Présentation du logiciel libre - Jean-Christophe Becquet

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Titre : Présentation du logiciel libre

Intervenant : Jean-Christophe Becquet

Lieu : OpenDay2021 - Université Lumière Lyon 2

Date : 3 février 2021

Durée : 44 min 7

Vidéo

Licence de la transcription : Verbatim

Illustration :

NB : transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.

Transcription

Bonjour à tous. Bonjour à toutes. Pour commencer je voudrais remercier et féliciter l’équipe d’étudiants qui est à l’initiative de l’organisation de cette matinée de conférences. Effectivement, je trouve que dans le contexte actuel, c’est une très bonne idée d’utiliser les outils de visio pour quand même pouvoir se retrouver autour d’un thème et, dans le cas présent, un thème qui me passionne qui est le logiciel libre. Donc bravo et merci pour l’organisation de cette conférence.

Peut-être, en regardant les annonces et le programme de la conférence, aviez-vous l’impression de venir voir une conférence d’informatique alors que ce n’est pas du tout le cas, en tout pour ma partie. En fait, je ne vais pas vous parler d’informatique. Je vais vous parler de liberté, je vais vous parler de partage et je vais vous parler de pollinisation.

Quelques mots pour me présenter rapidement. Je m’exprime ici avec deux casquettes. D’une part, je suis vice-président d’une association qui s’appelle l’April et, d’autre, part je suis directeur d’une entreprise qui s’appelle Apitux.
L’April est l’association francophone de promotion et de défense du logiciel libre. C’est une association qui existe depuis 1996, qui regroupe 4000 membres, à la fois des personnes physiques, des individus et des personnes morales – entreprises, associations, collectivités – autour d’un objectif commun à deux facettes :
la première facette c’est la promotion du logiciel libre. Ce qu’on est en train de faire ce matin par exemple, faire connaître le logiciel libre et ses enjeux ;
la deuxième facette c’est la défense du logiciel libre. Effectivement aujourd’hui, notamment d’un point de vue législatif, le logiciel libre est souvent menacé, donc l’April travaille au niveau institutionnel, au niveau politique pour assurer la défense du logiciel libre.
Ça c’est pour la casquette associative.
Pour la casquette professionnelle, dans le cadre d’Apitux, depuis 16 ans maintenant j’accompagne des associations, des entreprises, des collectivités dans leur prise en main des logiciels libres et des données ouvertes. Depuis quelques années je travaille beaucoup sur l’open data avec des collectivités, notamment sur une base de données cartographiques libre, mondiale, qui s’appelle OpenStreetMap, qui est un des projets majeurs du Libre. On dit parfois que OpenStreetMap est le Wikipédia de la cartographie.

Cette présentation étant faite, je vais rentrer dans le vif du sujet et je vais donc expliquer de manière un petit peu précise ce qu’est le logiciel libre et quels en sont les enjeux.

Un logiciel libre est un logiciel qui garantit à tout un chacun quatre libertés fondamentales. Ces quatre libertés c’est ce qui va constituer la définition du logiciel libre.
La première liberté du logiciel libre c’est la liberté d’utiliser le logiciel pour quelque usage que ce soit et sans restriction aucune. C’est-à-dire que pour qu’un logiciel soit un logiciel libre, il faut que sa licence vous autorise à l’utiliser absolument sans aucune restriction. Si vous avez un logiciel qui vous dit « vous pouvez l’utiliser gratuitement mais pendant une durée limitée et ensuite vous devrez payer pour continuer à l’utiliser » ; si vous avez un logiciel qui dit que vous ne pouvez pas l’utiliser à des fins commerciales ou que vous ne pouvez pas l’utiliser dans tel pays, ce n’est pas un logiciel libre, parce qu’une restriction à la liberté d’utilisation.
La deuxième liberté essentielle du logiciel libre, c’est la liberté de copier le logiciel, de le partager avec ses amis, de le télécharger sur Internet, de le proposer au téléchargement sur un site internet, de le copier sans restriction sur le nombre de copies, sur le type de support et sur la destination à laquelle est faite cette copie. Donc liberté de copier le logiciel sans restriction aucune.
Et puis, on pourrait croire que si vous n’êtes pas informaticien les deux autres libertés du logiciel libre ne vous concernent pas ou de loin. En fait, j’essaierai de vous convaincre tout à l’heure quand je détaillerai les enjeux du logiciel libre que même si vous n’êtes pas informaticien, cette liberté d’étudier le logiciel, d’aller voir à l’intérieur comment il fonctionne, vous concerne et le fait d’utiliser un logiciel libre dont vous allez pouvoir étudier le code source c’est-à-dire, en quelque sorte, la recette de fabrication, c’est un enjeu également très important.
La quatrième et dernière liberté du logiciel libre, c’est la liberté de modifier et de redistribuer le logiciel. Modifier le logiciel pour l’adapter à ses besoins ça peut être, par exemple, traduire en français un logiciel dont l’interface n’existe qu’en anglais ou adapter une interface d’un logiciel complexe dans une version simplifiée pour le rendre accessible à des novices ou à des enfants, ou encore corriger des problèmes dans le logiciel ou améliorer le logiciel en lui ajoutant des fonctionnalités, en le perfectionnant. Ça c’est la liberté de modifier le logiciel. La modification du logiciel se fait en agissant donc sur le code source, la fameuse recette de fabrication dont je parlais tout à l’heure. Une fois que vous avez modifié la recette, vous pouvez partager cette nouvelle recette, redistribuer la version modifiée du logiciel et cela en toute liberté.
Ce sont les quatre libertés fondamentales d’un logiciel libre. Un logiciel est libre si et seulement si il garantit à tout un chacun ces quatre libertés.
Ce qu’il est important de bien comprendre, c’est qu’on croit souvent qu’un logiciel libre serait un logiciel qui n’a pas de licence. En fait, ce n’est pas du tout ça. Les licences de logiciel libre ne s’opposent pas au droit d’auteur, mais elles s’appuient sur le droit d’auteur. Le droit d’auteur, rapidement, c’est un mécanisme juridique qui donne à celui qui produit une œuvre – ça peut être une photo, un texte, une musique, dans le cas qui nous intéresse c’est un logiciel, le code source d’un logiciel –, qui donne à celui qui a écrit le texte, composé la musique, pris la photo, développé le logiciel, un privilège exclusif sur son œuvre, c’est-à-dire le pouvoir, la possibilité de décider qui peut utiliser le logiciel, copier le logiciel, modifier le logiciel. Le principe des licences de logiciel libre c’est d’utiliser le droit d’auteur. Initialement, le droit d’auteur est plutôt prévu pour restreindre, en général on utilise le droit d’auteur pour dire « je suis l’auteur, vous n’avez pas le droit de copier, vous n’avez pas le droit de modifier ». Dans le cas du logiciel libre, on va utiliser le même mécanisme avec l’objectif inverse, c’est-à-dire qu’on va dire « je suis l’auteur et, parce que je suis l’auteur, c’est moi qui décide qui peut copier, qui peut modifier, s’il peut être étudié, et je décide d’utiliser ce droit pour l’accorder à tout un chacun et sans restriction ». Ça c’est très important parce que ça veut dire que le logiciel libre s’appuie sur un mécanisme juridique robuste et éprouvé qu’est le droit d’auteur et il détourne ce mécanisme du droit d’auteur qui, initialement, est prévu pour restreindre et il l’utilise, en fait, pour créer de la liberté. C’est pour ça que je dis que la licence c’est le gardien des libertés. Les libertés du logiciel libre sont inscrites dans une licence qui a valeur de loi, donc elles sont garanties, elles sont pérennes, elles sont claires et explicites.

Aux quatre libertés fondamentales du logiciel libre que j’ai énoncées précédemment s’ajoute parfois, dans certaines licences – c’est un choix de l’auteur, puisque c’est l’auteur qui, en vertu de son droit d’auteur va décider ce qu’il autorise et ce qu’il interdit – on rajoute parfois un cinquième critère dans les licences qui est ce qu’on appelle la notion de copyleft. La notion de copyleft est une clause qui se rajoute aux quatre libertés précédentes et qui consiste à dire « je vous autorise à modifier et à redistribuer le logiciel, par contre, si vous faites une version modifiée, ce que je demande c’est que vous partagiez à votre tour la version modifiée sous une licence libre ».
On appelle parfois le principe du copyleft l’hérédité de la licence ou la diffusion de la licence, c’est-à-dire qu’un logiciel libre sous licence copyleft pourra être modifié et redistribué, mais exclusivement en gardant la même licence. L’objectif étant que les logiciels libres existants enfantent de nouveaux logiciels libres à leur tour.
Donc dans les licences de logiciels libres, on va avoir, en fait, deux familles de licences : les licences avec copyleft, qui garantissent les quatre libertés et qui, en plus, exigent que les versions modifiées soient partagées sous la même licence, et puis les licences non-copyleft> qui garantissent les quatre libertés mais qui n’exigent pas l’hérédité de la licence, c’est-à-dire qu’avec un logiciel qui serait partagé sous une licence non-copyleft on peut faire une version modifiée et la partager sous une licence non libre.

Le logiciel libre est un concept relativement ancien puisqu’il date de 1984 et c’est Richard Stallman un chercheur, développeur informatique américain qui a inventé le concept de logiciel libre, qui a dirigé la rédaction de la première licence de logiciel libre, la licence GPL [GNU General Public License], qui est une licence copyleft. Richard Stallman est donc aussi l’inventeur du mécanisme du copyleft.
Richard Stallman se bat depuis 1984 pour le logiciel libre. J’aime bien cette citation de Richard qui explique pourquoi le logiciel libre est important. Richard dit : « Toutes les libertés dépendent de la liberté informatique. La liberté informatique n’est pas plus importante que les autres libertés fondamentales, mais au fur et à mesure que les pratiques de la vie basculent sur l’ordinateur, on en aura besoin pour maintenir les autres libertés. »
Ce que Richard Stallman veut dire à travers cette citation c’est qu’aujourd’hui l’informatique s’est répandue vraiment dans tous les aspects de nos vies, dans nos vies personnelles, dans nos vies professionnelles, dans nos vies familiales, dans nos vies associatives aussi, donc les enjeux qui sont ceux du logiciel libre et de l’informatique vont, en fait, se propager à tous les aspects de nos vies. Des libertés comme la liberté d’expression, la liberté d’information, le droit au respect de la vie privée, vont évidemment être impactées fortement par l’informatique, donc les enjeux du logiciel libre vont se propager sur ces libertés fondamentales.

13’ 37

Je vais maintenant passer