TheorieNoyau

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L'Office européen des brevets, la « théorie du noyau » et les « effets techniques »

Jozef Halbersztadt, examinateur à l'office polonais des brevets, décrit la manière dont les pratique de l'Office européen des brevets (OEB) ont évolué au cours du temps, comment la Pologne traitait le sujet des brevets logiciels jusqu'à sa récente entrée dans l'Organisation européenne des brevets et comment, selon lui, la directive européenne sur les brevets logiciels devrait être amendée pour mettre un terme à l'application erronée du droit des brevets aux logiciels de la part de l'OEB.

Introduction

Jusqu'en 2004, la Pologne n'était pas membre de l'Organisation européenne des brevets et se trouvait en dehors des principaux échanges économiques depuis des dizaines d'années. Cependant, nous avons un office des brevets bien établi depuis 85 ans. Comme beaucoup d'autres pays européens plus petits, tels que l'AUtriche, la République Tchèque ou les Pays-Bas, la Pologne a également suivi les standards et les traditions allemandes relatifs aux brevets.

Jusqu'à ce jour, les demandes de brevets logiciels proviennent, à quelques exception près, de l'étranger. Elles ne sont pas très nombreuse et l'Office polonais des brevets ne suit pas souvent la ligne de l'OEB. Toutefois, quelle est exactement la ligne de l'OEB ?

Histoire de la CBE

L'approche européenne pour les brevets, comme toute entreprise européenne, est mitigée : une synthèse de la diversité existante. Les deux principaux architectes de la position commune ont été les allemands et les britanniques.


Comme on le sait probablement, "technicality" (caractère technique) n'est pas un terme très clair en anglais. En allemand et dans beaucoup d'autres langues continentales, cela signifie avoir un caractère physique, matériel ; en anglais, c'est proche d'"être utile".

Peut-être pour cette raison, le mot "technique" est absent du premier paragraphe de l'article 52 de la Convention sur le brevet européen (CBE). À la place, ses fondateurs ont énuméré une liste d'activités non techniques en tant qu'exemples de sujets n'étant pas considérés comme des inventions. Je suspecte que lorsque les brevets européens sont nés, personne n'imaginait qu'il y aurait des problèmes. La liste était vue, même avec la limitation "en tant que tels", comme un solide rempart contre la brevetabilité malvenue de sujets intangibles.

La digue a tout de même été rompue, mais pas parce que les Anglo-Saxons ne pouvaient pas comprendre le sens précis du mot "technique". Cela peut être problématique pour eux, mais néanmoins je ne connais aucune décision des chambres de recours dans laquelle "technique" ne signifierait pas "physique", "matériel".

La prérogative rompue

La digue a été rompue à un autre endroit et le problème avec le caractère technique n'est qu'un produit dérivé de ce point principal. La principale "innovation" dans la pratique européenne du brevet ne réside pas dans la Convention sur le brevet européen. On peut cependant en trouver une trace dans les Dispositions d'application de la Convention (remarque : ces dernières peuvent être modifiée de manière indépendante par le Conseil d'administration de l'OEB sans nécessiter de conférence diplomatique).

Mais il ne s'agit que d'une trace et l'on peut se demander pourquoi une disposition, règulant la description d'un brevet et obligeant le déposant à indiquer les avantages apportés par l'invention (i.e. les effets produits), introduit-elle un tel changement fondamental :

La description doit (...) exposer l'invention, telle qu'elle est caractérisée dans les revendications, en des termes permettant la compréhension du __problème technique__, même s'il n'est pas expressément désigné comme tel, et celle de la solution de ce problème ; indiquer en outre, le cas échéant, les avantages apportés par l'invention par rapport à l'état de la technique antérieure ;

(Règle 42 CBE 2000)

Ce changement fondamental, que la CBE a entraîné (en Pologne) est l'approche "problème-solution(-effets)"

La théorie du "noyau"

Avant l'arrivée de la CBE, la tâche d'un examinateur de brevets était de trouver les caractéristiques essentielles de l'invention (dans les revendications) et de rechercher et examiner si elles étaient brevetables ou non. Les Allemands ont formalisé ce procédé sous le nom de théorie du "noyau".

La première étape de la méthode du "noyau" appliquée à un objet brevetable possédant des caractéristiques techniques et non techniques revenait à soupeser ces deux catégories de caractéristiques et à choisir celle qui prévalait. L'objet n'était potentiellement brevetable que si les caratéristiques techniques étaient plus essentielles.

À première vue, la règle n'est pas changée en ce que l'étendue de la protection est déterminé par les caractéristiques techniques exposées dans les revendications :

Les revendications doivent définir, en indiquant les caractéristiques techniques de l'invention, l'objet de la demande pour lequel la protection est recherchée.

(Règle 43 CBE 2000)

L'approche problème-solution-effets

Cependant, l'OEB a remplacé la recherche des caractéristiques les plus essentielles (la théorie du "noyau") par celle de la tâche objective (le problème) consistant à changer ou adapter l'état de la technique le plus proche et d'indiquer les effets produits par la solution par rapport à l'état antérieur de la technique.

Selon la jurisprudence de l'OEB, la contribution technique à l'état de la technique peut résider soit dans le problème sous-jacent et résolu, soit dans les moyens constituant la solution au problème sous-jacent, soit dans les effets produits par la solution au problème sous-jacent.

Implications pratiques

Après que l'OEB a écarté la théorie du "noyau", seuls les objets avec des caractéristiques purement non techniques sont devenus non brevetables par définition. Une seule caractéristique technique suffit à considérer l'objet comme étant brevetable. Même un objet sans aucune caractéristique technique est brevetable, pourvu qu'il produise potentiellement un effet technique.

Comme le montrent les exemples suivants, cette exigence d'un potentiel à produire un effet technique peut être très vague. Dans le brevet européen Karmarkar (une méthode théorique d'allocation - une grande réussite mathématique sophistiquée), la revendication que des "ressources industrielles et techniques" sont allouées est le seul facteur conférant à l'algorithme un caractère physique.

Pratique actuelle de l'OEB

Cette décision de l'OEB date de 1990. Comme on le constate, le principe de "l'effet technique supplémentaire" est né très précocement. Il a cependant fallu attendre 2001 pour qu'il soit écrit dans les directives relatives à l’examen de l'OEB. La directive européenne rejetée par le Parlement en 2005 tentait de légitimer ce principe. Aucun des amendements proposés par le Parlement ne traitait de ce problème et une règle claire interdisant toute revendication postérieure à la solution est toujours nécessaire. Par exemple :

Si le couple problème-solution est déjà résolu par une solution abstraite à un problème abstrait avant sa mise en oeuvre dans un domaine technique, l'objet n'est pas brevetable.

Auparavant, dans les années 80, le fait de conférer un caractère technique par une activité postérieure à la solution était explicitement interdit par les directives relatives à l’examen de l'Office des brevets des États-Unis.

Aujourd'hui, si l'OEB trouve qu'une demande est essentiellement non technique mais qu'il existe quelques soupçons de technicité - et comme on peut s'y attendre, ceux-ci sont généralement artificiels -, il doit prouver que cette technicité est connue et évidente.

Ce n'est pas une tâche facile, car selon la jurisprudence, l'examinateur n'est pas autorisé à faire calquer un document sur un autre. Il doit prouver qu'il existe un lien entre eux. Et dans le cas où une objection est soulevée, ce n'est pas parce que l'objet manque de technicité. De telles demandes sont rejetées à cause d'un manque d'activité.

Ainsi, le brevet COMVIK a été révoqué pour manque d'activité inventive. Aucun amendement à la directive ne visait à changer cette situation.

Propositions de solutions

Il est toutefois possible de le faire, comme le prouvent les propositions suivantes :

(1) La version polonaise de l'article 84 de la CBE

Les revendications définissent l'objet de la protection demandée. Elles doivent être claires...

Cet article est utilisé pour rejeter les revendications de moyen et fonction lorsqu'elles couvrent la non-technicité de la demande.

(2) La version polonaise de l'article 52 de la CBE, qui n'a été ajouté au droit qu'en 2000, omet l'expression "en tant que tels". En outre, la régulation du Premier ministre a été clairement façonnée d'après la "clause de tangibilité" de la célèbre décision historique Red Dove / Disposition program, selon laquelle une demande de brevet ne doit pas être considérée comme une invention lorsque :

elle ne concerne aucune création tangible susceptible d'application, déterminée au moyen des caractéristiques techniques relatives à sa structure ou sa composition, ni aucun moyen technique particulier par lequelle elle affecte une matière.

(3) Le texte précédemment cité interdisant les revendications postérieures à la solution :

Si le couple problème-solution est déjà résolu par une solution abstraite à un problème abstrait avant sa mise en oeuvre dans un domaine technique, l'objet n'est pas brevetable.

Références sur la théorie du noyau