Différences entre les versions de « Trump et les réseaux sociaux, pouvoir et technologie au XXIe siècle »

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<b>Marc Weitzmann : </b>On va revenir.
 
<b>Marc Weitzmann : </b>On va revenir.
  
<b>Bernard Benhamou : </b>Ça c’est déjà en cours. Pour avoir des contacts avec les responsables démocrates de l’équipe de transition de Biden, ils ne jurent désormais que par la régulation, qui était un mot tabou pour les équipes de Bill Clinton à l’époque où ont été mises en place justement, à la fin des années 90, les lois sur la non-régulation des plateformes. Donc on voit bien qu’il y a un changement de pied. Qu’il y ait un changement de pied global, en particulier sur le premier amendement, ça c’est totalement inenvisageable. On sait très bien que les forces d’inertie par rapport à cela seront trop fortes. Mais sur le financement des campagnes, là encore comme on en parlait, je crois qu’il n’y aura pas de changement parce que, effectivement, l’inertie sur ce qu’ils appellent là-bas les PAC, les comités d’action politique, sera trop grande. Mais sur ce qui, entre guillemets, « nous occupe aujourd’hui », c’est-à-dire comment les choses ont pu dégénérer à ce point en particulier avec les outils technologiques, là-dessus, et on l’a vu par le dévissage lors de l’annonce des résultats des sénatoriales en Géorgie, on a vu effectivement lorsque les démocrates ont acquis la majorité qu’il y a eu un dévissage, qui depuis a été rattrapé, des actions technologiques parce qu’on sait très bien que le statu quo qui a existé jusque-là en termes de régulation, de démantèlement, ne pourra pas tenir. Là-dessus, les démocrates savent qu’ils sont attendus et, effectivement, toutes les sociétés technologiques s’attendent, s’arc-boutent, et quelque part ce qu’ont fait Facebook, Twitter ou Google c’est une forme de réaction de panique pour essayer, justement là encore, de donner des gages.  
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<b>Bernard Benhamou : </b>Ça c’est déjà en cours. Pour avoir des contacts avec les responsables démocrates de l’équipe de transition de Biden, ils ne jurent désormais que par la régulation, qui était un mot tabou pour les équipes de Bill Clinton à l’époque où ont été mises en place justement, à la fin des années 90, les lois sur la non-régulation des plateformes. Donc on voit bien qu’il y a un changement de pied. Qu’il y ait un changement de pied global, en particulier sur le premier amendement, ça c’est totalement inenvisageable. On sait très bien que les forces d’inertie par rapport à cela seront trop fortes. Mais sur le financement des campagnes, là encore comme on en parlait, je crois qu’il n’y aura pas de changement parce que, effectivement, l’inertie sur ce qu’ils appellent là-bas les PAC, les comités d’action politique, sera trop grande. Mais sur ce qui, entre guillemets, « nous occupe aujourd’hui », c’est-à-dire comment les choses ont pu dégénérer à ce point en particulier avec les outils technologiques, là-dessus, et on l’a vu par le dévissage lors de l’annonce des résultats des sénatoriales en Géorgie, on a vu effectivement lorsque les démocrates ont acquis la majorité qu’il y a eu un dévissage, qui depuis a été rattrapé, des actions technologiques parce qu’on sait très bien que le statu quo qui a existé jusque-là en termes de régulation, de démantèlement, ne pourra pas tenir. Là-dessus, les démocrates savent qu’ils sont attendus et, effectivement, toutes les sociétés technologiques s’attendent, s’arc-boutent, et quelque part ce qu’ont fait Facebook, Twitter ou Google c’est une forme de réaction de panique pour essayer, justement là encore, de donner des gages.
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<b>Pause musicale : </b><em<Burn You Up, Burn You Down</em>, Peter Gabriel.
  
 
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<b>Marc Weitzmann : </b>Donc la situation
 
<b>Marc Weitzmann : </b>Donc la situation

Version du 28 janvier 2021 à 16:02


Titre : Trump et les réseaux sociaux, pouvoir et technologie au XXIe siècle

Intervenant·e·s : Asma Mhalla - Bernard Benhamou - Tariq Krim - Marc Weitzmann

Lieu : Émission Signes des temps - France Culture

Date : janvier 2021

Durée : 43 min

Podcast

Page de présentation de l'émission

Licence de la transcription : Verbatim

Illustration :

NB : transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.

Description

Donald Trump, l'homme qui a court-circuité la démocratie grâce aux réseaux sociaux, se voit aujourd'hui banni de Facebook et Twitter, Snapchat et les autres. Que reste-t-il de la souveraineté de l’État à l'heure du néo-capitalisme numérique ?

Transcription

Voix off : Signes des temps, Marc Weitzmann.

Marc Weitzmann : Bonjour à toutes. Bonjour à tous.
Le 8 janvier dernier, le président sortant des États-Unis a été banni de Twitter, où il totalise 88 millions d’abonnés, puis de Facebook – 35 millions d'abonnés –, et d’Instagram pour cause de « risque de nouvelles incitations à la violence », et ce jusqu’à la fin de la transition du pouvoir la semaine qui vient.
Mark Zuckerberg a personnellement annoncé, dans un post, la décision prise de manière à ce que Trump ne puisse plus, je cite « justifier plutôt que condamner les actes de ses supporters au Capitole ».
Dans la foulée, Snapchat, TikTok, Twitch, Microsoft, Youtube et Reddit ont également suspendu leurs services au président.
Google et Apple, de leur côté, ont retiré de leurs applications la plateforme Parler, censée servir de Twitter alternatif à l’extrême droite, et dont le compte a aussi été fermé par Amazon.
Sitôt connue, la décision des réseaux sociaux a suscité des commentaires plus qu’alarmistes sur l’ensemble de la planète. « La régulation des géants du numérique ne peut pas se faire par l’oligarchie numérique elle-même » a ainsi commenté Bruno Le Maire sur Inter, tandis que le commissaire européen au numérique Thierry Breton comparait cette décision à « un 11 septembre de l’espace informationnel ».

Pour la première fois en tous cas, pour préserver la démocratie, un président en exercice voit sa liberté d’expression réduite par les réseaux sociaux. Quelle situation cela crée-t-il ? Quelles perspectives est-ce que cela ouvre ? C’est ce sur quoi nous allons essayer de réfléchir aujourd’hui.
Avec, pour en parler, Asma Mhalla. Bonjour.

Asma Mhalla : Bonjour.

Marc Weitzmann : Vous êtes maîtresse de conférence à Sciences Po, spécialiste des enjeux politiques de l'économie des plateformes numériques.
Tariq Krim. Bonjour.

Tariq Krim : Bonjour.

Marc Weitzmann : Vous êtes un des pionniers du Web français. Vous êtes fondateur du site Netvibes, Jolicloud aussi, et de la plateforme Polite.one. Vous avez été vice-président du Conseil national du numérique et vous êtes déjà venu dans cette émission.
Enfin Bernard Benhamou. Bonjour.

Bernard Benhamou : Bonjour.

Marc Weitzmann : Vous êtes secrétaire général de l’Institut de la Souveraineté numérique et vous avez été conseiller de la délégation française à l’ONU sur la régulation d’Internet.

Le bannissement de Trump.
D’abord il faut peut-être essayer de commencer par replacer cette décision dans l’ensemble de ce qui se passe en ce moment aux États-Unis. En fait, un certain nombre d’entreprises ont annoncé leur prise de distance vis-à-vis non seulement de Trump mais de toute l’organisation trumpiste, et non des moindres, AT&T, JP Morgan Chase, Goldman Sachs, ???, Bank of America, Welfare Group, Ford, Dysney, American Airlines, BP, ???, General Motors, etc. Tous ont annoncé la suspension des versements des fonds électoraux pour Trump. Il faut savoir qu’aux États-Unis toutes ces entreprises financent à peu près à égalité l’ensemble des deux camps en réalité. Ce qui est intéressant c’est peut-être la manière dont ils l’ont dit. La Chambre du commerce américaine a annoncé que les avocats qui ont soutenu les efforts de Trump pour discréditer les élections ne recevraient plus de soutien financier. Le patron de Blackstone a annoncé la suspension des contributions. Coca-Cola a fait une déclaration disant que les évènements du Capitole resteront dans les mémoires et pèseront dans les décisions de nos contributions futures. Dysney a dit : « Le siège du Capitole est un assaut direct contre l’un des piliers majeurs de notre pays, la transition pacifique du pouvoir ». La New York State Bar Association a annoncé l’ouverture d’une enquête contre Rudy Giuliani qui pourrait conduire à son éviction, Giuliani étant l’avocat de Trump, etc. Je donnerai d’autres détails plus tard.
La première pensée, c’est Shakespeare, la fin de Richard III où le tyran est finalement chassé par tout le monde et exécuté comme le sanglier dans les chasses à courre à l’époque élisabéthaine. On a l’impression d’une espèce de purge. La société américaine essaye de se purger de Trump pour arriver au happy end du retour de la démocratie. Est-ce que c’est le cas ? Je ne sais pas qui veut parler. Asma Mhalla.

Asma Mhalla : Je crois que ça va encore plus loin que Shakespeare, cette ostracisation, en fait.

Marc Weitzmann : Carrément.

Asma Mhalla : Absolument. C’est-à-dire qu’on invisibilise quelque chose qu’on n’a plus envie de voir dans l’espace public ou dans les espaces publics. Au-delà de la question de Trump dont on peut discuter, ce bannissement généralisé, cette disparation, cette mise sous silence d’une parole d’un leader politique qui a quand même collecté plus de 70 millions de voix – peu importe les structures démocratiques américaines – pose un vrai sujet démocratique et il me semble que ce n’est pas en invisibilisant qu’on résout un problème. De ce point de vue-là c’est un vrai sujet démocratique.

Marc Weitzmann : Tariq Krim.

Tariq Krim  : Je dirais, finalement, qu’on voit trois choses.
Déjà, d’une certaine manière, Trump et le trumpisme est le produit de dix ans de réseaux sociaux, ce que j’appelle parfois la radicalisation algorithmique, mais également une forme de communautarisme algorithmique où finalement les réseaux et les plateformes, les algorithmes de ces plateformes, ont mis en commun des gens qui pensaient la même chose ou parfois, dans le cas de QAnon, les ont fait découvrir. Il faut dire que des nouveaux mouvements d’extrême droite aux États-Unis à savoir QAnon ou Boogaloo sont exclusivement nés de Facebook et des réseaux sociaux. 71 % des gens qui ont rejoint QAnon l’ont fait suite à une recommandation pour entrer dans un groupe sur Facebook et là, d’une certaine manière, il y a trois choses.
La première c’est clairement dès lors que Biden a été, j’allais dire, officiellement élu comme président suite à la réunion au Congrès, évidemment les entreprises internet ont besoin de montrer des gages.
La deuxième chose c’est que finalement, et c’est ce qui est un peu rassurant dans tout ça, c’est que le négationnisme, le racisme, les fake news, les vidéos bidons n’arrêtaient pas les réseaux sociaux. Ce qui arrête les réseaux sociaux c’est la tentative d’insurrection. Donc on sait maintenant qu’il y a une limite aux États-Unis.
Je dirais que la troisième chose qui est intéressante c’est que finalement cette radicalisation, polarisation, hyper-polarisation de la politique aux États-Unis, a rendu la politique elle-même radioactive. Ça veut dire que ce que nous disent aujourd’huitoutes ces sociétés, c’est qu’elles donnaient de l’argent aux politiques. Vous connaissez Citizens United, le fait que l’argent aux politiques aux États-Unis est très efficace pour évoluer les lois. Désormais le terrain est tellement polarisé que c’est devenu radioactif, toxique. Donc ce que disent toutes ces marques c’est : « Pour l’instant on va s’écarter de tout ça parce qu’il n’y a que des coups à prendre ».

Marc Weitzmann : On va revenir sur les réseaux sociaux, mais d’abord je voudrais rester une seconde sur les entreprises qui ne sont pas des réseaux sociaux, par exemple la Deutsche Bank à qui Donald Trump, enfin le groupe Trump doit plus de 300 millions de dollars, personnellement garantis par l’actuel président, par Donald Trump et qui a annoncé ne plus vouloir travailler avec Trump ou la Trump Organisation à l’avenir. Ils ont divulgué un communiqué disant « nous croyons qu’une position claire et apolitique – ça va dans le sens de ce que vous dites Tariq Krim – est dans le meilleur intérêt pour nos clients, pour nos employés comme pour nos actionnaires et pour les communautés avec lesquelles nous travaillons, etc. »
Ce ne sont pas seulement les réseaux sociaux là. On a l’impression que le libéralisme réagit, en quelque sorte, et crée une forme de frontière. Finalement il y a des choses qui ne doivent pas se produire et l’insurrection au Capitole en est une. Bernard Benhamou.

Bernard Benhamou : Merci. De fait on se rend aujourd’hui que l’écosystème industriel économique américain, après avoir très largement contribué à financer, à faire se développer ces mouvements suprémacistes, radicaux et dangereux, découvre un peu tard, au moment où ça ne lui coûte plus rien. C’est-à-dire que d’une part, effectivement, on sait très bien que ces questions se posent au moins depuis quatre ans si ce n’est plus et, de fait, seulement maintenant parce qu’ils savent qu’il y aura une administration démocrate qui va elle-même avoir, certainement, une politique totalement différente par rapport, justement, à l’expression et à la polarisation dont parlait à l’instant Tariq. Par définition, je dirais qu’on est face à un mouvement opportuniste, tardif et malheureusement, le terme clé, justement, ce n’est qu’une « suspension » et on peut très bien retrouver dans quelque temps ces sociétés qui financeront à nouveau les comités politiques aux États-Unis, les PAC. Comme le dirait un excellent ami, remarquable analyste de ces questions, Lawrence Lessig, qui a eu l’occasion de travailler beaucoup sur la corruption aux États-Unis, c’est tout ce système de financement de la politique américaine qu’il conviendrait de revoir et quelque part ce que font ces sociétés. C’est éviter que ça ne se produise en montrant des gages et en avançant effectivement des titres de bonne foi pour dire « regardez, il n’est pas nécessaire de revenir sur globalement ce qui a été le fonctionnement quasiment séculaire de la politique américaine, à savoir effectivement le financement, l’énorme, sur-financement des campagnes américaines par l’industrie ».

Marc Weitzmann : Aucun de vous trois ne croit – ce n’est pas juste une question naïve – à la capacité d’autorégulation du système, c’est-à-dire à la capacité des sociétés américaines, à la solidité de la société américaine, à ses capacités à se réguler. Asma Mhalla.

Asma Mhalla : En fait si parce que précisément aux États-Unis, contrairement à l’Europe, la régulation se fait par le marché et les idées, y compris les idéologies sont des market places, ce sont des places de marché qui s’autorégulent par le marché lui-même, qui prend aujourd’hui la forme de réseaux sociaux plutôt monopolisés par Twitter et Facebook et qui sont aussi protégés et par le premier amendement et par la fameuse section 230 qui, en fait, protège le statut de ces plateformes-là en tant qu’hébergeurs et non pas en tant qu’éditeurs.

Marc Weitzmann : On va parler de ces histoires d’hébergeur et d’éditeur.

Asma Mhalla : Simplement pour réagir sue la question. En effet je suis d’accord avec Bernard et Tariq, c’est-à-dire qu’aujourd’hui, que ce soit dans le monde physique, les grandes banques ou les Big Tech, peu importe, il y a bien un accompagnement de la transition du pouvoir, en effet, donc il y a des actes d’allégeance vis-à-vis d’une nouvelle administration. Cela dit, je ne suis pas absolument certaine que l’administration Biden ait un retournement idéologique majeur. Parce que d’un part, en effet, les structures de financement et de lobbying, y compris des Big Tech, vont de toute façon continuer à influer sur la classe politique. On le voit déjà.

Marc Weitzmann : Ça a commencé avant.

Asma Mhalla : Ça a déjà commencé et ça continue. Ils sont déjà prépositionnés. On a déjà vu le mercato politique entre les hauts fonctionnaires, les Big Tech, etc., où ils sont tous en train de se positionner. Donc je ne suis pas absolument certaine, on verra, qu’il y ait un changement doctrinal. Il y aura, en revanche, un changement de style.

Marc Weitzmann : Tariq Krim.

Tariq Krim : Je ne suis pas tout à fait d’accord sur la question de la régulation. On l’a vu justement après la crise de 2008, on s’est bien rendu compte que la dérégulation du système des banques, notamment le fait que les banques de détail, les banques d’affaires, qu’on avait séparées dans les années 70-80 et qu’on a ensuite recombinées, nous a amené une catastrophe financière. Donc malheureusement on se rend compte aujourd’hui dans le numérique, finalement, de cette concentration des pouvoirs. C’est quand même dingue de penser que vous pouvez être sur votre chaise, tapoter un message, n’importe lequel, appuyer sur un bouton et instantanément être repris dans 90 millions d’écrans et, en fait, un milliard d’écrans parce que si vous êtes le président vous avez accès à tout. Vous avez cette liberté de parole, cette amplification algorithmique. Le vrai sujet aujourd’hui c’est moins une question de premier amendement, sachant que la Cour suprême américaine a été assez claire : Cabano, l’un des derniers juges, en tout cas le plus controversé – l’un des plus controversés parce que je crois qu’ils étaient tous un peu controversés aux États-Unis – a clarifié le fait que Twitter et Facebook sont des espaces privés. Donc le sujet n’est pas tellement la liberté de parole, le droit d’expression, le premier amendement ; la question est de savoir si on doit amplifier n’importe qui, n’importe quoi, n’importe comment. Et là effectivement, ce qui va poser une vraie question de régulation c’est de savoir que peut-on faire, que ne peut-on pas faire, qui peut amplifier, quelle est la responsabilité de l’amplificateur.
Je voulais juste revenir un peu sur ce que tu as dit tout à l’heure au niveau de la politique, si je peux me permettre un commentaire de politique américaine. D’une certain manière toutes ces entreprises souhaitaient que le Sénat américain reste dans les mains des Républicains parce qu’elles ont peur de la gauche américaine et aussi toute la partie gauche du Congrès et du Sénat.

Marc Weitzmann : De ce point de vue Trump était une menace pour les Républicains s’il restait dans le jeu.

Tariq Krim : Absolument.

Marc Weitzmann : Les entreprises américaines qui soutiennent les Républicains ont aussi tendance, ont aussi intérêt à essayer de marginaliser Trump.

Tariq Krim : Elles considèrent que Biden, si on reprend un peu le concept de Nassim Taleb, que j’aime beaucoup, d’anti-fragile ; il y a des gens qui explosent avec le chaos et d’autres qui vont exploser avec la stabilité. Aujourd’hui on doit rentrer dans une phase de stabilité et les entreprises américaines ont choisi Biden parce qu’elles savent qu’aujourd’hui, la première des choses aux États-Unis, c‘est évidemment, avant même les réseaux sociaux, c’est de régler la crise du coronavirus.

Marc Weitzmann : Bernard Benhamou.

Bernard Benhamou : De fait il y a plusieurs points, c’est-à-dire qu’on voit que les entreprises des technologies craignent, et c’est là où il est effectivement question d’un changement de doctrine. Il y a aura un changement de doctrine sur la régulation des contenus, sur l’antitrust.

Marc Weitzmann : On va revenir.

Bernard Benhamou : Ça c’est déjà en cours. Pour avoir des contacts avec les responsables démocrates de l’équipe de transition de Biden, ils ne jurent désormais que par la régulation, qui était un mot tabou pour les équipes de Bill Clinton à l’époque où ont été mises en place justement, à la fin des années 90, les lois sur la non-régulation des plateformes. Donc on voit bien qu’il y a un changement de pied. Qu’il y ait un changement de pied global, en particulier sur le premier amendement, ça c’est totalement inenvisageable. On sait très bien que les forces d’inertie par rapport à cela seront trop fortes. Mais sur le financement des campagnes, là encore comme on en parlait, je crois qu’il n’y aura pas de changement parce que, effectivement, l’inertie sur ce qu’ils appellent là-bas les PAC, les comités d’action politique, sera trop grande. Mais sur ce qui, entre guillemets, « nous occupe aujourd’hui », c’est-à-dire comment les choses ont pu dégénérer à ce point en particulier avec les outils technologiques, là-dessus, et on l’a vu par le dévissage lors de l’annonce des résultats des sénatoriales en Géorgie, on a vu effectivement lorsque les démocrates ont acquis la majorité qu’il y a eu un dévissage, qui depuis a été rattrapé, des actions technologiques parce qu’on sait très bien que le statu quo qui a existé jusque-là en termes de régulation, de démantèlement, ne pourra pas tenir. Là-dessus, les démocrates savent qu’ils sont attendus et, effectivement, toutes les sociétés technologiques s’attendent, s’arc-boutent, et quelque part ce qu’ont fait Facebook, Twitter ou Google c’est une forme de réaction de panique pour essayer, justement là encore, de donner des gages.

Pause musicale : <em<Burn You Up, Burn You Down, Peter Gabriel.

15’ 38

Marc Weitzmann : Donc la situation