Différences entre les versions de « Open Science : la libre circulation des connaissances - La Voix Est Libre - Graf'Hit »

De April MediaWiki
Aller à la navigationAller à la recherche
(Page créée avec « Catégorie:Transcriptions '''Titre :''' Open Science : la libre circulation des connaissances '''Intervenant·e·s :''' Rémy - Quentin - Valérie Basseville '''Li... »)
 
Ligne 25 : Ligne 25 :
  
 
==Transcription==
 
==Transcription==
 +
 +
<b>Rémy : </b>Bienvenue sur Graf'hit 94.9, vous écoutez l’émission <em>La voix est libre</em>, une émission de l’association Picasoft. Je vous rappelle que Picasoft est une association de l’UTC [université de technologie de Compiègne], qui a pour but de sensibiliser et former les citoyens aux enjeux du numérique.<br/>
 +
Aujourd’hui je suis en compagnie de Quentin. Bonjour Quentin.
 +
 +
<b>Quentin : </b>Salut Rémy.
 +
 +
<b>Rémy : </b>Et on va parler de l’<em>open science</em>. Pour cela nous avons Valérie Basseville qui est responsable de la bibliothèque du centre de recherches du système d’information documentaire et des ressources électroniques de la BUTC. Bonjour Valérie.
 +
 +
<b>Valérie Basseville : </b>Bonjour.
 +
 +
<b>Rémy : </b>Je vais laisser Quentin vous poser quelques questions.
 +
 +
<b>Quentin : </b>Oui. Troisième et peut-être dernier volet de la série sur le droit d’auteur et des licences libres. On avait déjà parlé de licences libres, on avait parlé de culture libre. Maintenant il est temps de parler de science libre. Pour ça, on a beaucoup entendu parler de l’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, H, A, L, honnêtement je ne sais jamais trop comment le prononcer.
 +
 +
<b>Valérie Basseville : </b>HAL, c’est bien.
 +
 +
<b>Quentin : </b>C’est parfait. Elle est présentée comme une plateforme qui est destinée au dépôt et à la diffusion d’articles scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, et de thèses émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers des laboratoires publics ou privés. Si j’ai bien compris, HAL sert à déposer ses productions scientifiques. Est-ce que c’est le résultat de recherche, est-ce que ce sont des travaux en cours. Qu’est-ce que ça peut être exactement ?
 +
 +
<b>Valérie Basseville : </b>En fait on peut tout, à peu près tout déposer sur HAL, donc des articles, des livres, des chapitres de livres, des thèses, etc. Les seules choses qui ne sont pas autorisées, en fait, ce sont les tables des matières seules, les bibliographies seules, etc. Pour le reste vous avez le champ libre.
 +
 +
<b>Quentin : </b>OK. Donc si on respecte ces conditions, est-ce que n’importe qui peut déposer sur HAL ? Est-ce qu’il faut être chercheur ? Est-ce qu’en tant qu’étudiant on peut déposer par exemple, je ne sais pas, un mémoire de recherche de master ou ce genre de chose ? Qui peut déposer ?
 +
 +
<b>Valérie Basseville : </b>Les mémoires ne sont pas autorisés, mais tous les membres de la communauté scientifique peuvent déposer sur HAL, il n’y a pas de souci, uniquement des documents scientifiques de niveau recherche publiés ou non. Par contre, le contenu des textes n’est pas vraiment évalué scientifiquement à proprement parler, mais il y a quand même une étape de ??? en fait des textes qui ne correspondent pas au standard des différentes communautés disciplinaires.
 +
 +
<b>Quentin : </b>D’accord. Qu’est-ce qu’on peut trouver sur HAL, est-ce que ça va être concentré autour des sciences dites dures, des maths, de la physique ou est-ce qu’il y a aussi des sciences naturelles, des sciences humaines ?
 +
 +
<b>Valérie Basseville : </b>En fait, ça concerne toutes les disciplines, donc autant des maths que des sciences naturelles que des sciences dures, etc. La différence c’est que CCSD [Centre pour la Communication Scientifique Directe] propose des entrées spécifiques de HAL. Par exemple, vous avez peut-être déjà vu TEL pour les thèses en ligne, il y a un HALSHS aussi, dédié aux sciences humaines et sociales et puis il y a MEDiHAL pour les photographies et les images scientifiques.
 +
 +
<b>Quentin : </b>Vous avez parlé du CCSD, est-ce que vous pouvez nous en dire deux mots ?
 +
 +
<b>Valérie Basseville : </b>Les CCSD c’est le Centre pour la Communication Scientifique Directe qui dépend du CNRS et qui a été à l’origine du développement de la plateforme HAL en 2001.
 +
 +
<b>Quentin : </b>D’accord, super. C’est une plateforme gratuite où tous les articles de niveau recherche peuvent être déposés. Est-ce que tous les résultats de recherche français sont archivés sur HAL ? Je connais la réponse du coup !
 +
 +
<b>Valérie Basseville : </b>Eh non malheureusement non, pas encore !
 +
 +
<b>Quentin : </b>Pourquoi est-ce que certains articles n’y sont pas, du moins pas encore ?
 +
 +
<b>Valérie Basseville : </b>HAL, en fait, c’est une démarche volontaire de la part de la personne qui publie. La loi autorise le dépôt, mais elle ne le rend pas encore obligatoire, sauf pour tout ce qui est appel à projet européen. Je ne vais peut-être pas rentrer dans les détails mais pour les appels à projet il y a une obligation de dépôt en libre accès pour les publications qui sont financées.
 +
 +
<b>Quentin : </b>D’accord. On en reparlera.
 +
 +
<b>Valérie Basseville : </b>On en reparlera parce que c’est un peu plus complexe et le dépôt peut aussi dépendre de la politique d’incitation des institutions ou non. Certaines universités « obligent », entre guillemets, le dépôt des publications dans HAL.
 +
 +
<b>Quentin : </b>D’accord. OK. Merci beaucoup. Est-ce que vous pensez que c’est intéressant pour les citoyens qui ne sont pas chercheurs d’aller jeter un œil ? Est-ce que c’est aussi un des intérêts de la plateforme de permettre aux citoyens et aux citoyennes de se renseigner ? Est-ce que ce sont des choses qui peuvent être accessibles aussi au grand public ?
 +
 +
<b>Valérie Basseville : </b>HAL a été conçue au départ pour échanger entre chercheurs, mais la consultation d’archives peut intéresser toutes les personnes qui s’intéressent et qui ont une curiosité pour tout ce qui est actualité scientifique, donc je le conseille vivement.
 +
 +
<b>Quentin : </b>OK. Merci beaucoup pour cette introduction sur HAL, puisque, pendant tout le reste de l’émission on va aussi parler de ce qui a peut-être encouragé les plateformes comme HAL à se développer.<br/>
 +
Je ne sais pas si vous avez le temps de rester avec nous pour l’émission qui devrait durer une quarantaine de minutes, c’est comme vous le souhaitez.
 +
 +
<b>Valérie Basseville : </b>Je vais rester avec vous un petit peu.
 +
 +
<b>Quentin : </b>C’est formidable, n’hésitez pas à intervenir quand vous le voulez.<br/>
 +
On va commencer par un petit rappel sur les deux autres émissions puisque, comme on parle de science libre, du coup il faut définir un petit peu ce que dire libre et accès ouvert. Rémy, qu’est-ce que c’est le droit d’auteur en deux mots et comment est-ce qu’on peut le détourner en quelque sorte ?
 +
 +
<b>Rémy : </b>C’est une chose qu’on a vue pendant les émissions précédentes. Le droit d’auteur c’est ce qui protège les œuvres dès leur création. C’est-à-dire que ça verrouille leur utilisation et leur diffusion sans l’accord préalable de l‘auteur. En France ils se divisent en deux branches. On a les droits patrimoniaux qui ont une durée limitée, en France c’est en général 70 ans après le décès de l’auteur sachant qu’il y a des exceptions. Pendant cette durée-là seul l’auteur et ses ayants droit, naturellement, peut redistribuer l’œuvre ou, du coup, vendre ses droits patrimoniaux afin de la redistribuer. Après cette période-là l’œuvre tombe dans ce qu’on appelle le domaine public c’est-à-dire que n’importe qui peut la redistribuer.<br/>
 +
Il existe aussi une deuxième branche du droit d’auteur, ce sont les droits moraux, ce sont les droits qui sont incessibles et éternels qui incluent le droit à la paternité, c’est-à-dire que quand on cite une œuvre, quand on publie un œuvre, on doit citer sa paternité, on doit citer l’auteur, même quand elle est tombée dans le domaine public et elle donne aussi aux ayants droit le pouvoir de refuser qu’une œuvre soit utilisée d’une certaine façon.<br/>
 +
Tout ça c’est pratique quand on est auteur mais ça pose quelques problèmes, notamment pour l’exploitation d’œuvres : on avait vu l‘exemple du <em>Petit Prince</em> la dernière fois, eh bien oui c’est dommage de ne pas pouvoir lire <em>Le Petit Prince</em> à la radio aujourd’hui alors que l’auteur est mort il y a plus de 70 ans.<br/>
 +
Du coup, il y a des licences libres qui permettent entre guillemets de « hacker » le droit d’auteur, particulièrement les droits patrimoniaux. C’est-à-dire que quand on dépose une œuvre sous licence libre, l’auteur dit qu’il ne faut pas lui demander l’autorisation pour l’utiliser, contrairement au droit normal où il faut demander à chaque fois à l’auteur la permission, avec les licences libres, l’auteur donne l’autorisation au préalable. Du coup, ces licences libres sont, en fait, des catalyseurs de communs qui facilitent la libre circulation de la connaissance et facilitent l’émergence de l’intelligence collective. On peut citer par exemple Wikipédia ou OpenStreetMap qui permettent, grâce à ces licences libres, d’être collaborativement créées, cocréées et de pouvoir être traduites, modifiées, etc.<br/>
 +
Du coup, tout ça enrichit aussi la culture, ça permet la création de fanfictions, ???, des choses comme ça et ça n’empêche pas une exploitation commerciale. On peut donner l’exemple de <em>Pepper&Carrot</em> qui est une BD de David Revoy qui diffuse totalement sous licence libre, même les sources de ses dessins, donc n’importe qui peut tout reprendre, redistribuer, etc., et ça n’empêche absolument de les vendre au contraire, il y a même des éditeurs qui lui ont demandé de vendre ses livres et lui reverser de l’argent.<br/>
 +
Du coup, on a déjà pas mal parlé de licences libres, pourquoi est-ce qu’on fait une émission sur les publications scientifiques, Quentin ?
 +
 +
<b>Quentin : </b>Effectivement, là on n’a fait que redire ce qu’on avait déjà dit sur les licences libres. Les publications scientifiques ça paraît être un sujet qui est très spécifique. On avait déjà, comme tu l’as rappelé Rémy, parlé de toutes les productions artistiques, donc livres et musique et de l’intelligence collective, mais pour autant les publications scientifiques suscitent beaucoup de débats ces dernières années y compris dans le débat public et c’est un sujet d’actualité dont même le gouvernement s’est emparé. On a vu arriver le plan pour la science ouverte qui a été présenté en 2018 et qui a pour objectif que 100 % des publications scientifiques françaises soit en accès ouvert. Le CNRS, en réponse, s’est donné jusqu’à fin 2020 pour atteindre cet objectif. Valérie, on avait dit qu’on en retoucherait un mot. Est-ce que vous avez un petit plus d’infos là-dessus ? Qu’est-ce que vous en pensez ? Est-ce que c’est faisable ?
 +
 +
<b>Valérie Basseville : </b>Faisable ? Je ne sais pas, malheureusement je n’ai pas la réponse à cette question, j’aimerais bien. Effectivement le CNRS s’est donné cette voie pour la fin d’année 2020 et c’est pour toutes les publications CNRS, donc reste le problème de toutes les autres.
 +
 +
<b>Rémy : </b>Effectivement. Du coup, pourquoi ces publications ne sont pas déjà en libre accès ? Le CNRS et les autres universités c’est de la recherche publique. Pourquoi est-ce que les résultats ne sont pas publics ?
 +
 +
<b>Quentin : </b>Effectivement, on parle bien de recherche publique qui est financée massivement par les citoyens, les citoyennes et par l’impôt. On va écouter un extrait qui donne quelques éléments de réponse. C’est un extrait de l’épisode 63 de la série <em>Dataguele</em> qui s’appelle « Privés de savoir ? »
 +
 +
<b>Voix off, épisode 63 de la série <em>Dataguele</em> : </b>Demandez à des chercheurs de vous envoyer leurs travaux. Faites les relire par d’autres chercheurs si possible sans les payer. Ne gardez que les articles les mieux notés, faites-en des journaux et vendez-les. À qui ? Aux universités où travaillent les chercheurs qui vous ont envoyé gratuitement leurs travaux ? Un business modèle de génie !
 +
 +
<b>Quentin : </b>Détaillons un peu les origines et les fonctionnements de ce système de publication dont on a eu un petit aperçu très condensé. Tout d’abord, bien avant Internet, on avait les revues papier. C’était, en quelque sorte, un des seuls moyens de diffusion de la connaissance scientifique en dehors des moyens informels puisqu’on n’avait pas moyen de les diffuser à grande échelle autrement que par le papier. Les éditeurs avaient un rôle important dans la production de ces revues : d’abord celui de mettre en page les revues, d’organiser, de publier des exemplaires, de les envoyer, donc c’était une logistique très importante. Le nombre d’abonnés à ces revues était relativement faible, on parle de quelques centaines d’abonnés par revue, et concernait essentiellement les universités d’un côté, les industriels de l’autre pour se tenir au courant des avancées scientifiques. Et c’est un système qui, s’il fonctionnait certes avec des défauts à l’époque, s’est progressivement perverti avec l’arrivée d’Internet parce que les revues y ont vu deux opportunités : la première c’est celle de réduire les coûts d’édition parce que sur Internet on n’a ni impression, ni expédition et celle de touche beaucoup plus de personnes parce qu’effectivement, sur Internet, on peut toucher des milliers de personnes, c’est le cas avec les revues aujourd’hui.<br/>
 +
Ces deux points combinés, toucher plus de personnes et réduire les coûts d’édition, c’est aussi l’opportunité d’engranger beaucoup plus de revenus. C’est cette logique mercantile qui a conduit à une sorte d’aberration dont beaucoup de chercheurs sont victimes aujourd’hui.<br/>
 +
Du coup, puisque que maintenant on a Internet, on pourrait se dire pourquoi est-ce qu’on continue à utiliser ces revues si on dit, finalement, que les éditeurs ont un rôle assez marginal et sont essentiellement des personnes qui essaient de faire un maximum de pognon. Pourquoi il y a ces revues, Rémy ?
 +
 +
==11’ 48==
 +
 +
<b>Rémy : </b>Je vais rentrer un peu plus dans le détail de comment fonctionne ce système aujourd’hui.<br/>

Version du 18 février 2020 à 14:14


Titre : Open Science : la libre circulation des connaissances

Intervenant·e·s : Rémy - Quentin - Valérie Basseville

Lieu : Émission La Voix Est Libre - Graf'Hit - UTC Compiègne

Date : décembre 2019

Durée : 38 min 15

Écouter ou enregistrer le podcast

Présentation de l'émission

Licence de la transcription : Verbatim

Illustration :

NB : transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.

Transcrit : MO

Transcription

Rémy : Bienvenue sur Graf'hit 94.9, vous écoutez l’émission La voix est libre, une émission de l’association Picasoft. Je vous rappelle que Picasoft est une association de l’UTC [université de technologie de Compiègne], qui a pour but de sensibiliser et former les citoyens aux enjeux du numérique.
Aujourd’hui je suis en compagnie de Quentin. Bonjour Quentin.

Quentin : Salut Rémy.

Rémy : Et on va parler de l’open science. Pour cela nous avons Valérie Basseville qui est responsable de la bibliothèque du centre de recherches du système d’information documentaire et des ressources électroniques de la BUTC. Bonjour Valérie.

Valérie Basseville : Bonjour.

Rémy : Je vais laisser Quentin vous poser quelques questions.

Quentin : Oui. Troisième et peut-être dernier volet de la série sur le droit d’auteur et des licences libres. On avait déjà parlé de licences libres, on avait parlé de culture libre. Maintenant il est temps de parler de science libre. Pour ça, on a beaucoup entendu parler de l’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, H, A, L, honnêtement je ne sais jamais trop comment le prononcer.

Valérie Basseville : HAL, c’est bien.

Quentin : C’est parfait. Elle est présentée comme une plateforme qui est destinée au dépôt et à la diffusion d’articles scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, et de thèses émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers des laboratoires publics ou privés. Si j’ai bien compris, HAL sert à déposer ses productions scientifiques. Est-ce que c’est le résultat de recherche, est-ce que ce sont des travaux en cours. Qu’est-ce que ça peut être exactement ?

Valérie Basseville : En fait on peut tout, à peu près tout déposer sur HAL, donc des articles, des livres, des chapitres de livres, des thèses, etc. Les seules choses qui ne sont pas autorisées, en fait, ce sont les tables des matières seules, les bibliographies seules, etc. Pour le reste vous avez le champ libre.

Quentin : OK. Donc si on respecte ces conditions, est-ce que n’importe qui peut déposer sur HAL ? Est-ce qu’il faut être chercheur ? Est-ce qu’en tant qu’étudiant on peut déposer par exemple, je ne sais pas, un mémoire de recherche de master ou ce genre de chose ? Qui peut déposer ?

Valérie Basseville : Les mémoires ne sont pas autorisés, mais tous les membres de la communauté scientifique peuvent déposer sur HAL, il n’y a pas de souci, uniquement des documents scientifiques de niveau recherche publiés ou non. Par contre, le contenu des textes n’est pas vraiment évalué scientifiquement à proprement parler, mais il y a quand même une étape de ??? en fait des textes qui ne correspondent pas au standard des différentes communautés disciplinaires.

Quentin : D’accord. Qu’est-ce qu’on peut trouver sur HAL, est-ce que ça va être concentré autour des sciences dites dures, des maths, de la physique ou est-ce qu’il y a aussi des sciences naturelles, des sciences humaines ?

Valérie Basseville : En fait, ça concerne toutes les disciplines, donc autant des maths que des sciences naturelles que des sciences dures, etc. La différence c’est que CCSD [Centre pour la Communication Scientifique Directe] propose des entrées spécifiques de HAL. Par exemple, vous avez peut-être déjà vu TEL pour les thèses en ligne, il y a un HALSHS aussi, dédié aux sciences humaines et sociales et puis il y a MEDiHAL pour les photographies et les images scientifiques.

Quentin : Vous avez parlé du CCSD, est-ce que vous pouvez nous en dire deux mots ?

Valérie Basseville : Les CCSD c’est le Centre pour la Communication Scientifique Directe qui dépend du CNRS et qui a été à l’origine du développement de la plateforme HAL en 2001.

Quentin : D’accord, super. C’est une plateforme gratuite où tous les articles de niveau recherche peuvent être déposés. Est-ce que tous les résultats de recherche français sont archivés sur HAL ? Je connais la réponse du coup !

Valérie Basseville : Eh non malheureusement non, pas encore !

Quentin : Pourquoi est-ce que certains articles n’y sont pas, du moins pas encore ?

Valérie Basseville : HAL, en fait, c’est une démarche volontaire de la part de la personne qui publie. La loi autorise le dépôt, mais elle ne le rend pas encore obligatoire, sauf pour tout ce qui est appel à projet européen. Je ne vais peut-être pas rentrer dans les détails mais pour les appels à projet il y a une obligation de dépôt en libre accès pour les publications qui sont financées.

Quentin : D’accord. On en reparlera.

Valérie Basseville : On en reparlera parce que c’est un peu plus complexe et le dépôt peut aussi dépendre de la politique d’incitation des institutions ou non. Certaines universités « obligent », entre guillemets, le dépôt des publications dans HAL.

Quentin : D’accord. OK. Merci beaucoup. Est-ce que vous pensez que c’est intéressant pour les citoyens qui ne sont pas chercheurs d’aller jeter un œil ? Est-ce que c’est aussi un des intérêts de la plateforme de permettre aux citoyens et aux citoyennes de se renseigner ? Est-ce que ce sont des choses qui peuvent être accessibles aussi au grand public ?

Valérie Basseville : HAL a été conçue au départ pour échanger entre chercheurs, mais la consultation d’archives peut intéresser toutes les personnes qui s’intéressent et qui ont une curiosité pour tout ce qui est actualité scientifique, donc je le conseille vivement.

Quentin : OK. Merci beaucoup pour cette introduction sur HAL, puisque, pendant tout le reste de l’émission on va aussi parler de ce qui a peut-être encouragé les plateformes comme HAL à se développer.
Je ne sais pas si vous avez le temps de rester avec nous pour l’émission qui devrait durer une quarantaine de minutes, c’est comme vous le souhaitez.

Valérie Basseville : Je vais rester avec vous un petit peu.

Quentin : C’est formidable, n’hésitez pas à intervenir quand vous le voulez.
On va commencer par un petit rappel sur les deux autres émissions puisque, comme on parle de science libre, du coup il faut définir un petit peu ce que dire libre et accès ouvert. Rémy, qu’est-ce que c’est le droit d’auteur en deux mots et comment est-ce qu’on peut le détourner en quelque sorte ?

Rémy : C’est une chose qu’on a vue pendant les émissions précédentes. Le droit d’auteur c’est ce qui protège les œuvres dès leur création. C’est-à-dire que ça verrouille leur utilisation et leur diffusion sans l’accord préalable de l‘auteur. En France ils se divisent en deux branches. On a les droits patrimoniaux qui ont une durée limitée, en France c’est en général 70 ans après le décès de l’auteur sachant qu’il y a des exceptions. Pendant cette durée-là seul l’auteur et ses ayants droit, naturellement, peut redistribuer l’œuvre ou, du coup, vendre ses droits patrimoniaux afin de la redistribuer. Après cette période-là l’œuvre tombe dans ce qu’on appelle le domaine public c’est-à-dire que n’importe qui peut la redistribuer.
Il existe aussi une deuxième branche du droit d’auteur, ce sont les droits moraux, ce sont les droits qui sont incessibles et éternels qui incluent le droit à la paternité, c’est-à-dire que quand on cite une œuvre, quand on publie un œuvre, on doit citer sa paternité, on doit citer l’auteur, même quand elle est tombée dans le domaine public et elle donne aussi aux ayants droit le pouvoir de refuser qu’une œuvre soit utilisée d’une certaine façon.
Tout ça c’est pratique quand on est auteur mais ça pose quelques problèmes, notamment pour l’exploitation d’œuvres : on avait vu l‘exemple du Petit Prince la dernière fois, eh bien oui c’est dommage de ne pas pouvoir lire Le Petit Prince à la radio aujourd’hui alors que l’auteur est mort il y a plus de 70 ans.
Du coup, il y a des licences libres qui permettent entre guillemets de « hacker » le droit d’auteur, particulièrement les droits patrimoniaux. C’est-à-dire que quand on dépose une œuvre sous licence libre, l’auteur dit qu’il ne faut pas lui demander l’autorisation pour l’utiliser, contrairement au droit normal où il faut demander à chaque fois à l’auteur la permission, avec les licences libres, l’auteur donne l’autorisation au préalable. Du coup, ces licences libres sont, en fait, des catalyseurs de communs qui facilitent la libre circulation de la connaissance et facilitent l’émergence de l’intelligence collective. On peut citer par exemple Wikipédia ou OpenStreetMap qui permettent, grâce à ces licences libres, d’être collaborativement créées, cocréées et de pouvoir être traduites, modifiées, etc.
Du coup, tout ça enrichit aussi la culture, ça permet la création de fanfictions, ???, des choses comme ça et ça n’empêche pas une exploitation commerciale. On peut donner l’exemple de Pepper&Carrot qui est une BD de David Revoy qui diffuse totalement sous licence libre, même les sources de ses dessins, donc n’importe qui peut tout reprendre, redistribuer, etc., et ça n’empêche absolument de les vendre au contraire, il y a même des éditeurs qui lui ont demandé de vendre ses livres et lui reverser de l’argent.
Du coup, on a déjà pas mal parlé de licences libres, pourquoi est-ce qu’on fait une émission sur les publications scientifiques, Quentin ?

Quentin : Effectivement, là on n’a fait que redire ce qu’on avait déjà dit sur les licences libres. Les publications scientifiques ça paraît être un sujet qui est très spécifique. On avait déjà, comme tu l’as rappelé Rémy, parlé de toutes les productions artistiques, donc livres et musique et de l’intelligence collective, mais pour autant les publications scientifiques suscitent beaucoup de débats ces dernières années y compris dans le débat public et c’est un sujet d’actualité dont même le gouvernement s’est emparé. On a vu arriver le plan pour la science ouverte qui a été présenté en 2018 et qui a pour objectif que 100 % des publications scientifiques françaises soit en accès ouvert. Le CNRS, en réponse, s’est donné jusqu’à fin 2020 pour atteindre cet objectif. Valérie, on avait dit qu’on en retoucherait un mot. Est-ce que vous avez un petit plus d’infos là-dessus ? Qu’est-ce que vous en pensez ? Est-ce que c’est faisable ?

Valérie Basseville : Faisable ? Je ne sais pas, malheureusement je n’ai pas la réponse à cette question, j’aimerais bien. Effectivement le CNRS s’est donné cette voie pour la fin d’année 2020 et c’est pour toutes les publications CNRS, donc reste le problème de toutes les autres.

Rémy : Effectivement. Du coup, pourquoi ces publications ne sont pas déjà en libre accès ? Le CNRS et les autres universités c’est de la recherche publique. Pourquoi est-ce que les résultats ne sont pas publics ?

Quentin : Effectivement, on parle bien de recherche publique qui est financée massivement par les citoyens, les citoyennes et par l’impôt. On va écouter un extrait qui donne quelques éléments de réponse. C’est un extrait de l’épisode 63 de la série Dataguele qui s’appelle « Privés de savoir ? »

Voix off, épisode 63 de la série Dataguele : Demandez à des chercheurs de vous envoyer leurs travaux. Faites les relire par d’autres chercheurs si possible sans les payer. Ne gardez que les articles les mieux notés, faites-en des journaux et vendez-les. À qui ? Aux universités où travaillent les chercheurs qui vous ont envoyé gratuitement leurs travaux ? Un business modèle de génie !

Quentin : Détaillons un peu les origines et les fonctionnements de ce système de publication dont on a eu un petit aperçu très condensé. Tout d’abord, bien avant Internet, on avait les revues papier. C’était, en quelque sorte, un des seuls moyens de diffusion de la connaissance scientifique en dehors des moyens informels puisqu’on n’avait pas moyen de les diffuser à grande échelle autrement que par le papier. Les éditeurs avaient un rôle important dans la production de ces revues : d’abord celui de mettre en page les revues, d’organiser, de publier des exemplaires, de les envoyer, donc c’était une logistique très importante. Le nombre d’abonnés à ces revues était relativement faible, on parle de quelques centaines d’abonnés par revue, et concernait essentiellement les universités d’un côté, les industriels de l’autre pour se tenir au courant des avancées scientifiques. Et c’est un système qui, s’il fonctionnait certes avec des défauts à l’époque, s’est progressivement perverti avec l’arrivée d’Internet parce que les revues y ont vu deux opportunités : la première c’est celle de réduire les coûts d’édition parce que sur Internet on n’a ni impression, ni expédition et celle de touche beaucoup plus de personnes parce qu’effectivement, sur Internet, on peut toucher des milliers de personnes, c’est le cas avec les revues aujourd’hui.
Ces deux points combinés, toucher plus de personnes et réduire les coûts d’édition, c’est aussi l’opportunité d’engranger beaucoup plus de revenus. C’est cette logique mercantile qui a conduit à une sorte d’aberration dont beaucoup de chercheurs sont victimes aujourd’hui.
Du coup, puisque que maintenant on a Internet, on pourrait se dire pourquoi est-ce qu’on continue à utiliser ces revues si on dit, finalement, que les éditeurs ont un rôle assez marginal et sont essentiellement des personnes qui essaient de faire un maximum de pognon. Pourquoi il y a ces revues, Rémy ?

11’ 48

Rémy : Je vais rentrer un peu plus dans le détail de comment fonctionne ce système aujourd’hui.