Différences entre les versions de « Transcription de la table ronde des rmll 2010, en direct 2e partie »

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<p>La troisième manière dont les dominants essayent de réduire les libertés radicales de l'Internet,c'est l’extension du droit d'auteur, c'est a dire, il s'agit de faire du droit d'auteur une espèce de droit mythique inattaquable qui empêcherait toutes les nouvelles formes de l’émergence culturelle, comme par exemple la remix-culture, les mash-up, les fan-scription, le sub-screaming, toutes ces nouvelles formes qu'utilisent les gens, parce qu'ils en ont les outils techniques, pour produire de nouvelles créations a partir de créations existantes.</p>
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<p>La troisième manière dont les dominants essayent de réduire les libertés radicales de l'Internet,c'est l’extension du droit d'auteur, c'est-à-dire, il s'agit de faire du droit d'auteur une espèce de droit mythique inattaquable qui empêcherait toutes les nouvelles formes d'émergence culturelle, comme par exemple la remix-culture, les mash-up, les fanfiction, le sub-streaming, toutes ces nouvelles formes qu'utilisent les gens, parce qu'ils en ont les outils techniques, pour produire de nouvelles créations à partir des créations existantes.</p>
  
<p>C'est aussi la limitation du domaine public, soyons clair : l'objectif d'une œuvre culturelle c'est d'être dans le domaine public. Sa grande gloire c'est de finir dans le domaine public et c'est ce que l'on souhaite à toutes les œuvres sinon c'est qu'elles ne valaientt pas le coup et qu'elles disparaissent. Après qu'il y ait une période pendant laquelle elles n'y soient pas, ça se discute. Cela peut être important d'un point de vue économique, mais l'objectif c'est d'être dans le domaine public. Si on limite la place du domaine public, par exemple comme le parlement européen l'a fait en étendant de 50 ans à 70 ans après la date d'un enregistrement le fait que ça accède au domaine public, on limite les choses.</p>
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<p>C'est aussi la limitation du domaine public, soyons clair : l'objectif d'une œuvre culturelle c'est d'être dans le domaine public. Sa grande gloire c'est de finir dans le domaine public et c'est ce que l'on souhaite à toutes les œuvres sinon c'est qu'elles ne valaient pas le coup et qu'elles disparaissent. Après qu'il y ait une période pendant laquelle elles n'y soient pas, ça se discute. Cela peut être important d'un point de vue économique, mais l'objectif c'est d'être dans le domaine public. Si on limite la place du domaine public, par exemple comme le parlement européen l'a fait en étendant de 50 ans à 70 ans après la date d'un enregistrement le fait que ça accède au domaine public, on limite les choses.</p>
  
 
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L'autre méthode c'est tout ce qui permet d'encadrer la liberté des individus et de la coopération par des réglements qui sont faits par des riches, par les pays riches, principalement, ou par les grandes entreprises, pour les riches, c'est-à-dire pour leurs services à eux.</p>
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<p>L'autre méthode c'est tout ce qui permet d'encadrer la liberté des individus et de la coopération par des règlements qui sont faits par des riches, par les pays riches, principalement, ou par les grandes entreprises, pour les riches, c'est-à-dire pour leurs services à eux.</p>
  
<p>Une de ces premières méthodes, c'est le brevet logiciel. Le brevet logiciel, en fait, entre grosses entreprises qui ont chacune un portefeuille de centaines de brevets, elles se disent : « bon attend on va pas se faire des procès, on va négocier entre nous » et puis tout va bien. C'est surtout pour l’innovation venant des petites entreprises, venant des indicidus, des universitaires, que la question va se poser. Il y a une inégalité flagrante devant l'innovation, qui est due aux brevets logiciels.</p>
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<p>Une de ces premières méthodes, c'est le brevet logiciel. Le brevet logiciel, en fait, entre grosses entreprises qui ont chacune un portefeuille de centaines de brevets, elles se disent : « bon attend on va pas se faire des procès, on va négocier entre nous » et puis tout va bien. C'est surtout pour l’innovation venant des petites entreprises, venant des individus, des universitaires, que la question va se poser. Il y a une inégalité flagrante devant l'innovation, qui est due aux brevets logiciels.</p>
  
 
<p>L'autre méthode, c'est ce qu'on appel le S.L.A.P.P. aux Etats-Unis, c'est <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Poursuite_strat%C3%A9gique_contre_la_mobilisation_publique">Strategic Lawsuit Against Public Participation</a>  
 
<p>L'autre méthode, c'est ce qu'on appel le S.L.A.P.P. aux Etats-Unis, c'est <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Poursuite_strat%C3%A9gique_contre_la_mobilisation_publique">Strategic Lawsuit Against Public Participation</a>  

Version du 4 août 2011 à 19:37

Présentation

Cette vidéo (quand on l'aura) a été filmée le jeudi 8 juillet 2010 dans le grand amphi de l'ENSEIRB à Bordeaux.

Vous pouvez la trouver ici : http://media.april.org/video/2010-rmll/ en plusieurs parties. Nous attendons la publication officielle du groupe de travail Vidéo/audio des RMLL pour avoir une vidéo en entier, nettoyée et avec du bon son.

Transcription

Reprise 16:01

Présents : Jérémie Zimmermann, Frédéric Couchet, Jérôme Relinger, Hervé le Crosnier, Benjamin Bayart

Benjamin Bayart : Bon. On va attaquer le deuxième morceau. Le programme est chargé alors on va essayer de terminer avant 20h.Voilà Jérome tu parleras pas, faut faire court ! Alors. L'idée, c'est un peu comme l'an dernier mais en plus court donc en plus dense, de faire un point, aussi rapide qu'on arrivera, sur tous les sujets, soit dangereux soit ayant de belles opportunités, qui nous intéressent, sur le plan législatif dans les mois, années passées ou à venir. Donc on a beaucoup de sujets à voir il y a des enjeux globaux sur tout ce qui touche la propriété intellectuelle, sur tout ce qui touche l'appropriation du savoir. Il y a des enjeux beaucoup plus précis sur un certain nombre de sujets. Par exemple je pense qu'on dira deux mots du <a href="http://www.laquadrature.net/fr/rapport-gallo-sur-le-futur-du-droit-dauteur-dans-lue-pas-de-compromis-sur-nos-libertes"/>rapport Gallo</a> puisqu'on en a entendu parler par Catherine Trautmann tout à l'heure. Je pense qu'on aura l'occasion de dire tout ce que cela contient. Hervé tu commences. Tu te sens prêt ?

Alors l'idée, c'est qu'on essaye d'aborder tous les sujets, rapidement, le plus dur c'est rapidement, pour qu'ensuite on puisse aussi longtemps que vous en aurez, jouer aux questions/réponses. Donc si vous avez des questions, des sujets que vous voyez qu'on a pas abordés, des points dont vous voulez parler, vous les notez. On jouera aux questions/réponses juste après.

1:52

Hervé le Crosnier : Ou plutôt des commentaires publics plutôt que des questions-réponses parce qu'on est pas forcément là pour faire des réponses mais pour introduire des débats aux faits. je vous avoue, comme cela j'ai comme ça, dix minutes. Donc spécifiquement, moi je voudrais commencer par montrer pourquoi est-ce qu'il y a toutes ces attaques législatives ? Avant de se poser la question de savoir comment leur résister ? C'est pourquoi y a ça, quelle est la spécificité radicale des réseaux et outils numériques qui fait que les dominants ont envie de bloquer ce système là ? Et une fois qu'on peut définir ces spécificités-là, on se donne les moyens de la défendre avec le plus d'efficacité.

Je pense que la première spécificité, c'est que pour la première fois on a le même outil qui sert à rédiger et à diffuser, ce qui fait que radicalement, toute personne peut diffuser ce qu'il pense, ce qu'il a ; et que ce même outil sert aussi à constituer des réseaux et des communautés. Ça c'est quelque chose de radicalement nouveau, on n'est plus dans le mode des médias verticaux mais on est bien dans un mode où on peut penser en public et constituer des communautés autour.

La deuxième radicalité c'est le fait que le coût marginal tend vers zéro, c'est à dire que la reproduction d'un travail de pensée, d'un travail intellectuel, culturel ne coûte plus rien. Alors ça a des tas d'avantages, c'est que l'on ne pourra plus jamais bloquer le flux numérique. Ça c'est quelque chose que les dictateurs dans le monde ont du mal à s'imaginer mais ils ne pourront pas, ils n'ont jamais pu, ils ne pourront plus jamais. Ça a un inconvénient quand même, comment est-ce qu'on finance le prototype, le premier texte qui est écrit, le premier cinéma, la première musique...


3:38

C'est-à-dire comment le consentement à payer..., parce que la valeur de la culture, la valeur de l'information, la valeur de la connaissance, elle est liée au consentement à payer puisque l'on ne peut pas dire que c'est le nombre d'heures passées à la produire, ce n'est pas le matériel investi, c'est combien les gens sont prêts à payer. Et ce consentement tend à diminuer donc on a le problème des financements de la culture qu'il ne faut pas négliger. Si on veut se battre pour la liberté, nous on a l'avantage quand on travaille dans le Logiciel Libre c'est qu'on peut vendre du service. Et donc, là, on a une vraie réponse économique à ça. Quelqu'un qui fait de la musique, il peut vendre du service, il peut vendre son concert, mais quelqu'un qui écrit le texte d'une chanson, lui c'est beaucoup plus difficile.

Donc, il va falloir qu'on trouve de nouvelles réponses et aussi de se mesurer..."Qu'est-ce que c'est que la richesse ?". La richesse ne se mesure pas forcément au gain que l'on peut obtenir mais à la place que l'on va occuper dans une communauté de pairs, dans une communauté de gens qui nous respectent, qui nous aiment, qui nous écoutent, etc etc.

4:36

Donc ça c'est la deuxième radicalité et la troisième radicalité c'est le fait que les réseaux favorisent ce qu'on appelle la baisse des coûts de coordination. Et ça c'est la base de la démocratie, c'est à dire quand les citoyens, les individus ont les moyens pour coopérer, ont les outils pour coopérer alors ils vont pouvoir mettre leur nez dans les affaires publiques. Tandis que si ces affaires publiques sont réservées aux gens à qui on donne des moyens, c'est-à-dire qu'on a élus ou auxquels les grandes entreprises ont versé des subventions pour qu'elles décident tant, alors les citoyens se retrouvent dépossédés. C'est ces trois radicalités à mon avis, que les dominants cherchent à bloquer.

Alors, quand je dis les dominants, c'est qu'ils ont l'habitude de dominer parce qu'ils peuvent bloquer la circulation de l'information dans les médias verticaux. D'abord par la publicité. C'est-à-dire quand un média...si aujourd'hui on a parlé tout à l'heure de Mediapart, c'est Mediapart qui peut sortir des affaires, certes c'est parce qu'il y a des gens qui le savaient avant,mais qui disaient rien

5:41

et qui d'un seul coup ont des intérêts pour le dire, mais c'est aussi parce que Mediapart vit sans publicité et qu'on ne peut pas le menacer. Donc le contrôle des médias, le contrôle de l'information par la publicité est un élément essentiel et la liberté de s'extraire du monde publicitaire me semble une liberté fondamentale, peut-être à rajouter aux quatre libertés du Logiciel Libre.

Le deuxième type de contrôle, c'est la pré-sélection. Les médias nous pré-sélectionnent. On a des médias planeurs qui décident de la musique qui passera dans les radios. Aujourd'hui grâce à des réseaux comme Internet, on vit le contraire, c'est-à-dire que plein de gens s'expriment, il y a toute une créativité et puis un certain nombre émerge parce que les réseaux vont les favoriser, parce qu'on va les mettre en avant etc.

Le contrôle aussi peut se faire par les pressions, il y a un exemple radical qui s'est passé le mois dernier, le maire de San Francisco a décidé que dans sa ville les vendeurs de téléphones mobiles devraient impérativement indiquer la puissance de rayonnement de leurs appareils. C'est simple, il s'agit d'indiquer la vérité que tout le monde connaît. Bilan : les entreprises de télécommunication sont allées le voir et lui ont dit : " Bon, jusqu'à présent la grande réunion internationale des télécommunications se tenait à San Francisco, elle vous rapportait je ne sais plus combien de milliards d'argent, et bien maintenant c'est fini."

Enfin l'autre élément de contrôle, celui qui existe dans les médias, c'est soit l'interdiction de parole des citoyens, soit la dévalorisation de la parole des citoyens. Donc tous ces éléments-là sont radicalement tués avec l'Internet. Alors, quels vont être les moyens pour les dominants de restaurer en fait, ces capacités de préemption sur la parole des citoyens ?

7:27

Je pense que la première, je ne vais pas insister sur toutes puisqu'à mon avis c'est le travail de mes collègues derrière mais je vais les citer pour faire un panorama.

La première c'est la fin de la neutralité du réseau. Avec la fin de la neutralité du réseau, on va avoir un ticket d'entrée, on va revenir à la situation qui était celle des médias. Pour pouvoir passer sur les réseaux, il faudra avoir d'emblée de gros moyens. D'ailleurs ça commence dès aujourd'hui, Google a rajouté dans son algorithme le temps de réponse d'un serveur. Vous avez un petit serveur vous avez un temps de réponse qui est plus faible et donc vous êtes forcément pas une source d'information fiable, du moins dans la logique des dominants dont Google fait partie.

La deuxième méthode c'est la fin de l'anonymat. De ce point de vue là, il y a des lois qui sont en train d'être établies. En Italie, la loi sur les blogueurs, en France, il y a eu une proposition, heureusement rejetée, mais bon, ce que l'on retiendra c'est que l'on ne peut pas parler de manière anonyme. Si on regarde la réalité de toutes les affaires, elles sont toujours sorties par des informateurs anonymes.

Il y a une deuxième forme d'anonymat qui est en train de disparaître complètement, c'est celui de la liberté des citoyens de lire, d'écrire, de penser, sans avoir quelqu'un qui est penché sur son épaule et qui regarde tout ce qu'il fait. Or, aujourd’hui, avec la publicité comportementale, parce que dans les dominants, il y a les structures politiques, il y a les lois mais il y a aussi l'activité pratique et quotidienne des entreprises, des grandes entreprises. La publicité comportementale c'est quelqu'un qui est penché sur votre épaule à chaque fois qu'on fait quelque chose sur Internet, qui dépose des cookies ??? Je ne vais pas faire ici, dans le débat, le processus, mais la réalité, se traduit par la fin de l'anonymat de la vie privée et ça c'est quelque chose qui est très très grave, parce que cela favorise l'industrialisation de l'influence.

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La troisième manière dont les dominants essayent de réduire les libertés radicales de l'Internet,c'est l’extension du droit d'auteur, c'est-à-dire, il s'agit de faire du droit d'auteur une espèce de droit mythique inattaquable qui empêcherait toutes les nouvelles formes d'émergence culturelle, comme par exemple la remix-culture, les mash-up, les fanfiction, le sub-streaming, toutes ces nouvelles formes qu'utilisent les gens, parce qu'ils en ont les outils techniques, pour produire de nouvelles créations à partir des créations existantes.

C'est aussi la limitation du domaine public, soyons clair : l'objectif d'une œuvre culturelle c'est d'être dans le domaine public. Sa grande gloire c'est de finir dans le domaine public et c'est ce que l'on souhaite à toutes les œuvres sinon c'est qu'elles ne valaient pas le coup et qu'elles disparaissent. Après qu'il y ait une période pendant laquelle elles n'y soient pas, ça se discute. Cela peut être important d'un point de vue économique, mais l'objectif c'est d'être dans le domaine public. Si on limite la place du domaine public, par exemple comme le parlement européen l'a fait en étendant de 50 ans à 70 ans après la date d'un enregistrement le fait que ça accède au domaine public, on limite les choses.

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L'autre méthode c'est tout ce qui permet d'encadrer la liberté des individus et de la coopération par des règlements qui sont faits par des riches, par les pays riches, principalement, ou par les grandes entreprises, pour les riches, c'est-à-dire pour leurs services à eux.

Une de ces premières méthodes, c'est le brevet logiciel. Le brevet logiciel, en fait, entre grosses entreprises qui ont chacune un portefeuille de centaines de brevets, elles se disent : « bon attend on va pas se faire des procès, on va négocier entre nous » et puis tout va bien. C'est surtout pour l’innovation venant des petites entreprises, venant des individus, des universitaires, que la question va se poser. Il y a une inégalité flagrante devant l'innovation, qui est due aux brevets logiciels.

L'autre méthode, c'est ce qu'on appel le S.L.A.P.P. aux Etats-Unis, c'est <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Poursuite_strat%C3%A9gique_contre_la_mobilisation_publique">Strategic Lawsuit Against Public Participation</a> C'est les grands groupes qui portent plainte contre les individus qui disent : "Ouais, moi, ma Prius elle a continué d'accélérer alors que j'essayais de freiner tranquillement" C'est tous les groupes qui portent plainte contre les individus, même quand les individus finissent par gagner au coup de pot, ils y ont laissé énormément de choses et préfèrent, et c'est l'objectif de toutes ces stratégies là, se taire avant.

11:32

les États le font aussi. Si vous regardez ce qu'il s'est passé avec le groupe La Rumeur qui vient de gagner en cassation contre la police, et ça c'est une grande victoire de la liberté d'expression. Mais enfin pendant huit ans, ce groupe-là a été saboté, on l'a interdit d'être dans les concerts etc. Ils y ont laissé de sacrées plumes.

L'autre extension pour faire taire les individus c'est le droit des marques. On utilise le droit des marques pour faire taire les individus. On a pas le droit de faire un site qui s'appelle « je boycotte Danone » au nom du droit des marques etc...

Enfin et l'autre manière de limiter, ça me convient vu que mon temps est écoulé je vais m'arrêter. C'est les règles des échanges internationaux. C'est-à-dire on fait passer des règles qui veulent bloquer la liberté d'expression sur des règles du commerce international. C'est ACTA dont Jérémie va vous parler bien mieux que moi. Mais c'est aussi des règles au niveau des douanes, directement demander aux gens qui surveillent les ports, qui surveillent, demain, les ports numériques, de s’arrêter.

12:36

Alors, juste pour conclure en trois mots. moi je pense que si on regarde ce panorama, on voit la radicalité qu'on a à défendre et on voit qu'elle est porteuse d'une nouvelle démocratie. On voit les stratégies qui sont mises en place en face par les dominants pour maintenir le vote qui les protège bien et qui leur a permis toutes les richesses qu'ils ont accumulées et toutes les inégalités qui se construisent dans notre pays ou à l'échelle du monde. Alors comment est-ce qu'on va pouvoir, nous, agir, moi je le dirais en 4 termes :

  • Résister : empêcher pied à pied les législations de se mettre en œuvre. Je crois que ce sont ce que mes collègues vont dire à la table, c'est l'introduction qui en a été faite, c'est ce qui a été discuté dans la table précédente. Résister pied à pied me semble un élément essentiel. Mais ça ne suffira pas je pense à un autre élément et là, c'est peut-être la chose que le mouvement du logiciels libre donne aux mouvements sociaux c'est :
  • Construire : Il faut construire nos alternatives ici et maintenant, avec tous les moyens dont on dispose. Il ne faut pas avoir peur d'être en parasite sur ce que font les grands systèmes, en imposant les moyens de la liberté d'expression. C'est trouver des alliances. Je pense, par exemple les alliances avec les médicaux des pays émergents qui est essentiel et on y pense pas assez quand on est comme nous dans les mouvements des pays du nord, mais c'est aussi avec d'autres professions, par exemple, le mouvement access to knowledge, pour permettre l'accès au savoir, c'est une alliance avec les bibliothécaires, on n'y aurait pas pensé a priori, mais les bibliothécaires nous disent : " Mais attendez, nous on est prêt à verser de l'argent pour la création et la culture, on achète mais ce qu'on veut c'est pouvoir donner ce que l'on achète, or avec le numérique, les DRM, vous nous l'interdisez ".

14:14

  • Enfin la dernière chose c'est oser penser. C'est-à-dire, il faut oser avoir une travail théorique, une réflexion sur la société qu'on veut. Aujourd'hui un des moteurs de cette réflexion c'est la question de la théorie des biens communs, je ne m'étends pas maintenant mais bon, on pourra y revenir dans la discussion

Je terminerai par une citation de Vladimir Mayakovsky : « L'avenir ne viendra pas tout seul si nous ne prenons pas des mesures. »

Merci

applaudissements

14:49

Jérôme Relinger : Moi j'étais très content d'être aidé par Nicolas Dupont Aignan dans mon propos, aussi étonnant que ça puisse paraître, quand on prend les propositions de la présidentielle 2007 que vous connaissez. Je suis ravi, je suis Jérome Rélinger, je m'occupe du tract administration et politique publique en aide au logiciel libre. Je suis adjoint d'une ville de 200 000 habitants qui s'appelle Paris 13ème et je m'occupe des relations institutionnelles du parti communiste français.

Dans la suite de ce que disait Hervé, il me semble que ce qui est intéressant dans les débats que l'on a au fil des années, c'est le combien ? le 10è ? le 11è ? C'est que finalement le mouvent du Logiciel Libre apparait comme étant en pointe et un peu annonciateur d'un ensemble un peu plus vaste de celui que l'on va appeler la société de la connaissance ou la révolution informationnelle et qui impacte nos consciences parce qu'on est dans un monde où il y a deux milliards et demi de téléphones portables, ou bien un milliard d'accès à Internet, 12 millions d'articles sur Wikipédia et où il y a une convergence avec la ???, entre les paysans indiens en lutte contre les grands ensemenciers, les mouvements des chercheurs et le mouvement des artistes qui cherchent à s'émanciper des majors. Et au cœur de tout ça, on trouve le combat pour la liberté de l'information, au sens non pas presse, mais au sens de la manipulation de l'échange, de l'enrichissement du contrôle et de la propriéte de l'information. C'est ça la véritable richesse, la véritable révolution informationnelle, c'est qu'aujourd'hui, on crée de la valeur en industrie, pour socialiser nos rapports aux autres, pour accéder à la culture, pour accéder au monde, pour s'humaniser, pour faire société. Vous aller trouver partout à tous les étages, du numérique. Dans la biogénétique, dans l'éducation,dans l'art, dans le journalisme, dans l'industrie du logiciel etc... Cette société de la connaissance, là, elle change profondément nos pratiques et nous pose des questions de civilisation, et la grande différence avec l'ancienne économie, c'est que, du coup, on est débarrassé de l'économie du produit ? D'une certaine façon, j'avais intérêt à ce que l'autre n'ait pas ce que j'ai. Parce que s'il en a pas, je peux en avoir plus. c'était ça le capitalisme industriel du début.

16:57

Et dans la société de la connaissance, dans la société de la relation, j'ai intérêt à ce que l'autre ait ce que j'ai parce que si j'ai un tel portable et que je suis le seul à en avoir un, il ne sert à rien. Si je collabore à un réseau social dont je suis le seul membre, ça ne donne rien. Donc j'ai intérêt à ce que l'autre ait la même chose que moi. C'est la première question civilisatrice qui est posée dans la société de la connaissance et du savoir. Et on voit bien, je pense, que cela explose en ce moment, il y a un antagonisme qui se fait jour entre ceux qui veulent faire rentrer l'ancien monde dans le nouveau à coup de marteau et les aspirations que nous donnent naturellement les nouvelles possibilités technologiques qui sont les notres pour contourner un certain nombre de goulots d'étranglement et d'acteurs qui sont devenus des freins entre nous dans notre humanisation et l'accès à la connaissance dont on a besoin.

17:49

Je pense que les deux modèles émergents, opposés qui sont en train de se livrer une guerre dont je crains et je suis moins optimiste. Depuis plusieurs années, j'entends un peu toujours le même discours comme tout à l'heure, en gros, on va gagner parce qu'on est les plus intelligents et les plus forts. Et c'est vrai mais c'est pas forcément suffisant pour que l'on gagne. Ce que je veux dire c'est qu'entre le modèle ouvert et modèle de la mutualisation de la connaissance, entre les logiciels libres et HADOPI, je doute qu'il puisse y avoir de survivant à terme, à l'échelle planétaire. Que ce qui est en train de se passer avec le changement d'échelle, où là on est pas seulement en train de parler des législations débiles franco-françaises qui se succèdent les unes après les autres. On va parler de choses qui se décident au niveau de l'OMPI ou au niveau tout simplement, comment dire, en France, de l'OMC, c'est-à-dire avec une offensive généralisée du réseau financier, pour imposer au monde de la richesse informationnelle, la façon dont il contrôle le monde de la richesse matérielle. C'est-à-dire de l'enfermement, de la privatisation, du contrôle, de la revente, à l'infini, de ce qui ne coûte plus rien.

18:58

D'une certaine façon, je l'ai dit, les logiciels libres sont emblématiques, annonciateurs et prophétiques d'une possibilité de faire autrement. Mais pour moi c'est une partie du modèle ouvert que vous allez retrouver dans les médicaments génériques, dans le mouvement, on en a parlé aussi, des chercheurs, dans le mouvement des artistes qui veulent s'autoproduire, etc. C'est ça, en fait, les modèles ouverts, qui créent la performance sociale qui se protègent par des licences libres : ainsi que le mouvement Créative Commons, ou ainsi que toute l'encyclopédie collaborative

Jérémie Nestel : Art libre, les Créative Commons et NTSC c'est pas libre.

19:32

19:32

Jérôme Relinger : Ah merde, merci beaucoup Jérémy, il fallait la faire. Ce qui est intéressant dans ces valeurs, c'est que ça remet la collaboration au coeur du contrat social. Moi ça me fait penser à ce que Marx appelait une société de producteurs associés qui était une définition du socialisme.

19h54

Et puis on voit bien que le modèle de l'extension sans limite de ce qu'"il ne faut pas appeler la propriété intellectuelle, qui est imaginaire mais qui est quand même en train de se mettre en place à l'échelle mondiale , qui vise à systématiser les économies de rente et à sécuriser non seulement le renfermement de ce qui était déjà disponible par la licence par le brevet, par la forme, par le format, par la milice, si on parle d'HADOPI. mais aussi a étendre le champs, à restreindre les biens communs. Et ça ça concerne la biosphère la nature le génome ce modèle fermé, donc, est un vrai hold-up planétaire, prive la collectivité humaine du progrès qui était justement celui de l'immatériel que l'on pouvait reproduire à l'infini à coût nul, qu'on pouvait partager, qu'on pouvait enrichir, qu'on pouvait collaborer.

Ce qui nous fait revenir de façon artificielle, de l'ancien modèle au nouveau. Et ce qu'on est en train de nous voler, c'est notre patrimoine, cognitif, imaginaire, générique, génetique, c'est notre mémoire collective, culture partagée, tout ce que l'on a produit, tout ce que l'on a créé. Il y a, évidemment, plus comme conséquences de cette obsession effrénée de verrouillage, de contrôle, la mise en place d'un système totalitaire, de filtrage, de freinage etc. Parce que si vous voulez vous assurer que tout acte d'accès, est fourni par du matériel, est financé, comment dire, est puni par un paiement, il faut vérifier que les salauds de pirates ne sont pas en train de télécharger, vous avez tous vu le super dessin animé de super crapule, c'est énorme. Ces deux modèles sont en train de se livrer une guerre. Et je ne pense pas qu'être objectivement plus dans le sens de l'intérêt collectif, plus efficace, plus fluide , suffise pour gagner la façon dont est organisée la toute puissance et l'hégémonisme du capitalisme informationnel.

21:53

Je voulais simplement dire ça, c'est qu'on sent qu'il y a une contradiction dans cette espèce d'angélisme qu'il y a parfois dans les communautés du libre et dire que finalement il y a un consensus politique. Une fois qu'ils ont compris, il suffit de leur expliquer. Une fois qu'ils ont compris ces cons de députés, bon ben finalement ils ne peuvent aller que dans le bon sens. On voit bien que ce n'est pas du tout vrai, pour des raisons de politique intérieure, surtout en fait que les frontières idéologiques entre, justement, ce qui est de l’intérêt général et ce que c'est que de préserver l'intérêt de quelques uns. Ce que je veux dire c'est que ça me semble difficile de continuer à penser qu'on va pouvoir rester compatible entre libre et libéral longtemps. Que la guerre est déclarée et que l'affrontement qui est entrain de se faire, entre les biens communs, l'intérêt général, les contenus etc libres et ACTA, les technologies terminator, les big pharma, HADOPI ou le Paquet Télécom, posent en fait vraiment tout simplement,la question du monde dans lequel on veut vivre. Je crois qu'il faudrait arrêter de considérer le logiciel libre comme un mouvement isolé du reste du monde. Ça me semble de plus en plus difficile d'entendre des élus qui sont d'accord pour privatiser France télécom, qui l'ont fait, venir ensuite demander un réseau de fibres public et opérer au bénéfice de la collectivité.

23:27

C'est donc la question et je m’arrêterai là, je pense. La question de la biosphère, du génome, de l'espace public, des formats ouverts, des standards, qui forment un tout assez cohérent. Et au fond ce qui nous est posé ce n'est ni plus ni moins que la question de la gestion démocratique de l'intelligence collective. C'est un peu le but et le moyen de ce pilier qu'on appelle du communisme informationnel. Merci.

applaudissements

24:00

Frédéric Couchet : Alors moi je vais, suite à ces deux introductions qui présentent bien un certains nombres d'enjeux importants, je vais aborder juste un point précis, un dossier particulier. J'aurais pu aborder le dossier des brevets logiciels et je vais le faire très rapidement, parce que c'est un point intéressant, parce que c'est le problème des rencontres modiales des logiciels libres, chaque année, à Bordeaux notamment, on parlait des problèmes logiciels. La dernière fois c'était en 2004, on était à Bordeaux et on était encore au combat. C'est-à-dire qu'en 2003, la directive avait été modifiée en ??? une première fois et depuis, il y eu 2005, rappelez-vous c'était il y a cinq ans et 2 jours, à Dijon, la directive Brevets logiciels a été rejetée par le ??? . Ca ne veut pas dire que le danger est parti, mais au moins depuis, on a gagné un combat important. C'était l'un des premiers combats gagnés, il y en a eu d'autres derrière et ça a été un des combats le plus formateur au niveau européen sur la formation par rapport à comment on travaille avec le gouvernement européen et, en france on a eu l'équivalent de cette formation, qui a été la loi DADVSI, même si on a perdu, au final, législativement. C'est une loi qui est inappliquée et inapplicable où finalement, législativement, elle sert strictement à rien. Par contre elle nous a beaucoup appris.

25:09

Moi je vais juste revenir sur un dossier actuel qui passe un peu inaperçu et ça tombe bien, c'est dans l'introduction de Catherine Trautmann. A un moment, elle a évoqué le soutien de Neelie Kroes en faveur des standards ouverts. Alors on pourrait se dire en entendant cela que c'est super, Nelly Kroes est en faveur des standards ouverts, est en faveur de l'interopérabilité. Et si on regarde l'historique de Neelie Kroes, on peut se dire... pardon ? Nelly Kroes est la commissaire européenne qui est en charge de la stratégie numérique, vice présidente de la Commission Européenne et anciennement c'était la commissaire européenne qui était en charge de la concurrence et, notamment qui a traité le dossier Microsoft, les poursuites de la Commission Européenne contre Microsoft. Donc elle a un vrai historique en faveur de l'interopérabilité, en faveur d'une vraie concurrence et on peut se dire que cette déclaration qu'elle a faite devant Openforum en faveur des standards ouverts et de l'interopérabilité est une bonne chose.

25:58

Or si on regarde dans les détails et, évidemment, on sait très bien que le diable est dans les détails, qu'est-ce qu'il y a concrètement dans les textes. Alors, actuellement, Neelie Kroes a produit un texte, qui s'appelle l'agenda numérique. En gros c'est un courant visant à donner des perspectives de développement du numérique en Europe d'ici 2020, un petit peu comme en France, en 2009, a été rendu le plan France numérique 2012 qui depuis a disparu complètement de la circulation, concernant un certains nombre de sujets : la santé, le haut débit, la sécurité, la confiance et il y a l'interopérabilité. Dans la première version du document, l’interopérabilité était basée sur les standards ouverts. Très clairement, le terme apparaissait. Et il y a eu un lobbying très important, très fort. Tout d'abord, Nicolas Dupont Aignan disait que la commission était le bras de Microsoft et effectivement il y a eu un lobbying très important de Microsoft, de son bras armé la BSA (Business Software alliances), mais pas seulement que de ça. Il y a eu un forcing très important et très intense dans la commission, entre effectivement la commissaire Nelly Kroes et un certain nombre d'autres commissaires dont Michel Barnier, qui est en charge de la directive DG, enfin qui est le commissaire des entreprises du marché intérieur, et qui, lui, est clairement sous la pression d'un certain nombre d'entreprises qui ne veulent pas entendre parler des standards ouverts.

Et donc ils ont inventé un concept, un système de continuum d'ouverture. En fait ce qui est fermé est presque ouvert. Et finalement même les logiciels propriétaires, même les standards qui pourraient être diffusés avec une logique de type RAND, vous savez, raisonnables et non discriminatoires, en gros vous allez payer pas beaucoup à l'unité mais ce qui, de facto interdit très clairement les projets des logiciels libres. D'ailleurs dans les accord Microsoft par rapport à la commission dans ses engagements, il se sont engagés par rapport à des licences RAND qui de facto exclut les auteurs de logiciels libres. Donc ces gens-là ont en fait poussé terriblement pour que le terme « ouvert » disparaisse de l'agenda numérique.

27:54

On se rend compte, en fait, aujourd'hui qu'on a effectivement une commissaire, qui très clairement et on peut le reconnaitre, a une vraie compréhension du sujet. C'est sans doute la seule commissaire qui est clairement de notre coté et ça change beaucoup. Depuis quelques annés, clairement dans la commission précédente, même si c'était le même président de la commision Barroso, il n'y avait pas ce soutien là. Barroso l'a nommée vice président de la commission européenne dans la stratégie numérique donc c'est très important, c'est une reconnaissance. Mais le combat interne dans la commission est monstrueux. Et très clairement aujourd'hui, le fait simplement d'apporter un soutien à la démarche de Neelie Kroes est important parce que c'est de montrer, qu'effectivement, on a compris que dans le discours, dans les affirmations de positions en faveur des standards ouverts et de l'interopérabilité. Mais que concrètement, dans le fameux processus que Catherine Trautmann nous a si brillament décrit tout à l'heure, de compromis etc... entre les différents acteurs, en gros, dans la version finale publiée début juin, le terme de « standard ouvert » a été simplement remplacé par le terme de « standard ».

28:55

De la même façon que , souvenez-vous, il y a quelques années, toutes les associations de logisiels libres, tous les acteurs poussaient en France un document qui s'appelait le RGI (Référentiel Général d'Interopérabilité). On était tous contents, on disait : " il faut que ce référentiel soit publié" Pourquoi ? Parce qu'en gros il expliquait comment les administrations, les pouvoirs échangeaient entre elles et comment les pouvoirs échangeaient avec les citoyens. Et notamment sur les formats de documents, ce qui a été mis en valeur c'est le fait d'utiliser le format de document ODF, format normalisé et format ouvert. Et nous on poussait pour que ce document soit publié. Puis bizarrement il y avait des pressions, pour que ce document ne soit pas publié. Plusieurs secrétaires d'état et notamment le dernier, Eric Besson a même annoncé lors du Forum Mondial du Libre que le RGI allait être publié. Puis, finalement il n'a pas été publié.

Et puis il y a quelques années, il y a eu ...le RGI n'était toujours pas publié, Microsoft a proposé à l'ISO, l'organisme international de normalisation, de normaliser son propre format OOXML. En France l'AFNOR a monté sa propre commission, donc il y a eu pas mal d'acteurs et là on a vu quand même, la pression extraordinaire des acteurs effectivement économiques, Microsoft en tête mais pas simplement. A tel point que la commission AFNOR, regroupant des parties prenantes, certaines étant très clairement comme nous, en faveur d'EDF, mais aussi des parties très clairement chargées d'étudier objectivement le dossier, c'est-à-dire tout simplement des fonctionnaires. Cette commission rend un avis en disant OOXML ne doit pas être normalisé. Les fonctionnaires de l'état sont d'accord, les ministères qu'ils représentent sont d'accord. Et en vingt quatre heures, sur un ordre très clair venu du conseiller spécial du président de la République chargé du dossier France, Luc Besson, l'AFNOR change de position, le vote au niveau de l'ISO globalement est modifié et l'OOXML devient une norme ISO. Et qu'est-ce qui se passe sur le RGI ? Et bien le RGI, quelques mois plus tard, est modifié pour ajouter le format de Microsoft Office, OOXML, et devient officiellement donc, une "norme" dans le référentiel Général d'Interopérabilité pour les administrations.

30:52

 Ce que je vous explique là, simplement, c'est que :

  1. le pouvoir extraordinaire des acteurs économiques, Microsoft en tête mais pas simplement,
  2. le fait que, au delà des discours, c'est vraiment dans les détails que tout ce joue,
  3. et que tous ces combats d'arrière-garde de nos amis du logiciel propriétaire, au fond c'est vrai que dans les textes ils ont des dommages collatéraux impressionnants sur les gens sur lesquels ils ont agit.

Les fonctionnaires, par exemples qui ont travaillé sur le dossier, à l’Afnor, des fonctionnaires français, ils ont travaillé pendant 2 ans sur ce dossier-là. Au bout de deux ans ils disent : "OOXML ne doit pas être normalisé». En 24h leur avis est complètement mis de côté par un ordre pur et dur en provenance direct de l’Élysée. Ben ces gens-là derrière qui sont peut être des DSI, des fonctionnaires avec certaines responsabilités dans les administrations, ce n’est pas des gens qui vont forcément avoir envie d’aider Microsoft. Au contraire ils vont peut-être avoir envie de pousser les solutions libres.

C'est pareil sur les lois. La loi DADVSI, elle a commencé à créer une vraie prise de conscience chez les parlementaires. Nicolas Dupont-Aignan nous en a parlé tout à l'heure. La loi HADOPI a commencé à créer une vraie conscience chez le grand public. Je discutais, il y a deux jours avec une élue UMP, qui me disait que pour la première fois sur le marché, des gens étaient venus lui parler de numérique, suite à HADOPI. Dans les combats que nous menons, au-delà simplement des résultats textuels législatifs qu'il est important de mener, il faut aussi prendre conscience que ces combats, même si au final on a l'impression qu'on perd, on gagne une sensibilisation très importante de l'ensemble des acteurs. Ca va peut-être prendre, je suis d’accord avec Jérome ça va peut-être prendre 10, 15 ans, mais ce combat la, il faut le mener.

Et juste pour finir, je vais revenir sur ce que disait Hervé par rapport à construire des alliances. Sur les brevets logiciels par exemple, quand on a commencé à s’intéresser à ces sujets-là, on a été voir des acteurs qui étaient concernés par les brevets. On a été les premiers à être allés voir Act-Up, à l’époque qu’est-ce qu’on s’est pris dans la gueule. On a été les premiers à aller dans le village associatif, le village numérique de la fête de l'huma. Mais qu'est ce qu'on s'est pris dans la gueule avec l'April, quand je dis nous c'est l'April, parqu’on nous a dit : « Qu’est que vous allez vous faire à Act-Up, à la fête de l'huma etc..." Juste on allait sensibiliser des gens, on allait mener des discussions et éventuellement des alliances. Aujourd’hui, il y a 2/3 semaines, on a encore sorti un communiqué de presse commun entre la Quadrature du Net, April et Act-Up sur ACTA. Et c'est nécessaire et obligatoire d'aller voir ces gens là. Je suis content de voir que les positions ont évoluées dans la communauté du Logiciel Libre, je me souviens qu'il y a quelques années, c'était quand même dur.

Et puis dernier point, ce que nous a appris DADVSI, profondément, c'est qu'on ne pouvait pas agir comme des lobbys. Nous ne sommes pas des lobbyistes, je voulais reprendre depuis tout à l’heure Dupont Aignan, parce qu’un lobby, il défend une cause, celle pour laquelle il est payé. Nous ont défend notre cause.

Eux ils sont beaucoup plus nombreux que nous, ils ont beaucoup plus d'argent que nous, ils ont l'habitude de travailler en cercle restreint, fermé etc. Donc nous il faut qu'on fasse exactement l'inverse et c'est ce que l'on a fait au niveau de l’EUCD.info, c’est ce qu’on a fait au niveau de l’April, C’est ce que fait, pour l’ACTA, la Quadrature du Net etc. C’est être transparent, c’est-à-dire publier un maximum pour bénéficier de l’effet réseau, d’expertise, de gens qui vont, par exemple experts en sécurité, qui vont aller voir un député. C’est la seule façon pour que l'on puisse gagner, c'est de jouer sur cette transparence et sur cette force d'être en réseau. Et j’avais oublié que notre principal avantage, et je finirai là-dessus, c'est notre force de conviction. C'est pour ça que les politiques nous écoutent.

La première fois qu’ils nous ont vus, je peux vous dire que des fois ils hallucinaient parce qu’évidemment on est pas forcément costume-cravate. Certains ont des cravates mais avec des Mickey dessus.

rires

Benjamin Bayart : C’est pas vrai il y a pas de mickey.


Frédéric Couchet : Y a pas de Mickey ? Je le vois pas d'ici... Ils hallucinaient un petit peu mais après tout, simplement, ils écoutaient. Et ce qui a changé en quelques années, c'est la force de frappe qu’on représente. Parce que le politique il se pose deux questions quand il vous voit. c'est :

  • qu'est-ce que vous voulez ?
  • et quel pouvoir vous représentez, pouvoir potentiel de nuisance ou pouvoir positif. Il y a quelques années, quand on allait les voir, avec Jérémy, Christophe Espern ou d’autres, en gros les chiffres que l’on pouvait avancer, si tu te souviens bien, c'était quelques acteurs économiques, quelques membres etc. Aujourd'hui, on voit ceux qui soutiennent la Quadrature du Net, on voit les membres de l’April, donc l'écoute est totalement différente. On a créé une écoute très importante et je pense que dans un avenir très certain, ça va progresser, ça va forcément progresser. On a besoin de garder vraiment cette transparence, cette force d’action et de ne jamais oublier, en fait, que même si on fait beaucoup de choses pour défendre les libertés numériques etc, on le fait aussi parce que tous les développeurs qui sont là font du logiciel libre. Car s'il n'y avait pas de logiciel libre à la base, s’il n’y avait pas des gens qui produisent du contenu libre, notre activité ne servirait à rien.

Donc des fois on nous dit merci, moi je voulais juste profiter de cette table ronde politique pour dire merci à tous ceux qui produisent des ressources libres.

applaudissement

35:51

Jérémy Zimmermann : (vers Frédéric/Benjamin) On fait comme on a dit, j'ai une heure et demi c'est ça?

Rires

Bonjour à tous et à toutes, et puisqu'on en est aux remerciements, un grand merci à tous ceux qui ont participé ce matin à l'expérience du garage, qui a eu un effet j'en suis sûr, on constatera ça plus tard quand on aura le chiffre exact de la journée. Merci vraiment à tous.

Applaudissements

Je vous préviens tout de suite, je vais plomber l'ambiance. Parce que jusqu'à présent, on a plutôt rigolé.

Vous vous souvenez tous de la citation de Gandhi, qui disait, au début il vous ignorent, ensuite ils se moquent de vous, ensuite il vous combattent et à la fin vous gagnez. Vous avez tous ça en tête.

Bon, ce que dit pas, il manque un petit peu de granularité pour la citation de Gandhi, c'est que ensuite ils vous combattent, Gandhi avait oublié de préciser que ça devenait de plus en plus dur.

Quand Hervé tout à l'heure disait, les technologies numériques elles sont là, rien ni personne ne pourra les arrêter, j'ai dit je vais plomber l'ambiance, hélas je ne partage pas ton optimisme, Hervé, pour plusieurs raisons. Et notamment parce que cette année, au cours de mes pérégrinations, je suis tombé sur un exemple historique, qui m'a vraiment frappé. C'est celui de ce qu’étaient les radios à l'invention de la radio, aux États Unis dans les années 10 20, chacun avec un petit peu de temps devant lui et quelques dizaines de dollars, achetait quelques composants, se soudait un émetteur, mettait une antenne de radio dans son jardin, et c'est des dizaines de milliers de stations de radio qui ont fleuri aux États Unis. Des trucs religieux, musicaux, communautaires, tout ce qu'on veut, et on a vu là un essor démocratique, un élan de participation où chacun pouvait contribuer, etc. Et bien un beau jour, ça a cessé.

Et ça a cessé comment? Lorsque la FCC, autorité de régulation des fréquences, aujourd'hui qui s'occupe de la neutralité du net, coïncidence amusante, a attribué les fréquences, et a donc dit, voilà, on va répartir entre acteurs économiques le droit d'utiliser cette capacité de participation qu'est la radio. Quelques années après il y avait trois acteurs dominants dans la radio aux États Unis.

Donc on a un exemple historique d'un élan démocratique où tout le monde s'est dit, c'est bon, c'est génial, c'est la participation. Et, où quelques temps après, par la législation, par la pression d'intérêts économiques, on a refermé la boite.

Bon, sachant ça, on m'a chargé de faire un petit panorama des menaces qui nous pèsent sur le coin de la tête aujourd'hui. C'est pour ça qu'il va me falloir une heure et demie.

L'année dernière, à la table ronde politique, on parlait principalement d'HADOPI, on rigolait plutôt, on rigolait bien, on continue d'en rire, vous connaissez tous le feuilleton, les rebondissements, Orange, Albanel, tout ça. C'est très drôle. Maintenant il y a tout un tas de projets qui se profilent à l'horizon, en France, en Europe et même au delà et qui sont beaucoup moins rigolos, et donc on va en faire un rapide panorama.

Bon la LOPPSI, vous en avez tous entendu parler, elle devrait revenir, peut-être, on sait pas trop quand, sans doute avant la fin de l'année, ça dépendra de la patate politique qu'il y aura sous le capot au moment où il y aura la place à l'agenda parlementaire.

Vous avez entendu parler aussi de ces histoires d'une loi sur le droit à l'oubli, qui est une arnaque phénoménale, où là encore, en fonction des sondages et de combien le gouvernement songera comme opportun ou non de se remettre une fois de plus dans le bourbier d'attaquer Internet, ça verra le jour ou pas. Cette histoire de droit à l'oubli c'est surtout le droit à l'oubli des blagues racistes sur les Auvergnats ou de choses comme ça. C'est surtout le droit à l'oubli des gens qui ont quelque choses à cacher. En réalité quand on parle de données personnelles le droit à l'oubli il existe déjà, c'est le droit de retrait, de sites d'informations personnelles, de système automatisé où globalement de données personnelles, c'est la loi informatique et liberté, ça existe déjà. Ce truc-là est une arnaque intellectuelle, parce que soit on parle de droit à l'oubli et de données personnelles et ça existe déjà, soit on parle de droit à l'oubli de données publiques, et il n'y a pas de raison puisqu'elles sont publiques qu'elles soient oubliées. Bref, on en reparlera peut-être.

Il y a l'histoire de la suppression de l'anonymat. Mais bon, ça a l'air d'être effectivement le sénateur qui a balancé ça est une espèce de doux-dingue avec peu de chances de succès. Mais là encore on pourrait voir politiquement tout ça peut-être comme une espèce de ballon sonde, une espèce de test. On voit ce que ça fait pour le public et on y repense après.

Dans les points beaucoup plus immédiats, il y a la transposition du Paquet Télécom. Vous vous souvenez, on vous a bassiné pendant des années avec le Paquet Télécom et cette chère Catherine Trautmann, qui aujourd'hui semble avoir compris. Le Paquet Télécom, il va être transposé à l'automne. Il y a eu une consultation du gouvernement, la DGCIS, sur un projet de transposition qui est plutôt pas mal, objectivement, il est plutôt pas mal. On leur a répondu, notre réponse est en ligne. Maintenant vous attendez pas à ce que cela se passe aussi facilement que ça.

C'est à dire, le projet plutôt pas mal, il va y avoir des amendements, des amendements du gouvernement, des amendements d'industries, et ça peut là encore se transformer en guerre de tranchées.

Je laisserai la parole à Benjamin tout a l'heure pour évoquer les questions de la neutralité du net, qui est au cœur du Paquet Télécom. Parce que le Paquet Télécom tel qu'il a été voté, c'est pour nous avant tous les articles 20 et 21 de la directive Universal Service, qui disent que les opérateurs doivent vous informer, dans les contrats, des conditions de limitation d'accès aux services et applications sur internet. Donc on vous dit « ha, tiens vous avez plus le port 25, ah tiens, vous n'avez plus accès à BitTorrent ou à ceci ou à cela. ». Et donc ça c'est écrit tel quel dans le paquet Télécom qui sera transposé, et vous imaginez bien qu'il faut mettre des mesures ou encadrements assez sérieuses autour d'un machin comme ça. Mais Benjamin en parlera tout à l'heure.

42:00

Au niveau européen, je me suis réveillé à Strasbourg ce matin, j'ai fait un long trajet pour être là avec vous tous. Et je suis très très très content d'être arrivé. Là aussi cela va se gâter. Par ordre pas tout à fait chronologique, comme la LOPPSI en France se charge de mettre en œuvre des dispositifs de filtrage au nom de la lutte, ô combien légitime, contre la pédopornographie, c'est une directive de protection de l'enfance et de combat de la pédopornographie qui a été présentée par la Commission, qui va être rapportée par une berlusconiste italienne, ANGELILLI, qui d'ailleurs hier a signé la déclaration ???, assez amusant, et qui, dans son article 20 dit, "on va bloquer les sites pédopornographiques et les faire enlever", donc qui contourne l'argumentation qui a permis en Allemagne de faire repousser cette loi qui était le principal argument sur la LOPPSI qui était de dire plutôt que bloquer, il faut enlever. Là on dit l'objectif c'est d'enlever mais en attendant on va filtrer et tant pis si ça enlève l'incitation des forces de police d'aller vraiment faire enlever les contenus et tant pis s'il y a des dommages collatéraux.

Donc ça, ça va être une grosse grosse grosse grosse bataille européenne. On est déjà en réseau avec un certain nombre d'associations dans tous les pays d’Europe qui sont concernés par ces questions là. Et attendez vous à ce qu'on vous harcèle encore en disant « il faut appeler, envoyer des mails » et tout et tout parce que ça risque d'être long, très long. Sinon le rapport Gallo, c'est l'une des très bonnes nouvelles de la semaine, le vote devait se faire aujourd’hui, ce matin, et m'aurait empêché d'assister à cette table ronde. Mais au delà de cela cela aurait été catastrophique parce qu'on aurait sans doute pas eu le temps de mobiliser.

Le rapport gallo, c'est un rapport d'initiative. bon, quand vous allez appeler des modérés, des alde, ou même quelques socialistes, on va vous dire « oh bah non, ne vous inquiétez pas mon bon monsieur, ou ma bonne dame, c'est qu'un rapport d'initiative, donc c'est un texte non législatif. c'est une espèce de prise de position politique du parlement européen, c'est non législatif, ne vous inquiétez pas".

Mais en réalité, le rapport Gallo, c'est un rapport de cette parlementaire française, sarkozyste, parachutée sur la liste de Michel Barnier par Sarkozy himself, Marielle Gallo, qui s'inscrit dans une continuité, ça vient après une communication de la commission du 11 septembre 2009 sur « IP Enforcement », le renforcement des droits dits de propriété intellectuelle. Et qui disait notamment, il faut des mesures non législatives, des accords "volontaires" avec les fournisseurs d'accès pour régler les questions de téléchargement en dehors des tribunaux et tout ce genre de police et de justice privées qui nous fait très mal aux libertés.

Donc il y a eu cette communication de la Commission. Ensuite le Conseil à répondu, la réponse du berger à la bergère pour dire « on est tout à fait d'accord avec la Commission » et...

[ Benjamin au téléphone ]

Pardon ?

Excuse-moi ?

Ah non pardon, c'est Benjamin qui est au téléphone.

Et donc le Conseil ayant répondu à la Commission, là vous comprenez bien que si le Parlement par le rapport Gallo répond en disant « on est tout à fait d'accord avec vous », la voie est libre pour qu'ensuite vienne un vrai projet législatif, une vraie directive européenne. Et il se trouve qu'on sait que cette directive européenne est déjà dans les tuyaux, elle est déjà sur le bureau de Michel Barnier. Vous vous souvenez de la directive IPRED II qui a été repoussée, enfin qui avait été bloquée à l'époque pour tout un tas de raisons, notamment le fait que le Parlement européen n'avait pas dans son domaine de compétences le droit pénal. Eh ben là, c'est réglé, il y a le traité de Lisbonne, donc le Parlement européen peut traiter le droit pénal. Et donc la directive IPRED II par va revenir.

Donc il est fondamental qu'on agisse sur ce rapport Gallo. Comme je vous l'ai dit, le vote a été reporté, au lieu de se faire aujourd'hui, il se fera sans doute dans la première ou la deuxième plénière de septembre.

Et donc il est fondamental qu'on aille à cet endroit-là informer les élus pour leur expliquer que les infractions au droit d'auteur sur Internet, ça tue la création, ça tue l'économie, ça porte atteinte à la santé, la sécurité et ça tue même les bébés phoques. Eh ben, ce n'est peut être pas vrai, il y a peut-être tout un tas d'études qui disent le contraire et que si on va dans cette direction là, on va s'enfoncer toujours plus loin dans des politiques qui portent atteinte aux libertés fondamentales et qui vont créer à terme une perte de légitimité globale du droit d'auteur et du droit dit de propriété intellectuelle.

J'en ai presque fini. Je crois que j'ai déjà dépassé le temps qui m'était imparti, mais vous comprenez que cet inventaire à la Prévert justifie qu'on y passe le temps.

L'ACTA, donc la mère de toutes les menaces. Vous prenez ce qu'il y a de moche dans tous les projets législatifs qu'on a eu jusqu'à présent, vous le mettez dans le même et vous sortez ça des Parlements. Et vous mettez face à face, autour d'une table les États-Unis, l'Union européenne et quelques petits faire-valoir autour. Et littéralement, on va créer une espèce de nouvel ordre mondial du renforcement du copyright. Qu'ensuite on va imposer à tous les autres pays par le jeu des accords bilatéraux.

47:00

On était à Luzerne, on a longuement parlé avec les négociateurs, autour du dernier round des négociations. Et là c'est véritablement un bras de fer inter-institutionnel, qui se joue au niveau européen, entre la Commission qui négocie, le Conseil, donc la présidence qui représente les États membres, qui sont à côté de la commission pour négocier des sanctions pénales.

Donc en dehors de tout cercle démocratique on va ajouter des nouvelles sanctions pénales pour incitation et aide à la contrefaçon. En gros fermez vos blogs. Si vous voulez vous exprimer politiquement sur pourquoi vous pensez que ce que produit Vivendi Universal c'est pas bien, et vous préférez sûrement pas les payer, parce que vous avez déjà payé des supports vierges, et que des toutes façons, etc. etc. Bah là ça pourrait être de l'incitation, donc sanctions pénales, de la prison, etc. etc. Des trucs vraiment extrêmement violents, mais là aussi il va falloir être très vigilants. Vous pouvez glisser un rapport institutionnel, un bras de fer institutionnel entre la commission, le conseil, et de l'autre côté le Parlement Européen, quoi qu'on en pense est la seule instance démocratique Européenne sur laquelle on a un peu de prise, et c'est à ça que sert notamment la déclaration écrite 12, ça sert à donner des billes au parlement Européenne pour qu'il puisse affirmer ses pouvoirs, affirmer sa légitimité, affirmer sa capacité de nuisance, parce qu'à un moment il va falloir se prononcer sur l'ACTA, et donc tout ce qu'on pourra faire dans cette direction sera fondamentalement utile.

Pour conclure, parce qu'il est temps de conclure.

On est vachement sur la défensive. Ca fait des années qu'on se prend des DADVSI, des HADOPI, des Paquet Télécom, etc. Le jour où on pourra se dire, « on aura vraiment gagné », « on aura vraiment changé les esprits », c'est qu'on commencera à écrire des législations positives.

Vous avez vu l'exemple de l'«Icelandic Modern Media Initiative» en Islande, qui est en train d'émerger, vous avez peut-être entendu parler du Free Software Forum, à Barcelone, dont la prochaine édition se fera je crois fin Octobre cette année et qui a produit la charte des cultures libres, et qui est un document positif, qui condense tout ce qu'on aimerait voir de positif mis sur la table. Evoquer avec les parlementaires Européens des directives sur les données publiques, sur les standards ouverts etc. C'est des choses sur lesquelles il va falloir travailler quand on aura un petit peu les mains libres de toutes ces menaces.

Et, en conclusion de ma conclusion.

Internet, cette neutralité du net, cette capacité pour tous d'accéder et de publier, n'importe quel type de contenu, services et applications, pour moi c'est avant tout une potentialité de participation, une potentialité de participation démocratique.

Donc c'est pas le tout d'avoir une législation, c'est pas le tout d'avoir du logiciel ou du hardware qui permet de faire joujou, mais il faut encore que l'on s'en serve.

Et comme la liberté de la presse, peut-être que nos libertés en ligne ne s'usent que si on s'en sert pas. Et on a entre les mains tous les outils pour s'en servir.

Continuons!

Voilà, merci.

applaudissements

50:00

Benjamin Bayart : Je voulais vous rappeler quelques infos. Je présume que la majorité d'entre vous les a suivis en ligne depuis un an. Je vais refaire un petit tour sur l'aspect neutralité du net.

Alors, globalement, selon l'idée qu'on en a, le verre est à moitié vide ou à moitié plein, il y a, objectivement sur ces derniers mois, des points extrêmement positifs sur le sujet. Je constate que par exemple, dans les discussions qui ont eu lieu avec le régulateur national, l'ARCEP, sur le sujet, nos positions sont admises quasiment à 90%. Il reste quelques points sur lesquels on va encore se battre, mais on est à 1000 lieux de ce qui était envisageable il y a 2 ou 3 ans.

Bien évidemment on peut négocier et obtenir tout ce que l'on veut, avec le Parlement français, avec le régulateur, avec le gouvernement, si l'ACTA s'impose, l'ACTA s'imposera et la régulation changera.

On a fait des progrès dans pas mal d'endroits. On a progressé vis-à-vis de la vision que le régulateur en a. On a progressé sur pas mal de points avec le parlement Français.

Les députés ont l'air inquiet, ils ont bien compris que ce qu'ils s'étaient pris dans la tête sur HADOPI était relativement faible par rapport à ce qu'ils allaient prendre sur la question de la neutralité du net.

Parce que HADOPI ne touche que à l'échange de fichiers, la neutralité du net touche à tout le reste d'Internet.

Il serait souhaitable que quand le sujet arrivera sur la table du parlement en France, la mobilisation, de vous, parce que nous on est déjà mobilisé, on ne peut pas l'être plus, sauf à vraiment arrêter de dormir.

Jérémy Zimmermann : C'est fait !

Benjamin Bayart : Je suis sûr que tu dors encore par intermittence dans les trains, c'est pour ça que tu viens.

Donc on peut difficilement être plus mobilisé, il y a besoin, simplement parce que les points que l'on peut marquer dans ces éléments là, ne seront pas suffisants pour contrer quelque chose comme l'ACTA, et permettre de poser des marques, de poser des jalons.

Dans les éléments que je voulais vous indiquer, car quand même il faut le coté LOL, on a toujours pas de nouvelles du recours contre le décret d'application d'HADOPI devant le Conseil d'état, on est toujours relativement confiant.

Jérémy Zimmermann : Depuis un an et demi.

Benjamin Bayart : Moi j'ai des contacts plus fréquents que ça avec le Conseil d'état. Je pense qu'on aura une réponse plus rapide. Et puis de toute façon si on a pas de réponse avant l'envoi du premier mail il y aura une procédure de recours en référé, pour accélérer un peu le mouvement.

Donc le coté rigolo et ridicule d'HADOPI continuera, il faut qu'on garde des sujets de rigolades.

Qu'est-ce que j'ai d'autre sous le coude pour vous ?

A l'heure actuelle ça consulte à tour de bras sur la neutralité du réseau. Ca consulte chez NKM, ça consulte à l'ARCEP, ça consulte pour la Commission européenne, visiblement ils se posent plein de questions. Ça dit pas bien ce qu'ils feront comme réponse, mais ça prouve au moins que le sujet les intéresse.

Jérémy Zimmermann : Petite parenthèse si je puis me permettre. Cette consultation de la Commission européenne sur la neutralité du net est ouverte jusqu'au 30 Septembre. Là il se trouve que c'est les vacances, donc peut-être que certains parmi vous, des structures, ou des boites, ont tout à fait le temps d'y répondre.

Benjamin Bayart : Tous ceux d'entre vous qui sont citoyens de n'importe lequel des 27 pays de l'Union Européenne ont le droit de répondre bien entendu. Les autres je sais pas, ils peuvent toujours ils seront peut-être pas lus.

Jérémy Zimmermann : On peut même le faire en Français.

Benjamin Bayart : Oui, on peut même l'écrire en Français, c'est un truc bien. Pour ceux d'entre vous qui ont envie répondre en Tchèque ou en Polonais vous pouvez sans doute.

Quelques points :

Il y a beaucoup de risques sur la neutralité du réseau. Je ne reviendrai pas sur un point évident, que j'espère vous maîtrisez tous maintenant, sur le fait que si on perd le réseau neutre et ouvert, on perd toutes les autres batailles. Toutes. C'est le point central. Si on perd Internet, on a perdu tout le reste. Si le réseau n'est plus neutre et ouvert, vous pouvez toujours avoir des contenus libres, vous aurez le droit de les échanger dans votre piaule.

Le point central, c'est le réseau. Si le réseau est libre et ouvert, si les contenus ne sont pas libres, ils pourront pas vous empêcher de les échanger. Donc ils seront de facto libres, peut-être légaux, mais libres.

Donc le point le plus central, c'est le réseau.

Il y a des risques, je ne reviens pas sur ACTA on en a parlé. Il y a un risque énorme dans ACTA qui est la responsabilité des intermédiaires techniques. On y revient. L'hébergeur responsable du site Web hébergé, le FAI responsable de ce que fait son abonné, etc. etc. etc.

Il y a les risques déjà faits. C'est-à-dire que HADOPI ça y est, c'est fait, ça existe.

La LOPPSI et le filtrage, ça c'est à peu près voté.

L'autorité de régulation des jeux en ligne, ça c'est voté. C'est en cours d'application. Visiblement ils sont un peu moins, comment dire, enfin ça sera moins drôle que HADOPI. Le filtrage, la première variété de filtrage sur Internet en France, ce sera les sites web des jeux en ligne qui ne sont pas accrédités par le pouvoir. Ça va être moins comique. Visiblement ce qui se prépare est plus sérieux.

Enfin il y a un risque que de débat en débat, et contre lequel vous pouvez vous battre de manière simple, c'est ce que j'appelle le risque opérateur, les opérateurs, depuis longtemps, font n'importe quoi sur Iinternet, et ils le font de plus en plus ouvertement. Lâchement, un des opérateurs connus et apprécié de beaucoup de geeks, a profité du fait que j'étais aux RMLL, et que donc je ne lisais pas les infos pour visiblement faire quelques bêtises. J'attendrais d'avoir vérifié pour dire vraiment ouvertement du mal en donnant des noms.

Il semblerait que l'opérateur avec quatre lettres et deux « e » ait fauté, ait fait un trou dans la neutralité. Un vrai gros. Si ça se confirme, je vous rappelle des opérateurs chez qui vous pouvez avoir accès au réseau, sans trou dans la neutralité, il y en a. Je sais qu'une immense majorité d'entre vous n'y est pas.

Quelque part, on a le réseau qu'on mérite.

Et ben maintenant, je pense qu'on va pouvoir attaquer la partie questions/réponses.

applaudissements

Qui se dévoue pour la première question :

Personne du public : Bonjour, pas vraiment une question, un remerciement à vous qui vous impliquez alors que d'autres n'ont pas forcément le temps. Juste une petite info, que vous avez peut-être sur Numerama... On a jusqu'au 9 Septembre de plus pour la lettre numéro 12, puisque on a dépassé 300 députés qui ont voté.

applaudissement

Benjamin Bayart : Jérémy, je pense que ça vaut le coup, que t'expliques en trois mots ce que c'est, la déclaration écrite numéro 12, et aussi à quoi ça sert.

Jérémy Zimmermann : C'est une déclaration écrite, donc c'est un texte pas législatif, c'est une prise de position politique du parlement Européen à partir du moment ou une majorité de ses membres, soit 369 euro députés, l'ont signée. Et c'est très très chiant de faire signer. Parce qu'il faut que physiquement ils aillent un par un, sur une table qui est près de la plénière, ils prennent leur petit doigt et ils signent un bout de papier. Donc c'est pas l'assistant qui peut mettre un coup de tampon ou un truc comme ça.

On a lancé ça avec quatre euro députés il y a trois mois, il y avait trois mois pour le remplir, on a énormément investi d'énergie et d'argent, pour notamment faire venir des activistes des quatre coins de l'Europe, qui découvrent ce qu'est un Parlement européen, et participent à aller chercher une par une les signatures. C'était la dernière semaine, en théorie. On pensait qu'on allait pas y arriver. Ben finalement on a dépassé les 300, et il se trouve qu'en dépassant les 300, on peut demander de façon exceptionnelle à avoir une semaine de plus. Et donc je pense qu'avec l'effort qui a été fait ici aujourd'hui, et d'autres efforts internes dans le Parlement Européen, on a largement explosé les trois cents. Mon pronostic, et on verra ça plus tard, est plutôt autour des 330, voir 340. Et donc la semaine du 6 au 9 Septembre on aura l'occasion de la terminer. Ça sera plutôt jouable, et que donc le Parlement Européen va prendre, une fois de plus, une position assez ferme, contre l'ACTA, disant notamment qu'il ne faut pas notamment modifier la responsabilité des intermédiaires techniques et garantir le droit à procès équitable. Il reste du boulot, bien sûr.


Benjamin Bayart : En fait les quelques signatures qui manquaient pour obtenir la semaine supplémentaire, qui est en fait la première semaine de la session parlementaire de Septembre, au Parlement Européen, on les a obtenues par ce qu'on a réussi à attraper, un groupe de gens qui sont probablement dans la salle, parlant un petit peu toutes les langues. Je crois qu'on a réussi à appeler des députés en Polonais, en Anglais, en Allemand, en Français, en Espagnol probablement. C'est parce qu'on les a appelés, parce qu'on insiste, en boucle, parce qu'on rappelle, parce qu'on renvoie, parce qu'on écrit, parce qu'on va les voir. Et pour ça, on a besoin que vous le fassiez, parce qu'on a pas 6 bras.

Et j'insiste vraiment, on n'a pas perdu cette bataille ce matin, parce que des gens se sont bougés. Il y a besoin de vous, il y a besoin de vous souvent. Je vous rappelle Dupont-Aignant, il le disait bien, la seule chose que vous pouvez faire, c'est d'emmerder votre député. Faites le ! Pareil avec votre député Européen.

Le plus nombreux vous êtes, à connaître le sujet, à avoir au moins une idée sur l'argumentaire et être capable de demander à votre député Européen préféré, s'il est au courant, pourquoi il a pas fait ci, pourquoi il a fait ça, faites-le. Il y a besoin de vous.

Et c'est encore mieux que ça, j'ai fait partie de l'équipe qui a organisé ça, avec