Différences entre les versions de « Why ! Des ordinateurs contre l'obsolescence programmée »

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Eh bien les choses ne s’arrêtent pas là.
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Eh bien les choses ne s’arrêtent pas là, pour bien montrer qu'il y a une volonté délibérée, du fabricant en l’occurrence, d’empêcher la réparation, la mise à niveau. Deuxième exemple c'est que sur ces nouvelles machines des barrettes mémoire sont soudées sur la carte mère maintenant. Donc vous ne pouvez pas rajouter, vous ne pouvez pas  acheter une machine, parce que vous n'avez pas les moyens de mettre plus, avec 8 gigas de RAM, en vous disant demain je passerai à 16 ou à 32 gigas. Vous avez intérêt à viser juste tout de suite et puis à payer le prix de la mémoire maximum dont vous pensez avoir l'utilité sur le long terme. Malheureusement la plupart des gens ignore cette impossibilité de mise à niveau. Puis alors où les choses commencent à devenir assez retorses, c'est quand on découvre que le disque SSD, parce qu'évidemment il n'y a plus de disque mécanique dans ces machines, le disque avec la mémoire flash qui fonctionne comme un disque dur, c'est une technologie tout à fait standard que plusieurs fabricants produisent, sauf que, Apple a fait développer un connecteur spécial au lieu d'utiliser le connecteur mSATA qui est utilisé par tous les autres constructeurs. Ils ont fait développer un connecteur spécial, ce qui fait que si vous voulez avoir un disque SSD parce qu'il est tombé en panne et qu'il ne conserve plus la mémoire, vous n'avez pas d'autre choix que de passer à la caisse chez Apple qui vraisemblablement vous convaincra qu'il n'y a pas beaucoup à rajouter pour avoir un appareil neuf de la dernière génération. Voilà le genre de choses que l'on voit.
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Et puis sur la politique des prix, juste une petite anecdote, je ne vais pas être très long là-dessus, mais il y a quelques mois, à la Bonne Combine précisément, un client a rapporté un laptop avec un écran cassé, parce que malheureusement il l'avait posé sur une chaise, puis après il s'est assis sur la chaise en oubliant que l'appareil était posé dessus. Écran brisé. Le prix de la pièce chez l'importateur à Zurich : 700 francs. Mais il se trouve et c'est là qu'on voit qu'il y a des politiques tarifaires qui vont vraiment dans le sens d'une obsolescence programmée, c'est qu'exactement la même pièce, on peut la trouver sur internet et se la faire livrer dans les trois jours depuis le Canada pour septante dollars. C'est moins du dixième du prix. Alors, bien évidemment, dans le premier cas, 700 francs la pièce plus la main-d’œuvre, la personne, même sur un laptop qui a deux ans et demi, dans le cas précis, renonce à faire la réparation, achète un nouveau. Dans le second cas, septante dollars plus la main d’œuvre, c'est évident que la réparation sera effectuée.
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Malheureusement il y a une limite à tout, comme le disaient déjà les économistes du Club de Rome, une croissance infinie, c’était à la fin des années septante, une croissance infinie dans un monde fini, ce n'est pas possible. Eh bien, figurez-vous, qu’on commence, enfin que les industriels commencent à s'en inquiéter. D'une part parce qu'on commence à prendre la mesure des impacts de la production, des impacts environnementaux de la production de ces appareils. Là vous avez un petit graphe qui sort d'une étude du laboratoire fédéral d'essai sur les matériaux, l'EMPA, avec à gauche les impacts sur l'environnement de la fabrication, au milieu les impacts sur l’environnement de l'utilisation puis à droite les impacts sur l'environnement, en réalité les bénéfices, liés à la récupération de matière première notamment, les bénéfices du recyclage, la phase d'élimination.
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En bleu foncé ce sont les ordinateurs de bureau avec écran cathodique, on va les oublier parce qu'ils n'existent plus. En vert ce sont les ordinateurs de bureau avec un écran plat. En orange les ordinateurs portables. Ce qui est intéressant de noter ici, c'est qu'entre la colonne fabrication et puis la colonne correspondante utilisation, il y a peu près un facteur quatre à cinq. Ça veut dire que sur la durée de vie, l’ordinateur, que l'on vous invite à remplacer plus rapidement parce que le nouveau est plus écologique, eh bien, va engendrer un impact sur l’environnement 5 fois inférieur à celui qu'il a déjà provoqué lors de sa fabrication. Conclusion en termes de développement durable, il n'y a qu'une seule réponse à apporter c'est faire durer ses appareils le plus longtemps possible.
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Et puis, maintenant, justement c'est ce que je disais à l'instant, les industriels commencent à se rendre compte que ceci ne pourra pas aller à l'infini. Il y a certains composants absolument nécessaires à la fabrication de ce genre d'appareils qui sont en voie de raréfaction totale, voie d’épuisement, à des horizons de dix, quinze, vingt ans et qui se sont décidés, là c'est de nouveau la Swico en collaboration avec l'EMPA, qui se disent, eh bien maintenant on va essayer déjà de récupérer l'indium et le néodyme, qui sont deux de ces métaux que l'on dit sensibles pour leur rareté et des conditions dans lesquelles ils sont extraits et qui commencent à manquer. Et on va essayer de récupérer ça, quelques milligrammes par kilo, dans des montagnes de déchets, aujourd'hui ces métaux sont malheureusement perdus. Donc on voit bien qu'on sera gentiment amenés à concevoir une économie circulaire, fermée sur elle-même, un peu comme la nature fonctionne, où les déchets des uns servent à la croissance et au développement des autres, dans une boucle fermée.
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Alors comment why ! va t-il faire pour réaliser, concrétiser l'objectif d'ordinateurs durables, qui puissent durer plutôt dix ans que trois à cinq, comme ça semble être le cas aujourd'hui. Eh bien tout d'abord c'est la qualité de démontablité. Pas tellement la qualité intrinsèque, parce qu'au fond il s'agit de composants pour la plupart du temps assez standards, de fabrication Intel ou normalisée, qui peuvent aisément être remplacés. Et c'est ainsi que l'appareil est extrêmement démontable avec un tournevis courant, que tout le monde a dans le ménage, et puis, dès la mise en vente du produit, on trouve sur ifxit.com aux États-Unis, je précise la plate-forme a été traduite depuis peu en allemand, en italien, en français, en espagnol, une plate-forme collaborative où sont publiés les guides pour faire toute opération de réparation, de mise à niveau sur ces machines. Je crois que c'est une première mondiale. Il y a des milliers et des milliers de guides sur ifixit.com, mais tous ces guides ont été réalisés par des gentils bricoleurs qui ont pris le temps de mettre leur savoir, leurs compétences techniques à disposition de la communauté. Là c'est la marque elle-même qui se préoccupe de tout faire pour que ses appareils puissent durer le plus longtemps possible, ce qui en soit constitue un modèle économique assez révolutionnaire.
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Deuxièmement, évidemment on mise sur les logiciels libres. Pourquoi me direz-vous ? Ce n'est pas seulement par affection, mais tout simplement et concrètement parce que la machine que j'ai là devant moi, fabriquée en 2013, eh bien je n'ai absolument aucune certitude que Windows, elle tourne aussi très bien sous Windows, que Windows 2025 sera toujours capable de gérer tous les composants qui se trouvent à l'intérieur. En tout cas je ne peux avoir aucune garantie de la part de Microsoft à ce sujet, et puis j'ai même furieusement l'impression que la réponse, enfin j'aurais tendance à dire spontanément que la réponse est négative. Or avec le modèle des logiciels libres, je pourrais toujours, même dans dix ans, au besoin réinstaller la vieille version Ubuntu 12.04, qui était sur la machine et qui gérait bien ce hardware-là en 2013. Et puis il y a toute la maturité de ces systèmes d'exploitation Linux et en particulier la simplicité d’utilisation pour un non geek qu'offre Ubuntu, avec des mises à jour régulières. En fait votre système d’exploitation ne sera pas le même dans dix ans que ce qu'il était aujourd'hui, ni même il ne sera le même à fin de la période de cinq ans pendant laquelle la  version long-term-support sera maintenue, parce qu'il y a toutes les semaines de mises à jour y compris sur le noyau Linux. Voilà.
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Et puis l'autre constat, et là, c'est à nouveau l'économiste plutôt que l'écologiste qui parle, c'est l'incroyable modèle des logiciels libres qui fait qu'on a, en réalité contrairement à ce que d'aucuns pourraient imaginer, non pas des logiciels gratuits qui ne valent rien, mais au contraire des logiciels gratuits qui sont les plus performants, qui sont  développés avec les coûts de production les plus faibles, tout ça grâce à une « coopétition », comme disent certains, c'est ce mélange de coopération et de compétition. Pour faire court, je crois qu'on peut dire que le fait de pouvoir réutiliser tout morceau de code qui fonctionne bien dans un autre projet, fait que évidemment on construit plus rapidement les choses, mais aussi qu'il s'améliorent extrêmement rapidement ces logiciels, et qu'on se retrouve dans une situation où, en gros et pour caricaturer, si vous n'avez pas le meilleur produit qui soit au monde, vous disparaissez à peu près aussi vite que votre logiciel a été lancé au départ.
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Et puis la logithèque que l'on trouve sur Ubuntu permet vraiment à n'importe qui, sans rien connaître à l'informatique de sélectionner un programme adapté à sa machine, cliquer sur un bouton installer, tester le logiciel, éventuellement le désinstaller tout aussi simplement. Et on a vraiment accès à un patrimoine logiciel en perpétuels développement, amélioration, et évidemment toujours respectant les standards ouverts qui nous permet d'univers informatique ou dee système d'exploitation sans risque de ne plus pouvoir accéder aux donnés que vous avez vous-même générées, qui sont les vôtres, indépendamment du logiciel qui a permis de les générer.
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Puis après le dernier élément qui me sensibilise beaucoup là-aussi en tant qu'économiste.

Version du 23 juin 2014 à 08:07


Titre : Obsolescence programmée vs durabilité planifiée - why! des ordinateurs contre l'obsolescence.

Intervenant : François Marthaler

Lieu : Fêtons Linux - Genève

Date : Mai 2014

Durée : 46 min 51

Lien vers la vidéo : [1]


00' transcrit MO

Très bien, mesdames, messieurs, je crois que, si on ne veut pas arriver à la fin de la journée avec une heure de retard sur l'horaire annoncé, on va commencer cette petite conférence. On peut encore peut-être laisser les portes ouvertes pour permettre à d'autres personnes de se laisser tenter par le suivi de cette conférence que je suis tenu de garder dans un cadre de une heure maximum dont quarante minutes de présentation.

Si on parle beaucoup, ces derniers temps, ces dernières années, d'obsolescence programmée, force est de constater que c'est fréquemment avec des exemples à l'appui qui viennent du domaine de l'électronique voire de l'informatique, et comme je suis, on le verra, je le rappellerai tout à l'heure, depuis plus de trente ans un fervent défenseur du concept de développement durable, eh bien j'ai considéré que le défi de concevoir de la durabilité dans le secteur de l'informatique était un défi passionnant qui devrait être un moteur. Voilà.

Je me permets de faire un bref récapitulatif de mon parcours professionnel parce qu'on pourrait parfois avoir l'impression que c'est un parcours un petit peu décousu, en zigzag. La réalité est plutôt celle d'une démarche parfaitement rectiligne et cohérente. Il faut remonter en 1980, il y a trente-quatre ans, lorsque je crée « La Bonne Combine », atelier de réparations en tous genres à Lausanne, qui existe toujours, qui répare toujours des milliers d’appareils chaque année, des produits qui se trouvent dans le ménage, de l'électroménager à l'électronique, en passant par le mobilier, les luminaires et que sais-je. Objectif, déjà à l'époque, essayer de lutter contre le gaspillage. J'avais le sentiment en 1980 que la camelotisation, c'était le terme consacré, la camelotisation du matériel ménager notamment, était juste, avait atteint les limites à ne pas dépasser et j'étais persuadé que les consommateurs se révolteraient rapidement et qu'il y avait donc un intérêt à proposer des services pour faire durer les objets qu'on avait, ma foi, payés fort cher. La réalité de l'histoire a été plutôt dans le sens inverse, la camelotisation s'est poursuivie jusqu'à ce qu'on finisse par parler d'obsolescence programmée, parce qu'il y a des cas effectivement patents à ce niveau-là, genre la machine à café avec son petit programmeur électronique qui compte le nombre de cafés et puis qui s’arrête en réclamant un service de réparation après x cafés. Voilà un bel exemple d’obsolescence programmée au sens strict.

Après ce qui s'est passé, c'est que « La Bonne Combine » a connu un certain succès, notamment dans les médias et je me souviens avoir entendu à plusieurs reprises des clients me dire « Ouais, mais écoutez, c'est bien joli ce que vous faites, c'est sympa de réparer les appareils, de lutter contre le gaspillage et contre la raréfaction des ressources, mais enfin, chaque fois que vous réparez un appareil, c'est un appareil neuf qui n'est pas fabriqué, qui n'est pas vendu. Vous tuez de l'emploi industriel ! » Et cette idée m'a tellement dépassé, qu'on puisse avoir dans la population une telle idée que je me suis engagé sur le tard à reprendre des études à l’École des HEC de Lausanne pour essayer de savoir, bon sang de bonsoir, mais qu'est-ce qui dans la théorie économique libérale exigerait qu'on détruise la planète pour pouvoir soutenir le développement économique ? Évidemment, vous ne serez pas surpris d'apprendre que rien de tel ne figure dans aucune théorie économique classique ou néo-classique, c'est même exactement le contraire, puisque dans la théorie néo-classique, à l'équilibre général des marchés, dans une situation dite de concurrence parfaite, le bénéfice des entreprises est de zéro et on est dans une situation d'allocation optimale des ressources, en ce sens que le maximum de satisfaction et de bien-être est procuré aux consommateurs sous contrainte du minimum d'inputs en intrants, capitaux, main-d’œuvre, matières premières et énergie. Donc si l'économie fonctionnait réellement telle que la théorie la décrit on devrait arriver à une situation qui se rapprocherait assez de ce que postule le développement durable, qui lui, rajoute la notion de raréfaction des ressources.

Sorti de ces études, je me suis dit qu'après avoir réparé pendant quinze ans les camelotes fabriquées par d'autres, j’allais essayer d'apporter du conseil aux fabricants pour fabriquer dans une perspective durable. J'ai fondé le bureau d'investigation sur le recyclage et la durabilité et puis des rencontres du hasard ont fait que je me suis retrouvé candidat puis élu au Grand Conseil vaudois et cinq ans plus tard, candidat élu à la succession de Philippe Biéler qui était le premier conseiller d’État Vert dans le canton de Vaud. Pendant cette dizaine d’années passées à la tête du département des infrastructures, j'ai beaucoup fait avancer l'idée de développement durable, et j'ai notamment eu la responsabilité de l'informatique et beaucoup promu les solutions open source qui s'imposent, théoriquement, encore plus dans les collectivités publiques que dans les entreprises privées. Ces dernières étant plutôt en concurrence, on pourrait imaginer que l’esprit coopératif des logiciel libres devrait mieux fonctionner entre collectivités publiques. Ce n'est pas tout à fait ce qu'on observe, en réalité il y a bien des domaines où, pour la même tâche publique, les vingt-trois cantons inventent ou se font vendre vingt-trois solutions informatiques pour gérer le même genre de problème. Résultat j'ai fait en sorte que le mouvement de mutualisation de solutions informatiques entre collectivités publiques suisses, voire au-delà, s’accélère et le canton de Vaud a mis à disposition des autres cantons toute une série de logiciels dans la plate-forme CAMAC qui gère le complexe processus de demandes et d'octrois des permis de construire, qui est déjà utilisée par plusieurs cantons : dans le Tessin, deux cantons alémaniques et trois cantons romans.

Et puis voilà, j'ai pris ma retraite politique. J'avais assez donné et atteint les objectifs que je m'étais donné dans cette fonction et puis, parmi une dizaine de projets, il y avait celui de promouvoir les logiciels libres, dans la vraie vie, et c'est comme ça que j'ai été amené à créer «why ! open computing  » qui veut vendre les premiers ordinateurs durables évidemment sous Linux. Je vous expliquerai en quoi l'un est absolument indissociable de l'autre. Intéressant de noter qu'en tant que distributeur suisse du domaine informatique nous avons dû adhérer à la Swico, qui est association des entreprises du secteur qui, accessoirement, qui, accessoirement, gère la taxe anticipée de recyclage. A ce titre-là, on reçoit leur rapport. Le dernier rapport annuel que j'ai reçu, qui portait sur le bouclement de l'exercice 2012, nous présentait ce tableau assez effrayant avec l'évolution des quantités totales de déchets électriques, électroniques en Suisse entre 2000 et 2012. Voyez qu'on est à peu près stables entre 2000 à 2002, mais entre 2002 et 2012 on passe de quantités totales de 35 000 à 130 000 tonnes de déchets en Suisse. Multiplication par 4 ! Je ne veux pas dire que c'est une preuve de l'obsolescence programmée, mais à l'évidence l'activité économique comme le nombre d’appareils qui se trouvent dans les ménages ou les entreprises n'a pas été multiplié par 4 en 10 ans, il y a certainement cette dimension de raccourcissement de la durée d’utilisation, de la durée de vie de ces appareils.

Alors comment s'y prennent les marques et les fabricants pour gérer, on va dire, si ce n'est provoquer cette obsolescence accélérée. Je vois en tout cas deux leviers principaux. Le premier, bien sûr, ce sont les logiciels qui ne sont pas compatibles. En gros, vous avez certainement tous une fois ou l'autre vécu cette mésaventure. Voulant utiliser un nouveau logiciel, pour pouvoir ouvrir des fichiers qui vous avez été transmis de l’extérieur, vous vous apercevez qu'il faut changer l'OS parce que l'OS est trop vieux pour supporter le logiciel. Puis le nouvel OS, vous ne pouvez pas l'installer sur votre machine qui n'est pas assez puissante, pas assez récente ou qui a des composants qui ne sont plus gérés par le nouvel OS, donc vous changez d'ordinateur. Et puis à la fin des fins vous vous apercevez qu'il n'y a plus moyen de trouver un driver pour votre vieille imprimante sur cette nouvelle machine, et vous changez encore l'imprimante et dieu sait quoi d'autre. Ça, c'est vraiment la manière la plus aisée et facile de forcer les consommateurs à renouveler de manière anticipée leurs équipements, soft et hardware, conjointement.

Et puis après il y a le caractère démontable, donc la possibilité qui existe de réparer ou de mettre à niveau votre machine pour qu'elle soit toujours dans la course bien des années après son achat, respectivement les prix des réparations des pièces détachées. Sur le caractère démontable ou peu démontable, je ne peux pas m’empêcher de briser une lance à l'encontre de Apple qui a certainement la palme en la matière. J'ai vu récemment une petite vidéo du démontage du dernier MacBook Pro Retina. Il faut juste savoir deux trois choses quand même. Pour ouvrir, juste pour ouvrir le boîtier il vous faut un outil spécial qui est tournevis qui a été inventé par Apple pour Apple, tournevis pentalobe, alors que la plupart des outils du type torse sont hexalobes. Donc sans l'outil, que vous ne trouvez évidemment pas dans un commerce quelconque, qu'on peut dégotter sur internet il est vrai, sans l'outil vous n’ouvrez même pas votre appareil. Puis après si vous l'ouvrez, c'est généralement statistiquement pour faire la première chose, réparer la première chose qui tombe en panne dans un ordinateur portable, c'est l'accumulateur qui a une durée de vie qui peut osciller, selon l'usage qu'on en a, entre dix-huit mois et peut-être trois ans. Eh bien les accumulateurs dans cet appareil sont collés dans le boîtier. Donc il faut trouver des combines incroyables, pour parvenir à réchauffer la colle, décoller la batterie, puis enfin la remplacer. C'est juste invraisemblable d'imaginer que le composant le plus évident, enfin qui devrait être renouvelé un peu comme les pneus d'une voiture plusieurs fois sur la durée de vie de l'appareil ne puisse être changé par le consommateur lui-même, ni même par le réparateur du quartier, ni le fils de la voisine qui touche un peu.

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Eh bien les choses ne s’arrêtent pas là, pour bien montrer qu'il y a une volonté délibérée, du fabricant en l’occurrence, d’empêcher la réparation, la mise à niveau. Deuxième exemple c'est que sur ces nouvelles machines des barrettes mémoire sont soudées sur la carte mère maintenant. Donc vous ne pouvez pas rajouter, vous ne pouvez pas acheter une machine, parce que vous n'avez pas les moyens de mettre plus, avec 8 gigas de RAM, en vous disant demain je passerai à 16 ou à 32 gigas. Vous avez intérêt à viser juste tout de suite et puis à payer le prix de la mémoire maximum dont vous pensez avoir l'utilité sur le long terme. Malheureusement la plupart des gens ignore cette impossibilité de mise à niveau. Puis alors où les choses commencent à devenir assez retorses, c'est quand on découvre que le disque SSD, parce qu'évidemment il n'y a plus de disque mécanique dans ces machines, le disque avec la mémoire flash qui fonctionne comme un disque dur, c'est une technologie tout à fait standard que plusieurs fabricants produisent, sauf que, Apple a fait développer un connecteur spécial au lieu d'utiliser le connecteur mSATA qui est utilisé par tous les autres constructeurs. Ils ont fait développer un connecteur spécial, ce qui fait que si vous voulez avoir un disque SSD parce qu'il est tombé en panne et qu'il ne conserve plus la mémoire, vous n'avez pas d'autre choix que de passer à la caisse chez Apple qui vraisemblablement vous convaincra qu'il n'y a pas beaucoup à rajouter pour avoir un appareil neuf de la dernière génération. Voilà le genre de choses que l'on voit.

Et puis sur la politique des prix, juste une petite anecdote, je ne vais pas être très long là-dessus, mais il y a quelques mois, à la Bonne Combine précisément, un client a rapporté un laptop avec un écran cassé, parce que malheureusement il l'avait posé sur une chaise, puis après il s'est assis sur la chaise en oubliant que l'appareil était posé dessus. Écran brisé. Le prix de la pièce chez l'importateur à Zurich : 700 francs. Mais il se trouve et c'est là qu'on voit qu'il y a des politiques tarifaires qui vont vraiment dans le sens d'une obsolescence programmée, c'est qu'exactement la même pièce, on peut la trouver sur internet et se la faire livrer dans les trois jours depuis le Canada pour septante dollars. C'est moins du dixième du prix. Alors, bien évidemment, dans le premier cas, 700 francs la pièce plus la main-d’œuvre, la personne, même sur un laptop qui a deux ans et demi, dans le cas précis, renonce à faire la réparation, achète un nouveau. Dans le second cas, septante dollars plus la main d’œuvre, c'est évident que la réparation sera effectuée.

Malheureusement il y a une limite à tout, comme le disaient déjà les économistes du Club de Rome, une croissance infinie, c’était à la fin des années septante, une croissance infinie dans un monde fini, ce n'est pas possible. Eh bien, figurez-vous, qu’on commence, enfin que les industriels commencent à s'en inquiéter. D'une part parce qu'on commence à prendre la mesure des impacts de la production, des impacts environnementaux de la production de ces appareils. Là vous avez un petit graphe qui sort d'une étude du laboratoire fédéral d'essai sur les matériaux, l'EMPA, avec à gauche les impacts sur l'environnement de la fabrication, au milieu les impacts sur l’environnement de l'utilisation puis à droite les impacts sur l'environnement, en réalité les bénéfices, liés à la récupération de matière première notamment, les bénéfices du recyclage, la phase d'élimination.

En bleu foncé ce sont les ordinateurs de bureau avec écran cathodique, on va les oublier parce qu'ils n'existent plus. En vert ce sont les ordinateurs de bureau avec un écran plat. En orange les ordinateurs portables. Ce qui est intéressant de noter ici, c'est qu'entre la colonne fabrication et puis la colonne correspondante utilisation, il y a peu près un facteur quatre à cinq. Ça veut dire que sur la durée de vie, l’ordinateur, que l'on vous invite à remplacer plus rapidement parce que le nouveau est plus écologique, eh bien, va engendrer un impact sur l’environnement 5 fois inférieur à celui qu'il a déjà provoqué lors de sa fabrication. Conclusion en termes de développement durable, il n'y a qu'une seule réponse à apporter c'est faire durer ses appareils le plus longtemps possible.

Et puis, maintenant, justement c'est ce que je disais à l'instant, les industriels commencent à se rendre compte que ceci ne pourra pas aller à l'infini. Il y a certains composants absolument nécessaires à la fabrication de ce genre d'appareils qui sont en voie de raréfaction totale, voie d’épuisement, à des horizons de dix, quinze, vingt ans et qui se sont décidés, là c'est de nouveau la Swico en collaboration avec l'EMPA, qui se disent, eh bien maintenant on va essayer déjà de récupérer l'indium et le néodyme, qui sont deux de ces métaux que l'on dit sensibles pour leur rareté et des conditions dans lesquelles ils sont extraits et qui commencent à manquer. Et on va essayer de récupérer ça, quelques milligrammes par kilo, dans des montagnes de déchets, aujourd'hui ces métaux sont malheureusement perdus. Donc on voit bien qu'on sera gentiment amenés à concevoir une économie circulaire, fermée sur elle-même, un peu comme la nature fonctionne, où les déchets des uns servent à la croissance et au développement des autres, dans une boucle fermée.

Alors comment why ! va t-il faire pour réaliser, concrétiser l'objectif d'ordinateurs durables, qui puissent durer plutôt dix ans que trois à cinq, comme ça semble être le cas aujourd'hui. Eh bien tout d'abord c'est la qualité de démontablité. Pas tellement la qualité intrinsèque, parce qu'au fond il s'agit de composants pour la plupart du temps assez standards, de fabrication Intel ou normalisée, qui peuvent aisément être remplacés. Et c'est ainsi que l'appareil est extrêmement démontable avec un tournevis courant, que tout le monde a dans le ménage, et puis, dès la mise en vente du produit, on trouve sur ifxit.com aux États-Unis, je précise la plate-forme a été traduite depuis peu en allemand, en italien, en français, en espagnol, une plate-forme collaborative où sont publiés les guides pour faire toute opération de réparation, de mise à niveau sur ces machines. Je crois que c'est une première mondiale. Il y a des milliers et des milliers de guides sur ifixit.com, mais tous ces guides ont été réalisés par des gentils bricoleurs qui ont pris le temps de mettre leur savoir, leurs compétences techniques à disposition de la communauté. Là c'est la marque elle-même qui se préoccupe de tout faire pour que ses appareils puissent durer le plus longtemps possible, ce qui en soit constitue un modèle économique assez révolutionnaire.

Deuxièmement, évidemment on mise sur les logiciels libres. Pourquoi me direz-vous ? Ce n'est pas seulement par affection, mais tout simplement et concrètement parce que la machine que j'ai là devant moi, fabriquée en 2013, eh bien je n'ai absolument aucune certitude que Windows, elle tourne aussi très bien sous Windows, que Windows 2025 sera toujours capable de gérer tous les composants qui se trouvent à l'intérieur. En tout cas je ne peux avoir aucune garantie de la part de Microsoft à ce sujet, et puis j'ai même furieusement l'impression que la réponse, enfin j'aurais tendance à dire spontanément que la réponse est négative. Or avec le modèle des logiciels libres, je pourrais toujours, même dans dix ans, au besoin réinstaller la vieille version Ubuntu 12.04, qui était sur la machine et qui gérait bien ce hardware-là en 2013. Et puis il y a toute la maturité de ces systèmes d'exploitation Linux et en particulier la simplicité d’utilisation pour un non geek qu'offre Ubuntu, avec des mises à jour régulières. En fait votre système d’exploitation ne sera pas le même dans dix ans que ce qu'il était aujourd'hui, ni même il ne sera le même à fin de la période de cinq ans pendant laquelle la version long-term-support sera maintenue, parce qu'il y a toutes les semaines de mises à jour y compris sur le noyau Linux. Voilà.

Et puis l'autre constat, et là, c'est à nouveau l'économiste plutôt que l'écologiste qui parle, c'est l'incroyable modèle des logiciels libres qui fait qu'on a, en réalité contrairement à ce que d'aucuns pourraient imaginer, non pas des logiciels gratuits qui ne valent rien, mais au contraire des logiciels gratuits qui sont les plus performants, qui sont développés avec les coûts de production les plus faibles, tout ça grâce à une « coopétition », comme disent certains, c'est ce mélange de coopération et de compétition. Pour faire court, je crois qu'on peut dire que le fait de pouvoir réutiliser tout morceau de code qui fonctionne bien dans un autre projet, fait que évidemment on construit plus rapidement les choses, mais aussi qu'il s'améliorent extrêmement rapidement ces logiciels, et qu'on se retrouve dans une situation où, en gros et pour caricaturer, si vous n'avez pas le meilleur produit qui soit au monde, vous disparaissez à peu près aussi vite que votre logiciel a été lancé au départ.

Et puis la logithèque que l'on trouve sur Ubuntu permet vraiment à n'importe qui, sans rien connaître à l'informatique de sélectionner un programme adapté à sa machine, cliquer sur un bouton installer, tester le logiciel, éventuellement le désinstaller tout aussi simplement. Et on a vraiment accès à un patrimoine logiciel en perpétuels développement, amélioration, et évidemment toujours respectant les standards ouverts qui nous permet d'univers informatique ou dee système d'exploitation sans risque de ne plus pouvoir accéder aux donnés que vous avez vous-même générées, qui sont les vôtres, indépendamment du logiciel qui a permis de les générer.

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Puis après le dernier élément qui me sensibilise beaucoup là-aussi en tant qu'économiste.