Mettre en place une politique publique en faveur du logiciel libre - Table ronde

De April MediaWiki
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Titre : Comment mettre en place un politique publique en faveur du logiciel libre ? Une réflexion du niveau local à européen.

Intervenants : Étienne Gonnu - Marie-Jo Kopp Castinel - Véronique Torner - Loïc Dayot - Italo Vignoli

Lieu : POSS 2016

Date : Novembre 2016

Durée : 1 heure 36 min 29

Écouter l'enregistrement

Licence de la transcription : Verbatim

Statut : Transcrit MO

Description

Le logiciel libre incarne la devise française liberté, égalité, fraternité, et est un pilier pour toute démocratie à l'heure informatique. Il garantit par exemple interopérabilité et indépendance technologique, et favorise mutualisation et open data: des sujets essentiels pour toute administration publique. L’April, accompagné d'un panel d’intervenants, discutera des meilleurs moyens d’atteindre ce but, de l’échelle locale à européenne.

Transcription

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Marie-Jo Kopp Castinel :??? notamment LibreOffice et directrice de la société OpenGo, prestataire, dans notamment les migrations au Libre.

Véronique Torner : Bonjour. Véronique Torner. Je suis la coprésidente d’Alter Way. Nous sommes une ESN spécialisée en open source. Je suis, par ailleurs, membre du Conseil national du numérique et puis je suis également administratrice à Syntec Numérique.

Loïc Dayot : Je suis DSI à Villejuif après être passé dans deux autres collectivités où j’ai eu quelques expériences de migration vers du logiciel libre. Je suis également membre de l’April et anciennement administrateur.

Italo Vignoli : Je suis un des fondateurs du projet LibreOffice. Je suis maintenant responsable du marketing du projet. Je suis aussi dans le bureau de l’Open Source Initiative et je suis un des fondateurs et le président honoraire pour cause ??? de l’association italienne de LibreOffice.

Étienne Gonnu : Merci à tous de votre présence, de votre participation à cette réflexion. Je m’appelle Étienne Gonnu je suis chargé de mission affaires publiques pour l’April. Donc l’April, association francophone de promotion et de défense du logiciel libre, qui fête d’ailleurs ses 20 ans cette année. Donc 20 ans de combats et de luttes et on espère que ça continue. Et le moins ça continue, ça veut dire qu’on a avancé. Donc croisons les doigts. Merci à nouveau à tous à tous d’être là.

En quoi consiste cette table ronde en deux mots ? Le but c’est de réfléchir à ce sujet, de la politique publique en faveur du logiciel libre. On va essayer d’avoir une conservation ouverte, la plus ouverte possible. N’hésitez pas à intervenir. On aura quelques interventions un peu plus formelles, on va dire de présentation sur certains sujets. Alors, bien sûr, en une heure et demie, on ne pourra pas balayer tous les aspects. L’idée c’est quand même de dégager les pistes de réflexion, les freins, les opportunités, les évolutions et comment continuer ce travail de promotion du logiciel libre. On va essayer de faire ça sur trois axes : un premier axe qui serait une réflexion un peu sous le prisme du rôle de la loi. Quelque part, la politique, comment donner une impulsion, comment maintenir aussi l’impulsion et l’avancée du logiciel libre. Ensuite on réfléchira autour des règles de la commande politique, finalement la politique publique de l’acquisition, comment on acquiert des solutions libres avec comme grosse part, je pense, la réflexion sur l’interopérabilité et les formats ouverts. Et enfin, on réfléchira ensemble sur l’enjeu de la migration. On partira d’un angle de réflexion sur la bureautique libre, mais pas seulement. C’est une réflexion, je pense, plus globale sur la conduite du changement, la transformation numérique. On aura différents retours sur ces sujets.

Pourquoi est-ce qu’on pense que c’est si important, à l’April, de mettre en place cette politique publique du logiciel libre. Déjà, c’est une position qu’on a exprimée pendant le projet de loi numérique, qui a été adopté le 7 septembre, enfin promulgué le 7 septembre de cette année, qui a reconnu un encouragement au logiciel libre, donc un terme bien faible et non normatif. J’y reviendrai rapidement. Nous, notre position s’exprimait dans cette idée de priorité au logiciel libre et qui s’axe, finalement, sur la devise républicaine : liberté, égalité, fraternité. Je pense que c’est un moteur pour le logiciel libre. Au-delà de la potentielle limite qui est apparente, il y a une vraie réflexion. C’est donc la liberté des utilisateurs, l’égalité des droits qui pose un peu cette réflexion d’un travail horizontal : on est tous au même au niveau, on travaille tous ensemble, et qui vient ensuite se renforcer dans cette idée de fraternité, donc la collaboration, le partage, la solidarité. Ces considérations, elles sont vraiment essentielles parce qu’elles placent l’individu et le citoyen et, à travers eux, l’intérêt général, au centre des préoccupations, ce qui doit être le cas de toute politique publique. Et c’est ça qu’on défend lorsqu’on parle de logiciel libre. C’est défendre l’idée que dans une société de plus en plus informatisée, interconnectée, à l’heure numérique comme on dit souvent, les libertés informatiques sont une précondition essentielle pour l’exercice de toutes les libertés publiques. Et les libertés publiques n’ayant pas de valeur si elles ne sont pas réfléchies collectivement, il faut impérativement une politique publique, une réflexion commune sur le logiciel libre et les libertés informatiques.

Concrètement, pour les administrations, parce que ça va être un peu la focale quand même, comment ça se passe pour les administrations, notamment parce qu’on a la chance d’avoir deux DSI, directeurs des systèmes d’information, avec nous. Les arguments forts qu’on a portés pendant le projet de loi numérique c’était le gage d’interopérabilité, avec les questions des formats, on y reviendra. Les questions de souveraineté, ça c’était un argument très fort, notamment parce que, je pense, c’est dans l’air du temps, c’est un terme qui revient souvent. Donc la souveraineté, cette idée de maîtrise et d’indépendance technologique. Et puis les arguments économiques aussi, notamment par la baisse des coûts, mais aussi cette idée de mutualisation et puis un lien fort avec le tissu économique local.

Là, je vais partir d’une considération un peu idéaliste, mais je ne pense qu’on ne fait pas de politique sans être idéaliste. C’est quelque chose à porter. Bref ! Au-delà de l’informatique en elle-même, il me semble que, quand je dis informatique en tant qu’outil, si on réfléchit en poussant sa réflexion en termes de langage informatique comme un patrimoine immatériel commun, je pense qu’en poussant dans ce sens-là, il est très difficile, voire impossible, d’envisager tout ce qui pourrait en ressortir, que ce soit en termes de liberté, de progrès, d’essor économique, d’innovation. Et si les personnes publiques s’engagent véritablement en faveur du logiciel libre, et pas seulement en soutenant, mais en s’engageant activement, en participant à leur développement, on peut difficilement savoir jusqu’où ça peut nous mener en termes de progrès et d’innovation.

J’ai conscience d’une ??? que j’exprime, mais je pense que le logiciel libre est une question éminemment politique et je pense que c’est le premier point quand on veut réfléchir à comment mettre en place, c’est avoir conscience de cette question du politique, à quel point le logiciel libre et les libertés informatiques sont intrinsèquement politiques et je pense que c’est quelque chose aussi qu’il faut développer. Ça c’est un peu théorique. Comment passe-t-on, finalement, de cette idée de politiser ce débat, de politiser le logiciel libre, à une mise en place d’une politique ? Donc premier axe de réflexion, conne je le disais, donc la loi, l’impulsion.

Pour donner un contexte très rapidement, il y a eu une évolution quand même. Donc une première avancée assez importante sur 2012, la fameuse circulaire Ayrault sur le bon usage du logiciel libre, donc du nom du Premier ministre du moment, Jean-Marc Ayrault. En 2013, on a eu la loi sur l’Enseignement supérieur et la Recherche qui a énoncé que les établissements supérieurs devaient utiliser en priorité du logiciel libre. En Europe, en 2015, un rapport sur les questions de surveillance, surveillance de masse, il me semble que c’était le titre exact. Claude Moraes, le nom du rapporteur, préconisait au niveau européen, le recours au logiciel libre. Donc il y a toute une dynamique de développement de l’intérêt politique du logiciel libre.

Nous, cette année à l’April, on a défendu la priorité au logiciel libre pendant le projet de loi numérique. Ça veut dire quoi priorité au logiciel libre ? Ça peut se traduire assez simplement par l’idée d’un choix raisonné. Quand une administration doit développer, doit acquérir du logiciel, elle doit prendre en compte les qualités intrinsèques du logiciel libre qui s’expriment donc dans les quatre libertés : d’usage, modification, partage et redistribution, et étude du logiciel libre, donc l’accès au code source. Donc c’est finalement une position intermédiaire qui prend un compte qu’ il y a un temps d’adaptation, qu’il y a une conduite du changement, qu’il y a un accompagnement des administrations. Ça ne se fait pas du jour au lendemain.

Pourquoi recourir à la loi ? Ce n’est, bien sûr, pas le seul angle d’attaque, mais c’est un angle qui est très important et qui se conjugue et qui doit se conjuguer avec tous les niveaux de promotion. La loi ça doit aiguiller les politiques publiques, ça donne un signal politique aussi, fort et c’est ça qu’on poussait avec cette idée de priorité parce que ça envoie un message fort en faveur du logiciel libre. Avec cette idée que des décrets viendraient détailler cette mise en place, en renvoyant en décret et en maintenant juste un principe, ça permet une stabilité de la loi. Le principe c’est la priorité et ensuite, selon comment on veut mettre ça en place, on passe par une voie plus réglementaire. Donc c’est un simple encouragement. Une sénatrice a parlé d’une déclaration de bonnes intentions. Pourquoi ? Eh bien parce que déjà ce n’est pas normatif, il n’y a pas d’obligation. C’est juste on invite les administrations à se pencher sur la question, donc ça a assez peu d’impact. Et puis politiquement c’est un terme très faible. On voit finalement, si on réfléchit en termes de signal, il n’est pas très performant.

Avant d’arrêter de monopoliser la parole, je pense qu’il y a deux points qu’il est intéressant à soulever, pendant les débats sur ce projet de loi numérique. Pendant un projet de loi, différemment amendements sont étudiés à tour de rôle. Les débats sur cette question du logiciel libre ont été très longs – 45 minutes à l’Assemblée et plus d’une heure au Sénat – ce qui est très long pour des débats sur des amendements, et ça a été transpartisan : droite comme gauche se sont saisis du sujet et l’ont assez bien défendu. Mais bon, la loi ne fait pas tout et en Italie on a eu un exemple : en 2013 une loi a été passée, et je vais inviter Italo Vignoli à nous parler du texte en lui-même et de la suite que ça a pu donner.

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Italo Vignoli : Donc la loi dont on parle, s’est appelée