Différences entre les versions de « Radio campus rmll accessibilite puis c'est dans l'air »

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'''Patrice Bertrand :''' Oui ! Oui ! Et puis je me rappelle aussi d'une anecdote au moment où Vista est sorti. Quelqu'un que je connais qui bosse dans une petite boutique informatique qui a voulu, comme il a l'habitude, après l'installation de Vista ; bon déjà il a fallu modifier dans le BIOS, c’était au tout début le contrôleur SATA et puis après il a voulu installer les pilotes de la carte mère. Alors le premier c'était « Ce pilote nécessite Windows XP ou supérieur » et puis le deuxième c'est « Ce pilote a détecté que le système d'exploitation n’était pas Windows », ce qui est quand même assez drôle.
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'''François Revol :''' Oui ! Oui ! Et puis je me rappelle aussi d'une anecdote au moment où Vista est sorti. Quelqu'un que je connais qui bosse dans une petite boutique informatique qui a voulu, comme il a l'habitude, après l'installation de Vista ; bon déjà il a fallu modifier dans le BIOS, c’était au tout début le contrôleur SATA et puis après il a voulu installer les pilotes de la carte mère. Alors le premier c'était « Ce pilote nécessite Windows XP ou supérieur » et puis le deuxième c'est « Ce pilote a détecté que le système d'exploitation n’était pas Windows », ce qui est quand même assez drôle.
  
 
Après sur les spécifications j'ai une position un petit peu différente étant donné le fait que je suis aussi développeur de système d'exploitation mais qui est un petit peu plus obscur et qui déjà n'est pas une distribution de Gnu Linux, mais qui est un autre système d'exploitation, encore moins bien connu, et donc vu qu'on n'utilise pas Linux comme noyau, nous on est obligé d'écrire nos propres pilotes. Alors linuxiens, chers linuxiens, considérez-vous heureux d'avoir des pilotes binaires Nvidia, je ne ais pas si c'est une bénédiction ou une malédiction, mais les pilotes binaires Nvidia ils ne marcheront pas sur le système auquel je contribue qui s'appelle Haiku. Donc moi en tant que développeur et en tant aussi qu'utilisateur qui voudrait faire un choix avec une concurrence libre et non faussée pour reprendre les termes de certains, pour l'instant je n'ai pas ce choix-là  et en fait tout vient justement de la vente liée parce qu'en fait tout le monde quasiment achète un PC sous Windows, donc les fabricants effectivement, même si ça s'améliore, il y en a qui effectivement publient les spécifications, publient les pilotes libres, même si ce n'est que pour Linux, mais au moins on peut étudier le code source ; il y en d'autres qui, effectivement, disent qu'ils sont pour Linux, qu'ils sont membres  de la  Linux Foundation et puis qui se contentent de donner le code source d'une glu qui sert à coller le gros bloc binaire au noyau Linux. Et donc à cause de ça on n'a pas les spécifications des composants de la machine et on ne peut pas écrire de pilotes libres pour ces machines, ou alors on fait du reverse engineering, on perd du temps, on n'est pas sûrs que ce soit correct. Moi en tant que développeur, je ne peux pas certifier qu'un pilote que j'écris en tant que reverse engineering du pilote Windows, je ne peux pas certifier qu'il ne va pas faire exploser la machine. Je ne peux pas !
 
Après sur les spécifications j'ai une position un petit peu différente étant donné le fait que je suis aussi développeur de système d'exploitation mais qui est un petit peu plus obscur et qui déjà n'est pas une distribution de Gnu Linux, mais qui est un autre système d'exploitation, encore moins bien connu, et donc vu qu'on n'utilise pas Linux comme noyau, nous on est obligé d'écrire nos propres pilotes. Alors linuxiens, chers linuxiens, considérez-vous heureux d'avoir des pilotes binaires Nvidia, je ne ais pas si c'est une bénédiction ou une malédiction, mais les pilotes binaires Nvidia ils ne marcheront pas sur le système auquel je contribue qui s'appelle Haiku. Donc moi en tant que développeur et en tant aussi qu'utilisateur qui voudrait faire un choix avec une concurrence libre et non faussée pour reprendre les termes de certains, pour l'instant je n'ai pas ce choix-là  et en fait tout vient justement de la vente liée parce qu'en fait tout le monde quasiment achète un PC sous Windows, donc les fabricants effectivement, même si ça s'améliore, il y en a qui effectivement publient les spécifications, publient les pilotes libres, même si ce n'est que pour Linux, mais au moins on peut étudier le code source ; il y en d'autres qui, effectivement, disent qu'ils sont pour Linux, qu'ils sont membres  de la  Linux Foundation et puis qui se contentent de donner le code source d'une glu qui sert à coller le gros bloc binaire au noyau Linux. Et donc à cause de ça on n'a pas les spécifications des composants de la machine et on ne peut pas écrire de pilotes libres pour ces machines, ou alors on fait du reverse engineering, on perd du temps, on n'est pas sûrs que ce soit correct. Moi en tant que développeur, je ne peux pas certifier qu'un pilote que j'écris en tant que reverse engineering du pilote Windows, je ne peux pas certifier qu'il ne va pas faire exploser la machine. Je ne peux pas !

Version du 30 juillet 2013 à 13:53


Écouter ici : [1]

00' transcrit Marie-Odile

Gilles Gouget : Radio RMLL, c'est sur les ondes du nonante deux point un de Radio Campus ici à l'Université Libre de Bruxelles pour cette dernière journée des Rencontres Mondiales du Logiciel Libre. On va retrouver dans un petit instant François Pellegrini, Patrice Bertrand, Anne Nicolas qui va nous rejoindre d'une façon ou d'une autre. Jeanne Tadeusz, René Revol et puis Luc qui est toujours là et qui m'accompagne et qui vient


Luc : François Revol


Gilles Gouget : Oui c’était une faute de Languedocien ça, évidemment, puisque nous avons un René Revol dans nos docs figurez-vous, enfin ça c'est une autre histoire qu'on ne va pas aborder tout de suite. On va retrouver pour parler accessibilité justement et bien Jean-Philippe avait un petit coup de gueule à dire, on va écouter ça et puis après on attaquera notre plateau, on va dire bilan sociétal 2012, disons ça comme ça, et puis actualité et contradictions et turpitudes autour du logiciel libre.


Luc : Alors on est avec Jean-Philippe, bonjour.


Jean-Philippe : Bonjour.


Luc : On n'a pas pu faire notre plateau accessibilité aujourd'hui en studio alors comme on passe par là et qu'on y pense quand même, tu avais quelques trucs à dire par rapport à cette question d'accessibilité qui est un des thèmes récurrents, je ne sais pas si tu étais là dès le départ aux RMLL, mais voila. En ces temps où on parle beaucoup d'ergonomie et puis des distributions Linux qui commencent à être adoptées par beaucoup de gens, tu avais un coup de gueule en quelque sorte à pousser ?


Jean-Philippe : Oui et j'avais déjà plus ou moins commencé l’année dernière. J'avais expliqué qu'il y avait de forts risques que les mises à jour des interfaces graphiques et des différentes distributions majeures comme Debian ou Ubuntu soient inaccessibles à partir du moment où elles interviendraient courant 2013 et fin 2012. Et c'est grosso modo ce qui s'est passé modulo quelques bonnes nouvelles. Typiquement Ubuntu a quand même trouvé des interfaces à peu près accessibles encore que si je me base sur les tests que j'ai récemment faits ??? n'est pas capable, je n'ai pas trouvé comment étendre le système avec l'interface qu'il nous propose donc je ne sais pas trop comment ça fonctionne.

On est dans la situation un petit peu que je craignais, encore un modulo parce qu'aujourd'hui quand même des choses se font, Gnome, qui est l'interface graphique qui était de base la seule mais la vraie accessible, évolue, ça se met à jour. Certes il y a encore beaucoup de travail et des bugs majeurs qui font que auprès du grand public c'est extrêmement difficile de faire passer le message. Pour autant c'est vrai que ça progresse quelque peu et puis ce qui personnellement me motive particulièrement ces derniers temps c'est d'une part l'émergence d'environnements alternatifs comme par exemple LXDE qui aujourd'hui fait un vrai effort pour devenir accessible et puis d'autre part quelques projets qui étaient un peu en berne, qui s'améliorent, je pense en particulier à OpenOffice.org ou à LibreOffice lesquels sont en train de devenir accessibles sous Windows, ce qui était un vraie limite jusqu'ici.


Luc : Au niveau juridique, légal, etc, l'accessibilité, un point de vue, un bilan à faire depuis l'année dernière ?


Jean-Philippe : Le bilan c'est que la loi initialement disait que l'accessibilité numérique devait être un objectif atteint en 2012 et finalement ça ne l'a pas été. Résultat des courses la prochaine échéance c'est 2015, d'abord parce que l'échéance que c'est la loi d'accessibilité en général qui a été votée en 2005 et ensuite parce que au niveau de l'Union Européenne des règles sont en train d'entrer en vigueur de sorte qu'aujourd'hui l'accessibilité numérique est l'objectif à atteindre par tous les sites internet et par tous les intervenants numériques d'ici 2015.

Donc on peut dire encore une fois que 2012 a été un semi échec mais que la prochaine date c'est 2015 et que ça nous permet encore de parler légitimement d'accessibilité en faisant réagir la corde sensible qui s'appelle la règle juridique et qui s'appelle la norme.


Luc : J'aborde cette question-là parce qu'il y a un trait d’union entre l'accessibilité et aussi le logiciel libre, ce sont les Carto-parties, OpenStreetMap, etc. A Montpellier où auront lieu les RMLL en 2014, il y a depuis quelques années déjà, une paire d'années, le lug local organise avec la ville des Carto-parties, des saisies-parties sur le thème de l’accessibilité pour voir si tel commerce ou si telle institution est accessible, s'il ne manque pas un bateau à tel endroit, etc. Alors que si je me souviens bien c'est en 2005 que, en France, on avait dit que tous les bâtiments publics, que tous les lieux devaient être accessibles aux gens en fauteuil, etc. Comme quoi depuis 2005 ça n'a pas bougé, non plus puisque quand ils font leurs Carto-parties ils se rendent bien compte qu'il y a des endroits qui ont été oubliés par l’urbanisme.


Jean-Philippe : C'est probablement le secteur où c'est le plus difficile. Le logiciel bon, c'est une chose, mais l’infrastructure, c'est-à-dire les bâtiments, les enceintes c'est probablement le plus complexe au niveau des communes parce que c'est ce qui génère le plus de coûts et c'est ce qui génère le plus de besoins de rénovation. Si on prend un bâtiment, autant quand on construit un bâtiment neuf on peut intégrer d'emblée les normes d'accessibilité en revanche quand il s’agit de mettre aux normes un bâtiment déjà existant, c'est parfois extrêmement compliqué. Typiquement le métro par exemple n'est pas forcément facile à mettre en accessibilité quand on a réseau qui date de plusieurs décennies et qui n'avait as du tout été conçu. pour ça. Donc c'est forcément aujourd'hui ce qu'il y a de plus difficile. Maintenant des sites comme OpenStreetMap sont extrêmement importants puisqu'ils permettent justement de recenser les points à la fois de facilité, d’accessibilité et les autres qui sont des points de difficulté d'accessibilité, si bien que du coup pour une personne notamment les personnes à mobilité réduite, elles peuvent préparer leurs trajets via des GPS ou via la base de données OpenStreetMap en sachant d'emblée et par avance à quoi elles doivent s'en tenir. Donc c'est plutôt déjà un progrès. Le libre a en ce sens a apporté énormément, je trouve, en termes d'outils à la disposition des handicapés pour qu'ils puissent avancer.


Luc : Merci beaucoup pour ce bilan 2012, on va dire ça comme ça, et puis au plaisir de parler plus longuement d'accessibilité dans le cadre des Rencontres Mondiales du Logiciel Libre en 2014 à Montpellier.


Jean-Philippe : Merci à vous pour votre intérêt sur la question.

6' 12

Musique


8'21

Gilles Gouget : Sur Radio RMLL on accueille à présent Luc qui est avec nous. Bonjour Luc !

Luc : Bonjour !

Gilles Gouget : On n'est plus là pour parler accessibilité mais on va parler télévision. Mon Dieu on va parler télévision à la radio, c'est vraiment n'importe quoi ! Mais des fois il se passe des trucs à la télévision qui sont tout à fait intéressants. Alors autour de la table il y a François Revol et donc pas René. Bonjour François !

François Revol : Bonjour !

Gilles Gouget : Il y a un autre François, c'est François Pellegrini que tout le monde connaît comme universitaire mais surtout défenseur des logiciels libres et ennemi farouche du brevet logiciel en Europe. On a le président du Conseil National du logiciel libre, Patrice Bertrand, patron de Smile qui est une des plus grosses sociétés de logiciels libres en France. Bonjour.

Patrice Bertrand : Bonjour !

Gilles Gouget : C'est la première fois que je vous ai au micro. Et puis Jeanne Tadeusz qu'on a au téléphone très régulièrement. Grâce aux RMLL on peut la voir en chair et en os. Bonjour Jeanne !

Jeanne Tadeusz : Bonjour !

Gilles Gouget : Alors qu'est-ce qui nous a amené là ? Je crois que c'était dans une émission de télé assez connue et plutôt assez bien foutue d'habitude.

Luc : C'est l'émission C'est dans l'air qui est une émission sur France 5, donc une émission française. Et donc il y avait une émission, un thème d'émission, sur la surveillance, Prism et ce genre de choses, avec deux experts, plutôt centré sur la question de sécurité. L'objet n’était pas vraiment le logiciel libre mais évidemment ça touchait aux questions de surveillance au travers de l'informatique et il y a eu quelques phrases qui sont parties sur des sujets qui sont proches de ceux du logiciel libre et qui ont provoqué quelques réactions épidermiques auprès de certains libristes et on va écouter la première. Elle est dite par Éric Filiol. Il était au sein d'une interview, il n'était pas présent dans l'émission donc peut-être que ça a été monté, probablement. Éric Filiol, on le connaît, il était aux Rencontres Mondiales du Logiciel Libre en 2011, c'est un spécialiste en sécurité informatique et on va écouter ce qu'il a à dire.

Éric Filiol : Essayez de trouver un système d'exploitation qui ne soit pas américain. Vous avez le choix entre Apple et Microsoft. Bref ! Essayez de trouver un service de réseaux sociaux ou un service internet maintenant qui n'est pas concentré entre les mains de quelques acteurs américains. On s’aperçoit que finalement quelle que soit la partie du monde numérique avec laquelle on souhaite travailler, de toutes façons on est obligé de travailler avec le diktat technologique et commercial des États-Unis.

Gilles Gouget : Donc voila, c'était Éric Filiol. Effectivement il dit qu'on ne peut pas trouver facilement d'ordinateurs qui ne soit pas soit Mac soit Windows et ce n'est pas complètement faux, mais cette absence d'alternative n'est pas tout à fait convaincante. Je ne sais pas quelles sont les réactions. Je vais peut-être me tourner vers Patrice Bertrand.

Patrice Bertrand : Sur la domination américaine dans l'industrie du logiciel, il n'y a aucun doute, c'est factuel, on ne va pas dire le contraire. Par contre sur le fait qu'on n'ait pas le choix, là je pense que, je ne sais pas si ce qu'il voulait dire c'est exactement soit qu'il n'existe pas de choix ou qu'il était difficile pour un particulier typiquement de trouver des alternatives. Voila c'est à peu près la réalité, hélas avec la domination des quelques géants dont il a parlé elle est manifeste, néanmoins des alternatives il y a en a, malheureusement il n'est pas facile pour un particulier d'y accéder, en particulier lorsqu'il est en train d’acheter un ordinateur dans une grande surface.

Gilles Gouget : La fameuse vente liée !

Patrice Bertrand : C'est la fameuse vente liée. Après une fois qu'il aura acheté son ordinateur, qu'il l'aura amené chez lui, il aura encore beaucoup de choix qui se présentent à lui. Il va y installer des quantités de logiciels et là il y a à peu près sur tous les sujets des alternatives en logiciels libres. On pourra évoquer tout à l'heure la supériorité qu'ils peuvent promettre en terme de sécurité et de vie privée.

Gilles Gouget : Et d’indépendance !

François : Oui alors, il y a plusieurs points à considérer évidemment. Quand on parle en termes de sécurité, il existe énormément de systèmes d'exploitation libres. Le fait est qu’être libre n'est pas un gage de sécurité. Il y a eu des exemples qui ont été documentés de personnes qui ont été payées par les services gouvernementaux pour introduire des bugs dans des systèmes d'exploitation libres et ces bugs ont prospéré pendant plusieurs plusieurs années sans jamais avoir été découverts. Donc l’ouverture du code source n'est clairement pas un avantage décisif sur la sécurité intrinsèque du logiciel. En revanche, le fait est que, quand un faille de sécurité existe et est détectée, on peut la corriger rapidement. Donc ce qui est important c'est la capacité d'audit du code qui permet de le réaliser.

13' 03

Intervenant : Force est de constater que personne n'imaginait qu'un Bull ou un Siemens puisse se dresser contre Microsoft pour faire un système d'exploitation qui puisse être un concurrent sérieux. Or au jour d'aujourd'hui et les chiffres sur le marché mobile le montrent, les descendants du noyau Linux sont là et bien là et dominent le marché. Alors maintenant ça a été rebrandé à travers Google et les autres, ça s'appelle Android, mais quand on regarde effectivement les systèmes d'exploitation libres dominent en nombre le marché sur les tablettes et les applications et des processeurs non Intel dominent également sur ce marché, ce sont les processeurs de la famille ARM qui montrent que la domination qu'on pensait éternelle du duo Intel Windows, c'est-à-dire Wintel, il n'a pas fallu quelques années pour qu'elle soit effectivement mise en danger.

Gilles Gouget : On constate qu'on a régulièrement des retournements. IBM en a fait les frais avant l'avènement de Microsoft. Dans le domaine informatique, on a des régulièrement des retournements spectaculaires

Intervenant : Tout à fait parce que la volubilité du marché est très grande. Maintenant vouloir faire de la sécurité ce n'est plus un problème de système d'exploitation, ça ne sert à rien d'avoir le système d'exploitation le plus audité possible, si les processeurs sont eux-mêmes buggés et de ce point de vue l’Europe a un déficit en fonderie et en capacité d’être son propre maître sur les processeurs qui a toujours été et reste extrêmement préoccupant. Donc pour revenir sur l'aspect des logiciels qui nous concerne, je vais être rapide. Clairement donc l'investissement économique considérable qui était nécessaire pour réaliser un système d'exploitation concurrent des systèmes exploitation étasuniens a été fait. C'est un investissement international autour donc des logiciels libres, qui montre qu'ils constituent une alternative économique très crédible parce qu'ils agrègent énormément de valeur, très rapidement.

Maintenant les utiliser dans un contexte gouvernemental, ça suscite de mettre en place des politiques volontaristes d'audit du code, c'est-à-dire que quand on veut utiliser un logiciel libre dans un contexte sensible on fait un audit du code pour essayer de détecter ses bugs qui auraient pu être introduits par l'ensemble des états qui auraient subvertis un ou deux programmeurs pour rentrer ces bugs. Donc ça demande une démarche d'analyse qui peut être considérée comme un peu onéreuse et qui est en tout cas bien moins coûteuse que de redéfinir à partir de zéro un système d’exploitation purement national et certifié par tel ou tel gouvernement.

Intervenant : En terme d'alternatives, on a vu elles existent Gnu Linux en terme de système d'exploitation ; il y a une foule de logiciels pour les particuliers et les professionnels qui existent en logiciel libre. Ça n'est pas une garantie mais ça permet au moins de voir ce qu'il y a dedans. Aujourd'hui qu'est-ce qui existe ? Parce que quand on parle logiciel libre et notamment sur le site de l'émission C'est dans l'air, on a des réactions au niveau des commentaires évidemment certaines personnes citent les logiciels libres et la réaction est de dire mais les logiciels libres ce sont des trucs pour spécialistes, c'est trop compliqué et ça n'est pas adapté au monde professionnel. Alors qu'est-ce qui existe rien qu'en terme de système d'exploitation aujourd'hui dans le monde professionnel ?

Intervenant : Linux évidemment. Après des suites bureautiques, LibreOffice qui est un équivalent parfait, tout ce qu'il y a de plus complet, à la suite Microsoft. Et puis en matière de messagerie et de groupware il y a quantité d'alternatives, de produits, je ne vais pas citer tous les noms ici, mais il y a tout e qu'il faut pour trouver son bonheur. Je pense qu'en premier lieu il faut distinguer en tout cas le sujet de tout ce qui est cloud, c'est-à-dire tout ce qui accéder par l'internet depuis chez soi et là on pourrait dire le danger effectivement est très grand, il est manifeste, quand bien même on aurait la plus ou moins assurance que c'est du logiciel libre qui tourne quelque part sur le serveur, ça n'apporterait pas tellement de garanties supplémentaires. Donc il y a le cloud d'un côté où là les menaces sur la vie privée et la sécurité sont réellement très importantes et puis il y a les logiciels qu'on installe sur ses ordinateurs chez soi et là c'est un tout autre sujet comme François le disait, la garantie n'est peut être pas absolue totale mais elle est quand même bien plus grande si on utilise des logiciels libres. Peut-être un tout dernier mot. Ce qu'on a dit parfois, et parfois ça sort comme un argument contre la croyance dans le risque de back door dans ces logiciels par exemple des logiciels Microsoft. On entend parfois "Ce n'est certainement pas le cas parce que vous comprenez ce serait tellement dommageable pour leur réputation si on s'en apercevait un jour, que certainement que ça n'est pas le cas." Mais cet argument il ne vaut vraiment rien puisqu’on aurait pu appliquer exactement le même aux messageries et à tous ces grands acteurs qui se sont fait prendre justement à propos du programme Prism. C'est-à-dire qu'on aurait pu dire la même chose il y a trois mois " C'est impensable parce que vous comprenez ce serait tellement dommageable pour leur réputation qu'ils n'auraient jamais accepté ça". Mais le fait est qu'ils l'ont accepté.

Intervenant : Et l'État français d'ailleurs n'en est pas convaincu puisque dans l’affaire de l'accord open bar entre Ministère de la Défense et Microsoft, il y a donc une analyse interne faite par un français qui pointait ces risques de back door et de surveillance. François tu avais quelque chose à rajouter.


François : Effectivement, on a vu avec cette histoire de Prism grâce à Snowden, qu'effectivement on n'avait quand même pas forcément raison de les croire. On peut citer justement effectivement le site prism-break.org donc P R I S M tiret B R E A K point org, je crois qui justement fait une liste des types de logiciels et des services, avec d'un côté les habituels Google, etc, Amazon, etc, Windows, et puis de l'autre les équivalents un peu plus éthiques dont les logiciels libres, donc ça peut être une référence pour la suite.

19'14

Gilles Gouget : Alors peut-être que Anne qui nous a rejoint pourrait réagir à ça. Donc le texte est "il n'existe pas d'alternative". Toi tu t'occupes de Mandriva qui est une distribution Linux. Qu'est-ce que ça t'inspire ce genre de commentaire ?

Anne Nicolas : Je suis un peu étonnée parce que je dirais que la communication sur les logiciels libres aujourd’hui c'est quelque chose qui est devenu pas banal mais en tout cas relativement courant. Pour avoir travaillé chez un éditeur de distribution auparavant qui n'était certes pas le premier sur le marché, mais on se rendait compte que les gens étaient sensibilisés à l'existence de ce système d'exploitation qu'est Linux. Donc c'est très étonnant d'entendre ce genre de choses, d'autant plus qu'aujourd'hui dans les secteurs je dirais extrêmement sensibles de l'État français, on a du Linux en système d'exploitation sur les serveurs. Nous on a appris tout à fait par hasard au dernier salon Solutions Linux, par exemple, qu'il y avait effectivement une partie de la Défense qui utilisait Mandriva sur ses théâtres d'opérations, sur un serveur et qui est passée tout naturellement pour avoir une suite en terme de maintenance sur le serveur, qui est passée sur du Mageia, pour des portails captifs. Donc ça me semble un exemple relativement concret de ce qu'on peut faire avec du Linux et effectivement pourquoi ils ont opté pour ce type de système d'exploitation ? Parce que c'est ouvert, parce que on peut en contrôler les contenus et parce qu'on a la main effectivement sur ce qui va être développé au-dessus de cette pile, au-dessus de cette base de système. Donc ça me semble relativement concrèt.

Gilles Gouget : Jeanne !

Jeanne Tadeusz : Juste pour compléter rapidement ce qui disait Anne. Effectivement l'utilisation du logiciel libre est de plus en plus vaste notamment parmi les acteurs publics. Un autre exemple qu'on pourrait donner c'est le Ministère des Affaires Étrangères qui a récemment expliqué que les ordinateurs utilisés dans le cadre des missions en déplacement ou autres utilisaient un système d'exploitation libre basé sur Ubuntu justement pour des raisons de sécurité. De dire que ça ne répond pas à des exigences professionnelles, de dire qu'en termes de sécurité ce n'est pas courant d'utiliser du logiciel libre, c'est dans le meilleur des cas mal connaître le secteur de la sécurité ou du moins ce que font aujourd'hui les acteurs dans la sécurité parce qu’on pense que le Ministère des Affaires Étrangères, la diplomatie a priori tout ce qui est notamment déplacement en ordinateurs portables, ils font relativement à ce genre de choses. Alors qu'en plus on a des acteurs qui ne sont pas des techniciens ou des spécialistes, donc avec quelque chose qui doit être relativement utilisable, assez facilement et compréhensible aux acteurs qui ne sont pas des techniciens informatiques. Et donc là on a un vrai usage concret du logiciel libre par des non spécialistes pour répondre au contraire à des exigences de sécurité. Donc là on est dans le contre-exemple parfait.

Gilles Gouget : On a la gendarmerie aussi ! Alors si Gnu Linux est vraiment un système d'exploitation pour spécialistes et pour geeks, c'est une bonne nouvelle : ça veut dire que l'ensemble des gendarmes français sont extrêmement points en la matière et ça fait plaisir de voir ça. François !

François : Juste une chose effectivement. On sait que de toute manière il y a eu une étude Gartner qui montrait que la majorité des entreprises utilisait au moins une brique libre, si pas plusieurs, qu'effectivement beaucoup de ministères ;: on télé-déclare nos déclarations d’impôts sur aussi des serveurs qui sont en logiciel libre. Donc considérer que ce n'est pas professionnel je pense que c'est une déclaration qui n'est pas professionnelle, c'est-à-dire que c'est quelqu'un qui clairement ne connaît pas le marché !

Gilles Gouget : Alors là, il faut quand même lui rendre grâce, il dit que c'est difficile à trouver, ce qui n'est pas faux.

François : En tout cas les gendarmes et le service des impôts ils ont trouvé !

Gilles Gouget : Il y a une chose qui est certaine au moins dans le montage C'est dans l'air a choisi, c'est le minimum en tout cas dont on peut être sûr, c'est que dans le montage ils ont décidé d'effacer ce truc-là.

François : Tout à fait ! Mais dernier point sur la question des silos de données, c'est-à-dire des réseaux sociaux, il y a eu des entreprises là aussi collaboratives, de création de réseaux sociaux qui ne soient pas centralisés, on peut penser à identica, on peut penser à d'autres avec l'objectif que ce ne soit pas l'acteur privé qui concentre l'information et que les personnes restent maîtres de leurs données. Donc il y a des outils qui peuvent être développés de façon alternative. Malheureusement l'effet de réseau joue totalement en faveur de acteurs en place qui sont capables de faire de la publicité sur leurs services.

23'26

Gilles Gouget : On va écouter le deuxième extrait. Donc là c'est Alex Turck, l'ancien président de la Cnil, donc pour vous situer le truc la CNIL c'est la commission qui s’occupe des libertés informatiques en France et aujourd'hui je crois qu'il est sénateur si je ne me trompe pas. Et on va voir ce qu'il à a dire et en fait ça se déchaîne c'est la fin de l'émission et ça déchaîne des réactions qui sont assez intéressantes.


Journaliste C'est dans l'air : Question intéressante. Les entreprises françaises doivent-elles cesser d'utiliser des logiciels américains susceptibles de les espionner ?


Alex Turck : Comment faire ? Comment elles pourraient ?


Journaliste C'est dans l'air : On est bien d'accord. Il n' y a pas de produit de substitution.


Alex Turck : Techniquement parlant il n'y a pas de produit de substitution pour le moment à ce que je sache.


Journaliste C'est dans l'air : J'ai le pendant de votre réponse. Les Européens doivent-ils développer leurs propres systèmes d’exploitation, moteurs de recherche, etc pour se protéger ?


Alex Turck : C'est tout ça dont on rêve, mais enfin. Les Européens oui, mais si vous voulez, c'est qui les Européens, s'il faut que ce soit les Allemands, les Français, il y a différents groupes ?


Journaliste C'est dans l'air : On a fait Airbus non ! Mais excusez-moi, on a fait Airbus !


Alex Turck : C'est vrai, c'est vrai .


Journaliste C'est dans l'air : Ah bon très bien !


François Revol : LoL.


Gilles Gouget : On aurait effectivement pu rajouter des rires enregistrés derrière, ça fait sourire des gens dans le studio. Alors une réaction ? François Pellegrini


François Pellegrini : Je crois qu'en fait ça traduit une vision industrielle du millénaire précédent. C'est-à-dire qu'effectivement il y a beaucoup d'argent qui est investi pour faire des machins européens qui copient les machins étasuniens. On peut pense à tout ce qui a été investi dans les moteurs de recherche autour de Quaero et autres, d'essayer de contrer Google avec un résultat qui est une atteinte massive au domaine public. Donc chaque fois qu'on a imaginé, j'allais dire avoir une politique colbertiste sur ce type de ce sujet, on se plante et on gaspille l'argent public parce qu'on confie à des acteurs du millénaire précédent qui ont des stratégies industrielles qui sont celles du monde matériel, l'argent qui devrait permettre au contraire, qui devrait être utilisé pour des stratégies agiles. Comme on l'a montré en première partie d'interview, ce n'est pas Bull, ce n'est pas Siemens qui ont fait le système d’exploitation qui a pu contrer les systèmes d'exploitation des entreprises étasuniennes, c'est la collectivité donc clairement il faut travailler en réseau, il faut travailler en bottom-up. Avoir une politique industrielle de type top-down en disant on injecte l'argent sur les gros acteurs en pensant que ce sont eux qui vont trouver la solution, c'est clairement une erreur manifeste.


Gilles Gouget : Patrice Bertrand, quand j'entends ce truc-là j'ai l'impression que vous n'existez pas !


Patrice Bertrand : C'est vrai que c'est n'importe quoi et c'est bien triste venant de quelqu'un qui, au titre de ses fonctions dans la Cnil, devrait connaître un petit peu le paysage informatique. Le système d'exploitation, je pense qu'il ne faut pas se focaliser uniquement sur le système d'exploitation ; c'est un composant fondamental.


Luc : On est sur les outils, donc on dépasse. Autant dans le premier on parle d'OS effectivement, sur celui-là, on parle vraiment de logiciels au sens large.


Patrice Bertrand : Vous comprenez que dans son initiative européenne souhaitée il mettait le focus sur le système d'exploitation. En tout cas il y a un système d'exploitation qui s'appelle Linux qui est porté par une Fondation qui est basée aux États-Unis mais qui ne lui donne pas une une spécificité américaine le moins du monde. Il y a des contributeurs du noyau Linux qui sont dans tous les pays du monde. Il y en a en France des gens comme ST Micro.


Gilles Gouget : La question d’opposition nationale n'a pas grand sens !


Patrice Bertrand : Il y en a en Allemagne, il y a des Samsung, des contributeurs de Linux, pas mal d'acteurs japonais sont contributeurs de Linux. Donc c’est un effort, une sorte de gigantesque R & D mutualisée à l'échelle planétaire qui a véritablement des avantages extraordinaires en termes de maîtrise et donc de liberté. Donc ça c'est un fait. Au-dessus de ça les outils on l'a dit tout à l'heure ne manquent pas. Et c'est vrai que le grand drame, le cœur du sujet pour beaucoup de gens c'est la suite bureautique. On peut parler de plein d'outils, mais en réalité, les gens chez eux ce qu'ils veulent sur l'ordinateur c'est une suite bureautique. Et la suite bureautique effectivement à 95 %, ça doit être celle de Microsoft, alors que, et c'est vraiment dramatique comme monopole parce que c'est un monopole qui a pour principale raison les habitudes. Et les habitudes, bien sûr, tout est fait pour qu'elles soient prises par les nouvelles générations dès le plus jeune âge de telle sorte qu'ils trouvent un peu pénible que ce soit à 18 ans ou à 30, et qu'ils trouvent un peu pénible, de se faire de nouvelles habitudes. Mais sinon en termes de fonctionnalités, tout le monde en convient, c'est rigoureusement identique. On a la même chose en version à la fois libre et gratuite, et par ailleurs mieux sécurisée. La même chose est là mais il faut changer d'habitudes et tout le monde joue là-dessus, à commencer, bien sûr, par ceux dont c'est l'intérêt économique.


Luc : Alors il y a quand même des choses qui sont mises en place et je pense au milieu professionnel. Je discutais cette semaine avec quelqu'un, une collectivité du côté de Nantes en France et qui veut passer à LibreOffice. Il disait là où ils péchaient, où ils avaient du mal, c’était pour migrer et notamment ils avaient des macros, et ils avaient du mal à trouver un prestataire qui puisse assurer la migration de leur macros. Et ça, autant quand on est un particulier on change assez facilement, dans une entreprise il y a souvent des tas de choses qui sont mises en place. Ce n'est pas facile ! C'est un vrai projet quoi !


Patrice Bertrand : Oui c’est vrai, des prestataires il y en a. L'aiguiller directement sur le bon prestataire. Je suis sûr qu'en cherchant un peu on en trouve. Il y a quand même un certain nombre d'entreprises, justement. Ça me donne l'occasion de dire un mot sur le CNLL qui est une sorte de fédération, au niveau national, en France, des grandes associations d'entreprises. Dans pratiquement toutes les régions en France, des entreprises du logiciel libre se sont réunies pour former des associations pour agir ensemble au niveau local, agir en réseaux, parfois faire du business ensemble aussi. Et ces associations depuis 2010 se sont réunies au niveau national pour former le Conseil National du Logiciel Libre.


Gilles Gouget : Jeanne !


Jeanne Tadeusz : Juste pour compléter sur un point, sur effectivement les habitudes donc à la fois des entreprises mais aussi des utilisateurs. C'est évident que c'est une difficulté, mais c'est la logique de quand on est à l'école on apprend sur le tout Microsoft, qui fait que simplement arrivé dans une vie professionnelle, c'est parfois difficile de passer au logiciel libre. C'est clair. C'est regrettable d'ailleurs parce que finalement des élèves on ne fait que des consommateurs de numérique, on ne fait pas du tout des acteurs, on ne leur apprend pas à utiliser un tableur ou un traitement de texte, on leur apprend à utiliser des outils donnés, sans même leur montrer une diversité d'outils qui leurs permettraient d’évoluer.

Mais quand même, parce qu'il faut quand même donner de bonnes nouvelles de temps en temps, on peut aussi saluer la décision de l'Assemblée Nationale et du Sénat français qui cette semaine ont décidé de donner la priorité aux logiciels libres dans le service public de l'Enseignement Supérieur. D'accord c'est un petit service public, mais quand même on est sur un bon signe et un bon début et on peut espérer que justement sur ces questions-là on voie une évolution bientôt, au moins ne plus avoir les blocages utilisateurs qu'on peut connaître aujourd'hui.


Gilles Gouget : Même si j'ai bien compris, cette même priorité au logiciel libre a été mise de côté sur un autre projet de loi sur l'éducation, mais dans les niveaux inférieurs. Donc il y a quand même un petit souci de cohérence à ce niveau-là. Quand on dit effectivement qu'on est devenu consommateurs, en tout cas pour les enfants, c'est vrai que dans les années 80 il y avait des ordinateurs au fond des classes ; c'était des choses qu'on pouvait programmer ! Moi j'ai appris avec le Basic, il y en a qui utilisaient le Logo, mais on pouvait faire des programmes. Ça commence à revenir à la mode, enfin à la mode, ça revient sur l'avant de la scène, on fait même des Coding Goûters, c'est quelque chose qui revient, mais c'est un peu dommage qu'on ait justement perdu ça. Il y a eu un obscurantisme ces vingt dernières années en fait.

31'28

Gilles Gouget : Je rebondis par rapport à cette loi sur la modernisation de l'école. Tu viens de dire « C'est un petit ministère l'Enseignement Supérieur et la Recherche ». Est-ce que c'est là la clef de l’explication de la marche arrière du gouvernement sur le marché de l’Éducation Nationale qui peut-être est plus gros et alimente aujourd'hui beaucoup plus d'acteurs ?


Jeanne Tadeusz : Je ne connais pas les explications. Je ne suis pas dans le secret du gouvernement. Par contre ce qu'on peut voir c'est qu'effectivement quand on parle du projet de loi qu'il y a sur l'Enseignement et la Recherche où cette fois-ci la priorité au logiciel libre est passée, on a sans doute plusieurs facteurs. Le fait que l'enseignement supérieur effectivement utilise déjà sans doute plus de logiciels libres que d'autres acteurs, que d'autres services publics. Donc on a sans doute un avantage à ce niveau-là. On a aussi le fait qu'au contraire au niveau de l’Éducation Nationale on un lobbying très fort de la part de Microsoft. Il suffit de voir le fait que des licences Microsoft pour les écoles comme pour les professeurs sont gratuites ou quasi gratuites ; qu'il y a énormément d'actions à grand renfort de publicité qui sont faites par Microsoft dans les écoles, dans les rectorats, dans les académies ; sur le fait qu'on a même parfois différents acteurs des différentes académies qui sont convoqués par le ministère chez Microsoft. Donc on voit un ensemble de choses qui font qu'ils sont extrêmement présents et sans doute très puissants au sein de ce ministère, ce qui est peut-être, en tout cas on peut l'espérer, moins le cas dans l'enseignement supérieur et qui peut l'expliquer.

Maintenant aujourd'hui le ministre Vincent Peillon, donc le ministre de l’Éducation Nationale, a dit qu'il ne mettait pas la priorité au logiciel libre pour des raisons de problématiques juridiques. On a des doutes sur la validité d'un tel raisonnement. On attend encore de voir quels sont les problèmes précisément, mais en attendant on l'appelle à, s'il ne souhaite pas le voir dans la loi, ce qu'on peut dans une certaine mesure au moins entendre, à faire au niveau réglementaire de vraies actions, techniques, concrètes, en direction des académies, en faveur du logiciel libre dans l'usage quotidien. Et là-dessus l’argument d'une problématique juridique n'existe simplement pas puisque c'est à lui de mettre en place ce type de choix y compris les choix techniques qui ont lieu dans les différentes académies. Et donc là aujourd'hui vraiment on l’appelle à faire ça pour permettre aussi du logiciel libre dans les écoles, dans les collèges, dans les lycées.


Gilles Gouget : Il y a un sujet qui est plus lié aux systèmes d'exploitation qui est souvent ce lien justement entre le hardware, le matériel, et le logiciel. François Pellegrini tout à l'heure disait que le seul logiciel ne compte pas. Si effectivement le matériel a des failles volontaires ou non, on est un peu foutu. Et pour les deux personnes ici qui travaillent sur des systèmes d'exploitation, cette question des spécifications matérielles est-e que c'est quelque chose qui vous impacte directement ? Une amélioration dans ce domaine est-ce que ça vous faciliterait la vie pour pouvoir faire des systèmes d'exploitation ou même des logiciels qui tirent partie du matériel plus efficacement ? Aujourd'hui c'est compliqué de par exemple faire certains drivers ou des choses comme ça ?


Anne Nicolas : On a encore effectivement quelques difficultés sur le sujet. Ça c'est quand même énormément amélioré. Moi je travaille sur les distributions depuis hui ans maintenant. L'évolution est quand même majeure. C'est-à-dire on va vers un plus grand support de l'ensemble du matériel. On voit que certains constructeurs en tout cas s'impliquent vraiment et fournissent des drivers, ouverts ou non, mais en tout ça qui supportent le matériel. C'est vrai que c'est moins satisfaisant quand le driver est fermé, mais en tout cas on a le support du matériel. Après on a les évolutions technologiques qui font qu'on traverse de grosses difficultés, par exemple comme le boot EFI récemment. Ça a été un gros gros problème. Moi je trouve en tout cas que l'ensemble des distributions, les développeurs ont fait un travail monumental sur le sujet et fournissent aujourd'hui des solutions qui ne sont certes pas parfaites mais en tout cas permettent de travailler sur ce fameux hardware. Je pense qu'il n'y a pas de solution miracle. La clef aussi se situe probablement au niveau de l'OEM, c'est-à-dire la vente de machines pré-installées.

Aujourd'hui il y a très peu de machines pré-installées sous Linux ou même sans système d'exploitation et aujourd'hui la clef de diffusion d'un système d'exploitation c'est probablement l'OEM, c'est-à-dire la vente de machines pré-installées avec un système d'exploitation puisque aujourd'hui l'utilisateur ne devrait même plus avoir à mettre la main sur l'installation d'un système d'exploitation. C'est là toute la facilité quand on récupère une machine sous Windows. Nous ce qu'on montre aujourd’hui c'est qu'installer une distribution Linux sur une machine c'est quelque chose d'extrêmement simple et rapide. Moi j'ai fait les frais récemment d'une installation de Windows sur une machine parce qu’effectivement dans mon entourage tout le monde n’est pas sous Linux. Ça m'a pris trois heures contre une demi-heure d'une distribution Linux sur la même machine. Il y a quand même un défaut de communication à ce niveau là. C'est clair.


Patrice Bertrand : Alors je ne suis pas totalement d'accord sur tous les points. Même sur l'installation de Windows, effectivement déjà il faut rentrer les quinze chiffres du code produit !


Gilles Gouget : C'est une épreuve !


François Revol : Oui ! Oui ! Et puis je me rappelle aussi d'une anecdote au moment où Vista est sorti. Quelqu'un que je connais qui bosse dans une petite boutique informatique qui a voulu, comme il a l'habitude, après l'installation de Vista ; bon déjà il a fallu modifier dans le BIOS, c’était au tout début le contrôleur SATA et puis après il a voulu installer les pilotes de la carte mère. Alors le premier c'était « Ce pilote nécessite Windows XP ou supérieur » et puis le deuxième c'est « Ce pilote a détecté que le système d'exploitation n’était pas Windows », ce qui est quand même assez drôle.

Après sur les spécifications j'ai une position un petit peu différente étant donné le fait que je suis aussi développeur de système d'exploitation mais qui est un petit peu plus obscur et qui déjà n'est pas une distribution de Gnu Linux, mais qui est un autre système d'exploitation, encore moins bien connu, et donc vu qu'on n'utilise pas Linux comme noyau, nous on est obligé d'écrire nos propres pilotes. Alors linuxiens, chers linuxiens, considérez-vous heureux d'avoir des pilotes binaires Nvidia, je ne ais pas si c'est une bénédiction ou une malédiction, mais les pilotes binaires Nvidia ils ne marcheront pas sur le système auquel je contribue qui s'appelle Haiku. Donc moi en tant que développeur et en tant aussi qu'utilisateur qui voudrait faire un choix avec une concurrence libre et non faussée pour reprendre les termes de certains, pour l'instant je n'ai pas ce choix-là et en fait tout vient justement de la vente liée parce qu'en fait tout le monde quasiment achète un PC sous Windows, donc les fabricants effectivement, même si ça s'améliore, il y en a qui effectivement publient les spécifications, publient les pilotes libres, même si ce n'est que pour Linux, mais au moins on peut étudier le code source ; il y en d'autres qui, effectivement, disent qu'ils sont pour Linux, qu'ils sont membres de la Linux Foundation et puis qui se contentent de donner le code source d'une glu qui sert à coller le gros bloc binaire au noyau Linux. Et donc à cause de ça on n'a pas les spécifications des composants de la machine et on ne peut pas écrire de pilotes libres pour ces machines, ou alors on fait du reverse engineering, on perd du temps, on n'est pas sûrs que ce soit correct. Moi en tant que développeur, je ne peux pas certifier qu'un pilote que j'écris en tant que reverse engineering du pilote Windows, je ne peux pas certifier qu'il ne va pas faire exploser la machine. Je ne peux pas !

Donc forcément après quand madame Michu, la pauvre madame Michu, quand on arrive à la convaincre déjà d'essayer un système libre, elle l'installe sur sa machine et puis elle voit que ça ne marche pas, elle va finir par retourner à Windows et là ça fait un cercle vicieux en fait. Tant qu'on n'arrivera pas à casser ça, alors soit effectivement par une masse critique peut-être avec des pré-installations, mais cette histoire de pré-installations ça date d'il y a très longtemps. Il y a quinze ans il y avait BeOS qui lui par exemple était un système d’exploitation mais propriétaire, mais alternatif, ils avaient décroché un, un seul contrat OEM que Microsoft est arrivé à faire tomber parce qu'en fait le BeOS en question était installé sur le disque dur mais il n’était pas visible dans le gestionnaire de boot en fait. Donc on ne pouvait pas le booter directement, ce qui revenait à ne pas le pré-installer du tout quoi !

39' 58

Anne Nicolas : C'est vrai qu'effectivement le problème de mœurs, je ne le nie pas, ce n'est pas ce que j'ai voulu dire. Simplement l'image qu'on se fait aujourd'hui d'une installation Linux est celle d'il y a dix, douze ans et c'est fort dommageable justement, sans parler d'OEM, c'est fort dommageable effectivement la facilité d'accès au système d'exploitation.

Intervenant : C'est vrai. En plus le fait est que quand on installe une distribution, on n'a pas seulement l'OS qui arrive, on a tous les logiciels applicatifs qui sont installés d'un seul coup et en terme de temps gagné on a une machine clef en mains en une vingtaine de minutes alors que dans le même temps on n'a qu'un morceau de l'installation de l'OS chez les concurrents du logiciel privatif.

Intervenant : Clairement la question du matériel ramène je pense à l'essentiel. L'essentiel ce sont ces effets de réseau, ces effets de rente qui dépendent de la vente liée. La vente liée c'est quand par exemple on achète un I truc et qu'on est obligé d'aller se fournir chez le I store etc. En fait les gens se rompent parlent de neutralité du net en disant ce n'est pas normal qu'Apple puisse virer des applications de son magasin, mais n’importe quel tenant de magasin a le droit de choisir le style de son magasin. Je ne vais pas aller dans une librairie religieuse intégriste et demander le dernier magazine de fesses à la mode. Je m'attends à ce que dans ce magasin-là il n'y ait pas ce type de produit. Le seul embêtement c'est qu'il n'y a qu'un seul magasin. Clairement ce n'est pas un problème de neutralité, c'est vraiment un problème de vente liée, donc de manque d’interopérabilité qui apparaît au niveau des bibliothèques, des composants logiciels et des matériels. Donc lors du débat qui a eu lieu au Parlement Européen où on été invité donc mardi après-midi, j'ai pris la parole en expliquant qu'il y a avait deux choses effectivement qui me hérissaient parce qu'elles portent atteintes aux mêmes libertés fondamentales, parce que finalement l'interopérabilité c'est l'équivalent de la liberté d’association dans le monde numérique. Quand on a travaillé sur les droits humains pendant les grandes révolutions, on a posé comme principe la liberté d'association. Tous ces verrous, que ce soit les DRM, les brevets logiciels à un niveau le plus haut ou ce secret, qui portent atteinte à la libre utilisation des matériels ce sont des atteintes à la liberté d'association des humains et des matériels dans le monde numérique. Donc clairement on est face à un principe de rang constitutionnel et il faut pousser pour qu'au sein de l'Union Européenne on ait une grande directive générale sur l'interopérabilité en tant que principe juridique de rang constitutionnel, fondateur, qui impose que quand on achète un matériel, on ait les specs de ce matériel, quand on a accès à un service logiciel on ait les specs de ce service logiciel, pour éventuellement pouvoir créer éventuellement des produits qui puissent inter opérer de la façon la plus large possible.

Gilles Gouget : Ça pose quand même une question, parce que la vente liée, le problème il est soulevé depuis la vie des rats. Si ça se trouve ça existait avant même l'invention de l'informatique

Intervenant : Quinze ans, au moins quinze ans

Intervenant : On en parle beaucoup. Manifestement la loi elle existe. Elle n'est tout simplement pas appliquée. Celle-là en tout cas on ne la fait pas respecter. Les pratiques commerciales agressives de Microsoft sont parfois border line au niveau légal aussi. Je ne vois ce que peut faire un système d'exploitation Microsoft dans une école à moins que l'école n'ait un contrat avec Microsoft. Non on ne devrait pas. S'il y a une alternative libre, il devrait être exclu d'avoir des éditeurs commerciaux dans les écoles. Bon les bouquins sont déjà le fruit d'éditeurs commerciaux.

Intervenant : Libre et commercial ça va ensemble !

Intervenant : D'accord !

Intervenant : Privatif !

Intervenant : Ce n'est pas mutuellement exclusif.

Intervenant : Mais bon le fait est qu'on se rend bien compte que finalement c'est celui qui est le plus agressif qui emporte souvent le morceau. Est-ce qu'en France le gouvernement là-dessus préfère ne pas se battre et laisser faire ? Est-ce que l'échelle ou l'échelon européen permettrait justement d'aller plus vite ?

Intervenant : Alors oui et non ! On attaque une théorie générale des organisations et un principe de lobbying qui a été posé, je n'ai plus la source en tête, mais dès les années 1880 où quelqu'un disait « Quand vous allez faire une loi qui retire un franc », parce qu'à l'époque c’était des francs, c'était des francs or, c’était vachement plus cool, « quand vous faites une loi qui retire un franc à 1000 personnes et qui donne ces 1000 francs à une personne, vous pouvez être assez sûr que la loi passera parce que le type qui va avoir les 1000 francs il va se battre comme un lion pour que la loi passe et les types qui perdent un franc, vont se dire pour un franc je ne vais pas y aller ! »

Il faut des emmerdeurs comme nous pour pouvoir aller au combat et même parmi nous il y a des ??? gens qui disent bon ! j'ai déjà mon combat celui-là je ne vais pas le prendre. Donc on est face à un principe général qui est que quand il y a une captation de richesse et une loi qui favorise un intérêt particulier, si, j'allais dire, la ponction individuelle est suffisamment faible, ce qu'au Mexique on appelle la ???, la petite corruption qui fait qu'on ne va pas dénoncer le flic parce que c'est juste tant de pesos, et bien on aura du mal à trouver un combat structuré pour reposer les règles. En revanche plus on remonte au niveau, j'allais dire structurel haut, et plus ces petites sommes deviennent des grosses sommes.

Quand on voit que le Ministère de la Défense signe un contrat open bar avec Microsoft Irlande, je me permets aussi de rajouter que ça a été signé avec Microsoft Irlande, c'est-à-dire que notre cher ministère de la Défense Nationale français rentre dans un jeu d'évasion fiscale, de façon parfaitement avérée, c'est-à-dire qu'au lieu de signer avec Microsoft France qui leur dit «Ah bien oui mais c'est plus cher parce qu'il y a des impôts à payer », et bien allez amis avec Microsoft Irlande, il y a des accords de partenariat et de non imposition fiscale avec les États-Unis, l'argent il revient actuellement aux US et ça ne fera de mal à personne. Eh bien si, ça fait du mal au contribuable français parce qu’effectivement il y a des emplois qui ne sont pas créés en France et le contribuable paye deux, même il paye trois fois. Il a payé une fois pour former les gens, une deuxième fois pour repayer pour les produits qui sont faits par ces gens une fois qu'ils sont allés s’expatrier aux États-Unis et une troisième fois parce qu'il n'y a pas les taxes sur la vente et l’achat de ces produits.

Clairement on a intérêt à frapper le plus haut possible parce que là les montants ne sont plus négligeables et qu'on voit à quel point, j'allais dire c'est une honte, ça fait un peu émotion rapide, mais en tout cas c'est un désastre fiscal et financier pour la collectivité.

Gilles Gouget : Enfin mais écoutez, c'est de la merde, c'est une honte. Oui la vente liée ce n'est pas nouveau du tout. C'est ce que je disais, ça a quinze. Il y a un article très amusant qui s'appelle ??? de bootloader par Scott Hacker qui date de 98, qui explique exactement ça, ce que j'ai dit tout à l'heure, et bien on retrouve la même chose avec ???. C'est exactement ça, on prend les même et on recommence

Intervenant : J'allais ajouter. D'ailleurs ce débat récent autour de la priorité au logiciel libre dans tel ou tel service de l’État a donné lieu à un exerce de lobbying qui était véritablement un cas d'école. On a vu justement les acteurs dont le gâteau était en jeu, mettre en avant, comme il est d’usage dans ces cas-là des organisations professionnelles, l'AFDEL, bien entendu, mais aussi et on s'est un peu demandé pourquoi, Syntec numérique qui normalement à notre sens ne devrait pas prendre partie contre un priorité au logiciel libre, mais qui dans ce cas-là s'est faite le porte-voix de ces acteurs. Et on a vu même jusqu’à l'INRIA, un institut de recherche informatique, qui véritablement ne devrait pas se mêler de ces choses-là, par la voix de son président, cosigner une lettre. Et ils y sont allés tous ces gens de mails généralisés à tous les députés et sénateurs, de courriers aux ministres, de coups de téléphone aux conseillers. Enfin vraiment un exercice de style de lobbying.

Il se trouve que dans le premier cas de figure il a abouti, puisque le gouvernement a demandé lui-même un amendement annulant la priorité qui avait été votée par les sénateurs et dans le deuxième cas, le lobbying n'a pas eu gain de cause, mais je pense que ce n'est qu'un petit combat, le début d'une longue bataille.

Intervenant : Syntec, qui il y a juste quelques mois il me semble a financé un colloque sur l'Open Source justement. Alors on ne va quand même pas dire qu'ils essaient de nous endormir, mais ce n'est pas quand même pas très cohérent.

Gilles Gouget : C'est à se demander si ce n’était si ce n'était pas pour avoir davantage d'armes, le moment venu, pour le grand combat qui était celui-là.

Intervenant : Le Syntec numérique si je ne m'abuse prétend représenter à la fois les SS2I et les SS2L et dont le chargé de mission pour les SS2L n'est autre que le patron de Linagora qui n'a même pas été consulté sur la décision du Syntec numérique, si je ne m'abuse. Donc ça pose peut-être un problème de représentativité de cet organisme.

49'04

Intervenant : Là aussi, si on revient sur la théorie des organisations, et l'exemple que je vous avais donné, de celui qui gagne le plus aura toujours tendance à gueuler le plus fort. Clairement dans toutes ces organisations on peut penser au Syntec mais aussi également au Medef. Le Medef est censé représenter toutes les entreprises de France. Or en fait on voit que les positions du Medef qui sont contrôlées par les gens qui ont les moyens d’être présents en permanence au Medef c'est-à-dire les représentants des grandes entreprises, font au nom du Medef des actions de lobbying en faveur des entreprises du CAC 40.

Si on a une pensée raisonnable du point de vue des entreprises françaises, à la lumière de tout ce qui est montré en termes d’indicateurs économiques on a envie d'avoir un niveau de taxation qui augmente avec la taille des entreprises. Bizarrement le Medef a toujours prôné l'inverse. Ça montre qu'effectivement, c'est ce qu'on appelle l'astroturfing, on voit des loups qui sont déguisés en agneaux et qui prétendent bêler avec les agneaux alors qu'en fait ils sont juste là pour faire des lois qui sont favorables aux loups.

Le Syntec numérique n’échappe pas effectivement à cette règle. Il est contrôlé par finalement les mêmes que ceux qui sont derrière l'AFDEL et finalement ce ne sont pas deux associations. Quand on compte les forces en présence c'est une seule avec quelques grands d'un côté, ceux qui ont tout à perdre du fait que l'Éducation Nationale donne la priorité au logiciel libre et en face évidemment on a les acteurs du libre. Mais j'allais dire que, justement c'est ça qui est intéressant, le libre c'est la vraie compétition. C'est-à-dire que quand vous avez sur un marché public un appel d’offre ce ne sont pas les SSLL qui le gagnent. Au contraire on voit les sociétés de service classiques et traditionnelles, membres du Syntec numérique, remporter éventuellement des appels d'offre pour la maintenance de logiciels libres, face à des SSL. Ce qui montre effectivement qu'il ne s'agit pas du tout du point de vue des sociétés de service en logiciel libre d'une action partisane pour privilégier leur business, comme c'est le cas par ailleurs, mais au contraire de garantir l'ouverture et le bon usage des deniers publics.

Gilles Gouget : La fameuse concurrence libre et non faussée !

Jeanne Tadeusz : Juste pour compléter aussi, effectivement c'est un tout petit service public ; c'est le service public de l'Enseignement Supérieur, donc on reste quelque chose d'assez limité. En même temps quand on voit le déchaînement de lobbying qui a eu lieu, toutes les entreprises du logiciel privateur ne s'y sont pas trompées et je pense que nous non plus on ne doit pas s'y tromper. Le fait même de marquer priorité au logiciel libre dans une loi aujourd’hui c'est une révolution !

Intervenant : Je crois que le contre-argument était de dire c'est problème légal. Dès lors que ça a été voté, le problème légal ne se pose pas ; c’est la démonstration que cet un argument faux.

Jeanne Tadeusz : Voila. Ils annoncent un problème légal en oubliant de dire que c'est du droit européen ; que la Cour Constitutionnelle italienne a déjà eu l’occasion de se prononcer sur le sujet en 2010. Donc la décision n'est pas tout à fait récente, donc on a quand même eu le temps de la consulter, qui a dit qu'il n'y avait aucun problème vu que le logiciel libre ce n'est pas une question technique mais c'est une question de droit fourni aux utilisateurs et en l’occurrence à l'Administration, donc on n'a pas de problème particulier à ce niveau-là.

Déjà la question juridique a été clairement tranchée. Je ne prétends pas être nécessairement une des plus grandes expertes sur le sujet. Après on peut considérer quand même qu'une Cour Constitutionnelle dans un grand pays comme l'Italie a priori cette loi parle en terme de droit de la concurrence et donc à partir de ce moment-là on a quand même quelque chose de clair Et juste pour terminer aussi, un rappel, c'est que le Syntec, l'Afden se plaint dans ses différents courriers, dans ses différents efforts de lobbying que le gouvernement favoriserait par ce type de disposition un business modèle par rapport à un autre, pourtant ce n'est pas quelque chose qu'il n'a pas le droit de faire. Si le gouvernement décide qu'il préfère louer des bâtiments plutôt que de les acheter, ce n'est parce qu'il va à l'encontre des vendeurs de bâtiments que c'est contraire au droit de la concurrence. Le gouvernement a parfaitement le droit de choisir le logiciel libre même si ce n'est pas uniquement comme on disait effectivement les entreprises de logiciel libre, il a particulièrement le droit d'opter pour le fait d'avoir le droit de faire un certain nombre de choses.

Intervenant : Et je rappelle en France qu'il y a une jurisprudence qui est celle du Conseil d'État qui est aussi dans l'ordre juridique français situé à un niveau très très haut.

Gilles Gouget : On arrive au terme de cette émission, il nous reste à peu près 2 minutes et quelques secondes. On va devoir se quitter là à moins que quelqu'un ait un scoop à nous lâcher comme ça sur radio RMLL.

Intervenant : Pas un scoop, rapidement.

Gilles Gouget : Un livre qui va sortir.

Intervenant : Par rapport au droit du logiciel, avec mon complice Sébastien Canevet qui est donc enseignant universitaire juriste et moi-même qui suis enseignant universitaire, mais en informatique, on s'est mis à quatre mains et un seul cerveau, parce que c'est étonnant comme on fonctionne, pour pondre un bouquin sur le droit des logiciels, justement pour éviter qu'il y ait beaucoup d’âneries qui soient racontées par la suite. Et ça, ça devrait sortir avant la fin de cette année, chez un très bon éditeur, Les Presses Universitaires de France pour ne pas les citer. On est très contents !

Patrice Bertrand : Et moi si je peux ajouter, j'aimerais pré-annoncer un autre grand événement du logiciel libre et de l'Open Source qui se tiendra à Paris, c'est l'Open World Forum qui se tient à Paris début octobre, comme chaque année depuis six ans maintenant.

Gilles Gouget : Et adoptez un député !

Intervenant : Ils sont gentils et ils sont doux à caresser.

Intervenant : Ils nécessitent pas mal d'apprentissage, mais après ils se débrouillent !

Jeanne Tadeusz : Mais ils apprennent et ne pas hésiter effectivement, aussi sur les différents projets de loi qu'on a vu, que ce soit refondation de l'école, l'enseignement supérieur et d'autres, que les députés sont réceptifs, régulièrement, souvent même, quand on leur envoie des courriels, quand on les appelle, parce que ce sont des problématiques simplement qu'ils ne connaissent pas.

Donc pour revenir quand même au point départ quand on entend des gens dire qu'il n'existe pas autre chose que Windows ou Mac, c’est parfois simplement parce qu'ils n'ont jamais eu l’occasion de tester autre chose, donc allez parler à vos responsables, aux députés, pour simplement leur montrer l'existence du logiciel libre et son importance de plus en plus réelle aujourd'hui.

Intervenant : Offrez-leur un CD de distribution, une Framakey, enfin tout ce que vous avez sous la main !

Gilles Gouget : Oui ! Vingt secondes !

Intervenant : C'est que l'Assemblée Nationale, ils utilisent le logiciel libre !

Jeanne Tadeusz : Ils utilisent en partie. Ils utilisaient complètement il y a quelques temps encore. Il y a eu un lobbying là-aussi très fort de la part d'un certain nombre d'éditeurs propriétaires, aussi il y a un certain nombre de problématiques techniques, ce qui fait qu'ils sont partiellement revenus, mais ils utilisent encore beaucoup de logiciels libres aujourd'hui notamment en terme de traitement de texte ou de lecteur multimédia.

Gilles Gouget : Nous remercions Jeanne Tadeusz, Anne Nicolas, Patrice Bertrand, Vincent Pellegrini, François Revol de nous avoir accompagnés jusqu'à présent. On remercie Nat à la technique. On se retrouve tout à l'heure à 17 heures jusqu'à 18 heures 15 pour la toute dernière. Ce sera avec l'orga, tout ça pour faire un petit débriefe avant le vrai débriefe de ces rencontres Mondiales du Logiciel Libre. Bonsoir à tous ! Bonsoir à toutes ! Et restez libres !