Différences entre les versions de « Souveraineté numérique dans les administrations et les collectivités - Table ronde B-Boost 2021 »

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'''Titre :''' B-Boost 2021 : Table ronde - Souveraineté numérique dans les administrations et les collectivités
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Publié [https://www.librealire.org/souverainete-numerique-dans-les-administrations-et-les-collectivites ici] - Janvier 2022
 
 
'''Intervenants :''' Benoît Liénard - Bastien Guerry - François Elie - Pascal Kuczinski
 
 
 
'''Lieu :''' B-Boost 2021
 
 
 
'''Date :''' 15 octobre 2021
 
 
 
'''Durée :''' 1 h 02 min 15
 
 
 
'''[https://www.youtube.com/watch?v=qg7yogTiD7w&ab_channel=NAOS Vidéo]'''
 
 
 
'''Licence de la transcription :''' [http://www.gnu.org/licenses/licenses.html#VerbatimCopying Verbatim]
 
 
 
'''Illustration :''' À prévoir
 
 
 
'''NB :''' <em>transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.<br/>
 
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.</em>
 
 
 
==Résumé==
 
 
 
Nos intervenants échangeront autour de la souveraineté numérique dans les administrations et les collectivités. C’est un sujet fondamental à l’heure ou les lobbyings de toute sorte ciblent notamment le secteur public.
 
 
 
==Transcription==
 
 
 
<b>Pascal Kuczinski : </b>On va démarrer sans plus attendre. On a la chance aujourd’hui de pouvoir dialoguer autour de la souveraineté numérique dans un contexte de service public, administrations et collectivités territoriales.<br/>
 
Je me permets de présenter notre trio de luxe dans l’ordre qui s’affiche à l’écran : Benoît Liénard, directeur de Soluris, syndicat informatique de Charente-Maritime, mais également représentant de Déclic qui est une association de service mutualisant sur toute la France, une quarantaine de structures y sont représentées et aussi, si j’ai bien compris, monsieur numérique de l’association des maires de France. Tu me reprendras si tu en as besoin. Bastien Guerry, monsieur référent logiciels libres à la DINUM, service de l’État, et François Elie qui est élu à Angoulême, président de l’association ADULLACT et, au demeurant, professeur de philosophie.<br/>
 
On va commencer par toi, François, et te demander que dit la loi sur ce sujet ? Quelle est la philosophie qui va nous permettre de mieux comprendre ce que veut « souveraineté numérique » ?
 
 
 
<b>François Elie : </b>En général, quand on donne la parole à quelqu’un qui se pique de philosophie – je ne dis pas philosophe parce que les bons philosophes sont morts – on commence par essayer de définir ce dont on parle. Si on se demande ce que c’est qu’un souverain, c’est celui qui n’a rien au-dessus de lui – un jury est souverain si personne ne peut modifier ses décisions. Le problème c’est qu’il y a deux types de souverains. On est passé, par exemple à la Révolution française, d’un roi qui était le souverain à un peuple qui est aujourd’hui le peuple souverain. En fait, la meilleure définition que je connaisse c’est que le souverain c’est celui qui fait la loi. Il y a deux façons de faire la loi, soit la petite frappe, au fond de la cour de récré, qui fait la loi à coups de poings, soit celui que fait la loi au sens qu’il se donne à lui-même sa propre loi et qui essaye d’y obéir, ce qu’on appelle aussi en philosophie l’autonomie, le fait d’obéir à sa propre loi.<br/>
 
La question de la souveraineté numérique c’est la conscience, ou non, de la loi à laquelle on obéit, peut-être sans le savoir ou peut-être lucidement, on verra de quoi il retourne.<br/>
 
Pour éclairer et simplement pour finir sur ce point, j’observe qu’à chaque fois qu’on parle de cybersécurité, de protection des systèmes d’information, etc., on jette un voile pudique sur les problèmes essentiels, c’est-à-dire les systèmes eux-mêmes, on veut les protéger sans se demander si les systèmes qu’on utilise sont des dangers.
 
 
 
<b>Pascal Kuczinski : </b>Et tu penses que c’est pour ça qu’on se pose la question de la souveraineté justement ?
 
 
 
<b>François Elie : </b>J’aimerais bien qu’on se la pose correctement plutôt que d’en parler sans regarder où est le problème. On aura l’occasion de développer un peu.
 
 
 
<b>Pascal Kuczinski : </b>Je passe la parole à Benoît. Avec Soluris il y a quelques centaines de collectivités de Charente-Maritime, en plus des petites collectivités. En quoi ces collectivités sont-elles concernées par la souveraineté numérique ? Quel est le point de vue d’une collectivité sur ce problème de souveraineté ?
 
 
 
<b>Benoît Liénard : </b>Des petites collectivités mais pas que, en Charente-Maritime et aussi un peu dans les Deux-Sèvres.<br/>
 
Pour les personnes qui ne connaissent pas bien le contexte des collectivités locales, les collectivités sont très diverses, c’est un peu comme les entreprises, énormément de toutes petites collectivités, comme il y a énormément de TPE, d’artisans et autres et finalement très peu de grandes. Si on parle, on va dire de la majorité, des petites et moyennes, je pense que les élus locaux sont concernés par ces sujets-là. Un élu local est une personne comme vous et moi qui décide de s’investir pour le collectif. La question d’œuvrer pour le bien commun, de faire les choses dans les règles qui permettent de faire en sorte que le service public soit bien rendu, ce sont vraiment des éléments qui animent les élus locaux. On en a d’ailleurs un à la tribune, donc je ne vais pas parler davantage de leur motivation. Donc bien faire et avoir une attention à la manière dont en particulier les données, puisqu’une mairie récolte beaucoup de données à caractère personnel sur son territoire, sont bien protégées, sont traitées d’une manière générale, les élus sont concernés donc ils veulent bien faire. Ils sont conscients, ils lisent les journaux que les GAFAM, etc., le <em>CLOUD Act</em>, il y a la possibilité que les données dont on a la gestion soient utilisées à mauvais escient ou, en tout cas, à notre insu.<br/>
 
Après il y a la dimension pragmatique. Ils ont peu de moyens. Je reprends la question de la loi, je pense qu’ils sont conscients qu’il y a certains enjeux, mais il y a aussi une loi qui est la loi, en quelque sorte, du marché, qui est plutôt celle de la petite frappe, la loi de fait qui fait qu’on n’a pas forcément le choix des armes et qu’on doit parfois utiliser des outils malgré nous. Ça rejoint ce qui a été dit précédemment.<br/>
 
Il y a cette volonté de bien faire, mais comment. Sachant qu’en plus, dans la plupart des cas, les collectivités ont très peu de moyens en interne, moyens techniques, peu de compétences. Là encore on va refaire le parallèle avec les entreprises où il est rare que les entreprises aient des DSI chevronnés et encore moins sur le sujet du Libre.
 
 
 
<b>Pascal Kuczinski : </b>On va zoomer sur le commun après. Tu as parlé des GAFAM. Tu as des exemples concrets de non souveraineté ? Le fait de parler du négatif va peut-être nous aider à mieux comprendre le positif.
 
 
 
<b>Benoît Liénard : </b>J’ai parlé des GAFAM, on peut parler de données ou même d’utilisation même de mail. La tentation naturelle, parce que c’est la simplicité, de quelqu’un qui ne serait pas averti concernant les questions de territorialisation des données, ce serait d’utiliser des messageries gratuites telles qu’elles existent sur Internet, Gmail par exemple. Il n’est pas rare que des élus locaux aient des adresses en Gmail et, parce que c’est pratique pour eux de gérer leurs mails et leur agenda en Gmail, ils demandent à la collectivité d’adopter les mêmes solutions. C’est là où nous nous posons en sensibilisateurs et, du coup, nous devons proposer des solutions alternatives aussi pratiques si possible. Il y a le « si possible », c’est là où il y a toute la question du pragmatisme ensuite.<br/>
 
Je dirais que le risque est partout, comme pour les individus.
 
 
 
<b>Pascal Kuczinski : </b>Je passe la parole à l’État, pardon, Bastien. On va rester sur le même plan : du côté État, as-tu des exemples concrets de non souveraineté ? Après je te poserai la question : qu’est-ce l’État a-t-il à faire de ça finalement ? Quel est son sujet sur ce sujet ?
 
 
 
<b>Bastien Guerry : </b>J’ai un exemple très concret et très récent. Il y a deux semaines, un agent de la Direction interministérielle de la transformation publique, qui est dans le même bâtiment que la Direction interministérielle du numérique, avec laquelle on échange souvent parce qu’on a des projets communs, vient me voir en disant : « Nous avons acheté un site web via l’UGAP et le prestataire me dit que je n’ai pas le droit de faire autre chose que d’utiliser le livrable, je n’ai pas le droit de le modifier. Ça m’embête parce que j’ai recruté quelqu’un qui a pour charge d’assurer le suivi de ce site web. » On creuse et je lui dis « normalement les conditions juridiques sont telles que le prestataire est obligé de mettre ça sous licence libre, en tout cas vous avez dû, dans votre contrat, vérifier que vous avez récupéré la propriété intellectuelle ». Ils ont bien récupéré la propriété intellectuelle mais seulement pour des droits d’utilisation. L’UGAP, pour ceux qui ne connaissent pas, c’est une centrale d’achats, des prestataires se réfèrencent à l’UGAP ce qui permet aux administrations d’acheter la prestation sans faire d’appel de marché. Les conditions juridiques entre l’UGAP et le prestataire ne sont pas accessibles à l’administration. Donc on a une administration qui se retrouve avec un site web qu’elle ne peut plus modifier.
 
 
 
<b>Public : </b>L’UGAP est une structure de droit public.
 
 
 
<b>Bastien Guerry : </b>C’est du droit public. C’est un exemple typique de dysfonctionnement interne de l’espace public où on se tire une balle dans le pied et où n’est plus du tout en souveraineté. J’ai un agent qui a recruté quelqu’un qui n’a pas le droit de modifier et de faire vivre le site web qu’il a acheté et l’entreprise est apparemment, le sujet est en cours, dans son bon droit pour dire « on vous a cédé simplement les droits d’utilisation, si vous voulez aller au-delà vous devez continuer à payer de la prestation ». La souveraineté, au quotidien, c’est ce ressenti d’être piégé.
 
 
 
<b>Pascal Kuczinski : </b>Tu nous parles de la DINUM, la Direction interministérielle du numérique pour l’État, en gros le service informatique de l’État. Il y a une sous-partie, tu vas nous parler d’Etalab. En quoi Etalab est concerné par ce « problème », entre guillemets, de souveraineté numérique ?
 
 
 
<b>Bastien Guerry : </b>Je vais faire un paysage très rapide. La DINUM c’est le résultat de la fusion entre la DSI de l’État qui gère les infrastructures réseau entre les ministères, le département Etalab qui, historiquement, s’occupait d’ouverture des données publiques et qui, depuis trois ans, s’occupe d’ouverture des codes sources, et beta.gouv qui sont les startups d’État qui sont des projets agiles, on va le dire rapidement, au sein de l’État ; ce ne sont pas des startups, le mot est mal choisi, ce sont des petites unités pour créer rapidement des projets agiles.<br/>
 
La DINUM a fusionné les aspects historiques de DSI, historiquement peu agiles, avec les sujets d’innovation sur comment faire des projets dé-risqués, en faisant des projets de six mois, à 200 000 euros, avec une petite équipe qui s’arrête si ça ne marche pas et le sujet de l’ouverture, avec l’<em>open data</em> en tête. Le sujet de l’<em>open source</em> et du logiciel libre est arrivé il y a trois ans, je l’ai pris en charge. C’est la suite d’un atelier au Paris Open Source Summit 2018 où on a eu un échange juridique intéressant pour pointer du doigt le fait que finalement les codes sources sont des documents administratifs comme les autres. C’était un peu un angle mort.
 
 
 
<b>Pascal Kuczinski : </b>La CADA.
 
 
 
<b>Bastien Guerry : </b>C’est la Commission qui gère ces demandes d’ouverture d’ouverture. Quand le citoyen dit « je voudrais que les données de démographie soient ouvertes ou que ce code source de Parcoursup soit ouvert, etc. », il peut saisir la CADA qu’une administration peut saisir aussi.<br/>
 
L’ouverture des codes sources est arrivée tard faute de référent. Etalab était historiquement ami et est toujours ami des communautés du logiciel libre, il y avait des interactions fortes avec l’écosystème notamment en 2016 au moment du partenariat pour un gouvernement ouvert et on prend ce sujet en main de façon opérationnelle d’abord parce qu’on n'est pas beaucoup et qu’on essaye de faire des produits. On en maintient essentiellement deux : un qui est le socle interministériel de logiciels libres. Ce socle est le résultat de la loi qui encourage l’utilisation des logiciels libres dans l’administration, je dis bien « encourage » parce que c’est simplement un encouragement, ce n’est pas une obligation légale, on pourra en discuter après. Ce socle existe depuis très longtemps par les groupes de mutualisation interministériels. Il est venu au sein d’Etalab qui le porte, qui lui donne une adresse en .gouv, et qui le fait connaître.<br/>
 
Le deuxième produit c’est la liste des codes sources publiés pour la mise en œuvre de cette loi de 2016, la loi pour une République numérique.
 
 
 
<b>Pascal Kuczinski : </b>Dans ce contexte-là la souveraineté numérique, Etalab ?
 
 
 
<b>Bastien Guerry : </b>Etalab est un département de la Direction interministérielle. On n’a pas vocation à se prononcer sur la souveraineté numérique, mais on a vocation à se référer à la loi et l’article 16, dont je viens de parler, que les gens ici, je pense, connaissent bien, « encourager l’utilisation du logiciel libre », prononce aussi trois mots qui peuvent servir de définition provisoire sur la souveraineté qui sont : l’administration doit assurer la maîtrise, l’indépendance et la pérennité de ses systèmes d’information. Maîtrise, indépendance, pérennité de ses systèmes d’information, l’exemple que je vous ai donné au début, d’un service qui ne peut pas continuer à développer sons site web, c’est exactement le contre-exemple. Ça sert pour dire que le logiciel libre, les licences libres permettent justement de ne pas se retrouver dans cette situation.
 
 
 
<b>Pascal Kuczinski : </b>On pouvait s’attendre à ce que tu donnes un exemple du style « les militaires ont besoin de souveraineté d’un niveau un peu plus visible par le citoyen. »
 
 
 
==13’ 40==
 
 
 
<b>Bastien Guerry : </b>Ce qui est visible
 

Dernière version du 10 janvier 2022 à 21:00


Publié ici - Janvier 2022