Why ! Des ordinateurs contre l'obsolescence programmée

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Titre : Obsolescence programmée vs durabilité planifiée - why! des ordinateurs contre l'obsolescence.

Intervenant : François Marthaler

Lieu : Fêtons Linux - Genève

Date : Mai 2014

Durée : 46 min 51

Lien vers la vidéo : [1]


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Très bien, mesdames, messieurs, je crois que, si on ne veut pas arriver à la fin de la journée avec une heure de retard sur l'horaire annoncé, on va commencer cette petite conférence. On peut encore peut-être laisser les portes ouvertes pour permettre à d'autres personnes de se laisser tenter par le suivi de cette conférence que je suis tenu de garder dans un cadre de une heure maximum dont quarante minutes de présentation.

Si on parle beaucoup, ces derniers temps, ces dernières années, d'obsolescence programmée, force est de constater que c'est fréquemment avec des exemples à l'appui qui viennent du domaine de l'électronique voire de l'informatique, et comme je suis, on le verra, je le rappellerai tout à l'heure, depuis plus de trente ans un fervent défenseur du concept de développement durable, eh bien j'ai considéré que le défi de concevoir de la durabilité dans le secteur de l'informatique était un défi passionnant qui devrait être un moteur. Voilà.

Je me permets de faire un bref récapitulatif de mon parcours professionnel parce qu'on pourrait parfois avoir l'impression que c'est un parcours un petit peu décousu, en zigzag. La réalité est plutôt celle d'une démarche parfaitement rectiligne et cohérente. Il faut remonter en 1980, il y a trente-quatre ans, lorsque je crée « La Bonne Combine », atelier de réparations en tous genres à Lausanne, qui existe toujours, qui répare toujours des milliers d’appareils chaque année, des produits qui se trouvent dans le ménage, de l'électroménager à l'électronique, en passant par le mobilier, les luminaires et que sais-je. Objectif, déjà à l'époque, essayer de lutter contre le gaspillage. J'avais le sentiment en 1980 que la camelotisation, c'était le terme consacré, la camelotisation du matériel ménager notamment, était juste, avait atteint les limites à ne pas dépasser et j'étais persuadé que les consommateurs se révolteraient rapidement et qu'il y avait donc un intérêt à proposer des services pour faire durer les objets qu'on avait, ma foi, payés fort cher. La réalité de l'histoire a été plutôt dans le sens inverse, la camelotisation s'est poursuivie jusqu'à ce qu'on finisse par parler d'obsolescence programmée, parce qu'il y a des cas effectivement patents à ce niveau-là, genre la machine à café avec son petit programmeur électronique qui compte le nombre de cafés et puis qui s’arrête en réclamant un service de réparation après x cafés. Voilà un bel exemple d’obsolescence programmée au sens strict.

Après ce qui s'est passé, c'est que « La Bonne Combine » a connu un certain succès, notamment dans les médias et je me souviens avoir entendu à plusieurs reprises des clients me dire « Ouais, mais écoutez, c'est bien joli ce que vous faites, c'est sympa de réparer les appareils, de lutter contre le gaspillage et contre la raréfaction des ressources, mais enfin, chaque fois que vous réparez un appareil, c'est un appareil neuf qui n'est pas fabriqué, qui n'est pas vendu. Vous tuez de l'emploi industriel ! » Et cette idée m'a tellement dépassé, qu'on puisse avoir dans la population une telle idée que je me suis engagé sur le tard à reprendre des études à l’École des HEC de Lausanne pour essayer de savoir, bon sang de bonsoir, mais qu'est-ce qui dans la théorie économique libérale exigerait qu'on détruise la planète pour pouvoir soutenir le développement économique ? Évidemment, vous ne serez pas surpris d'apprendre que rien de tel ne figure dans aucune théorie économique classique ou néo-classique, c'est même exactement le contraire, puisque dans la théorie néo-classique, à l'équilibre général des marchés, dans une situation dite de concurrence parfaite, le bénéfice des entreprises est de zéro et on est dans une situation d'allocation optimale des ressources, en ce sens que le maximum de satisfaction et de bien-être est procuré aux consommateurs sous contrainte du minimum d'inputs en intrants, capitaux, main-d’œuvre, matières premières et énergie. Donc si l'économie fonctionnait réellement telle que la théorie la décrit on devrait arriver à une situation qui se rapprocherait assez de ce que postule le développement durable, qui lui, rajoute la notion de raréfaction des ressources.

Sorti de ces études, je me suis dit qu'après avoir réparé pendant quinze ans les camelotes fabriquées par d'autres, j’allais essayer d'apporter du conseil aux fabricants pour fabriquer dans une perspective durable. J'ai fondé le bureau d'investigation sur le recyclage et la durabilité et puis des rencontres du hasard ont fait que je me suis retrouvé candidat puis élu au Grand Conseil vaudois et cinq ans plus tard, candidat élu à la succession de Philippe Biéler qui était le premier conseiller d’État Vert dans le canton de Vaud. Pendant cette dizaine d’années passées à la tête du département des infrastructures, j'ai beaucoup fait avancer l'idée de développement durable, et j'ai notamment eu la responsabilité de l'informatique et beaucoup promu les solutions open source qui s'imposent, théoriquement, encore plus dans les collectivités publiques que dans les entreprises privées. Ces dernières étant plutôt en concurrence, on pourrait imaginer que l’esprit coopératif des logiciel libres devrait mieux fonctionner entre collectivités publiques. Ce n'est pas tout à fait ce qu'on observe, en réalité il y a bien des domaines où, pour la même tâche publique, les vingt-trois cantons inventent ou se font vendre vingt-trois solutions informatiques pour gérer le même genre de problème. Résultat j'ai fait en sorte que le mouvement de mutualisation de solutions informatiques entre collectivités publiques suisses, voire au-delà, s’accélère et le canton de Vaud a mis à disposition des autres cantons toute une série de logiciels dans la plate-forme CAMAC qui gère le complexe processus de demandes et d'octrois des permis de construire, qui est déjà utilisée par plusieurs cantons : dans le Tessin, deux cantons alémaniques et trois cantons romans.

Et puis voilà, j'ai pris ma retraite politique. J'avais assez donné et atteint les objectifs que je m'étais donné dans cette fonction et puis, parmi une dizaine de projets, il y avait celui de promouvoir les logiciels libres, dans la vraie vie, et c'est comme ça que j'ai été amené à créer «why ! open computing  » qui veut vendre les premiers ordinateurs durables évidemment sous Linux. Je vous expliquerai en quoi l'un est absolument indissociable de l'autre. Intéressant de noter qu'en tant que distributeur suisse du domaine informatique nous avons dû adhérer à la Swico, qui est association des entreprises du secteur qui, accessoirement, qui, accessoirement, gère la taxe anticipée de recyclage. A ce titre-là, on reçoit leur rapport. Le dernier rapport annuel que j'ai reçu, qui portait sur le bouclement de l'exercice 2012, nous présentait ce tableau assez effrayant avec l'évolution des quantités totales de déchets électriques, électroniques en Suisse entre 2000 et 2012. Voyez qu'on est à peu près stables entre 2000 à 2002, mais entre 2002 et 2012 on passe de quantités totales de 35 000 à 130 000 tonnes de déchets en Suisse. Multiplication par 4 ! Je ne veux pas dire que c'est une preuve de l'obsolescence programmée, mais à l'évidence l'activité économique comme le nombre d’appareils qui se trouvent dans les ménages ou les entreprises n'a pas été multiplié par 4 en 10 ans, il y a certainement cette dimension de raccourcissement de la durée d’utilisation, de la durée de vie de ces appareils.

Alors comment s'y prennent les marques et les fabricants pour gérer, on va dire, si ce n'est provoquer cette obsolescence accélérée. Je vois en tout cas deux leviers principaux. Le premier, bien sûr, ce sont les logiciels qui ne sont pas compatibles. En gros, vous avez certainement tous une fois ou l'autre vécu cette mésaventure. Voulant utiliser un nouveau logiciel, pour pouvoir ouvrir des fichiers qui vous avez été transmis de l’extérieur, vous vous apercevez qu'il faut changer l'OS parce que l'OS est trop vieux pour supporter le logiciel. Puis le nouvel OS, vous ne pouvez pas l'installer sur votre machine qui n'est pas assez puissante, pas assez récente ou qui a des composants qui ne sont plus gérés par le nouvel OS, donc vous changez d'ordinateur. Et puis à la fin des fins vous vous apercevez qu'il n'y a plus moyen de trouver un driver pour votre vieille imprimante sur cette nouvelle machine, et vous changez encore l'imprimante et dieu sait quoi d'autre. Ça, c'est vraiment la manière la plus aisée et facile de forcer les consommateurs à renouveler de manière anticipée leurs équipements, soft et hardware, conjointement.

Et puis après il y a le caractère démontable, donc la possibilité qui existe de réparer ou de mettre à niveau votre machine pour qu'elle soit toujours dans la course bien des années après son achat, respectivement les prix des réparations des pièces détachées. Sur le caractère démontable ou peu démontable, je ne peux pas m’empêcher de briser une lance à l'encontre de Apple qui a certainement la palme en la matière. J'ai vu récemment une petite vidéo du démontage du dernier MacBook Pro Retina. Il faut juste savoir deux trois choses quand même. Pour ouvrir, juste pour ouvrir le boîtier il vous faut un outil spécial qui est tournevis qui a été inventé par Apple pour Apple, tournevis pentalobe, alors que la plupart des outils du type torse sont hexalobes. Donc sans l'outil, que vous ne trouvez évidemment pas dans un commerce quelconque, qu'on peut dégotter sur internet il est vrai, sans l'outil vous n’ouvrez même pas votre appareil. Puis après si vous l'ouvrez, c'est généralement statistiquement pour faire la première chose, réparer la première chose qui tombe en panne dans un ordinateur portable, c'est l'accumulateur qui a une durée de vie qui peut osciller, selon l'usage qu'on en a, entre dix-huit mois et peut-être trois ans. Eh bien les accumulateurs dans cet appareil sont collés dans le boîtier. Donc il faut trouver des combines incroyables, pour parvenir à réchauffer la colle, décoller la batterie, puis enfin la remplacer. C'est juste invraisemblable d'imaginer que le composant le plus évident, enfin qui devrait être renouvelé un peu comme les pneus d'une voiture plusieurs fois sur la durée de vie de l'appareil ne puisse être changé par le consommateur lui-même, ni même par le réparateur du quartier, ni le fils de la voisine qui touche un peu.

11' 35

Eh bien les choses ne s’arrêtent pas là.