Différences entre les versions de « Technopolice et contrôle numérique - HEBDO - Fréquence Paris Plurielle »

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<b>Laure : </b>Bonjour. Vous êtes à l’écoute de Fréquence Paris Plurielle 106.3 et c’est l’heure de <em>L’HEBDO</em> à nouveau en direct.<br/>
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Aujourd’hui, nous nous intéresserons au contrôle numérique qui s’installe de plus en plus dans nos sociétés. Pour répondre à nos questions Mathieu et Benoît de La Quadrature du Net sont en studio avec Julia. Moi je suis au téléphone et c‘est Lucien qui assure la technique. Bonjour à vous tous.
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<b>Julia : </b>Bonjour.
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<b>Benoît : </b>Bonjour.
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<b>Mathieu  : </b>Bonjour.
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<b>Laure : </b>Depuis le 11 septembre 2001 nous avons constaté une érosion continuelle de nos libertés individuelles. La pandémie du covid-19 que nous subissons actuellement a été un élément supplémentaire pour permettre la surveillance et le contrôle numérique accru de nos sociétés sous ouvert de nous protéger avec l’éternelle justification « c’est pour votre bien ».
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On va s’intéresser à ce qui se passe en France, mais en gardant toujours à l’esprit que c’est un phénomène généralisé.<br/>
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Julia, je te laisse la parole.<br/>
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<b>Julia : </b>Laure, tu viens de nous souligner l’importance du numérique et des technologies de surveillance dans la dérive sécuritaire de nos sociétés. Pour commencer je vais m’adresser à nos invités pour leur demander quelle est la raison d’être de La Quadrature du Net. Qu’est-ce qui vous motive ? Et aussi votre participation à la campagne Technopolice.
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<b>Benoît : </b>La Quadrature du Net est une association qui existe depuis 2008 suite à la Hadopi qui a poussé un peu à la création de cette association. Elle vise à la protection des droits et libertés dans l’espace numérique, donc elle adresse différents sujets, elle adresse des sujets liés à la surveillance, comme on en parle aujourd’hui, mais elle adresse aussi des sujets liés au droit d’auteur dans l’espace numérique, donc le droit d’auteur sur Internet, la copie, le téléchargement, qui est justement un des premiers sujets liés à sa création avec la Hadopi. Et puis tout un tas d’autre sujets liés à la censure par exemple, liés aux grandes plateformes et à la lutte contre les grandes plateformes, à la centralisation d’Internet sur des services américains vraiment centralisés, et tout un tas d’autres sujets dont on pourra éventuellement parler.
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<b>Julia : </b>Et par rapport à la campagne Technopolice ?
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<b>Benoît : </b>On a lancé en septembre 2019 une campagne qui dépasse vraiment le cadre de La Quadrature du Net, qui se nomme Technopolice, sur la surveillance dans l’espace public, dans l’espace urbain.<br/>
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Cette campagne a été lancée à l’occasion d’un contentieux contre les villes de Marseille et Nice qui souhaitaient installer des systèmes de reconnaissance faciale à l’entrée de deux lycées, un à Marseille et à Nice justement. Donc on a travaillé sur ce sujet avec la CGT-Éducation, avec la FCPE et la Ligue des droits de l’homme de Nice, pour interdire finalement, pour empêcher l’installation de ces portails de reconnaissance faciale à l’entrée des lycées ce qui était, pour nous, un très mauvais message à la future génération qui se retrouvait, finalement dès son plus jeune âge soumise à une surveillance extrêmement intrusive, puisque s’attaquant à des
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données biométriques, vraiment à leur visage, qui les autorisaient, ou pas, à rentrer dans leur propre lycée.<br/>
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On a lancé à cette occasion un certain nombre d’outils permettant au plus grand nombre de gens de participer à cette campagne, puisqu’il y a un forum, forum.technopolice.fr, qui permet à tout un chacun de s’inscrire et on espère, et c’est déjà un peu le cas aujourd’hui, qu’un maximum de gens tout autour du pays participent et remontent des informations qui sont finalement très localisées. C’est pour ça que c’est très compliqué pour La Quadrature en elle-même de travailler sur ce sujet toute seule, parce que ce sont des outils qui sont déployés vraiment au niveau des villes ou au niveau des collectivités locales, donc on n’a pas du tout le pouvoir de faire ça nous-mêmes donc on demande au plus grand nombre de s’inscrire et de venir rapporter ce qui se passe localement dans leurs collectivités.
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<b>Mathieu : </b>Et ça marche !
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<b>Julia : </b>C’est-à-dire ?
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<b>Mathieu : </b>C’est-à-dire qu’on a tout tas d’initiatives locales, de particuliers ou même de structures associatives qui font des démarches pour se renseigner sur les projets ou les installations dans leur ville et qui partagent ces informations avec d’autres grâce à notre site, entre autres. Ça permet de faire des recoupements et de voir qu’il y a tout un réseau d’entreprises privées, qui sont très connues par ailleurs, qui sont de grandes entreprises comme Benoît aide-moi pour les noms.
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<b>Benoît : </b>On a ???, Engie, Thalès
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<b>Mathieu : </b>Donc qui travaillent soit dans l’armement soit dans d’autres services fournis aux municipalités. Engie évidemment c’est l’électricité, l’énergie, tout le monde connaît.<br/>
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L’intérêt de cette campagne c’est de recouper à la fois des initiatives locales et de les recouper au niveau national pour dégager des logiques et nommer les acteurs de ce flicage généralisé de la population qui est en train de s’installer.
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<b>Julia : </b>D’accord. Laure à toi la parole.
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<b>Laure : </b>Ma question va croiser un petit peu celle que Julia a posée par rapport au départ de ce contrôle numérique avec la loi Hadopi. Chaque crise qu’on a connue, les attentats terroristes du 11 septembre 2001 aux États-Unis, ceux pour la France de janvier et novembre 2015 ont été l’occasion de mettre en place une régression des libertés publiques. Est-ce que vous pouvez nous rappeler les lois qui ont été mises en place à chacune de ces crises et nous expliquer comment elles s’insèrent finalement dans ce contrôle numérique, ne serait-ce que lorsqu’on navigue sur Internet ?
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<b>Benoît : </b>Ça va être très difficile de faire une liste exhaustive de ces lois parce qu’en fait il y en pratiquement une, minimum, par an depuis 15 ans, voire deux par an depuis 15 ans. Majoritairement ce qu’on appelle les lois renseignement, les lois de programmation militaire aussi qu’il y a tous les ans ou tous les deux ans. Au sein de ces lois se cachent très souvent tout un tas de dispositifs qui permettent d’enregistrer des informations, par exemple d’enregistrer les données de connexion des gens qui utilisent Internet, enregistrer les connexions à certains sites, mais aussi les services – ça c’est une obligation en France : chacun des services est obligé les données de connexion des gens qui sont venus publier de choses sur leur plateforme pendant un an. C’est quelque chose, par exemple, qu’on a attaqué devant la Cour de justice de l’Union européenne.<br/>
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Il y a aussi les boîtes noires, ce qu’on appelle des boîtes noires qui sont en fait des systèmes d’enregistrement du comportement des internautes en ligne pour essayer de déterminer s’ils n’auraient pas des comportements vis-à-vis des sites qu’ils vont voir en ligne qui seraient une démonstration d’une radicalisation. D’ailleurs il y a eu rapport en fin d’année dernière démontrant que ça ne fonctionnait absolument pas, mais comme ça ne fonctionne pas, eh bien le gouvernement a décidé de prolonger de manière tout à fait naturelle.<br/>
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Ce serait difficile de faire une liste exhaustive de l’ensemble des dispositifs qui sont mis en place depuis 2015 et même avant parce que, comme vous disiez, ça ne date pas uniquement des attentats parisiens, mais bien avant. Depuis au moins 2001 l’État décide d’utiliser contre nous les capacités de surveillance qui sont amenées avec Internet. C’est quelque chose contre lequel il faut qu’on lutte de manière assez importante parce que finalement cet outil d’émancipation est retenu nous, est utilisé contre nous.
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<b>Julia : </b>Laure, si tu me permets, on va altérer un petit peu l’ordre de notre émission, parce qu’on a parlé des boîtes noires.
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<b>Laure : </b>Tout à fait. Je te laisse approfondir la question.
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<b>Julia : </b>Justement, c’est lié à la loi ??? de sécurité intérieure de lutte contre le terrorisme. Benoît vient de nous dire qu’elle a été prorogée au moins jusqu’à la fin de l’année, toujours au nom de la crise sanitaire. Je ne vois pas en quoi ça peut nous protéger du covid, mais bon ! Ces boîtes noires c’est aussi nous manipuler…
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<b>Benoît : </b>Il me semble purement de l’organisation, c’est-à-dire qu’il n’était pas possible de voter la loi permettant la réduction à cause justement du décalage.
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<b>Julia : </b>Dans ce sens-là, d’accord.
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<b>Benoît : </b>C’est ça. À cause du décalage de l’organisation à l’Assemblée nationale, donc pour être sûrs ça n’allait pas légalement tomber ils se sont dépêchés de le proroger au moins jusqu’à la fin de l’année.
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<b>Julia : </b>D’accord. Quand même, ces boites noires permettent de brasser des mégadonnées sur la base d’algorithmes qui déterminent justement ce que peut être un comportement déviant, etc. Quelles autres incidences il y a sur notre société finalement, le fait de gérer, de contrôler par la voie d’algorithmes ?
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<b>Benoît : </b>Là c’est très vaste.
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<b>Mathieu : </b>C’est une question immense.
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<b>Benoît : </b>C’est une question à tiroirs parce que les algorithmes sont utilisés partout pour prendre des décisions et pas seulement dans les boîtes noires. En effet, on se rend là par exemple dans les boîtes noires que ça ne fonctionne pas, c’est-à-dire que soit il n’y a pas tant de comportements déviants que ça, ce qui fait que les boîtes noires ont un résultat très faible, je crois qu’il y a eu une signalisation de comportement dit déviant, mais on ne saura pas que ce que c’est puisqu’ils ne vont pas publier exactement l’algorithme décidant que quelqu’un est déviant. Soit, finalement, la manière de transformer ce qu’est un comportement déviant pour nos politiques en algorithme, eh bien ça ne fonctionne pas. On pourrait donner un deuxième exemple très intéressant qui est StopCovid. L’application StopCovid, c’est pareil, on essaye de transformer ce que c’est qu’une contamination pour un infectiologue, pour un médecin, de quelle manière quelqu’un contamine une autre personne, on le transforme en algorithme et on voit bien que ne fonctionne pas non plus, c’est-à-dire que soit les données initiales ne sont pas les bonnes, c’est-à-dire qu’on n’a pas choisi la bonne méthode de contamination, on ne sait pas finalement comment on est contaminé, soit la transformation en algorithme, en fait, est erronée. Je rappelle StopCovid c’est : vous êtes considéré comme potentiellement contaminé si vous êtes resté en contact avec une personne qui <em>a posteriori</em> s’est déclarée contaminée pendant au moins 15 minutes à moins d’un mètre de distance. Ça c’est une manière de transformer en algorithme une donnée qui est finalement physique, linéaire, continue de notre monde réel. Et c’est très compliqué, finalement, de transformer une donnée réelle en donnée algorithmique. Et là, typiquement sur les boîtes noires, en plus on ne saura jamais ce qui se cache derrière cet algorithme, mais on voit bien qu’il y a quelque chose qui ne marche pas.
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<b>Laure : </b>Pardon. Je veux juste intervenir pour dire que en plus, effectivement, la dérive de ces boîtes noires parce que là bon c’est StopCovid, là c’est pour voir une éventuelle radicalisation, mais enfin ça peut s’appliquer à n’importe quel militant, qui va par exemple souvent sur certains sites très régulièrement et qui peut être pointé du doigt comme quelqu’un de potentiellement dangereux.
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==12’ 13==
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<b>Benoît : </b>Bien sûr.

Version du 25 septembre 2020 à 13:00


Titre : Technopolice et contrôle numérique

Intervenant·e·s : Mathieu - Benoit - Julia - Laure

Lieu : L’HEBDO - Fréquence Paris Plurielle

Date : 5 septembre 2020

Durée : 51 min 15

Écouter ou enregistrer le podcast

Licence de la transcription : Verbatim

Illustration :

NB : transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.

Transcrit : MO

Transcription

Laure : Bonjour. Vous êtes à l’écoute de Fréquence Paris Plurielle 106.3 et c’est l’heure de L’HEBDO à nouveau en direct.
Aujourd’hui, nous nous intéresserons au contrôle numérique qui s’installe de plus en plus dans nos sociétés. Pour répondre à nos questions Mathieu et Benoît de La Quadrature du Net sont en studio avec Julia. Moi je suis au téléphone et c‘est Lucien qui assure la technique. Bonjour à vous tous.

Julia : Bonjour.

Benoît : Bonjour.

Mathieu  : Bonjour.

Laure : Depuis le 11 septembre 2001 nous avons constaté une érosion continuelle de nos libertés individuelles. La pandémie du covid-19 que nous subissons actuellement a été un élément supplémentaire pour permettre la surveillance et le contrôle numérique accru de nos sociétés sous ouvert de nous protéger avec l’éternelle justification « c’est pour votre bien ». On va s’intéresser à ce qui se passe en France, mais en gardant toujours à l’esprit que c’est un phénomène généralisé.
Julia, je te laisse la parole.

Julia : Laure, tu viens de nous souligner l’importance du numérique et des technologies de surveillance dans la dérive sécuritaire de nos sociétés. Pour commencer je vais m’adresser à nos invités pour leur demander quelle est la raison d’être de La Quadrature du Net. Qu’est-ce qui vous motive ? Et aussi votre participation à la campagne Technopolice.

Benoît : La Quadrature du Net est une association qui existe depuis 2008 suite à la Hadopi qui a poussé un peu à la création de cette association. Elle vise à la protection des droits et libertés dans l’espace numérique, donc elle adresse différents sujets, elle adresse des sujets liés à la surveillance, comme on en parle aujourd’hui, mais elle adresse aussi des sujets liés au droit d’auteur dans l’espace numérique, donc le droit d’auteur sur Internet, la copie, le téléchargement, qui est justement un des premiers sujets liés à sa création avec la Hadopi. Et puis tout un tas d’autre sujets liés à la censure par exemple, liés aux grandes plateformes et à la lutte contre les grandes plateformes, à la centralisation d’Internet sur des services américains vraiment centralisés, et tout un tas d’autres sujets dont on pourra éventuellement parler.

Julia : Et par rapport à la campagne Technopolice ?

Benoît : On a lancé en septembre 2019 une campagne qui dépasse vraiment le cadre de La Quadrature du Net, qui se nomme Technopolice, sur la surveillance dans l’espace public, dans l’espace urbain.
Cette campagne a été lancée à l’occasion d’un contentieux contre les villes de Marseille et Nice qui souhaitaient installer des systèmes de reconnaissance faciale à l’entrée de deux lycées, un à Marseille et à Nice justement. Donc on a travaillé sur ce sujet avec la CGT-Éducation, avec la FCPE et la Ligue des droits de l’homme de Nice, pour interdire finalement, pour empêcher l’installation de ces portails de reconnaissance faciale à l’entrée des lycées ce qui était, pour nous, un très mauvais message à la future génération qui se retrouvait, finalement dès son plus jeune âge soumise à une surveillance extrêmement intrusive, puisque s’attaquant à des

données biométriques, vraiment à leur visage, qui les autorisaient, ou pas, à rentrer dans leur propre lycée.
On a lancé à cette occasion un certain nombre d’outils permettant au plus grand nombre de gens de participer à cette campagne, puisqu’il y a un forum, forum.technopolice.fr, qui permet à tout un chacun de s’inscrire et on espère, et c’est déjà un peu le cas aujourd’hui, qu’un maximum de gens tout autour du pays participent et remontent des informations qui sont finalement très localisées. C’est pour ça que c’est très compliqué pour La Quadrature en elle-même de travailler sur ce sujet toute seule, parce que ce sont des outils qui sont déployés vraiment au niveau des villes ou au niveau des collectivités locales, donc on n’a pas du tout le pouvoir de faire ça nous-mêmes donc on demande au plus grand nombre de s’inscrire et de venir rapporter ce qui se passe localement dans leurs collectivités.

Mathieu : Et ça marche !

Julia : C’est-à-dire ?

Mathieu : C’est-à-dire qu’on a tout tas d’initiatives locales, de particuliers ou même de structures associatives qui font des démarches pour se renseigner sur les projets ou les installations dans leur ville et qui partagent ces informations avec d’autres grâce à notre site, entre autres. Ça permet de faire des recoupements et de voir qu’il y a tout un réseau d’entreprises privées, qui sont très connues par ailleurs, qui sont de grandes entreprises comme Benoît aide-moi pour les noms.

Benoît : On a ???, Engie, Thalès

Mathieu : Donc qui travaillent soit dans l’armement soit dans d’autres services fournis aux municipalités. Engie évidemment c’est l’électricité, l’énergie, tout le monde connaît.
L’intérêt de cette campagne c’est de recouper à la fois des initiatives locales et de les recouper au niveau national pour dégager des logiques et nommer les acteurs de ce flicage généralisé de la population qui est en train de s’installer.

Julia : D’accord. Laure à toi la parole.

Laure : Ma question va croiser un petit peu celle que Julia a posée par rapport au départ de ce contrôle numérique avec la loi Hadopi. Chaque crise qu’on a connue, les attentats terroristes du 11 septembre 2001 aux États-Unis, ceux pour la France de janvier et novembre 2015 ont été l’occasion de mettre en place une régression des libertés publiques. Est-ce que vous pouvez nous rappeler les lois qui ont été mises en place à chacune de ces crises et nous expliquer comment elles s’insèrent finalement dans ce contrôle numérique, ne serait-ce que lorsqu’on navigue sur Internet ?

Benoît : Ça va être très difficile de faire une liste exhaustive de ces lois parce qu’en fait il y en pratiquement une, minimum, par an depuis 15 ans, voire deux par an depuis 15 ans. Majoritairement ce qu’on appelle les lois renseignement, les lois de programmation militaire aussi qu’il y a tous les ans ou tous les deux ans. Au sein de ces lois se cachent très souvent tout un tas de dispositifs qui permettent d’enregistrer des informations, par exemple d’enregistrer les données de connexion des gens qui utilisent Internet, enregistrer les connexions à certains sites, mais aussi les services – ça c’est une obligation en France : chacun des services est obligé les données de connexion des gens qui sont venus publier de choses sur leur plateforme pendant un an. C’est quelque chose, par exemple, qu’on a attaqué devant la Cour de justice de l’Union européenne.
Il y a aussi les boîtes noires, ce qu’on appelle des boîtes noires qui sont en fait des systèmes d’enregistrement du comportement des internautes en ligne pour essayer de déterminer s’ils n’auraient pas des comportements vis-à-vis des sites qu’ils vont voir en ligne qui seraient une démonstration d’une radicalisation. D’ailleurs il y a eu rapport en fin d’année dernière démontrant que ça ne fonctionnait absolument pas, mais comme ça ne fonctionne pas, eh bien le gouvernement a décidé de prolonger de manière tout à fait naturelle.
Ce serait difficile de faire une liste exhaustive de l’ensemble des dispositifs qui sont mis en place depuis 2015 et même avant parce que, comme vous disiez, ça ne date pas uniquement des attentats parisiens, mais bien avant. Depuis au moins 2001 l’État décide d’utiliser contre nous les capacités de surveillance qui sont amenées avec Internet. C’est quelque chose contre lequel il faut qu’on lutte de manière assez importante parce que finalement cet outil d’émancipation est retenu nous, est utilisé contre nous.

Julia : Laure, si tu me permets, on va altérer un petit peu l’ordre de notre émission, parce qu’on a parlé des boîtes noires.

Laure : Tout à fait. Je te laisse approfondir la question.

Julia : Justement, c’est lié à la loi ??? de sécurité intérieure de lutte contre le terrorisme. Benoît vient de nous dire qu’elle a été prorogée au moins jusqu’à la fin de l’année, toujours au nom de la crise sanitaire. Je ne vois pas en quoi ça peut nous protéger du covid, mais bon ! Ces boîtes noires c’est aussi nous manipuler…

Benoît : Il me semble purement de l’organisation, c’est-à-dire qu’il n’était pas possible de voter la loi permettant la réduction à cause justement du décalage.

Julia : Dans ce sens-là, d’accord.

Benoît : C’est ça. À cause du décalage de l’organisation à l’Assemblée nationale, donc pour être sûrs ça n’allait pas légalement tomber ils se sont dépêchés de le proroger au moins jusqu’à la fin de l’année.

Julia : D’accord. Quand même, ces boites noires permettent de brasser des mégadonnées sur la base d’algorithmes qui déterminent justement ce que peut être un comportement déviant, etc. Quelles autres incidences il y a sur notre société finalement, le fait de gérer, de contrôler par la voie d’algorithmes ?

Benoît : Là c’est très vaste.

Mathieu : C’est une question immense.

Benoît : C’est une question à tiroirs parce que les algorithmes sont utilisés partout pour prendre des décisions et pas seulement dans les boîtes noires. En effet, on se rend là par exemple dans les boîtes noires que ça ne fonctionne pas, c’est-à-dire que soit il n’y a pas tant de comportements déviants que ça, ce qui fait que les boîtes noires ont un résultat très faible, je crois qu’il y a eu une signalisation de comportement dit déviant, mais on ne saura pas que ce que c’est puisqu’ils ne vont pas publier exactement l’algorithme décidant que quelqu’un est déviant. Soit, finalement, la manière de transformer ce qu’est un comportement déviant pour nos politiques en algorithme, eh bien ça ne fonctionne pas. On pourrait donner un deuxième exemple très intéressant qui est StopCovid. L’application StopCovid, c’est pareil, on essaye de transformer ce que c’est qu’une contamination pour un infectiologue, pour un médecin, de quelle manière quelqu’un contamine une autre personne, on le transforme en algorithme et on voit bien que ne fonctionne pas non plus, c’est-à-dire que soit les données initiales ne sont pas les bonnes, c’est-à-dire qu’on n’a pas choisi la bonne méthode de contamination, on ne sait pas finalement comment on est contaminé, soit la transformation en algorithme, en fait, est erronée. Je rappelle StopCovid c’est : vous êtes considéré comme potentiellement contaminé si vous êtes resté en contact avec une personne qui a posteriori s’est déclarée contaminée pendant au moins 15 minutes à moins d’un mètre de distance. Ça c’est une manière de transformer en algorithme une donnée qui est finalement physique, linéaire, continue de notre monde réel. Et c’est très compliqué, finalement, de transformer une donnée réelle en donnée algorithmique. Et là, typiquement sur les boîtes noires, en plus on ne saura jamais ce qui se cache derrière cet algorithme, mais on voit bien qu’il y a quelque chose qui ne marche pas.

Laure : Pardon. Je veux juste intervenir pour dire que en plus, effectivement, la dérive de ces boîtes noires parce que là bon c’est StopCovid, là c’est pour voir une éventuelle radicalisation, mais enfin ça peut s’appliquer à n’importe quel militant, qui va par exemple souvent sur certains sites très régulièrement et qui peut être pointé du doigt comme quelqu’un de potentiellement dangereux.

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Benoît : Bien sûr.