Libre à vous ! Radio Cause Commune - Transcription de l'émission du 8 octobre 2019

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Titre : Émission Libre à vous ! diffusée mardi 8 octobre 2019 sur radio Cause Commune

Intervenant·e·s : Emmanuel Revah - Alain Casier - Claude ??? - ??? - Frédéric Couchet - Isabella Vanni à la régie

Lieu : Radio Cause Commune

Date : 8 octobre 2019

Durée : 1 h 30 min

[ Écouter ou télécharger le podcast]

Page des références utiles concernant cette émission

Licence de la transcription : Verbatim

Illustration :

NB : transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.

Transcrit

Transcription

Voix off : Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.

Frédéric Couchet : Bonjour à toutes. Bonjour à tous. Vous êtes sur la radio Cause Commune 93.1 en Île-de-France et partout dans le monde sur causecommune.fm. Merci d’être avec nous.
La radio dispose d’un webchat, utilisez votre navigateur web préféré, rendez-vous sur le site de la radio, causecommune.fm, cliquez sur « chat » et ainsi retrouvez-nous sur le salon dédié à l’émission.

Nous sommes mardi 8 octobre 2019, nous diffusons en direct, mais vous écoutez peut-être une rediffusion ou un podcast.
Soyez les bienvenus pour cette nouvelle édition de Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre. Je suis Frédéric Couchet, le délégué général de l’April.
Le site web de l’association est april.org et vous y retrouvez d’ores et déjà une page consacrée à l’émission avec les références que nous allons citer et la page sera évidemment mise à jour après l’émission. N’hésitez pas également à nous faire des retours.
Si vous souhaitez réagir, poser une question pendant ce direct, n’hésitez pas à vous connecter sur le salon web de la radio ou à nous appeler au 09 50 39 67 59, je répète 09 50 39 67 59.
Nous vous souhaitons une excellente écoute.

Maintenant le programme de l’émission.
Nous allons commencer dans quelques secondes par la première chronique d’Emmanuel Revah qui portera sur les DRM, les menottes numériques.
D’ici 10 à 15 minutes nous aborderons notre sujet principal qui portera sur le logiciel libre et les seniors.
En fin d’émission nous aurons une interview d’un groupe de musique libre qui s’appelle Stone From The Sky.
À la réalisation de l’émission aujourd’hui ma collègue Isabella Vanni. Bonjour Isa.
Je crois qu’on ne t’a pas entendue, en tout cas je ne t’ai pas entendue dans le casque.

Nous allons vous proposer comme à chaque émission avant de commencer un petit quiz. Je vous donnerai les réponses au fur et à mesure de l’émission.
Première question : à quel célèbre roman Amazon a-t-elle supprimé l’accès du jour au lendemain sur ses liseuses, non sans ironie vu le nom du roman, y compris aux personnes qui avaient payé pour le livre numérique ?
Deuxième question : lors de l’émission du 1er octobre 2019 nous avons parlé de la licence professionnelle Métiers de la Communication : Chef de projet : Logiciels Libres, quel est le nom de cette licence ?
Vous pouvez bien sûr proposer les réponses sur les réseaux sociaux, sur le salon web et au fur et à mesure de l’émission je vous donnerai les réponses.

Tout de suite place au premier sujet.

[Virgule musicale]

2’ 35 Chronique « Itsik Numérik » d'Emmanuel Revah sur les DRM 11 min 34

Frédéric Couchet : Nous allons commencer par la première chronique d’Emmanuel Revah intitulée « Itsik Numérik ». Nous initions des chroniques courtes depuis cette saison 3 de Libre à vous !. Emmanuel Revah a une entreprise qui s’appelle Hoga, h, o, g, a, et la mission est de sensibiliser les gens sur la façon d’utiliser des logiciels et des services et de faire la promotion du Libre, du partage et de la décentralisation. Normalement Emmanuel est avec nous. Bonjour Emmanuel.

Emmanuel Revah : Bonjour Fred.

Frédéric Couchet : Emmanuel, ta chronique va porter sur les DRM. Je te laisse nous expliquer ta façon de penser sur les DRM.

Emmanuel Revah : Merci.
Parlons donc des DRM tant qu’on a encore le droit de le faire d’ailleurs ! Le DRM ou digital rights management ou comme dit la FSF Digital Restrictions Management ou en français « la gestion de restrictions numériques », c’est en fait l’obsession des maisons de disques et autres organismes de diffusion et plus récemment aussi celle de Google, Apple et Netflix.
En gros, ça fonctionne techniquement en prenant le contrôle de l’ordinateur des gens pour réguler ce que l’on peut fait, ou pas, avec nos propres machines. Ça fait des trucs comme permettre à Amazon de supprimer des livres des liseuses de leurs clients et ils l’ont d’ailleurs fait avec un livre, avec le fameux 1984. Les clients peuvent toujours aller chouiner sur les forums ou créer des groupes de mécontents sur Facebook où il n’y aura pas beaucoup de « like », car, de toute façon, la génération Facebook accepte pleinement les conditions générales de mépris de l’humanité. Pardon ! Je m’égare.

Ça fait des années, voire des décennies que nous, les libristes, on râle, mais aussi quelques libéraux capitalistes. Oui parce que les DRM ça soûle, ça soûle tout le monde. Pire, ça soûle surtout les clients qui payent pour leur truc. Par exemple le dernier SimCity : pour y jouer il faut être connecté à Internet pour prouver qu’on a bien payé pour le jeu, mais aussi qu’on n’est pas banni d’Internet. Finies les soirées dans sa petite cabane en bois au fin fond de l’Ardèche à jouer au jeu vidéo tranquille, pénard. Oui, c’est dans ce genre de cadre que j’ai envie de jouer à un simulateur de gestion, de conception de ville capitaliste moderne.
Pour ces gens la seule solution pour profiter du jeu, acheté avec de l’argent durement gagné dans notre monde sans pitié, c’est de le pirater. Eh oui ! Le DRM est devenu monnaie courante. Même la W3C [World Wide Web Consortium], organisme qui met en place des standards de publication qui sont censés promouvoir le Web ouvert à toutes et à tous. sans discrimination et sans barrière, a accepté cette notion de protectionnisme en tant que standard HTML.
Et pour aller plus loin dans la déprime, même les ordinateurs avec un système libre, [accès de toux, NdT], pardon, sont compatibles avec le DRM moderne : c’est intégré directement dans le navigateur, dans Chromium et, sans trop de résistance, aussi de Firefox.
Nos médiathèques publiques nous donnent accès à des films et des documentaires très intéressants mais ça aussi ça passe par du DRM et pas n’importe quel DRM. Voilà, vous avez bien compris, c’est celui de Google qui, en plus, peut nous pister.

Il faut savoir que tous les films et séries diffusés sur Netflix, Arte et autres qui sont protégés par la magie des DRM, peuvent être trouvés sur les machins de téléchargement légal sans problème et surtout sans DRM. Du coup on peut les regarder sans être connecté au fin fond de sa cabane en Ardèche.

Bref ! Le DRM ça coûte « un pognon de dingue » et ça fonctionne cinq minutes.

Si on voulait vraiment éviter la diffusion via le partage entre guillemets « illégal », il faut faire comme avec le film LoL : avec juste un nom à la con ce film est pratiquement introuvable sur les sites de Torrent. Essayer de chercher LoL sur ??? vous verrez bien. Il y a tellement de réponses à côté de la plaque que j’ai carrément attendu qu’il soit diffusé sur TF1 en film du dimanche soir pour me dire que finalement, bof, je n’ai pas vraiment envie de le voir !
Il faut dire que le fait que Libé décrit ce film comme « comédie bourge à haute teneur sarkoziste » peut expliquer le fait qu’on a du mal à le retrouver sur des sites de partage de culture. Oui, on peut soit parler de pirates – des gens qui attaquent et qui pillent les autres – ou alors on peut parler de partageurs de culture – des gens qui rendent la culture accessible à tous.

Si vous voulez faire un film qui ne soit pas restreint par les DRM mais qui soit difficile à trouver sur les Inter Web ??? des pirates partageurs de culture, choisissez des titres à la con, par exemple, pour un film, je vous propose HDTV x264 ; ou, pour une série, Saison 3 complète ou alors Webrix. Il y a aussi 10fi ou .bluray ou ??? ou alors il y a AMZN. Avec ces noms, même Google aura du mal à pirater nos œuvres. !

Frédéric Couchet : Merci Emmanuel pour cette chronique. Tu vas rester en ligne avec nous parce que la chronique s’inscrit dans une journée internationale contre les DRM organisée par la Fondation pour le logiciel libre, journée prévue samedi 12 octobre 2019, le site web c’est defectivebydesign.org, donc défectueux par dessin ou par conception ; les références sont sur le site de l’April, april.org. Et le 4 septembre 2018 nous avions consacré une émission au thème des DRM avec Marie Duponchelle avocate et Jean-Baptiste Kempf de VLC, le fameux lecteur multimédia libre. On va vous diffuser un court extrait de cette émission qui dure à peu près 5 minutes 30/6 minutes. Emmanuel, on se retrouve juste après.

[Extrait de la partie consacrée aux DRM de l’émission du 4 septembre 2019]

Frédéric Couchet : Vous êtes sans doute encore nombreuses et nombreux à utiliser des supports traditionnels des œuvres de l’esprit, par exemple un livre papier. Une fois que vous avez acheté ce livre papier vous disposez de libertés fondamentales, comme celle de le lire comme bon vous semble : vous pouvez sauter des passages, commencer par la fin, le relire autant de fois que vous voulez, l’annoter, le prêter.
De même, pour les personnes qui portent des lunettes, et nous sommes deux autour de la table sur trois personnes, on ne vous impose pas, quand vous achetez un livre, une paire de lunettes avec un prix en plus ; on ne vous dit pas « les lunettes que vous avez là c’est une marque qu’on ne connaît pas, dans laquelle nous n’avons pas confiance, vous ne pouvez donc pas les utiliser pour lire ce livre ; vous devez utiliser nos marques de lunettes à nous dans lesquelles nous avons confiance. » Vous exercez donc votre droit à des usages considérés, comme pour la plupart des gens, légitimes.
Et puis, dans ce monde traditionnel, ce sont des pratiques qu’on ne peut pas vraiment contrôler. Parce que sinon, pour contrôler votre usage du livre, si on prend cet exemple-là, vous imaginez un agent assermenté de l’éditeur qui apparaîtrait tout d’un coup à vos côtés, vous tapoterait l’épaule et vous dirait « non, tu dois commencer ta lecture par le premier chapitre, avec toutes les annonces des prochains livres et les alertes sur les dangers ou pseudo-dangers de la contrefaçon, avant même de commencer la lecture de ton roman. Et puis de la même façon, si tu veux relire une deuxième fois le livre, eh bien il faut que tu repasses à la caisse. Et pareil, tu portes des lunettes, eh bien non ! Tu ne dois pas prendre tes lunettes habituelles, tu dois prendre les lunettes qu’on a vendues avec le livre.

Évidemment c’est un peu Big Brother. Ce contrôle absolu des usages privés est inimaginable, bien entendu, sauf qu’il est inimaginable dans le monde traditionnel. Mais en fait pas pour tout le monde car certaines personnes, enfin de très nombreuses personnes et organisations, notamment qui produisent des livres numériques, des DRM, ou tout objet numérique, considèrent qu’à partir du moment où techniquement on peut contrôler des usages, même privés, eh bien on va le faire, parce qu’après tout, si la technique le permet, on ne va pas se gêner si on peut contrôler des usages privés !

De nos jours un exemple : quand vous achetez un DVD ou de la musique en ligne, très généralement, on — le « on » étant le producteur, les industries culturelles — vous impose par exemple de visualiser certaines plages sur le DVD – publicité ; on vous impose aussi le choix d’un lecteur multimédia : vous téléchargez de la musique sur un site, vous devez utiliser le lecteur multimédia qui est fourni avec ce site et pas un autre. Et ce contrôle d’usage se met en place par ce qu’on appelle les DRM, qu’on va redéfinir après, bien entendu, qui est un outil technique qui contrôle un usage privé, mais aussi surtout par leur protection juridique. … Est-ce qu’on peut citer quelques exemples ? Parce qu’évidemment, aujourd’hui on va cibler beaucoup la vidéo avec Jean-Baptiste et Marie, mais est-ce que vous pouvez nous citer quelques autres exemples de DRM dans la vie quotidienne, pour permettre aux gens de comprendre que, finalement, on vit une vraie overdose de DRM ? Jean-Baptiste, Marie ?

Jean-Baptiste Kempf : Les capsules Nespresso. Ils ont essayé d’empêcher d’avoir des capsules compatibles. Aujourd’hui il ne faut pas acheter Nespresso pour d’autres raisons, notamment écologiques, mais c’était vachement pratique, ça c’est vrai. Et ils sont arrivés, ils ont essayé de vous empêcher, empêcher Monoprix et tout ça, de faire des capsules beaucoup moins chères. Et ça c’était juste pour des raisons d’incompatibilité et d’attaques juridiques. Ce n’est pas exactement des DRM mais c’est exactement la même idée. Vous n’avez pas le droit de mettre le café que vous voulez ; vous mettez le café que je vous vends, dont j’ai fait l’approvisionnement et dans lequel j’ai mes marges, etc.

Frédéric Couchet : Marie, vas-y.

Marie Duponchelle : On avait aussi l’exemple dans les imprimantes ; on a eu pendant très longtemps, en fait, des petits systèmes qui vous disaient « si vous ne mettez pas la cartouche imprimante de ma marque, votre imprimante ne marchera plus ! » Au niveau concret c’est à la limite des mesures techniques de protection mais c’est la même problématique et c’est exactement la même logique.

Frédéric Couchet : Étienne, tu as un exemple ?

Étienne Gonnu : Oui, je pensais à un exemple. Moi je suis amateur de jeux vidéos : quand je suis obligé d’être connecté à Internet pour jouer à un jeu qui, pourtant, le jeu lui-même, ne nécessite pas une connexion, mais pour vérifier que je l’utilise comme convenu ou que je n’ai pas une version qui ne serait pas autorisée. Je suis obligé de me connecter ! Je pense que ça relève de cette même logique.

Jean-Baptiste Kempf : Je pense à l’exemple que tu donnais tout à l’heure avec des lunettes qui se brouillent quand tu lis un bouquin ; ça fait rigoler aujourd’hui ; dans 20 ans c’est carrément possible ! Quand on voit l’évolution de la réalité augmentée ou même des Google Glass, aujourd’hui c’est ridicule ; franchement, dans 30 ans, ce n’est pas une blague quoi, c’est tout à fait possible !

Étienne Gonnu : D’avoir accès à une pleine expérience. Si vous avez nos lunettes, vous aurez une expérience supplémentaire.

Jean-Baptiste Kempf : Ce n’est pas déconnant de se dire que dans 15 ans, 20 ans, tout le monde aura des lunettes qui rajouteront des informations, plutôt que d’avoir à sortir son smartphone pour savoir où tu vas ; ça peut être vachement cool pour plein d’utilisations. Donc ce n’est pas débile de se dire que ça va être quelque chose qui va être généralisé. Oui, maintenant vous n’avez pas le droit de passer par là. Donc il y a des possibilités vraiment gênantes !Moi je n’utilise pas de DRM.

Frédéric Couchet : Tu utilises quoi ?

Jean-Baptiste Kempf : Je ne parle pas de « management » à chaque fois, je ne dis pas « gestion », je dis « limitation » et c’est ce que je dis aussi en anglais, je parle de digital rigths limitations, parce que le management donne l'impression qu’il y a une gestion, que ça simplifie, alors qu’en fait, pour l’utilisateur, c’est une limitation de ses droits.

[Fin de l’extrait]

Frédéric Couchet : C’était un extrait de l’émission du 4 septembre 2018 consacrée aux DRM. Vous retrouverez évidemment le podcast sur le site causecommune.fm et sur le site april.org.
Emmanuel, souhaites-tu faire une petite réaction courte suite à cette diffusion ?

Emmanuel Revah : Oui. Il y a deux trucs que je voulais dire, mais je crois que je ne vais n’en dire qu’un parce que sur les DVD et tout ça il y a déjà pas mal d’exemples. Mais je pensais aussi aux argumentaires des gens qui veulent défendre le DRM et souvent ils le défendent avec des trucs aussi absurdes que « la copie à usage personnel tue l’industrie », qui était le gros truc dans les années 80 en anglais d’où la cassette qu’on voit dans pas mal de logos ??? par exemple. Et dans IT Crowd on voit un poster avec marqué « La couture maison tue la mode ». C’est très intéressant, ça résume super bien, en fait, que ce que l’on fait en dehors du contrôle du capitalisme nuit au capitalisme, donc il faut absolument l’interdire. Avec l’informatique moderne on peut pousser plus loin que la loi et, en fait, c’est ça le DRM.

Frédéric Couchet : C’est une belle conclusion. Je vais juste préciser que IT Crowd est une série anglaise qui a eu deux ou trois saisons, je pense qu’on peut trouver les épisodes sur Internet.
Merci Emmanuel. C’était Emmanuel Revah dont le site est hoga.fr et on se retrouve le mois prochain.

Emmanuel Revah : Oui. Merci.

Frédéric Couchet : Belle journée. À bientôt.

Emmanuel Revah : À vous aussi. Au revoir.

[Virgule musicale]

Frédéric Couchet : Avant la pause musicale, je vais répondre à la première question du quiz vu qu’elle est en lien avec le sujet précédent. La première question c’était : à quel célèbre roman Amazon a-t-elle supprimé l’accès du jour au lendemain sur ses liseuses y compris pour les personnes qui avaient payé le livre numérique ? L’ironie a voulu que ce fut 1984 de George Orwell.

Nous allons faire une petite pause musicale. Nous allons écouter Bouquet d'Opinions par MoiJe. On se retrouve juste après. Belle journée à l’écoute de Cause Commune.

Pause musicale : Bouquet d'Opinions par MoiJe.

Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter Bouquet d'Opinions par MoiJe disponible sous licence Art Libre. Vous retrouverez les références sur le site de l’April, april.org, et sur le site de Cause Commune, causecommune.fm.

Vous écoutez toujours l’émission Libre à vous ! sur radio Cause Commune 93.1 en Île-de-France et partout dans le monde sur le site causecommune.fm.

Avant de passer au sujet suivant je vais signaler à Emmanuel Revah qui faisait la chronique juste avant sur les DRM que nos invités ont trouvé la chronique très intéressante. Je lui fais passer le message s’il nous écoute toujours.
Nous allons donc maintenant passer au sujet suivant.

[Virgule musicale]

18’ 10 Logiciel libre et les seniors avec Alain Casier et Claude Guedj 55 min 12 s

Frédéric Couchet : Nous allons poursuivre avec notre sujet principal qui va porter sur les logiciels libres et les seniors.
Nos invités du jour : Alain Casier conseiller en formation continue retraité et bénévole dans un centre social parisien. Bonjour Alain.

Alain Casier : Bonjour Fred.

Frédéric Couchet : Et Claude Guedj, comédien. Bonjour Claude.

Claude Guedj : Bonjour.

Frédéric Couchet : Je tiens à préciser que le sujet m’a été proposé, enfin nous a été proposé par Alain qui fréquente de temps en temps les apéros April au local, donc une fois par mois, j’en fais la pub, le prochain je crois, de mémoire, c’est le 18 octobre 2019, vendredi 18 octobre ; c’est un apéro ouvert à tout le monde dans le 14e arrondissement de Paris, vous retrouverez les références sur le site april.org. Alain nous a proposé il y a quelque temps ce sujet sur la question des logiciels libres pour un public très précis que sont les seniors même si, évidemment, les seniors ça commence, en fonction de la définition, à plus ou moins différents âges, mais avec des problématiques particulières.
Première question, une petite question de présentation, un tour de table. Qui est êtes-vous ? On va commencer par Alain Casier.

Alain Casier : À l’heure actuelle je suis essentiellement bénévole dans un centre social parisien – j’y suis depuis 18 ans donc ce n’est pas nouveau – j’anime des ateliers d’informatique, j’aide les utilisateurs à régler les problèmes qu’ils peuvent avoir avec l’informatique et en particulier on est en liaison avec le conseil des seniors du 10e arrondissement qui nous envoie fréquemment des personnes qui ont des problèmes avec l’informatique, qui ont des soucis avec leur portable ou avec leur smartphone d’ailleurs, donc on essaye de régler ça de façon à ce qu’ils soient plus tranquilles et plus libres aussi, de ce point de vue-là.
Ça m’a amené, en liaison avec mon intérêt pour les logiciels libres, à proposer à des gens qui avaient des difficultés sur des systèmes propriétaires à passer sur du système libre et en général, ce que j’ai pu constater, c’est que ces personnes avaient beaucoup moins de soucis une fois qu’elles avaient pu avoir un système libre installé. Elles revenaient moins me voir ou, quand je les voyais, elles me disaient : « Ça va, je n’ai pas trop de problèmes. »

Frédéric Couchet : Alain, excuse-moi. On va finir le tour de table, la présentation de Claude, et on va rentrer dans le détail, comme ça on saura qui sont nos invités. Claude Guedj c’est à vous.

Claude Guedj : Moi je suis comédien. Actuellement je joue dans une pièce qui a pour titre 12 Hommes en colère au théâtre Hébertot tous les soirs à 19 heures.

Frédéric Couchet : J’encourage toutes les personnes à aller le voir. Pour rappel il y a le film des années 50 de Sidney Lumet si je ne me trompe pas. On en parlait juste avant l’émission, dans la période qu’on vit actuellement avec notamment un certain nombre de réseaux sociaux qui jouent le rôle de tribunal ou autre, voir cette pièce ou lire la pièce 12 hommes en colère est une nécessité absolue.

Claude Guedj : Oui, certainement.

Frédéric Couchet : Je signale que la personne qui est en régie, donc Isabella, signale que c’est l’un de ses films préférés.
Avant de revenir sur ce que tu commençais à dire, Alain, sur le fait que tu avais beaucoup moins de problèmes avec des systèmes libres dans le cadre de tes formations, on va peut-être commencer par le premier sujet avant d’aborder vraiment le logiciel libre, c’est ce qu’on pourrait appeler la fracture numérique pour les personnes âgées, donc pour les seniors, parce qu’évidemment forcément il y a une problématique différente de celle que peuvent avoir les personnes de 20 ans, 30 ans ou 40 ans. Il y a plusieurs sujets potentiels, notamment il y a le recul de l’accueil physique dans les services publics ; il y a aussi les sites en ligne, on en a cité certains en préparant et on va en parler ; il y a les liens avec la famille ou les amis géographiquement éloignés. Qui veut commencer sur cette partie, vraiment la fracture numérique pour les personnes âgées ou pour les seniors en général ? Peut-être Claude ou Alain ? Qui veut commencer ? Claude qui a une expérience.

Claude Guedj : C’est-à-dire que moi j’ai l’impression de ne pas être né dans ce monde alors c’est difficile et tout ça me paraît parfois un peu insolite, pas inquiétant mais curieux et d’un accès un peu difficile. Ça va très vite. Il faut aussi comprendre des choses auxquelles je n’étais pas habitué ; même la façon de réfléchir le monde est différente maintenant avec l’ordinateur et Internet. Il y a quelque chose en moi qui résiste malgré moi. Bien que j’aie été formidablement bien aidé par un certain Alain Casier qui a essayé de me former, j’ai encore du mal. Il y a des choses qui me font reculer, par exemple faire une déclaration d’impôt, faire des achats sur Internet, prendre un rendez-vous chez le médecin avec Docto je ne sais plus comment.

Frédéric Couchet : Doctolib.

Claude Guedj : Doctolib. Des choses comme ça ! Ce n’est pas que ça m’effraie, mais je ne sais pas très bien comment m’y prendre. Par contre j’aime bien rechercher des thèmes musicaux, des informations sur des musiciens que j’aime, sur des questions culturelles, sur la lecture, la peinture, des choses comme ça. Bon, j’arrive à le faire et c’est avec beaucoup de plaisir. Mais des choses pratiques de la vie quotidienne, je ne sais pas pourquoi mais ça me rebute, ça me rejette un peu.

Frédéric Couchet : D’accord. On va revenir après sur la partie positive de l’apport de l’informatique, mais on va rester pour l’instant sur la partie problématique ou négative. J’ai une question d’ailleurs, à partir de quand avez-vous commencé à utiliser un ordinateur ? Et à partir de quand avez-vous commencé à utiliser, d’ailleurs peut-être contraint ou forcé, des services sur Internet, donc pour la déclaration d’impôt, comme vous l’avez dit, pour prendre des rendez-vous médicaux, peut-être même pour réserver des places de spectacle ?

Claude Guedj : Toutes ces activités, je ne les fais pas justement !

Frédéric Couchet : Vous ne les faites pas, d’accord.

Claude Guedj : Je ne les fais pas. Je fais des recherches sur la musique, la littérature, la peinture, des choses comme ça oui, j’y arrive, mais je sais pas encore bien m’y prendre pour faire toutes ces…

Frédéric Couchet : Et l’usage de l’informatique on va dire de base, c’est-à-dire la bureautique, vous avez commencé à l’utiliser ? Si oui à partir de quand ?

Claude Guej : Eh bien quand mon a offert mon ordinateur, c’est-à-dire il y a un peu plus d’un an. Il y a un an.

Frédéric Couchet : Donc il y a un an vous vous êtes mis un petit peu à l’informatique. D’accord. OK ! Alain Casier tu veux intervenir là-dessus ?

Alain Casier : Ce qu’évoquait Claude est tout à fait symptomatique de toute une population qui n’a pas eu la possibilité dans son travail, quand elle était en activité, d’utiliser l’informatique. Ce sont des gens qui, pour l’essentiel, sont très largement désemparés avec tous les exemples que donnait Claude, c’est tout à fait évident. Il semble qu’il y a de moins en moins d’accueil du public, d’accueil physique du public, donc ils sont en grande difficulté quand ils ont des démarches à faire, prendre un rendez-vous à l’hôpital, ils sont habitués au téléphone, donc on voit des gens qui sont en grande difficulté de ce point de vue-là.
Dans le centre social il y a un autre public qui est aussi en difficulté, ce sont des gens qui ne sont pas des francophones donc qui peuvent avoir des difficultés, dont certains se débrouillent très bien avec tous les outils numériques, mais d’autres, en fonction de leur âge, ce n’est pas forcément le cas. En tout cas pour les personnes âgées c’est une vraie difficulté. Et en même temps, on en parlera peut-être tout à l’heure, mais il y a ce qu’évoquait Claude, c’est-à-dire qu’il y a tout un potentiel qui peut apporter à ces personnes des connaissances diversifiées dans des tas de domaines, musical, toutes les vidéos qu’on peut voir et dont ils sont friands, tous les échanges avec leurs proches.

Frédéric Couchet : Tout à fait. Quand tu parlais tout à l’heure du recul de l’accueil physique, c’est évidemment dans les services publics notamment. C’est vrai qu’aujourd’hui on le voit, on parlait tout à l’heure de la déclaration d’impôt, sauf erreur de ma part elle va devenir obligatoire en ligne l’an prochain. Je demande de l’aide sur le salon web, si quelqu’un a des informations précises, mais je crois qu’elle va le devenir très bientôt, en tout cas pour une certaine catégorie de personnes et que ça pose évidemment, comme Claude Guedj vient de le dire tout à l’heure, des problèmes pratiques pour les gens qui découvrent ce monde-là.

Claude Guedj : Si je peux ajouter une chose.

Frédéric Couchet : Bien sûr Claude, allez-y.

Claude Guedj : Ce que je voudrais dire, je ne vais pas comparer ça à une infirmité, mais pas loin, mais j’ai le grand désir d’y arriver, de le faire ; j’ai envie de me débarrasser de ça et de pouvoir utiliser toutes les possibilités qu’offre Internet et l’ordinateur et de m’en servir, de bénéficier de tous ces avantages, de toutes ces ouvertures.

Frédéric Couchet : On va parler des avantages. Vas-y Alain Casier.

Alain Casier : Un petit point que Claude a évoqué, qu’on a évoqué ensemble, c’est qu’avant que tu aies un ordinateur et aussi un smartphone, tu n’étais jamais au courant des pièces qui étaient jouées par des amis ; tu n’étais jamais au courant des offres qui pouvaient t’être faites de jouer dans telle ou telle pièce parce que là c‘était une coupure dans ce qui fait tout ton métier, ta profession, c’était une coupure totale, quoi !

Claude Guedj : Tu as raison. C’est vrai que bien des amis qui étaient dans d’autres spectacles, qui jouaient des choses, qui faisaient des interventions différentes, je n’étais pas au courant. Je l’apprenais après ils me disaient : « Oui, mais on a envoyé à tous nos amis qui ont des ordinateurs et Internet. Eux ils savent et ils sont venus. Tu n’es pas venu parce que tu n’as pas ! »

Frédéric Couchet : OK ! Donc il y a une exclusion sociale qui se crée, pas par la volonté forcée de vos amis ou des personnes qui sont dans votre métier, mais parce que leurs pratiques font qu’ils ont évolué.

Claude Guedj : Et que la mienne n’a pas évolué !

Frédéric Couchet : Et que la vôtre n’a pas encore évolué.

Claude Guedj : N’a pas encore évolué.

Frédéric Couchet : On me signale sur le salon web que concernant la déclaration en ligne obligatoire c’est à compter de 2019 : « l’obligation de télédéclarer ses revenus est généralisée à l’ensemble des contribuables. Le fisc prévoit toutefois des exceptions. » Je remercie @cousine qui est sur le salon web de la radio.
Ça c’est la partie problématique. Tout à l’heure Claude Guedj vous avez dit le terme « infirmité », c’est clairement un point de blocage, mais en tout cas dans votre vie à la fois sociale, et je pense qu’on le vit tous à peu près si on n’est pas dans réseaux sociaux, on est informés très tardivement d’un certain nombre de choses et c’est en plus un point de blocage dans votre pratique de comédien.

Claude Guedj : Professionnelle.

Frédéric Couchet : Professionnelle, c’est évidemment très dommageable. C’est le point de blocage, mais évidemment vous avez commencé à en parler tout à l’heure Claude, l’informatique apporte aussi des choses positives pour tout le monde, y compris pour les personnes âgées. Dans votre expérience, justement récente sur l’informatique, sur l’usage d’Internet, qu’est-ce que ça a pu vous apporter concrètement, à la fois en termes personnels et en termes professionnels ?

Claude Guedj : Professionnels, non, mais individuels oui.

Frédéric Couchet : Alors individuels.

Claude Guedj : Par exemple d’abord pour écouter des chansons de Leonard Cohen ça a été formidable, j’ai découvert plein de choses, des chansons que je ne connaissais pas. Sur un peintre aussi, je cherchais des choses, j’ai réussi à les trouver et ça a été un grand plaisir et une grande satisfaction ; je me suis dit « ah formidable, j’ai appris… »

Frédéric Couchet : Vous utilisez un moteur de recherche ou vous allez sur Wikipédia ? Comment vous faites ? Par exemple Leonard Cohen qui a disparu il y a deux ans maintenant je crois, grand chanteur canadien, comment vous avez fait ?

Claude Guedj : Écoutez j’ai tapé « Leonard Cohen » et tout est arrivé. C’était magique pour moi ! Je voulais écouter la chanson Le partisan, formidable ! je l’ai eue tout de suite.

Frédéric Couchet : Extraordinaire chanson !

Claude Guedj : Oui ! Et ça, ça a été un presque ravissement. Cette chose-là.

Frédéric Couchet : D’accord. Tu voulais réagir Alain Casier là-dessus ?

Alain Casier : Je crois que c’est un peu le cas de tout le monde. Tu as fait d’autres recherches sur Wikipédia de musiciens, de jazzman.

Claude Guej : Charlie Parker.

Alain Casier : De Charlie Parker, c’était pareil. À chaque fois c’est une occasion d’avoir une richesse en informations et pour les gens que j’ai l’occasion d’aider dans les ateliers que j’anime c’est exactement la même chose. Ils font des découvertes absolument incroyables de ce qu’ils pensaient, mais en même temps, et ça sera peut-être un des points qu’on abordera après sur les logiciels libres, il y a ce Claude exprimait, c’est-à-dire la crainte de communiquer sur des données personnelles.

Frédéric Couchet : On va en parler tout à l’heure.

Alain Casier : On reviendra peut-être là-dessus, mais je pense qu’à chaque fois que des gens peuvent taper dans un moteur de recherche, pas forcément celui le plus courant, s’ils peuvent taper le nom d’un artiste qu’ils recherchent, ils retrouvent de l’information, de l’information assez précise. Par exemple sur Wikipédia, je les incite à aider au financement de Wikipédia.

Frédéric Couchet : Actuellement il y a la campagne de dons annuelle.

Alain Casier : Il y a la campagne de dons, de façon à ce qu’ils comprennent bien qu’il y a un travail derrière, que ce n’est pas simplement un don, c’est un peu le contraire de Google qui lui va donner, apporter quelque chose de gratuit, de totalement gratuit mais qui, finalement, vous emprisonne largement. Au contraire, là on a la possibilité de donner pour un service ; pareil, les gens qui utilisent LibreOffice dans le centre social, qui veulent se former.

Frédéric Couchet : LibreOffice est une suite bureautique.

Alain Casier : C’est une suite bureautique. Et les gens qui veulent pouvoir taper du texte sans souscrire aux offres de Microsoft, je crois qu’ils comprennent bien qu’il y a un travail derrière et qu’il faut le financer à mesure de ses moyens.

Frédéric Couchet : J’ai une petite question parce que quand vous dites que vous avez tapé « Leonard Cohen » et que tout est arrivé par magie, est-ce que vous avez eu conscience à ce moment-là, imaginé un peu le fonctionnement, comment c’est arrivé ? Je vais peut-être préciser ma question : est-ce qu’à ce moment-là vous faisiez la différence entre un navigateur web et un moteur de recherche ?

Claude Guedj : Pas du tout !

Frédéric Couchet : Pas du tout ! Je vous pose la question et je vais vous laisser poursuivre, parce que beaucoup de gens, de nos jours, confondent en fait le navigateur web avec le moteur de recherche, parce que quand le navigateur web s’ouvre les gens tapent un mot et ils confondent les deux ! Donc à ce moment-là vous vous êtes dit « c’est par magie » sans vous poser la question de savoir quel logiciel était mis en œuvre et par qui derrière.

Claude Guedj : Non. Mon ignorance était totale. J’ai eu cette révélation, tout d’un coup, tout ce que j’ai pu apprendre sur Leonard Cohen ou Charlie Parker est arrivé comme ça après avoir tapé le nom.

Frédéric Couchet : Alain.

Alain Casier : Je confirme la confusion est constante. Depuis des années que j’anime des ateliers ou que j’aide des personnes, la confusion moteur de recherche et navigateur est constante et à chaque fois je suis forcé de rappeler qu’il y a une hiérarchie entre les deux : l’un sert à aller sur Internet et l’autre à chercher des éléments plus facilement sur Internet. Ça c’est vraiment une difficulté constante de toutes les personnes ; je pense que ce n’est pas limité aux personnes âgées.

Frédéric Couchet : Exactement. Je posais la question parce que côtoyant des ados, eh bien je constate que beaucoup d’ados, en fait, font aussi la même confusion. D’ailleurs, sur le salon web de la radio, quelqu’un précise que cette confusion n’est pas faite que par les seniors mais aussi par ceux qu’on appelle les digital natives ; ces digital natives confondent effectivement moteur de recherche et navigateur simplement parce qu’on ne leur a pas forcément expliqué. En l’occurrence évidemment, comme le précise mu_man sur la radio, Google, qui est le moteur de recherche, entretient bien volontairement la confusion entre les deux.
En tout cas voilà c’est cette découverte d’une masse d’informations qui est librement partagée, pas forcément que librement partagée mais qui est partagée et qui est la base d’Internet.
J’avais aussi une autre question par rapport aux pratiques individuelles : est-ce que depuis que vous vous êtes mis finalement sur l’informatique et sur Internet vous avez plus de nouvelles de votre famille ou de vos amis notamment via un certain nombre de réseaux sociaux, je ne vais pas les citer parce que peu importe lesquels en fait, mais aujourd’hui j’ai l’impression qu’on ne s’envoie plus de cartes postales, on ne s’envoie de photos imprimées pour se tenir au courant de la naissance du petit dernier ou de l’évolution des gens, on utilise les réseaux sociaux. Est-ce que dans votre pratique actuelle, maintenant, vous avez cette information qui vous arrive ?

Claude Guedj : Formidablement ! Pour moi c’est magnifique, merveilleux. Oui j’ai eu plein d’informations. Par exemple j’ai préparé un autre spectacle, la personne a pu me laisser une page d’informations que j’ai pu lire, découvrir, réfléchir sur les questions qu’elle me posait, lui répondre, ça c’est formidable.
J’ai pu avoir aussi bien sûr des informations sur ce que faisaient de nombreux amis. Alors là je n’y arrive pas encore très bien, je ne leur réponds pas par Internet, surtout pas, mais encore avec mon téléphone.

Frédéric Couchet : C’est-à-dire ?

Claude Guedj : C’est-à-dire qu’ils m’envoient un message, moi je ne réponds pas forcément avec mon d’ordinateur, mais je prends mon téléphone et je leur dis « j’ai eu ton message, je te remercie beaucoup. »

Frédéric Couchet : Pour bien comprendre, quand vous employez le terme « message » est-ce que c’est un courriel que vous recevez ou c’est un autre message ? Est-ce que c’est un SMS ?

Claude Guedj : Non c’est un courriel sur Internet.

Frédéric Couchet : Et votre réflexe c’est de prendre votre téléphone et d’appeler pour confirmer.

Claude Guedj : Oui. Ça ce n’est pas très pratique, mais il faut que je m’y mette. Il faut que je m’entraîne à pouvoir répondre comme eux me contactent.

Frédéric Couchet : Effectivement. C’est un apprentissage !

Claude Guedj : Oui.

Frédéric Couchet : C’est intéressant de voir comment on s’approprie ces technologies et comment les réflexes sont là et comment ça évolue aussi, évidemment.
Avant d’aborder le sujet suivant qui va être la question des handicaps possibles par rapport à l’âge et l’informatique, Alain est-ce que tu veux ajouter quelque chose sur cette partie on va dire magnifique d’Internet pour les seniors, d’ailleurs pour tous les publics ?

Alain Casier : Je crois qu’en fait pour ce public comme pour les autres il faut partir des besoins qu’ils ont. C’est-à-dire que les besoins qu’ils ont c’est de rechercher de l’information, c’est de communiquer et le mail qu’évoquait Claude c’est un moyen de communication. Dans tous les ateliers qu’on anime c’est ce premier point.
Bien sûr, après, il y a accéder à des sites qui vont leur permettre de régler des problèmes administratifs ou de santé ou autre, mais en fait les besoins sont très simples. En général les gens ont peu besoin de bureautique ; ils ont éventuellement besoin de taper un courrier simple à une administration ou à une entreprise quand ils ont une question à poser, mais si on reste sur ces besoins-là, ça couvre 90, 95 % des besoins.
Les réseaux sociaux en tant que tels, les gens s’en méfient plutôt.

Frédéric Couchet : Les seniors !

Alain Casier : Les seniors, oui, je pense qu’ils ont une certaine méfiance vis-à-vis de l’usage des réseaux sociaux et ils ne sont pas complètement infondés.

Frédéric Couchet : C’est la question des personnelles dont tu parlais tout à l’heure, principalement ?

Alain Casier : Les données, oui tout à fait. Déjà même le fait de faire une déclaration d’impôt en ligne, pour eux c’est une sorte d’ouverture sur des données personnelles qui devraient rester confidentielles. Donc il y a une crainte et je pense qu’elle est très générale. Elle est vraiment très marquée. Il y a peu de gens qui n’évoquent pas dans les ateliers que j’anime cette question de la confidentialité de leurs données, de la surveillance en ligne, du risque d’être piraté, comme disent les gens. Donc c’est constant. Là je crois qu’il y a des éléments pour essayer de les rassurer et de leur dire qu’on peut faire certaines choses mais qu’on ne peut pas tout faire.
Ce que je voudrais peut-être rajouter aussi c’est que je m’aperçois que dans ces ateliers les gens n’ont pas seulement besoin d’utiliser des outils, ils ont aussi besoin de comprendre. C’est-à-dire que c’est rare que dans une heure et demie d’atelier il n’y ait pas dix minutes où je ne sois pas amené à expliquer quel est le fonctionnement fondamental d’Internet par exemple, comment fonctionne ce réseau d’une façon très simple ; par exemple comment les informations circulent d’un point à un autre ; comment ils récupèrent sur le serveur de Wikipédia un texte qui va les informer sur Leonard Cohen, pour reprendre ce cas-là.
Donc ce n’est pas simplement une formation à des outils. Il y a ça, il y a un côté très utilitaire, mais à la fois il y a la volonté de comprendre, de voir comment ça marche d’une façon courte, d’une façon simple.

Frédéric Couchet : D’accord. Est-ce que vous posez des questions, on parlait des données personnelles, mais des données que vous pouvez produire, par exemple des photos que vous pouvez prendre et de leur devenir ? C’est-à-dire que la compréhension de savoir si la photo que vous avez prise est sur votre téléphone mobile ? Est-ce qu’elle est sur votre ordinateur ? Si demain vous avez un problème technique est-ce que la photo va être conservée ? Tout à l’heure Claude Guedj parlait de magie, effectivement ça peut être un peu magique ça quand on ne connaît pas l’informatique : quand on prend un photo où se trouve la photo, où se trouve le document que j’ai fait pour tel service public. Est-ce que ces questions-là vous y pensez ? Comment vous les traitez aujourd’hui ? Claude Guedj.

Claude Guej : Écoutez, je ne les traite pas parce que je ne sais pas l’utiliser.

Frédéric Couchet : D’accord.

Claude Guej : Je le regrette, ça fait partie de tous mes regrets, il faut que je me soigne sérieusement.

Frédéric Couchet : Donc dans les ateliers, Alain, ce point-là est abordé ?

Alain Casier : C’est pareil, où sont les données c’est un point incontournable des ateliers qu’on peut animer, parce que les gens le voient sur leur smartphone, par exemple, ou sur leur ordinateur, et ils ont l’impression que c’est chez eux. Ça c’est vraiment une notion sur laquelle il faut insister en disant « eh bien non, c’est dans un serveur, on ne sait pas où il est, donc on ne sait pas où c’est stocké. » Là je crois que là il y a une formation très précise, pas forcément très longue, à faire sur cette question-là.

Frédéric Couchet : D’accord. Vous vouliez compléter Claude.

Claude Guej : Oui. Moi savoir où sont les choses, ce n’est pas ça qui m’inquiète, c’est de savoir faire les choses.

Frédéric Couchet : Et de comprendre ! Ce que disait Alain.

Claude Guej : Et de comprendre, ce que nous disait Alain, comprendre les choses, oui c’est ça qui me paraît le plus important, enfin en ce qui me concerne, avec mes limites.

Frédéric Couchet : Sur le salon web de la radio sur causecommune.fm, les auditeurs et auditrices peuvent nous rejoindre, il y a plusieurs réactions qui confirment effectivement que cette compréhension, ce besoin de compréhension est quelque chose qui est partagé par les seniors, notamment Marie-Odile. Non ! Marie-Odile parle d’autre chose, c’est WhatApps , on parlera tout à l’heure de WhatApps et de la méfiance, en tout cas c’est quelque chose qui est partagé.
Par rapport à cette volonté de comprendre, on y reviendra tout à l’heure sur le logiciel libre, mais Internet permet de consulter de nombreux documents qui vous permettent de comprendre. Je suppose que ça doit être absolument extraordinaire. : tout d’un coup il y a un sujet qui vous intéresse, vous parliez tout à l’heure de Leonard Cohen, il y a la page Wikipédia de Leonard Cohen, mais je suppose qu’il y a des sites de fans de Leonard Cohen sur lesquels vous avez peut-être trouvé des références, des petits bijoux.

Claude Guedj : Oui. Ça je n’y ai pas pensé du tout. Je n’ai pas été très loin, j’ai été jusqu’au plaisir que je prenais à écouter Leonard Cohen et avoir des informations sur qui il était, comment il vivait. Voilà ! Je me suis arrêté là. Moi ça m’a beaucoup apporté, ça peut paraître comme limité.

Frédéric Couchet : Pas du tout ! J’ai une petite question avant la pause musicale. Dans l’introduction vous avez dit que vous étiez comédien et que vous jouiez dans la pièce 12 Hommes en colère au théâtre Hébertot. Est-ce que vous êtes allé voir la page Wikipédia de 12 Hommes en colère ?

Claude Guedj : Non, moi je ne suis pas allé voir, mais mes amis au théâtre me l’ont montrée. Eux savent faire fonctionner tout ça ! Ils m’ont montré, c’était passionnant. Formidable. Oui !

Frédéric Couchet : On va faire une petite pause musicale et après on va reprendre la suite de notre conversation. Nous allons écouter Ambroise par Eau Forte. On se retrouve juste après. Continuez à passer une belle journée à l’écoute de Cause Commune.

Pause musicale : Ambroise par Eau Forte.

49’ 05

Frédéric Couchet : Nous avons écouté Ambroise par Eau Forte, disponible sous licence Creative Commons Attribution. Vous retrouverez les références sur le site de la radio causecommune.fm etsur le site de l’April, april.org.

1 h 13’ 27 Interview de Dimitri Even du groupe Stone From The Sky 14 min 39 s

Frédéric Couchet : On va faire une pause musicale mais en fait la pause musicale est intégrée dans le sujet d’après, parce que tout simplement nous allons écouter la musique d’un groupe que j’aurai le plaisir d’interviewer juste après. Nous allons écouter Agger par Stone From The Sky. On se retrouve juste après.

Pause musicale : Aggerpar Stone From The Sky.

Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter Aggerpar Stone From The Sky disponible sous licence Art Libre.



1 h 28’ 10 Annonces 1 min 44 s

Frédéric Couchet : Nous allons passer aux petites annonces de fin

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