Propositions de l'April Brevet

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Les propositions de l'April

1.Mettre en place un organe pour contrôler les pratiques l'Office européen des brevets (OEB)

La Convention sur le brevet européen (CBE) dispose que les programmes d'ordinateurs ne sont pas des inventions, qui en tant que tel sont pas susceptibles d'être protégées par un titre de brevet. Malgré cette disposition l'Office européen des brevets (OEB) délivre des brevets logiciels du fait d'une absence totale de contrôle de la structure.


2.Revoir le mode de financement de l'OEB et de l'INPI

L'OEB et l'INPI se comportent aujourd'hui comme des organisations à but lucratif car ils tirent leurs revenus des redevances payées par les titulaires des brevets qu'ils accordent . La délivrance du brevet n'est plus dictée par la volonté d'octroyer un monopole d'exploitation à l'inventeur d'une innovation profitant à la société mais par la volonté d'augmenter ses bénéfices. Cette pratique doit aujourd'hui prendre fin.

  • Organiser différemment le financement des offices afin qu'ils ne dépendent pas de la quantité de brevets octroyés. Il faut Mettre un terme à l'autofinancement pour que les déposants ne soient plus les « clients » de l'OEB ou de l'INPI.

3.Donner compétence au Parlement européen en matière de droit matériel applicable aux titres de brevet

La législation et les règles de procédures relatives aux brevets, parce qu'elles conditionnent toute la politique de l'innovation et impactent d'autres domaines comme le droit de la concurrence ou la liberté d'entreprendre, doivent être contrôlées par des organes législatifs élus. Il ne s'agit pas d'une question technique devant rester aux mains d'un microcosme spécialisé en la matière. Dans le cadre du projet de brevet unitaire, le droit applicable en matière de brevets doit donc être défini par le parlement européen.

  • Le Parlement européen doit légiférer sur le droit matériel applicable au titre de brevet qui aujourd'hui est régi par la Convention sur le brevet européen, accord international dont le contenu a été fixé par les dirigeant des États signataires.

4.Donner compétence en dernier ressort à la CJUE pour tous les litiges en matière de brevet

Le projet de brevet unitaire crée une Cour unifiée spécialisée en matière de brevets. Aucun recours auprès de la CJUE n'est prévu. Afin de parfaire l'intégration du droit des brevets dans le droit de l'Union il est nécessaire que la CJUE soit compétente en dernier ressort des décisions prises par la Cour unifiée. C'est aussi le moyen d'assurer une correcte application des dispositions et d'éviter la validation des brevets logiciels aujourd'hui délivrés par l'OEB.

  • Un nouvel article doit donc être inséré dans dans le projet de règlement instituant la Cour unifiée des brevets :

« La Cour de justice de l'Union européenne est compétente en dernier ressort des litiges en matière de titres de brevets ».

5. Limiter les droits conférés par le brevet

Créer une exception aux droits conférés par le titre de brevet afin que les titres déjà délivrés soient privés d'effet

  • Amender le règlement de mise en œuvre de la coopération renforcée dans le domaine de la création d’une protection unitaire par brevet

« Le titre de brevet ne pourrait pas donner le droit à son titulaire de développer, de modifier, de distribuer, de vendre, de prêter , de mettre à disposition ou à l'utilisation d'un programme d'ordinateur destiné à être exécuté sur un équipement informatique non spécialisé dans la mise en œuvre de l'objet breveté. »

6.Appliquer le principe du pollueur-payeur au déposant d'un brevet inutile

Les dépôts de brevets inutiles et invalides sont de plus en plus courants aujourd'hui. Cette pratique mobilise des ressources humaines (personnel de l'OEB, de l'INPI, des Cours de justice) et financières pour un résultat néfaste en matière d'innovation. En effet, le droit exclusif conféré n'est pas justifié : la contribution sociale de l'invention est nulle puisque l'invalidité est souvent reconnue du fait du défaut de caractère nouveau ou du défaut d'activité inventive. En outre, l'existence du titre décourage les autres inventeurs susceptibles d'utiliser des éléments de l'invention brevetée à mauvais escient.

  • Responsabiliser les déposants de brevets en les obligeant à verser une compensation dans la cas où leur brevet s'avère invalide.

« L'invalidité du titre du brevet engage la responsabilité de son déposant qui doit verser une compensation aux personnes physiques et morales ayant subi un préjudice matériel de ce fait. Ce préjudice matériel ne peut s'entendre de la perte d'une chance de réaliser un profit ».

Développements

"Le businessman - Quand tu trouves un diamant qui n'est à personne, il est à toi. [...]. Quand tu as une idée le premier, tu la fais breveter : elle est à toi. Et moi je possède les étoiles, puisque jamais personne avant moi n'a songé à les posséder [...]. Le petit Prince - [...] je possède une fleur que j'arrose tous les jours. Je possède trois volcans que je ramone toutes les semaines [...]. C'est utile à mes volcans, et c'est utile à ma fleur, que je les possède. Mais tu n'es pas utile aux étoiles ... (Saint-Exupéry, le Petit Prince, XIII)"

Principe de non-brevetabilité des logiciels

Les systèmes de brevets ont été institués pour donner un cadre juridique à un compromis : alors que les idées sont de libre parcours, que chacun peut y accéder, les utiliser et les enrichir à sa guise en tant que biens communs inappropriables, la société dans son ensemble consent à céder un monopole temporaire à un inventeur pour exploiter l’industrialisation d’une idée innovante. Grâce à cette concession, on entend ainsi inciter à l’innovation. En échange, l’inventeur accepte de divulguer son innovation qui, à l’expiration du monopole, reviendra au domaine public favorisant ainsi le progrès de la science et évitant que les inventeurs n’emportent leurs secrets dans leur tombe. Les offices de brevets sont ainsi censés remplir une mission au service de la société : en tenant un registre des inventions dignes d’être brevetées, ils garantissent l'équilibre et l’éthique de ce compromis.

Œuvres de l'esprit, les logiciels sont couverts par le droit d’auteur. Cependant, une poignée d’acteurs souhaite que les logiciels soient régis par le droit des brevets. Celui-ci permettrait au détenteur d’un brevet d’empêcher l’écriture ou l’utilisation de tout autre programme qui emploierait des fonctionnalités, formats ou algorithmes similaires. Cela revient à considérer qu’un détenteur de brevet puisse s’approprier exclusivement une idée informatique. Il disposerait d’un monopole d’exploitation sur ces idées, empêchant donc tout tiers d’utiliser celles-ci. Depuis 2005, le gouvernement français défend une position consistant à refuser tout brevet sur les logiciels « en tant que tels »1, contrairement à ce qui est accepté aux États-Unis, tout en autorisant la brevetabilité de programmes d’ordinateur apportant une contribution « technique » sans toutefois que ce terme soit défini2.

Qu'est-ce qu'un brevet ?

Le brevet est un titre juridique qui donne à son titulaire le droit d’interdire à un tiers l’exploitation d’une invention. Les systèmes de brevets ont été institués pour donner un cadre juridique à un compromis : alors que les idées sont de libre parcours, que chacun peut y accéder, les utiliser et les enrichir à sa guise en tant que biens communs inappropriables, la société dans son ensemble consent à céder un monopole temporaire à un inventeur pour exploiter l’industrialisation d’une idée innovante. En échange, l’inventeur accepte de divulguer son innovation qui, à l’expiration du monopole, reviendra au domaine public favorisant ainsi le progrès de la science et évitant que les inventeurs n’emportent leurs secrets dans leur tombe. Les offices de brevets sont ainsi censés remplir une mission au service de la société : en tenant un registre des inventions dignes d’être brevetées, ils garantissent l'équilibre et l’éthique de ce compromis.

Pour être brevetable, une invention doit répondre à trois critères essentiels3 :

1. nouveauté : rien d'identique n'a jamais été accessible à la connaissance du public, par quelque moyen que ce soit ; 2. conception innovante : elle ne peut pas découler de manière évidente de l'état de la technique, pour un homme du métier ; 3. application industrielle : elle peut être utilisée ou fabriquée dans tout genre d'industrie, y compris l'agriculture (ce qui exclut les œuvres d'art ou d'artisanat, par exemple). Le brevet s’inscrit donc dans une logique industrielle : la société confère un monopole d’exploitation industrielle à un inventeur en échange de la publication de son invention. Le brevet couvre une application industrielle en s’appliquant uniquement à un mécanisme, et non à l’idée qui en est à l’origine. L’idée n’étant pas une production physique, elle n’a pas vocation à être affectée par les brevets.

Le logiciel : une œuvre de l'esprit régie par le droit d'auteur

Ce n'est pas parce que les expressions des idées sont exclues du champ de la brevetabilité qu'elles sont ignorées par le droit : les œuvres de l’esprit, dont les logiciels, sont en effet du ressort du droit d’auteur4, et est d'ailleurs la distinction première entre droit d'auteur et droit des brevets. De plus, d'après l’article 52 de la Convention sur le brevet européen5, « les brevets européens sont délivrés pour toute invention dans tous les domaines technologiques, à condition qu’elle soit nouvelle, qu’elle implique une activité inventive et qu’elle soit susceptible d’application industrielle » on précise que ne sont pas considérées comme des inventions brevetables « les découvertes, les théories scientifiques et les méthodes mathématiques ; les créations esthétiques ; les plans, présentations d’informations, principes et méthodes dans l’exercice d’activités intellectuelles, en matière de jeu ou dans le domaine des activités économiques, ainsi que les programmes d’ordinateur » en tant que tels. La différence entre le brevet et le droit d’auteur dépend donc de la nature même de l’œuvre en question, et non du procédé de communication choisi ou du nombre de copies commercialisées6. Ainsi, selon la législation, les logiciels sont soumis au régime juridique des œuvres de l'esprit. Cependant, un petit nombre d’acteurs ont tenté de sortir de ce système pour imposer le cadre juridique du brevet au logiciel, alors qu’il n’est clairement pas adapté. La directive sur la « brevetabilité des inventions mises en œuvre par ordinateur » a été rejetée massivement par le Parlement européen en juillet 20057. Logiciel libre et droit d’auteur se renforcent mutuellement : le droit d’auteur couvre le logiciel en tant qu’œuvre de l’esprit, sans monopole d’exploitation sur des idées ou des méthodes mathématiques. Le droit d’auteur permet de choisir les modalités de publication et les droits accordés au public. Le droit d’auteur est la base juridique sur laquelle les licences libres, comme la licence GNU GPL8, s’appuient pour garantir les libertés du logiciel libre.

Les dangers des brevets logiciels

Obstacle à l'innovation

Dans le domaine du logiciel, les innovations sont cumulatives et incrémentales, c’est-à-dire que chaque innovation repose sur celles qui l’ont précédée. Si l’innovation antérieure tombe sous le coup d’un brevet, la nouvelle invention ne peut pas être librement diffusée, car le détenteur du brevet antérieur dispose d’un droit exclusif sur l’utilisation de son invention, y compris l’interdiction de son utilisation. Tout autre éditeur qui souhaite utiliser le logiciel, ou tout simplement mettre en œuvre des fonctionnalités ou des algorithmes similaires, doit donc demander l’autorisation au détenteur du brevet. En outre, la durée de vie d’un logiciel s’accorde difficilement avec celle d’un brevet : le logiciel sera obsolète au bout de quelques années, mais le brevet continuera à restreindre encore longtemps les innovations basées sur la technique brevetée, puisqu'un brevet a une durée de vie maximale de vingt ans. Le dépôt de brevet représente un coût supplémentaire9 pour les entreprises. Dénoncer un brevet invalide est onéreux et les coûts des batailles juridiques sont parfois suffisants pour faire renoncer à un projet. Les batailles opposant Samsung à Apple en sont la parfaite illustration10.

Inapplicabilité du droit des brevets

Des brevets logiciels seraient nocifs pour l’ensemble des développeurs : non seulement le dépôt d’un brevet est complexe et coûteux, mais son application est elle aussi difficile à faire respecter11. Par conséquent, seules les grandes entreprises qui ont déposé un grand nombre de brevets et les firmes spécialisées ont les moyens effectifs de les faire respecter. Pour tous les autres, le brevet logiciel est source d’insécurité juridique, car plus le nombre de brevets présents est important, plus le risque d’en enfreindre un involontairement est élevé. Et même s’il n’y a pas de violation de brevet, la simple menace d’un procès peut décourager l’innovation, ne serait-ce que par les coûts afférents à la défense de ses droits devant un tribunal. Outre-Atlantique, les patents trolls, ou spéculateurs de brevets (entreprises dont le modèle économique repose sur la concession de licences et les procédures liées aux brevets) multiplient les procès pour violation de brevets détournant ainsi leur fonction de protection de l'innovation. Au regard des 5 milliards de dollars annuels dépensés12 par les entreprises pour se prémunir des patents trolls, Le système américain est aujourd'hui victime de son laxisme dans la détermination du champ de la brevetabilité13.

Ce risque est d’autant plus réel que de nombreux brevets déposés sont des brevets triviaux, c’est-à-dire qu’ils ne sont pas appliqués à de véritables innovations, mais se contentent de présenter de manière plus ou moins élaborée des idées évidentes pour tout homme de l’art. Breveter des principes triviaux créent un champ de mines juridique qui tient les concurrents à l’écart. Le danger est d'autant plus grand que le texte des brevets n'est révélé que 18 à 24 mois après leur dépôt. Il existe même aux États-Unis des assurances contre une éventuelle violation de brevet. Lorsque ces brevets tombent, la société civile ne récupère aucun savoir-faire puisque le savoir couvert était déjà trivial et largement connu au moment du dépôt. Cela conduit ainsi à des abus nombreux, au point que le droit des brevets est de plus en plus systématiquement ignoré, car inapplicable à moins de vouloir détruire toute innovation. Ces dérives menacent donc le systèmes des brevets dans sa globalité14.

Incompatibilité des brevets avec le Logiciel Libre

Au-delà des considérations précédentes, les brevets sont incompatibles avec la philosophie du logiciel libre : le fait même de subordonner l’utilisation d’un concept à l’acceptation de clauses imposées unilatéralement par le détenteur d’un brevet affecte les libertés offertes par le logiciel libre15.

Outre cette incompatibilité de principe, l’ensemble même du secteur du logiciel libre est mis en danger par les brevets logiciels. Les logiciels libres ne sont pas brevetés. Cependant, les sources des logiciels libres étant publiées, ils risquent d'être brevetés par des tiers en violation des droits des développeurs. Les brevets logiciels sont des armes de guerre économique pour de grands groupes monopolistiques qui les utilisent pour exclure du marché leurs concurrents, dont les entreprises de logiciel libre. Breveter un concept entraîne l'interdiction de toute autre mise en œuvre. Les idées devenues propriétés ne sont accessibles qu’à ceux qui satisfont à des conditions d’entrée arbitrairement définies et le risque d’exclusion du logiciel libre est réel. Les brevets logiciels sont donc dangereux pour tous : logiciels libres bien sûr, mais aussi logiciels propriétaires, et plus largement pour toutes les entreprises et industries qui ne sont pas en position dominante sur le marché. Il est d’ailleurs intéressant de noter que la bataille législative contre les brevets logiciels a fait l’objet d’un consensus parmi de très nombreux acteurs, venus de milieux pourtant très différents : l'Union européenne des petites et moyennes entreprises (UEAPME) s’était ainsi déclarée contre les brevets logiciels16, tandis que la Fondation pour une infrastructure informatique libre (Foundation for a Free Information Infrastructure-FFII) avait recensé une majorité économique d’acteurs qui affirmaient leur opposition aux brevets logiciels17.

État du système européen des brevets

L’Office européen des brevets (OEB), créé en 1973, s'autofinance grâce aux redevances sur les brevets accordés. Soumis à des contraintes d’équilibre budgétaire, il s’efforce d’accroître sa principale source de revenus par l'encouragement des dépôts de demande de titre mais également par des actions de lobbying, pour faire évoluer les législations afin d’étendre le champ de la brevetabilité et rendre le coût des brevets plus attractif. Dans cette perspective, les offices des brevets prônent la doctrine selon laquelle plus de brevets équivaudrait à plus d’innovation. Ainsi on observe depuis quelques dizaines d’années une véritable inflation des demandes de brevets, y compris pour des inventions exclues du champ de la brevetabilité comme les logiciels. Cela se traduit inévitablement par une extrême difficulté pour les examinateurs des offices à juger de la qualité des revendications et par un délitement de la matière des brevets.

Des brevets accordés en contradiction avec les dispositions de la Convention sur le brevet européen

En application de l'article 52 de la Convention sur le brevet européen (CEB)18, les programmes d'ordinateur ne sont pas brevetables. En 2005, en violation de cet article, les États européens ont déclaré refuser tout brevet sur les logiciels « en tant que tels » mais autoriser la brevetabilité de programmes d’ordinateur apportant une contribution « technique », en l’absence de définition de ce terme19. Or, il s’agit précisément de la doctrine ayant permis à l’Office européen des brevets (OEB) – et l’Institut de la propriété industrielle (INPI) en France20– d’accorder des dizaines de milliers de brevets, par exemple sur un « procédé de décompilation pour la réalisation de graphes au moyen d’un ordinateur » (EP511065)21 ou sur un « système de paiement électronique à travers un réseau de télécommunication » (EP1236185)22. De tels brevets sur des logiciels ou des méthodes intellectuelles informatisées n’ont pourtant rien de différent de leurs homologues déposés outre-Atlantique, et rien ne distingue fondamentalement les logiciels visés par ces brevets des autres programmes d'ordinateur. Cette distinction n'a donc pas lieu d'être et la non brevetabilité de tout logiciel doit être affirmée sans ambiguïté. La Grande Chambre de recours de l’OEB a elle-même demandé un arbitrage politique dans sa décision du 12 mai 201023. Cette décision fait suite à une saisine de la Grande Chambre par l’OEB, cette dernière demandant d’autoriser certaines pratiques illégales de brevetisation de logiciels au nom d’une soi-disant clarification de la situation actuelle. La Grande Chambre a refusé de répondre aux questions posées, en soulignant que ces questions étaient formulées de façon partiale par l’OEB. Cela démontre l'ampleur des pouvoirs entre les mains de l'OEB.

Une volonté de concentration des pouvoirs en l'absence de contrôle démocratique

L’OEB, soutenu sur ce point par la direction du marché intérieur de la Commission européenne, a soutenu un projet de création d’une Cour des brevets chargée d’unifier le règlement des litiges en matière de brevet européen. Selon ce projet d'accord international, baptisé EPLA (European Patent Litigation Agreement), les juges des chambres de recours de l’OEB devaient siéger à cette cour centrale, les verdicts de la Cour devaient s’appuyer sur la jurisprudence de l’OEB et la Cour devait être dirigée par un organisme désigné par le Conseil d’administration de l’OEB. Ainsi, L'OEB serait devenu autonome du pouvoir politique pour faire évoluer la législation sur les brevets, et de l'autorité judiciaire pour juger de leur validité. Il n'y aurait alors plus eu d'obstacles à la validité des brevets logiciels auxquels l'OEB est favorable. Les offices des brevets ne doivent pas être juges des titres qu'ils octroient. Leurs fonctions se concentrent sur le maintien d’un registre des demandes de brevets, sans réaliser eux-mêmes d’examen. Le jugement de la validité ou non d’un brevet doit être rendu par une ou plusieurs juridictions dont les juges, afin de garantir leur indépendance et leur impartialité, ne peuvent être liés aux offices des brevets. Ce projet d'accord, en discussion depuis 2006, n'a, pour le moment, pas trouvé l'écho nécessaire. Le Parlement européen24 s’est inquiété de ce que « le texte proposé requerrait d’importantes améliorations pour répondre aux préoccupations concernant le contrôle démocratique, l’indépendance judiciaire et le coût des litiges et une proposition satisfaisante pour le règlement de procédure du tribunal de l’EPLA ». Cependant, l'idée d'une Cour des brevets sous contrôle exclusif de l'OEB et du microcosme des brevets a resurgi avec la proposition de règlement sur le brevet unitaire en 2011.

Avenir du système des brevets : le brevet unitaire

Le système est actuellement en crise et nécessite d’être réformé, et les débats se focalisent sur l'effet unitaire. En effet, les brevets octroyés par l'OEB sont éclatés en un faisceau de brevets nationaux. Un titulaire de brevet européen doit régler périodiquement dans chaque pays des taxes de renouvellement et poursuivre les supposés contrefacteurs devant les tribunaux de chaque pays. En 2011, une nouvelle proposition de brevet unitaire a été proposée par la Commission européenne, sous la forme d'une coopération renforcée. Cependant, le manque de concertation, la précipitation dans l'élaboration des textes et les pressions des partisans d'un régime sous contrôle exclusif de l'OEB ont conduit à des propositions juridiquement et démocratiquement inadmissibles25.

L'échec annoncé de la proposition

La proposition de règlement est décevante au regard de l'enjeu majeur que représente l'élaboration d'un système de brevets qui puisse tenir ses promesses de favoriser efficacement l'innovation en Europe. Le règlement proposé ne crée pas de brevet de l'UE. Il ne fait qu'utiliser le brevet traditionnellement délivré par l'OEB en lui ajoutant un attribut unitaire sans pourtant que l'UE ne soit partie à un accord instituant une juridiction unifiée des brevets. La proposition n'est pas conforme aux traités de l'UE d'après la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE)26 : « l’accord envisagé [...] priverait les juridictions des États membres de leurs compétences concernant l’interprétation et l’application du droit de l’Union ainsi que la Cour de la sienne pour répondre, à titre préjudiciel, aux questions posées par lesdites juridictions et, de ce fait, dénaturerait les compétences que les traités confèrent aux institutions de l’Union et aux États membres qui sont essentielles à la préservation de la nature même du droit de l’Union. » La Commission a été forcée à revoir sa copie mais la base juridique demeure encore bancale27. En conséquence, l'accord entériné par la commission des affaires juridiques du Parlement européen le 20 décembre 201128 pose de sérieuses questions de sécurité juridique, car il pourrait être annulé par la CJUE par la suite.

Propositions pour un brevet unitaire de l'UE

Quelle que soit la juridiction des brevets mise en place, ses décisions doivent nécessairement être contrôlées par un tribunal indépendant et impartial, la CJUE, à même de trancher dans le respect du principe de proportionnalité les conflits entre le droit des brevets et d'autres domaines du droit (concurrence, libertés fondamentales ...). L'UE doit avoir la mainmise sur la matière des brevets. Pour cela, un véritable brevet de l'UE doit être créé. Les bases juridiques du brevet unitaire ne doivent reposer exclusivement sur la Convention sur le brevet européen et cet accord international doit être incorporé au droit de l'UE, l'OEB n'ayant qu'une délégation de pouvoirs de l'UE. L'UE doit également s'assurer d'avoir tout pouvoir de décision sur le détermination du champ de la brevetabilité par une clarification des dispositions de la CBE. Une législation distincte ou une modification des dispositions doit insister sur l'exclusion de tout logiciel du champ de la brevetabilité.