Open bar de données et nuages magiques, l'Éducation sous contrat - Plénière RMLL2018 - Emmanuel Charpentier - Harmonie Vo Viet Anh

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Titre : Plénière - Open bar de données et nuages magiques, l'Éducation sous contrat

Intervenants : Emmanuel Charpentier - Harmonie Vo Viet Anh

Lieu : Rencontres mondiales du logiciel libre 2018 - Strasbourg

Date : juillet 2018

Durée : 54 min

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Licence de la transcription : Verbatim

NB : transcription réalisée par nos soins. Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas forcément celles de l'April.

Statut : Transcrit MO

Description[modifier]

Le grand marché de l'éducation et ses ressorts. Comment les multinationales du numérique conquièrent-elles leurs positions, quels avantages proposent-elles et à quels prix ? Du côté du Libre, d'autres modèles se dessinent et se construisent dans le monde.

Transcription[modifier]

Je vous propose de démarrer malgré tout parce que le sujet est énorme, il y a peut-être quand même des choses à en dire ; on a l’amphithéâtre jusqu’à 19 h 30, ce qui est plutôt sympa. Comme c’est un sujet qui est majeur, pour vous dire on va parler de l’Éducation nationale et des accords qui ont été faits et qui sont en train d’être faits en ce moment pour utiliser du logiciel non libre et surtout géré et hébergé par des grands acteurs de l’informatique comme Microsoft.

Je ne sais pas si vous avez suivi le sujet exactement. C’est un sujet qui a un peu défrayé la chronique mais qui commence à avoir quelques mois, ça fait peut-être même quelques années qu’il a été mis en place. Il y a même eu un reportage qui a été fait par Cash Investigation où ils ont essayé d’aller poser des questions au ministère. L’Éducation nationale est liée avec tout cela d’une manière ou d’une autre parce que l’Éducation nationale, tout comme le ministère de la Défense, ont fait un accord avec Microsoft Irlande pour gérer leur informatique, sous un format qu’ils appellent open bar et qui permet à tous les personnels du ministère d’utiliser tous les logiciels qu’ils veulent, à volonté, tous les logiciels dont ils pensent avoir besoin et qui sont dans le portefeuille de logiciels de Microsoft. Donc c’est quelque chose de gigantesque. Microsoft c’est une des plus grosses entreprises au monde, on peut le dire, ça fait partie des plus grosses capitalisations, et ils ont un portefeuille de logiciels, que ce soit pour les ordinateurs portables, les tablettes, les téléphones mais aussi les serveurs, et ce portefeuille de logiciels est accessible librement, gratuitement dans la mesure où, en tout cas, les gens qui les mettent en place et qui les choisissent n’ont pas besoin de débourser de l’argent. Vous êtes un administrateur système de l’Éducation nationale, vous avez besoin d’une base de données, vous ne vous posez pas de questions vous pouvez prendre celle de Microsoft, l’installer sur un serveur, l’utiliser à volonté et, au bout d’un certain cycle, au bout d’un certain temps, Microsoft va aller voir l’Éducation nationale et va lui faire : « Ah ! On s’était mis d’accord ; je revois à peu près ce que vous faites comme usage de mes logiciels, eh bien en fonction de cet usage -là, je vous fais payer telle somme. »

Alors c’est quelque chose d’assez énorme, ça c’est le mécanisme open bar et avec l’Éducation nationale ce mécanisme a été mis en place de manière assez bizarre, c’est-à-dire que c’est Microsoft qui a payé l’Éducation nationale 13 millions d’euros pour que l’Éducation nationale utilise les logiciels de Microsoft.

Ça fait terriblement original, parce qu’il n’y a pas ce type de paiement ; normalement l’utilisateur paye le fournisseur du service ou du logiciel, surtout si c’est un service et un logiciel privateur, mais là il se trouve, non ! L’Éducation nationale est payée pour utiliser et mettre en place ces logiciels. Ça va encore plus loin que ça : les professeurs de l’Éducation nationale en France, on leur propose dans les locaux de Microsoft, d’utiliser les locaux de Microsoft pour faire des formations aux professeurs. Donc à Paris il y a un grand bâtiment que l’on peut voir quand on prend le périphérique, sur la partie sud, c’est un bâtiment plutôt joli, plutôt original, c’est le bâtiment Microsoft, il y a l’Éducation nationale d’après ce que l’on me dit qui n’est pas très loin, en tout cas il y a des bâtiments de l’Éducation nationale qui sont à quelques centaines de mètres, eh bien les professeurs, en quelque sorte, se prennent par la main et ils vont suivre des formations dans les salles de Microsoft. C’est quelque chose de très sympathique, c’est très gentil de la part de cette multinationale qui est de mettre en avant et de favoriser l’éducation des professeurs, mais c’est une éducation de nos professeurs qui se fait avec leurs logiciels. Et ce n’est pas une éducation libératrice, c’est le moins qu’on puisse dire, c’est une éducation qui les éduque aux logiciels de Microsoft et seulement aux logiciels de Microsoft.

Ça va encore plus loin que ça, je ne sais pas si vous avez entendu, ça a fait scandale, ça a fait un gros brouhaha, mais Apple a proposé et ça a été bien entendu, de faire des visites organisées, favorisées, dans les Apple Stores. Donc l’Éducation nationale, aujourd’hui, on leur propose facilement et de manière assez sympathique parce que, après tout, les Apple Stores c’est un lieu très festif, c’est un lieu agréable ; quand vous rentrez dans un Apple Store, on me dit, les employés se mettent à l’entrée et vous font une haie d’honneur. Quand vous achetez des matériels Apple, les premières fois, on me dit vous pouvez être applaudi. Donc les gens sont vraiment favorisés, sont poussés à aller là-dedans et là, les professeurs on les encourage à aller avec leur classe dans les Apple Stores. Donc ils débarquent gentiment ; on va leur monter comment ça fonctionne ; on leur montre le matériel Apple ; il est très joli ; les logiciels Apple sont très faciles, c’est ce qu’on vous dit, c’est ce qu’on vous propose. Et surtout, c’est que tout ça c’est très sexy, c’est très à la mode et on encourage d’autant plus les gamins, qui sont à priori des cibles faciles, on les encourage encore plus à s’approprier et à apprécier ces logiciels et il semblerait, le soir, quand les gamins rentrent chez eh bien ils vont dire à leurs parents : « Apple c’est génial ; j’en veux ; c’est vraiment bien. » Alors je veux bien croire que Apple n’a pas forcément besoin de cette publicité, ils sont tellement à la mode depuis déjà quelque temps !

Public : Inaudible.

Emmanuel : Alors ça peut-être, effectivement. On a quelqu’un dans la salle qui fait une remarque et c’est pertinent.

Public : Je ne suis pas tout à fait ce sujet. Mais je pense que ça a été interdit par le ministère récemment.

Emmanuel : Je sais que ça a fait hurler. Le ministère, je ne sais pas si ça été interdit ; ils ont peut-être envoyé une petite directive interne, un règlement, un changement de règlement parce qu’effectivement il y a plein de gens, y compris des journalistes et ça c’est très embêtant quand les journalistes s’y mettent, qui ont fait remarquer que c’était favoriser une entreprise de manière pernicieuse et bien trop forte et que l’Éducation nationale n’avait pas cette vocation.

Harmonie : Cependant il ne faut pas oublier. Je ne sais pas si vous vous rappelez un peu du titre de la plénière de ce soir « Open bar de données et nuages magiques, l’Éducation sous contrat » . L’Éducation nationale française a signé un contrat avec Microsoft pour pouvoir avoir ce qu’on appelle un contrat open bar ; ce qu’ils appellent comme ça c’est que vous avez le droit d’utiliser autant de fois la licence Microsoft sur des postes, mais nous, dans le cadre des RMLL, on a ajouté open bar de données, parce que bien évidemment pour Microsoft cela a intérêt de pouvoir récupérer toutes les données des étudiants. En tant que juriste j’ai étudié plus précisément le contrat en question qui date de 2014 si mes souvenirs sont bons.

Emmanuel : Trois ans. Je sais qu’on en avait parlé. Je m’occupe d’un podcast, d’une revue de presse à l’April et on en avait parlé. Oui, ça doit être dans ces eaux-là.

Harmonie : En gros, il était précisé que Microsoft gérerait, du coup, les données des étudiants en garantissant à l’Éducation une certaine sécurité, mais qu’en échange Microsoft aurait le droit d’utiliser ces données éventuellement à des fins éducatives, pour pouvoir proposer des meilleurs programmes éducatifs aux enfants en fonction de leurs profils.

Emmanuel : Pour faire du data mining à priori, pour en retirer des informations, des informations travaillées à partir des data qui sont les notes des gamins et de peut-être leurs appréciations. Il doit y avoir moyen de retirer des choses très utiles et, effectivement, ça fait jaser beaucoup de gens parce que ces données-là elles sont, aujourd’hui, considérées un petit peu comme privilégiées parce que cela concerne des mineurs. Et ces mineurs, le jour où ils arrivent dans le monde du travail ou dans le monde social des adultes, peut-être dans des relations amicales ou amoureuses, eh bien les notes qu’on a eues à l’école peuvent être influentes de manière assez négative ou positive ; mais quand c’est négatif, eh bien là on perd le contrôle complètement.

Public : Avec le RGFD, ce n’est pas complètement interdit maintenant puisque la finalité du traitement des données est complètement différente de ce que à quoi ça sert à l’origine ?

Harmonie : J’ai oublié de me présenter. Je m’appelle Vo Viet Anh Harmonie, je suis juriste en droit numérique ; je suis aussi présidente des Rencontres mondiales 2018 de cette année et, du coup, c’est un honneur pour moi de vous avoir ce soir.

Emmanuel : Et on a de la chance nous aussi !

Harmonie : Et du coup ! Normalement dans le cadre du RGPD, effectivement tout ce qui est données concernant des mineurs est censé être des données plus sensible. Mais après, il faut savoir que dans le RGPD il y aussi énormément d’exceptions qui ont été obtenues par la force des lobbies et une de ces exceptions, dont pourrait éventuellement bénéficier Microsoft, c’est de dire que le traitement de ces données est nécessaire dans le cadre d’un contrat. Et du coup, éventuellement, ils pourraient argumenter que dans le cadre de son contrat avec l’Éducation nationale française, étant donné que dans le contrat il y a marqué que Microsoft est censé pouvoir utiliser ces données à ces fins éducatives pour proposer des programmes plus adaptés, ainsi le traitement du coup serait justifié.

Emmanuel : on peut aussi rajouter que Microsoft pourra se targuer d’être prestataire à destination de l’Éducation nationale et que c’est l’Éducation nationale qui est responsable des données qui peut-être sont déléguées ensuite, dans leur gestion, à une entreprise, ça c’est quelque chose que l’on a droit de faire, mais c’est l’Éducation nationale qui risque d’être responsable. Or, en tant qu’Éducation nationale, connaître les notes des élèves, connaître les appréciations, connaître le parcours, ça paraît être la primauté importante de leur objectif. Et donc là-dessus il n’y a pas de problème ; je pense que le RGPOD ils vont pouvoir passer dessous ; sans oublier que c’est une administration d’un État fort et cette administration, si elle veut quelque chose, elle doit pourvoir courber les réglemente, même s’ils sont européens.

9’ 58[modifier]

Public : Quand bien même, il y a un peu le principe de, comment on appelle ça déjà, la proportionnalité de la collecte de données aussi qui est un peu en filigrane de ce règlement européen et qui à priori, si Microsoft prétexte par exemple l’Éducation pour collecter des données, même si ce n’est pas sur la base du consentement, ça peut-être pour l’intérêt légitime, etc.

Emmanuel : Ou ça peut être en tant que prestataire, encore une fois.

Public : Oui, mais ils ont quand même à justifier une autre finalité de données s’ils veulent faire de l’analyse.

Emmanuel : C’est peut-être à l’Éducation nationale de montrer que la finalité des données correspond à ce qu’ils ont stocké comme informations et pas à Microsoft. Microsoft ils peuvent, dans une certain mesure, alors ce serait à confirmer parce que c’est l’existence des attaques en justice qui va nous montrer comment gérer tout ça, mais c’est peut-être à l’Éducation nationale de montrer si c’est pertinent ou pas de stocker ou pas toutes ces données et pas à Microsoft. Il est possible que Microsoft s’en lave les mains !

Harmonie : Exactement parce que, éventuellement dans le cadre que Microsoft dirait qu’ils sont simplement un prestataire de service et que le traitement, en réalité, repose sur l’Éducation nationale française, du coup ça serait… Il y a quand même une obligation de contrôle et les prestataires doivent normalement s’engager effectivement à respecter une certaine rationalisation des traitements de données. Mais, à mon avis, le problème c’est qu’il n’y a pas encore de décision concernant l’application du RGPD pour le moment parce que, comme on le rappelait, là on est le 7 juillet 2018, la mise en application théorique du RGPD a commencé le 25 mai.

Emmanuel : Donc les clauses payantes, en tout cas, sont en force. En fait le RGPD est en place depuis plus longtemps que ça mais les clauses, comment on peut dire, de pénalités monétaires, ne sont en place que depuis quelques semaines. Donc pour l’instant on n’a pas vu les conséquences et on n’est pas près de les voir ; il va falloir aller en justice. La Quadrature du Net, on me dit, est vraiment sur les starting-blocks ; ils sont en train de lancer plein de choses contre de grosses multinationales, les Facebook, les Google, mais l’Éducation nationale je ne suis pas sûr que ce soit facile de s’y attaquer dans un premier temps, surtout en utilisant un règlement européen. Et une administration comme l’Éducation nationale c’est quelque chose de compliqué à attaquer. Dans La Quadrature, je les vois mal sortir leurs drapeaux de guerre et s’attaquer aux professeurs par exemple. Ça va être un peu compliqué.

Je me présente ; je suis Emmanuel Charpentier, membre de l’April. Donc à l’April on a aussi tout un groupe de travail sur l’éducation et, suite à la mise en place de tous ces contrats avec Microsoft, il y a eu un afflux majeur de profs qui se sont pointés sur une association défendant le logiciel libre, parce que l’April s’est marquée et s’est démarquée dans son attaque de cet accord-là. Donc il y a plein de profs qui sont pleins d’énergie et ça foisonne, il y a plein de discussions sur la mailing-liste ; ce sont des centaines de profs – je crois qu’ils arrivent au millier ; c’est assez considérable. C’est pour discuter malheureusement, c’est pour lancer des pétitions. Seulement il n’y a pas beaucoup de moyens techniques, aujourd’hui, d’attaquer cet accord-là. Il y a eu Cash Investigation qui a parlé des accords entre les ministères et Microsoft, j’en ai parlé un petit au début.

Harmonie : Il me semble que récemment, en fait dans le RGPD effectivement, ils ont carrément mis en place une action spéciale qui permet aux associations de défendre, du coup, les personnes en cas de traitement abusif de leurs données à caractère personnel, mais il me semble que l’application du coup de cette clause particulière a été repoussé à 2019.

Emmanuel : Je ne suis pas étonné !

Public : Dans l’historique, est-ce que ce contrat avec l’Éducation nationale, entre Éducation nationale-Microsoft, a donné lieu à un appel d’offres et à un cahier des charges ?

Emmanuel : Pas du tout ! Mais pas du tout ! Ce n’est pas du tout passé par la procédure de marché public qui est une procédure hyper-stricte et hyper-compliquée. À l’April aussi on a gueulé parce qu’on avait des gens qui étaient spécialisés là-dessus, sur les marchés publics, qui étaient intervenus et qui avaient fait remonter au niveau du Conseil d’État – ce sont des gros trucs – que le logiciel libre n’avait pas les mêmes requis que les logiciels privateurs : on peut nommer un logiciel libre dans un marché public, mais non ! On s’y connaît un petit peu sur ce sujet-là, mais là avec l’Éducation nationale pas du tout ! Ils sont juste fait « nous on fait un accord et c’est Microsoft qui nous paye » ; ce n’est pas un marché public avec un fournisseur qui fournit un service ou un produit. Et ça a été au jugement et au jugement dans les premiers états de la chose, il n’y a pas eu de remise en cause. Je ne sais pas où on en est, je ne sais pas si tu as suivi le dossier ?

Harmonie : Globalement ils se retranchaient sur le fait qu’ils avaient respecté à la lettre les critères d’évaluation du contrat concernant les coûts. Parce qu’il ne faut pas oublier que un des « soucis » entre guillemets du logiciel libre c’est que passer de logiciel propriétaire à du logiciel libre, en général ça a un coût d’entrée qui est plus élevé, même si c’est beaucoup plus rentable sur du long terme. Mais après, expliquer ça à des politiques publiques qui sont souvent sur des idées court-termistes juste pour pouvoir rester en position, c’est assez compliqué ! Ils ont du mal à se projeter dans l’avenir, je pense, parce que la plupart des personnes politiques essaient de faire une carrière, un peu comme on fait du business de nos jours, ce qui me semble quand même assez regrettable.

Public : D’un point de vue juridique, sachant que ce contrat de travail a été signé avant la mise en application du RGPD, est-ce que ça peut être un axe de défense de Microsoft pour ne pas se conformer à l’ensemble des recommandations, directives et exigences ?

Emmanuel : Ça me parait compliqué. Ça me paraît mettre trop en avant le RGPD qui, pour l’instant, n’a pas été utilisé et n’a pas encore été utile, ce qui est normal parce qu’il est tout jeune le truc.

Harmonie : Surtout que d’un point de vue juridique, sauf exception, on est censé respecter le droit applicable au moment de la signature du contrat. Ce qui veut dire que potentiellement à chaque fois que ce contrat va être reconduit, donc avant qu’il y ait sa fin, on va pouvoir rester sur la loi telle qu’elle était en place en 2014, si la date, si je me souviens bien, est la bonne.

Public : Le RGPD a un effet rétroactif : à partir de sa date de mise en application, tous les traitements sont soumis au règlement européen.

Emmanuel : Pour le micro, tu parles de… je comprends, mais c’est pour l’enregistrement. Tu parles de rétroactivité du RGPD et c’est très bien, pourquoi pas ! Il y a peut-être là moyen d’appliquer rétroactivement à des accords qui ont été passés, les contrats open bar c’est un peu compliqué. Moi je vais être négatif. Le RGPD, c’est un truc super, on vient de le voir arriver, c’est déboulé, c’est un gros truc, on a trop d’espoir dedans ! Honnêtement on va être déçus ! Préparez-vous, préparons-nous, le RGPD c’est une licorne ce truc. On croit que ça va tout changer, mais non ! Alors ça bouge des choses, ça fait changer des choses, oui, mais il ne faut pas rêver, ça ne va pas être un monde rose grâce au RGPD. Les grosses entreprises comme Microsoft, Google, Facebook, elles ne sont pas dérangées par le RGPD, elles sont déjà prêtes ; elles ont des équipes d’avocats en place qui ont déjà surveillé tout ce qu’il y avait à faire, il y avait à changer, et même si on les attaque avec de bonnes raisons – et La Quadrature, ils ont des gars en ce moment qui sont en train de se muscler, de faire des pompes, ils se préparent et ils vont attaquer – , mais même dans ces cas-là je pense que les gros acteurs sont pénards. Eux ils ont à l’abri. Au pire il y aura un jugement qui va se mettre en place, il y aura des cours, il y aura des petites choses, il y aura des actions juridiques qui vont se mettre en place, mais c’est bon ! Eux ils peuvent faire traîner ça pendant des années il n’y a aucun souci. Et s’il faut payer, eh bien ils paieront un peu.

Harmonie : Oui ! Ils paieront un peu ! Par exemple, une fois, Google s’est pris une amende de 150 000 euros par la CNIL. Qu’est-ce que c’est que 150 000 euros pour Google ?

Emmanuel : Quelques secondes ! Quelques secondes de leur business ! Là effectivement il y a des clauses monétaires qui sont supposées être très fortes. C’est quelques pour cent du chiffre d’affaires mondial consolidé.

Harmonie : Ça peut aller jusqu’à 4 % du chiffre d’affaires mondial, très exactement.

Emmanuel : Donc c’est considérable pour les gros, les GAFAM, c’est juste gigantesque ! Mais ne rêvons pas encore une fois. Le RGPD c’est bien, c’est une sorte de barrière. On va dire aux gens « ne dépassez pas cette barrière, quand vous roulez vous devez vous assurer qu’il y a proportionnalité ; les données que vous conservez sont conservées à des fins appropriées ; il faut faire un accord positif des utilisateurs et pas un accord par défaut ». Donc il y a plein de bonnes choses. Mais les gros vont s’y mettre, il n’y a pas de souci. Je pense qu’on va être déçus par le RGPD !

Harmonie : Si je voulais reprendre un peu les mots de Lionel Maurel, un juriste que je respecte beaucoup, lui pense que ce règlement, le RGPD, est quand même assez schizophrène au sens où il y a énormément de bonnes idées. D’ailleurs le RGPD, pour dire, ce qui est marrant c’est que c’est quand même un règlement qui a pratiquement 200 considérations et 99 articles. Juste pour vous rappeler, les considérants c’est une espèce d’introduction pour vous expliquer comment vous êtes censé d’interpréter le reste du règlement. Du coup, le fait d’avoir plus d’introduction que d’articles, c’est presque pour dire qu’il y a quand même eu pas mal de débats là-dessus, et c’est vrai il y a pas mal de choses intéressantes : par exemple le fait de responsabiliser les individus sur leurs données. Bon ; ça a certaines limites, je ne vais pas m’étaler sur le sujet maintenant. Le fait de demander à ce que les données soient minimisées, ne dépassent pas un certain délai de traitement, etc.. Mais il y a quand même énormément de grosses exceptions qui ont été mises en place aussi par le RGPD. Par exemple tout ce qui est traitement par rapport à la sécurité nationale ne rentre pas le cadre du RGPD, je tiens à le préciser. Ou tout ce qui est de la prérogative des États européens ne rentre pas dans le cadre du RPD.

Emmanuel : L’éducation c’est une prérogative des États.

Harmonie : Exactement !

Emmanuel : Je ne savais pas ! Clause intéressante qui pourra être utile.

Harmonie : Pour aussi un peu arrêter éventuellement de s’étaler sur le RGPD, j’aimerais aussi ajouter que, en principe, le RGPD est censé être complété par un autre règlement qui s’appelle le règlement e-Privacy qui est censé réguler, du coup, tout ce qui est transfert de données, tout ce qui est transfert de données dans les télécommunications. Or, je pense que vous n’êtes pas sans vous douter que la plupart du temps une donnée elle circule, donc elle passe par une télécommunication. Du coup, en réalité, il manque quand même une partie importante du RGPD qui est encore discussion. Et pourquoi il y a une aussi grosse discussion ? Pour des raisons de lobbies. Actuellement, les gros débats qui sont en cours, c’est concernant les cookies. Tout ce qui est gestion de cookies et notamment tout ce qui est gestion de cookies tiers : quand un site internet met des cookies du coup d’un autre site sur son propre site sans forcément en informer les utilisateurs d’ailleurs.

21’05[modifier]

Public : Vous avez dû venir ce matin, je faisais une petite présentation justement sur le règlement européen, ses limites et comment on pouvait dépasser ça avec notamment le Libre et des actions collectives, etc. C’est vrai que, en même temps, cet accord open bar ça va au-delà aussi de la simple collecte données. Parce qu’il y a un truc c’est : on introduit Microsoft dans les écoles tout de suite. C’est-à-dire que l’éducation au numérique ça se fait avec du logiciel privateur, ça se fait avec du Microsoft, en plus qui est quand même vraiment mal branlé. Je suis informaticien, je sais un petit peu que c’est de la merde, je peux vous le dire. Non mais vraiment !

Emmanuel : Tu es négatif ! Non, c’est utilisable et c’est utilisé. Fais gaffe !

Public : Moi je le dis, c’est quand même très mal branlé et même MacOS, qui est en soi, on peut dire beaucoup de choses sur Apple.

Emmanuel : C’est basé sur du Libre.

Public : C’est basé sur Unix et il y quand même une vraie réflexion qui est beaucoup plus intéressante derrière. Là, on va apprendre directement aux enfants à mal se servir du numérique, à être uniquement consommateurs de la technologie en fait et de n’avoir aucune idée de comment ça fonctionne vraiment derrière. C’est-à-dire on ne va pas leur apprendre le fonctionnement d’un algorithme, etc., qu’est-ce que c’est qu’une suite d’instructions. On va leur dire « si tu cliques là et tout ça va te faire un truc » et puis encore ! Avec Microsoft on ne sait pas forcément si ça va faire deux fois la même chose !

Emmanuel : On va les éduquer à devenir des travailleurs de l’information en utilisant toujours les mêmes outils et quand ils arriveront dans les entreprises, ils connaîtront seulement les outils de Microsoft. Quand ils seront chez eux, ils connaîtront uniquement les outils de Microsoft. Quand ils seront citoyens, qu’il y a besoin de faire du travail citoyen de communication, de journalisme, eh bien ils maîtriseront seulement les outils deMicrosoft. Donc ça va être un écosystème encore plus fermé qui va profiter à une seule entreprise multinationale, américaine ; c’est compliqué !

Public : Oui, mais ça c’est déjà le cas actuellement, en fait depuis les années 90, depuis que Microsoft a mis un PC sous Windows dans chaque foyer. Au contraire, maintenant la situation s’est quand même un peu améliorée avec déjà MacOS qui a montré qu’il y a autre chose qui existe et l’apparition assez brève, mais quand même là, de Linux un peu ici et là.

Emmanuel : Tu peux rajouter Android. Android c’est un système d’exploitation basé et qui est du logiciel libre. Oui, Android est du logiciel libre même si ce qu’on en installe sur les téléphones ça ne l’est plus tout à fait. Et c’est utilisé largement par plein de gens, parce que dans leurs poches ils transportent du logiciel libre avec eux.

Public : Oui. Après je ne suis pas certain que tout le monde ait conscience que sur ce qu’il y a un téléphone c’est aussi un système d’exploitation tel qu’il y a sur un ordinateur.

Emmanuel : Tu as raison ; tu as tout à fait raison, mais ça n’empêche qu’il y a eu quand même des changements dans l’hyper mise en place, l’hyper utilisation de Microsoft ; Microsoft a perdu de sa superbe, ils ont raté le tournant Internet, c’est eux-mêmes qui le disaient à l’époque, ce n’est pas tout jeune, ils ont raté le tournant des mobiles et le tournant des mobiles c’est quelque chose de considérable qui leur manque ; ils le savent. Ils ont dépensé des milliards pour acheter Nokia, c’est bien qu’ils savaient qu’il y avait un plantage. Nokia s’est planté, ça leur coûte des milliards, ce n’est pas grave ils continuent, ils savent qu’il leur manque cette brique-là. Et Google avec Android, clairement, ils ont une sorte d’avancée, avec Chrome OS, ils ont une avancée, et dans les écoles Chrome OS ça fait partie des choses qui sont en train d’être installées, aux États-Unis, partout dans le monde.

Harmonie : Il ne faut pas oublier aussi que Google a failli se prendre, je dis bien failli, se prendre un procès pour concurrence déloyale avec le logiciel Android quand bien même il est libre. Pourquoi ? Parce que en gros, certes le logiciel Android avait beau être libre, mais on ne pouvait pas, à un moment donné, installer Android sans utiliser énormément d’applications du coup de la société Google, donc Alphabet.

Emmanuel : À cause de Google Play ; à cause du store.

Harmonie : Exactement. Et justement, via le Google Store, Google récupérait énormément de données mobiles grâce à des téléphones Android.

Emmanuel : Et ils forçaient la main des gens qui construisent les téléphones portables : si vous voulez installer Android sur votre téléphone portable, je suis un fabricant chinois, je veux installer Android, il n’y a aucun souci. Vous prenez AOSP, c’est la version libre d’Android, vous la mettez sur votre téléphone, roulez jeunesse vous pouvez le vendre c’est du Libre, 100 % ! Enfin il y a les éléments GSM qui sont un peu compliqués mais en gros c’est du logiciel libre. Mais, si vous voulez installer Google Play, le store, le magasin d’applications de Google, dans ce cas-là c’est un logiciel privateur qui demande des accès à des services privateurs, dans ce cas-là vous, en tant que constructeur de matériel, vous devez signer des clauses avec Google, vous devez payer Google et Google vous autorisera à installer ses logiciels privateurs comme Google Play et Google Maps et Google Mail, les applications, et là, votre Android n’est plus tout à fait libre ; il est un peu plus contrôlé par Google. C’est compliqué de s’en échapper, mais ça reste un écosystème un peu plus libre aujourd’hui que Microsoft et qui est en concurrence. Avec l’accord entre l’Éducation nationale et Microsoft on peut sentir et on voit bien que Microsoft ils ont peur de plein de manière ; quand on est dominant on a peur de perdre sa place en haut de la colline ; on est le gorille on ne veut pas que les autres petits singes se rapprochent trop et avec l’accord avec l’Éducation nationale, c’est un moyen parmi d’autres d’essayer de garder une emprise.

Harmonie : Ce que je trouvais dommage, vous avez parlé un petit peu de la société Apple tout à l’heure mais vous avez complètement oublié, je trouve, de parler des fameux nuages magiques Apple ; le tout dans le cloud, le tout connecté.

Emmanuel : Tu connais ? Est-ce que tu l’utilises ?

Harmonie : Non !

Emmanuel : Parce que moi non plus je ne l’utilise pas. C’est quoi ? C’est quand tu as une tablette Apple ou un ordinateur Apple.

Harmonie : Je ne sais pas si vous avez remarqué mais, par exemple, une des stratégies du MacBook Air c’était aussi le fait qu’il soit tellement fin, l’ordinateur, qu’il n’y ait plus aucun port standard qui soit sur l’ordinateur et, du coup, que vous soyez obligé de passer uniquement pas le cloud de Apple pour mettre des données dessus.

Emmanuel : Plus de clé USB, plus de fil d’un ordinateur à un autre ; vous devez utiliser un tiers, Apple. Et ça marche bien ! C’est pratique.

Harmonie : Il ne faut jamais oublier, d’ailleurs il y a énormément de tee-shirts de la FSFE avec ce slogan, que mettre des données sur un cloud, ce n’est jamais que mettre des données sur les ordinateurs de quelqu’un d’autre. On ne sait même pas forcément où ils sont.

Emmanuel : Ça vient d’une citation de Stallman qui explique que le cloud ce n’est rien d’autre que les ordinateurs des autres et c’est ce qu’on utilisait déjà dans les années 70 ; quand on avait des gros serveurs, on se connectait à ces gros serveurs ; de fait, c’était une sorte de cloud. En fait, on revient aux origines, mais ces origines ça facilite qui ? Ça facilite les gros acteurs qui ont des millions de serveurs – oui, les Google ont des millions de serveurs, des machines assez usuelles, assez standards – et quand on se connecte et qu’on se connecte au cloud on ne fait qu’utiliser ces ordinateurs-là, ce million d’ordinateurs, sans le savoir. Effectivement on a perdu le contrôle de ses données. Parmi les choses que moi je vois comme conséquence c’est que, nécessairement, alors on peut toucher du bois, mais nécessairement ils vont se faire hacker ; ça va arriver. C’est quasiment obligatoire ; il y a des gens qui vont hacker toutes ces données-là et toutes ces données qui concernent des gamins, des mineurs et pas que – je suis sûr que l’Éducation nationale a à faire avec plein d’autres choses – on peut être sûr, si ce n’est pas déjà le cas, qu’elles vont être volées, qu’elles vont être dupliquées ou qu’elles vont être modifiées. Je pense à des hackeurs comme nous dans la salle, mais ça pourrait être aussi des hackeurs comme un autre pays. Il y a des pays qui pourraient sûrement avoir utilité à connaître les futures élites qui vont sortir des systèmes éducatifs et quoi de mieux que d’avoir les bases de données qui décrivent le parcours éducatif de ces élites. Ça peut être très utile de savoir que Emmanuel Macron avait des lacunes dans une discipline ou dans une autre, peut-être même que ça peut être utilisé contre lui lors de négociations un peu au sommet. C’est idiot, mais quand on monte tout cela à la hauteur d’un pays en entier, parce que l’Éducation nationale ça concerne tout le pays, qu’est-ce qu’on peut en faire ? Eh bien je ne suis qu’à court d’imagination.

Harmonie : Ce qu’on a, du coup, aussi complètement occulté c’est que dans les données sensibles des mineurs, il n’y a pas seulement les notes. Il y a aussi des données psychologiques et psychiatriques. Par exemple je ne sais pas si vous savez que les IA de Google et d’Amazon sont plus à même de détecter si quelqu’un est bipolaire et s’il est en phase maniaque ou dépressive de façon plus précise et plus rapide que n’importe quel psychiatre professionnel.

Emmanuel : On va avoir des professeurs en intelligence artificielle qui vont devenir très pertinents avec les élèves. C’est peut-être utile ; c’est ça moi qui m’énerve, c’est que les multinationales, les GAFAM, je trouve, je suis informaticien, mais je trouve qu’elles font des choses plutôt innovantes. Il y a des choses qui sont nouvelles ; il y a des façons d’aborder tous ces trucs-là qui sont nouveaux. Je pense à Google qui voulait récupérer les données médicales par exemple. Les données médicales, oui je peux envisager, en tant qu’informaticien, un usage ; des algorithmes qui vont faciliter la détection de maladies en masse, qui vont détecter l’évolution de maladies contagieuses par exemple – Google bosse déjà là-dessus – et je peux imaginer des choses utiles. Je peux imaginer la même chose pour l’Éducation nationale, voir que les professeurs qui utilisent telle méthode de lecture eh bien ce n’est pas bon ; peut-être qu’un algorithme informatique pourra en retirer quelque chose. Je ne suis pas certain mais en tout cas, travailler là-dessus ça me parait intéressant. Mais ça m’énerve de penser que ce sont des multinationales centralisatrices qui vont le faire à notre place. Ça, ça m’embête beaucoup !

Public : On voit bien en fait que le problème ce n’est pas forcément la simple collecte de données ou l’usage de l’outil numérique, c’est la gouvernance qu’il y a derrière, en fait, et la souveraineté qui en découle, du coup. C’est ça qui et vraiment important alors que le Libre ça pourrait nous permettre de garder la main à tous les niveaux en plus, que ce soit à niveau national ou même à un niveau local, au sein d’une école, d’un collège, etc. Et là, on nous coupe l’herbe sur le pied. On n’a plus du tout aucun moyen d’agir à partir du moment où c’est Microsoft qui a la main dessus.

Harmonie : Une chose de laquelle on n’a pas trop parlé, je pense, et ça transparaît d’ailleurs très clairement dans le RGPD, c’est qu’on a enfin introduit dans les politiques publiques le plus gros souci qu’on a dans la gestion des données, c’est le contrôle de la finalité. Parce que même depuis la loi informatique et libertés, en soi c’est quand même un régime d’utilisation des données. En soi l’utilisation des données n’a jamais été proscrite. Chaque fois on a émis certaines réserves, certaines procédures par rapport à leur utilisation, mais quoi qu’il arrive, si on introduit un régime d’utilisation c’est bien que cela a un intérêt. C’est clair que un des plus gros soucis c’est le contrôle de la finalité. Or, quand on est dans des contrats open bar ou quand on est dans des nuages magiques, on voit qu’on n’a aucune emprise sur la finalité d’utilisation des données dans ce genre de cadre. Et c’est cela qui est dérangeant. Pour donner un exemple très concret, le séquençage du génome humain, de nos jours il y a des entreprises souvent américaines qui le proposent et à des prix d’ailleurs très bas. Pourquoi ? Parce que ce sont des algorithmes qui parcourent votre génome une fois qu’il a été séquencé et, grâce à ces algorithmes qui vont parcourir votre génome, on peut avoir des données très précises. Via votre génome on peut même savoir si vous êtes un grand ou un petit buveur de café ; ça va jusque-là !

32’ 20[modifier]

Emmanuel : En tout cas il y a des choses qui favorisent ; c’est comme une sorte de prophétie. On peut prophétiser, grâce à votre génome, si vous allez plutôt aimer le café ou pas. Dans les faits il faudra voir mais en tout cas ce sont des facilités.

Harmonie : Là je parlais clairement de la consommation. On peut déterminer la consommation de l’individu de certaines substances via son génome, ce qui est assez poussé, quand même, et du coup on voit bien les utilités pratiques pour la médecine. Parce que grâce à ce genre d’outil, par exemple on pourrait du coup déterminer si le métabolisme d’un individu est plus à même d’accueillir un certain médicament plutôt qu’un autre.

Emmanuel : On pourrait peut-être détecter si l’horaire de tel ou tel cours est approprié des facilités qui seront données par notre génotype. L’utilisation qui a été faite récemment, l’utilisation policière pour retrouver des tueurs en série ou des violeurs, je ne sais plus que c’était, aux États-Unis, il semblerait que les autorités ont utilisé des bases de données génétiques pour retrouver par des liens familiaux des criminels qui avaient laissé des traces génétiques sur les lieux de leurs crimes. Et donc en remontant avec les familles, notamment, parce que dans une famille plus ou moins large il y a bien quelqu’un qui aura mis son génome par l’intermédiaire d’une entreprise, qui sera stocké, eh bien ils ont réussi à retrouver, je crois qu’il y a eu deux personnes qui ont été retrouvées grâce à cela ; ce que moi je trouve bien. Non ? Ce qui est embêtant, par contre, c’est que c’est fait en passant par des systèmes, encore une fois centralisés, ouverts aux autorités qui ont demandé les accès, qui les ont eus. Le résultat est intéressant mais la puissance que cela dégage et ce que ça peut permettre à des entreprises ou à des États de faire sur les citoyens et sur les individus, c’est juste gigantesque. Et l’Éducation nationale c’est incroyable.

Harmonie : Pour refaire le lien du coup, imaginez un monde dans lequel on analyse votre génome à la naissance et on vous dit « eh bien tiens, vous serez éduqué à être un très bon ouvrier parce que génétiquement vous êtes plus proche, plus apte à faire ça » et ça déterminé par des grosses entreprises, un peu comme dans Bienvenue à Gattaca.

Emmanuel : En mélangeant l’Éducation et la récupération des gènes, en fait on peut retrouver le meilleur des mondes c’est-à-dire l’inné et l’acquis, on peut mélanger les deux informations pour essayer d’en déduire, alors c’est imparfait bien sûr, c’est là qu’il faut des algorithmes apprenants et des IA, mais on peut essayer d’en déduire ce que seront les adultes. Je peux imaginer quelque chose d’assez impactant.

Public : Je ne sais pas si vous avez eu vent de cette vidéo qui avait fuité chez Google, elle date de 2016 il me semble, mais elle a été disponible sur le Net il n’y a pas très longtemps, ça The Selfish Gene ; c’est une analogie, en fait, qui se base un petit peu sur le gène égoïste, The Selfish Gene de Dawkins.

Emmanuel : De Dawkins.

Public : Là en l’occurrence, c’est Google qui a, c’est le département de design qui a proposé ça en disant qu’en fait nos données ça pouvait être un peu compris comme une OGM et que, du coup, si on étudiait, on arrivait à voir les comportements, etc., et que, du coup, si on arrivait à modifier aussi ces gènes de données on arrivait à influencer le comportement. Et ça a des perspectives effectivement assez cauchemardesques, au final, de pouvoir modifier notre génome data pour agir sur une société en conséquence.

Emmanuel : Il faut voir !

Public : Ça pose des vraies questions éthiques quand même. Moi je pense que ce ne sont pas des choses qu’il faut prendre à la légère. Et en tout cas si c’est Google qui, en l’occurrence a la main dessus, on peut se douter que ça ne va forcément être quelque chose de très bienveillant.

Emmanuel : Moi j’aimerais bien avoir accès à ce genre de chose sur moi-même ; moi ça me plairait d’avoir tous ces outils, savoir qui je suis ; parce que se refléter, refléter sa propre personnalité c’est quelque chose de très difficile. Tout comme connaître ses propres gènes ; en les regardant je n’y arrive pas. Mais avoir les outils qui me permettent de réfléchir ce que je suis, moi ça me plairait bien. Et peut-être que pour les professeurs ça peut être utile aussi, parce qu’après tout, savoir qui sont les élèves, quels sont leurs avantages et inconvénients, non c’est leurs qualités et leurs défauts, que ce soit génétique ou que ce soit appris, ça peut être quelque chose de très fort, de très utile.

Harmonie : On peut avoir effectivement une pédagogie plus efficace. Cela pourrait être vraiment très intéressant et, en même temps, je trouve que la question c’est toujours qui est derrière ce genre d’initiative ? Qui adapte l’Éducation ? Dans quel but ?

Emmanuel : Aujourd’hui ce sont les GAFAM. La réponse n’est pas compliquée, parce que ce sont eux qui sont les dominants en termes économiques et en termes d’attrait. Ils attirent tout le monde. Quand Microsoft se déplacent, les présidents les reçoivent. Et l’Éducation nationale, ce n’est qu’un élément parmi d’autres, mais quand Microsoft tape à la porte, pour plein de raisons qui sont parfois bonnes, pour plein de raisons qui sont probablement cachées, eh bien on les écoute attentivement. Microsoft ils ont installé des centres de recherche en France ; ça leur donne des billes pour, peut-être pas contrôler, en tout cas demander à avoir des accès aux administrations françaises et aux bureaucraties françaises.

Public : Personnellement, quand on parle de regarder le génome humain, enfin d’une personne pour après déterminer son comportement plus tard, on peut faire de même également avec des données éducatives.

Emmanuel : Ce ne sont que des pourcentages tout ça, encore une fois.

Public : Mais justement moi j’y vois clairement une déviance possible assez monstrueuse. C’est juste que statistiquement on rentre dans les cas de tueurs en série dès la naissance ou via les données de l’éducation en grandissant. Et paf ! Par la suite, du coup, on est traité comme tueur en série potentiel alors que peut-être on n’a strictement rien à voir quoi !

Emmanuel : Tu reprends ce que Nicolas Sarkozy voulait. Nicolas Sarkozy a proposé qu’on détecte dans les crèches, il me semble, à partir de trois ans, qu’on détecte les prémisses, les enfants qui étaient favorisés à la violence pour essayer, ensuite, de les orienter vers différentes cases, parce que lui il était convaincu que la violence et que les comportements déviants – je ne sais pas comment il les qualifierait – étaient innés et que, en les détectant le plus tôt possible, on pouvait essayer de les gérer mieux, peut-être en leur donnant des voies un peu particulières, mais lui il était convaincu, en tant que dirigeant d’un grand pays, il était convaincu que c’était vraiment à la naissance qu’on pouvait le détecter et l’utiliser.

Public : Ce qui nous fait, finalement, retomber un peu dans le même problème que dans Minority Report, mais en pire.

Harmonie : Oui. Aussi, ce soir on a beaucoup parlé d’Éducation, mais je tiens à préciser que le contrat open bar, Microsoft en aussi un avec le département de la Défense, donc les armées françaises.

Emmanuel : Oui. Alors ce n’est peut-être pas sous les mêmes clauses. C’est-à-dire que l’Éducation Microsoft c’est Microsoft qui les a payés. Là c’est le ministère de la Défense qui va payer Microsoft au bout d’un certain temps en fonction de leur usage des logiciels. Ils le font avec l’Irlande, encore une fois. C’est-à-dire que les administrations françaises ne payent pas en utilisant le système de taxation français.

Harmonie : Je peux juste faire une parenthèse sur le fait que, en fait, avant le RGPD il faut savoir qu’il y avait quand même un gros système de law shopping et que la législation en Irlande était pratiquement favorable au traitement de données. D’où l’intérêt de faire des traitements, des expérimentations en Irlande.

Emmanuel : Effectivement. Il y a des clauses de Safe Harbor qui jouent là-dessus. Safe Harbor,on pourrait le traduire en « port sauf », je ne sais pas quelle serait la bonne traduction française, bonne chance ! Mais en tout cas, l’idée c’est que les données que l’on utilise dans une entreprise ou dans une administration sont dans un cadre juridique et il ne faut pas – c’est la théorie en tout cas des États occidentaux –, il ne faut pas que ces données soient stockées, hébergées en dehors d’un certain périmètre où la juridiction s’applique. Donc il y a ces clauses de Safe Harbor qui sont des choses un peu vitales pour les pays parce que si un pays n’a pas une clause de Safe Harbor avec un autre, il aura plus de difficultés à héberger des données qui viennent de cet autre pays. Il y a eu des grandes discussions parce que les États-Unis ont fait des choses un peu pas sympathiques avec les données qu’ils hébergeaient et l’Europe était en train de se poser des questions sur ces clauses d’hébergement aux États-Unis.

Harmonie : D’ailleurs il y a un juriste autrichien qui a attaqué le Safe Harbor que possédait l’Europe avec les États-Unis et du coup la Cour de justice de l’Union européenne est allée jusqu’à dire qu’il a gagné son procès. C’est pour ça que dans la foulée il y a le Privacy Shield qui a été négocié et là encore le même juriste autrichien est en train de ré-attaquer le Privacy Shield en disant que de la part des États-Unis juste promettre qu’ils ne vont pas faire de traitements illégaux des données des Européens, ce n’est pas suffisant.

Emmanuel : Ce mec c’est un chieur. Il faut faire gaffe, il peut être vachement utile. Il y a des Autrichiens, comme ça, qui ont embête Microsoft, ils ont obtenu plein de données, je ne sais pas si ce n’est pas le même d’ailleurs.

Harmonie : C’est le même.

Emmanuel : C’est le même. Ce mec est un chieur !

Public : Ce mec est un héros, quoi !

Emmanuel : C’est exactement ça.

Harmonie : Je crois que c’est Max Schrems. Oui. Voilà !

Emmanuel : Il ne faut pas qu’il ait peur parce qu’il est tout seul. Le gars c’est un vrai clou sous la chaussure des GAFAM. Il a pris de vitesse La Quadrature qui pourtant était sur les starting-blocks pour ouvrir des actions en justice. Le gars devait être prêt depuis déjà quelque temps, il est motivé !

Public : Pour information, Max Schrems pilote une organisation qui doit s’appeler « no y ob », «  My Privacy is none of your Business, quelque chose comme ça. Donc il a attaqué également les GAFAM comme l’a fait La Quadrature du Net. Il y a des actions en cours.

Emmanuel : Je pense qu’il faut qu’ils s’associent. Là il y a quelque chose à faire.

Public : Non, non ! Ils font ça indépendamment pour d’autres raisons, etc., et plus il y a d’attaques, mieux ça vaut. Donc il attaque les GAFAM dans différents pays. Je crois qu’il attaque Facebook en France, mais à vérifier.

Emmanuel : Ah en France, parce que je sais qu’il attaque en Irlande aussi parce que souvent les clauses qui sont utilisées par les entreprises américaines sont placées en Irlande parce que les taxations sont très faibles et que les infrastructures maintenant étaient pas mal développées. Ça leur facilite les communications notamment, il y a des câbles sous-marins assez pratiques à utiliser. Donc l’Irlande c’est vraiment un endroit où ils aiment bien s’installer. L’État les aide beaucoup. Vous avez entendu notamment ce qui s’est passé avec les TVA et les taxes : le gouvernement irlandais avait fait des accords avec les GAFAM pour diminuer leur taux de taxation encore plus. L’Europe a fait « c’est quoi ce bordel ? Vous avez fait des accords explicites avec certaines entreprises particulières, c’est une distorsion de la concurrence ». Donc l’Europe demande un remboursement de tout ce qui aurait dû être payé qui est de l’ordre de dizaines de milliards. Je crois que c’est Microsoft qui a été touchée, 13 milliards tu dis ?

Public : 13 milliards c’est Apple.

Emmanuel : C’est ? Ah c’est peut-être Apple. C’est Apple, on nous dit dans la salle. Donc effectivement ça fait des sommes assez considérables. Mais l’Irlande est toujours bloquée sur l’idée que non, non, non, ce sont des accords que nous, gouvernement plénipotentiaire, je ne sais pas quel est le bon terme, souverain, gouvernement souverain d’Irlande nous avons passé des accords avec des entreprises. L’Europe n’a pas à nous dicter quoi en faire. Et donc aujourd’hui il y encore des blocages sur la mise en place de cette rétroaction.

43’ 00[modifier]

Public : Ça évolue ; l’amende va être payée à l’Irlande.

Emmanuel : L’amende va être payée. Très bien ! Ça me fait plaisir à savoir ; ça me paraît être le minimum. Sachant que de toutes façons ils vont vraisemblablement moins payer que s’ils étaient dans les autres pays européens. Ça n’empêche qu’ils ont des régimes favorables en Irlande, c’est juste que là c’était trop favorable.

Harmonie : Pour les dix minutes qui nous restent je vous encourage, si jamais vous avez quelque chose à dire encore dans le cadre de cette plénière, c’est le moment, on vous y encourage.

Emmanuel : Sinon il y a la mailing-liste éducation de l’April qui foisonne de monde ; ça peut toujours être intéressant d’aller toquer dessus. Et pour ceux qui regardent la vidéo allez jeter un œil, il y a des choses pas mal. Parce que l’Éducation nationale il faut que ça bouge et donc, à un moment donné, il y a plein de profs qui veulent aussi que ça bouge, qui veulent utiliser des logiciels libres. Ils se sont beaucoup rapprochés de Framasoft qui est à la base une association de profs ; « frama » ça veut dire français-maths pour ceux qui ne savent pas ; ce sont des gens qui sont vraiment motivés par ces sujets-là donc il y a plein de choses qui bougent, mais ce n‘est pas facile de faire bouger ce mammouth d’administration et qui est face à un mammouth d’entreprises comme Microsoft ; ça bouge difficilement.

Harmonie : Je pense que les libristes du monde entier dans le cadre de délégations, on devrait s’allier pour essayer de faire bouger les choses. Par exemple, rien que les Rencontres mondiales du logiciel libre, si on a pu les organiser en si peu de temps et dans d’aussi bonnes conditions, c’est beaucoup parce que l’université de Strasbourg nous a énormément soutenus. Là, par exemple, vous êtes dans les locaux de l’université de Strasbourg un week-end alors que théoriquement rien n’est ouvert et ça c’est uniquement la bonne grâce de l’université.

Emmanuel : On pourrait rajouter que la conséquence de quelque chose d’aussi négatif que l’accord Microsoft-Éducation nationale c’est que ça fait bouger les gens. Les gens se rendent compte d’un problème, parce que quand on entend Microsoft on ne s’attend pas à ce que l’Éducation nationale fasse ce genre de chose et, en fait, ça fait bouger beaucoup de gens qui se rendent compte que non, vraiment il faut faire gaffe ; alors malheureusement pas assez de gens, pas assez de parents notamment, mais il y a quelque chose qui remue un petit peu. Ce serait comme d’installer des Mac Do dans les cantines. Je crois que ça a été déjà envisagé ce genre de sujet-là, aux États-Unis surtout, mais ça fait à chaque fois gueuler tout le monde. Alors l’Éducation nationale et Microsoft pas assez, malheureusement, mais ça fait quand même un peu bouger.

Harmonie : Je pense que parce que c’est plus invisible aussi. Je pense que les enfants, quand on leur met ça en main, ils ont l’impression que l’ordinateur plus le logiciel qu’il y a avec c’est un tout dont on ne peut pas se détacher. Et du coup aussi, par la suite, ils vont avoir beaucoup de mal à s’abstraire de ce système-là, parce que pour eux l’outil qu’ils ont utilisé depuis toujours c’est la façon entre guillemets « normale » d’utiliser un ordinateur.

Emmanuel : Ce qui est moche, j’avais entendu que d’autres administrations françaises s’intéressaient à ce type d’accord parce que, une fois qu’il y a une administration, une fois qu’il y a deux administrations, il n’y a pas vraiment de limites. Je crois que la Santé et la Culture étaient intéressées, il me semble, de mémoire, je ne sais pas où ça en est aujourd’hui, mais je ne serais pas étonné que ça débouche à un moment donné. Oui ?

Public : Du coup j’ai une question : que pensez-vous des visites organisées par des professeurs dans des magasins Apple ?

Emmanuel : On en a parlé au début.

Harmonie : On en a déjà parlé au début.

Public : Désolée.

Emmanuel : Mais effectivement ça va dans le même sens : c’est de créer de l’amour chez les gamins, parce qu’à priori c’est ça que ça déclenche ; ça déclenche une sorte de ferveur mercantile ; les gamins deviennent des fans. On sait qu’il y a plein de gens qui sont déjà fans d’Apple, mais ça continue et c’est encouragé par le système ; c’est moche !

Public : Je voudrais juste signaler qu’il n’y a pas que Apple et Facebook ; on a des entreprises bien de chez nous, bien françaises, Dassault Systèmes par exemple pour la citer, qui s’est introduite dans l’Éducation nationale depuis un bail notamment via SolidWorks par exemple, un logiciel de CAO qui est utilisé au lycée pour apprendre aux gamins, en techno, à faire de la CAO. En fait, ça existe depuis très longtemps ces histoires-là et il faut aussi se méfier de nos propres acteurs bien français, bien de chez nous, qui font les mêmes conneries et les mêmes saloperies que les multinationales.

Emmanuel : C’est compliqué parce que la CAO, conception assistée par ordinateur, je ne connais pas beaucoup de logiciels libres qui en font de manière hyper poussée ; il y a eu quelques initiatives qui ont été lancées. C’est vraiment compliqué ; j’avais appris CATIA [Conception Assistée Tridimensionnelle Interactive Appliquée] à l’époque qui était le logiciel de Dassault en école ingénieurs donc je sais à quel point c’est quelque chose qui enferme. Une fois qu’on a la maîtrise de ce logiciel eh bien on a beaucoup de difficultés à s’en sortir et une fois que sur son CV on a marqué cette liste de logiciels, eh bien on est un petit peu parti pour toute sa vie avec. En tout cas c’est la facilité, c’est l’inertie naturelle qu’on a tous et donc une fois que sur son CV on a marqué « Microsoft Office » ça paraît logique que les gens vont demander Microsoft Office en entreprise, chez eux ils vont l’installer et ils ont des facilités pour le faire quand ils sont étudiants ; ces facilités ils ne vont pas faire gaffe quand ils seront en entreprise, ils vont demander, vous payez ; « de toutes façons c’est normal, moi je ne connais que ça et il est hors de question que je change. » La ville de Munich, ils ont fait marche arrière sur une installation dans toutes les administrations de la ville où ils étaient d’accord pour mettre du logiciel libre, ils ont fait marche arrière. Il semblerait qu’il y a eu deux leviers pour cette marche arrière, c’est qu’en gros les nouveaux dirigeants de la ville – il y a eu des élections – ils ne connaissaient pas les logiciels libres et ils ne voulaient se mettre au logiciel libre, il semblerait que c’était un blocage, et il y avait encore quelques acteurs à l’intérieur de la ville, de l’administration de la ville qui bloquaient. En plus de ça il semblerait que Microsoft s’est déplacé et ils se sont mis d’accord avec les dirigeants de la ville pour mettre leur centre de décision allemand à Munich et ça, ça aurait fait pencher la balance en faveur du retour de Microsoft sur tous les postes de l’administration de la ville, c’est quelque chose d’assez considérable ; ce n’est pas de la corruption ; non, c’est un accord gagnant-gagnant [Emmanuel tousse], en tout cas gagnant dans quelque chose où l’entreprise elle met sur la balance des emplois, elle met sur la balance un impact économique, des taxes qui vont être payées dans la ville et ça c’est un fusil avec quelques coups, ça ne peut pas se faire pour chaque ville qui va vouloir négocier avec Microsoft, ils ne vont pas pouvoir installer leur centre de décision à chaque fois. En France ça a été le cas : Microsoft s’est déplacé, ils ont mis en place des centres de recherche avec, je ne sais pas, des centaines d’ingénieurs, peut-être des milliers, je ne sais pas combien ils mettent là-dedans, mais en tout cas c’est quelque chose d’impactant et on peut être sûr que les gouvernants écoutent bien parce qu’ils veulent faire de la France un centre de recherche et développement. C’est quelque chose qui était très fort chez les hommes politiques, c’était « on veut que la France soit à la pointe de la technologie, de l’innovation » et installer un centre de recherche Microsoft c’est un enjeu. C’est quelque chose sur lequel on va se battre. Donc on peut imaginer que Microsoft utilise cela comme une arme, comme un moyen, comme un poids dans la balance, pour que le gouvernement et l’État français acceptent plus facilement les logiciels privateurs qui sont pourtant des États-Unis. Parce que ça reste un truc, d’un point de vue d’un État souverain, ça reste un truc qui vient, qui est fourni par un autre État avec lequel on est en concurrence sur beaucoup de points, parfois en compétition et même en opposition forte, eh bien en installant ces logiciels-là partout, les États-Unis ça leur donne un pouvoir phénoménal sur notre pays.

Public : Moi j’ai été étudiant à l’université de Chambéry et Microsoft avait mis en place un programme qui s’appelait Microsoft Academic Alliance et du coup ils nous fournissaient des licences de toutes leurs suites logicielles gratuitement. Donc on avait Windows 10, on avait SQL Server entreprise.

Emmanuel : Même les briques serveur ?

Public : Oui. On avait aussi du Visual Studio Entreprise, enfin on avait absolument tout. Si tu prenais toute la suite il y en avait pour 15 000 euros à peu près.

Emmanuel : Et tu avais droit à ça jusqu’à un an après la fin de tes études ? Non ?

Public : Je ne sais pas exactement. Je t’avouerai que je ne les ai pas prises.

Emmanuel : Nicolas derrière, président de Debian France.

Nicolas : Juste un commentaire sur MSDN-AA ; les établissements scolaires payent pour MSDN-AA ; c’est-à-dire que les étudiants ne payent pas mais les établissements payent pour que les étudiants aient accès au truc. C’est encore plus pervers que ça.

Emmanuel : Et tu as une idée du coût ? Tu sais si c’est des millions ?

Nicolas : Ce sont des dizaines de milliers d’euros.

Emmanuel : D’accord. Donc ça devient ! Pour le coup ça donnerait des responsabilités peut-être un peu différentes. On en parlait, je reviens un petit peu sur le RGPD et sur la responsabilité de Microsoft notamment, le fait qu’ils puissent passer comme un prestataire de service, ça les couvrirait et ça leur éviterait d’avoir à prendre toutes les responsabilités que normalement le règlement leur pose, leur place. Là, peut-être que simplement en disant on est presta, nous on est payés par l’Éducation nationale pour certains éléments, ça leur favoriserait la défense. Marc ?

Marc : Un petit point sur Munich : Microsoft aussi avait subventionné les deux campagnes des listes qui étaient candidates ; les deux principales étaient subventionnées par Microsoft.

Emmanuel : C’est beau ça. Ce n’est pas de la corruption. Non ! Non ! Non ! Ce n’est pas de la corruption !

Marc : Sinon pour MSDN, je connais ça aussi dans mon entreprise, et ça marche par paquets de 25 licences. Donc évidemment, plus il y a des étudiants plus c’est cher et ça monte très vite par dizaines de milliers d’euros, oui effectivement.

Harmonie : Malheureusement l’horloge tourne. Il va falloir qu’on quitte les lieux, car il va être 19 heures 30. Je vous remercie d’avoir participé à la discussion de ce soir ; j’espère que vous serez encore nombreux demain. Pour vous tenir au courant, ce soir à partir de 8 heures et demie il y aura la soirée du Libre au Hall des Chars, jusqu’à 4 heures du matin.

Emmanuel : C’est où le Hall des Chars, à peu près ?

Harmonie : Le Hall des Chars c’est en face de la Laiterie. Je pense que le mieux c’est que vous alliez tous regarder sur OpenStreetMap où est l’endroit pour pouvoir vous y rendre.

Public : Il y a un tram direct il me semble, qui part pas très loin, juste au-dessus de l’université et qui s’arrête à l’arrêt Laiterie.

Harmonie : Oui. C’est le tram B qui s’arrête à l’arrêt Laiterie. La Laiterie c’est une grosse salle de concerts à Strasbourg et le Hall des Chars est juste en face avec un mur peint avec plein de vaches, je crois, de toutes les couleurs.

Emmanuel : Donc il y a de quoi écouter, il y a de quoi boire, il y a de quoi manger ?

Harmonie : Il n’y aura pas de quoi manger, par contre, mais il y aura de quoi boire. Donc la fameuse bière libre qu’on vous a fait boire, donc la bière pirate qui est une bière artisanale bio et libre, c’est marqué dessus, si vous avez acheté des bouteilles. Et nous n’aurons ce soir que des artistes qui font au moins pour partie de la musique libre et qui ne sont pas affiliés à la SACEM.

Emmanuel : À tout à l’heure, tous et bonne soirée.

Harmonie : Passez une très bonne soirée.

[Applaudissements]