Projet de loi, relatif à l’enseignement supérieur et à la recherche, par Mme Geneviève Fioraso

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Texte disponible ici (au 04/04/2013) : http://www.assemblee-nationale.fr/14/projets/pl0835.asp La date limite de dépôts d'amendements est le 10 mai.

Remarques en bref[modifier]

  1. On peut se demander ce qui motive la procédure accélérée. L'enseignement supérieur et la recherche ont subi 5 projets de loi ces sept dernières années. Peut être serait il bon de prendre le temps de discuter les orientations avant de les ordonner, conformément à l'exposé des motifs qui appelle au « dialogue ».
  2. Le ministère persiste à considérer comme pertinent le critère de production relative de brevets. Il nomme « valorisation » le fait de soustraire la connaissance de la société (et donc du monde entrepreneurial), et encourage cette pratique.
  3. Revue de Web:

Extraits de l'exposé des motifs concernant le transfert de la recherche[modifier]

Les aspects de transfert occupent une bonne partie du 2e objectif annoncé du projet de loi : « mieux répondre aux grands enjeux sociétaux à venir ». Le terme de « transfert » n'est pas défini dans le projet de loi. Il y a grand risque que ça signifie, aux yeux du gouvernement et des évaluateurs : « breveter & licencier au plus offrant ».

  • « Ce qui se joue dans la performance de notre recherche fondamentale et technologique, jusqu’au transfert vers l’industrie et la société, ce sont une meilleure compréhension du monde, les innovations de rupture répondant aux défis de ce siècle, l’amélioration de notre compétitivité pour maintenir des emplois et en développer de nouveaux, la diffusion de modèles de progrès pour tous. »
  • « La multiplication récente des appels à projets n’a pas produit de développement sensible du transfert des résultats de la recherche et de sa valorisation. Notre production relative de brevets et les créations de start-ups n’ont pas augmenté. »
  • « Pour transformer les avancées de l’agenda de la recherche en innovations créatrices d’emplois et de nouvelles filières de développement, l’accent sera mis sur le transfert et la valorisation. La mission de transfert est explicitement mentionnée pour la première fois dans la loi, qui prévoit des dispositions pour accroître son efficacité. »
  • « Elle [NdM: la gestion de la propriété intellectuelle] sera également facilitée pour les entreprises, en particulier les PME et les entreprises de taille intermédiaire, qui s’engagent à produire sur le territoire de l’Union européenne, pour tout transfert réalisé grâce à des subventions publiques. Un livre des transferts, complémentaire à la loi, contiendra les dispositions nécessaires. »
  • « Les contrats de site prévus dans la loi permettront aux établissements publics d’enseignement supérieur relevant du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche et aux organismes de recherche partenaires de ces établissements d’organiser de façon coordonnée leur offre de formation et leur stratégie de recherche et de transfert. »
  • « le renforcement de nos partenariats européens [...] de la recherche fondamentale au transfert vers l’industrie [...], contribueront à mettre l’enseignement supérieur et la recherche de notre pays, rénovés et redynamisés, au cœur du redressement national et européen. »

Extraits du projet de loi[modifier]

Article 5[modifier]

Exposé des motifs[modifier]

L’article 5 modifie et actualise les missions du service public de l’enseignement supérieur définies à l’article L. 123-3, en introduisant les notions de formation tout au long de la vie, en lieu et place de formation initiale et continue, et de transfert des résultats de la recherche.

Projet de loi[modifier]

L’article L. 123-3 [1] est ainsi modifié :

[...]
2° Au 2°, les mots : « la diffusion et la valorisation » sont remplacés par les mots : « la diffusion, la valorisation et le transfert ».

Commentaire[modifier]

Il semble très discutable d'ajouter cette responsabilité de « transfert » au monde de la recherche sans préciser ni de quoi il s'agit, ni des moyens à mettre en œuvre pour y parvenir.

Par ailleurs, il serait dans tous les cas préférable de parler de transfert « en direction de la société », pour éviter l'amalgame « transfert == offrande exclusive à une entreprise de licences privatrices ».

Article 7[modifier]

Exposé des motifs[modifier]

L’article 7 modifie les dispositions de l’article L. 123-5 relatives à la recherche dans les missions du service public de l’enseignement supérieur. Il souligne la nécessité d’une continuité entre les activités de formation, de recherche et d’innovation et de transfert des résultats de la recherche vers les secteurs socio-économiques. Cet article précise les modalités de contribution à la compétitivité de l’économie mentionnée à l’article L. 123-2. Les deux derniers alinéas de l’article sont des alinéas de coordination avec les modifications apportées dans les articles ultérieurs sur les dispositifs de regroupement introduits dans le code de la recherche par la loi du 18 avril 2006.

Projet de loi[modifier]

L’article L. 123-5 [2] est ainsi modifié :

1° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Il s’attache en particulier à développer le transfert des résultats obtenus vers les secteurs socio-économiques. Il développe une capacité d’expertise et d’appui aux politiques publiques menées pour répondre aux grands défis sociétaux. » ;
[...]

Commentaire[modifier]

Il semble très discutable d'ajouter cette responsabilité de « transfert » au monde de la recherche sans préciser ni de quoi il s'agit, ni des moyens à mettre en œuvre pour y parvenir. Ceci étant, on peut se féliciter qu'il soit un tant soi peu question de transfert « en direction de la société ».

Article 10 et 12[modifier]

Exposé des motifs[modifier]

Les articles 10 et 12 modifient respectivement les objectifs de la politique nationale de recherche et ceux de la recherche publique tels qu’ils figurent aux articles L. 111-1 et L. 112-1 en y introduisant la mission de transfert des résultats de la recherche vers le monde socio-économique. L’article 12 ajoute à la mission d’expertise celle d’appui aux politiques publiques pour répondre aux défis sociétaux.

Projet de loi[modifier]

Article 10[modifier]

À l’article L. 111-1 [3], les mots : « des résultats de la recherche » sont remplacés par les mots : « et au transfert des résultats de la recherche vers les secteurs socio-économiques ».

Article 12[modifier]

L’article L. 112-1 [4] est ainsi modifié :

1° Au b les mots : « des résultats de la recherche » sont remplacés par les mots : « et le transfert des résultats de la recherche vers les secteurs socio-économiques » ;
[...]

Commentaire[modifier]

Il semble très discutable d'ajouter cette responsabilité de « transfert » au monde de la recherche sans préciser ni de quoi il s'agit, ni des moyens à mettre en œuvre pour y parvenir. Ceci étant, on peut se féliciter qu'il soit un tant soi peu question de transfert « en direction de la société ».

Article 16[modifier]

Exposé des motifs[modifier]

L’article 16 introduit un nouvel article L. 611-8. Ce dernier instaure une obligation pour les établissements d’enseignement supérieur de rendre disponibles les enseignements dont les méthodes pédagogiques le permettent sous forme numérique. Cette obligation prend effet selon des modalités fixées dans le contrat pluriannuel. Afin de prévenir les risques de fracture numérique entre les étudiants et pour préparer tous les étudiants à leur future vie professionnelle et citoyenne, une formation à l’usage et à la production de services et ressources numériques, ainsi qu’à la compréhension des enjeux associés, doit être dispensée.

Projet de loi[modifier]

Après l’article L. 611-7, il est inséré un article L. 611-8 ainsi rédigé :

« Art. L. 611-8. – Les établissements d’enseignement supérieur rendent disponibles, pour les formations dont les méthodes pédagogiques le permettent, leurs enseignements sous forme numérique dans les conditions définies par la législation sur la propriété intellectuelle.

Commentaire[modifier]

On en comprend pas bien l'intérêt du rappel à la loi, sous la forme du message « dans les conditions définies par la législation sur la propriété intellectuelle ».

Par ailleurs, afin d'éviter l'entretien d'une fracture de la connaissance (refneed), on devrait inciter les établissements à rendre disponibles des ressources dans les conditions qui permettent le libre usage et la réappropriation des contenus par chacun. Pour cela, les licences libres offrent un cadre social et juridique légal aux pratiques culturelles actuelles sur Internet (diffusion, partage), dont l’enseignement revêt un intérêt sociétal avéré. Il est donc important, au dela le la seule incitation des enseignants à la publication sous licence libre, de sensibiliser ces derniers à l’existence et aux conditions d’usage de telles licences.

Article 55 (L’exercice des activités de transfert pour la création de valeur économique)[modifier]

Exposé des motifs[modifier]

L’article 55 modifie l’article L. 329-7 pour étendre le champ d’application de ses dispositions aux brevets obtenus dans le cadre de recherches conduites sur des fonds publics quelle que soit leur origine et favoriser la valorisation par des entreprises qui s’engagent à réaliser son exploitation sur le territoire de l’Union européenne. Il prévoit enfin que cette valorisation bénéficie en priorité aux petites et moyennes entreprises.

Projet de loi[modifier]

L’article L. 329-7 [5] du même code est remplacé par les dispositions suivantes :

« Art. L. 329-7. – I. – Les agents de l’État et des personnes publiques investies d’une mission de recherche auteurs, dans le cadre de recherches financées par dotations de l’État et des collectivités territoriales ou par subventions d’agences de financement nationales, d’une invention dans les conditions prévues au 1 de l’article L. 611-7 du code de la propriété intellectuelle en font immédiatement déclaration auprès de la personne publique employeur dont ils relèvent.
« II. – Lorsqu’elles sont susceptibles d’un développement économique, ces inventions donnent lieu à un dépôt en vue de l’acquisition d’un titre de propriété industrielle tel qu’il est défini aux articles L. 611-1 et L. 611-2 du code de la propriété intellectuelle.
« III. – Les personnes publiques employeurs des personnels mentionnés au I valorisent l’invention objet du titre de propriété industrielle, acquis en application du II, dans les conditions prévues par le code de la propriété intellectuelle, auprès d’entreprises qui s’engagent à une exploitation de l’invention sous la forme d’une production industrielle ou de la création de services sur le territoire de l’Union européenne et parmi ces entreprises, prioritairement auprès de celles employant moins de deux cent cinquante salariés.
« IV. – Les personnes publiques investies d’une mission de recherche autres que l’État mentionnées au I informent leur ministère de tutelle des titres de propriété intellectuelle acquis et des conditions de leur exploitation en application des dispositions des II et III. »

Commentaire[modifier]

  • Le premier alinéa étant l'obligation (d'information des employeurs en matière d'invention brevetables) aux personnes salariées de structures publiques, dans le cadre d'une mission de recherche financée par l'argent public, là où elle était préalablement réduite aux « fonctionnaires ou agents de l'État ».
  • Le second alinéa supprime la circoncision de la mesure aux « inventions nouvelles définies à l'article L. 611-10 du code de la propriété intellectuelle [6] » (article excluant explicitement du champs du brevetable les théories scientifiques et les méthodes mathématiques, les créations esthétiques, les plans, méthodes, logiciels, etc.), pour la remplacer par la simple susceptibilité d’un développement économique. Toute chose égales par ailleurs, cette formulation jette un flou non nécessaire sur le périmètre d'applicabilité de la disposition, dans un contexte où l'élargissement du champ du brevetable se pratique en dehors de la lettre et de l'esprit de la législation.
  • Il ne semble pas du tout exagéré de voir l'alinéa II comme une manœuvre incitant à une extension incontrôlée du champ du brevetable, et donc à la pratique du brevet logiciel.
  • L'alinéa III ajoute une obligation d'engagement d'exploitation de l'invention sur le territoire européen, et renforce la priorité donnée aux PME.
  • L'alinéa IV prend acte de la disparition de l'AERES.

Article 65[modifier]

Exposé des motifs[modifier]

L’article 65 propose d’habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnance dans un délai d’un an les dispositions nécessaires à la création dans le code de la recherche d’un livre V consacré à l’exercice des activités de transfert pour la création de valeur économique, afin de permettre aux établissements publics de recherche et d’enseignement supérieur d’avoir une meilleure connaissance des outils et compétences mis à leur disposition pour remplir leur mission de valorisation des résultats. Le Gouvernement sera également habilité à modifier le code de l’éducation, notamment pour adapter son plan afin d’introduire les dispositions relatives aux études de maïeutique et de modifier celles relatives aux établissements d’enseignement supérieur spécialisés.

Projet de loi[modifier]

I. – Dans les conditions prévues par l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à modifier par ordonnance la partie législative du code de la recherche afin :
1° D’adapter le code, notamment son plan et les renvois à des dispositions codifiées, afin d’y créer un nouveau livre relatif à l’exercice des activités de transfert pour la création de valeur économique ;

[...]

Commentaire[modifier]

Il semble très discutable d'ajouter cette responsabilité de « transfert » au monde de la recherche sans préciser ni de quoi il s'agit, ni des moyens à mettre en œuvre pour y parvenir.

Par ailleurs, il serait dans tous les cas préférable de parler de transfert « en direction de la société », pour éviter l'amalgame « transfert == offrande exclusive à une entreprise de licences privatrices », amalgame suggéré par le complément « pour la création de valeur économique » étant donné la nature actuelle de l'orthodoxe « science économique ».

Amendements proposés[modifier]

Rappel du champ du brevetable[modifier]

Exposé des motifs[modifier]

L’article 55 modifie l’article L. 329-7 pour supprimer, sans motivation, la circoncision de la mesure aux « inventions nouvelles définies à l'article L. 611-10 du code de la propriété intellectuelle [7] » (article excluant explicitement du champs du brevetable les théories scientifiques et les méthodes mathématiques, les créations esthétiques, les plans, méthodes, logiciels, etc.).

On peut craindre que cette formulation jette un flou non nécessaire sur le périmètre d'applicabilité de la disposition, dans un contexte où l'élargissement du champ du brevetable se pratique en dehors de la lettre et de l'esprit de la législation (incitation aux brevets logiciels [8] [9] [10], etc.).

Amendement[modifier]

Par soucis de précision, afin que l'Article 55 coïncide plus précisément avec son exposé des motifs, nous proposons la modification suivante :

  • L'alinéa II est ainsi rédigé :
II. - Lorsqu'elles entrent dans le champ des inventions nouvelles définies à l'article L. 611-10 du code de la propriété intellectuelle et lorsqu'elles sont susceptibles d'un développement économique, ces inventions donnent lieu à un dépôt en vue de l'acquisition d'un titre de propriété industrielle tel qu'il est défini aux articles L. 611-1 et L. 611-2 du même code.

Incitation aux ressources éducatives libres[modifier]

=> amender l'art. 16 du projet à partir de la critique émise ci-dessus.

Incitation aux publications libres[modifier]

Par publication libre, on entend: publique, en accès libre, et avec liberté de réutilisation (terminologie à affiner/préciser éventuellement).

Valorisation de la recherche[modifier]

=> obtenir des soutiens spécifiques à la création et maintenance de ressources libres (logiciels, littérature, données).

Autres notes de PoluX[modifier]

Extrait de l'exposé des motifs :

« C’est un État qui redevient stratège, n’abandonne pas les universités et les organismes de recherche publics, mais les accompagne avec force vers une autonomie réelle au service de l’intérêt général du pays. »
Parmi les choses que j'aimerais que nous fassions :
* En priorité, nous assurer de l'innocuité de l'article 55, qui touche
  aux responsabilité des chercheurs en matière de brevetabilité.
* Faire une proposition pour l'incitation à la publication de
  ressources (logiciel, littérature, données) libres (i.e. logiciels
  libres et données/publications librement accessibles et
  réutilisables au sein de la société).
* Faire une proposition pour le financement de ressources libres.

Pour ces deux derniers points, je me demande si nous ne devrions pas
utiliser à notre profit la volonté du gouvernement à inscrire coûte que
coûte la nécessité de « transfert » dans les missions de la recherche.
Pour cela, il faudrait veiller à ce qu'on entende par « transfert », et
essayer de pousser dans le projet de loi une définition du transfert
qui ne soit pas seulement industriel mais élargie à la société.
Mon argument serait alors que la pratique (aujourd'hui encouragée) de
l'appropriation exclusive de la connaissance est une très mauvaise
façon de faire du transfert (entendu au sens élargi).

Ceci étant, ça a aussi comme conséquence d'assumer un choix (d'inscrire
le transfert dans les missions de la recherche), qui est très
discutable. Ceci étant, i) je serais étonné que le gouvernement recule
là dessus, et ii) je ne pense pas que nous, l'April, soyons compétents
et légitime pour discuter si les aspects de transfert doivent ou non
faire parti des missions de la recherche.

Et vous, qu'en pensez vous ?