Différences entre les versions de « Table ronde avec Henri Emmanuelli aux RMLL 2008 »

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<b>Gilles Gouget : </b>Je confirme. Là on l’a vu avec la création d’une SSLL [société de services en logiciels libres, NdT], qui va exporter le savoir-faire acquis au travers de l’expérience de Landes Mutualité. On l’avait vu aussi avec le CHU de Tourcoing où là, il s’était agi, avec les économies réalisées, de monter une boîte de formation, tout d’abord à destination des salariés du CHU qui avaient migré, qui avaient changé d’outil. Et puis, très rapidement, ils se sont rendu compte qu’ils pouvaient former 350 personnes par an, donc maintenant ils forment d’autres personnels d’autres hôpitaux. Donc là aussi, il y a peut-être un modèle économique qui est intéressant pour, finalement, en quelque sorte, s’approprier en tant qu’entreprise ces technologies et les redistribuer par la suite.
 
<b>Gilles Gouget : </b>Je confirme. Là on l’a vu avec la création d’une SSLL [société de services en logiciels libres, NdT], qui va exporter le savoir-faire acquis au travers de l’expérience de Landes Mutualité. On l’avait vu aussi avec le CHU de Tourcoing où là, il s’était agi, avec les économies réalisées, de monter une boîte de formation, tout d’abord à destination des salariés du CHU qui avaient migré, qui avaient changé d’outil. Et puis, très rapidement, ils se sont rendu compte qu’ils pouvaient former 350 personnes par an, donc maintenant ils forment d’autres personnels d’autres hôpitaux. Donc là aussi, il y a peut-être un modèle économique qui est intéressant pour, finalement, en quelque sorte, s’approprier en tant qu’entreprise ces technologies et les redistribuer par la suite.
  
<b>Henri Emmanuelli : </b>Oui, mais il y a un problème. Par exemple une collectivité locale, nous on a déployé 8&nbsp;000 machines cette année. Nous les faisons <em>mastériser</em> par des sociétés privées, on ne peut pas faire ça nous-mêmes. Pour les faire <em>mastériser</em>, il faut passer par un appel d’offres. Quand on lance un appel d’offres, on n’a pas de sociétés qui répondent et qui soient capables de mettre des logiciels libres. Donc c’est comme ça qu’on se retrouve sur Windows. Il y a ce petit <em>gap</em> là, vous voyez ? On ne peut pas faire du gré à gré. On ne peut pas aller trouver quelqu’un parce qu’on enfreindrait les règles de la comptabilité publique. Il faudrait peut-être qu’il y a quelques sociétés privées qui se mettent sur ce créneau. Pour l’instant, je ne sais pas s’il en existe, mais nous, on n’a pas eu de réponse, en tout cas. C’est un détail, mais qui a importance.
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<b>Henri Emmanuelli : </b>Oui, mais il y a un problème. Par exemple une collectivité locale, nous on a déployé 8&nbsp;000 machines cette année. Nous les faisons <em>masteriser</em> par des sociétés privées, on ne peut pas faire ça nous-mêmes. Pour les faire <em>masteriser</em>, il faut passer par un appel d’offres. Quand on lance un appel d’offres, on n’a pas de sociétés qui répondent et qui soient capables de mettre des logiciels libres. Donc c’est comme ça qu’on se retrouve sur Windows. Il y a ce petit <em>gap</em> là, vous voyez ? On ne peut pas faire du gré à gré. On ne peut pas aller trouver quelqu’un parce qu’on enfreindrait les règles de la comptabilité publique. Il faudrait peut-être qu’il y a quelques sociétés privées qui se mettent sur ce créneau. Pour l’instant, je ne sais pas s’il en existe, mais nous, on n’a pas eu de réponse, en tout cas. C’est un petit détail, mais qui a importance.
  
 
<b>Gilles Gouget : </b>Tout à fait. Il faut miser sur le développement : souhaitons simplement qu’il y ait de plus en plus de SSLL qui soient présentes sur le marché.
 
<b>Gilles Gouget : </b>Tout à fait. Il faut miser sur le développement : souhaitons simplement qu’il y ait de plus en plus de SSLL qui soient présentes sur le marché.
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<b>Henri Emmanuelli : </b>J’ai compris. Il va monter une boîte !
 
<b>Henri Emmanuelli : </b>J’ai compris. Il va monter une boîte !
  
<b>Jean-Christophe Elineau : </b>Non !
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<b>Jean-Christophe Elineau : </b>Non, Monsieur Emmanuelli ! Non !
  
 
<b>Henri Emmanuelli : </b>On ne vous l’enlève pas !
 
<b>Henri Emmanuelli : </b>On ne vous l’enlève pas !
  
<b>Jacques Marsant : </b>Non, non ! Absolument pas ! Je crois que, si vous voulez, la dynamique dans laquelle s’est mise la structure : quand vous avez comme ça une équipe d’informaticiens axés sur le logiciel libre, dans une entreprise quelle qu’elle soit.
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<b>Jacques Marsant : </b>Non, non ! Absolument pas ! Je crois que, si vous voulez, la dynamique dans laquelle s’est mise la structure : quand vous avez comme ça une équipe d’informaticiens axés sur le logiciel libre, dans une entreprise quelle qu’elle soit.
  
<b>Henri Emmanuelli : </b>On est sur un lieu unique. On ne peut pas être sur trente-six sites !
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<b>Henri Emmanuelli : </b>Oui, mais vous êtes sur un lieu unique. On ne peut pas aller sur trente-six sites !
  
 
<b>Jacques Marsant : </b>Mais, si vous voulez, ce sont des gens qui, comment vous expliquer, c’est une véritable entreprise à l’intérieur de l’entreprise. Et quand on a vu cette dynamique-là, le conseil d’administration s’est dit : « Pourquoi ne pas essayer d’aller plus loin » et donc, nous avons créé cette SSLL. Et dans cette SSLL, c’est vrai que les acteurs de la SSLL vont être tous ces passionnés de logiciel libre ; c’est pour ça que je ne doute pas de la réussite de ce que nous allons faire. D’abord parce qu’il y a des passionnés qui vont être les acteurs du développement - ce sont des gens qui se connaissent entre eux ; ensuite nous avons des moyens. Il faut savoir qu’aujourd’hui, la SSLL que nous avons constituée, elle est dotée d’un capital de 2,6 millions d’euros. Donc nous n’avons pas fait ça en mettant simplement 30&nbsp;000 euros sur la table ; nous avons mis les moyens permettant. C’est un investissement, une vision dans l’avenir, mais on pense que c’est nécessaire par rapport à notre activité. Et ensuite, deuxièmement on est dans une logique de mutualisation de coûts.
 
<b>Jacques Marsant : </b>Mais, si vous voulez, ce sont des gens qui, comment vous expliquer, c’est une véritable entreprise à l’intérieur de l’entreprise. Et quand on a vu cette dynamique-là, le conseil d’administration s’est dit : « Pourquoi ne pas essayer d’aller plus loin » et donc, nous avons créé cette SSLL. Et dans cette SSLL, c’est vrai que les acteurs de la SSLL vont être tous ces passionnés de logiciel libre ; c’est pour ça que je ne doute pas de la réussite de ce que nous allons faire. D’abord parce qu’il y a des passionnés qui vont être les acteurs du développement - ce sont des gens qui se connaissent entre eux ; ensuite nous avons des moyens. Il faut savoir qu’aujourd’hui, la SSLL que nous avons constituée, elle est dotée d’un capital de 2,6 millions d’euros. Donc nous n’avons pas fait ça en mettant simplement 30&nbsp;000 euros sur la table ; nous avons mis les moyens permettant. C’est un investissement, une vision dans l’avenir, mais on pense que c’est nécessaire par rapport à notre activité. Et ensuite, deuxièmement on est dans une logique de mutualisation de coûts.
  
<b>Henri Emmanuelli : </b>Mais vous êtes dans une entreprise unique. Là je vous parlais d’un appel d’offres pour <em>mastériser</em> les bécanes.
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<b>Henri Emmanuelli : </b>Mais vous êtes dans une entreprise unique. Là je vous parlais d’un appel d’offres pour <em>masteriser</em> les bécanes.
  
<b>Jacques Marsant : </b>Tout à fait. Absolument. Mais je crois, M. Emmanuelli, que l’intérêt c’est de pouvoir répondre, justement, aux appels d’offres comme vous le disiez, et d’avoir la structure, pas du tout une mutuelle, on n’est absolument pas légitimes, notre métier ce n’est pas ça.
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<b>Jacques Marsant : </b>Tout à fait. Absolument. Mais je crois, Monsieur Emmanuelli, que l’intérêt c’est de pouvoir répondre, justement, aux appels d’offres comme vous le disiez, et d’avoir la structure, pas du tout une mutuelle, on n’est absolument pas légitimes, notre métier ce n’est pas ça.
  
 
<b>Henri Emmanuelli : </b>C’est quoi comme structure ?
 
<b>Henri Emmanuelli : </b>C’est quoi comme structure ?
  
<b>Jacques Marsant : </b>C’est une SAS, avec un capital de 2 millions 6 qui, aujourd’hui, intègre l’ensemble des savoir-faire soit techniques, soit logiciels, soit téléphonie, développés sur des bases libres, et qui va, eh bien depuis le premier juillet normalement, proposer sur le marché ses solutions, aura la capacité à répondre à des appels d’offres. Notre ambition, soyons clairs – moi je suis Landais, je porte un nom, d’ailleurs, qui ne peut pas trahir cette origine – nous, notre idée, et c’est pour ça aussi qu’au départ on a soutenu cette…
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<b>Jacques Marsant : </b>C’est une SAS, avec un capital de 2 millions 6 qui, aujourd’hui, intègre l’ensemble des savoir-faire soit techniques, soit logiciels, soit téléphonie, développés sur des bases libres, et qui va, eh bien depuis le premier juillet normalement, proposer sur le marché ses solutions, aura la capacité à répondre à des appels d’offres. Notre ambition, soyons clairs – moi je suis né à Mont-de-Marsan, on est Landais, je porte un nom, d’ailleurs, qui ne peut pas trahir cette origine – nous, notre idée, et c’est pour ça aussi qu’au départ on a soutenu cette…
  
<b>Henri Emmanuelli : </b>Pas de chauvinisme !
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<b>Henri Emmanuelli : </b>Pas de chauvinisme, s'il vous plait !
  
<b>Jacques Marsant : </b>Mais je pense que notre idée c’est de dire « il y a une place à prendre dans ce monde-là », comme le disait M. Elineau, et on a la capacité aujourd’hui, à Mont-de-Marsan, à partir d’un noyau de base de passionnés, mais également des moyens financiers disponibles et ne serait-ce que les initiatives que vous avez prises en termes d’informatisation au niveau des collèges, etc. – il y a une vraie culture qui s’est déjà développée dans notre département – on a la capacité à faire de notre département un département phare dans le développement des logiciels libres.
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<b>Jacques Marsant : </b>Mais je pense que notre idée c’est de dire « il y a une place à prendre dans ce monde-là », comme le disait M. Elineau, et on a la capacité aujourd’hui, à Mont-de-Marsan, à partir d’un noyau de base de passionnés mais également des moyens financiers disponibles et ne serait-ce que les initiatives que vous avez prises en termes d’informatisation au niveau des collèges, etc. – il y a une vraie culture qui s’est déjà développée dans notre département – on a la capacité à faire de notre département un département phare dans le développement des logiciels libres.
  
 
<b>Henri Emmanuelli : </b>Il y a l’ALPI [Agence Landaise Pour l’Informatique, NdT] aussi, qui fait beaucoup de boulot sur toutes les collectivités locales.
 
<b>Henri Emmanuelli : </b>Il y a l’ALPI [Agence Landaise Pour l’Informatique, NdT] aussi, qui fait beaucoup de boulot sur toutes les collectivités locales.
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<b>Jacques Marsant : </b>Il y a l’ALPI également, excusez-moi de ne pas y avoir pensé. Mais vraiment il y a un élan, là, et je pense que si on arrive à, comment dire, à ramer tous dans le même sens, on a la capacité à faire quelque chose de beau et de grand pour le logiciel libre à partir de Mont-de-Marsan et à partir du département des Landes. Voilà !
 
<b>Jacques Marsant : </b>Il y a l’ALPI également, excusez-moi de ne pas y avoir pensé. Mais vraiment il y a un élan, là, et je pense que si on arrive à, comment dire, à ramer tous dans le même sens, on a la capacité à faire quelque chose de beau et de grand pour le logiciel libre à partir de Mont-de-Marsan et à partir du département des Landes. Voilà !
  
<b>Gilles Gouget : </b>On ne peut que le souhaiter. Vous y faisiez allusion au début de cet entretien. Effectivement, les enjeux sont immenses, puisqu’on peut considérer aujourd’hui que l’outil informatique est au cœur de toutes les activités humaines, puisque, même pour réparer sa voiture, il faut l’amener et mettre une prise de diagnostic qui va être interprété par un ordinateur.
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<b>Gilles Gouget : </b>On ne peut que le souhaiter. Vous y faisiez allusion au début de cet entretien. Effectivement, les enjeux sont immenses, puisqu’on peut considérer, aujourd’hui, que l’outil informatique est au cœur de toutes les activités humaines, puisque, même pour réparer sa voiture, il faut l’amener et mettre une prise de diagnostic qui va être interprété par un ordinateur.
  
 
<b>Henri Emmanuelli : </b>Ça c’est rien ! Quand on va se mettre la prise dessus, ça va être mieux ! Ça va arriver ça !
 
<b>Henri Emmanuelli : </b>Ça c’est rien ! Quand on va se mettre la prise dessus, ça va être mieux ! Ça va arriver ça !
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<b>Henri Emmanuelli : </b>La chance ! Oui !
 
<b>Henri Emmanuelli : </b>La chance ! Oui !
  
<b>Gilles Gouget : </b>Il vaut mieux avoir la chance d’avoir été opéré plutôt que de ne pas encore l’être, puisque ce sont quand même des thérapeutiques qui fonctionnent. C’est vrai que les enjeux sont immenses. L’outil informatique qui est, comme je disais, au cœur de toute activité humaine et, du coup, c’est un petit peu un choc des titans. Il y a aussi, peut-être une question civilisationnelle, peut-être aussi ça touche la propriété intellectuelle, puisqu’on voit que l’Office européen des brevets continue à encaisser des brevets logiciels même s’ils n’ont pas cours, dans l’espoir qu’un jour ils auront cours et qu’on pourra « toucher le jackpot », entre guillemets. Donc là c’est vraiment une guerre au niveau planétaire, un combat, même si certains arrivent à s’entendre. Et là, le cadre n’est plus régional ou national, il est vraiment international et donc, il y a des oppositions, des difficultés, auxquelles chaque État tente de répondre à sa mesure. Et là, je me tourne vers Benoît Sibaud puisque l’April est là aussi, souvent pour faire de la pédagogie auprès des politiques.
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<b>Gilles Gouget : </b>Il vaut mieux avoir la chance d’avoir été opéré plutôt que de ne pas encore l’être, puisque ce sont quand même des thérapeutiques qui fonctionnent. C’est vrai que les enjeux sont immenses. L’outil informatique qui est, comme je disais, au cœur de toute activité humaine et, du coup, c’est un petit peu un choc des titans. Il y a aussi, peut-être une question civilisationnelle, peut-être ça touche aussi la propriété intellectuelle, puisqu’on voit que l’Office européen des brevets continue à encaisser des brevets logiciels même s’ils n’ont pas cours, dans l’espoir qu’un jour ils auront cours et qu’on pourra « toucher le jackpot », entre guillemets. Donc là c’est vraiment une guerre au niveau planétaire, un combat, même si certains arrivent à s’entendre. Et là, le cadre n’est plus régional ou national, il est vraiment international et donc, il y a des oppositions, des difficultés, auxquelles chaque État tente de répondre à sa mesure. Et là, je me tourne vers Benoît Sibaud puisque l’April est là aussi, souvent pour faire de la pédagogie auprès des politiques.
  
 
<b>Henri Emmanuelli : </b>Et envoyer des mails aux parlementaires ! 
 
<b>Henri Emmanuelli : </b>Et envoyer des mails aux parlementaires ! 
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<b>Henri Emmanuelli : </b>Ah oui. Parce que arrêtez tous de faire comme si à l’Assemblée nationale il n’y avait pas une majorité et une opposition. Mais c’est grave ça ! J’entends ça partout ! C’est terrible !
 
<b>Henri Emmanuelli : </b>Ah oui. Parce que arrêtez tous de faire comme si à l’Assemblée nationale il n’y avait pas une majorité et une opposition. Mais c’est grave ça ! J’entends ça partout ! C’est terrible !
  
<b>Benoît Sibaud : </b>On a eu des alliés, d’ailleurs, de tous partis politiques pendant ces débats-là. Et, évidemment on attend, en ce moment d’ailleurs, le retour du Conseil d’État sur cette question-là, en particulier. Cette année, c’est le retour d’une législation encore plus dure dans la poursuite sur le sujet, la fameuse loi dite HADOPI [Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet, NdT] pour créer une autorité chargée de priver les internautes d’un accès à la culture numérique. Ça, c’est pour le niveau national, le système dit de riposte graduée, qui va être décliné, pour lequel la France actuellement pousse au niveau européen pour qu’on ait la même déclinaison dans le cadre du paquet Télécoms, avec à la fois les mesures de filtrage et de contrôle et, à la fois, la question de la riposte graduée, le fait de pouvoir décider de couper l’accès à la culture à Internet, à la culture numérique pour certains des abonnés.
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<b>Benoît Sibaud : </b>On a eu des alliés, d’ailleurs, de tous partis politiques pendant ces débats-là. Et évidemment on attend, en ce moment d’ailleurs, le retour du Conseil d’État sur cette question-là, en particulier. Cette année, c’est le retour d’une législation encore plus dure dans la poursuite sur le sujet, la fameuse loi dite HADOPI [Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet, NdT] pour créer une autorité chargée de priver les internautes d’un accès à la culture numérique. Ça, c’est pour le niveau national, le système dit de riposte graduée, qui va être décliné, pour lequel la France actuellement pousse au niveau européen pour qu’on ait la même déclinaison dans le cadre du paquet Télécoms, avec, à la fois, les mesures de filtrage et de contrôle et, à la fois, la question de la riposte graduée, le fait de pouvoir décider de couper l’accès à la culture à Internet, à la culture numérique pour certains des abonnés.
  
 
Donc ce sont les questions du moment. Ce sont des questions qui sont urgentes parce que, le paquet Télécoms, il reste une semaine pour en discuter au Parlement européen. On voit l’activité intense de divers <em>lobbyistes</em> à ce niveau-là, que ça soit du côté des producteurs de contenus ou du côté des éditeurs de logiciels qui sont en train de compléter leur panoplie de verrouillage de l’accès à la culture numérique et de l’accès à la connaissance, que ça soit à la fois côté logiciel et côté matériel. Il est important que les gens soient sensibles et s’intéressent rapidement à ces questions-là. La communauté, les communautés du logiciel libre sont particulièrement vigilantes sur ces sujets et on attend, bien évidemment, des soutiens de tous bords pour lutter contre les verrouillages sur la connaissance.
 
Donc ce sont les questions du moment. Ce sont des questions qui sont urgentes parce que, le paquet Télécoms, il reste une semaine pour en discuter au Parlement européen. On voit l’activité intense de divers <em>lobbyistes</em> à ce niveau-là, que ça soit du côté des producteurs de contenus ou du côté des éditeurs de logiciels qui sont en train de compléter leur panoplie de verrouillage de l’accès à la culture numérique et de l’accès à la connaissance, que ça soit à la fois côté logiciel et côté matériel. Il est important que les gens soient sensibles et s’intéressent rapidement à ces questions-là. La communauté, les communautés du logiciel libre sont particulièrement vigilantes sur ces sujets et on attend, bien évidemment, des soutiens de tous bords pour lutter contre les verrouillages sur la connaissance.

Version du 24 mars 2017 à 11:58


Titre : Table ronde avec Henri Emmanuelli aux RMLL 2008

Intervenant : Henri Emmanuelli, homme politique - Jacques Marsant, directeur de Landes Mutualité - Jean-Christophe Élineau, président du comité d’organisation des RMLL 2008 - Benoît Sibaud, président de l'April - Gilles Gouget, Divergence FM - Florian Martin, FreenewsTV

Lieu : RMLL 2008 - Mont-de-Marsan

Date : Juillet 2008

Durée : 40 min 10

Visualiser la table ronde réalisée par l'association FreeNews.

Licence de la transcription : Verbatim

Statut : Transcrit MO

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Gilles Gouget : En direct de Mont-de-Marsan pour ces 9e Rencontres Mondiales des Logiciels Libres. Une table ronde qui réunit autour des micros, Henri Emmanuelli, député PS des Landes dans la troisième circonscription, président du Conseil général des Landes, conseiller général du canton de Mugron. Une figure politique dont on ne va pas détailler le CV puisque tous ceux qui nous écoutent et nous regardent connaissent ce visage et cette voix. Jean-Christophe Élineau, le président du comité d’organisation des RMLL 2008, Jacques Marsant directeur de Landes Mutualité qui a commencé à migrer son parc informatique en 2004 et système exploitation vers les logiciels libres, et puis Benoît Sibaud, le président de l’April ; l’April qu’on ne présente pas, surtout aux Rencontres Mondiales des Logiciels Libres. Je sais que, Henri Emmanuelli, vous venez de faire le tour du site, de voir un petit peu ce qui s’y passait. Je sais que vous avez aussi un agenda qui est très pris, très chargé, alors qu’est-ce qui a fait, en fait, qui vous a motivé pour, finalement, vous dire : « Je vais essayer, quand même, d’aller voir ce qui se passe là-bas. »

Henri Emmanuelli : D’abord on nous a motivé un peu en amont, jeune homme. On est venu, [M. Emmanuelli se tourne vers Jean-Christophe Elineau] n’est-ce pas, il y a un an.

Jean-Christophe Elineau : Tout à fait. C’est un travail qui a été entamé il y a un an.

Henri Emmanuelli : Ils sont venus me faire part de leur projet, les organisateurs, nous dire : « Bon, on voudrait bien que ça se passe à Mont-de-Marsan ». Ils avaient besoin de moyens quand même, quelques-uns.

Jean-Christophe Elineau : Tout à fait !

Henri Emmanuelli : Donc ils sont venus pour ça. Ils sont venus, évidemment, pour nos mines sympathiques, mais aussi parce qu’ils cherchaient des moyens.

Jean-Christophe Elineau : C’est tout à fait ça !

Henri Emmanuelli : Et on a pensé que c’était intéressant. Donc aussi bien le département des Landes que la région Aquitaine, je crois.

Jean-Christophe Elineau  : Tout à fait.

Henri Emmanuelli : Voilà, a permis que cette organisation se mette en place. Cela dit, ce n’est pas l’argent l’essentiel. C’est quand même l’ensemble de ce réseau qui est assez étonnant, exceptionnel et qui a de l’avenir.

Gilles Gouget : Quelle impression après cette visite du site, des différents lieux qui constituent ces Rencontres ?

Henri Emmanuelli : Je dirais que je ne suis pas surpris. J’imaginais à peu près comme ça quoi. Je crois qu’il y a beaucoup de passion dans tout ça, il y a beaucoup d’intérêt, il y a même, parfois, plus que de la passion. J’ai vu un ou deux cas, là, où ça tournait à l’obsession. [Henri Emmanuelli se tourne vers Jean-Christophe Elineau] - [Rires]. Mais je comprends tout à fait cet engouement, parce qu’on est dans un défi quand même assez monumental par rapport à l’existant, par rapport à la mainmise de certaines sociétés commerciales dont une en particulier, mais je ne ferai de pub à personne, ni dans le bon, ni dans le mauvais sens. Il y a des enjeux qui sont considérables. Je trouve intéressant que beaucoup de jeunes, en particulier, se passionnent pour ça. Mais en même temps c’est leur vie, c’est leur monde.

Gilles Gouget : C’est un monde, aussi, qui est de plus en plus adopté par les institutions, les collectivités, les entreprises aussi.

Henri Emmanuelli : L’assemblée nationale !

Gilles Gouget : L’Assemblée nationale !

Henri Emmanuelli : On s’est retrouvés avec un écran bizarroïde à la rentrée.

Gilles Gouget: Et vous vous y êtes habitué ?

Henri Emmanuelli : Oui ! Non, enfin, habitué, oui ! Mais ce que je disais aux organisateurs des RMLL et à tous ceux qui sont passionnés par le logiciel libre, je crois qu’il y aurait une utilité pour diffuser plus largement dans le public, avec un public plus large aujourd’hui, confisqué par le commercial, d’avoir une espèce de manuel d’utilisation. Quand vous ouvrez votre écran pour la première fois, que vous avez été habitué à travailler sur Windows ou sur Mac, peu importe, vous êtes habitué à un certain confort, il y a une reconnaissance qui se fait ; avec le logiciel libre, elle n’est pas évidente, la reconnaissance. Donc je leur expliquais, au début on clique à peu près sur toutes les icônes pour savoir ce qu’on doit faire. On veut faire du texte, mais on ne sait pas quel est le nom du logiciel qui correspond à faire du texte, alors on tâtonne. Je crois que ça ne serait pas très compliqué d’avoir une espèce de répertoire par fonctions où on dirait, mettons, « quand on veut du texte, on peut utiliser ça, ça et ça. Quand on veut faire de l’image, ça, ça et ça ». Par fonctions. Ça, peut-être, vous pourriez …, je ne sais pas si ça existe.

Gilles Gouget : C’est en général l’arborescence des menus déroulants de GNOME[1], puisqu’on a bureautique, graphisme, son et vidéo.

Henri Emmanuelli : Mais ça rassurerait !

Jean-Christophe Elineau : Il est vrai que de rajouter, sans doute, une espèce de petit livre de poche explicatif qui dirait, effectivement, « quand je fais du son ça se passe comme ça et ça va, c’est ça. Quand je veux faire de la bureautique, ça se passe comme ça. Quand je veux faire du traitement de photos, c’est ce logiciel-là qu’il faut utiliser », je pense que ça pourrait, effectivement, faciliter le passage à des solutions, des systèmes d’exploitation libres, d’utilisateurs qui sont néophytes en termes de logiciel libre.

Henri Emmanuelli : Cela dit, on s’en sort ! Parce que si on n’est pas bouché, une fois qu’on a cliqué on voit à peu près à quoi ça va servir. Mais je me disais, pour passer de l’un à l’autre, pour rassurer les gens, peut-être que le premier truc qui devrait être là c’est « voila, les logiciels à votre disposition et par fonctions on vous recommande ceux-là ». On vous recommande ! On ne vous oblige pas, puisqu’on n’oblige à rien.

Florian Martin : Vous avez évoqué tout à l’heure, la passion, limite obsessionnelle parfois, de ces développeurs du logiciel libre. Justement, comme tout est dématérialisé, contrairement à certaines sociétés plus propriétaires comme vous avez cité, Windows ou Mac, c’est vrai que les personnes partent dans leur passion, développent des choses souvent très complexes et il y a d’autre personnes, il y a d’autres associations, qui sont aussi là pour développer ces interfaces, pour prévoir des supports aussi , des supports techniques, une sorte de SAV du Libre et pour aller toucher le grand public. C’est vrai que, comme ils ne travaillent pas toujours ensemble, c’est aussi le rôle des Rencontres Mondiales du Logiciel Libre de rassembler les développeurs qui sont dans leur passion, dans leur obsession, et puis ceux qui essayent de vulgariser tout ça, pour aller toucher et séduire le grand public.

Henri Emmanuelli : Il y a besoin d’un peu d’organisation, quoi. Disons ça comme ça. Que ce soit une passion organisée !

Gilles Gouget : Voilà. Et elle s’organise aussi à travers le fait que ces solutions informatiques sont adoptées. Vous avez mentionné l’Assemblée nationale, mais il y a aussi la gendarmerie et l’armée qui ont été parmi les premiers à réagir et à comprendre tout ça. Et puis aussi, Landes Mutualité - Jacques Marsant est avec nous - depuis 2004 vous avez compris qu’il fallait amorcer un tournant. Un tournant dont, aujourd’hui, vous ne pouvez que vous féliciter puisque, évidemment, les chiffres sont toujours très parlants pour vous et on l’a vu, il y a quelques années, pour le CHU de Tourcoing où là c’était pareil, en centaines de milliers d’euros, c’était plutôt 250 000. Vous, vous estimez à 400 000 euros le gain annuel réalisé par l’utilisation des logiciels libres. Donc effectivement, même si ce ne sont que des chiffres, ce sont des chiffres qui pèsent.

Jacques Marsant : Avant de parler chiffres et économie parce que, dans une entreprise, ça a une dimension quand même particulière, je crois que le choix de la Mutuelle sur les logiciels libres s’explique par deux choses. D’abord ça a été des rencontres de personnes. Quand vous rencontrez quelqu’un comme M. Elineau, comme M. Mascaron, qui aujourd’hui sont des salariés de la structure, et que ces gens-là mettent leur passion à la fois dans le logiciel libre mais également au service d’une entreprise mutualiste, qui est quand même une entreprise aussi un petit peu particulière, eh bien vous vous retrouvez avec un véritable élan, une véritable dynamique qui, aujourd’hui, draine derrière lui 150 salariés et ça, je crois que c’est un élément essentiel dans la réussite.

Après, l’autre élément clef, je reprendrai simplement une citation qu’a eue Stéphane Mascaron lorsqu’il est arrivé à la Mutuelle. Je vais vous la relire parce que je crois qu’elle explique bien comment la Mutuelle, sur le plan économique, a pu s’engager. C’est une citation, je crois, qu’il avait trouvée sur Internet et qui accompagne, d’ailleurs, tous ses mails. Quand il envoie des mails à tous les salariés de la structure, il écrit : « La philosophie des logiciels libres se retrouve dans les valeurs de la Mutuelle à travers les notions de partage et d’ouverture qui la caractérisent. » Et je crois que quasiment tout est dit.

Après il nous restait, en tant que responsables de la structure, à voir comment on pouvait contrôler deux choses : d’abord la problématique de fiabilité et de sécurité, parce qu’il était hors de question pour nous de nous engager dans des systèmes qui n’avaient pas, je dirais, l’ossature technique nous permettant de faire face à la masse d’échanges ou de travail que nous avons à effectuer lorsqu’on gère, comme nous, 100 000 adhérents.

Et puis, après, deuxième chose, c’était la dimension économique. Et là, c’est vrai que sur le plan économique, l’étude que nous avons réalisée, de 2004, fait ressortir une économie entre 400 et 500 000 euros. Pour vous chiffrer ce que ça représente, ça représente 5 % des charges de fonctionnement de la structure. C’est énorme ! Mais on est dans une entreprise de service donc c’est aussi pour ça que ça peut peser autant, parce que sans informatique une mutuelle ne peut pas fonctionner. Je crois qu’on est très heureux d’avoir fait ces choix. Ils ont été pilotés par Christian Couturier, le directeur des opérations de la structure, qui a su s’entourer, en premier lieu de Laurence Soudre et puis ensuite de toute une équipe. Nous avons aujourd’hui 8 salariés à l’informatique et sur ces 8 salariés, 4 font partie du comité d’organisation des Rencontres Mondiales du Logiciel Libre. Et comme le disait M. Emmanuelli, ils nous ont convaincus de soutenir l’organisation de cette manifestation, donc on les a aidés financièrement ; on les a aidés en mettant à disposition des moyens et en mettant à disposition du temps aussi. Parce que je peux vous dire qu’en ce moment, par exemple, ils ne sont pas tellement dans les locaux pour faire fonctionner notre organisation. Voilà ce que je pouvais vous dire à ce niveau-là.

Nous allons basculer toute la partie téléphonie sur Trixbox, la voix sur IP, dans le courant du mois d’août. C’est, je crois, un pas de plus dans ce monde-là. Et puis nous avons, en termes de stratégie, fait évoluer un petit peu dans ce que disait M. Emmanuelli sur la problématique d’ouverture et de sortir de ce monde, un petit peu, des affaires ou du business qui caractérise les SSII, c’est que nous avons pris la décision, en fin année, d’externaliser nos savoir-faire informatiques dans ce qu’on appelle une SSLL, une société de service logiciel libre, pour en faire profiter, je dirais, l’ensemble du marché, que ce soit les particuliers ou que ce soit les entreprises, des Landes, à partir de solutions testées par la Mutuelle dont on a pu éprouver la fiabilité et qu’on peut maintenant, enfin qu’on va pouvoir maintenant, notamment à partir du mois de juillet où nous avons recruté un personne qui va diriger cette partie-là, cette activité-là, que nous allons pouvoir proposer aux entreprises essentiellement et nous en reparlerons d’ailleurs demain lors de l’intervention à la CCI prévue à 17 h 30.

11’ 12

Henri Emmanuelli : Il m’a rassuré quand même. Il m’a dit qu’on pouvait être passionné par le logiciel libre et faire trois enfants. Je dis ça pour ceux qui nous écoutent !

Gilles Gouget : Je confirme. Là on l’a vu avec la création d’une SSLL [société de services en logiciels libres, NdT], qui va exporter le savoir-faire acquis au travers de l’expérience de Landes Mutualité. On l’avait vu aussi avec le CHU de Tourcoing où là, il s’était agi, avec les économies réalisées, de monter une boîte de formation, tout d’abord à destination des salariés du CHU qui avaient migré, qui avaient changé d’outil. Et puis, très rapidement, ils se sont rendu compte qu’ils pouvaient former 350 personnes par an, donc maintenant ils forment d’autres personnels d’autres hôpitaux. Donc là aussi, il y a peut-être un modèle économique qui est intéressant pour, finalement, en quelque sorte, s’approprier en tant qu’entreprise ces technologies et les redistribuer par la suite.

Henri Emmanuelli : Oui, mais il y a un problème. Par exemple une collectivité locale, nous on a déployé 8 000 machines cette année. Nous les faisons masteriser par des sociétés privées, on ne peut pas faire ça nous-mêmes. Pour les faire masteriser, il faut passer par un appel d’offres. Quand on lance un appel d’offres, on n’a pas de sociétés qui répondent et qui soient capables de mettre des logiciels libres. Donc c’est comme ça qu’on se retrouve sur Windows. Il y a ce petit gap là, vous voyez ? On ne peut pas faire du gré à gré. On ne peut pas aller trouver quelqu’un parce qu’on enfreindrait les règles de la comptabilité publique. Il faudrait peut-être qu’il y a quelques sociétés privées qui se mettent sur ce créneau. Pour l’instant, je ne sais pas s’il en existe, mais nous, on n’a pas eu de réponse, en tout cas. C’est un petit détail, mais qui a importance.

Gilles Gouget : Tout à fait. Il faut miser sur le développement : souhaitons simplement qu’il y ait de plus en plus de SSLL qui soient présentes sur le marché.

Jean-Christophe Elineau : C’est sans doute la chose qu’on peut souhaiter, bien entendu. Moi je pense que, comme l’a dit M. Marsant, il y a des choses qui vont se passer dans les Landes dans les semaines qui viennent.

Henri Emmanuelli : J’ai compris. Il va monter une boîte !

Jean-Christophe Elineau : Non, Monsieur Emmanuelli ! Non !

Henri Emmanuelli : On ne vous l’enlève pas !

Jacques Marsant : Non, non ! Absolument pas ! Je crois que, si vous voulez, la dynamique dans laquelle s’est mise la structure : quand vous avez comme ça une équipe d’informaticiens axés sur le logiciel libre, dans une entreprise quelle qu’elle soit.

Henri Emmanuelli : Oui, mais vous êtes sur un lieu unique. On ne peut pas aller sur trente-six sites !

Jacques Marsant : Mais, si vous voulez, ce sont des gens qui, comment vous expliquer, c’est une véritable entreprise à l’intérieur de l’entreprise. Et quand on a vu cette dynamique-là, le conseil d’administration s’est dit : « Pourquoi ne pas essayer d’aller plus loin » et donc, nous avons créé cette SSLL. Et dans cette SSLL, c’est vrai que les acteurs de la SSLL vont être tous ces passionnés de logiciel libre ; c’est pour ça que je ne doute pas de la réussite de ce que nous allons faire. D’abord parce qu’il y a des passionnés qui vont être les acteurs du développement - ce sont des gens qui se connaissent entre eux ; ensuite nous avons des moyens. Il faut savoir qu’aujourd’hui, la SSLL que nous avons constituée, elle est dotée d’un capital de 2,6 millions d’euros. Donc nous n’avons pas fait ça en mettant simplement 30 000 euros sur la table ; nous avons mis les moyens permettant. C’est un investissement, une vision dans l’avenir, mais on pense que c’est nécessaire par rapport à notre activité. Et ensuite, deuxièmement on est dans une logique de mutualisation de coûts.

Henri Emmanuelli : Mais vous êtes dans une entreprise unique. Là je vous parlais d’un appel d’offres pour masteriser les bécanes.

Jacques Marsant : Tout à fait. Absolument. Mais je crois, Monsieur Emmanuelli, que l’intérêt c’est de pouvoir répondre, justement, aux appels d’offres comme vous le disiez, et d’avoir la structure, pas du tout une mutuelle, on n’est absolument pas légitimes, notre métier ce n’est pas ça.

Henri Emmanuelli : C’est quoi comme structure ?

Jacques Marsant : C’est une SAS, avec un capital de 2 millions 6 qui, aujourd’hui, intègre l’ensemble des savoir-faire soit techniques, soit logiciels, soit téléphonie, développés sur des bases libres, et qui va, eh bien depuis le premier juillet normalement, proposer sur le marché ses solutions, aura la capacité à répondre à des appels d’offres. Notre ambition, soyons clairs – moi je suis né à Mont-de-Marsan, on est Landais, je porte un nom, d’ailleurs, qui ne peut pas trahir cette origine – nous, notre idée, et c’est pour ça aussi qu’au départ on a soutenu cette…

Henri Emmanuelli : Pas de chauvinisme, s'il vous plait !

Jacques Marsant : Mais je pense que notre idée c’est de dire « il y a une place à prendre dans ce monde-là », comme le disait M. Elineau, et on a la capacité aujourd’hui, à Mont-de-Marsan, à partir d’un noyau de base de passionnés mais également des moyens financiers disponibles et ne serait-ce que les initiatives que vous avez prises en termes d’informatisation au niveau des collèges, etc. – il y a une vraie culture qui s’est déjà développée dans notre département – on a la capacité à faire de notre département un département phare dans le développement des logiciels libres.

Henri Emmanuelli : Il y a l’ALPI [Agence Landaise Pour l’Informatique, NdT] aussi, qui fait beaucoup de boulot sur toutes les collectivités locales.

Jacques Marsant : Il y a l’ALPI également, excusez-moi de ne pas y avoir pensé. Mais vraiment il y a un élan, là, et je pense que si on arrive à, comment dire, à ramer tous dans le même sens, on a la capacité à faire quelque chose de beau et de grand pour le logiciel libre à partir de Mont-de-Marsan et à partir du département des Landes. Voilà !

Gilles Gouget : On ne peut que le souhaiter. Vous y faisiez allusion au début de cet entretien. Effectivement, les enjeux sont immenses, puisqu’on peut considérer, aujourd’hui, que l’outil informatique est au cœur de toutes les activités humaines, puisque, même pour réparer sa voiture, il faut l’amener et mettre une prise de diagnostic qui va être interprété par un ordinateur.

Henri Emmanuelli : Ça c’est rien ! Quand on va se mettre la prise dessus, ça va être mieux ! Ça va arriver ça !

Gilles Gouget : Ah ben oui, on y arrive. Tous les gens d’ailleurs qui ont la chance d’avoir été opérés de la maladie de Parkinson sont déjà câblés, si je puis dire.

Henri Emmanuelli : La chance ! Oui !

Gilles Gouget : Il vaut mieux avoir la chance d’avoir été opéré plutôt que de ne pas encore l’être, puisque ce sont quand même des thérapeutiques qui fonctionnent. C’est vrai que les enjeux sont immenses. L’outil informatique qui est, comme je disais, au cœur de toute activité humaine et, du coup, c’est un petit peu un choc des titans. Il y a aussi, peut-être une question civilisationnelle, peut-être ça touche aussi la propriété intellectuelle, puisqu’on voit que l’Office européen des brevets continue à encaisser des brevets logiciels même s’ils n’ont pas cours, dans l’espoir qu’un jour ils auront cours et qu’on pourra « toucher le jackpot », entre guillemets. Donc là c’est vraiment une guerre au niveau planétaire, un combat, même si certains arrivent à s’entendre. Et là, le cadre n’est plus régional ou national, il est vraiment international et donc, il y a des oppositions, des difficultés, auxquelles chaque État tente de répondre à sa mesure. Et là, je me tourne vers Benoît Sibaud puisque l’April est là aussi, souvent pour faire de la pédagogie auprès des politiques.

Henri Emmanuelli : Et envoyer des mails aux parlementaires ! 

Gilles Gouget : Envoyer des mails aux parlementaires. Faire du lobbying, eh oui, puisqu’il est juste que des deux côtés on puisse utiliser le lobbying pour parvenir, en tout cas, à communiquer. Là aussi, les enjeux touchent aussi aux libertés individuelles. Voilà. Ce sont des vastes débats qui, parfois, ont tendance à remettre un petit peu en cause nos modèles de société.

Benoît Sibaud : Tout à fait. Ça fait partie des discussions qu’on a régulièrement, notamment dans le cadre des Rencontres Mondiales du Logiciel Libre. En 2005, les grandes discussions étaient autour de la brevetabilité du logiciel. En 2006, c’était la loi sur le droit d’auteur et les droits voisins dans la société de l’information, qui a protégé, créé un verrouillage de la culture en excluant le logiciel libre du domaine des contenus audiovisuels et numériques, les fameux dispositifs de contrôle de l’usage, dits DRM [digital rights management, NdT].

Henri Emmanuelli : DRM !

Benoît Sibaud : Un vrai problème qui est d’ailleurs perçu à l’Assemblée nationale par les députés, qui sont obligés de passer par un logiciel propriétaire pour pouvoir lire des contenus numériques, exactement comme nous l’avions annoncé lors de l’examen de la loi, même si on n’a pas été entendus à ce moment-là.

Henri Emmanuelli : Entendus par qui, jeune homme ?

Benoît Sibaud : Entendus par le gouvernement.

Henri Emmanuelli : Ah oui. Parce que arrêtez tous de faire comme si à l’Assemblée nationale il n’y avait pas une majorité et une opposition. Mais c’est grave ça ! J’entends ça partout ! C’est terrible !

Benoît Sibaud : On a eu des alliés, d’ailleurs, de tous partis politiques pendant ces débats-là. Et évidemment on attend, en ce moment d’ailleurs, le retour du Conseil d’État sur cette question-là, en particulier. Cette année, c’est le retour d’une législation encore plus dure dans la poursuite sur le sujet, la fameuse loi dite HADOPI [Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet, NdT] pour créer une autorité chargée de priver les internautes d’un accès à la culture numérique. Ça, c’est pour le niveau national, le système dit de riposte graduée, qui va être décliné, pour lequel la France actuellement pousse au niveau européen pour qu’on ait la même déclinaison dans le cadre du paquet Télécoms, avec, à la fois, les mesures de filtrage et de contrôle et, à la fois, la question de la riposte graduée, le fait de pouvoir décider de couper l’accès à la culture à Internet, à la culture numérique pour certains des abonnés.

Donc ce sont les questions du moment. Ce sont des questions qui sont urgentes parce que, le paquet Télécoms, il reste une semaine pour en discuter au Parlement européen. On voit l’activité intense de divers lobbyistes à ce niveau-là, que ça soit du côté des producteurs de contenus ou du côté des éditeurs de logiciels qui sont en train de compléter leur panoplie de verrouillage de l’accès à la culture numérique et de l’accès à la connaissance, que ça soit à la fois côté logiciel et côté matériel. Il est important que les gens soient sensibles et s’intéressent rapidement à ces questions-là. La communauté, les communautés du logiciel libre sont particulièrement vigilantes sur ces sujets et on attend, bien évidemment, des soutiens de tous bords pour lutter contre les verrouillages sur la connaissance.

20’ 53

Henri Emmanuelli : Vous permettez que je vous dise quelque chose, très gentiment ? N’y voyez pas… « De tous bords ! » Mais enfin, à l’Assemblée nationale, il y a une majorité, une minorité, quand même. Il y a eu une majorité pour voter ce texte et une minorité pour voter contre. Or quand vous dites « de tous bords », on ne sait plus où situer les responsabilités. Je m’excuse, mais moi j’ai participé à cette loi DADVSI [loi relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information, NdT], j’ai bien vu qui suivait le gouvernement et votait et l’a faite voter et ceux qui étaient contre. Et je vous dis ça non pas du tout par esprit polémique, mais parce que ça devient une espèce de généralité en France. Dans l’avion, quand je rentre, on me dit : « Vous allez empêcher ce texte. » Eh bien non, je ne peux pas, je suis minoritaire ! Il faut qu’ils aillent dire ça à un député de l’UMP, mais pas à un député PS. En indifférenciant comme ça, en disant « de tous bords » ! Non !

Benoît Sibaud : On peut citer des noms, n’hésitez pas.

Henri Emmanuelli : Non, je ne vous demande pas des noms, mais je vous demande qu’on laisse bien comprendre à nos auditeurs qu’une loi ne passe pas toute seule, quoi ! Il faut une majorité pour qu’elle passe. Et les groupes, à l’Assemblée, votent par groupes ; ils ne votent pas par individu. Voilà !

Jacques Marsant : Je rejoins parfaitement ce que dit M. Emmanuelli. À un moment donné, il faut assumer ses décisions. Aujourd’hui, il y a quand même bien un clivage très net entre d’un côté des orientations on dira, je dirais entre guillemets « business au profit de quelques grands groupes », et on voit très bien comment la société tente en ce moment…

Henri Emmanuelli : Certains lobbying. Il a raison. Parce que, y compris au groupe socialiste, vous voyez je vais être franc jusqu’au bout, au début le groupe socialiste était plutôt pour le verrouillage parce qu’il avait beaucoup écouté, je ne sais pas s’il faut dire, le lobbying, mais en tout cas beaucoup écouté les artistes, disons, les auteurs.

Benoît Sibaud : Les producteurs de contenu aussi. Je pense à Vivendi.

Henri Emmanuelli : Je ne sais pas si vous vous souvenez, mais au départ, ceux qui étaient dans l’hémicycle n’étaient pas de l’avis du groupe. Et finalement, ceux qui étaient dans l’hémicycle ont fini par l’emporter d’ailleurs, puisque les autres n’étaient pas là – on en a profité – mais ça s’est passé comme ça. Je crois que pour structurer le débat politique en France, il faut quand même que chacun prenne l’habitude d’appeler un chat un chat, et que chacun prenne ses responsabilités.

Jacques Marsant : Tout à fait. On a bien parlé longtemps d’une fracture numérique. Alors j’ai bien vu qu’il y avait un secrétariat d’État qui a été mis en place. Mais souvent quand on met un secrétariat d’État, c’est pour brimer un certain nombre de choses et pour mieux le contrôler. Et ce n’est pas du tout pour manager l’autonomie et permettre à des choses de s’exprimer et de développer, au niveau de notre société, un intérêt majeur sur le plan social et sur le plan économique. Aujourd’hui, l’intérêt des logiciels libres, nous on le démontre au niveau de notre entreprise, on pourrait le démontrer pour un ménage, on pourrait le démontrer pour tout un ensemble de personnes, c’est qu’il faut avoir des capacités d’accès, il faut de la liberté. Comment ?

Henri Emmanuelli : Vous téléchargez de la musique, vous !

Jacques Marsant : Non, non, absolument pas. Ma fille.

Henri Emmanuelli : De la musique libre.

Jacques Marsant : De la musique libre ! Peut-être ma fille, moi je ne sais pas trop. C’est ça qu’il faut voir. Vous savez, dans le monde de la santé, on a un problème qui est l’accès à la santé, dont on voit aujourd’hui aussi qu’il est mis à mal. Mais on est dans le même problème dans le numérique. On est bien dans la liberté d’accès au numérique et je crois qu’aujourd’hui on ne peut pas revenir en arrière sur le plan sociétal. La société tourne autour du numérique, qui prend une importance de plus en plus grande dans la vie de tous les jours, et il faut absolument privilégier la liberté d’accès, parce que ça permettra, au contraire, une logique d’ouverture et une logique de culture différente.

Henri Emmanuelli : Moi, j’ai une grande crainte, quand même, je le dis à notre ami président de l’association, j’ai peur que le processus, dans le temps, soit un peu ce qu’on a connu, puisqu’on est dans une radio associative, ce qu’on a connu sur les radios libres : au départ, grande bouffée d’oxygène avec la multiplication d’initiatives. Et puis, au fur et à mesure que les prix ont monté, si j’ose dire, eh bien on a vu disparaître la spontanéité au profit des intérêts financiers. Et ce sera ça la vraie bataille. Ce sera de résister aux formidables enjeux financiers qui peuvent être derrière et qui font que, tout à l’heure, un des pères du logiciel libre qui était là me disait : « Nous avons été trahis », J'lui ait dit «J'vais vous dire... Oui ». Il me disait : « Je ne sais pas si c’est pour de l’argent. J’ai dit : « Je crains que oui, que ce soit pour de l’argent quand même ». Et c’est ça qui est à craindre dans le temps. Vous voyez ce que je veux dire ? Parce que le prix sera tellement énorme, il faudra être un saint pour résister.

Benoît Sibaud : Et loin de s’arranger, la situation, après avoir mis une couverture juridique sur des dispositifs de contrôle de l’usage, loin de les enlever, là on poursuit dans le répressif. On va non seulement avoir le droit de payer, le droit d’être bridés, mais en plus, on pourra avoir des coupures d’accès à Internet, du filtrage, des commissions de contrôle de ce qui va circuler, etc. Tout un nombre d’éléments nouveaux de contrôle, de flicage, de répression, sur les réseaux numériques qui sont très loin des idéaux qu’on peut avoir de diffusion de la connaissance, de partage de la connaissance.

Henri Emmanuelli : Dans la clandestinité, Mont-de-Marsan développe une école de hackers. On vous en dira plus.

[Rires]

Florian Martin : J’entends beaucoup de mots, là, comme contrôle, voilà ! Le contrôle. Ce sont souvent des mots qu’on entend justement du côté de l’opposition, ce genre de mots. Ce sont des reproches qu’on fait. Qu’est-ce que ça vous évoque vous, de voir que dans le texte de loi lui-même, on parle de riposte graduée. Je trouve que c’est un mot très agressif.

Henri Emmanuelli : C’est un mot qui a été emprunté en plus, je le dis pour parce que vous n’étiez pas né, à mon avis, quand ça a été à la mode. C’était McNamara, dans les années 60 – ce n’est pas très vieux non plus – qui avait vanté ça, n’est-ce pas, la riposte dissuasive. C’était par rapport à ce qui se passait en Asie à l’époque, au Vietnam, machin, la riposte graduée, oui, oui, qui se terminait par le massive retaliation, c’est-à-dire la riposte finale.

Florian Martin : La solution finale.

Henri Emmanuelli : Voilà, pratiquement, de l’arme nucléaire quoi ! Oui, mais parce qu’on revient au même sujet : il y a des enjeux financiers énormes. Et la vraie question en termes philosophiques, je n’ai pas la réponse vous l’imaginez bien, c’est jusqu’à quel point les individus sont capables de résister à la tentation ? Quel est le prix de la sainteté ? Qu’elle soit religieuse ou laïque d’ailleurs, peu importe ! Mais jusqu’où on trouvera des gens qui sont capables de dire « malgré l’offre qui m’est faite, tellement alléchante, je maintiens le point de vue de la liberté quand même. » Ça, ça va être la bataille des années à venir ; vous devriez le savoir mieux que moi.

Benoît Sibaud : Il n’est pas question ici d’écouter l’avis des gens. Les dispositifs en question sont largement impopulaires. La loi qui a été passée, la loi DAVDSI, elle est évidemment impopulaire, elle n’est absolument pas respectée.

Henri Emmanuelli : Chez les jeunes !

Benoît Sibaud : Oh, vu le nombre de millions de télé-chargeurs en France on peut considérer qu’elle n’est absolument pas respectée. Elle est inapplicable. C’est techniquement une aberration ; c’est impossible à appliquer et voilà ! Et en plus, elle est inappliquée. Personne ne souhaite la faire appliquer. C’est une loi qui sert juste à créer de l’incertitude juridique.

Henri Emmanuelli : Avec les disques mobiles ! Avec les disques durs mobiles !

Benoît Sibaud : Même si ceux qui sont allés se dénoncer n’ont pas été poursuivis. Donc je vois mal comment on peut vouloir renforcer, mettre plus de répressif, si on n’est même pas capables d’appliquer les lois qui ont été proposées.

Henri Emmanuelli : Heureusement les supports sont mobiles ! Alors on pourra échapper. On sera prévenu à l’entrée. Hop ! On débranche !

Jacques Marsant : Je voudrais rebondir sur ce que vous avez dit. Je prends souvent cette image-là : on prend un verre ; il est, pour certains, à moitié vide et pour d’autres, à moitié plein. Je rebondirai sur ce qu’a dit M. Emmanuelli, sur les enjeux à venir qui sont des enjeux certainement financiers énormes. Je rappellerai, quand même, que le meilleur moyen de se préparer à ça c’est peut-être d’investir et de diffuser et, éventuellement, de structurer autour d’un pan économique qui existe fortement en France et qui est extrêmement développé, qui est l’économie sociale. Et qui serait peut-être un moyen, d’une certaine façon, d’organiser, entre guillemets, ce marché. Mais c’est ça globalement, avec ces intérêts financiers, en le faisant de façon à ce que les états d’esprit, les fondamentaux dont on parlait, le partage, etc., soient respectés. Je pense qu’ils seront beaucoup plus respectés dans le cas d’une économie sociale que dans le cas d’une économie libérale.

Henri Emmanuelli : Moi je ne voudrais pas, et je termine là-dessus, vous paraître pessimiste : je ne pense pas que la bataille soit perdue d’avance, ce n’est pas ce que j’ai voulu dire. J’ai voulu simplement dire qu’elle sera rude. Mais je fais confiance aux générations qui arrivent pour la gagner. Et c’est vrai que plus il y aura d’utilisateurs, plus il y aura de gens qui ont intérêt à ce que la liberté soit sauvegardée, plus le rapport de force sera en faveur de la liberté. La diffusion du logiciel libre va dans ce sens-là.

Benoît Sibaud : On a déjà des beaux exemples de succès à montrer. Il n’y a pas d’Internet actuellement sans logiciel libre. Le logiciel libre fait tourner toute l’infrastructure d’Internet. Pas de logiciel libre, pas d’Internet. Parmi les plus gros sites de la planète, on trouve Wikipédia, l’encyclopédie en ligne contributive qui est basée sur les modèles du logiciel libre et qui, donc, est une référence au niveau mondial sur le sujet. Les succès sont là. La vraie question n’est pas de savoir si on va gagner sur ces questions-là ; c’est quand ?

Henri Emmanuelli : Il faut absolument les garder.

Benoît Sibaud : Et plus on aura une riposte dure en face, plus, au final, ça va se retourner contre ceux qui poussent ce genre d’actions. À force de pousser des lois liberticides et répressives pour ne pas pouvoir les appliquer, ça ne sert strictement à rien, à part se mettre à dos la population en l’occurrence, là, les internautes et tous ceux qui utilisent, accèdent, contribuent, créent de la culture numérique, de la connaissance.

30’ 17

Henri Emmanuelli : Et moi je me suis mis à dos quelques auteurs célèbres. Il y en a un qui m’a dit : « Alors tu es un écrivain », il m’a dit « vous avez écrit un bouquin dans votre vie, vous savez ce que c’est le droit d’auteur ». J’ai dit : « Oui, pas trop, j’ai juste acheté une tondeuse avec, donc ce n’est pas… Mais j’ai dit : « Moi, je connais aussi beaucoup d’auteurs, on devrait payer les lecteurs pour qu’ils les lisent, quoi ! » Dans la musique, alors quelqu’un du Sud-Ouest, qui est bien connu a dit : « Pour Emmanuelli l’art n’a pas de valeur ! » Je lui ai répondu : « Je ne savais pas que la valeur de l’art c’était uniquement de l’argent !» Depuis je ne l’ai plus entendu. Mais c’est ça la bataille, elle est compliquée. Moi je ne crois pas, pour qu’il n’y ait pas d’ambiguïté sur mon propos, je ne crois pas que ceux qui veulent entraver ça réussiront. Ils ne réussiront pas parce que le flux contraire est trop puissant. On se comprend bien ? J’avais dit ça sous une forme humoristique au ministre. Je luis avais dit : « Vous essayez de passer un string à une baleine et vous n’y arriverez pas ! » Bon !

Benoît Sibaud : C’est exactement ça. On voit qu’on essaie de passer des choses qui sont techniquement irréalistes, qui sont socialement inacceptables, et qui sont fortement liberticides. Pour réussir à préserver le pré-carré de quelques-uns, on va mettre derrière des barrières tout le reste de la population.

Henri Emmanuelli : Moi, ce n’est pas la loi que je crains. Je dis toujours que je termine, et je ne termine jamais ! Je pense que la loi répressive n’y arrivera pas ; on n’arrivera pas à réprimer ça, parce qu’il y a trop de gens concernés pour garder la liberté de télécharger et de voir, d’aller, de venir. En revanche, ce que je crains, c’est la puissance de l’argent. C’est-à-dire, ce sont les défaillances dans le camp de la liberté, si vous voyez ce que je veux dire. Ça me paraît plus dangereux, à terme, que la capacité répressive de la loi. Parce que l’argent réussit à faire ce que la loi ne réussit pas toujours à faire.

Florian Martin : Vous avez parlé de philosophie de l’argent et de loi liberticide. Mais il y a un mot, aussi, vous avez dit impopulaire. Et je ne vais pas faire l’anti-discours de l’April, loin de là, mais justement, je ne pense pas qu’elle soit impopulaire cette loi, puisque Internet ce n’est pas la France. On l’a démontré l’an dernier, avec les élections présidentielles notamment, on voit bien que l’opinion des internautes n’est pas représentative de l’opinion de l’ensemble des consommateurs. Et pour moi, quand on voit le succès de portails comme Virgin Megastore ou iTunes, qui soutiennent les DRM et qui font partie des mêmes personnes qui contrôlent ces lobbies. Bon, même s’il y a beaucoup plus de personnes, mais parmi les geeks, parmi les passionnés qui téléchargent comme des gorets sur eMule des MP3.

Henri Emmanuelli : Pourquoi comme des gorets, tout de suite ?

Florian Martin : À quelques gigas près.

Henri Emmanuelli : Comme des chamois, pas comme des gorets.

Florian Martin : Je ne trouve pas qu’on puisse parler d’une loi impopulaire. Malheureusement ! Je préférerais qu’elle soit impopulaire.

Benoît Sibaud : Tout dépend de ce qu’on appelle impopulaire. Ce sont les parlementaires européens qui ont trouvé que c’était contraire à l’accès à la culture, à la connaissance, de vouloir filtrer, brider, limiter l’accès à Internet. Ça, c’est une question des représentants du peuple.

Henri Emmanuelli : Vous connaissez le refrain qu’on leur sert. On leur dit : « Sans moyens financiers il n’y aura pas de grandes sociétés de production ; il n’y aura plus de production artistique. » Et donc, en fait, ils sont stigmatisés comme étant ceux qui vont mutiler la création artistique. C’est ça le grand raisonnement, voilà !

Benoît Sibaud : Et en échange certains sont en train de préparer une stérilisation d’Internet en posant du contrôle, du filtrage partout, et en voulant vraiment avoir un vrai contrôle à tous les niveaux sur les échanges et la connaissance.

Henri Emmanuelli : Il y a toujours moyen de braver les tabous sexuels en solitaire !

Benoît Sibaud : Ce n’est pas très encourageant.

Henri Emmanuelli : C’est dit par une périphrase !

Jean-Christophe Elineau : C’est très clair !

Florian Martin : Pour l’anecdote, parce que nous c’est vraiment notre domaine à Freenews, les fournisseurs d’accès à Internet ont pris pour manie depuis quelques années de signer en petit, en bas de tous leurs communiqués de presse, dès qu’ils sortent un nouveau service qui va attirer évidemment les gros télé-chargeurs, ils mettent une petite phrase qui est tout simplement : « Le piratage nuit à la créativité artistique ».

Henri Emmanuelli : Oui, eh bien c’est ça !

Florian Martin : C’est aussi prendre un raccourci que de dire ça. On a démontré qu’il y avait de la créativité artistique qui, finalement, ne craignait même pas le piratage. Le piratage n’existe pas.

Benoît Sibaud : Rappelons juste que les auteurs de logiciels libres sont des auteurs. Que ceux qui créent des contenus numériques libres, de la musique libre et autres, produisent des œuvres, sont des auteurs.

Henri Emmanuelli : Mais ce sont des auteurs altruistes. On ne retient que le nom des auteurs égocentriques.

Gilles Gouget : Oui ! Dans un même ordre d’idée, ramener la créativité, la notion de créativité au seul top 50 ou plutôt au top 6 % des sociétaires des sociétés civiles de gestion de droits qui touchent, effectivement, quelque chose d’équivalent au SMIC, par exemple, c’est un petit peu un raccourci. Je précise qu’à Montpellier, si je prends tous les groupes de musique qui vivent de leur musique, il n’y en pas 10 % qui sont sociétaires de la SACEM, et pourtant ils arrivent à tourner.

Henri Emmanuelli : Vous devez vous y connaître mieux que moi, mais un des grands succès de la chanson, cet hiver, ça a été un jingle qui était paru sur Internet. C’est bien ça ? Vous devriez savoir ça vous !

Florian Martin : Une chanson très, très populaire, je pense tout simplement, l’exemple qui répond, c’est la chanteuse Laurie, super connue. Elle est née sur un portail de musique. À l’époque, en plus, c’était vraiment tout nouveau ; le MP3 était à peine naissant. Oui, Laurie a eu le succès qu’on connaît.

Henri Emmanuelli : Je savais qu’il connaîtrait le nom lui.

Florian Martin : Pourtant ce n’est pas vraiment ma génération ; c’est encore avant. Je fais plus jeune.

Henri Emmanuelli : C’est encore avant, mais vous êtes très bien conservé.

Benoît Sibaud : On est bien d’accord : 52 artistes aux oreilles desquels les majors murmurent ce qu’il faut dire ne font pas la culture.

Gilles Gouget : Exactement et surtout si c’est Laurie. Peut-être un danger un peu plus grave, c’est de décrédibiliser le législateur quand, effectivement, le public se rend compte que des lois sont votées et que les décrets d’application quand ils sortent ou quand ils ne sortent pas. On se dit : « On fait passer des textes et, finalement, il y n’y a pas de décrets d’application, donc c’est du vent ! »

Henri Emmanuelli : S’il n’y a pas de décrets d’application, c’est du vent. Oui !

Intervenant : Ça c’est peut-être plus dangereux que les histoires des artistes.

Henri Emmanuelli : Oui, mais là, je ne sais pas, on peut dire : « C’est de l’habileté » ou on peut dire : « C’est de la perversité ». On choisit en fonction de ses attaches. Mais effectivement, une loi est votée ; alors on a fait plaisir puisqu’elle est apparemment répressive. En même temps, on ne va pas se mettre tous les jeunes sur le dos, donc on oublie de publier le décret d’application, comme ça… Mais ça ne dure pas, ça dure un an, deux ans, et puis au bout de deux ans, les uns s’aperçoivent que ce n’est pas répressif, les autres que ça ne fait pas fonction non plus. Donc ça ne dure pas !

Jacques Marsant : Et puis moi, je crois que fondamentalement on part de l’éducation des jeunes. Et c’est vrai qu’aujourd’hui les jeunes naissent avec l’informatique, enfin c’est quelque chose qu’ils connaissent complètement. C’est aussi un vecteur, peut-être, à utiliser, à voir comment on peut le dynamiser, à la fois dans les parcours éducatifs – on a eu l’occasion de voir là-bas des gamins d’une école élémentaire qui étaient en train de découvrir un petit logiciel éducatif, qui était un logiciel libre qui avait évolué. Je crois aussi qu’on a des leviers, peut-être au niveau économique, mais on a également des leviers qui sont certainement dans la partie éducative et dans la partie pédagogique, parce que c’est à partir de là que se font les cultures. Moi je dis, le premier ordinateur sur lequel j’ai travaillé c’était un Mac et j’avais 24 ans. Donc vous voyez. Là j’ai vu des gamins qui avaient 4 ans ou 5 ans ou 6 ans, 6 ans peut-être, tout à l’heure, et qui étaient déjà en train de travailler sur des ordinateurs. Il y a une chance extraordinaire, là, je crois, qui s’ouvre, pour qu’on soit capables de développer cet esprit d’ouverture, à la fois avec des problématiques d’utilisation, mais aussi des problématiques de choix. Aujourd’hui, un gamin, à 11 ans, il sait faire des choix. À mon époque, il fallait avoir 18 ans et avant il fallait avoir 21 ans. Tout ça s’accélère. Je crois qu’il faut avoir une vraie volonté d’engagement pour arriver à atteindre ces objectifs dont vous parlez et pouvoir lutter contre ces mesures qui ne comprennent pas, je crois, le sens de l’évolution de notre société.

Gilles Gouget : Je crois que nous touchons à la fin de ce débat. Je me félicite qu’il ait pu avoir lieu. Comme quoi les Rencontres Mondiales du Logiciel Libre ça permet aussi des rencontres au micro et des discussions qu’on n’a pas forcément dans les couloirs du village associatif où beaucoup sont des spécialistes, des techniciens qui maîtrisent des langages qui sont en français, mais auxquels on ne comprend pas toujours grand-chose. Je vous remercie tous d’avoir été présents : Jean-Christophe Elineau, Henri Emmanuelli, Jacques Marsant, Benoît Sibaud. Si vous avez un dernier mot.

Henri Emmanuelli : Lui vous ne le remerciez pas ?

Florian Martin : Il me remerciera après. On se remerciera après.

Gilles Gouget : Si vous avez un dernier mot à dire, eh bien c’est maintenant.

Jean-Christophe Elineau : Juste un dernier mot. Moi je voulais faire un petit bilan très rapidement, même si on est encore en milieu de manifestation. Je pense que la fréquentation est excellente. Tout se passe très, très bien, si ce n’est le temps aujourd’hui, mais ça va revenir demain. Et je pense que ces Rencontres devraient être...

Henri Emmanuelli : C’est le système des ordinateurs. Il faisait trop chaud, c’est redescendu, c’est remonté.

Jean-Christophe Elineau : Ces rencontres devraient laisser, sans doute, un excellent souvenir.

Florian Martin : Voilà. Eh bien merci à tous. On va terminer cette émission. Comme tu l’évoquais, Gilles, le village associatif plein de geeks, plein de barbus, plein de pingouins ce sera cet après-midi à 18 heures comme chaque jour. Et puis retrouvez-nous encore demain à 13 heures en direct toujours de Mont-de-Marsan aux Rencontres Mondiales du Logiciel Libre 2008. Voilà ! Nous allons rendre l’antenne notamment à la régie à Montpellier de Divergence FM. Restez à l’écoute du 93.9 et de Freenews TV.