Différences entre les versions de « Sur l'enseignement de l'informatique dans le Secondaire »

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Par Jean-Pierre Demailly, Professeur à l'Université de Grenoble I, Membre Correspondant de l'Académie des Sciences
 
Par Jean-Pierre Demailly, Professeur à l'Université de Grenoble I, Membre Correspondant de l'Académie des Sciences
  
<u>Extrait</u> de  :<br />''Sur l'enseignement des Mathématiques et des Sciences au Lycée et à l'Université: un cri d'alarme''<br />
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*http://www-fourier.ujf-grenoble.fr/~demailly/programmes.html#I
 
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Version du 2 février 2011 à 07:19

| Education | Textes de référence sur l'informatique à l'École |

Par Jean-Pierre Demailly, Professeur à l'Université de Grenoble I, Membre Correspondant de l'Académie des Sciences

Extrait de :Sur l'enseignement des Mathématiques et des Sciences au Lycée et à l'Université: un cri d'alarme

Il y a une forte volonté gouvernementale pour l'introduction de l'informatique à l'École, au Collège et au Lycée. Cette volonté est justifiée dans son principe - au moins pour ce qui concerne le Collège et le Lycée. Mais là encore, il ne faut pas se tromper de cible ni d'informatique. Il ne semble pas qu'il y ait de de menaces très précises de ce côté, mais on observe des dérives étranges dans la pratique éducative, en particulier autour des programmes de mathématiques. D'autre part, compte tenu des propos irréfléchis tenus par les Ministre devant les media, il me semble utile de préciser un certain nombre de points; je voudrais aussi profiter de l'occasion pour parler de la question importante des logiciels libres, qui pourrait (et devrait à mon sens) avoir des retombées éducatives considérables.

Tout d'abord, l'informatique est une science autonome qui a ses propres méthodes, son propre cheminement conceptuel. Et cela même si l'informatique est un science qui s'est développée historiquement en osmose étroite avec les mathématiques. C'est un leurre de croire que l'on assurera une quelconque formation à l'informatique en intégrant dans le cours de mathématiques (ou de physique...) une pratique extensive des instruments de calcul. On ne fera en effet au mieux qu'enseigner l'usage d'une "quincaillerie" au service des mathématiques ou de la physique - usage que les élèves acquièrent par ailleurs assez facilement eux-mêmes sur le tas compte tenu du niveau de diffusion maintenant élevé des outils de calcul. Il me paraît assez vain, pour une formation à vocation générale, de passer un temps important à apprendre l'usage de logiciels "tout prêts" pour des besoins techniques précis (tableurs, traitements de texte, logiciels de présentation de données, logiciels de création de sites...) Surtout quand la durée de vie des techniques et des logiciels est à l'échelle de l'année ou du petit nombre d'années. Céder à la mode Internet et vouloir faire "surfer" les élèves sans justification pédagogique serait absurde. Il serait bien plus utile que les élèves acquièrent, dans des enseignements spécifiques bien ciblés, quelques concepts fondamentaux et universels de la programmation ou de la structuration des données (boucles itératives, procédures de rangement, récursivité, concepts sémantiques...), indépendamment des techniques contingentes du moment. Signalons qu'il y a eu des expériences réussies - même à un niveau élémentaire - avec des langages bien adaptés comme le Logo (un peu oublié, mais toujours d'actualité). Savoir si l'on doit introduire des heures spécifiques d'enseignement informatique "véritable" au Lycée est un vaste débat qui mériterait une réflexion approfondie et auquel je ne veux pas apporter de réponse ici - mon sentiment est qu'il le faudrait, au moins en fin de Lycée et dans le cadre d'une diversification plus grande de la filière scientifique.

En direction inverse, remplacer les cours de mathématiques par des cours d'utilisation de calculettes sous prétexte que les calculettes ont maintenant des capacités notables de calcul formel et peuvent donc suppléer à la compréhension des élèves est totalement absurde. La compréhension doit accompagner - ou mieux encore précéder, et l'usage de l'outil de calcul sera légitime si la pénibilité des tâches calculatoires que doit effectuer l'élève s'en trouve allégée, si sa capacité à appréhender le champ disciplinaire concerné s'en trouve accrue.

Enseignement de l'informatique et logiciels libres

Les efforts effectués dans des tentatives d'enseignement de l'informatique ne sont pas récents, et, dans la décennie écoulée, un grand nombre d'enseignants très motivés ont passé un temps considérable à élaborer des séquences d'enseignement et des données pédagogiques. Malheureusement, ces efforts ont souvent porté sur des techniques et des environnements tellement fermés que leur travail s'est trouvé rapidement périmé et perdu (l'un des problèmes les plus sérieux étant la non pérennité des formats de données dans les environnements commerciaux les plus répandus). Bien sûr, les outils qui aident à la compréhension des disciplines fondamentales (outils de calcul formel, de géométrie dynamique, de simulation mécanique...) sont les bienvenus et peuvent entrer naturellement dans le cadre du travail disciplinaire. Un souci légitime est de veiller à la durabilité des procédures et des outils utilisés. Dans ce cadre, l'usage de logiciels libres serait un atout considérable, car l'environnement de travail y est beaucoup plus propice à l'apprentissage des concepts et des principes généraux -- de même qu'y sont essentiellement résolus les problèmes de pérennité des données, et que l'accès libre et gratuit à l'information scientifique devient possible. Tous les besoins essentiels sont largement couverts par les logiciels libres, avec de nombreux outils de programmation (environnements performants pour tous les langages existants), de calcul numérique (scilab, octave), de calcul formel (pari, drgenius), de géométrie dynamique (drgeo), de représentations de données (gnuplot, geg), de même que les logiciels à vocation plus technologique (tableur Gnumeric, CAO avec QCad...). Malheureusement l'infrastructure et la formation des personnels à l'usage des logiciels libres est encore très insuffisante. Il faudrait donc ne pas mettre la charrue avant les boeufs, et prévoir dans ce domaine des actions très substantielles de formation à l'intention des personnels enseignants concernés.