Paradoxe de la pensée libriste

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Titre : Paradoxe de la pensée libriste

Intervenant : Pablo Rauzy

Lieu : Choisy-le-Roi - Pas Sage en Seine 2024

Date : 30 mai 2024

Durée : 57 min 03

Vidéo

Présentation de la conférence

Licence de la transcription : Verbatim

Illustration : À prévoir

NB : Transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.

Description[modifier]

Quand on choisi de parler de libre plutôt que d’open source, c’est pour insister sur les aspects politiques et philosophiques, plus que sur le modèle de développement. C'est une façon de signifier que ce qui importe, ce n’est pas le logiciel, mais l’humain. Cette logique, quand on en déroule les implications, explique les compromis faits par les licences libres plus ou moins permissives. Pourtant, elle semble se heurter fermement à des limites arbitraires dans la pensée libriste majoritaire, que cette présentation se propose de remettre en question pour parler clairement d'émancipation.

Transcription[modifier]

Bonjour, bonsoir à toutes et à tous.
Je vais vous présenter une petite conférence, je ne pense pas qu’on aura besoin de toute l’heure à la fin, sauf si vous êtes très bavards et bavardes, qui s’appelle « Paradoxe dans la pensée libriste ». C’est un truc qui me travaille depuis très longtemps, ce n’est pas la seule chose qui me travaille depuis très longtemps, je viens aussi dimanche à 18 heures vous parler d’autre chose.

La critique doit être critiquable[modifier]

Ce que je vais dire est un peu critique par rapport à ce que j’appelle l’orthodoxie libriste avec un peu de provocation et, comme je vais dire des trucs un peu critiques, la critique doit est critiquable, donc, il faut que je vous présente qui je suis, d’où je parle, pour que vous puissiez faire preuve d’esprit critique, justement.
Pour expliquer ce qu’est l’esprit critique à mes étudiants et étudiantes, souvent je leur dis que quand quelqu’un leur dit « truc », il ne faut pas qu’ils retiennent « truc », il faut retenir qui est ce quelqu’un, qui est cette personne-là, avec son profil, etc., qui a dit truc.
Donc qui suis-je moi et d’où je parle ? Je suis enseignant-chercheur en informatique, je travaille en ce que j’appelle la sécurité émancipatrice, j’ai une thèse en cryptologie, comme le précédent intervenant, mais j’essaye de travailler sur des sujets qui favorisent l’émancipation. Du coup, je travaille au contact des sciences humaines et sociales, etc.
Je suis militant libriste depuis très longtemps. Mon adhésion à l’April est presque majeure !
Je suis aussi un militant politique, le courant politique auquel je m’identifie le plus c’est le communisme libertaire.
Je suis aussi un militant syndical, dans le courant syndicaliste révolutionnaire, ça va un peu influencer ce que je vous raconte et la façon dont je vous en parle, surtout dimanche, moins aujourd’hui.
La première fois que j’étais à Pas Sage en Seine, c’était encore au passage des Panoramas, en 2010, et la première fois que j’y ai parlé c’était au Numa, donc encore dans Paris. C’était sur le sujet du libre accès, en 2014.

Logiciel libre vs opensource[modifier]

On va donc parler aujourd’hui de logiciel libre et de la pensée libriste.
Un truc très important, je trouve, dans le logiciel libre c’est la distinction avec l'open source. Techniquement, en vrai, ce sont les mêmes trucs, quasiment, ce qui est différent c’est ce sur quoi on insiste quand on utilise un terme ou l’autre.
Quand on parle de logiciel libre, en fait on insiste sur les aspects philosophiques et politiques qu’il y a derrière le mouvement.
Quand on parle d'open source on parle essentiellement du modèle de développement. Google fait de l'open source et ne fait pas spécialement du logiciel libre, c’est vrai que ça dépend qui chez Google, mais vous voyez ce que je veux dire.

Philosophie du projet GNU[modifier]

On peut retrouver ce genre de chose dans le projet GNU. Dans la philosophie du projet GNU, il est dit très clairement que le logiciel libre signifie que les utilisateurs et utilisatrices – il n’y a écrit que « utilisateurs » sur le site du projet GNU, mais on va dire que c’est écrit comme ça – possèdent la liberté. Le logiciel n’a pas de volonté propre, il n’a pas à être libre, on s’en fout du logiciel ! Ces libertés sont précises :

  • la liberté d’exécuter le programme
  • la liberté d’étudier et modifier son code source
  • d’en redistribuer des copies exactes
  • et d’en redistribuer des versions modifiées.v

Ces libertés sont numérotées. Comme nous sommes des informaticiens/informaticiennes, on indice les tableaux à zéro, donc les libertés aussi parce que c’est rigolo, donc il y a la liberté 0, 1, 2, 3.

Libertés individuelles vs collectives[modifier]

Quand on parle de liberté, un truc très important, c’est de distinguer les libertés individuelles et les libertés collectives parce que, en général, elles s’opposent, au moins sur certains points.
Une phrase qu’on entend très classiquement c’est « la liberté de chacun/chacune s’arrête là où commence celle des autres ». Cette phrase est hyper importante pour pouvoir vivre en société. Donc, il n’y a pas de vraie liberté sans égalité et vice-versa, pas de vraie égalité sans liberté, là on voit l’aspect communiste libertaire, les deux points de vue du courant politique.==Philosophie du projet GNU== Un exemple, c’est la liberté d’expression : la liberté d’expression c’est très bien, mais, en fait, ça doit avoir des limites. Il y a un truc qui s’appelle le paradoxe de la tolérance : si on est tolérant avec tout le monde et qu’on laisse parler tout le monde, y compris les gens qui ne sont pas tolérants, au bout d’un moment on perd la liberté d’expression. Donc, pour la protéger elle-même et pour se protéger collectivement, on doit y mettre des limites : en gros, on ne donne pas la parole aux fachos, ce n’est pas intéressant.

Copyleft[modifier]

Dans le logiciel libre, ce truc pragmatique existe, ça s’appelle le copyleft. Le principe du copyleft, c’est qu’on veut garantir la pérennité de la liberté, on veut propager la liberté et la coopération et le moyen, la façon dont on va faire ça, c’est en restreignant pour certaines libertés, c’est en ajoutant des contraintes sur ces libertés. En l’occurrence la liberté de redistribution va être contrainte : on a toujours le droit de redistribuer, à condition que ce soit dans les mêmes modalités de liberté et de contrainte ; on garde la même licence, c’est le principe du copyleft, la clause Share Alike des licences Creative Commons par exemple. Le but de cela, c’est de maximiser la liberté collective, de maintenir la liberté dans le temps et dans l’espace, si on peut imaginer que le numérique c’est aussi un espace, et ça se fait au détriment d’une liberté individuelle, qui est celle de prendre le logiciel, faire ses petites améliorations et tout et puis, par exemple, le vendre de manière propriétaire, privative, je ne sais pas comment vous voulez dire, le résultat, avec ses améliorations sans contribuer, en retour, au projet sur lequel on se base.
Ce genre de concept, le copyleft, a un petit peu pour but de parfaire le concept du Libre, de l’aspect philosophique et politique du mouvement. C’est donc un compromis pragmatique sur les libertés 2 et 3. Donc, dans le mouvement libriste, on est capable de faire des compromis sur certaines libertés et c’est important d’être capable de le faire parce que ça permet d’améliorer les choses. Ça ne veut pas dire qu’on est obligé de les faire, il y a des licences libres qui ne sont pas copyleft, c’est complètement OK.

Le Libre est nécessaire, pas suffisant[modifier]

Un autre truc qu’il est important de rappeler : le Libre est nécessaire, mais, en aucun cas, ce n’est suffisant. Il faut pas être techno-solutionniste.

Si on se dit qu’il suffit que le logiciel soit libre, alors est-ce qu’on va se satisfaire de missiles commandés par des logiciels libres ? C’est non, évidemment. L’usage, la finalité, a un sens.
Je vous ai dit que je fais de la sécurité émancipatrice. Si vous avez un smartphone sous Android, Google, sur le Play Store, vérifie pour vous que vos applications sont bien sécurisées, qu’il n’y a pas de virus dedans, etc., essaye en tout cas. C’est très bien, mais c’est asservissant. Ça vous fait dépendre de Google, de son infrastructure, de ses capacités, etc. ; ce n’est pas émancipateur.
Parfois le problème est ailleurs. Par exemple le vote électronique, c’est bien si on le fait avec du logiciel libre, mais c’est mieux si on ne le fait juste pas, en fait, parce que ça suppose d’utiliser tout un tas de trucs cryptographiques et tout, c’est cool si c’est pour CryptPad, comme on l’a vu sur la présentation d’avant ; si c’est pour décider démocratiquement de l’avenir de notre communauté politique, c’est plus compliqué, parce que la démocratie, quand elle s’exprime avec des temps de vote, avec tous les bémols qu’il faut mettre à cet aspect de la démocratie représentative, élire un monarque, etc., vous avez compris, je ne parle pas forcément de ça, mais à partir du moment où on vote collectivement, etc., quand on prend des décisions ensemble, c’est important qu’on soit d’accord sur la façon dont fonctionne le processus et être d’accord, un consentement, ça n’existe pas si ce n’est pas éclairé. On a donc besoin de comprendre. En fait, mettre un bout de papier dans une enveloppe dans une urne transparente, c’est vraiment à la portée de beaucoup de monde ; comprendre comment marche ??? [8 min 27], Belenios et autres états de l’art du vote électronique, vraiment pas beaucoup, pas beaucoup du tout, c’est très compliqué. Donc, quel est le bon critère si c’est pas une question de libre ou pas libre ?, puisque Libre c’est une nécessité mais ce n’est pas suffisant.

Technologie émancipatrice vs asservissante[modifier]

En général les gens qui réfléchissent à ça, en tout cas dans la sphère politique à laquelle je m’identifie, on va dire, le critère, j’ai déjà utilisé les mots dans la présentation, c’est est-ce que c’est émancipateur ou est-ce que c’est asservissant ?

Évidemment, on peut s’imaginer qu’il y a des technologies qui sont intrinsèquement émancipatrices ou intrinsèquement asservissantes, mais c’est assez compliqué. En général, c’est une question qui est vieille, on parle par exemple des moyens de production, de la propriété des moyens de production ou du contrôle des moyens de production, le contrôle c’est plus fort que la propriété, c’est ce qui va déterminer si c’est émancipateur ou asservissant.
Par exemple, je donne un cours d’histoire de l’informatique. Dans l’histoire de l’informatique, dans l’ancêtre des ordinateurs, il y a deux familles : les machines à calculer et les machines programmables.
Les premières machines programmables, vraiment automatiques, ce sont des métiers à tisser. À la base, quand Joseph-Marie Jacquard a inventé le métier à tisser, comme toutes les inventions c’est une addition de plein de choses – le cylindre de Vaucanson et j’ai oublié les autres noms – plein de choses qui sont mises ensemble. L’objectif c’est de se dire que sur ces machines, les métiers à tisser, il faut actuellement être quatre/cinq pour les manipuler, donc, en général, les enfants travaillent avec les parents sur le métier à tisser. Si on automatise un bon bout du processus, notamment les trucs où il faut grimper en haut pour tirer sur les fils, ce que font les enfants, du coup les enfants vont être libérés de ce travail, ils pourront aller à l’école : c’est émancipateur. Sauf que les canuts ne possédaient pas leur métier à tisser. Donc, plutôt que de se dire « on produit la même chose, on va le vendre au même prix, du coup on peut récupérer la même somme pour vivre, etc., donc on a les moyens d’envoyer nos enfants à l’école », les gens qui possédaient les machines ont dit : « Vous n’êtes plus que deux à travailler, je ne paye plus que deux salaires ». Du coup, de la force vive s’est transformée en capital, les machines.
Donc, la question c’est celle du contrôle : si les canuts avaient possédé et contrôlé leur moyen de production, s’ils s’étaient organisés en collectivité, etc., ils et elles auraient pu décider de ce qu’on appellerait aujourd’hui des conventions collectives, tarifs, à se mettre en coopérative, etc. Ce n’est pas pour rien si c’est sur les pentes de la Croix-Rousse que sont nées ces luttes ; les canuts, c’est à Lyon sur les pentes de la Croix-Rousse, qu’il y a beaucoup eu cette histoire ; ce n’est pas pour rien que c’est là-bas que sont nées beaucoup d’idées du mutualisme, les prud’hommes, etc. ; c’est vraiment pour ça.
Donc la question centrale c’est le contrôle.
À votre avis, est-ce qu’un logiciel asservissant contrôle ses utilisateurs ?

Public : Inaudible.

Pablo Rauzy : En gros, le logiciel n’a pas de volonté propre. Donc, ce sont les développeurs et le+s vendeurs du logiciel qui contrôlent, par l’intermédiaire du logiciel, exactement ce que disait Stéphane.

Donc, avec le Libre, on cherche à éviter l’asservissement parce que ça permet l’exploitation. C’est ce qu’on cherche à éviter. Le fond politique de la chose, en tout cas de mon point de vue, encore une fois esprit critique tout ça, c’est d’éviter l’exploitation.

Paradoxe libriste[modifier]

Donc, là, on arrive à un paradoxe parce qu’on refuse absolument les compromis sur la liberté d’usage. Dès qu’on parle de cela, il y a une levée de boucliers instante, y compris quand il s’agit d’empêcher de faciliter l’exploitation.

Je vais vous parler de deux exemples, vous me voyez venir avec d’énormes sabots.
CoopCycle, de toute façon j’explique même si tout le monde connaît dans la salle, parce que c’est enregistré, donc, potentiellement revisionné plus tard, y compris par des gens qui ne connaissent pas forcément ce que c’est que. CoopCycle, c’est un ensemble de plateformes et d’applications pour smartphones et plateformes web, etc., qui permet de mettre en place un service de livraison à vélo type Deliveroo, Uber Eats, etc.
Dans la licence de CoopCycle, il est écrit que les entreprises, les collectifs qui utilisent CoopCycle doivent avoir une certaine forme juridique qui empêche le fait, par exemple, qu’on oblige les livreurs et livreuses à vélo à se mettre, par exemple, en auto-entrepreneur, à être payés à la tâche, à la course, en gros, ça empêche l’ubérisation. Ça veut donc dire qu’il y a une clause dans la licence – à part ça la licence est libre, à part cette clause-là il n’y a pas de débat – qui dit « vous ne pouvez pas faire certains types d’utilisation ». Il se trouve que les utilisations que ça empêche c’est systématiquement de l’asservissement, de l’exploitation. On voudrait donc empêcher à CoopCycle de se dire libre par principe, vraiment par orthodoxie, genre il n’y a pas la liberté d’usage pour tous les cas. Ça me pose un petit peu un problème et si le Libre devient ça, en fait j’ai envie de défendre le logiciel émancipateur et pas le logiciel libre.

Un autre exemple qu’on peut prendre, c’est l’entraînement des IA. Les entreprises qui entraînent leurs IA se fichent allègrement des droits d’auteur, etc. Par exemple, quand je contribue à Wikipédia, concrètement, puisque la licence n’est pas pour les humains mais pour tous les usages, que je n’ai pas le droit de faire de distinction, je suis obligé d’améliorer l’entraînement de ChatGPT et compagnie et, en fait, je n’ai pas envie. J’habite à Saint-Denis. Si quelqu’un se dit « je vais faire une super série de portraits des gens qui passent à la gare de Saint-Denis et je vais les publier en Creative Commons, il faut absolument que ce soit libre pour que mes copains ne m’embêtent pas, donc je ne vais pas mettre la clause No Derivative, No Commercial, etc. », je n’ai pas envie que ces portraits-là soient utilisés pour entraîner des IA de reconnaissance faciale.
Un truc amusant : on insiste beaucoup sur le fait que Wikipédia est un logiciel libre et qu’il ne faut pas déterminer les usages et tout, il y a quand même fichier robot.txt sur le site de Wikipédia qui empêche certains robots d’accéder à certaines pages. Petit problème !
En tout cas, si on dit que le Libre c’est différent de l'open source parce qu’il y a, derrière, un mouvement philosophique et politique qui est pour la liberté des personnes, qui est pour l’émancipation, on arrive à un paradoxe : si on n’est pas capable de dire que l’exploitation ce n’est pas bien, qu’on n’en veut pas et qu’on ne veut pas contribuer à la faciliter, on retombe un petit peu dans le truc « on ne fait pas de trucs politiques ».

Nos adversaires ne s’y trompent pas[modifier]

Nos adversaires ont compris ça. Les capitalistes savent très bien faire la différence entre les usages : The Pirate Bay, ce n’est pas bien, Sci-Hub non plus, par contre ChatGPT c’est génial. Dans les deux cas, il s’agit de piller tout ce qu’on trouve. Il y a quand même un petit problème !

Résoudre le paradoxe[modifier]

Comment peut-on résoudre le paradoxe ?
Il y a deux façons de le résoudre :
la première c’est de dire que, finalement, le Libre et l'open source c’est pareil, même le copyleft c’était juste un enrobage pseudo-politique de jolies choses, de jolis discours, mais, finalement, l’idée c’est juste de mieux diffuser les améliorations ; on est toujours sur le modèle de développement qui est plus efficace, il y a plus d’yeux sur le code source, donc on voit mieux les bugs, etc. ;
ou alors, on dit que Libre c’est émancipateur et, dans ce cas-là, il va falloir se résoudre à accepter que certaines conditions d’usage, certaines, sont bénéfiques.
Une fois qu’on a dit ça, le débat intéressant c’est quelles restrictions on accepte. C’est donc de cela qu’il faut discuter : est-ce qu’on fait au cas par cas, est-ce que des restrictions sont valides assez universellement. Par exemple, j’ai évoqué tout à l’heure le fait que le logiciel libre c’est pour les humains et pas pour les IA. Après, ça pose évidemment plein de questions techniques : « si j’écris un bot pour aller récupérer des trucs, mais que la finalité c’est pour une association qui fait de la lutte, etc. » ? En fait, on est capable de parler de ça, je vais vous le montrer après.

Pragmatisme vs orthodoxie[modifier]

En gros, un truc sur lequel je veux insister : il ne s’agit pas de dire que toutes les licences de logiciel libre doivent être anticapitalistes, antifascistes, etc. Comme je disais tout à l’heure, il y a des licences qui ne sont pas copyleft, c’est OK. Le seul truc que j’essaye de dire c’est que s’il y a des gens qui font des licences qui empêchent l’utilisation pour l’armée, qui empêchent l’utilisation par des groupes néofascistes, qui empêchent l’utilisation pour uberiser des secteurs, il ne faut pas aller leur dire « ça pue, ce n’est pas libre ! » ; il faut leur dire « bienvenue, on milite tous et toutes ensemble ! ». C’est ça le message. Je n’essaie pas de changer les licences libres qui existent, j’essaye juste d’apporter de la tolérance là où il en faut et pas de la tolérance là où il n’en faut pas.

Le système d’exploitation, le capitalisme, évolue, il faut que nos licences et nos outils de lutte puissent évoluer avec et contre, donc, soyons cohérents et cohérentes.
Acceptons d’appeler « libres » les adaptations nécessaires aux évolutions du système qui partagent les objectifs philosophiques et politiques d’émancipation que revendique le mouvement libriste ou alors c’était hypocrite.

Très rapidement parce que je sais que c’est toujours un truc qu’on me dit « c’est impossible à mettre en place et tout ça ». Moi je travaille, entre autres, sur des questions de modélisation formelle du contrôle sur les données personnelles et de la privacy. Petit retour sur la notion de contrôle – à Pas Sage en Seine 2018, j’ai donné une conférence sur ce sujet-là, si vous voulez aller la voir, c’est en ligne – il y a trois axes, trois dimensions quand on parle de contrôle sur les données personnelles :
la dimension d’action, de pouvoir faire des choses avec ses propres données, avec des données, essentiellement avec les siennes ;
la dimension de choix : avoir la capacité d’empêcher un tiers, service, plateforme, personne, d’utiliser nos données personnelles, donc l’autoriser aussi ;
la dimension d’informations : savoir ce qui est fait avec nos données personnelles, être informé des usages qui sont faits.
Les deux dernières impliquent une notion de consentement et le consentement ne peut être que éclairé, donc il faut savoir ce qui va être fait avec les données, il faut le comprendre. Cette notion d’usage, qui s’appelle la finalité dans le RGPD, par exemple, existe juridiquement. C’est donc tout à fait décrivable dans une licence de dire qu’on ne veut pas que Wikipédia soit lu par des robots quand la finalité, par exemple, c’est d’entraîner une IA générative, mais que c’est OK si c’est un robot qui est juste en train d’essayer de faire une copie locale pour archive.org ou je n’en sais rien. Donc, la notion de finalité existe.
C’est essentiellement le débat que je voulais ouvrir aujourd’hui à Pas Sage en Seine.
Merci.

[Applaudissements]

20’ 27[modifier]

Questions du public et réponses[modifier]