Différences entre les versions de « Protection des données personnelles : souriez, vous êtes traqués ! - La méthode scientifique »

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<b>Anne Debet : </b>Oui, j'ai la même opinion, ce qu'on peut espérer c'est que, parallèlement à ces auditions, il y a quand même des enquêtes qui ont été ouvertes par les autorités de protection des données, qui se sont saisis de la question : le G29, qui est la super CNIL européenne a décidé de poser des questions. Et l'ICO, l'autorité de protection des données britannique, puisque la société était installée en Grande Bretagne [Intervention de Nicolas Martin: "Cambridge Analytica, en l’occurrence"]  a décidé de mettre en œuvre une procédure d’enquête.Et donc on peut espérer qu'à la suite de ces procédures, il y aura peut être des sanctions, enfin des modifications des pratiques liées aux sanctions, donc on a une phase, qui est une phase politique. Et donc on peut espérer  une phase plus juridique devant les autorités de protection sera suivie d'effets concrets.
 
<b>Anne Debet : </b>Oui, j'ai la même opinion, ce qu'on peut espérer c'est que, parallèlement à ces auditions, il y a quand même des enquêtes qui ont été ouvertes par les autorités de protection des données, qui se sont saisis de la question : le G29, qui est la super CNIL européenne a décidé de poser des questions. Et l'ICO, l'autorité de protection des données britannique, puisque la société était installée en Grande Bretagne [Intervention de Nicolas Martin: "Cambridge Analytica, en l’occurrence"]  a décidé de mettre en œuvre une procédure d’enquête.Et donc on peut espérer qu'à la suite de ces procédures, il y aura peut être des sanctions, enfin des modifications des pratiques liées aux sanctions, donc on a une phase, qui est une phase politique. Et donc on peut espérer  une phase plus juridique devant les autorités de protection sera suivie d'effets concrets.
  
<b>Nicolas Martin : </b>Et puis on va voir d'ailleurs, on va en parler dans quelques minutes, que ce RGPD, il y a certaines associations, dont des associations en France qui attendent qu'il entre en vigueur pour intenter aussi un certain nombres d'actions en justice, je pense à la quadrature du net, on y reviendras tout à l'heure dans le détail. Peut être un mot sur la suite de cet agenda ou de cette partie politique de l'agenda, puisque je le disais tout à l'heure Mark Zuckerberg a été reçu, il n'était pas tout seul, avec les patrons de Microsoft, d'IBM, d'Uber, des représentants de Google, de Wikipédia, d'Intel, de Samsung et j'en passe, bref,tout ce monde a été reçu à l’Élysée, alors pas exactement à l’Élysée, mais en tout cas par le Président de la République, même dans des entretiens bilatéraux; alors on qualifie en général d'entretien bilatéral des entretiens avec des autres dirigeants de grands pays. Que faut-il penser? Est-ce-que l'on fait les gros yeux d'un côté et de l'autre coté, on dit mais attendez, venez tout de même chez nous, créer  des emplois et puis si vous pouviez en plus payer quelques impôts, ce serait pas plus mal. On a l'impression que l'on a un peu deux poids deux mesures dans ces différentes interactions entre ces géants du numérique et la sphère publique. Antoinette Rouvroy?
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<b>Nicolas Martin : </b>Et puis on va voir d'ailleurs, on va en parler dans quelques minutes, que ce RGPD, il y a certaines associations, dont des associations en France qui attendent qu'il entre en vigueur pour intenter aussi un certain nombres d'actions en justice, je pense à la quadrature du net, on y reviendra tout à l'heure dans le détail. Peut-être un mot sur la suite de cet agenda ou de cette partie politique de l'agenda, puisque je le disais tout à l'heure Mark Zuckerberg a été reçu, il n'était pas tout seul, avec les patrons de Microsoft, d'IBM, d'Uber, des représentants de Google, de Wikipédia, d'Intel, de Samsung et j'en passe, bref, tout ce monde a été reçu à l’Élysée, alors pas exactement à l’Élysée, mais en tout cas par le Président de la République, même dans des entretiens bilatéraux; alors on qualifie en général d'entretien bilatéral des entretiens avec des autres dirigeants de grands pays. Que faut-il penser? Est-ce-que l'on fait les gros yeux d'un côté et de l'autre coté, on dit mais attendez, venez tout de même chez nous, créer  des emplois et puis si vous pouviez en plus payer quelques impôts, ce serait pas plus mal. On a l'impression que l'on a un peu deux poids deux mesures dans ces différentes interactions entre ces géants du numérique et la sphère publique. Antoinette Rouvroy?
  
  
<b>Antoinette Rouvroy: </b> Oui, alors effectivement, il y a là une sorte de reconnaissance implicite d'une puissance énorme de ces grandes entreprises, puissance tellement importante qu'effectivement elles acquièrent une sorte de statut diplomatique, ce sont de quasi états avec lesquels les états entrent en discussion. Alors, de fait, ce sont ces GAFAM aujourd'hui qui structurent ce qu'on appelle, ce qu'on peut appeler, l'espace public mondial.  
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<b>Antoinette Rouvroy: </b> Oui, alors effectivement, il y a là une sorte de reconnaissance implicite d'une puissance énorme de ces grosses entreprises, puissance tellement importante qu'effectivement elles acquièrent une sorte de statut diplomatique, ce sont de quasi états avec lesquels les états entrent en discussion. Alors, de fait, ce sont ces GAFAM aujourd'hui qui structurent ce qu'on appelle, ce qu'on peut appeler, l'espace public mondial.  
  
 
<b>Nicolas Martin : </b>GAFAM, on va juste rappeler : Google, Amazon, Facebook, Appel, Microsoft.  
 
<b>Nicolas Martin : </b>GAFAM, on va juste rappeler : Google, Amazon, Facebook, Appel, Microsoft.  
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<b>Antoinette Rouvroy: </b> Voilà, c'est ça, les plus gros acteurs.  
 
<b>Antoinette Rouvroy: </b> Voilà, c'est ça, les plus gros acteurs.  
 
   
 
   
<b>Nicolas Martin : </b> On peut rajouter Uber, RB&B, enfin bref, ça autre chose encore.  
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<b>Antoinette Rouvroy: </b> Ces nouveaux
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<b>Antoinette Rouvroy: </b> Ces nouveaux acteurs. Alors effectivement, il y a en même temps, comme vous le dites très bien, quelque chose d'assez contradictoire, d'assez paradoxal entre, d'un côté, on essaie de faire peur à ces GAFAM avec le RGPD et enfin l'Europe qui se serait munie de dents nouvelles pour mordre aux mollets dans ces GAFAM. Et en même temps, les pays européens, courtisent un petit peu ces entreprises pour les attirer chez elles,y compris en France notamment, on voit d'ailleurs, des entreprises comme Google intervenir de plus en plus dans le paysage universitaire, dans le paysage de la Recherche Fondamentale, etc, en France donc. C'est assez paradoxal, et c'est assez symptomatique de l'époque dans laquelle on est, qui est une époque qui est, je dirais, caractérisée par une pulsion d'optimisation, une pulsion d'optimisation tout azimut. Donc à partir du moment où il y a moyen d'optimiser sa place concurrentielle, en fait ces enjeux d'innovation sont des enjeux de compétitivité, bien entendu, et les États Européens, se rendent bien compte qu'ils sont en concurrence avec les pays asiatiques, avec les États-Unis et cherchent à se faire une place, à se tailler une place dans ce nouveau  secteur, qu'est l'intelligence artificielle. Et qui d'autres que ces grands groupes, qui possèdent des quantités, les plus massives de données sont à même de développer l'intelligence artificielle?
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Alors, ce sont effectivement des débouchés pour les chercheurs européens, et effectivement pour des chercheurs, pour des universitaires,pour des gens des Hautes Écoles,que ce soit d'ailleurs, en sciences dures ou dans les sciences humaines, il est extrêmement tentant et difficile de résister, en fait, à la possibilité qui s'ouvre de collaborer avec ces grandes plateformes, qui ont des quantités massives de données, qui sont de véritables eldorado pour la recherche. Et des moyens aussi, bien entendu, démesurés. Et donc on voit là, la difficulté, donc si vous voulez, d’être tout à fait cohérent dans l'approche qu'on peut avoir, dans les rapports qu'on peut avoir avec ces acteurs. 
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<b>Anne Debet : </b> Sur ce point, vous avez mentionné une concurrence entre l'Asie et l'Europe, mais il y aussi, malheureusement, une concurrence en Europe, c'est à dire qu'il y a des pays qui accueillent des GAFAM a bras ouverts.
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<b>Nicolas Martin : </b> Notamment du point de vue fiscal, hein? 
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<b>Anne Debet : </b> oui,
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<b>Nicolas Martin : </b> on s’entend.
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<b>Anne Debet : </b> oui, mais aussi de la protection des données, qui ne sont pas très, il y a des autorités qui sont moins regardantes que la CNIL, sur la manière dont les données sont traitées.
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<b>Nicolas Martin : </b> Par exemple?
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<b>Anne Debet : </b> L'Irlande, par exemple, où...
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<b>Nicolas Martin : </b> pour le point de vue fiscal de la même façon, hein
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<b>Anne Debet : </b> oui,oui, est installé, donc il y a quand même une concurrence, il faut espérer, on verra que le RGPD puisse résoudre toutes ces questions de concurrence et de divergence. Et enfin, je voudrais ajouter juste un deuxième point : c'est que c'est vrai qu'on parle beaucoup des GAFAM, pour la protection des données,
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et que c'est au centre de toutes les conversations, mais, je pense qu'il ne faut pas oublier aussi que la surveillance publique, c'est vraiment une question importante. Alors, qui peut être liée à toutes ces données que possèdent les GAFAM; puisqu'on a vu dans les scandales SNOWDEN que ces données sont ensuite transférées aux autorités publiques. Mais il ne faut pas non plus oublier cette question de la surveillance publique, à mon sens.
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<b>Nicolas Martin : </b> Et un mot tout de même, sur ce côté un petit coup de trique une grosse carotte? C'est à dire qu'on vous dis "Attention" on vous mets de l'RGPD; mais tout de même, de l'autre côté, on vous reçoit avec les honneurs et sous les ordres de la République, en espérant grignoter des parts de marché ou en tout cas des installation, des créations d'emplois, des installations de sièges sociaux et peut être un peu moins de contravention ou de contrevenance plutôt par rapport au Fisc et au Trésor Public? Enfin en tout cas, voilà à la taxation?
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<b>Anne Debet : </b> Je pense qu'il y a toujours une  forme de divergence entre la volonté politique , parfois et la volonté économique et on le voit aussi sur le RGPD et sur la CNIL. C'est à dire qu'on dit à la CNIL : Attention, vous devez réguler en étant Bussiness Friendly, enfin, il ne faut pas que le RGPD soit un frein pour l'activité économique et en particulier l'activité économique en France. Donc il y a toujours, parfois, des logiques un peu différentes, entre l'action politique, la volonté politique et les enjeux économiques, et puis les questions juridiques.
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10'51 musique

Version du 8 juillet 2020 à 23:08


Titre : Protection des données personnelles : souriez, vous êtes traqués

Intervenants : Anne Debet - Antoinette Rouvroy - Nicolas Martin - Céline Loozen - Alain Livartowski - Thomas Balezeau

Lieu : La méthode scientifique - France Culture

Date : 23 mai 2018

Durée : 58 min 45

Écouter ou télécharger le podcast

Page de présentation de l'émission

Licence de la transcription : Verbatim

Illustration :

Statut :En cours de transcription par D_O

Description

Comment sont exploitées nos données personnelles sur internet ? Que va changer le RGPD dans les pratiques numériques ? Quels en sont les grands principes et les applications pour les sociétés et les citoyens en UE ? Nos données personnelles seront-elles désormais totalement protégées ?

Transcription

[Début du générique]

Nicolas Martin : Après avoir répondu assez vasivement aux questions du parlement européen hier notamment suite au scandale de détournement de données par Cambridge Analytica, le patron de Facebook Mark Zuckerberg a été reçu aujourd'hui avec les patrons de d'autres géants du numérique comme Microsoft, IBM ou Uber par le président de la république Emmanuel Macron. Ce à quelques jours de l'entrée en vigueur du RGPD, le nouveau Règlement Général de Protection des Données censé protéger les citoyens européens contre l'exploitation abusive de leurs données numériques. Mais les états et les pouvoirs publics sont-ils en mesure de lutter à armes égales avec ces mega trusts privés ?

[Suite du générique]

Nicolas Martin : Données personnelles : souriez, vous êtes traqués ! C'est le sujet auquel nous allons nous atteler dans l'heure qui vient. Bienvenue dans la méthode scientifique.

[Fin du générique]

Nicolas Martin : Et pour comprendre les implications de cette nouvelle RGPD, de ce nouveau RGPD puisque c'est un règlement qui entre en vigueur vendredi et plus généralement de nos usages d'internet et de l'emploi que nous faisons de nos données personnelles et d'une partie de notre privée, nous avons le plaisir de recevoir aujourd'hui Anne Debet. Bonjour.

Anne Debet : Bonjour.

Nicolas Martin : Vous êtes professeure de droit privé, droit des nouvelles technologies, droit de la santé et droit civil à l'université Paris Descartes et ancienne membre de la CNIL. Bonjour Antoinette Rouvroy.

Antoinette Rouvroy :Bonjour.

Nicolas Martin : Vous êtes juriste et philosophe du droit, professeure à l'université de Namur, chercheuse FNRS au centre de recherche en information droit et société. Vous pouvez suivre cette émission comme chaque en direct sur les ondes de France Culture et en complément avec un certain nombre de liens, d'articles, de schémas, de graphiques si il le faut, de vidéos, d'images... Bref ! Tout le toutim. Ce sera sur notre fil Twitter @lamethodeFC.

[Extrait de l'audition au congrès américain de Mark Zuckerberg] Voix féminine : Est ce que vos données étaient incluses dans la fuite de Cambridge Analytica? Vos données personnelles? Mark Zuckerberg : Yes! Voix féminine : Seriez-vous prêt à changer votre Business Model dans l'intérêt de défendre la vie privée des usagers? Mark Zuckerberg : J'espère, enfin, on a déjà tenté quelques modifications afin de réduire [interrompu la voix féminine] voix féminine : Non ! Avez-vous la volonté de changer votre Business Model afin de garantir et protéger la vie privée? Mark Zuckerberg : Madame la députée, je ne suis pas sûr de comprendre ce que vous voulez dire.

[Fin de l'extrait]

Nicolas Martin: Voilà, c'est un extrait de l'audition de Mark Zuckerberg,le patron de Facebook. Alors c'était devant le Congrès américain et non pas devant le Parlement européen, où il s'exprimait hier. Parce que c'est vrai que devant le Parlement Européen, il a été un peu moins mis à mal qu'il n'y a quelques semaines où sa prestation devant le congrès américain avait été jugée embarrassé et embarrassante. Que faut-il retenir des auditions de Mark Zuckerberg devant le Parlement Européen hier au premier chef et plus généralement devant ces assemblées représentantes des citoyens élus? Annette Rouvroy ?

Antoinette Rouvroy: Alors, euh, et bien, le format de l’événement, finalement, n'a pas nécessairement permis de faire toute la lumière sur précisément ce vis à vis de quoi on espérait que Mark Zuckerberg ferait la lumière. Il se fait que pendant extrêmement longtemps, les représentants ont posé des questions, beaucoup de questions, pas toutes du même niveau, pas toutes aussi détaillées, pas toutes aussi pertinentes, certaines plus intéressantes que d'autres et puis on a laissé à Mark Zuckerberg la liberté de choisir les questions auxquelles ils répondraient [Coupure par Nicolas Martin : vous parlez du Parlement Européen là pour le coup, ce qui c'est passé hier? ]

Antoinette Rouvroy: Oui, il a choisi de répondre relativement évasivement à certaines questions, en indiquant que ces services reviendraient, éventuellement par écrit, pour compléter ses réponses. Donc, c'était un peu décevant.

Nicolas Martin : Votre opinion Anne Debet ?

Anne Debet : Oui, j'ai la même opinion, ce qu'on peut espérer c'est que, parallèlement à ces auditions, il y a quand même des enquêtes qui ont été ouvertes par les autorités de protection des données, qui se sont saisis de la question : le G29, qui est la super CNIL européenne a décidé de poser des questions. Et l'ICO, l'autorité de protection des données britannique, puisque la société était installée en Grande Bretagne [Intervention de Nicolas Martin: "Cambridge Analytica, en l’occurrence"] a décidé de mettre en œuvre une procédure d’enquête.Et donc on peut espérer qu'à la suite de ces procédures, il y aura peut être des sanctions, enfin des modifications des pratiques liées aux sanctions, donc on a une phase, qui est une phase politique. Et donc on peut espérer une phase plus juridique devant les autorités de protection sera suivie d'effets concrets.

Nicolas Martin : Et puis on va voir d'ailleurs, on va en parler dans quelques minutes, que ce RGPD, il y a certaines associations, dont des associations en France qui attendent qu'il entre en vigueur pour intenter aussi un certain nombres d'actions en justice, je pense à la quadrature du net, on y reviendra tout à l'heure dans le détail. Peut-être un mot sur la suite de cet agenda ou de cette partie politique de l'agenda, puisque je le disais tout à l'heure Mark Zuckerberg a été reçu, il n'était pas tout seul, avec les patrons de Microsoft, d'IBM, d'Uber, des représentants de Google, de Wikipédia, d'Intel, de Samsung et j'en passe, bref, tout ce monde a été reçu à l’Élysée, alors pas exactement à l’Élysée, mais en tout cas par le Président de la République, même dans des entretiens bilatéraux; alors on qualifie en général d'entretien bilatéral des entretiens avec des autres dirigeants de grands pays. Que faut-il penser? Est-ce-que l'on fait les gros yeux d'un côté et de l'autre coté, on dit mais attendez, venez tout de même chez nous, créer des emplois et puis si vous pouviez en plus payer quelques impôts, ce serait pas plus mal. On a l'impression que l'on a un peu deux poids deux mesures dans ces différentes interactions entre ces géants du numérique et la sphère publique. Antoinette Rouvroy?


Antoinette Rouvroy: Oui, alors effectivement, il y a là une sorte de reconnaissance implicite d'une puissance énorme de ces grosses entreprises, puissance tellement importante qu'effectivement elles acquièrent une sorte de statut diplomatique, ce sont de quasi états avec lesquels les états entrent en discussion. Alors, de fait, ce sont ces GAFAM aujourd'hui qui structurent ce qu'on appelle, ce qu'on peut appeler, l'espace public mondial.

Nicolas Martin : GAFAM, on va juste rappeler : Google, Amazon, Facebook, Appel, Microsoft.

Antoinette Rouvroy: Voilà, c'est ça, les plus gros acteurs.

Nicolas Martin : On pourrait rajouter Uber, on pourrait rajouter RB&B, enfin bref, ça autre chose encore.

Antoinette Rouvroy: Ces nouveaux acteurs. Alors effectivement, il y a en même temps, comme vous le dites très bien, quelque chose d'assez contradictoire, d'assez paradoxal entre, d'un côté, on essaie de faire peur à ces GAFAM avec le RGPD et enfin l'Europe qui se serait munie de dents nouvelles pour mordre aux mollets dans ces GAFAM. Et en même temps, les pays européens, courtisent un petit peu ces entreprises pour les attirer chez elles,y compris en France notamment, on voit d'ailleurs, des entreprises comme Google intervenir de plus en plus dans le paysage universitaire, dans le paysage de la Recherche Fondamentale, etc, en France donc. C'est assez paradoxal, et c'est assez symptomatique de l'époque dans laquelle on est, qui est une époque qui est, je dirais, caractérisée par une pulsion d'optimisation, une pulsion d'optimisation tout azimut. Donc à partir du moment où il y a moyen d'optimiser sa place concurrentielle, en fait ces enjeux d'innovation sont des enjeux de compétitivité, bien entendu, et les États Européens, se rendent bien compte qu'ils sont en concurrence avec les pays asiatiques, avec les États-Unis et cherchent à se faire une place, à se tailler une place dans ce nouveau secteur, qu'est l'intelligence artificielle. Et qui d'autres que ces grands groupes, qui possèdent des quantités, les plus massives de données sont à même de développer l'intelligence artificielle? Alors, ce sont effectivement des débouchés pour les chercheurs européens, et effectivement pour des chercheurs, pour des universitaires,pour des gens des Hautes Écoles,que ce soit d'ailleurs, en sciences dures ou dans les sciences humaines, il est extrêmement tentant et difficile de résister, en fait, à la possibilité qui s'ouvre de collaborer avec ces grandes plateformes, qui ont des quantités massives de données, qui sont de véritables eldorado pour la recherche. Et des moyens aussi, bien entendu, démesurés. Et donc on voit là, la difficulté, donc si vous voulez, d’être tout à fait cohérent dans l'approche qu'on peut avoir, dans les rapports qu'on peut avoir avec ces acteurs.

Anne Debet : Sur ce point, vous avez mentionné une concurrence entre l'Asie et l'Europe, mais il y aussi, malheureusement, une concurrence en Europe, c'est à dire qu'il y a des pays qui accueillent des GAFAM a bras ouverts. Nicolas Martin : Notamment du point de vue fiscal, hein? Anne Debet : oui, Nicolas Martin : on s’entend. Anne Debet : oui, mais aussi de la protection des données, qui ne sont pas très, il y a des autorités qui sont moins regardantes que la CNIL, sur la manière dont les données sont traitées. Nicolas Martin : Par exemple? Anne Debet : L'Irlande, par exemple, où... Nicolas Martin : pour le point de vue fiscal de la même façon, hein

Anne Debet : oui,oui, est installé, donc il y a quand même une concurrence, il faut espérer, on verra que le RGPD puisse résoudre toutes ces questions de concurrence et de divergence. Et enfin, je voudrais ajouter juste un deuxième point : c'est que c'est vrai qu'on parle beaucoup des GAFAM, pour la protection des données, et que c'est au centre de toutes les conversations, mais, je pense qu'il ne faut pas oublier aussi que la surveillance publique, c'est vraiment une question importante. Alors, qui peut être liée à toutes ces données que possèdent les GAFAM; puisqu'on a vu dans les scandales SNOWDEN que ces données sont ensuite transférées aux autorités publiques. Mais il ne faut pas non plus oublier cette question de la surveillance publique, à mon sens.


Nicolas Martin : Et un mot tout de même, sur ce côté un petit coup de trique une grosse carotte? C'est à dire qu'on vous dis "Attention" on vous mets de l'RGPD; mais tout de même, de l'autre côté, on vous reçoit avec les honneurs et sous les ordres de la République, en espérant grignoter des parts de marché ou en tout cas des installation, des créations d'emplois, des installations de sièges sociaux et peut être un peu moins de contravention ou de contrevenance plutôt par rapport au Fisc et au Trésor Public? Enfin en tout cas, voilà à la taxation?

Anne Debet : Je pense qu'il y a toujours une forme de divergence entre la volonté politique , parfois et la volonté économique et on le voit aussi sur le RGPD et sur la CNIL. C'est à dire qu'on dit à la CNIL : Attention, vous devez réguler en étant Bussiness Friendly, enfin, il ne faut pas que le RGPD soit un frein pour l'activité économique et en particulier l'activité économique en France. Donc il y a toujours, parfois, des logiques un peu différentes, entre l'action politique, la volonté politique et les enjeux économiques, et puis les questions juridiques. 10'51 musique