirlecolenumerique.fr/pdf/Rapport_mission_fourgous.pdf (2) Stratégie Nationale de Recherche et d'Innovation (SNRI) http://media.enseignementsup-recherche.gouv.fr/file/SNRI/69/8/Rapport_general_de_la_SNRI_- _version_finale_65698.pdf Groupe de travail « Connaissance pluridisciplinaire 4 : numérique, calcul intensif et mathématiques » : http://media.enseignementsup-recherche.gouv.fr/file/Defi_de_connaissance_pluridisciplinaire/97/5/ SNRI2009_rapport_groupe_de_travail_Nummath_65975.pdf Voir : « Nous avons lu » dans EpiNet n° 129 de septembre. http://www.epi.asso.fr/revue/lu/l0909q.htm (3)Voir « Internet et ses pratiques juvéniles », Édric Fluckiger, Médialog n° 69. http://medialog.ac-creteil.fr/ARCHIVE69/juvenile69.pdf http://www.epi.asso.fr/revue/articles/a0905d.htm (4) L'informatique discipline scolaire. Un long cheminement http://www.epi.asso.fr/revue/articles/a1011b.htm Sur les freins qui accompagnent ce long cheminement, voir les extraits du texte précédent en annexe 1. L'approche qui consiste à vouloir donner une culture générale informatique par les utilisations dans les autres disciplines, symbolisée par le B2i, ne fonctionne pas. Voir le rapport Fourgous : Rapport Réussir l'école numérique, Partie III, II-5-3 http://www.reussirlecolenumerique.fr/pdf/Rapport_mission_fourgous.pdf. On pourra consulter « Quelques notes de lecture sur le rapport Fourgous : Réussir l'école numérique » http://www.epi.asso.fr/revue/docu/d1003a.htm. (5) Outil pédagogique, l'ordinateur enrichit la panoplie des outils de l'enseignant. Il se prête à la création de situations de communication « réelles » ayant du sens, notamment pour des élèves en difficulté. Il constitue un outil pour la motivation. Il favorise l'activité, l'initiative, la créativité, etc. L'informatique s'immisce dans les objets, les méthodes et les outils des savoirs constitués, transformant leur « essence », et leur enseignement doit en tenir compte. C'est particulièrement vrai pour les enseignements techniques et professionnels. Et pour les mathématiques, notamment de par l'impact des outils de calcul (dans le cadre de la pérenne et intrinsèque dialectique démonstration/calcul). Mais, peu ou prou, toutes les disciplines sont concernées. L'ordinateur est également outil de travail personnel et collectif des enseignants, des élèves et de la communauté éducative, notamment dans le cadre des ENT. Voir Ecole, éducation et multimédia, Les Cahiers dynamiques n° 26 http://lamaisondesenseignants.com/download/document/LCD26.pdf (6) http://www.maxisciences.com/%E9cole/xavier-niel-veut-creer-une-ecole-de-l-internet_art11366.html (7) Voir annexe 2 Ecrire c'est réécrire (8) Institutions éducatives et e-formation http://medialog.ac-creteil.fr/ARCHIVE44/eformation44.pdf (9) Les appétits de marchandisation de certains secteurs de l’offre éducative produisent des discours en se sens. Voir (7) (10) Le plaisir d'apprendre pour apprendre http://lamaisondesenseignants.com/download/document/plaisirappren.pdf (11) L'éducation, grand marché du XXIème siècle http://medialog.ac-creteil.fr/ARCHIVE39/jpa39.pdf (12) article sur « La portée philosophique du connexionnisme », paru dans l’ouvrage « Les sciences cognitives». Voir : Des banques de données , dans la tête aussi http://medialog.ac-creteil.fr/ARCHIVE31/jpa31.pdf Annexe 1 L'informatique discipline scolaire. Un long cheminement (extraits) Un grand classique ! I) Emergence dans la douleur Contrairement à ce que l'on pourrait penser de prime abord, ce long, tortueux et chaotique cheminement d'une discipline informatique au lycée ne saurait surprendre. C'est la loi du genre dans tous les domaines, un grand classique : le nouveau émerge toujours dans la douleur. Et cela ne date pas d'hier. Déjà, Confucius mettait en garde : « Lorsque tu fais quelque chose, sache que tu auras contre toi ceux qui voulaient faire la même chose, ceux qui voulaient faire le contraire et l'immense majorité de ceux qui ne voulaient rien faire. » Ainsi, au début du XXe siècle, un lobby du courant continu s'évertuait-il à « prouver », force arguments « scientifiques » à l'appui, que le courant alternatif constituait une impasse. Provocant mais réaliste, Bernard Stiegler se plait à dire que « si vous demandez aux gens ce qu'ils attendent des nouvelles technologies, leur première réponse sera : Rien, fichez-moi la paix ! ». Encore aujourd'hui, il n'y a que sept informaticiens à l'Académie des Sciences, sur 243 membres, alors que, répétons-le, l'informatique représente 30 % de la R&D dans le monde et qu'elle est une des trois grandes familles de la science contemporaine avec les mathématiques et les sciences expérimentales. Dans un mouvement de balancier, la discipline informatique revient (on peut penser que ce retour est définitif) après la suppression de l'option d'enseignement générale des lycées des années quatre-vingts. Il s'agit d'un phénomène international, que l'on retrouve dans beaucoup de pays, développés notamment, aussi bien au niveau des mesures prises que des discours. Les raisons de ce long cheminement sont donc profondes. II) Les obstacles au changement sont multiples. 1) Remise en cause d'identités personnelles et professionnelles qui s'incarnent dans des champs du savoir, des compétences et des savoir-faire. Difficultés objectives à s'approprier de nouvelles connaissances, surtout quand les fondamentaux de culture générale correspondants ne sont pas là, quand le contexte économique et social ne favorise pas les évolutions. 2) Plus prosaïquement aussi, la volonté délibérée de ne pas donner aux autres les clés de la réussite. Parmi ceux qu'on appelle les « passeurs » des TIC, également du côté de certaines sociétés de service, on peut très bien se satisfaire du manque de culture informatique des autres (ce handicap les concernant également) et décréter d'une manière péremptoire qu'une telle culture n'est pas nécessaire. Leurs situations de rentes en seront d'autant plus pérennes, que ce soit pour proposer des formations à la version n+1 d'un logiciel bureautique ou des solutions d'informatisation dont les coûts explosent et les délais s'allongent à n'en plus finir, avec des contrats qui en rejettent par avance la responsabilité sur les clients ! III) Avec ses spécificités, le monde de l'éducation n'échappe pas à ces freins.. 1) La massification de l'enseignement engendre des tensions fortes, posant avec acuité la question des efforts que la nation est prête à consentir pour l'éducation, pourtant le premier des investissements pour préparer l'avenir, qui plus est dans la société de la connaissance. 2) Il y a la difficulté récurrente à introduire une nouvelle discipline scolaire : à la place de quoi, formation des enseignants à mettre en place, concours de recrutement à créer, intégration dans les examens... IV) L'informatique étant à la fois une science et une technique... 1) la problématique de l'outil est omniprésente, avec cet argument que son utilisation suffirait à le maîtriser : on peut alors légitiment se demander à quoi servent les enseignements techniques et professionnels, ainsi que le cours de mathématiques, outil conceptuel au service des autres disciplines. Maurice Nivat nous invite opportunément à relire André Leroy Gourhan qui nous a appris que l'outil n'est rien sans le geste qui l'accompagne et l'idée que se fait l'utilisateur de l'outil de l'objet à façonner [20]. Et d'ajouter : « Ce qui était vrai de nos lointains ancêtres du Neanderthal, quand ils fabriquaient des lames de rasoir en taillant des silex est toujours vrai : l'apprentissage de l'outil ne peut se faire sans apprentissage du geste qui va avec ni sans compréhension du mode de fonctionnement de l'outil, de son action sur la matière travaillée, ni sans formation d'une idée précise de la puissance de l'outil et de ses limites. » 2) Le thème de l'outil est aussi celui de la technique, de sa place dans la société française, de celle du travail manuel, du rapport de secteurs des élites de la nation à la science et à la technique [21]. Combien de fois n'a-t-on pas entendu « Ce n'est qu'un outil » ? Un outil qui ne devrait pas nous détourner d'objectifs culturels nobles ! Comme si l'outil n'était pas partie intégrante de la culture humaine depuis la nuit des temps. La science aussi faut-il le rappeler. A ce sujet, si dans un passé récent le fait que l'histoire-géographie devienne optionnelle en Terminale S (tout en restant heureusement présente à l'école et dans le secondaire jusqu'à la classe de Première, ce qui n'est pas encore le cas de l'informatique) a provoqué une légitime émotion, le fait que les mathématiques deviennent optionnelles en Première L n'a pas fait la une des journaux, c'est le moins que l'on puisse dire. Deux poids deux mesures. 3) L'informatique présente des aspects techniques. C'est indéniable. David Monniaux fait justement remarquer qu'elle n'est pas la seule discipline dans ce cas [22]. Il prend le cas des mathématiques, science de l'abstraction et du conceptuel formalisés qui, cependant, a une grande part de technique. « Même si, de nos jours, des moyens de calcul informatiques existent, il faut tout de même savoir faire à la main des résolutions d'équations, des calculs d'intégrales, des majorations, etc. » Et le français, tel qu'enseigné dans le secondaire, est également largement une activité technique. En effet, « l'enseignement et la notation portent en bonne partie sur la forme des textes produits (orthographe, grammaire, et plus généralement expression) et non sur le fond ». La forme a également beaucoup d'importance dans certaines filières de l'enseignement supérieur. « De fait, il semble que les entreprises s'intéressent parfois aux étudiants en lettres pour leurs qualités rédactionnelles... L'idée est ancienne : ne dit-on pas que Charles de Gaulle avait recruté Georges Pompidou parce qu'il voulait "un normalien sachant écrire" ? ». Quant aux langues étrangères, si Shakespeare est un « monument » de la culture universelle qu'il faut connaître, « on n'en attend pas moins d'une personne ayant étudié sa langue une connaissance de l'anglais contemporain, tel que parlé et écrit en pratique chez les partenaires économiques ». Idem pour le japonais avec « le vocabulaire et les expressions de la robotique ou des centrales nucléaires et ceux du Dit du Genji. Les universités ont donc ouvert des filières de langues étrangères appliquées. » V)La pédagogie est un terrain de débats, voire d'affrontements quant au bien-fondé d'un enseignement de l'informatique. Rien que de très normal. 1) Les boulangers se divisent sur la façon de faire le pain, les maçons sur celle de monter un mur... les enseignants sur la façon de faire cours. 2) Au début des années quatre-vingt-dix, le réseau local fut mal accueilli dans certains cercles de formateurs informatiques des MAFPEN. Au nom de la sacro-sainte pédagogie qui se serait pleinement satisfaite des postes autonomes, la technique détournant du fondamental à savoir les usages de l'ordinateur en classe. Étrange myopie qui ne voyait pas que le réseau était en train de devenir le mode d'existence dominant de l'informatique, offrant qui plus est des potentialités nouvelles justement sur le plan de la pédagogie (communication, travail collaboratif...). Attitude qui s'explique en partie par la difficulté objective à former les enseignants sur des environnements plus complexes. La pièce sera rejouée avec l'arrivée d'Internet : « Internet d'accord mais pour quoi faire ? ». Alors que dix ans de télématique scolaire avait montré la voie des usages pédagogiques que l'on pouvait avoir avec un réseau longue distance. On pourrait multiplier les exemples, ainsi le rejet du LSE par ceux dont la position et le prestige dans l'établissement, de par les services qu'ils rendaient avec le Basic, étaient menacés par la formation des collègues accompagnant l'arrivée des ordinateurs dans l'établissement. Et qui pour cela disaient pis que pendre d'un langage structuré pourtant conçu pour l'enseignement, avec des instructions en langue française. 3) Les débats sont souvent vifs et paradoxaux. La discipline informatique au XXIe siècle s'inscrit dans les trois missions de l'École, former l'homme, le travailleur et le citoyen, avons-nous dit d'emblée. Mais quand on parle pédagogie et informatique, il arrive que certains ne voient pas, par exemple, les potentialités de la programmation, qui favorise l'activité intellectuelle, l'appropriation de notions informatiques mais aussi des autres disciplines. On constate en effet avec l'ordinateur une transposition des comportements classiques que l'on observe dans le domaine de la fabrication des objets matériels. À la manière d'un artisan qui prolonge ses efforts tant que son ouvrage n'est pas effectivement terminé, un lycéen, qui par ailleurs se contentera d'avoir résolu neuf questions sur dix de son problème de mathématiques (ce qui n'est déjà pas si mal !), s'acharnera jusqu'à ce que fonctionne le programme de résolution de l'équation du second degré que son professeur lui a demandé d'écrire, pour qu'il cerne mieux les notions d'inconnue, de coefficient et de paramètre. La programmation est un « outil » pédagogique à même de fournir d'autres voies pour la compréhension des concepts, de proposer des projets coopératifs « vrais » préparant aux modalités de travail dans l'entreprise. La programmation est également une bonne école de formation à la rigueur (attention à la virgule mal placée ou à la parenthèse qui manque). Dommage de s'en passer. Surtout pour de mauvaises raisons comme celle selon laquelle le lycée n'a pas vocation à former des informaticiens professionnels. Ni des mathématiciens d'ailleurs. Pourtant les élèves font des mathématiques du cours préparatoire à la classe de Terminale ! 4) Certes, la machine et sa puissance peuvent entretenir les illusions. Une requête mal formulée donne quand même des résultats (mais que valent-ils ?) alors que la feuille peut rester blanche avec un crayon. On a vu ci-avant la confusion sur les statuts éducatifs de l'informatique, pour une part conséquence d'identités professionnelles qui ont du mal à accepter les évolutions. Et l'on a pu constater que l'absence de discipline scolaire, prônée par certains, de par la non institutionnalisation qu'elle signifiait, facilitait la constitution de prés carrés, de sortes de chasses gardées pédagogiques où les auto-proclamations sont légions. Comme si la méconnaissance des algorithmes, de l'interopérabilité ou du modèle OSI était un avantage pour réfléchir sur les sérieuses questions sociétales du monde du numérique. Mais les esprits évoluent, les choses changent, la nécessité s'impose et, en définitive, le nouveau se fait sa place, toute sa place. [20] « L'informatique, science de l'outil », Maurice Nivat http://www.epi.asso.fr/revue/articles/a1003a.htm Voir aussi : « Machines, outils et informatique », Maurice Nivat http://www.epi.asso.fr/revue/articles/a1004f.htm [21] Ces préjugés qui nous gouvernent, Gilles Dowek, éditions Le Pommier. Voir également : « Un chemin initiatique vers l'abstraction », Gilles Dowek http://www.epi.asso.fr/revue/articles/a1009g.htm [22] « L'informatique, discipline "technique" », David Monniaux, Chargé de recherche au CNRS à VERIMAG, Grenoble, professeur chargé de cours à l'École Polytechnique http://www.epi.asso.fr/revue/articles/a0911d.htm Annexe 2 Ecrire c'est réécrire Le traitement de texte est pour beaucoup d’enseignants l’outil pédagogique emblématique. Écrire c’est réécrire : une banalité certes, mais une lourde tâche pour les pédagogues quand ils veulent que les élèves « revoient leur copie ». Réécriture suppose relecture. Mais les élèves rechignent à le faire. Quelques annotations de l’enseignant ne suffisent pas. Il obtient souvent au mieux quelques corrections orthographiques et de ponctuation. En effet, avec un stylo et sur une feuille de papier, déplacer un mot, une phrase, un paragraphe, corriger quelques fautes, recopier une nouvelle version issue d’un brouillon vite devenu illisible de par la multiplicité des modifications... devient vite fastidieux et rédhibitoire s’il n’y a pas une forte motivation Or, il arrive que les élèves doivent se persuader qu’ils n’ont pas maintenu le dialogue implicite avec un lecteur (ils ont tu des données...), qu’ils ont insuffisamment fait la différence entre ce qu’ils voulaient dire et ce qu’ils ont réellement écrit, qu’ils ont mal perçu les registres de langue... Avec un traitement de texte, tout change. S’il faut repérer des répétitions ou mettre en évidence ce qui relève du langage parlé, l’enseignant peut demander de mettre les mots en caractères italiques. Erreurs, ratures, ajouts ne sont plus insupportables. La reprise est facile. On échappe à la lourdeur de la réécriture à la main. Une mauvaise graphie ne s’oppose plus à la lecture par les autres, une écriture illisible de par des troubles de motricité fine n’est plus un obstacle. En complément d’autres outils (dictionnaire, stylo, grammaire...), l’apport de l’ordinateur est riche et singulier. L’ordinateur se révèle être une condition (nécessaire ?) d’existence d’opérations intellectuelles, en ce sens qu’il en permet effectivement la réalisation en la rendant infiniment plus aisée, en en supprimant les contraintes « bassement matérielles ». Comme si la portée de l’outil était d’autant plus grande que son effet est anodin.