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Ce que je viens de vous dire,
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Ce que je viens de vous dire, le numérique c’est vachement important. Quand il y a quelques personnes qui pourraient se dire « comme c’est vachement important concentrons-nous ce sujet-là et ça justifie qu’on ne s’intéresse pas au reste. »
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Je ne suis pas d’accord parce que l’imprimerie ça a servi à quoi ? L’imprimerie ça a servi à faire des cartes marines, à faire des encyclopédies, ça a servi à faire progresser la science, ça a servi à énormément de choses, et ce qui a été extrêmement important avec l’imprimerie c’est que d’emblée ça a concerné tous les domaines. Imaginez ce que ça aurait donné comme révolution de l’humanité, si les geeks de l’époque s’étaient dit « nous ce qui intéresse c’est l’imprimerie, point et on ne va s’intéresser à rien d’autre, et si on publie des bouquins, ce sera uniquement des bouquins sur la typo. » On ne serait pas allé très loin. C’est la même chose : l’informatique est importante parce que ça concerne plein de domaines.
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Je n’ai pas en tête, j’ai parlé d’imprimerie, je vais vous parler aussi d’écriture. Je ne sais pas si vous êtes au courant, mais il y a un gros troll qui dure depuis super longtemps et qui n’est pas près de s’arrêter chez les instits, de savoir si pour apprendre à lire aux enfants c’est mieux de se concentrer d’abord sur le code donc d’abord essayer de regrouper les lettres entre elles, B et A ça fait BA, etc., pour essayer de maîtriser le code et puis, quand on aura réussi à maîtriser le code, on pourra commencer à s’attaquer à des textes. Ou s’il vaut mieux, au contraire, attaquer directement le texte et de se dire que le code, finalement, c’est secondaire dans la mesure où ce qui est important c’est d’essayer d’accéder au sens et que pour accéder au sens on bossera sur le code en conséquence. Mais le plus important, quand on est devant un texte, c’est d’essayer de comprendre ce qu’il veut dire.
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Je vais vous parler de parallèles avec d’autres domaines. Je vais profiter de ça pour vous parler d’éducation et justement, dans ce domaine-là, de ce qu’on appelle la pédagogie de Freinet. S’il y a des instits dans la salle vous en avez probablement déjà entendu parler. Le principe général de cette pédagogie c’est de mettre l’élève au centre de l’apprentissage et de le rendre acteur de son apprentissage. Et notamment pour cette question de comment on apprend à lire, ce que proposait Célestin Freinet c’était de dire que le plus efficace pour apprendre aux enfants à lire, ça va être d’apprendre à lire sur des textes qu’ils ont eux-mêmes produits. Donc d’utiliser leurs productions pour être sûr que ça les intéresse. Et ça, quelque part, on est vachement proche des thématiques du Libre, de dire qu’on va essayer de faire quelque chose qui va être spécifique à la personne à qui on parle, plutôt que de dire : « Tu prends le système comme il est et tu n’as pas le choix, c’est cette interface-là, c’est ce truc-là, c’est ce machin ; c’est Internet Explorer pas un autre. » Donc c’est important, extrêmement important, de prendre la personne qui est au centre et de ne pas suivre des trucs pré-écrits, mais de s’adapter au cours de notre route. C’est important de pouvoir modifier les choses.
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Je ne vais pas faire plus long que ça parce que je n’ai qu’une heure, je n’en ai pas cinq. Mais un autre domaine qui résonne vachement avec le nôtre. On disait le numérique c’est vachement important, il y a un autre domaine qui est vachement important, c’est ce qu’on mange. Je ne sais pas si beaucoup de gens sont au courant, mais il y a des très grosses problématiques qui concernent tout ce qui est semences paysannes et compagnie. Il y a quelques personnes assez influentes qui ont mis en place un catalogue de l’ensemble des semences qui devraient pousser dans les champs et qui voudraient essayer de faire en sorte que tout ce qui n’est pas sur ce catalogue, on n’a pas le droit de le planter et de le faire pousser. Ça veut dire qu’on n’a pas le droit de faire des croisements entre les plantes et ça, c’est quelque chose qui appauvrit énormément la biodiversité. Et tous ceux qui font un peu de biologie savent que c’est assez problématique.
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Je ne veux pas en parler, je suis très loin d’être spécialiste et je n’ai pas le temps de développer énormément ce parallèle, mais entre les semences paysannes et le logiciel libre il y a des parallèles à faire extrêmement importants et sur l’importance que ça a dans la société – c’est ce qu’on mange donc c’est sacrément important aussi – donc ce serait bien qu’on s’y intéresse !
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En parlant de ça, vous avez peut-être vu le stand de Framasoft dans le village assos, ils vous ont peut-être parlé du projet CHATONS. Le projet CHATONS, un des super slogans qu’ils ont sortis pour essayer de mettre ça en avant, c’est dire que ça va être les AMAP de l’hébergement. Je trouve ce slogan absolument génial, mais il a énorme problème, c’est qu’il y a des gens qui ne savent pas du tout ce que c’est qu’une AMAP. J’étais le week-end dernier à l’Ubuntu Party à Paris, à un moment je suis passé à côté du stand Framasoft. J’ai vu une personne de Framasoft qui était en train de discuter avec un visiteur. Ils causaient de cette histoire-là d’AMAP. C’était très intéressant ça avait l’air d’intéresser la personne, ça marchait très bien, mais c’était évident en les écoutant que ni l’un ni l’autre ne savaient ce que c’était qu’une AMAP ! Ça pose un petit problème ! En même temps, ils sont à Paris, on ne peut pas leur en vouloir, ce n’est pas le meilleur endroit pour ça !
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Qu’est-ce que c’est qu’une AMAP ? Il n’y a pas de mystère, vous retrouverez ces points-là sur Wikipédia par exemple, une association pour le maintien d’une agriculture paysanne. Essentiellement, ce qui va me sembler, pour moi, le point principal et la raison pour laquelle effectivement la comparaison entre les hébergeurs du projet CHATONS et les AMAP est très pertinente, c’est de dire qu’on va essayer de penser les choses autrement et de dire qu’on va être en relation directe entre les gens qui fournissent ou produisent la nourriture, qui fournissent le service, et les consommateurs et de dire qu’on va essayer de réfléchir à des modèles de financement qui vont respecter tout le monde. Encore une fois je ne rentre pas du tout dans les détails, mais c’est un point qui me semble extrêmement important à creuser.
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Il y a autre chose qui est extrêmement important et qui est extrêmement intéressant dans le discours de Framasoft, c’est de dire que le modèle AMAP ne va pas convenir à tout le monde. Il y a des gens qui toujours, j’en fais partie d’ailleurs, qui toujours préféreront aller faire leurs courses au supermarché parce que c’est beaucoup pratique pour eux. De la même manière qu’il y a des gens qui vont continuer d’utiliser Gmail et compagnie parce que ça peut être dans leur cas beaucoup plus adapté qu’une AMAP.
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Le point essentiel, à mon avis, c’est, effectivement, ça ne convient pas à tout le monde. Ce n’est pas possible de trouver un modèle qui va satisfaire tout le monde. Il faut accepter qu’il y ait une certaine diversité dans ce modèle-là et se dire on devrait être habitués à ça. Entre toutes nos distributions, tous nos environnements graphiques, tous les logiciels concurrents, les trolls noms sur ??? qu’on se traine depuis longtemps, on devrait être super habitués à la diversité.
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Et donc pourquoi est-ce que ça nous gêne à ce point-là que dans cette diversité-là on rajoute quelques acteurs qui, effectivement, ne sont pas géniaux du tout, mais qui existent et qui peuvent être plus adaptés à certaines personnes ? Est-ce que ce serait parce que tous nos systèmes-là sont des systèmes libres, alors que Mac OS, Windows ça ne l’est pas du tout ? Eh bien moi je n’en suis pas convaincu parce que si on regarde dans le détail, voici donc les quatre systèmes qui sont réputés pour être les plus grand public : Windows, Mac OS, Ubuntu, Mageia, si on va voir dans le détail ce qu’il y a à l’intérieur, alors OK sur le cœur du système il y a des choses qui seront plus ou moins libres ; au niveau des pilotes matériel on va avoir des trucs fermés à peu près partout. C’est possible pour les gens qui sont bien calés techniquement de se débrouiller pour n’avoir aucun pilote privatif, pour n’avoir que des pilotes libres, je ne pense pas que ça soit à la portée de M. et Mme Toutlemonde. Par contre, si on regarde, même dans les systèmes fermés on a des tas de bouts de code libre qui sont dedans. La couche réseau dans Windows et dans Mac Os, elle vient de BSD à la base, et il y a beaucoup de code libre.
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Tout ça c’est le cœur du système. À partir du moment où on arrive dans les logiciels à installer – j’ai mis la petite clef sur le schéma, c’est-à-dire qu’on a le contrôle du cadenas – on peut s’installer autre chose si on veut. Et c’est tout à fait possible à la fois sous Windows d’installer Firefox, à la fois sur Ubuntu d’installer Chrome. Donc, à partir de là, dans la partie sur laquelle l’utilisateur a le contrôle, il va pourvoir faire ce qu’il veut : s’il veut du Libre il va pouvoir mettre du Libre, s’il n’en veut pas il pourra mettre autre chose. Mais sur la partie cœur du système, dans tous les cas ça va être un mélange de code libre et de code privatif. Et donc on ne peut pas dire que c’est mieux parce que c’est libre. Finalement, on est en proportion mieux que les grands systèmes-là, mais dans tous les cas il y a du libre et du pas libre.
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Il y en a un dont je n’ai pas parlé c’est Android

Version du 8 mars 2017 à 17:47


Titre : Prêcher la parole ou partager librement nos idées ?

Intervenant : Elzen

Lieu : Capitole du Libre - Toulouse

Date : Novembre 2016

Durée : 47 min 07

Visualiser la conférence

Licence de la transcription : Verbatim

Statut : Transcrit MO

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Bonjour à tout le monde. Je m’appelle Elzen. Si vous avez du mal à retenir mon pseudo vous dites : « Le type au chapeau avec le tee-shirt par-dessus la chemise », en général on me reconnaît. Et donc aujourd’hui je vais vous parler de prêcher la parole ou partager librement les idées. Donc en gros je vais vous parler de modèles qui sont là, celui qui est ici c’est un peu ce que je suis en train de faire là. Et puis le deuxième c’est partager librement. Alors. Il faut quand même que je vous prévienne. J’ai essayé de faire la conf le plus sérieusement possible, mais je vais pas pouvoir faire autrement que de passer super rapidement sur certains sujets, de me foutre un peu de certaines personnes, etc. Donc voilà, je vais essayer de réduire ça autant que possible, mais il y a quand même un peu de trolls dedans. D’ailleurs on va commencer tout de suite vu que je vais commencer par vous donner le résumé de la conf, comme ça vous saurez tout de suite si vous avez perdu du temps ou pas. Et puis si vous regardez les slides, bon. Le résumé de la conf, en gros, c’est de dire que prêcher ce n’est pas le plus génial. Que c’est ce que je vais faire là, mais si on peut essayer de faire autrement ça peut être mieux. Qu’il faut que nous autres communautés du logiciel libre on prête beaucoup d’attention aux autres domaines. Qu’on a beaucoup, dans notre communauté, les mauvais côtés d’une religion et on n’a pas les bons, ça c’est dommage. Donc il y a du boulot pour essayer d’arranger les choses. Mais il y a aussi un point important à retenir, il y a du boulot pour y arriver mais à la fin on gagne. Après, plus précisément de quoi on parle ? Pour faire les choses bien, on fait ça en quatre points. On commence par étudier la situation actuelle. Ensuite, on essaye de lever le problème et de soulever en quoi c’est un problème. Après on essaye d’aller voir dans d’autres domaines, de faire quelques parallèles, essayer de trouver des idées pour améliorer les choses. Et puis, à partir de là, on fait des propositions pour essayer d’améliorer. Grosso modo, ça va être ça que je vais faire, mais vous avez remarqué que j’aime bien faire les choses dans le désordre, donc je ne vais pas du tout suivre ce plan- là, mais je vais sauter d’un point à l’autre au fur à mesure.

Et donc on va commencer par le fait que le libre serait une religion. Ça, je ne commente pas. Si vous connaissez le personnage [Richard Stallman, NdT], ils font ça pour se marrer, ils ne sont pas sérieux. Mais plus sérieusement, assez souvent, quand on écoute les gens du logiciel libre, on a l’impression que leur vision du monde ressemble à ça. C’est-à-dire qu’on a le militant du logiciel libre là, qui est là pour aller apporter la bonne parole aux sauvages, aux gens qui vivent tout nus, alors ils n’ont pas de firewall, tout ça. Donc voilà. On a une vision qui est extrêmement évangéliste du logiciel libre, où on aurait la responsabilité d’aller éduquer les sauvages. Je ne suis pas tout à fait d’accord avec cette vision-là. C’est même pour ça que je fais la conf.

Pour illustrer un peu ça, un discours que j’ai entendu assez souvent dans ma vie de libriste. Je suis militant pour le logiciel libre depuis une grosse dizaine d’années maintenant et, assez souvent, j’ai entendu des discours qui ressemblaient à ça. Donc un libriste qui nous raconte qu’il était en train de parler avec une autre personne et puis que l’autre personne avait un discours qui était absolument génialissime, qui était super intéressant et tout. Et puis d’un coup l’autre personne se met à sortir un ordi Apple et à partir de là ça veut dire que c’est complètement nul, qu’il n’y a plus rien à faire, il n’y a plus que râler ou se barrer comme choix. Ce qui, à moi, me semble un peu exagéré comme réaction L’autre point aussi c’est qu’on a beaucoup dans nos communautés du Libre, dans nos événements autour du Libre, une tendance à réagir en tartuffe, à ne pas vouloir parler d’autre chose. On est là entre geeks, on est là pour parler de numérique et tout ce qui n’est pas numérique on s’en fout. Grosso modo c’est quelque chose qu’on va retrouver dans plein d’évènements et c’est quelque chose qui me semble assez spécifique au numérique. Pour prendre un exemple qui n’a rien à voir. Je fais partie d’une association qui traite de jeux de rôle dans les jeux vidéo, donc voilà, ça reste un peu informatique mais pas grand-chose à voir avec le logiciel libre. Dans les AG de cette association-là quand je vais leur poser de l’auto-hébergement, quand je vais leur dire que si on mettait en place, sur notre serveur à nous, un Framadate pour prendre des rendez-vous, pour faire des parties ou ce genre de choses, ce serait bien pour tout le monde, ce serait bien pour nous, pour ??? accès public et ce serait bien, ils sont très sensibles à ce genre de discours. Ils m’écoutent. Après quand je leur dis qu’il faudrait virer la chaîne YouTube et mettre ??? à la place, ils me disent que j’exagère, que le but c’est de faire venir les gens pas de l ???

Les gens d’autres domaines sont beaucoup à l’écoute et peuvent être ouverts aux sujets qu’on va leur apporter.

Dans le numérique ce n’est pas exactement le cas. Petit exemple de troll mais si vous appelez le THSF et qu’on vient vous dire en commentaire à la fin de l’évènement que ce que vous faites c’est absolument génialissime ici mais que ça pourrait être encore mieux que ça pourrait être un peu plus inclusif, apparemment il y a des gens qui prennent ça comme une insulte. Ça a beaucoup clashé à la fin de la dernière édition ; je n’ai suivi ça que de très loin, je ne peux pas vous donner de détails, mais apparemment il y avait un discours de quelqu’un qui disait vraiment : « C’est génial mais ça pourrait être encore mieux si on était un peu plus ouverts aux autres sujets » et il y a eu une énorme réaction de dire : « C'est quoi ces gens qui viennent nous insulter ? » C’est quand même grave !

Public : THSF ?

Elzen: Toulouse Hacker Space Factory. Donc c’est quelque chose qui se passe ici, dans le coin. Je vous laisse voir avec les logos pour les détails.

Donc pourquoi c’est important l’informatique ? Parce que quand même, on est quand même convaincus que notre domaine est vachement important. Donc pourquoi ? Eh bien on est dans un monde où l’informatique, le numérique est partout. Pour lire les livres maintenant de plus en plus on fait ça sur une tablette au lieu de faire ça sur un bouquin papier. Je suis convaincu, je ne vais pas faire de sondage, mais je suis convaincu que si je demande à peu près tout le monde dans cette salle a un smartphone dans la poche. Je dois être à peu près le seul à avoir encore un vieux truc comme ça. Je ne suis pas le seul, ça va ! Mais c’est extrêmement réduit, même ???, il ne peut pas troller vu qu’il n’a pas de téléphone du tout. Donc à peu tout le monde a un ordinateur dans la poche, parce que ce qu’on appelle un smartphone c’est un ordinateur, avec une ??? pour le téléphone.

Si on va sur tout ce qui est formulaire, truc chiant pour les impôts, genre pôle emploi, genre machins tout ça, à peu près tout ça passe par le numérique maintenant, de moins en moins de papier. Et puis on a toutes les problématiques des objets connectés qui arrivent, où on met de l’informatique absolument partout, jusque dans la cuvette des toilettes, exemple un peu caricatural choisi exprès, mais voilà.

Donc le numérique est extrêmement important parce que le numérique est extrêmement présent dans la société. Mais c’est encore un peu plus que ça, c’est que c’est la troisième grande révolution de l’humanité. La première c’était il y a grosso modo 5 000 ans, c'était l’invention de l’écriture. Avant l’invention de l’écriture, on n’avait pas de moyen de noter les choses. Tout ce qu’il fallait retenir, etc., on n’avait pas da0tre choix que de le retenir de tête. Si je voulais partager avec quelqu’un j’étais obligé d’aller le voir physiquement et de parler avec lui.

À partir de l’invention de l’écriture, on invente le moyen de noter les choses pour ne pas les oublier, on invente le moyen de s’envoyer du courrier. C’est absolument génial et ça, ça change déjà énormément de choses. Mais c’est encore plein de limitations parce que écrire, c’est long. Tout ça. Vous avez un bouquin de trois cents pages vous voulez le sculpter en tablette de pierre, vous imaginez bien que ça prend du temps, donc vous ne ferez pas beaucoup d’exemplaires.

Donc il y avait quand même encore un problème juste avec l’écriture. C’est là qu’est arrivée la deuxième grande révolution de l’humanité qui a été l’imprimerie, il y a, en très gros, 500 ans. En très gros. Je suis très fatigué, ne me demandez pas les détails des dates pour de vrai.

L’imprimerie ça a changé quelque chose d’absolument fondamental. C’est que ça a rendu facile d’imprimer, de faire des bouquins. On a pu, à partir de là, publier du livre en masse. On a pu publier du livre en masse et donc on a pu apporter de l’information chez tout le monde. Tout le monde a pu apprendre à lire et avoir des bouquins dans lesquels lire. Donc ça c’est absolument génial aussi mais ça a quand même une limite qui est vachement importante : c’est que ça devient facile d’imprimer à condition d’avoir une presse. Et que avoir une presse ce n’est pas facile. Avoir une presse ça coûte des sous, c’est dur à récupérer, à mettre en place, tout ça. Donc à partir de l’imprimerie on peut apporter la lecture à tout le monde, mais il n’y a que quelques personnes qui possèdent leur presse et qui peuvent se mettre à émettre des données, à écrire des choses, diffuser, diffuser du savoir.

Donc c’est quelque chose qui nous induit une société verticale, qu’on a gardée pendant super longtemps, c’est resté le modèle jusqu’à la télévision où on a quelques personnes, quelques privilégiés, qui peuvent émettre et tous les autres qui ne peuvent que recevoir. Donc ça induit une société qui est extrêmement verticale. Ça c’était le grand problème jusque-là et puis arrive le numérique, Internet en particulier, mais le numérique en général, qui permet à tout le monde d’avoir son smartphone dans sa poche, d’avoir son blog à soi, à partir duquel on peut émettre de l’information. Donc cette troisième grande révolution c’est celle qui permet vraiment à tout le monde de s’exprimer. Avant le numérique, avant Internet la liberté d’expression c’était quelque chose de virtuel qui ne pouvait physiquement concerner que quelques personnes. Là ça devient quelque chose qui concerne l’ensemble de la population.

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Ce que je viens de vous dire, le numérique c’est vachement important. Quand il y a quelques personnes qui pourraient se dire « comme c’est vachement important concentrons-nous ce sujet-là et ça justifie qu’on ne s’intéresse pas au reste. »

Je ne suis pas d’accord parce que l’imprimerie ça a servi à quoi ? L’imprimerie ça a servi à faire des cartes marines, à faire des encyclopédies, ça a servi à faire progresser la science, ça a servi à énormément de choses, et ce qui a été extrêmement important avec l’imprimerie c’est que d’emblée ça a concerné tous les domaines. Imaginez ce que ça aurait donné comme révolution de l’humanité, si les geeks de l’époque s’étaient dit « nous ce qui intéresse c’est l’imprimerie, point et on ne va s’intéresser à rien d’autre, et si on publie des bouquins, ce sera uniquement des bouquins sur la typo. » On ne serait pas allé très loin. C’est la même chose : l’informatique est importante parce que ça concerne plein de domaines.

Je n’ai pas en tête, j’ai parlé d’imprimerie, je vais vous parler aussi d’écriture. Je ne sais pas si vous êtes au courant, mais il y a un gros troll qui dure depuis super longtemps et qui n’est pas près de s’arrêter chez les instits, de savoir si pour apprendre à lire aux enfants c’est mieux de se concentrer d’abord sur le code donc d’abord essayer de regrouper les lettres entre elles, B et A ça fait BA, etc., pour essayer de maîtriser le code et puis, quand on aura réussi à maîtriser le code, on pourra commencer à s’attaquer à des textes. Ou s’il vaut mieux, au contraire, attaquer directement le texte et de se dire que le code, finalement, c’est secondaire dans la mesure où ce qui est important c’est d’essayer d’accéder au sens et que pour accéder au sens on bossera sur le code en conséquence. Mais le plus important, quand on est devant un texte, c’est d’essayer de comprendre ce qu’il veut dire.

Je vais vous parler de parallèles avec d’autres domaines. Je vais profiter de ça pour vous parler d’éducation et justement, dans ce domaine-là, de ce qu’on appelle la pédagogie de Freinet. S’il y a des instits dans la salle vous en avez probablement déjà entendu parler. Le principe général de cette pédagogie c’est de mettre l’élève au centre de l’apprentissage et de le rendre acteur de son apprentissage. Et notamment pour cette question de comment on apprend à lire, ce que proposait Célestin Freinet c’était de dire que le plus efficace pour apprendre aux enfants à lire, ça va être d’apprendre à lire sur des textes qu’ils ont eux-mêmes produits. Donc d’utiliser leurs productions pour être sûr que ça les intéresse. Et ça, quelque part, on est vachement proche des thématiques du Libre, de dire qu’on va essayer de faire quelque chose qui va être spécifique à la personne à qui on parle, plutôt que de dire : « Tu prends le système comme il est et tu n’as pas le choix, c’est cette interface-là, c’est ce truc-là, c’est ce machin ; c’est Internet Explorer pas un autre. » Donc c’est important, extrêmement important, de prendre la personne qui est au centre et de ne pas suivre des trucs pré-écrits, mais de s’adapter au cours de notre route. C’est important de pouvoir modifier les choses.

Je ne vais pas faire plus long que ça parce que je n’ai qu’une heure, je n’en ai pas cinq. Mais un autre domaine qui résonne vachement avec le nôtre. On disait le numérique c’est vachement important, il y a un autre domaine qui est vachement important, c’est ce qu’on mange. Je ne sais pas si beaucoup de gens sont au courant, mais il y a des très grosses problématiques qui concernent tout ce qui est semences paysannes et compagnie. Il y a quelques personnes assez influentes qui ont mis en place un catalogue de l’ensemble des semences qui devraient pousser dans les champs et qui voudraient essayer de faire en sorte que tout ce qui n’est pas sur ce catalogue, on n’a pas le droit de le planter et de le faire pousser. Ça veut dire qu’on n’a pas le droit de faire des croisements entre les plantes et ça, c’est quelque chose qui appauvrit énormément la biodiversité. Et tous ceux qui font un peu de biologie savent que c’est assez problématique.

Je ne veux pas en parler, je suis très loin d’être spécialiste et je n’ai pas le temps de développer énormément ce parallèle, mais entre les semences paysannes et le logiciel libre il y a des parallèles à faire extrêmement importants et sur l’importance que ça a dans la société – c’est ce qu’on mange donc c’est sacrément important aussi – donc ce serait bien qu’on s’y intéresse !

En parlant de ça, vous avez peut-être vu le stand de Framasoft dans le village assos, ils vous ont peut-être parlé du projet CHATONS. Le projet CHATONS, un des super slogans qu’ils ont sortis pour essayer de mettre ça en avant, c’est dire que ça va être les AMAP de l’hébergement. Je trouve ce slogan absolument génial, mais il a énorme problème, c’est qu’il y a des gens qui ne savent pas du tout ce que c’est qu’une AMAP. J’étais le week-end dernier à l’Ubuntu Party à Paris, à un moment je suis passé à côté du stand Framasoft. J’ai vu une personne de Framasoft qui était en train de discuter avec un visiteur. Ils causaient de cette histoire-là d’AMAP. C’était très intéressant ça avait l’air d’intéresser la personne, ça marchait très bien, mais c’était évident en les écoutant que ni l’un ni l’autre ne savaient ce que c’était qu’une AMAP ! Ça pose un petit problème ! En même temps, ils sont à Paris, on ne peut pas leur en vouloir, ce n’est pas le meilleur endroit pour ça !

Qu’est-ce que c’est qu’une AMAP ? Il n’y a pas de mystère, vous retrouverez ces points-là sur Wikipédia par exemple, une association pour le maintien d’une agriculture paysanne. Essentiellement, ce qui va me sembler, pour moi, le point principal et la raison pour laquelle effectivement la comparaison entre les hébergeurs du projet CHATONS et les AMAP est très pertinente, c’est de dire qu’on va essayer de penser les choses autrement et de dire qu’on va être en relation directe entre les gens qui fournissent ou produisent la nourriture, qui fournissent le service, et les consommateurs et de dire qu’on va essayer de réfléchir à des modèles de financement qui vont respecter tout le monde. Encore une fois je ne rentre pas du tout dans les détails, mais c’est un point qui me semble extrêmement important à creuser.

Il y a autre chose qui est extrêmement important et qui est extrêmement intéressant dans le discours de Framasoft, c’est de dire que le modèle AMAP ne va pas convenir à tout le monde. Il y a des gens qui toujours, j’en fais partie d’ailleurs, qui toujours préféreront aller faire leurs courses au supermarché parce que c’est beaucoup pratique pour eux. De la même manière qu’il y a des gens qui vont continuer d’utiliser Gmail et compagnie parce que ça peut être dans leur cas beaucoup plus adapté qu’une AMAP.

Le point essentiel, à mon avis, c’est, effectivement, ça ne convient pas à tout le monde. Ce n’est pas possible de trouver un modèle qui va satisfaire tout le monde. Il faut accepter qu’il y ait une certaine diversité dans ce modèle-là et se dire on devrait être habitués à ça. Entre toutes nos distributions, tous nos environnements graphiques, tous les logiciels concurrents, les trolls noms sur ??? qu’on se traine depuis longtemps, on devrait être super habitués à la diversité.

Et donc pourquoi est-ce que ça nous gêne à ce point-là que dans cette diversité-là on rajoute quelques acteurs qui, effectivement, ne sont pas géniaux du tout, mais qui existent et qui peuvent être plus adaptés à certaines personnes ? Est-ce que ce serait parce que tous nos systèmes-là sont des systèmes libres, alors que Mac OS, Windows ça ne l’est pas du tout ? Eh bien moi je n’en suis pas convaincu parce que si on regarde dans le détail, voici donc les quatre systèmes qui sont réputés pour être les plus grand public : Windows, Mac OS, Ubuntu, Mageia, si on va voir dans le détail ce qu’il y a à l’intérieur, alors OK sur le cœur du système il y a des choses qui seront plus ou moins libres ; au niveau des pilotes matériel on va avoir des trucs fermés à peu près partout. C’est possible pour les gens qui sont bien calés techniquement de se débrouiller pour n’avoir aucun pilote privatif, pour n’avoir que des pilotes libres, je ne pense pas que ça soit à la portée de M. et Mme Toutlemonde. Par contre, si on regarde, même dans les systèmes fermés on a des tas de bouts de code libre qui sont dedans. La couche réseau dans Windows et dans Mac Os, elle vient de BSD à la base, et il y a beaucoup de code libre.

Tout ça c’est le cœur du système. À partir du moment où on arrive dans les logiciels à installer – j’ai mis la petite clef sur le schéma, c’est-à-dire qu’on a le contrôle du cadenas – on peut s’installer autre chose si on veut. Et c’est tout à fait possible à la fois sous Windows d’installer Firefox, à la fois sur Ubuntu d’installer Chrome. Donc, à partir de là, dans la partie sur laquelle l’utilisateur a le contrôle, il va pourvoir faire ce qu’il veut : s’il veut du Libre il va pouvoir mettre du Libre, s’il n’en veut pas il pourra mettre autre chose. Mais sur la partie cœur du système, dans tous les cas ça va être un mélange de code libre et de code privatif. Et donc on ne peut pas dire que c’est mieux parce que c’est libre. Finalement, on est en proportion mieux que les grands systèmes-là, mais dans tous les cas il y a du libre et du pas libre.

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Il y en a un dont je n’ai pas parlé c’est Android