OpenData situation perspectives Conf Tangui Morlier

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  • Titre : OpenData, situation et perspectives en France et Révision de la directive EU PSI
  • Intervenants : Tangui Morlier
  • Lieu : Bruxelles, RMLL
  • Date : Juillet 2013
  • Durée : 49 min 15
  • Lien vers la vidéo  : ici

    00' transcrit Marie-Odile

    Bonjour à tous. Je suis Tangui Morlier. Je fais partie d'une association française qui s'appelle Regards Citoyens. On est spécialisé dans l'utilisation de données publiques pour expliquer comment fonctionnent les institutions démocratiques. Je vais vous expliquer un petit peu ce qu'on fait rapidement et il se trouve que, utilisant beaucoup de données publiques, on s'est assez rapidement intéressé à ce qu’était l'Open data et on a participé à essayer d'influencer nos décideurs publics, soit en France et un petit peu au niveau européen, pour qu'ils prennent en considération cette spécificité.

    En fait Regards Citoyens est né d'une envie de créer un site qui s'est appelé plus tard nosdéputés.fr. Nosdéputés.fr est un site qui permet aux Français de savoir en quelques clics ce que font leurs parlementaires à l'Assemblée Nationale. On s'est retrouvé, un certain nombre de citoyens, à s'investir dans des débats français dont vous avez peut-être entendu parler comme la DADVSI en 2005 ou l'HADOPI en 2009 et en plus d’essayer de solliciter nos élus pour leur faire part de notre point de vue autour du logiciel libre, on est allé voir physiquement ce que faisaient les parlementaires. Et on s'est aperçu que les parlementaires avaient un travail un peu différent de ce que nous en laissait voir la télévision française, les fameuses questions au gouvernement à quinze heures où on nous présente le Parlement comme étant une grande cour de récréation. En fait on s'est aperçu que les parlementaires bossaient aussi beaucoup, avaient beaucoup de réunions, et notamment travaillaient assez tard le soir puisqu'on restait avec eux jusque vers une heure et demi ou deux heures du matin à discuter des sujets, en l’occurrence sur le numérique.

    Et on s'est dit que c’était un petit peu dommage, que le site de l’Assemblée Nationale Française était très bien fait, mais il l’était pour un usage juridique. C’est-à-dire qu'en fait la parole des parlementaires permet d'éclairer le droit. Donc du coup il a été conçu pour permettre à des juristes de consulter ces documents qui ont une valeur légale et donc de mieux comprendre comment la loi était faite.

    Et quasiment les premiers intéressés de l'activité parlementaire, c'est-à-dire les citoyens, étaient un petit peu exclus de l'usage de ces sites-là. Donc on s'est dit qu'avec nos compétences informatiques on allait passer un petit bout d'été pour intégrer toutes les données qui existaient sur le site de l’Assemblée Nationale Française et essayer de les présenter sous une forme qui soit peut-être plus dans l'attente de ce que pouvaient avoir les citoyens.

    Premier élément qui peut paraître un peu basique, mais qui est son député ? Sur le site de l'Assemblée Nationale Française, ce n'est pas possible de savoir facilement qui est son député alors que chez nous vous remplissez cette petite case là, vous mettez votre code postal et ça vous dit qui est votre parlementaire. Et après on a une page qui permet de savoir en deux minutes ce qu'a fait le parlementaire dans les douze derniers mois. On agrège un certain nombre d'informations qui permettent de tracer une courbe de présence et donc de savoir si le parlementaire a été physiquement présent à l'Assemblée Nationale, et lorsqu'il a été présent, est-ce qu'il a participé aux débats. On a ainsi une série d'indicateurs qui permettent de savoir s'il a posé des questions écrites, s'il s'est investi en commission, etc. Et enfin on a indicateur qui est un peu plus qualitatif qui permet de faire ressortir l'expertise du parlementaire, en ayant accès à l'ensemble des prises de parole des parlementaires, on peut comme ça agréger les mots pour pouvoir faire ressortir une expertise particulière.

    Dans cette expérience, nous on était juste motivés parce qu'on est des geeks et on est férus de logiciel libre et on voulait appliquer nos connaissances à un nouvel objet qui était le Parlement. On s'est aperçu, en fait, que sur deux mois et demi de travail, deux mois ont été consacrés à l'extraction de données, de documents parlementaires et à la mise en forme pour un format de type base de données. En fait l'interface, c'est-à-dire ce que consultent réellement les gens, ça ne nous a pris en gros que quinze jours, que deux semaines.


    Public : Ça vous a pris deux mois de travail pour combien de personnes ?


    T. M. : On était deux développeurs et demi, parce qu'il y a quelqu’un qui n'avait pas pu prendre autant de vacances que nous et puis un intégrateur, un designer intégrateur qui a travaillé un petit peu à la fin sur les interfaces.

    En gros on a commencé à prendre conscience que l'envie qu'on avait de proposer une innovation sociale autour de l'utilisation des données publiques était un peu freinée parce que les institutions qui possédaient les informations sous la forme de bases de données n'avaient pas forcément le réflexe de les mettre à disposition sous ce format-là à des citoyens. Elles préféraient les mettre en forme soit dans des pages HTML soit dans des PDF puisqu'on exploite aussi des PDF qui sont publiés au Journal Officiel. Au bout de deux mois et demi de travail, deux mois d'extractions de données et quinze jours d'interface et bien on a pu sortir le site nosdéputés.fr. A partir de là on a commencé à se dire il y a quand même un enjeu important, et en plus on n'est pas les seuls citoyens, si on regarde simplement dans le petit monde du libre, Wikipedia, vous connaissez sans doute toutes ces box qui sont sur la droite des pages de Wikipedia, à l'intérieur il y a de l'information publique. Les codes postaux qui sont ici ou le nombre de personnes qui habitent dans chacune des villes de Belgique ou chacune des villes de France ont été intégrés, insérés de manière automatique, dans Wikipedia. Donc il y a une exploitation comme ça des données publiques qui est faite par la société civile et qui permet de valoriser un territoire, par exemple là dans Wikipedia. Open Street Map est un autre très bon exemple qui exploite des informations publiques, comme en France les informations du cadastre, pour pouvoir créer un outil de cartographie citoyen.

    Puis après il y a d'autres projets candidats.fr ou son frère jumeau candidats.be. On utilise des données publiques liées aux candidats aux élections pour essayer de créer une plate-forme de sollicitation des candidats aux élections. Ça a été fait à l'initiative de l'April en France et une association belge s'est chargée de le faire ici en Belgique. Mémoire politique est un projet de la Quadrature du Net qui vise à agréger toutes les prises de position des différents élus pour pouvoir expliquer aux gens qui sont proches de la Quadrature du Net quels sont les élus qui sont plus à même d'écouter leurs points de vue.

    Donc il existe des ré-utilisateurs de données publiques bien avant le buzzword autour de l'Open Data.

    Il se trouve que c'est un enjeu pour les décideurs publics. Il se trouve que la transparence des décisions publiques est un marqueur fort de la démocratie. Depuis des centaines, peut-être pas des centaines d'années puisque les démocraties n'existent malheureusement pas depuis autant d'années, mais depuis des dizaines d'années on a des imprimeries nationales qui sont chargées de publier le Journal Officiel. Dans le monde du papier, c'est quelque chose qui est un effort assez intense de transparence de la vie publique.

    L'Open Data démontre aussi une attitude bienveillante envers les citoyens. Plutôt que de se dire que le citoyen est un ennemi potentiel qui pourrait s’accaparer de la donnée publique, en les mettant à disposition avec des règles juridiques qui permettent de limiter les abus et bien on peut changer ce paradigme-là et faire en sorte d'avoir une attitude bienveillante envers le citoyen. Et enfin le fait que ces informations soient mises à disposition de manière publique permet potentiellement des émergences positives d'initiatives citoyennes ou d'entreprises qui peuvent permettre de mettre à disposition, de créer des services autour de ces données publiques.

    8'21

    Ce que je vous propose dans cette conférence c'est d'essayer de voir quelles sont les étapes importantes de l'émergence de l'Open Data. Il se trouve que l'Open Data n'est pas née en 2009, grosso modo lorsque ce terme-là a réellement émergé, mais est née d'une pratique administrative qui met en place tout un système de transparence de la décision publique et une rencontre du monde de l'internet et peut-être plus encore du monde du logiciel libre pour se dire qu'il y avait un enjeu autour de la réutilisation des données publiques.

    Dans un très grand nombre de démocraties il y a un droit d’accès aux documents publics. Il se trouve que ça fait partie des fondamentaux démocratiques, notamment à travers la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen qui reconnaît aux citoyens le droit d'avoir accès à l'usage des comptes publics et aux détails de la prise de décisions publiques.

    En France, vu que c'est un peu ce que je connais le mieux, on a une loi qui s'appelle la loi CADA, qui est la loi de commission d'accès aux documents administratifs, qui permet à chaque citoyen de demander accès à un document, s'il le connaît, au sein de l'administration. C'est une loi qui est relativement faible par rapport à d'autres démocraties comme notamment les démocraties américaines du Canada ou des États-Unis où il y a un vrai Freedom of Information Act, c'est-à-dire un droit d'accès à l'information publique et non pas simplement aux documents.

    Le problème de loi française c'est que si on ne connaît pas le document précisément, on n'y aura pas accès.

    Après ce sont des textes qui sont axés communication. C'est-à-dire qu'il faut que le citoyen fasse une démarche active pour avoir le droit d'accéder à l'information alors qu'on pourrait imaginer et la démarche Open Data est plutôt axée sur une démarche de publication volontaire de la part des administrations.

    C'est également une démarche assez axée papier. La loi CADA en France a été inventée en 1978, autant dire que les systèmes numériques, les formats de fichiers n'étaient pas aussi bien consolidés qu'aujourd'hui et donc du coup cette loi adresse essentiellement le fait qu'on puisse avoir accès à des documents papier.

    Enfin elle est relativement peu contraignante pour l'administration, puisque la commission qui est en charge de dire si un document est accessible ou non, n'a pas de pouvoir d'injonction, donc ne peut pas aller forcer une administration à donner un papier, elle ne peut que donner des avis sur ces événements-là.


    Le numérique se développant, il se trouve que, sur la base des lois d'accès aux documents administratifs, un certain nombre d'entreprises se sont spécialisées dans la publication de l'information publique. C'est le cas des grands mastodontes de l'édition juridique, notamment les LexisNexis au niveau international, Lamy dans le monde francophone, et donc ils ont poussé l'émergence d'une directive en 2003 qui visait déjà à reconnaître au niveau européen un droit d'accès et qui instaure un droit de réutilisation. Donc la capacité que chaque citoyen a le droit non seulement de lire l'information mais de pouvoir se la réapproprier pour en changer le format, agréger de l'information, faire sortir de nouvelles informations.

    Le problème de cette directive, qui était déjà assez innovante à l'époque, c'est qu’il y a un certain nombre d'exceptions, notamment des exceptions liées au lobbying réalisé par la France autour de l'exception culturelle française et autour du coût des données culturelles. C'est-à-dire que dans la directive PSI, tout ce qui est produit par des archives publiques, des musées financés par l'argent public ou des bibliothèques, n'est pas accessible à travers la directive Public Sector Information. L'idée n'est pas de dire tout livre qui devrait être dans une bibliothèque doit être accessible à tout le monde. Il faut évidemment respecter le droit d'auteur de l'ensemble de auteurs, mais il se trouve que ces musées, ces archives et ces bibliothèques possèdent des informations qui ont été élevées dans le domaine public, c'est-à-dire dans lequel il n'y a plus de droit non pas moral, mais le deuxième droit, le patrimonial, autour de ces œuvres là. C'est-à-dire que le catalogue de l'ensemble des œuvres qui sont possédées par une bibliothèque ne rentre pas par exemple dans le cadre de la directive PSI. On ne peut pas forcément créer d'éléments liés, de services innovants pour savoir si un livre est contenu dans une bibliothèque précise par exemple.


    Public : Quels étaient les arguments pour les faire avancer ? Inaudible


    T. M. : C'est la notion forte en France d'exception culturelle qui a permis de faire un peu de feud et de dire que comme les bibliothèques possédaient des œuvres qui contenaient du droit d'auteur, du coup il fallait interdire toute possibilité d'accès à des documents qui sont possédés par des bibliothèques, des musées ou des archives.

    C'était l’argument du droit d'auteur, alors qu'avec le recul cet argument n'avait pas forcément pas de valeur puisqu'il y a plein d'informations publiques qui sont possédées par toutes ces archives ou toutes ces bibliothèques qui ne rentrent pas dans le cadre du droit d'auteur.


    Public : Je peux poser une question là-dessus ? Qui a poussé ça ?


    T. M. : Je dois dire qu'on a un problème autour des directives européennes, c'est que c'est très compliqué de retracer précisément les prises de décisions publiques, pour une raison c'est que les tractations, notamment à l'époque en 2005 où le Parlement n'avait pas autant de poids que maintenant, les tractations entre la Commission Européenne et les états membres, ne sont pas publiques. C'est-à-dire que sans la capacité que peuvent avoir certains fonctionnaires de faire fuiter des informations, on ne peut pas savoir qui est à l'origine des choses. Il se trouve qu'il y a une association qui s'appelle Access Info, une association européenne qui milite pour le droit d'accès aux documents administratifs, qui a réussi à créer une jurisprudence assez récemment, en demandant de pouvoir accéder aux documents qui sont transmis des états membres au Conseil de l'Europe, j'ai un peu de doute, bref l'entité qui regroupe l'ensemble des états membres.


    Public : Conseil des Ministres.


    T. M. : Pardon ?


    Public : Conseil des Ministres.


    T. M. : Conseil des Ministres, oui peut-être. Donc en demandant l'accès des opinions de chacun des états membres, ils ont pu comme ça participer à mieux retracer les prises de décision sur certaines directives. Sur la directive PSI, cet effort n'a pas été fait et comme il n'est pas de droit mais dans une construction de la jurisprudence, on n'arrive pas à retracer précisément. Ce qu'on nous a dit c'est que la France n'avait pas été indifférente dans ce choix-là.

    16' 05

    Autre problème autour de la directive PSI, c'est qu'elle ne traite pas le problème des formats.