Rien à cacher - Guide de survie - Chemla

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Titre : Rien à cacher - Vie privée : guide de survie en milieu hostile

Intervenant : Laurent Chemla

Lieu : Pas Sage En seine 2015 - Paris

Date : Juin 2015

Durée : 33 min 02

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00' transcrit MO

… donc je le diffuserai tout de suite après, dès que je l'aurai relu, car il doit être plein de fautes, parce que je n'ai pas eu le temps de préparer assez longtemps, parce que Skhaen n'a pas voulu décaler PSES d'un mois pour que j'ai le temps de préparer. Voilà !

Public : Y a-t-il des questions dans la salle ?

Laurent Chemla : Ceci étant dit. Autant je n'aime pas les conférences, autant j'aime bien faire des débats, et ces derniers temps, surtout autour du projet de loi renseignement, évidemment. J'ai profité de la projection de Citizen Four à Brest, à Nîmes, et j'aurais pu aussi à Clermont-Ferrand, mais ça ne s'est pas fait, organiser des débats avec la salle ensuite. Les deux fois j’espérais trouver un public un peu moins averti que celui qui est là ce soir. Typiquement, si ce soir je demande est-ce qu'il y a des gens qui se reconnaissent dans la phrase « je n'ai rien à me reprocher, donc je n'ai rien à cacher », je crains que peu de gens lèvent la main.

À poil !

Donc, j’espérais qu'à l'occasion de ces débats on ait un public, justement, un peu moins averti, qui, pour le coup répondrait oui, et avec qui on pourrait avoir, non seulement un débat plus constructif, mais aussi trouver les bons arguments pour convaincre les gens qui ne sentent pas concernés par la surveillance généralisée ou généralisable. Hélas, ça ne s'est pas produit, les deux fois. D'abord, le premier à Brest était venu avec une association locale qui est déjà très concernée, donc forcément, j'avais une personne dans la salle qui a levé la main et à qui j'ai demandé de se mettre à poil aussi ; mais ça n'a pas très bien fonctionné, et surtout, je l'ai très vite convaincue, avec des arguments assez simples, au final. Et à Nîmes, où je m'attendais à beaucoup plus de monde très peu convaincu, au contraire, là, pour le coup, personne n'a levé la main et pour une raison simple, je pense, c'est que les gens qui vont voir Citizen Four ont déjà, quelque part, une bonne idée de ce qu'ils vont aller voir. On ne va pas voir ce film par hasard. Donc ça ne marche pas.

Du coup, je me suis dit comment faire pour atteindre un public un peu plus large. Si on ne continue à ne parler qu'entre nous, c'est très valorisant, on est tous très contents parce que nos arguments portent, à part quand Manach se pointe pour essayer de les démolir, mais, en tout cas, ça marche bien. Le problème c'est que, quand on se retrouve face à la famille ou aux amis, qui s'en foutent complètement, et qui, eux, ne considèrent pas du tout que la surveillance soit un problème, on n'a plus les arguments pour les convaincre parce que, simplement, on n'a jamais eu l'occasion de développer ces arguments-là. Là, aujourd'hui, je me suis dit, je vais essayer, avec vous, enfin en tout cas, de faire une ébauche de ce qui pourrait être ce contre-discours pour convaincre le plus grand public.

Comme on n'arrive pas à le réunir parce que, eh bien forcément, il ne va pas venir à des conférences qui ne l'intéresse pas sur la surveillance. Si la surveillance ne l'intéresse pas, le public ne vient pas. On va essayer, en tout cas, j'ai commencé par développer un contre-discours autour des amis et de la famille, c'est-à-dire des gens qui là, pour le coup, n’auront pas le choix vu qu'ils seront assis à table avec vous.

J'ai pris un des derniers tweets que j'ai lus sur ce sujet-là, mais il est très parlant, c'est quelque chose que moi je rencontre tout le temps, dès que j'en parle, y compris avec des amis d'enfance. C'est « ouais, ouais, tu peux continuer à parler, c'est très intéressant. On va attendre que tu aies fini pour bouffer, parce là tu es chiant ». Mais voilà. Ce discours-là ne passe pas du tout. Comment faire ? Bon. Ceci n'est donc qu'une ébauche, je n'ai pas eu le temps d'avancer beaucoup. Il n'y a qu'une dizaine de slides, mais ça les slides je les ai faits tout à l'heure en arrivant à Paris, donc forcément ils ne sont pas très jolis, il n'y en a pas beaucoup. Le texte est beaucoup plus long, mais je ne lirai pas tout.

J'ai essayé d'identifier des pistes. Encore une fois, ça n'est qu'une ébauche. Encore une fois, c'est plutôt une invitation à travailler sur ce sujet-là, pour qu'ensuite on puisse organiser, pourquoi pas, des événements, pourquoi pas, dans des facultés, pourquoi pas, dans ds lycées, même, pour attendre enfin ce public-là. Pour l'instant, encore une fois, ce ne sont que des arguments qui vont porter sur un cercle familial, un cercle de proches, mais il va falloir continuer le travail ensuite pour développer un argumentaire qui puisse s’appliquer au plus grand nombre. C'est nécessaire. Ça prendra très longtemps parce que ça fait des années et des années, des décennies, que la vie privée perd de la valeur dans l'esprit du public, pour plein de raisons que je ne vais pas développer ici, je le fais généralement quand je parle de Caliopen, ce n'est pas le thème aujourd'hui. Mais la vie privée perd de la valeur depuis des décennies, donc on est sur une pente descendante de valeur de la vie privée. Il va falloir ralentir cette pente descendante et commencer à la remonter. Ça ne va pas se faire du jour au lendemain ; les arguments, on aura beau les développer, il faudra beaucoup de temps. Il va falloir faire des campagnes médiatiques autour de ça si on veut vraiment réussir à concerner les gens.

Pourquoi je dis ça ? Parce qu'on l'a vu avec le projet de loi renseignement. Autant on s’était planté sur le projet de loi de programmation militaire, on avait très peu vu de médias autour de nous, qui nous suivaient, on avait une mauvaise campagne autour de ce projet. Autant sur le projet de loi renseignement, les médias nous ont suivi. Il y a eu des télés, il y a eu des radios, il y a eu des interviews dans tous les sens, il y avait des caméras, y compris quand on faisait nos petites manifestations. Et malgré ça, personne n'a suivi. Le public, en règle générale, s'en fiche complètement. Donc ce m'est pas un problème d'organisation, cette fois-ci c'est vraiment un problème d’atteindre le public. Comment faire ?

Alors je vous dis, j'ai essayé d'identifier un certain nombre de choses. Le premier truc que j'ai trouvé, peut-être, je ne suis pas vraiment sûr de moi, mais je ne suis sûr de moi sur rien de ce que je vais vous dire ce soir, c'est de ne pas se tromper d'exemple, c'est-à-dire de ne pas utiliser de mauvais arguments quand on s'adresse à ses proches. Typiquement, dans un monde où tout le monde utilise Youporn, où il y a des sextos, où on s'envoie des sextos, enfin pour les jeunes en tout cas, moi je ne fais plus ça depuis longtemps, je ne suis pas sûr que les arguments de « mets-toi à poil » ça porte tant que ça. D'ailleurs il avait commencé à se foutre à poil ! Donc il faut peut-être essayer de trouver d'autres trucs. Et je me suis dit déjà, cet argument, cette image-là, que j'ai vue beaucoup passer sur twitter à un moment, elle me pose un problème. Elle ne me pose pas un problème au sens où elle est mauvaise, elle est très parlante, pour nous tous elle parle, je ne suis pas sûr qu'elle parle au plus grand nombre, parce qu'elle associe la notion de secret à la notion de vie privée et j'ai un doute par rapport à ça. Je pense qu'on mélange trop facilement les deux. Il me semble que ça n'est pas parce que c'est privé que c'est secret. Le problème c'est que l'inverse de public c'est secret. Mais, je ne veux pas dire de bêtises, l'inverse de secret c'est public, mais l'inverse de privé c'est public aussi, ce qui fait qu'on mélange souvent privé et secret, puisque les deux ont le même contraire.

Là, typiquement, on parle de mot passe. Je n'ai pas l'impression qu'un mot de passe relève de ma vie privée. Le contenu auquel on pourrait accéder si on me volait mon mot de pas, OK, là ça relève de ma vie privée. Le mot de passe, lui-même, s'il dévoile quelque chose de ma vie privée, c'est que je l'ai mal choisi. Si c'est le nom de mon chat, par exemple, forcément, ça va vous dévoiler un petit bout de ma vie privée. Mais si c'est le nom de mon chat, c'est un très mauvais mot de passe. Le numéro de ma carte bleue, on dit ça aussi souvent comme exemple « file-moi le numéro de ta carte bleue si tu n'as rien à cacher », mais ça n'est pas un élément de vie privée le numéro de ma carte bleue. Il n'informe personne de rien au sujet de ma vie privée. C'est secret, mais ça ne relève pas du privé.

Donc, peut-être, déjà, avoir ça en tête, ne pas se tromper d'arguments et pour trouver les bons arguments, j'ai essayé de développer un argumentaire en trois points. C'est compliqué. C'est compliqué parce que déjà la vie privée personne ne l'a vraiment définie. Les philosophes du droit, certains philosophes du droit disent d'ailleurs que ça n'existe pas, que c'est une fausse notion qui, en réalité, se simplifie en diffamation, propriété, honneur ou liberté, donc avec des textes de loi, qui, eux, sont précis ; il y a un ou deux articles du code civil, quelques grands principes, mais définition de la vie privée en terme légal, ça n'existe pas. Et même en terme philosophique, c'est quand même assez vague. Donc essayer de trouver des arguments pour convaincre de quelque chose qui n'est pas très bien défini, c'est compliqué. Mais j'ai essayé. Alors, encore une fois, ça n'est qu'une ébauche. Cet argumentaire en trois points, que je vais essayer de développer avec vous ce soir, c'est d'abord, quand on parle aux gens, c'est de leur démontrer qu'ils ont bien quelque chose à cacher, même s'ils croient que non. Ensuite leur dire que, même si eux croient n'avoir rien à cacher, nous, en tout cas, on estime avoir quelque chose à cacher. Et donc, quand on discute avec eux, ils ont intérêt, quand même, à faire gaffe à ce qu'on leur dit et à ne pas le divulguer. Et le troisième, et sans doute le plus difficile, c'est l'importance de la vie privée dans la société, pour essayer d'élargir le débat, et ce n'est vraiment pas le plus facile.

09' 37

Donc j'ai essayé de comprendre ce