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Bonjour. | |||
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Là vous avez applaudi parce qu’on vous a encouragé, par politesse. Peut-être m’applaudirez-vous à certains instants. Je ne suis pas sûr, je ne suis pas certain ! Pas certain ! | |||
Anthony vous avez dit que le cerveau faisait, à peu près avait une capacité de 80 gigas. C’est ça ? Mais d’où vous tenez ça ? Vous êtes sûr de ça ? | |||
<b>Anthony : </b>Non, c’est Google. | |||
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<b>Éric Sadin : </b>Bon ! Parce qu’évidemment on ne peut pas croire ce genre d’affaire, de quantification, contrairement à tant de personnes qui croient qu’on peut quantifier, modéliser le cerveau humain. | |||
Donc merci Charles. C’est moins de l’intelligence artificielle qui est un de mes champs de recherche actuel et pour les années à venir que de la part de l’ingénieur au sens large, le développeur, le programmeur, le codeur, que je souhaiterais évoquer et sa part de responsabilité et les incidences aujourd’hui que les développeurs par leurs productions, par leurs savoirs, produisent sur la société. | |||
L’avènement de l’Internet au milieu, à la fin des années 90, qui a donné ce qui a été nommé de façon assez synthétique « l’âge de l’accès », qui a rendu possible l’accès, justement, à une infinité, à un volume de corpus sans cesse croissant, textuel, iconique, sonore, eh bien a donné, imprimé une image radieuse au numérique, rendant possibles aussi des jeux de communication entre individus à des coûts marginaux et l’accès, pour dire rapidement les choses, à tous les savoirs du monde. | |||
Eh bien cette dimension-là, de ce qui a été nommé par le futurologue de plus en plus exalté, je veux parler de Jérémy Rifkin qui a nommé ce moment-là et d’autres choses aussi, il a nommé d’autres dimensions dans ce titre-là de son livre qui s’appelait <em>L’âge de l’accès</em>, mais nommer cette capacité d’accès, cette capacité d’accès qui a imprimé, je le redis, jusqu’à aujourd’hui, notre représentation, pour parler rapidement, du numérique. | |||
Or aujourd’hui, ce que nous nommons numérique correspond, renvoie, à cet âge de l’accès, mais renvoie à une autre dimension qui est actuellement en forte émergence, massivement émergente, à laquelle vous participez, vous probablement pour partie ici et plus largement au-delà de vous, vos métiers, eh bien ce moment c’est celui que je nomme – puisque vous aviez dit Charles que je suis un des penseurs du numérique ; alors parfois on peut jargonner, j’essaie de jargonner le moins possible –, mais aujourd’hui nous entrons dans un autre moment que je nommerai « l’âge de la mesure de la vie ». | |||
Alors qu’est-ce que c’est la mesure de l’âge de la vie ? Si l’âge de l’accès ne cesse de se développer, de continuer, cela n’est pas appelé à s’affaiblir, se réduire, tout le contraire même, tout le contraire, s’agrège un autre moment qui voit la dissémination de capteurs sur des surfaces de plus en plus variées de nos réalités. Nous vivons ce moment actuellement ; je ne suis pas futurologue, mais les années 2015-2025 vont probablement voir – et là je pense que je ne vous apprends rien –, vont vous probablement voir la dissémination tous azimuts, et je mets une petite parenthèse, si nous n’y prenons garde, si nous n’y prenons garde, car les choses ne sont pas écrites. La tendance veut qu’il y ait des capteurs, des objets connectés, qui diffusent des données relativement à des gestes de plus en plus variés du quotidien et, vous le savez, qui sont traitées par des systèmes d’intelligence artificielle de plus en plus sophistiqués, en sophistication croissante, selon des vitesses, aller on va dire exponentielles, c’est un peu facile, mais sans cesse accélérées. Et que rend cet environnement, cette configuration ? Eh bien elle rend une visibilité de plus en plus approfondie, de plus en plus, j’ai dit ce terme trois fois, variée de nos gestes, et une visibilité, une interprétation par des systèmes, de nos comportements. Que ce soit une balance connectée qui quantifie nos poids, qui évalue les courbes successives évolutives et qui, en retour, et tout est à l’avenant, via des start-ups, des applications, des start-ups, alors on m’a dit « tu vas un peu dans un terrain hostile aujourd’hui » ; je vais peut-être dans un terrain hostile, mais je pense que j’ai des choses à vous dire. Il y a des start-ups, quantités de start-ups, c’est même la vocation majeure de la start-up et des start-ups aujourd’hui de recueillir ces données via des capteurs, en tous les cas tous types de données et de plus en plus via des capteurs et via des objets connectés, en vue, en vue, j’ai presque envie de dire mes chers amis, en vue prioritairement d’instaurer une marchandisation de plus en plus intégrale de la vie. Que ce soit des puces, alors une fois j’ai dit dans une émission de radio « vous savez maintenant il va y avoir des puces dans le lit. » Le journaliste m’a dit : « Vous savez des puces, ce n’est pas nouveau ! » J’ai mis une seconde à comprendre. Oui des puces, des <em>chips</em>, dans le lit qui quantifient le sommeil et là il y a évidemment, immédiatement, des <em>startupers</em>, des applications qui peuvent supposer, par la quantification du sommeil, eh bien des quantités d’offres en retour de compléments alimentaires ou de séjours à la montagne. Et c’est à l’avenant avec les balances connectées, c’est à l’avenant, tout est à l’avenant, avec les capteurs dont tout le monde se réjouit, c’est l’avenir radieux des dix prochaines années, des capteurs partout, qui vont optimiser, faciliter la gestion de notre vie. Mais les capteurs c’est la marchandisation intégrale de la vie, de toutes les séquences de la vie. | |||
Mais ce n’est pas que ça ! Les capteurs, les systèmes d’intelligence artificielle qui interprètent en temps réel. Charles je risque d’avoir un problème, parce que là je ne vois pas l’heure. C’est moi là, je suis déjà à treize ! Non ! Bon eh bien écoutez. Pardon ? | |||
<b>Charles : </b>Le temps passe vite quand on s’amuse ! | |||
<b>Éric Sadin : </b>Ouais, je commence… Mais bon ! Écoutez, je vais essayer de m’y tenir, mais ça va être très compliqué. | |||
Ce n’est pas que la marchandisation intégrale de la vie cette interprétation en temps réel. C’est par exemple, dans les espaces de travail, dans les grandes entreprises qu’on appelle la <em>feedback economy</em>, l’entreprise 4.0, il y a plein de dénominations, c’est l’infiltration, l’intégration de capteurs sur toutes les chaînes, que ce soient les chaînes de conception, les chaînes de fabrication, les chaînes de livraison, et qui rendent possible, j’ai parlé d’interprétation de visibilité en temps réel des comportements, des cadences de production et qui rendent possible – donc là ce n’est pas que la marchandisation de la vie, c’est autre chose–, qui rendent possible la mise en place de systèmes qui interprètent l’ensemble des faits et qui, en retour, guident des actions à entreprendre, donc orientent l’action humaine et induisent ce que je nomme une organisation algorithmique de la société, ce qui est à l’œuvre actuellement massivement dans l’entreprise. Et là, aussi bien concernant la marchandisation intégrale de la vie que l’organisation algorithmique, notamment du cas du travail qui dénie l’individu de la spontanéité humaine, de sa capacité créative autonome et qui le réduit à une sorte de robot de chair. Eh bien et l’une et l’autre, la marchandisation et l’organisation algorithmique de la vie, représentent des modèles de société en devenir auxquels, pour ma part, je m’oppose radicalement et pour lesquels les développeurs, pour une large part, participent de la formation de ce nouvel environnement qui n’est pas seulement un environnement social ou sociétal dit-on, c’est un nouveau modèle civilisationnel fondé sur la visibilité en temps réel des comportements et une dimension strictement utilitariste de l’utilisation de ces données. | |||
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Je vais faire un petit écart. Ah ! |
Version du 23 mai 2018 à 16:15
Titre : De la responsabilité des ingénieurs
Intervenants : Éric Sadin -Charles
Lieu : Paris . Palais des Congrès - Conférence Devoxx France
Date : avril 2018
Durée : 26 min
Licence de la transcription : Verbatim
NB : transcription réalisée par nos soins. Les positions exprimées sont celles des intervenants et ne rejoignent pas forcément celles de l'April.
Statut : Transcrit MO
Transcription
Bonjour.
[Applaudissements]
Là vous avez applaudi parce qu’on vous a encouragé, par politesse. Peut-être m’applaudirez-vous à certains instants. Je ne suis pas sûr, je ne suis pas certain ! Pas certain ! Anthony vous avez dit que le cerveau faisait, à peu près avait une capacité de 80 gigas. C’est ça ? Mais d’où vous tenez ça ? Vous êtes sûr de ça ?
Anthony : Non, c’est Google.
[Rires]
Éric Sadin : Bon ! Parce qu’évidemment on ne peut pas croire ce genre d’affaire, de quantification, contrairement à tant de personnes qui croient qu’on peut quantifier, modéliser le cerveau humain.
Donc merci Charles. C’est moins de l’intelligence artificielle qui est un de mes champs de recherche actuel et pour les années à venir que de la part de l’ingénieur au sens large, le développeur, le programmeur, le codeur, que je souhaiterais évoquer et sa part de responsabilité et les incidences aujourd’hui que les développeurs par leurs productions, par leurs savoirs, produisent sur la société.
L’avènement de l’Internet au milieu, à la fin des années 90, qui a donné ce qui a été nommé de façon assez synthétique « l’âge de l’accès », qui a rendu possible l’accès, justement, à une infinité, à un volume de corpus sans cesse croissant, textuel, iconique, sonore, eh bien a donné, imprimé une image radieuse au numérique, rendant possibles aussi des jeux de communication entre individus à des coûts marginaux et l’accès, pour dire rapidement les choses, à tous les savoirs du monde.
Eh bien cette dimension-là, de ce qui a été nommé par le futurologue de plus en plus exalté, je veux parler de Jérémy Rifkin qui a nommé ce moment-là et d’autres choses aussi, il a nommé d’autres dimensions dans ce titre-là de son livre qui s’appelait L’âge de l’accès, mais nommer cette capacité d’accès, cette capacité d’accès qui a imprimé, je le redis, jusqu’à aujourd’hui, notre représentation, pour parler rapidement, du numérique.
Or aujourd’hui, ce que nous nommons numérique correspond, renvoie, à cet âge de l’accès, mais renvoie à une autre dimension qui est actuellement en forte émergence, massivement émergente, à laquelle vous participez, vous probablement pour partie ici et plus largement au-delà de vous, vos métiers, eh bien ce moment c’est celui que je nomme – puisque vous aviez dit Charles que je suis un des penseurs du numérique ; alors parfois on peut jargonner, j’essaie de jargonner le moins possible –, mais aujourd’hui nous entrons dans un autre moment que je nommerai « l’âge de la mesure de la vie ».
Alors qu’est-ce que c’est la mesure de l’âge de la vie ? Si l’âge de l’accès ne cesse de se développer, de continuer, cela n’est pas appelé à s’affaiblir, se réduire, tout le contraire même, tout le contraire, s’agrège un autre moment qui voit la dissémination de capteurs sur des surfaces de plus en plus variées de nos réalités. Nous vivons ce moment actuellement ; je ne suis pas futurologue, mais les années 2015-2025 vont probablement voir – et là je pense que je ne vous apprends rien –, vont vous probablement voir la dissémination tous azimuts, et je mets une petite parenthèse, si nous n’y prenons garde, si nous n’y prenons garde, car les choses ne sont pas écrites. La tendance veut qu’il y ait des capteurs, des objets connectés, qui diffusent des données relativement à des gestes de plus en plus variés du quotidien et, vous le savez, qui sont traitées par des systèmes d’intelligence artificielle de plus en plus sophistiqués, en sophistication croissante, selon des vitesses, aller on va dire exponentielles, c’est un peu facile, mais sans cesse accélérées. Et que rend cet environnement, cette configuration ? Eh bien elle rend une visibilité de plus en plus approfondie, de plus en plus, j’ai dit ce terme trois fois, variée de nos gestes, et une visibilité, une interprétation par des systèmes, de nos comportements. Que ce soit une balance connectée qui quantifie nos poids, qui évalue les courbes successives évolutives et qui, en retour, et tout est à l’avenant, via des start-ups, des applications, des start-ups, alors on m’a dit « tu vas un peu dans un terrain hostile aujourd’hui » ; je vais peut-être dans un terrain hostile, mais je pense que j’ai des choses à vous dire. Il y a des start-ups, quantités de start-ups, c’est même la vocation majeure de la start-up et des start-ups aujourd’hui de recueillir ces données via des capteurs, en tous les cas tous types de données et de plus en plus via des capteurs et via des objets connectés, en vue, en vue, j’ai presque envie de dire mes chers amis, en vue prioritairement d’instaurer une marchandisation de plus en plus intégrale de la vie. Que ce soit des puces, alors une fois j’ai dit dans une émission de radio « vous savez maintenant il va y avoir des puces dans le lit. » Le journaliste m’a dit : « Vous savez des puces, ce n’est pas nouveau ! » J’ai mis une seconde à comprendre. Oui des puces, des chips, dans le lit qui quantifient le sommeil et là il y a évidemment, immédiatement, des startupers, des applications qui peuvent supposer, par la quantification du sommeil, eh bien des quantités d’offres en retour de compléments alimentaires ou de séjours à la montagne. Et c’est à l’avenant avec les balances connectées, c’est à l’avenant, tout est à l’avenant, avec les capteurs dont tout le monde se réjouit, c’est l’avenir radieux des dix prochaines années, des capteurs partout, qui vont optimiser, faciliter la gestion de notre vie. Mais les capteurs c’est la marchandisation intégrale de la vie, de toutes les séquences de la vie.
Mais ce n’est pas que ça ! Les capteurs, les systèmes d’intelligence artificielle qui interprètent en temps réel. Charles je risque d’avoir un problème, parce que là je ne vois pas l’heure. C’est moi là, je suis déjà à treize ! Non ! Bon eh bien écoutez. Pardon ?
Charles : Le temps passe vite quand on s’amuse !
Éric Sadin : Ouais, je commence… Mais bon ! Écoutez, je vais essayer de m’y tenir, mais ça va être très compliqué.
Ce n’est pas que la marchandisation intégrale de la vie cette interprétation en temps réel. C’est par exemple, dans les espaces de travail, dans les grandes entreprises qu’on appelle la feedback economy, l’entreprise 4.0, il y a plein de dénominations, c’est l’infiltration, l’intégration de capteurs sur toutes les chaînes, que ce soient les chaînes de conception, les chaînes de fabrication, les chaînes de livraison, et qui rendent possible, j’ai parlé d’interprétation de visibilité en temps réel des comportements, des cadences de production et qui rendent possible – donc là ce n’est pas que la marchandisation de la vie, c’est autre chose–, qui rendent possible la mise en place de systèmes qui interprètent l’ensemble des faits et qui, en retour, guident des actions à entreprendre, donc orientent l’action humaine et induisent ce que je nomme une organisation algorithmique de la société, ce qui est à l’œuvre actuellement massivement dans l’entreprise. Et là, aussi bien concernant la marchandisation intégrale de la vie que l’organisation algorithmique, notamment du cas du travail qui dénie l’individu de la spontanéité humaine, de sa capacité créative autonome et qui le réduit à une sorte de robot de chair. Eh bien et l’une et l’autre, la marchandisation et l’organisation algorithmique de la vie, représentent des modèles de société en devenir auxquels, pour ma part, je m’oppose radicalement et pour lesquels les développeurs, pour une large part, participent de la formation de ce nouvel environnement qui n’est pas seulement un environnement social ou sociétal dit-on, c’est un nouveau modèle civilisationnel fondé sur la visibilité en temps réel des comportements et une dimension strictement utilitariste de l’utilisation de ces données.
8’ 24
Je vais faire un petit écart. Ah !