Différences entre les versions de « Un autre smartphone est-il possible - L’open source pour collaborer pour le bien commun - JdLÉ »

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<b>Alexis Kauffmann : </b>Je suis ravi et honoré d’accueillir pour cette conférence inaugurale Agnès Crepet qui a un magnifique titre que j’adore, directrice de la longévité logicielle chez Fairphone et Isabelle Huynh ingénieur et professeur à l’INSA.
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[Applaudissements]
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==Fairphone – Le Libre, catalyseur de projets responsables==
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===Étude ce cas : Un autre smartphone est-il possible?===
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<b>Agnès Crepet : </b>Je vais me présenter. Alexis, tu as commencé à présenter mon rôle chez Fairphone. Effectivement, je suis en charge de la longévité logicielle. C’est vrai que ça détonne un peu. Je vous parlerai de Fairphone un peu plus longuement dans cette présentation, mais l’objectif de Fairphone c’est de faire des choses qui durent. Je vais essayer de ne pas vous parler que de Fairphone. Alexis, quand tu m’as invité pour cette journée, je n’avais pas envie de focaliser sur Fairphone. L’objectif c’est qu’on puisse vous explique comment le Libre, qui a été utilisé sur un projet comme Fairphone, peut être à l’origine de projets comme celui-là.
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J’ai également cofondé, il y a une dizaine d’années, une société qui s’appelle Ninja Squad, qui est une boîte où nous ne sommes que quatre en statut SCOP [Société coopérative de production], de type SCOP. On fait beaucoup d’<em>open source</em>. Nous sommes quatre personnes qui faisons du développement logiciel. Je fais aussi partie de Duchess France, une association qui travaille sur la visibilité des femmes qui font de la technique dans l’informatique. J’ai également cofondé l’association MiXiT, c’est à Lyon : j’invite celles et ceux qui sont de Lyon à rejoindre cette conférence, conférence d’informatique, dont le focus est de parler d’éthique dans la tech. Donc on a principalement des développeuses et des développeurs, on veut essayer de montrer qu’on fait un métier technique, mais qu’il ne faut pas ailleurs des œillères, si on bosse pour Thales on bosse pour Thales. Donc on va essayer d’ouvrir vraiment les développeurs et développeuses aux perspectives sociales et environnementales. J’ai également cofondé, il y a une vingtaine d’années, un média participatif sur Saint-Étienne qui s’appelle le Numéro Zéro. Sur Lyon, il y a son pendant qui s’appelle Rebellyon. Les outils du Libre ont fortement contribué à monter ce genre de projets.<br/>
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Je laisse la parole à Isabelle.
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<b>Isabelle Huynh : </b>On a fait en sorte que ce ne soit pas simple pour vous, on a échangé les côtés par rapport à nos logos, mais je pense que vous arriverez à faire la différence.<br/>
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De mon côté, j’ai un peu fait une boucle avec l’INSA [Institut National des Sciences Appliquées]. Je suis sortie de l’INSA en tant qu’ingénieure mécanique. Je travaillais en tant qu’ingénieure mécanique et est arrivé assez violemment la question du sens par rapport aux enjeux écologiques, aux enjeux sociaux. C’est là que j’ai quitté mon job pour fonder mon premier projet qui s’appelle La CLAVette, avec cette question : qu’est-ce que faire de l’ingénierie qui soit positive, plus respectueuse de l’environnement, qui essaye de travailler sur des sujets sociaux ?, avec la question du collaboratif qui va beaucoup nous intéresser aujourd’hui. Ce projet m’a amenée à un autre projet qu’on a fondé depuis 2019 avec des copains principalement d’Anciela à Lyon, qui s’appelle l’Institut Transitions. Notre objectif est d’aider les personnes qui cherchent à se reconvertir pour des métiers plus alignés avec la transition écologique et solidaire. Ce sont des programmes qu’on fait en un an pour aider des professionnels à aller là-dedans, même si maintenant je suis à mi-temps à l’INSA et que j’aime bien mettre les petites graines pour que les étudiants deviennent un jour des ingénieurs responsables, on a aussi besoin de personnes qui puissent rapidement rentrer dans la transition écologique et solidaire pour travailler sur les grands enjeux du moment.<br/>
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C’est vraiment cet angle qu’on va prendre avec Agnès, dire comment le Libre peut aider à travailler sur des projets responsables ? En quoi c‘est intéressant, ce n’est pas le libre pour le Libre. L’idée c’est vraiment de vous faire une conférence avec une petite vitrine de projets, bien sûr l’étude du cas de Fairphone en premier lieu. Vous montrer des choses inspirantes.
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<b>Agnès Crepet : </b>Je vais commencer par vous parler de Fairphone.<br/>
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Première question :qui connaît Fairphone. Alors là, il faut que je prenne une photo pour mes collègues, parce que d’habitude on est à 5/6 % de gens qui connaissent Fairphone. Je ne dénigre pas le projet, j’en fais partie depuis quatre ans, c’est un super projet, mais c’est vrai que c’est encore peu connu, notamment en France. Je vais essayer de vous le présenter aujourd’hui.<br/>
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Le but de Fairphone n’est pas de faire un téléphone chouette et d’en vendre plein. Point. Le but de Fairphone c’est vraiment de changer l’industrie électronique. C’est de pouvoir forcer les autres fabricants de téléphones à acter de manière plus responsable, à faire des téléphones durables et surtout à respecter aussi les gens qui fabriquent les téléphones. C’est ce dont je vais vous parler un petit peu aujourd’hui.<br/>
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On applique notre théorie du changement qui consiste à dire qu’on essaye de travailler sur la prise de conscience, on essaye de faire en sorte que les gens prennent conscience des problématiques derrière l’industrie électronique et elles sont nombreuses, j’en parlerai aussi un petit peu. On veut montrer que c’est possible dans un téléphone. Je vous expliquerai qu’à un moment donné c’est important de faire partie du marché sinon on n’est pas vraiment crédible, du moins dans le monde de l’industrie électronique. Ensuite on veut motiver l’industrie à changer.
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À la base, Fairphone ce n’est pas une startup incubée dans l’équivalent de la French Tech, c’est vraiment une campagne de sensibilisation aux minerais dits de conflit. Il y a officiellement quatre minerais de conflit : le tantale, l’étain, le tungstène et l’or, officieusement il y en a plus. En 2010, des personnes du Congo et des personnes d’Amsterdam essayent de promouvoir une campagne de sensibilisation sur ces minerais-là en disant « vous avez un téléphone dans la poche qui contient du sang ». Grosso modo, quand vous extrayez du tungstène au Congo, ça génère des conflits armés.<br/>
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À la base c‘est parti de là, cette campagne de sensibilisation a duré à peu près deux/trois ans. L’objectif c’était vraiment d’arriver aussi à pousser cette démarche, je ne pourrai pas en parler aujourd’hui mais c’est une chose à laquelle je tiens beaucoup chez Fairphone, la démarche de décolonisation du numérique. Aujourd’hui dans tout ce qui est relatif à la croissance verte, on focalise beaucoup sur des problématiques environnementales en disant « faites de l’éolien – je ne suis pas contre l’éolien – et du photovoltaïque, c’est super, ça va sauver la planète ». Ouais ! Ça va sauver la planète, sauf que ça s’appuie sur des extractions de minerais qui ne sauvent pas les gens qui bossent dans les mines au Congo. Je passe rapidement là-dessus, mais c’est quand même une des origines très forte de Fairphone.<br/>
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Au bout de deux ans de campagne de sensibilisation, les gens qui sont à l’origine du projet se rendent compte que ça traîne un peu, ce n’est pas très efficace, du coup ils lancent une campagne de <em>crowdfunding</em> en disant aux gens « on va faire un téléphone, on va montrer que c’est possible de le faire en intégrant des minerais qui ne financent pas les conflits armés ». C’est une des campagnes de <em>crowdfunding</em> qui a été le plus à succès en Europe sur les dix dernières années. Ils et elles se retrouvent avec à peu près trois millions sur leur compte en banque pour faire un téléphone, mais ils ne savaient pas faire un téléphone. Le fondateur fait un burn-out en disant « mince, il va falloir que je livre quelque chose ! ». C’est vraiment l’origine de Fairphone. À la base ce ne sont pas entrepreneurs, ce ne sont même pas des ingénieurs. Je dis souvent que si ça avait des gens comme Isa et moi, en tout comme moi, je ne suis pas sûre que le projet serait né parce que c’est quand même assez complexe de faire un téléphone. À la base ce sont vraiment des activistes, ce sont plus des activistes.<br/>
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Ce téléphone met du temps à arriver, mais, en 2013, on a un premier téléphone qui sort.<br/>
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Un petit mot sur où ça a été incubé. J’ai habité trois ans à Amsterdam, je suis rentrée cet été, je travaille à distance pour Fairphone. La spécificité d’Amsterdam c’est qu’il y a beaucoup d’organismes publics, des incubateurs comme La Waag. La Waag a à peu près 30 ans, c’est ultra connu, ça occupe un espace du château que vous voyez ici sur la photo, en plein Quartier Rouge d’Amsterdam, c’est énorme, c’est connu, c’est financé par de l’argent public. Vous voyez les <em>taglines</em> de cet incubateur : « On peut faire de la technologie de manière plus open, plus équitable et plus inclusive ». C‘est quand même loin de la French Tech ! C’est incubateur, qui est énorme aux Pays-Bas, c’est son <em>motto</em>, c’est ce qu’ils défendent comme projet, et Fairphone a été incubé par ces gens-là et a eu énormément d’aide pour démarrer. Je fais un clin d’œil là-dessus parce que parfois, pour que des projets qui émanent du Libre arrivent à avoir une certaine résonance, il faut des gens comme ça. Je ne suis pas anti French Tech mais pas loin. La problématique aujourd’hui et je pense que ça va vous parler si vous pensez à l’EdTech, etc., c’est que le côté éthique, open, voire responsable et inclusif, n’est pas du tout dans les objectifs des financements de la <em>Startup Nation</em>. On parle des 26 licornes, mais on ne parle pas forcément de l’aspect éthique, voire ouvert de ces startups. Donc un petit coup de pub pour La Waag qui est un organisme public et c’est là que Fairphone est né.<br/>
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Plusieurs téléphones sortis en dix ans. Évidemment il n’y en a pas 15, il y a, on va dire, quatre gros modèles, Fairphone 3 ayant eu deux variantes, mais, grosso modo, on ne sort que quatre téléphones parce que l’objectif c’est de faire un téléphone qui dure. Et pourquoi un téléphone ? Là ce sont des chiffres qui commencent à être plus connus en France grâce des structures comme l’Ademe, GreenIT, etc. : quand vous regardez les émissions de gaz à effet de serre et les coûts environnementaux du numérique, à peu près 84 % sont dus à la production des appareils, que ce soit des ordinateurs, des téléphones portables, etc., je parle de la France, et seulement 16 %, c’est déjà beaucoup, liés aux <em>datacenters</em>, à l’infrastructure réseau, etc., donc ça vaut le coup de regarder et de s’intéresser aux téléphones.<br/>
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Tout à l’heure, Denis, quand tu es venu sur scène, j’ai vu que tu as un portable qui est un peu cassé. Mais c’est bien !, garde-le ton téléphone cassé ! Il faut mieux garder son téléphone que le jeter parce qu’en moyenne vous êtes à deux ans de durée de vie sur un téléphone. Pourquoi ? Parce que souvent tout le monde n’est pas comme Denis, tout le monde ne garde pas son téléphone quand il est cassé, quand l’écran est cassé, et c’est fortement dommage parce que ça produit beaucoup de dégâts dont je vais vous parler maintenant.<br/>
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Seulement 20 % et encore, c’est même plus bas que ça, c’est 17,4 %, sont recyclés et ça produit des déchets énormes, on parle actuellement de 50 millions de tonnes de déchets électroniques par an.
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Que fait Fairphone ? Notre objectif c’est de se ??? sur quatre aspects.<br/>
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Évidemment ce qui concerne le <em>fair sourcing</em>, le fait d’avoir des matériaux qui sont sourcés de manière équitable, c’est à la base de notre histoire, donc on fait toujours ça. Je vais vous en parler un petit peu. <br/>
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On veut aussi faire en sorte d’améliorer la <em>supply chain</em>, la chaîne d’approvisionnement jusqu’en Chine. On est toujours là où ça se passe mal, on reste en Chine pour pouvoir améliorer les conditions de travail des ouvrières et ouvriers là-bas. Je parle d’ouvrières plus que d’ouvriers puisque c'est à peu près 80 % de la ligne de production en Chine, classiquement, des femmes. On veut faire en sorte d’améliorer leurs conditions de travail.</em>
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On travaille sur la longévité. Quand vous regardez un Fairphone ce qui saute aux yeux c’est qu’il est modulaire, vous pouvez le démonter et le réparer vous-même.</em>
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Et évidemment qu’on travaille tout ce qui est réutilisation et recyclage.
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Sur la partie <em>fair sourcing</em>, qu’est-ce qu’on fait ? Il faut savoir que dans un téléphone on a à peu près 50 Millions de minerais qui sont utilisés et, pour extraire ces minerais, classiquement, on est sur une industrie qui est très polluante. Ce sont des photos qu’on a prises en RDC, en République démocratique du Congo. Vous avez l’impression que vous avez un magnifique lagon bleu au fond de ce trou là-bas. Non ! C’est de l’acide et c’est nécessaire pour justement extraire, raffiner le cuivre, là on est dans une mine de cuivre. Quand vous êtes en dehors de cette mine, vous voyez plein de camions, comme ça, qui circulent et c’est de l’acide. Vous imaginez bien que l’acide envahit les nappes phréatiques, etc., et met à mal la condition de vie des gens.<br/>
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Vous avez deux types de mines, les mines dites industrielles et artisanales. Dans les mines industrielles, en général, il n’y a pas d’enfants, etc. Dans les mines artisanales il y a énormément d’enfants, énormément de conditions de travail dangereuses. Ce sont des photos qu’on a prises aussi en RDC, des personnes qui travaillent sans être vraiment équipées, des trous très dangereux où il y a beaucoup d’éboulements et évidemment beaucoup d’enfants. En RDC, on est à peu près à 255 000 personnes qui travaillent dans les mines artisanales et, dans ces 255 000, au sens de mineurs on est à peu près à 40 000 enfants qui bossent. Et, je l’ai dit tout à l’heure, beaucoup de conflits armés, beaucoup de mafias. En RDC il y a à peu près une centaine de groupes armés reconnus qui tiennent notamment les mines, donc très compliqué pour les gens d’arriver à être indépendants.<br/>
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Chez Fairphone, sur les 50 on n’a pas 50 minerais <em>fair</em>, on travaille actuellement sur 14 minerais et matières et sur chaque matière première on essaye de <em>cleaner</em> la <em>supply chain</em>, on essaye de faire en sorte qu’il n’y ait pas d’enfants, mais s’il n’y a pas d’enfants qu’il y ait une vraie alternative pour les familles en termes de revenus et ça prend des années pour arriver à <em>cleaner</em> une chaîne d’approvisionnement sur un métal. Le cobalt, par exemple, nous a pris trois ans.
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==14’ 25==
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On fait la même chose sur les usines. Je pense que les usines c’est un peu plus connu que les mines, quoi que ! Il y a quelques années, même plus de dix ans maintenant, plusieurs articles sont sortis dans la presse sur Foxconn, le plus assembleur de téléphones en Chine, qui assemble les téléphones comme Apple, Sony, etc. Foxconn s’est fait connaître pour quelque chose d’un peu triste : des ouvriers/ouvrières de l’usine s’étaient mis sur le toit de l’usine, ils étaient 26, ils se sont jetés du toit, ils ont fait un suicide collectif. Pourquoi ? Pour dénoncer les conditions de travail des gens dans ces usines. Foxconn c’est 1,3 millions d’employés, première boîte exportatrice en Chine, donc c’est énorme, et les conditions de travail sont toujours assez déplorables. Ça c’est un autre article plus récent : des grands enfants, jeunes ados – vous le prenez comme vous voulez – ont été repérés dans les usines, ils avaient embauché plein de gamins pour être à l’heure pour sortir un des derniers iPhones. Si le sujet vous intéresse, je conseille ce bouquin qui a été traduit chez Agone, <em>La machine est ton seigneur et ton maître</em>. C’est une traduction d’écrits de personnes qui bossent sur les chaînes de production Foxconn.<br/>
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On essaye, chez Fairphone, de faire quelque chose de compliqué parce que la notion de syndicat n’existe pas vraiment en Chine. Quand on bosse avec une usine, dans notre cas il y a des charges, il y a le fait qu’elle nous ouvre ses portes et qu’on bosse avec les travailleurs, travailleuses, pour définir ce que peuvent être des bonnes conditions de travail. On ne veut pas avoir notre point de vue d’occidentaux en disant « on pense que ces personnes bossent trop, il faudrait qu’elles bossent moins ». Non ! On co-définit ça avec elles, avec ces personnes-là, parce qu’on se rend souvent compte que la problématique ce n’est pas la quantité d’heures, la première problématique c’est l’argent. Les gens veulent être mieux payés. Les gens vous disent souvent « je bosse beaucoup parce que je ne suis pas payé correctement ». Donc on a tout un accent sur le <em>living wage</em> ; <em>living wage</em> veut dire, en gros, « revenu décent ». On ne veut pas se contenter de payer les gens au revenu minimum mais au revenu récent, donc tout un tas de programmes pour augmenter les salaires des gens. Et, grosso modo, entre 2019 et 2021, évidemment qu’on a essayé de s’améliorer et de payer des bonus qui correspondent à environ deux à trois salaires mensuels sur un an.<br/>
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Je dis souvent que pour arriver à payer les gens convenablement ça ne nous a coûté que 1,85 dollar par téléphone. Pourquoi on le dit ? Pour essayer de pousser les autres à faire pareil. Quand vous avez, dans votre poche, un téléphone qui vaut six/sept cents euros, potentiellement vous imaginez ce que vous pourriez, enfince que la boîte qui est derrière ce téléphone-là pourrait payer les personnes en usine.
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<b>Isabelle Huynh : </b>Pour l’anecdote, quand même, ce qu’ont fait pas mal d’entreprises pour justement essayer de lutter contre les suicides qu’il y avait, c’était de mettre des filets aux fenêtres. Mettre concrètement des filets pour que si jamais les personnes tentent de se suicider , au moins ça n’arrive pas jusqu’au bout. C’est quand même une proposition un peu plus intéressante chez Fairphone.
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<b>Agnès Crepet : </b>Oui. Tout à fait.<br/>
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On aimerait bosser avec Foxconn un jour. On a essayé de bosser avec eux sur le Fairphone 3. Justement c’est bien là où il faut être, sur des boîtes comme ça, où la stratégie, pour essayer que les gens ne se suicident plus, c’est mettre des filets.<br/>
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Le troisième axe de Fairphone c’est la réutilisation et le recyclage. Aujourd’hui on a à peu près, en Europe, 700 millions de téléphones qui traînent dans vos tiroirs. C’est à peu près trois fois le nombre de téléphones vendus, c’est une vraie problématique. La problématique du recyclage c’est qu’il se fait peu de manière convenable. Quand nous vendons un téléphone, ou quand n’importe quel fabricant de téléphone vend un téléphone, on n‘a que les fameux moins de 20 %, 17,4 % des téléphones qui sont convenablement recyclés, recyclés dans des conditions de travail pour les gens qui sont convenables et recyclés de manière efficiente, parce que ce n’est pas facile de recycler un téléphone, le démonter, etc., sinon on ne sait pas ce qui se passe. Le 54,6 % on ne sait pas ce qui se passe et ça peut être typiquement ces fameux téléphones qui restent dans vos tiroirs.<br/>
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Il y a 20 % qui, on le sait, sont illégalement exportés, je vais vous en parler juste après. Un peu moins de 10 %, 8 %, qui sont jetés, tout simplement, dans les poubelles classiques, je ne vous conseille pas de faire ça. La grosse problématique du recyclage informel, non officiel, ou alors des 54 % qui correspondent à ces appareils électroniques dont ne sait pas ce qu’ils deviennent, bien souvent ça atterrit là, dans la chaîne de recyclage informel. Là on est sur des images à Agbogbloshie, à côté de la capitale du Ghana, qui est une des plus grosses décharges de déchets électroniques au monde avec une autre qui est en Chine ; elle est en train d’être fermée, mais elle continue encore d’exister. La problématique c’est que, rebelote, comment se passe le travail là-bas ? Il y a du recyclage, mais il est informel, donc beaucoup d’enfants, beaucoup de conditions de travail très problématiques, des émissions toxiques parce que souvent les gens brûlent le plastique sur les câbles pour récupérer le cuivre, etc., beaucoup de pollution des eaux, pollution des sols, etc.<br/>
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On dit souvent chez Fairphone que le recyclage c’est bien, mais avant il y a tout un tas de trucs qu’il faut faire, notamment essayer de garder son téléphone plus longtemps, essayer de le réparer, essayer de réutiliser des composants du téléphone, etc. Donc on a des programmes de recyclage de téléphones. Si vous avez des vieux Samsung chez vous, envoyez-les chez nous, on les recyclera comme il faut. On a avec le Ghana, depuis maintenant sept ans, un programme justement de <em>Take Back</em>. C’est un peu triste en termes de coût de transport, c’est le seul truc où on n’arrive pas à être sur place. Tout à l’heure je vous ai dit qu’on veut être là où ça se passe mal, en Chine, etc. Ce n’est pas vrai sur le recyclage, on n’arrive pas à rester au Ghana. Ça veut dire que pour les programmes de <em>Take Back</em>, de collecte, on prend les téléphones au Ghana avec une association qui est sur place et on les rapatrie en Belgique pour les recycler de manière convenable, parce qu’on sait que ça se passe mal là-bas. C’est tout un programme qu’on a au Ghana depuis sept/huit ans.<br/>
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Le dernier aspect important chez Fairphone, et c’est là que je fais un lien avec l’<em>open source</em>, c’est le fait qu’on veut faire en sorte que les gens gardent leur téléphone longtemps. Pour ce faire, on a une modularité du téléphone. La modularité c’est chouette déjà pour le recyclage, un téléphone modulaire se recycle plus facilement, mais la modularité c’est chouette aussi pour la réparabilité. Si vous cassez l’écran, si Denis avait un Fairphone, eh bien il rachète un écran sur notre site web et il peut le changer lui-même. Ma fameuse tante Ginette qui habite Yssingeaux, je la cite tout le temps, elle est toujours très fière quand je la cite – Tata Ginette si tu m’écoutes – elle peut changer son écran seule, elle a 83 ans. Il n’y a pas besoin d’une technicité accrue.<br/>
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Et <em>long term software support</em> c’est mon boulot chez Fairphone. Typiquement c’est arriver en sorte de faire des <em>upgrades</em> Android, des mises à jour Android sur des téléphones qui sont vieux, donc même si vous n’avez plus le support de la puce, la puce est le cerveau du téléphone. La fabrication des puces, grosso modo dans le monde, est détenue par deux monopoles. On parle souvent des GAFAM mais pas beaucoup des monopoles des puces. Je connais bien le sujet, je pourrais vous en parler si ça vous intéresse. On a à peu près deux monopoles mondiaux, MediaTek et Qualcomm. Quand ces monopoles décident, sur une puce, d’arrêter le support, bien souvent ça correspond à la fin du support du fabricant de téléphones. Le fabricant de téléphones dit « ça s’arrête donc je m’arrête ». La problématique c’est ce qu’on appelle l’obsolescence logicielle. Grosso modo, ça veut dire que votre téléphone n‘est plus maintenu au niveau de la mise à jour logicielle, du coup il ne va plus avoir de mises à jour de sécurité, il va devenir obsolète, peut-être que votre application préférée ne va plus marcher sur votre téléphone, ou non préférée, comme les applications bancaires qui vont refuser de tourner sur un téléphone qui n’a pas de mises à jour de sécurité.<br/>
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Donc ce qu’on a fait pour le Fairphone 2 en tant que modèle de longévité, un téléphone qu’on a sorti en 2015 et, il y a 15 jours, on a sorti Android 10, donc ça va porter le téléphone à un support à sept ans. On a fait ça grâce à l’<em>open source</em>. Sans <em>open source</em> on n’arriverait pas à détrôner les normes de l’industrie électronique qui consistent à maintenir un téléphone en moyenne deux ou trois ans. Exception pour Apple. Je ne suis pas fan d’Apple, mais on doit quand même avouer qu’ils ont un support logiciel plus long que la <em>stack</em> Android. On a fait ça grâce à l’<em>open source</em>, c’est-à-dire qu’en gros on publie notre code source, ce qui est relativement rare dans le paysage des fabricants de téléphones. La communauté, une grande communauté mondiale d’une version d’Android <em>open source</em>, complètement <em>open source</em>, qui s’appelle LineageOS, travaille de son côté et ensuite on collabore avec eux pour pouvoir faire ces fameuses mises à jour logicielles sur le long terme.<br/>
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Par rapport à toute cette approche autour du Libre, etc., on a aussi récemment monté un collectif qui s’appelle FairTEC qui correspond, en fait, à essayer d’appliquer la logique du Libre sur tout ce qui touche à la chaîne d’utilisation d’un téléphone, donc pas que le téléphone lui-même mais aussi à son OS, à son système d’exploitation. Donc il y a /e/OS, un système basé sur LineageOS mais qui, en plus, « dégooglelise » la <em>stack</em> Android, les trakers de Google qui font partie des projets.<br/>
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Commown, super coopérative française, est coresponsable et essaye de promouvoir l’approche de location responsable, location équitable. C’est-à-dire qu’on ne va vous pousser à changer de téléphone tous les deux ans, mais, au contraire, grâce à Commown qui s’occupe des réparations, etc., vous pouvez, grâce à un service de location, avoir un téléphone qui dure vraiment dans le temps.<br/>
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On a aussi TeleCoop qui est, pour celles et ceux qui ne connaissent pas, un opérateur téléphonique français alternatif. Grosso modo vous allez chez TeleCoop et vous n’avez pas je ne sais combien de gigas de data tous les mois, vous êtes facturé à la data. L’objectif est évidemment de vous entraîner à un rapport plus sobre sur votre consommation. Aujourd’hui, en Europe, il y a des TeleCoop un peu partout. Dans FairTEC on bosse aussi avec Wetell, ???, qui sont des opérateurs téléphone alternatifs en Belgique et en Allemagne, Phone Co-op au UK, etc. Ça ça décrit un peu le projet. Tous ces gens-là, même TeleCoop, s’appuient sur des suites libres, sur des outils libres ou développent eux-mêmes des solutions libres.<br/>
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L’intérêt aussi d’avoir des <em>stacks</em> libres dans le monde du numérique au sens large, de l’accessibilité à Internet, etc., c’est d’avoir aussi une certaine indépendance d’informations. Là on fera le lien avec la suite, mais c’est vrai que ce sont des choses qu’on voit moins chez nous mais qui sont quand même bonnes à rappeler. On parle souvent de colonialisme digital avec des suites comme Facebook. Je pense que vous êtes au courant, si ce n’est pas le cas je vais vous parler, de ce qui s’est passé en Inde ou en Birmanie. En gros, Facebook a proposé un accès à Internet gratuit via sa solution Free Basics en disant « on sait que vous galérez là-bas, en tant que sauveur on va vous donner une connexion Wifi gratuite mais via Facebook ». Donc, pour la plupart des gens sur place, Internet = Facebook.<br/>
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Facebook a même avoué qu’il a été à l’origine du massacre des Rohingyas en Birmanie. La problématique de l’accessibilité à Internet via Facebook, vous connaissez le truc autant que moi j’imagine, c’est que vous faites face aux <em>fake news</em> ; les Rohingyas étant une population musulmane, énormément de <em>fake news</em> sont passées sur les Musulmans et très peu de modération, je peux vous parler aussi de ça longuement. La modération dans les langues notamment indienne, birmane, ça n’existe pas. Facebook, Google, ne payent pas, ou très peu, des modérateurs qui vont traduire des informations en indien. C’est même vrai pour la France d’ailleurs, le nombre de modérateurs est quand même bien moindre proportionnellement, ça aussi c’est un vrai problème. Donc l’avantage d’une <em>stack</em> alternative libre, un peu comme ce qu’on vous a présenté avec FairTEC, c’est d’éviter cette problématique en termes d’accès à l’information.<br/>
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Je laisse la parole à Isabelle.
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==27’ 50==
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<b>Isabelle Huynh : </b>Nickel.

Version du 25 avril 2022 à 07:38


Titre : « Un autre smartphone est-il possible ? L’open source pour collaborer pour le bien commun »

Intervenant·e·s : Agnès Crepet - Isabelle Huynh

Lieu : Lyon - Journée du Libre Éducatif

Date : 1er avril 2022

Durée : 59 min 17

Vidéo

Licence de la transcription : Verbatim

Illustration : À prévoir

NB : transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.

Transcription

Alexis Kauffmann : Je suis ravi et honoré d’accueillir pour cette conférence inaugurale Agnès Crepet qui a un magnifique titre que j’adore, directrice de la longévité logicielle chez Fairphone et Isabelle Huynh ingénieur et professeur à l’INSA.

[Applaudissements]

Fairphone – Le Libre, catalyseur de projets responsables

Étude ce cas : Un autre smartphone est-il possible?

Agnès Crepet : Je vais me présenter. Alexis, tu as commencé à présenter mon rôle chez Fairphone. Effectivement, je suis en charge de la longévité logicielle. C’est vrai que ça détonne un peu. Je vous parlerai de Fairphone un peu plus longuement dans cette présentation, mais l’objectif de Fairphone c’est de faire des choses qui durent. Je vais essayer de ne pas vous parler que de Fairphone. Alexis, quand tu m’as invité pour cette journée, je n’avais pas envie de focaliser sur Fairphone. L’objectif c’est qu’on puisse vous explique comment le Libre, qui a été utilisé sur un projet comme Fairphone, peut être à l’origine de projets comme celui-là.

J’ai également cofondé, il y a une dizaine d’années, une société qui s’appelle Ninja Squad, qui est une boîte où nous ne sommes que quatre en statut SCOP [Société coopérative de production], de type SCOP. On fait beaucoup d’open source. Nous sommes quatre personnes qui faisons du développement logiciel. Je fais aussi partie de Duchess France, une association qui travaille sur la visibilité des femmes qui font de la technique dans l’informatique. J’ai également cofondé l’association MiXiT, c’est à Lyon : j’invite celles et ceux qui sont de Lyon à rejoindre cette conférence, conférence d’informatique, dont le focus est de parler d’éthique dans la tech. Donc on a principalement des développeuses et des développeurs, on veut essayer de montrer qu’on fait un métier technique, mais qu’il ne faut pas ailleurs des œillères, si on bosse pour Thales on bosse pour Thales. Donc on va essayer d’ouvrir vraiment les développeurs et développeuses aux perspectives sociales et environnementales. J’ai également cofondé, il y a une vingtaine d’années, un média participatif sur Saint-Étienne qui s’appelle le Numéro Zéro. Sur Lyon, il y a son pendant qui s’appelle Rebellyon. Les outils du Libre ont fortement contribué à monter ce genre de projets.
Je laisse la parole à Isabelle.

Isabelle Huynh : On a fait en sorte que ce ne soit pas simple pour vous, on a échangé les côtés par rapport à nos logos, mais je pense que vous arriverez à faire la différence.
De mon côté, j’ai un peu fait une boucle avec l’INSA [Institut National des Sciences Appliquées]. Je suis sortie de l’INSA en tant qu’ingénieure mécanique. Je travaillais en tant qu’ingénieure mécanique et est arrivé assez violemment la question du sens par rapport aux enjeux écologiques, aux enjeux sociaux. C’est là que j’ai quitté mon job pour fonder mon premier projet qui s’appelle La CLAVette, avec cette question : qu’est-ce que faire de l’ingénierie qui soit positive, plus respectueuse de l’environnement, qui essaye de travailler sur des sujets sociaux ?, avec la question du collaboratif qui va beaucoup nous intéresser aujourd’hui. Ce projet m’a amenée à un autre projet qu’on a fondé depuis 2019 avec des copains principalement d’Anciela à Lyon, qui s’appelle l’Institut Transitions. Notre objectif est d’aider les personnes qui cherchent à se reconvertir pour des métiers plus alignés avec la transition écologique et solidaire. Ce sont des programmes qu’on fait en un an pour aider des professionnels à aller là-dedans, même si maintenant je suis à mi-temps à l’INSA et que j’aime bien mettre les petites graines pour que les étudiants deviennent un jour des ingénieurs responsables, on a aussi besoin de personnes qui puissent rapidement rentrer dans la transition écologique et solidaire pour travailler sur les grands enjeux du moment.
C’est vraiment cet angle qu’on va prendre avec Agnès, dire comment le Libre peut aider à travailler sur des projets responsables ? En quoi c‘est intéressant, ce n’est pas le libre pour le Libre. L’idée c’est vraiment de vous faire une conférence avec une petite vitrine de projets, bien sûr l’étude du cas de Fairphone en premier lieu. Vous montrer des choses inspirantes.

Agnès Crepet : Je vais commencer par vous parler de Fairphone.
Première question :qui connaît Fairphone. Alors là, il faut que je prenne une photo pour mes collègues, parce que d’habitude on est à 5/6 % de gens qui connaissent Fairphone. Je ne dénigre pas le projet, j’en fais partie depuis quatre ans, c’est un super projet, mais c’est vrai que c’est encore peu connu, notamment en France. Je vais essayer de vous le présenter aujourd’hui.
Le but de Fairphone n’est pas de faire un téléphone chouette et d’en vendre plein. Point. Le but de Fairphone c’est vraiment de changer l’industrie électronique. C’est de pouvoir forcer les autres fabricants de téléphones à acter de manière plus responsable, à faire des téléphones durables et surtout à respecter aussi les gens qui fabriquent les téléphones. C’est ce dont je vais vous parler un petit peu aujourd’hui.
On applique notre théorie du changement qui consiste à dire qu’on essaye de travailler sur la prise de conscience, on essaye de faire en sorte que les gens prennent conscience des problématiques derrière l’industrie électronique et elles sont nombreuses, j’en parlerai aussi un petit peu. On veut montrer que c’est possible dans un téléphone. Je vous expliquerai qu’à un moment donné c’est important de faire partie du marché sinon on n’est pas vraiment crédible, du moins dans le monde de l’industrie électronique. Ensuite on veut motiver l’industrie à changer.

À la base, Fairphone ce n’est pas une startup incubée dans l’équivalent de la French Tech, c’est vraiment une campagne de sensibilisation aux minerais dits de conflit. Il y a officiellement quatre minerais de conflit : le tantale, l’étain, le tungstène et l’or, officieusement il y en a plus. En 2010, des personnes du Congo et des personnes d’Amsterdam essayent de promouvoir une campagne de sensibilisation sur ces minerais-là en disant « vous avez un téléphone dans la poche qui contient du sang ». Grosso modo, quand vous extrayez du tungstène au Congo, ça génère des conflits armés.
À la base c‘est parti de là, cette campagne de sensibilisation a duré à peu près deux/trois ans. L’objectif c’était vraiment d’arriver aussi à pousser cette démarche, je ne pourrai pas en parler aujourd’hui mais c’est une chose à laquelle je tiens beaucoup chez Fairphone, la démarche de décolonisation du numérique. Aujourd’hui dans tout ce qui est relatif à la croissance verte, on focalise beaucoup sur des problématiques environnementales en disant « faites de l’éolien – je ne suis pas contre l’éolien – et du photovoltaïque, c’est super, ça va sauver la planète ». Ouais ! Ça va sauver la planète, sauf que ça s’appuie sur des extractions de minerais qui ne sauvent pas les gens qui bossent dans les mines au Congo. Je passe rapidement là-dessus, mais c’est quand même une des origines très forte de Fairphone.
Au bout de deux ans de campagne de sensibilisation, les gens qui sont à l’origine du projet se rendent compte que ça traîne un peu, ce n’est pas très efficace, du coup ils lancent une campagne de crowdfunding en disant aux gens « on va faire un téléphone, on va montrer que c’est possible de le faire en intégrant des minerais qui ne financent pas les conflits armés ». C’est une des campagnes de crowdfunding qui a été le plus à succès en Europe sur les dix dernières années. Ils et elles se retrouvent avec à peu près trois millions sur leur compte en banque pour faire un téléphone, mais ils ne savaient pas faire un téléphone. Le fondateur fait un burn-out en disant « mince, il va falloir que je livre quelque chose ! ». C’est vraiment l’origine de Fairphone. À la base ce ne sont pas entrepreneurs, ce ne sont même pas des ingénieurs. Je dis souvent que si ça avait des gens comme Isa et moi, en tout comme moi, je ne suis pas sûre que le projet serait né parce que c’est quand même assez complexe de faire un téléphone. À la base ce sont vraiment des activistes, ce sont plus des activistes.
Ce téléphone met du temps à arriver, mais, en 2013, on a un premier téléphone qui sort.
Un petit mot sur où ça a été incubé. J’ai habité trois ans à Amsterdam, je suis rentrée cet été, je travaille à distance pour Fairphone. La spécificité d’Amsterdam c’est qu’il y a beaucoup d’organismes publics, des incubateurs comme La Waag. La Waag a à peu près 30 ans, c’est ultra connu, ça occupe un espace du château que vous voyez ici sur la photo, en plein Quartier Rouge d’Amsterdam, c’est énorme, c’est connu, c’est financé par de l’argent public. Vous voyez les taglines de cet incubateur : « On peut faire de la technologie de manière plus open, plus équitable et plus inclusive ». C‘est quand même loin de la French Tech ! C’est incubateur, qui est énorme aux Pays-Bas, c’est son motto, c’est ce qu’ils défendent comme projet, et Fairphone a été incubé par ces gens-là et a eu énormément d’aide pour démarrer. Je fais un clin d’œil là-dessus parce que parfois, pour que des projets qui émanent du Libre arrivent à avoir une certaine résonance, il faut des gens comme ça. Je ne suis pas anti French Tech mais pas loin. La problématique aujourd’hui et je pense que ça va vous parler si vous pensez à l’EdTech, etc., c’est que le côté éthique, open, voire responsable et inclusif, n’est pas du tout dans les objectifs des financements de la Startup Nation. On parle des 26 licornes, mais on ne parle pas forcément de l’aspect éthique, voire ouvert de ces startups. Donc un petit coup de pub pour La Waag qui est un organisme public et c’est là que Fairphone est né.
Plusieurs téléphones sortis en dix ans. Évidemment il n’y en a pas 15, il y a, on va dire, quatre gros modèles, Fairphone 3 ayant eu deux variantes, mais, grosso modo, on ne sort que quatre téléphones parce que l’objectif c’est de faire un téléphone qui dure. Et pourquoi un téléphone ? Là ce sont des chiffres qui commencent à être plus connus en France grâce des structures comme l’Ademe, GreenIT, etc. : quand vous regardez les émissions de gaz à effet de serre et les coûts environnementaux du numérique, à peu près 84 % sont dus à la production des appareils, que ce soit des ordinateurs, des téléphones portables, etc., je parle de la France, et seulement 16 %, c’est déjà beaucoup, liés aux datacenters, à l’infrastructure réseau, etc., donc ça vaut le coup de regarder et de s’intéresser aux téléphones.
Tout à l’heure, Denis, quand tu es venu sur scène, j’ai vu que tu as un portable qui est un peu cassé. Mais c’est bien !, garde-le ton téléphone cassé ! Il faut mieux garder son téléphone que le jeter parce qu’en moyenne vous êtes à deux ans de durée de vie sur un téléphone. Pourquoi ? Parce que souvent tout le monde n’est pas comme Denis, tout le monde ne garde pas son téléphone quand il est cassé, quand l’écran est cassé, et c’est fortement dommage parce que ça produit beaucoup de dégâts dont je vais vous parler maintenant.
Seulement 20 % et encore, c’est même plus bas que ça, c’est 17,4 %, sont recyclés et ça produit des déchets énormes, on parle actuellement de 50 millions de tonnes de déchets électroniques par an.

Que fait Fairphone ? Notre objectif c’est de se ??? sur quatre aspects.
Évidemment ce qui concerne le fair sourcing, le fait d’avoir des matériaux qui sont sourcés de manière équitable, c’est à la base de notre histoire, donc on fait toujours ça. Je vais vous en parler un petit peu.
On veut aussi faire en sorte d’améliorer la supply chain, la chaîne d’approvisionnement jusqu’en Chine. On est toujours là où ça se passe mal, on reste en Chine pour pouvoir améliorer les conditions de travail des ouvrières et ouvriers là-bas. Je parle d’ouvrières plus que d’ouvriers puisque c'est à peu près 80 % de la ligne de production en Chine, classiquement, des femmes. On veut faire en sorte d’améliorer leurs conditions de travail. On travaille sur la longévité. Quand vous regardez un Fairphone ce qui saute aux yeux c’est qu’il est modulaire, vous pouvez le démonter et le réparer vous-même. Et évidemment qu’on travaille tout ce qui est réutilisation et recyclage.

Sur la partie fair sourcing, qu’est-ce qu’on fait ? Il faut savoir que dans un téléphone on a à peu près 50 Millions de minerais qui sont utilisés et, pour extraire ces minerais, classiquement, on est sur une industrie qui est très polluante. Ce sont des photos qu’on a prises en RDC, en République démocratique du Congo. Vous avez l’impression que vous avez un magnifique lagon bleu au fond de ce trou là-bas. Non ! C’est de l’acide et c’est nécessaire pour justement extraire, raffiner le cuivre, là on est dans une mine de cuivre. Quand vous êtes en dehors de cette mine, vous voyez plein de camions, comme ça, qui circulent et c’est de l’acide. Vous imaginez bien que l’acide envahit les nappes phréatiques, etc., et met à mal la condition de vie des gens.
Vous avez deux types de mines, les mines dites industrielles et artisanales. Dans les mines industrielles, en général, il n’y a pas d’enfants, etc. Dans les mines artisanales il y a énormément d’enfants, énormément de conditions de travail dangereuses. Ce sont des photos qu’on a prises aussi en RDC, des personnes qui travaillent sans être vraiment équipées, des trous très dangereux où il y a beaucoup d’éboulements et évidemment beaucoup d’enfants. En RDC, on est à peu près à 255 000 personnes qui travaillent dans les mines artisanales et, dans ces 255 000, au sens de mineurs on est à peu près à 40 000 enfants qui bossent. Et, je l’ai dit tout à l’heure, beaucoup de conflits armés, beaucoup de mafias. En RDC il y a à peu près une centaine de groupes armés reconnus qui tiennent notamment les mines, donc très compliqué pour les gens d’arriver à être indépendants.
Chez Fairphone, sur les 50 on n’a pas 50 minerais fair, on travaille actuellement sur 14 minerais et matières et sur chaque matière première on essaye de cleaner la supply chain, on essaye de faire en sorte qu’il n’y ait pas d’enfants, mais s’il n’y a pas d’enfants qu’il y ait une vraie alternative pour les familles en termes de revenus et ça prend des années pour arriver à cleaner une chaîne d’approvisionnement sur un métal. Le cobalt, par exemple, nous a pris trois ans.

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On fait la même chose sur les usines. Je pense que les usines c’est un peu plus connu que les mines, quoi que ! Il y a quelques années, même plus de dix ans maintenant, plusieurs articles sont sortis dans la presse sur Foxconn, le plus assembleur de téléphones en Chine, qui assemble les téléphones comme Apple, Sony, etc. Foxconn s’est fait connaître pour quelque chose d’un peu triste : des ouvriers/ouvrières de l’usine s’étaient mis sur le toit de l’usine, ils étaient 26, ils se sont jetés du toit, ils ont fait un suicide collectif. Pourquoi ? Pour dénoncer les conditions de travail des gens dans ces usines. Foxconn c’est 1,3 millions d’employés, première boîte exportatrice en Chine, donc c’est énorme, et les conditions de travail sont toujours assez déplorables. Ça c’est un autre article plus récent : des grands enfants, jeunes ados – vous le prenez comme vous voulez – ont été repérés dans les usines, ils avaient embauché plein de gamins pour être à l’heure pour sortir un des derniers iPhones. Si le sujet vous intéresse, je conseille ce bouquin qui a été traduit chez Agone, La machine est ton seigneur et ton maître. C’est une traduction d’écrits de personnes qui bossent sur les chaînes de production Foxconn.
On essaye, chez Fairphone, de faire quelque chose de compliqué parce que la notion de syndicat n’existe pas vraiment en Chine. Quand on bosse avec une usine, dans notre cas il y a des charges, il y a le fait qu’elle nous ouvre ses portes et qu’on bosse avec les travailleurs, travailleuses, pour définir ce que peuvent être des bonnes conditions de travail. On ne veut pas avoir notre point de vue d’occidentaux en disant « on pense que ces personnes bossent trop, il faudrait qu’elles bossent moins ». Non ! On co-définit ça avec elles, avec ces personnes-là, parce qu’on se rend souvent compte que la problématique ce n’est pas la quantité d’heures, la première problématique c’est l’argent. Les gens veulent être mieux payés. Les gens vous disent souvent « je bosse beaucoup parce que je ne suis pas payé correctement ». Donc on a tout un accent sur le living wage ; living wage veut dire, en gros, « revenu décent ». On ne veut pas se contenter de payer les gens au revenu minimum mais au revenu récent, donc tout un tas de programmes pour augmenter les salaires des gens. Et, grosso modo, entre 2019 et 2021, évidemment qu’on a essayé de s’améliorer et de payer des bonus qui correspondent à environ deux à trois salaires mensuels sur un an.
Je dis souvent que pour arriver à payer les gens convenablement ça ne nous a coûté que 1,85 dollar par téléphone. Pourquoi on le dit ? Pour essayer de pousser les autres à faire pareil. Quand vous avez, dans votre poche, un téléphone qui vaut six/sept cents euros, potentiellement vous imaginez ce que vous pourriez, enfince que la boîte qui est derrière ce téléphone-là pourrait payer les personnes en usine.

Isabelle Huynh : Pour l’anecdote, quand même, ce qu’ont fait pas mal d’entreprises pour justement essayer de lutter contre les suicides qu’il y avait, c’était de mettre des filets aux fenêtres. Mettre concrètement des filets pour que si jamais les personnes tentent de se suicider , au moins ça n’arrive pas jusqu’au bout. C’est quand même une proposition un peu plus intéressante chez Fairphone.

Agnès Crepet : Oui. Tout à fait.
On aimerait bosser avec Foxconn un jour. On a essayé de bosser avec eux sur le Fairphone 3. Justement c’est bien là où il faut être, sur des boîtes comme ça, où la stratégie, pour essayer que les gens ne se suicident plus, c’est mettre des filets.
Le troisième axe de Fairphone c’est la réutilisation et le recyclage. Aujourd’hui on a à peu près, en Europe, 700 millions de téléphones qui traînent dans vos tiroirs. C’est à peu près trois fois le nombre de téléphones vendus, c’est une vraie problématique. La problématique du recyclage c’est qu’il se fait peu de manière convenable. Quand nous vendons un téléphone, ou quand n’importe quel fabricant de téléphone vend un téléphone, on n‘a que les fameux moins de 20 %, 17,4 % des téléphones qui sont convenablement recyclés, recyclés dans des conditions de travail pour les gens qui sont convenables et recyclés de manière efficiente, parce que ce n’est pas facile de recycler un téléphone, le démonter, etc., sinon on ne sait pas ce qui se passe. Le 54,6 % on ne sait pas ce qui se passe et ça peut être typiquement ces fameux téléphones qui restent dans vos tiroirs.
Il y a 20 % qui, on le sait, sont illégalement exportés, je vais vous en parler juste après. Un peu moins de 10 %, 8 %, qui sont jetés, tout simplement, dans les poubelles classiques, je ne vous conseille pas de faire ça. La grosse problématique du recyclage informel, non officiel, ou alors des 54 % qui correspondent à ces appareils électroniques dont ne sait pas ce qu’ils deviennent, bien souvent ça atterrit là, dans la chaîne de recyclage informel. Là on est sur des images à Agbogbloshie, à côté de la capitale du Ghana, qui est une des plus grosses décharges de déchets électroniques au monde avec une autre qui est en Chine ; elle est en train d’être fermée, mais elle continue encore d’exister. La problématique c’est que, rebelote, comment se passe le travail là-bas ? Il y a du recyclage, mais il est informel, donc beaucoup d’enfants, beaucoup de conditions de travail très problématiques, des émissions toxiques parce que souvent les gens brûlent le plastique sur les câbles pour récupérer le cuivre, etc., beaucoup de pollution des eaux, pollution des sols, etc.
On dit souvent chez Fairphone que le recyclage c’est bien, mais avant il y a tout un tas de trucs qu’il faut faire, notamment essayer de garder son téléphone plus longtemps, essayer de le réparer, essayer de réutiliser des composants du téléphone, etc. Donc on a des programmes de recyclage de téléphones. Si vous avez des vieux Samsung chez vous, envoyez-les chez nous, on les recyclera comme il faut. On a avec le Ghana, depuis maintenant sept ans, un programme justement de Take Back. C’est un peu triste en termes de coût de transport, c’est le seul truc où on n’arrive pas à être sur place. Tout à l’heure je vous ai dit qu’on veut être là où ça se passe mal, en Chine, etc. Ce n’est pas vrai sur le recyclage, on n’arrive pas à rester au Ghana. Ça veut dire que pour les programmes de Take Back, de collecte, on prend les téléphones au Ghana avec une association qui est sur place et on les rapatrie en Belgique pour les recycler de manière convenable, parce qu’on sait que ça se passe mal là-bas. C’est tout un programme qu’on a au Ghana depuis sept/huit ans.
Le dernier aspect important chez Fairphone, et c’est là que je fais un lien avec l’open source, c’est le fait qu’on veut faire en sorte que les gens gardent leur téléphone longtemps. Pour ce faire, on a une modularité du téléphone. La modularité c’est chouette déjà pour le recyclage, un téléphone modulaire se recycle plus facilement, mais la modularité c’est chouette aussi pour la réparabilité. Si vous cassez l’écran, si Denis avait un Fairphone, eh bien il rachète un écran sur notre site web et il peut le changer lui-même. Ma fameuse tante Ginette qui habite Yssingeaux, je la cite tout le temps, elle est toujours très fière quand je la cite – Tata Ginette si tu m’écoutes – elle peut changer son écran seule, elle a 83 ans. Il n’y a pas besoin d’une technicité accrue.
Et long term software support c’est mon boulot chez Fairphone. Typiquement c’est arriver en sorte de faire des upgrades Android, des mises à jour Android sur des téléphones qui sont vieux, donc même si vous n’avez plus le support de la puce, la puce est le cerveau du téléphone. La fabrication des puces, grosso modo dans le monde, est détenue par deux monopoles. On parle souvent des GAFAM mais pas beaucoup des monopoles des puces. Je connais bien le sujet, je pourrais vous en parler si ça vous intéresse. On a à peu près deux monopoles mondiaux, MediaTek et Qualcomm. Quand ces monopoles décident, sur une puce, d’arrêter le support, bien souvent ça correspond à la fin du support du fabricant de téléphones. Le fabricant de téléphones dit « ça s’arrête donc je m’arrête ». La problématique c’est ce qu’on appelle l’obsolescence logicielle. Grosso modo, ça veut dire que votre téléphone n‘est plus maintenu au niveau de la mise à jour logicielle, du coup il ne va plus avoir de mises à jour de sécurité, il va devenir obsolète, peut-être que votre application préférée ne va plus marcher sur votre téléphone, ou non préférée, comme les applications bancaires qui vont refuser de tourner sur un téléphone qui n’a pas de mises à jour de sécurité.
Donc ce qu’on a fait pour le Fairphone 2 en tant que modèle de longévité, un téléphone qu’on a sorti en 2015 et, il y a 15 jours, on a sorti Android 10, donc ça va porter le téléphone à un support à sept ans. On a fait ça grâce à l’open source. Sans open source on n’arriverait pas à détrôner les normes de l’industrie électronique qui consistent à maintenir un téléphone en moyenne deux ou trois ans. Exception pour Apple. Je ne suis pas fan d’Apple, mais on doit quand même avouer qu’ils ont un support logiciel plus long que la stack Android. On a fait ça grâce à l’open source, c’est-à-dire qu’en gros on publie notre code source, ce qui est relativement rare dans le paysage des fabricants de téléphones. La communauté, une grande communauté mondiale d’une version d’Android open source, complètement open source, qui s’appelle LineageOS, travaille de son côté et ensuite on collabore avec eux pour pouvoir faire ces fameuses mises à jour logicielles sur le long terme.
Par rapport à toute cette approche autour du Libre, etc., on a aussi récemment monté un collectif qui s’appelle FairTEC qui correspond, en fait, à essayer d’appliquer la logique du Libre sur tout ce qui touche à la chaîne d’utilisation d’un téléphone, donc pas que le téléphone lui-même mais aussi à son OS, à son système d’exploitation. Donc il y a /e/OS, un système basé sur LineageOS mais qui, en plus, « dégooglelise » la stack Android, les trakers de Google qui font partie des projets.
Commown, super coopérative française, est coresponsable et essaye de promouvoir l’approche de location responsable, location équitable. C’est-à-dire qu’on ne va vous pousser à changer de téléphone tous les deux ans, mais, au contraire, grâce à Commown qui s’occupe des réparations, etc., vous pouvez, grâce à un service de location, avoir un téléphone qui dure vraiment dans le temps.
On a aussi TeleCoop qui est, pour celles et ceux qui ne connaissent pas, un opérateur téléphonique français alternatif. Grosso modo vous allez chez TeleCoop et vous n’avez pas je ne sais combien de gigas de data tous les mois, vous êtes facturé à la data. L’objectif est évidemment de vous entraîner à un rapport plus sobre sur votre consommation. Aujourd’hui, en Europe, il y a des TeleCoop un peu partout. Dans FairTEC on bosse aussi avec Wetell, ???, qui sont des opérateurs téléphone alternatifs en Belgique et en Allemagne, Phone Co-op au UK, etc. Ça ça décrit un peu le projet. Tous ces gens-là, même TeleCoop, s’appuient sur des suites libres, sur des outils libres ou développent eux-mêmes des solutions libres.
L’intérêt aussi d’avoir des stacks libres dans le monde du numérique au sens large, de l’accessibilité à Internet, etc., c’est d’avoir aussi une certaine indépendance d’informations. Là on fera le lien avec la suite, mais c’est vrai que ce sont des choses qu’on voit moins chez nous mais qui sont quand même bonnes à rappeler. On parle souvent de colonialisme digital avec des suites comme Facebook. Je pense que vous êtes au courant, si ce n’est pas le cas je vais vous parler, de ce qui s’est passé en Inde ou en Birmanie. En gros, Facebook a proposé un accès à Internet gratuit via sa solution Free Basics en disant « on sait que vous galérez là-bas, en tant que sauveur on va vous donner une connexion Wifi gratuite mais via Facebook ». Donc, pour la plupart des gens sur place, Internet = Facebook.
Facebook a même avoué qu’il a été à l’origine du massacre des Rohingyas en Birmanie. La problématique de l’accessibilité à Internet via Facebook, vous connaissez le truc autant que moi j’imagine, c’est que vous faites face aux fake news ; les Rohingyas étant une population musulmane, énormément de fake news sont passées sur les Musulmans et très peu de modération, je peux vous parler aussi de ça longuement. La modération dans les langues notamment indienne, birmane, ça n’existe pas. Facebook, Google, ne payent pas, ou très peu, des modérateurs qui vont traduire des informations en indien. C’est même vrai pour la France d’ailleurs, le nombre de modérateurs est quand même bien moindre proportionnellement, ça aussi c’est un vrai problème. Donc l’avantage d’une stack alternative libre, un peu comme ce qu’on vous a présenté avec FairTEC, c’est d’éviter cette problématique en termes d’accès à l’information.
Je laisse la parole à Isabelle.

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Isabelle Huynh : Nickel.