Différences entre les versions de « Trump : les GAFAM ont-elles pris le pouvoir ? »

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<b>Émilie Aubry : </b>Chers amis du <em>Dessous des cartes</em> voici une leçon de géopolitique, une interview cartes sur table en lien avec l’actualité internationale. Et l’actualité, cette semaine, c’est bien sûr l’investiture de Joe Biden, 46e président des États-unis, qui met fin au mandat de Donald Trump, un mandat qui aura été, bien sûr, chaotique, singulier à bien des égards, notamment par cet usage intempestif du tweet, ce que certains ont appelé « la diplomatie du tweet ». Mais vous le savez aussi, depuis le 6 janvier dernier, Donald Trump n’a plus de compte Twitter après que ses partisans ont tenté d’envahir le Capitole. Dans la foulée d’autres suspensions de comptes ont suivi. Cette « déplateformisation » d’un chef de l’État en exercice pose bien sûr un certain nombre de questions, des questions d’ordre géopolitique dès lors qu’elle touche à ce qu’on appelle la souveraineté numérique.<br/>
00:00:00,000 --> 00:00:06,858
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De ces questions vous êtes un spécialiste,Tariq Krim. Bonjour !
[ générique ]
 
  
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<b>Tariq Krim : </b>Bonjour !
00:00:07,500 --> 00:00:11,201
 
Chers amis du Dessous des cartes
 
voici une leçon de géopolitique,
 
  
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<b>Émilie Aubry : </b>Merci beaucoup d’être en ligne avec nous. Tout d’abord, est-ce que c’était vraiment la première fois que Twitter suspendait le compte d’un chef d’État ou de gouvernement du monde ?
00:00:11,301 --> 00:00:14,531
 
une interview Cartes sur table en
 
lien avec l’actualité internationale.
 
  
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<b>Tariq Krim : </b>Oui, c’est une première et surtout le bureau du président des États-unis a été déconnecté en moins de 15 minutes. Évidemment chaque chef d’État, notamment dans certains pays comme l’Inde, le Pakistan, qui ont des chefs d’État qui ont toujours flirté aussi avec les limites de la modération se disent «  ça pourrait être moi ! » Donc ça c’est la première chose.<br/>
00:00:14,631 --> 00:00:19,150
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La deuxième c’est que c’est une décision qui est faite aux États-Unis, par des sociétés privées, et là on sort de toute tradition diplomatique où on se dit que, finalement, en tant que chef d’État je ne suis pas vraiment souverain sur mon pays.
Et l’actualité cette semaine c’est
 
bien sûr l’investiture de Joe Biden,
 
  
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<b>Émilie Aubry : </b>Ce qui est étonnant c’est que dans la foulée on a pu voir les partisans de Donald Trump investir d’autres réseaux sociaux, parce que l’extrême-droite américaine avait investi ces derniers mois, ces dernières années, d’autres réseaux sociaux. Est-ce que vous pouvez nous dire un mot de ces réseaux sociaux alternatifs ?
00:00:19,281 --> 00:00:23,983
 
46e président des États-unis, qui
 
met fin au mandat de Donald Trump
 
  
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<b>Tariq Krim : </b>Vous avez un service qui s’appelle Parler et un autre service un peu inspiré de Twitter qui s’appelle Gab qui se sont lancés mais qui, jusqu’à maintenant, n’avaient pas beaucoup de succès parce que, même si ces services existaient, évidemment Donald Trump préférait s’adresser à une audience sur Twitter, sur Facebook, parce que le gros des supporters n’avait pas basculé vers ces réseaux pour l’instant.
00:00:24,083 --> 00:00:28,541
 
un mandat qui aura été bien sûr
 
chaotique, singulier à bien des égards
 
  
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<b>Émilie Aubry : </b>On aurait pu penser que dans les heures et les jours qui allaient suivre la suspension du compte Twitter de Donald Trump, ces réseaux sociaux alternatifs allaient connaître leur heure de gloire, sauf qu’est intervenue alors ce qu’on appelle la « décloudisation ». Vous pouvez nous expliquer ce que c’est ?
00:00:28,641 --> 00:00:31,865
 
et notamment par cet usage
 
intempestif du tweet
 
  
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<b>Tariq Krim : </b>Ce qui est fascinant, c’est que c’est un effet domino. Ces réseaux se sont sentis complices, donc on a décidé de bloquer absolument tout ! On pourrait dire qu’on a effacé complètement tout ce qui concernait cette sphère en moins de 15 minutes. En moins d’une journée, en fait, toutes les sources d’information liées de près ou de loin à cette mouvance proche de Donald Trump ont été éliminés du réseau !
00:00:31,965 --> 00:00:34,631
 
ce que certains ont appelé
 
« la diplomatie du tweet »
 
  
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<b>Émilie Aubry : </b>Est-ce que vous êtes en train de nous dire, Tariq Krim, que les géants des réseaux sociaux, au fond, doivent assumer qu’ils ont ce que nous autres journalistes appelons une ligne éditoriale ?
00:00:34,731 --> 00:00:36,971
 
mais vous le savez aussi
 
depuis le 6 janvier dernier
 
  
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<b>Tariq Krim : </b>De toute façon ils l’ont depuis toujours parce qu’on parle souvent des algorithmes et il faut préciser que l’algorithme c’est un programme qui a été fait par quelqu’un. Vous avez toutes les opinions politiques, je pense que la moitié de la Silicon Valley a voté pour Trump et l’autre moitié pour Biden, donc on est en fait en équité. On a souvent cette idée que la Silicon Valley est plutôt démocrate et je pense que c’est une idée fausse. Il va falloir responsabiliser les ingénieurs. Regardez ce qui s’est passé avec les Rohingyas : Facebook ayant mal développé son logiciel en ayant permis une multiplication de <em>fake news</em> dans un pays, la Birmanie, que les développeurs ne connaissaient pas, dont ils ne connaissaient pas les interactions, on a eu des massacres de Rohingyas. On a eu le même problème au Sri Lanka. On a eu des problèmes un peu partout, en fait, parce que les développeurs ne savent pas encore la responsabilité, n’ont pas pris conscience de la responsabilité qu’ils ont quand ils développent ces outils.
00:00:37,341 --> 00:00:39,521
 
Donald Trump n’a plus
 
de compte Twitter
 
  
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<b>Émilie Aubry : </b>Est-ce que vous pouvez nous expliquer ce que sont en Chine les GAFAM ?, je crois qu’on les appelle les BATX et nous expliquer comment au fond, -bas, Pékin, le régime chinois de Xi Jinping a étatisé tout ce qui relève du numérique ?
00:00:39,621 --> 00:00:43,389
 
après que ses partisans ont tenté
 
d’envahir le Capitole
 
  
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+
<b>Tariq Krim : </b>Ce qui est intéressant en Chine c’est que vous avez exactement les mêmes services qu’aux États-Unis, donc Waibo, Alibaba, qui sont des équivalents de Twitter, d’Amazon, mais vous avez également des services qui sont totalement inédits, vous avez notamment un service qui s’appelle Wechat qui est un peu l’équivalent de toutes les applications combinées de Uber à Deliveroo, à Facebook. Ce qui est intéressant c’est que le mobile, en Chine, est devenu le sésame pour aller n’importe où, vous montrez votre QR Code. C’est ce qu’on a un peu découvert avec le confinement ici en France, mais ça existe depuis très longtemps en Chine. Et évidemment l’État chinois a la mainmise non pas sur les entreprises qui sont, elles, des entreprises privées, mais sur tous les contenus qui sont analysés, qui sont filtrés. Évidemment certains mots-clés, notamment les événements de la place Tian’anmen, ne peuvent pas être mis en avant, cette liste de mots-clés change d’ailleurs régulièrement.<br/>
00:00:43,489 --> 00:00:47,651
+
Ce qui est intéressant c’est qu’il est quasiment impossible pour une entreprise américaine de venir en Chine. La seule société américaine qui a véritablement réussi son entrée en Chine c’est Apple qui a dû, pour cela, créer un App Store différent, qui est validé et vérifié par l’État chinois, et qui a accepté, contrairement à ce qu’ils font dans le reste du monde, que les données soient bien stockées sur le territoire chinois et qu’elles soient donc auditables par le gouvernement.
dans la foulée d’autres
 
suspensions de compte ont suivi
 
  
13
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<b>Émilie Aubry : </b>Vous avez l’air de dire, Tariq Krim, que vous concevez cette régulation en termes de souveraineté nationale, donc de façon nationale. D’autres disent que cela n’a aucun sens et qu’on ne peut la concevoir que de façon internationale. Par ailleurs, qu’est-ce que cela voudrait dire une régulation mondiale des réseaux sociaux ?
00:00:47,781 --> 00:00:51,461
 
et cette « déplateformisation »
 
d’un chef de l’État en exercice
 
  
14
+
<b>Tariq Krim : </b>Moi je crois à la régulation. Aujourd’hui, en fait, la publicité contextuelle qui permet de toucher précisément une personne avec un état mental précis, par exemple dépressif, euphorique, ces outils devraient, à mon avis, être interdits, parce qu’ils avaient été inventés pour du marketing commercial et ils ont été détournés pour manipuler nos émotions. On a déjà quasiment toute la palette de régulation : vous avez la CNIL, qui d’ailleurs a régulièrement mis de nombreuses amendes à Google, le CSA pour les contenus, l’Arcep qui régule les télécommunications, donc, en fait, on a cette palette. Mais pour l’instant on a, je pense, hésité en France à être un peu plus proactif parce qu’on avait l’impression que ces technologies étaient un peu inoffensives. Et aujourd’hui, en fait, on prend conscience que si le monde est dans l’état dans lequel il est, c’est avant tout à cause du numérique. La question qui est posée c’est : doit-on laisser les plateformes faire la police ? Ou est-ce que l’État ou la justice a la possibilité de décider de ce qui est légal, de ce qui ne l’est pas ?<br/>
00:00:51,561 --> 00:00:54,341
+
Aujourd’hui nous vivons dans un monde où, d’un côté, nous avons l’idéologie américaine de la technologie, de l’autre côté vous avez la Chine qui a décidé de construire une société du contrôle permanent et vous avez l’Europe qui se trouve balancée entre les deux et qui n’a pas encore su affirmer non pas uniquement sa puissance technologique mais sa vision technologique.
elle pose bien sûr un certain
 
nombre de questions
 
  
15
+
<b>Émilie Aubry : </b>Merci infiniment de nous avoir éclairés sur ces sujets vertigineux, Tariq Krim !
00:00:54,681 --> 00:00:57,071
 
des questions d’ordre géopolitique
 
  
16
+
<b>Tariq Krim : </b>Merci beaucoup !
00:00:57,171 --> 00:01:00,971
 
dès lors qu’elle touche à ce qu’on
 
appelle la souveraineté numérique
 
  
17
+
<b>Émilie Aubry : </b>Merci à vous de nous avoir suivis ! Merci pour votre fidélité, bien sûr ! On se retrouve la semaine prochaine pour une nouvelle leçon de géopolitique ! À bientôt !
00:01:01,071 --> 00:01:04,331
 
de ces questions vous êtes un
 
spécialiste : Tariq Krim, bonjour !
 
 
 
18
 
00:01:04,705 --> 00:01:06,267
 
Bonjour !
 
 
 
19
 
00:01:06,591 --> 00:01:08,291
 
Merci beaucoup d’être
 
en ligne avec nous
 
 
 
20
 
00:01:08,391 --> 00:01:10,841
 
alors tout d’abord : est-ce que
 
c’était vraiment la première fois
 
 
 
21
 
00:01:11,241 --> 00:01:13,427
 
que Twitter suspendait le compte
 
 
 
22
 
00:01:13,627 --> 00:01:16,690
 
d’un chef d’état ou de
 
gouvernement du monde ?
 
 
 
23
 
00:01:17,901 --> 00:01:19,991
 
Oui, c’est une première et surtout
 
 
 
24
 
00:01:20,151 --> 00:01:23,771
 
le bureau du président des États-unis
 
a été déconnecté en moins de 15 minutes
 
 
 
25
 
00:01:24,321 --> 00:01:26,471
 
évidemment chaque chef d’État
 
 
 
26
 
00:01:26,571 --> 00:01:29,440
 
et notamment dans certains pays
 
comme en Inde comme au Pakistan…
 
 
 
27
 
00:01:29,571 --> 00:01:31,240
 
qui ont des chefs d’État
 
 
 
28
 
00:01:31,343 --> 00:01:33,881
 
qui ont toujours flirté aussi
 
avec les limites de la modération
 
 
 
29
 
00:01:34,311 --> 00:01:35,711
 
se disent
 
« mais ça pourrait être moi ! »
 
 
 
30
 
00:01:36,291 --> 00:01:37,211
 
Donc ça c’est la première chose.
 
 
 
31
 
00:01:37,341 --> 00:01:39,994
 
La deuxième c’est que c’est
 
une décision qui est faite
 
 
 
32
 
00:01:40,094 --> 00:01:42,041
 
aux États-Unis, par
 
des sociétés privées
 
 
 
33
 
00:01:42,591 --> 00:01:45,970
 
et là on sort de toute
 
tradition diplomatique
 
 
 
34
 
00:01:46,101 --> 00:01:49,394
 
où on se dit que, finalement,
 
en tant que chef d’État
 
 
 
35
 
00:01:49,494 --> 00:01:51,940
 
je ne suis pas vraiment
 
souverain sur mon pays
 
 
 
36
 
00:01:52,341 --> 00:01:55,091
 
alors ce qui est étonnant
 
c’est que dans la foulée
 
 
 
37
 
00:01:55,191 --> 00:01:57,659
 
on a pu voir les partisans
 
de Donald Trump
 
 
 
38
 
00:01:57,861 --> 00:02:00,491
 
investir d’autres réseaux sociaux.
 
 
 
39
 
00:02:00,591 --> 00:02:03,881
 
Parce que l’extrême-droite américaine
 
avait investi ces derniers mois
 
 
 
40
 
00:02:03,981 --> 00:02:05,441
 
ces dernières années
 
d’autres réseaux sociaux :
 
 
 
41
 
00:02:05,901 --> 00:02:09,640
 
est-ce que vous pouvez nous dire un mot
 
de ces réseaux sociaux alternatifs ?
 
 
 
42
 
00:02:10,191 --> 00:02:11,951
 
Donc vous avez un service
 
qui s’appelle Parler
 
 
 
43
 
00:02:12,051 --> 00:02:14,678
 
et un autre service un peu inspiré
 
de Twitter qui s’appelle Gab
 
 
 
44
 
00:02:14,778 --> 00:02:15,678
 
qui se sont lancés
 
 
 
45
 
00:02:15,778 --> 00:02:17,651
 
mais qui jusqu’à maintenant
 
n’avaient pas beaucoup de succès
 
 
 
46
 
00:02:17,751 --> 00:02:19,511
 
parce que, même si
 
ces services existaient,
 
 
 
47
 
00:02:19,761 --> 00:02:23,013
 
évidemment Donald Trump préférait
 
s’adresser à une audience
 
 
 
48
 
00:02:23,113 --> 00:02:26,202
 
sur Twitter, sur Facebook
 
parce que le gros des supporters
 
 
 
49
 
00:02:26,302 --> 00:02:29,110
 
n’avaient pas fait… n’ont pas basculé
 
vers ces réseaux pour l’instant.
 
 
 
50
 
00:02:29,571 --> 00:02:30,911
 
On aurait pu penser que
 
 
 
51
 
00:02:31,011 --> 00:02:33,279
 
que dans les heures et
 
les jours qui allaient suivre
 
 
 
52
 
00:02:33,379 --> 00:02:35,260
 
la suspension du compte Twitter
 
de Donald Trump
 
 
 
53
 
00:02:35,721 --> 00:02:39,041
 
ces réseaux sociaux alternatifs allaient
 
connaître leur heure de gloire.
 
 
 
54
 
00:02:39,471 --> 00:02:40,781
 
Sauf qu’est intervenue
 
 
 
55
 
00:02:40,881 --> 00:02:43,631
 
alors ce qu’on appelle
 
la « décloudisation » :
 
 
 
56
 
00:02:43,823 --> 00:02:44,905
 
vous pouvez nous
 
expliquer ce que c’est ?
 
 
 
57
 
00:02:46,221 --> 00:02:48,611
 
alors ce qui est fascinant,
 
c’est que c’est un effet de domino
 
 
 
58
 
00:02:48,711 --> 00:02:51,101
 
ces réseaux se sont sentis complices
 
 
 
59
 
00:02:51,487 --> 00:02:54,356
 
et donc on a décidé de bloquer
 
absolument tout !
 
 
 
60
 
00:02:54,506 --> 00:02:56,952
 
On pourrait dire qu’on a
 
effacé complètement
 
 
 
61
 
00:02:57,052 --> 00:03:01,721
 
tout ce qui concernait cette sphère
 
en moins de 15 minutes,
 
 
 
62
 
00:03:01,821 --> 00:03:03,431
 
en moins d’une, en moins
 
d’une journée en fait
 
 
 
63
 
00:03:03,621 --> 00:03:07,181
 
toutes les sources d’information
 
liées de près ou de loin
 
 
 
64
 
00:03:07,311 --> 00:03:11,201
 
à cette mouvance proche de Donald
 
Trump ont été éliminés du réseau !
 
 
 
65
 
00:03:11,871 --> 00:03:13,181
 
Est-ce que vous êtes
 
en train de nous dire,
 
 
 
66
 
00:03:13,403 --> 00:03:16,901
 
Tariq Krim, que les géants
 
des réseaux sociaux, au fond,
 
 
 
67
 
00:03:17,001 --> 00:03:19,906
 
doivent assumer qu’ils ont ce que
 
nous autres journalistes
 
 
 
68
 
00:03:20,006 --> 00:03:21,369
 
appelons une ligne éditoriale ?
 
 
 
69
 
00:03:22,731 --> 00:03:24,419
 
mais de toute façon
 
ils l’ont depuis toujours
 
 
 
70
 
00:03:24,519 --> 00:03:28,121
 
parce qu’on parle souvent
 
des algorithmes et il faut préciser
 
 
 
71
 
00:03:28,221 --> 00:03:31,301
 
que l’algorithme c’est un programme
 
qui a été fait par quelqu’un.
 
 
 
72
 
00:03:32,031 --> 00:03:34,751
 
Vous avez des gens au sein de
 
Facebook qui ont l’impression…
 
 
 
73
 
00:03:35,361 --> 00:03:37,058
 
vous avez toutes
 
les opinions politiques
 
 
 
74
 
00:03:37,371 --> 00:03:38,831
 
je pense que la moitié
 
de la Silicon Valley
 
 
 
75
 
00:03:38,931 --> 00:03:41,020
 
a voté pour Trump et
 
l’autre moitié pour Biden
 
 
 
76
 
00:03:41,149 --> 00:03:42,999
 
donc on est en fait en equity.
 
 
 
77
 
00:03:43,101 --> 00:03:44,348
 
On a tous souvent cette idée
 
 
 
78
 
00:03:44,452 --> 00:03:48,011
 
que la Silicon Valley est
 
plutôt démocrate
 
 
 
79
 
00:03:48,111 --> 00:03:50,051
 
et je pense que c’est
 
une idée fausse.
 
 
 
80
 
00:03:50,361 --> 00:03:52,510
 
Il va falloir responsabiliser
 
les ingénieurs
 
 
 
81
 
00:03:52,641 --> 00:03:55,063
 
regardez ce qui s’est passé
 
avec les Rohingyas,
 
 
 
82
 
00:03:55,163 --> 00:03:59,478
 
où Facebook ayant mal développé
 
son logiciel en ayant permis
 
 
 
83
 
00:03:59,578 --> 00:04:03,314
 
une multiplication de fake news
 
dans un pays, la Birmanie,
 
 
 
84
 
00:04:03,414 --> 00:04:06,865
 
qu’ils ne connaissent pas, dont ils ne
 
connaissaient pas les interactions :
 
 
 
85
 
00:04:07,041 --> 00:04:09,731
 
on a eu des massacres de Rohingyas.
 
 
 
86
 
00:04:10,581 --> 00:04:12,260
 
on a eu le même problème
 
au Sri Lanka :
 
 
 
87
 
00:04:12,360 --> 00:04:14,260
 
on a eu des problèmes
 
un peu partout en fait.
 
 
 
88
 
00:04:14,511 --> 00:04:18,491
 
Parce que les développeurs ne
 
savent pas encore la responsabilité,
 
 
 
89
 
00:04:18,591 --> 00:04:21,191
 
n’ont pas pris conscience
 
de la responsabilité qu’ils ont
 
 
 
90
 
00:04:21,291 --> 00:04:22,330
 
quand ils développent ces outils.
 
 
 
91
 
00:04:22,611 --> 00:04:27,041
 
Est-ce que vous pouvez nous expliquer
 
ce que sont en Chine les Gafam ?
 
 
 
92
 
00:04:27,141 --> 00:04:32,020
 
je crois qu’on les appelle les BATX et
 
nous expliquer comment au fond, là-bas,
 
 
 
93
 
00:04:32,631 --> 00:04:36,608
 
Pékin, le régime chinois
 
de Xi Jinping a étatisé
 
 
 
94
 
00:04:36,708 --> 00:04:38,290
 
tout ce qui relève du numérique ?
 
 
 
95
 
00:04:38,841 --> 00:04:41,321
 
Alors ce qui est intéressant en Chine
 
c’est que vous avez exactement
 
 
 
96
 
00:04:41,421 --> 00:04:46,837
 
les mêmes services qu’aux États-Unis
 
donc Waibo, Alibaba,
 
 
 
97
 
00:04:46,937 --> 00:04:48,999
 
sont des équivalents de Twitter, d’Amazon.
 
 
 
98
 
00:04:49,641 --> 00:04:52,350
 
Mais vous avez également des
 
services qui sont totalement inédits
 
 
 
99
 
00:04:52,450 --> 00:04:54,341
 
vous avez notamment un service
 
qui s’appelle Wechat
 
 
 
100
 
00:04:54,531 --> 00:04:57,701
 
qui est un peu l’équivalent
 
de toutes les applications combinées
 
 
 
101
 
00:04:57,831 --> 00:05:00,971
 
de Uber à Deliveroo, à Facebook.
 
 
 
102
 
00:05:01,551 --> 00:05:04,902
 
Et donc ce qui est intéressant
 
c’est que le mobile en Chine
 
 
 
103
 
00:05:05,002 --> 00:05:06,149
 
est devenu le sésame :
 
 
 
104
 
00:05:06,249 --> 00:05:08,919
 
pour aller n’importe où,
 
vous montrez votre QR code.
 
 
 
105
 
00:05:09,046 --> 00:05:11,965
 
C’est ce qu’on a découvert
 
avec le confinement ici en France
 
 
 
106
 
00:05:12,065 --> 00:05:13,901
 
mais ça existe depuis
 
très longtemps en Chine.
 
 
 
107
 
00:05:14,361 --> 00:05:16,937
 
Et évidemment l’État chinois
 
a la mainmise
 
 
 
108
 
00:05:17,037 --> 00:05:21,279
 
non pas sur les entreprises qui
 
sont, elles, des entreprises privées
 
 
 
109
 
00:05:21,621 --> 00:05:24,867
 
mais sur tous les contenus
 
qui sont analysés, qui sont filtrés.
 
 
 
110
 
00:05:24,981 --> 00:05:27,371
 
Évidemment certains mots-clés,
 
 
 
111
 
00:05:27,501 --> 00:05:29,349
 
comme notamment les événements
 
de la place Tian’anmen,
 
 
 
112
 
00:05:29,488 --> 00:05:31,241
 
ne peuvent pas être mis en avant.
 
 
 
113
 
00:05:31,371 --> 00:05:34,091
 
Cette liste de mots-clés d’ailleurs
 
change régulièrement.
 
 
 
114
 
00:05:34,791 --> 00:05:37,121
 
Ce qui est intéressant c’est
 
qu’il est quasiment impossible
 
 
 
115
 
00:05:37,221 --> 00:05:39,550
 
pour une entreprise américaine
 
de venir en Chine
 
 
 
116
 
00:05:39,891 --> 00:05:43,841
 
est donc la seule société qui a
 
véritablement réussi son entrée
 
 
 
117
 
00:05:43,941 --> 00:05:45,041
 
en Chine, américaine,
 
 
 
118
 
00:05:45,141 --> 00:05:49,961
 
c’est Apple qui a dû pour cela créer
 
un App store différent
 
 
 
119
 
00:05:50,541 --> 00:05:54,079
 
qui est donc validé et vérifié
 
par l’État chinois
 
 
 
120
 
00:05:54,179 --> 00:05:57,130
 
et a accepté, contrairement à
 
ce qu’ils font dans le reste du monde,
 
 
 
121
 
00:05:57,261 --> 00:06:00,092
 
que les données soient bien stockées
 
sur le territoire chinois
 
 
 
122
 
00:06:00,691 --> 00:06:03,419
 
et qu’elles soient donc
 
auditables par le gouvernement.
 
 
 
123
 
00:06:04,521 --> 00:06:08,801
 
Vous, vous avez l’air de dire, Tariq Krim,
 
que cette régulation vous la concevez
 
 
 
124
 
00:06:08,931 --> 00:06:13,001
 
en termes de souveraineté nationale
 
donc de façon nationale.
 
 
 
125
 
00:06:13,101 --> 00:06:15,246
 
D’autres disent que cela n’a aucun sens
 
 
 
126
 
00:06:15,381 --> 00:06:18,221
 
et qu’on ne peut la concevoir que
 
de façon internationale…
 
 
 
127
 
00:06:19,041 --> 00:06:19,601
 
Par ailleurs qu’est-ce que
 
 
 
128
 
00:06:19,701 --> 00:06:22,691
 
cela voudrait dire une régulation
 
mondiale des réseaux sociaux ?
 
 
 
129
 
00:06:23,541 --> 00:06:25,600
 
Alors moi je… moi je crois
 
à la régulation.
 
 
 
130
 
00:06:25,700 --> 00:06:28,451
 
Aujourd’hui, en fait,
 
la publicité contextuelle
 
 
 
131
 
00:06:28,881 --> 00:06:31,963
 
qui permet de toucher
 
précisément une personne
 
 
 
132
 
00:06:32,063 --> 00:06:35,591
 
avec un état mental précis,
 
par exemple dépressif, euphorique…
 
 
 
133
 
00:06:35,721 --> 00:06:38,236
 
ces outils devraient à mon avis
 
être interdits
 
 
 
134
 
00:06:38,336 --> 00:06:41,973
 
parce qu’ils avaient été inventés
 
pour du marketing commercial
 
 
 
135
 
00:06:42,073 --> 00:06:44,740
 
et ils ont été détournés
 
pour manipuler nos émotions.
 
 
 
136
 
00:06:45,081 --> 00:06:47,231
 
On a déjà quasiment
 
toute la palette de régulations :
 
 
 
137
 
00:06:47,331 --> 00:06:49,661
 
la CNIL, qui d’ailleurs a régulièrement
 
 
 
138
 
00:06:49,761 --> 00:06:51,851
 
mis de nombreuses amendes à Google,
 
 
 
139
 
00:06:51,951 --> 00:06:53,771
 
vous avez le CSA
 
pour les contenus
 
 
 
140
 
00:06:53,872 --> 00:06:56,411
 
l’Arcep qui régule
 
les télécommunications
 
 
 
141
 
00:06:56,511 --> 00:06:57,611
 
donc on a en fait cette palette.
 
 
 
142
 
00:06:58,251 --> 00:07:02,081
 
Mais pour l’instant on a,
 
je pense, hésité en France
 
 
 
143
 
00:07:02,181 --> 00:07:03,551
 
à être un peu plus proactif
 
 
 
144
 
00:07:04,161 --> 00:07:05,801
 
parce qu’on se dit que
 
d’une certaine manière
 
 
 
145
 
00:07:05,901 --> 00:07:08,261
 
on avait… on avait l’impression
 
 
 
146
 
00:07:08,361 --> 00:07:10,151
 
que ces technologies était
 
un peu inoffensives.
 
 
 
147
 
00:07:10,311 --> 00:07:13,451
 
Et aujourd’hui en fait
 
on prend conscience
 
 
 
148
 
00:07:13,551 --> 00:07:15,701
 
que, si le monde est dans
 
l’état dans lequel il est,
 
 
 
149
 
00:07:16,101 --> 00:07:17,889
 
c’est avant tout
 
à cause du numérique
 
 
 
150
 
00:07:18,111 --> 00:07:20,298
 
la question qui est posée c’est :
 
 
 
151
 
00:07:20,398 --> 00:07:23,714
 
doit-on laisser les plateformes
 
faire la police ou
 
 
 
152
 
00:07:23,814 --> 00:07:27,436
 
est-ce que l’État a la possibilité
 
de décider où est la justice :
 
 
 
153
 
00:07:27,536 --> 00:07:29,471
 
qu’est-ce qui est légal,
 
qu’est-ce qui ne l’est pas ?
 
 
 
154
 
00:07:29,751 --> 00:07:31,031
 
aujourd’hui nous vivons dans un monde
 
 
 
155
 
00:07:31,131 --> 00:07:34,330
 
où d’un côté nous avons l’idéologie
 
américaine de la technologie
 
 
 
156
 
00:07:34,461 --> 00:07:35,651
 
de l’autre côté vous avez la Chine
 
 
 
157
 
00:07:36,201 --> 00:07:39,011
 
qui a décidé de construire
 
une société du contrôle permanent
 
 
 
158
 
00:07:39,261 --> 00:07:42,011
 
et vous avez l’Europe qui se trouve
 
balancer entre les deux et
 
 
 
159
 
00:07:42,111 --> 00:07:44,741
 
qui n’a pas encore su affirmer
 
non pas uniquement
 
 
 
160
 
00:07:44,841 --> 00:07:47,261
 
sa puissance technologique
 
mais sa vision technologique.
 
 
 
161
 
00:07:47,751 --> 00:07:50,148
 
Merci infiniment de
 
nous avoir éclairé
 
 
 
162
 
00:07:50,248 --> 00:07:50,940
 
Merci beaucoup !
 
 
 
163
 
00:07:51,040 --> 00:07:53,559
 
sur ces sujets vertigineux,
 
Tariq Krim !
 
 
 
164
 
00:07:53,659 --> 00:07:58,030
 
Merci à vous de nous avoir suivi !
 
Merci pour votre fidélité, bien sûr !
 
 
 
165
 
00:07:58,130 --> 00:08:01,451
 
On se retrouve la semaine prochaine
 
pour une nouvelle leçon de géopolitique !
 
 
 
166
 
00:08:01,551 --> 00:08:02,638
 
À bientôt !
 

Version du 1 août 2021 à 19:37

[Catégorie:Transcriptions]]


Titre : Création de Trump : les GAFAM ont-elles pris le pouvoir ?

Intervenants :

Lieu : Le Dessous des Cartes - ARTE

Date : Janvier 2021

Durée : 8m13

[1]

Licence de la transcription : Verbatim

Statut : À relire

Transcription

Émilie Aubry : Chers amis du Dessous des cartes voici une leçon de géopolitique, une interview cartes sur table en lien avec l’actualité internationale. Et l’actualité, cette semaine, c’est bien sûr l’investiture de Joe Biden, 46e président des États-unis, qui met fin au mandat de Donald Trump, un mandat qui aura été, bien sûr, chaotique, singulier à bien des égards, notamment par cet usage intempestif du tweet, ce que certains ont appelé « la diplomatie du tweet ». Mais vous le savez aussi, depuis le 6 janvier dernier, Donald Trump n’a plus de compte Twitter après que ses partisans ont tenté d’envahir le Capitole. Dans la foulée d’autres suspensions de comptes ont suivi. Cette « déplateformisation » d’un chef de l’État en exercice pose bien sûr un certain nombre de questions, des questions d’ordre géopolitique dès lors qu’elle touche à ce qu’on appelle la souveraineté numérique.
De ces questions vous êtes un spécialiste,Tariq Krim. Bonjour !

Tariq Krim : Bonjour !

Émilie Aubry : Merci beaucoup d’être en ligne avec nous. Tout d’abord, est-ce que c’était vraiment la première fois que Twitter suspendait le compte d’un chef d’État ou de gouvernement du monde ?

Tariq Krim : Oui, c’est une première et surtout le bureau du président des États-unis a été déconnecté en moins de 15 minutes. Évidemment chaque chef d’État, notamment dans certains pays comme l’Inde, le Pakistan, qui ont des chefs d’État qui ont toujours flirté aussi avec les limites de la modération se disent «  ça pourrait être moi ! » Donc ça c’est la première chose.
La deuxième c’est que c’est une décision qui est faite aux États-Unis, par des sociétés privées, et là on sort de toute tradition diplomatique où on se dit que, finalement, en tant que chef d’État je ne suis pas vraiment souverain sur mon pays.

Émilie Aubry : Ce qui est étonnant c’est que dans la foulée on a pu voir les partisans de Donald Trump investir d’autres réseaux sociaux, parce que l’extrême-droite américaine avait investi ces derniers mois, ces dernières années, d’autres réseaux sociaux. Est-ce que vous pouvez nous dire un mot de ces réseaux sociaux alternatifs ?

Tariq Krim : Vous avez un service qui s’appelle Parler et un autre service un peu inspiré de Twitter qui s’appelle Gab qui se sont lancés mais qui, jusqu’à maintenant, n’avaient pas beaucoup de succès parce que, même si ces services existaient, évidemment Donald Trump préférait s’adresser à une audience sur Twitter, sur Facebook, parce que le gros des supporters n’avait pas basculé vers ces réseaux pour l’instant.

Émilie Aubry : On aurait pu penser que dans les heures et les jours qui allaient suivre la suspension du compte Twitter de Donald Trump, ces réseaux sociaux alternatifs allaient connaître leur heure de gloire, sauf qu’est intervenue alors ce qu’on appelle la « décloudisation ». Vous pouvez nous expliquer ce que c’est ?

Tariq Krim : Ce qui est fascinant, c’est que c’est un effet domino. Ces réseaux se sont sentis complices, donc on a décidé de bloquer absolument tout ! On pourrait dire qu’on a effacé complètement tout ce qui concernait cette sphère en moins de 15 minutes. En moins d’une journée, en fait, toutes les sources d’information liées de près ou de loin à cette mouvance proche de Donald Trump ont été éliminés du réseau !

Émilie Aubry : Est-ce que vous êtes en train de nous dire, Tariq Krim, que les géants des réseaux sociaux, au fond, doivent assumer qu’ils ont ce que nous autres journalistes appelons une ligne éditoriale ?

Tariq Krim : De toute façon ils l’ont depuis toujours parce qu’on parle souvent des algorithmes et il faut préciser que l’algorithme c’est un programme qui a été fait par quelqu’un. Vous avez toutes les opinions politiques, je pense que la moitié de la Silicon Valley a voté pour Trump et l’autre moitié pour Biden, donc on est en fait en équité. On a souvent cette idée que la Silicon Valley est plutôt démocrate et je pense que c’est une idée fausse. Il va falloir responsabiliser les ingénieurs. Regardez ce qui s’est passé avec les Rohingyas : Facebook ayant mal développé son logiciel en ayant permis une multiplication de fake news dans un pays, la Birmanie, que les développeurs ne connaissaient pas, dont ils ne connaissaient pas les interactions, on a eu des massacres de Rohingyas. On a eu le même problème au Sri Lanka. On a eu des problèmes un peu partout, en fait, parce que les développeurs ne savent pas encore la responsabilité, n’ont pas pris conscience de la responsabilité qu’ils ont quand ils développent ces outils.

Émilie Aubry : Est-ce que vous pouvez nous expliquer ce que sont en Chine les GAFAM ?, je crois qu’on les appelle les BATX et nous expliquer comment au fond, là-bas, Pékin, le régime chinois de Xi Jinping a étatisé tout ce qui relève du numérique ?

Tariq Krim : Ce qui est intéressant en Chine c’est que vous avez exactement les mêmes services qu’aux États-Unis, donc Waibo, Alibaba, qui sont des équivalents de Twitter, d’Amazon, mais vous avez également des services qui sont totalement inédits, vous avez notamment un service qui s’appelle Wechat qui est un peu l’équivalent de toutes les applications combinées de Uber à Deliveroo, à Facebook. Ce qui est intéressant c’est que le mobile, en Chine, est devenu le sésame pour aller n’importe où, vous montrez votre QR Code. C’est ce qu’on a un peu découvert avec le confinement ici en France, mais ça existe depuis très longtemps en Chine. Et évidemment l’État chinois a la mainmise non pas sur les entreprises qui sont, elles, des entreprises privées, mais sur tous les contenus qui sont analysés, qui sont filtrés. Évidemment certains mots-clés, notamment les événements de la place Tian’anmen, ne peuvent pas être mis en avant, cette liste de mots-clés change d’ailleurs régulièrement.
Ce qui est intéressant c’est qu’il est quasiment impossible pour une entreprise américaine de venir en Chine. La seule société américaine qui a véritablement réussi son entrée en Chine c’est Apple qui a dû, pour cela, créer un App Store différent, qui est validé et vérifié par l’État chinois, et qui a accepté, contrairement à ce qu’ils font dans le reste du monde, que les données soient bien stockées sur le territoire chinois et qu’elles soient donc auditables par le gouvernement.

Émilie Aubry : Vous avez l’air de dire, Tariq Krim, que vous concevez cette régulation en termes de souveraineté nationale, donc de façon nationale. D’autres disent que cela n’a aucun sens et qu’on ne peut la concevoir que de façon internationale. Par ailleurs, qu’est-ce que cela voudrait dire une régulation mondiale des réseaux sociaux ?

Tariq Krim : Moi je crois à la régulation. Aujourd’hui, en fait, la publicité contextuelle qui permet de toucher précisément une personne avec un état mental précis, par exemple dépressif, euphorique, ces outils devraient, à mon avis, être interdits, parce qu’ils avaient été inventés pour du marketing commercial et ils ont été détournés pour manipuler nos émotions. On a déjà quasiment toute la palette de régulation : vous avez la CNIL, qui d’ailleurs a régulièrement mis de nombreuses amendes à Google, le CSA pour les contenus, l’Arcep qui régule les télécommunications, donc, en fait, on a cette palette. Mais pour l’instant on a, je pense, hésité en France à être un peu plus proactif parce qu’on avait l’impression que ces technologies étaient un peu inoffensives. Et aujourd’hui, en fait, on prend conscience que si le monde est dans l’état dans lequel il est, c’est avant tout à cause du numérique. La question qui est posée c’est : doit-on laisser les plateformes faire la police ? Ou est-ce que l’État ou la justice a la possibilité de décider de ce qui est légal, de ce qui ne l’est pas ?
Aujourd’hui nous vivons dans un monde où, d’un côté, nous avons l’idéologie américaine de la technologie, de l’autre côté vous avez la Chine qui a décidé de construire une société du contrôle permanent et vous avez l’Europe qui se trouve balancée entre les deux et qui n’a pas encore su affirmer non pas uniquement sa puissance technologique mais sa vision technologique.

Émilie Aubry : Merci infiniment de nous avoir éclairés sur ces sujets vertigineux, Tariq Krim !

Tariq Krim : Merci beaucoup !

Émilie Aubry : Merci à vous de nous avoir suivis ! Merci pour votre fidélité, bien sûr ! On se retrouve la semaine prochaine pour une nouvelle leçon de géopolitique ! À bientôt !