Libre à vous ! Radio Cause Commune - Transcription de l'émission du 8 janvier 2019

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Titre : Émission Libre à vous ! diffusée mardi 8 janvier 2019 sur radio Cause Commune

Intervenants : Mathilde Bras - Laurent Joubert - Olivier - Grieco - Marie-Odile Morandi - Étienne Gonnu - Frédéric Couchet

Lieu : Radio Cause commune

Date : 8 janvier 2019

Durée : 1 h 30 min

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Page des références utiles concernant cette émission

Licence de la transcription : Verbatim

Illustration :

NB : transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.

Statut : Transcrit MO

Transcription

Voix off : Libre à vous !, l’émission de l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre, une émission de la radio Cause Commune.

Frédéric Couchet : Bonjour à toutes. Bonjour à tous. Désolé, le jingle générique de début avait changé. Nous sommes très heureux, très contents d’être de retour sur Cause Commune après une petite pause C’est l’émission Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.
La radio dispose d’un webchat, vous pouvez utiliser votre navigateur web et vous rendre sur causecommune.fm, cliquer sur le bouton « chat » et vous pourrez ainsi être en direct avec nous sur le webchat de la radio.
Soyez les bienvenus pour cette nouvelle édition de Libre à vous !. Je suis Frédéric Couchet délégué général de l’April. Mon collègue Étienne Gonnu est avec moi également. Bonjour Étienne.

Étienne Gonnu : Bonjour Fred.

Frédéric Couchet : Je présenterai tout à l’heure les deux invités du jour avec nous en studio.
Je rappelle le site web de l’April, april.org. Vous pouvez déjà y retrouver une page consacrée à cette émission avec un certain nombre de références que nous citerons au cours de l’émission ; après l’émission nous mettrons à jour la page, évidemment, si nous citons d’autres références. Donc vous allez sur le site april.org.
On va déjà commencer par une annonce. Pour les personnes qui écoutiez l’émission en 2018, vous vous rappelez sans doute que nous étions en mensuelle. Eh bien nous avons décidé de passer, à partir de cette première émission de janvier, en hebdomadaire. Donc nous allons nous retrouver chaque semaine le mardi de 15 h 30 à 17 h pour évoquer les sujets autour du logiciel libre. Je vous souhaite une excellente écoute pour cette première émission de l’année.
On va passer au programme de l’émission. Nous allons commencer par une intervention téléphonique de Marie-Odile Morandi qui s’occupe des transcriptions à l’April. Elle va débuter une chronique qui s’appelle « Les transcriptions qui redonnent le goût de la lecture ».
Ensuite, d’ici une quinzaine de minutes, notre sujet principal portera sur la présentation des actions de la DINSIC, Direction interministérielle des systèmes d’information de l’État [note de transcription : le nom exact est Direction interministérielle du numérique et du système d’information et de communication de l’État], ainsi que celle de la mission Etalab chargée notamment de la politique d’ouverture et de partage des données publiques du gouvernement français. J’ai le plaisir d’avoir moi en studio Laurent Joubert qui travaille à la sécurisation des grands projets informatiques de l’État. C’est ça ? Bonjour Laurent.

Laurent Joubert : Tout à fait. Bonjour à toutes et à tous.

Frédéric Couchet : Également présente avec nous Mathilde Bras qui s’occupe du programme « Entrepreneur.e d’Intérêt Général ». Bonjour Mathilde.

Mathilde Bras : Bonjour à toutes et tous.

Frédéric Couchet : Et ensuite aux alentours, on va dire, de 16 h 45, Étienne nous fera un point sur la prise en compte des logiciels libres de caisse par le ministère des Finances et par la loi de finances, donc un sujet qui paraît un petit austère mais qui est très important et il essaiera de nous faire en une dizaine de minutes un petit résumé de la situation.
À la réalisation de l’émission notre amie Olivier Grieco. Bonjour Olivier. Je salue également Didier et Patrick, qui sont en studio aussi, qui sont des bénévoles, donc Didier Clermonté et Patrick Creusot qui assureront de temps en temps la régie de l’émission.
Tout de suite on va passer au premier sujet. Normalement nous avons avec nous au téléphone Marie-Odile. Marie-Odile est-ce que tu es avec nous ?

03’ 15

Marie-Odile Morandi : Oui. Bonjour. Je suis là.

Frédéric Couchet : Bonjour Marie-Odile. Marie-Odile, comme je l’ai dit tout à l’heure, tu t’occupes du groupe Transcriptions à l’April où tu fais un travail absolument phénoménal de transcriptions d’audios, de vidéos.

Marie-Odile Morandi : Oui.

Frédéric Couchet : On va débuter une chronique en ce début d’année. Tu vas nous présenter trois chroniques, des fois plus, qui te semblent importantes, un petit peu tes coups de cœur pour lesquels tu souhaiterais que les gens lisent ces chroniques. On va commencer peut-être par la première ; c’est quoi le coup de cœur de ce début d’année ?

Marie-Odile Morandi : Le coup de cœur de ce début d’année c’était une émission Les Amis d’Orwell sur Radio libertaire et cette émission était intitulée « À l’école du Big Data ».

Frédéric Couchet : Pourquoi ce coup de cœur ?

Marie-Odile Morandi : En tant qu’enseignante, bien que je sois à la retraite depuis de nombreuse années, tout ce qui concerne ce qui se passe dans les établissements scolaires m’intéresse encore beaucoup et, dans les sujets qui ont été traités dans cette émission, j’ai tout à fait pu me reconnaître.

Frédéric Couchet : De quoi est-il question dans cette émission qui s’appelle « À l’école du Big Data » ?

Marie-Odile Morandi : Dans cette émission, il est question du fichage de nos enfants, du fichage des élèves. On le soupçonnait mais grâce aux intervenants c’est très clair, nos enfants sont tous fichés dès l’école maternelle, ça continue à l’école élémentaire et puis, bien entendu, ça continue au Collège et au lycée, même si les fichiers changent de nom à chaque fois. Les intervenants de cette émission appellent ça « un fichage républicain ».

Frédéric Couchet : D’accord. Que s’est-il passé récemment pour ce que ce fichage qui est quand même assez ancien devienne, si possible, encore plus problématique ?

Marie-Odile Morandi : En début d’année scolaire il y a eu des évaluations comme il y en a régulièrement au sein de l’Éducation nationale, c’est tout à fait normal, des évaluations qui se sont déroulées en cours préparatoire, en 6e et en classe de seconde donc les classes qui sont des paliers. Sauf que ces évaluations, cette année, se sont faites totalement de façon informatique : les enfants passaient les évaluations sur des ordinateurs ou sur des tablettes, donc tout était remonté de façon automatique et on a eu de gros doutes sur l’anonymisation de cette remontée ; on ne sait pas exactement à quel endroit s’est faite cette anonymisation et même si elle a eu lieu.
D’autre part, dans l’émission on nous explique que le ministre de l’Éducation a passé des accords avec une société luxembourgeoise. On apprend que ces données sont hébergées sur des serveurs d’Amazon situés en Irlande. Tout ça ne manque de laisser fortement perplexe.

Frédéric Couchet : Oui ! Pour le moins qu’on puisse dire ! Qui sont les personnes qui interviennent dans cette émission et que pensent-elles de ces évaluations et de ce fichage des enfants ?

Marie-Odile Morandi : Les gens qui interviennent dans cette émission sont des enseignants et des personnels de vie scolaire. Je vais passer sur leurs réflexions concernant la façon dont les évaluations, les épreuves devaient se dérouler, avec des indications très précises qui étaient données aux enseignants.
Leur souci c’est donc le problème d’anonymisation qui n’est pas très claire.
Ce qui est inquiétant pour ces personnes puisqu’elles sont adultes, elles sont enseignantes, elles pensent qu’il y a forcément un projet politique derrière tout cela, certainement mis en œuvre depuis de longue date. On veut supprimer les fonctionnaires [le statut de fonctionnaire, NdT], on veut diminuer le nombre de fonctionnaires de l’État ; avec ces évaluations on pourra juger du travail des enseignants, on pourra les rémunérer au mérite et le mérite ce sera : si les élèves ont réussi les évaluations, eh bien vous aurez droit à votre mutation ; si les élèves n’ont pas réussi les évaluations, eh bien vous restez où vous êtes.
D’autre part ces évaluations peuvent être cédées à des sociétés privées, avec de la publicité ciblée des sociétés privées pourront vendre aux familles des cours clefs en main pour pallier aux manques de l’Éducation nationale et pour améliorer les parcours des enfants.

Frédéric Couchet : Les élèves sont concernés aussi.

Marie-Odile Morandi : Oui, tout à fait. Les élèves sont concernés, parce que là on a à faire, disent les intervenants de cette émission, à un véritable CV numérique. Je passe sur les histoires de jargon de l’Éducation nationale, les compétences, les passeports, mais on a peur que l’orientation à court et à moyen terme des enfants soit faite en utilisant ces évaluations ; on a peur pour leur future employabilité à eux aussi ; on a peur que de futurs employeurs puissent avoir accès à ce qui s’est passé des années auparavant les concernant.

Frédéric Couchet : Donc pas de droit à l’effacement et en fait aucun droit à l’oubli. Je crois me souvenir qu’il est aussi question d’un autre outil très répandu dans les lycées et les collèges, l’outil Pronote. Est-ce que tu peux nous en dire quelques mots ?

Marie-Odile Morandi : Oui. Cet outil Pronote est vendu par une société privée aux établissements scolaires donc les établissements scolaires payent cet outil à une société privée. Un des intervenants parle d’une usine à gaz ; moi je peux l’appeler couteau suisse parce qu’avec Pronote on peut tout faire : on fait l’appel des élèves, les retards, les absences, les sanctions. Chaque enseignant doit insérer sur Pronote ce qu’il a fait à chaque heure : c’est le cahier de textes du professeur, c’est le cahier de textes des élèves, les élèves se connectent et voient quels sont les devoirs qu’ils ont à faire. Plus grave encore, les notes concernant les contrôles sont réportées au jour le jour et, à la fin de chaque trimestre, les enseignants remplissent les bulletins trimestriels avec les appréciations ; le professeur principal remplit une appréciation générale et la direction de l’établissement peut aussi mettre une appréciation. Bien entendu toute la communauté scolaire a accès à Pronote et même, on fournira à un inspecteur qui annonce sa venue un code. Donc tout est centralisé, tout le monde est content, sauf que personne ne se rend compte, d’après les intervenants, bien entendu je suis d’accord avec eux, que là on a dans les mains un outil qui permet un traitement de données à caractère personnel, avec un côté apprenti sorcier comme l’a dit une des intervenantes de l’émission.

Frédéric Couchet : D’accord. Est-ce que les parents sont avertis et qu’en est-il de leurs droits ?

Marie-Odile Morandi : Les parents devraient avoir les droits qui sont conférés par la loi Informatique et Libertés, sauf que, d’après l’émission, les parents ne sont guère avertis de ce qui se passe ou ils sont avertis après coup et, bien entendu, après, quand tout est déjà enregistré, tous les fichiers sont remplis, il est difficile de s’opposer, de faire rectifier.
Dans l’émission, on nous présente le cas d’une famille et le cas personnel d’une des intervenantes pour son enfant ; ces gens nous expliquent que c’est tout à fait le parcours du combattant pour faire effacer les donnés concernant leurs enfants de ces fichiers.

Frédéric Couchet : Est-ce que tu veux ajouter quelques mots de conclusion sur cette émission, peut-être en tant qu’enseignante ou ancienne enseignante ?

Marie-Odile Morandi : Oui. Quand on écoute cette émission on est parfaitement époustouflé. Effectivement, quand on nous a mis cet outil dans les mains, tout le monde était content, on pouvait faire du travail administratif ennuyeux de chez soi, à l’heure qu’on voulait et on ne se rendait pas compte qu’effectivement on avait entre les mains un outil pour lequel la vie scolaire, la vie numérique des enfants est parfaitement enregistrée.

Frédéric Couchet : D’accord.

Marie-Odile Morandi : Autrefois, quand c’était des documents papier, il était interdit de les sortir de l’établissement scolaire et même de la salle des professeurs, et actuellement toutes les données concernant des enfants sont partout sauf dans leur école.
Donc je conseille de réécouter l’émission, je conseille de lire la transcription si les gens n’ont pas e temps d’écouter l’émission. C’est une émission qui oblige chacun d’entre nous à réfléchir, parce que chacun d’entre nous, de près ou de loin, nous avons des enfants autour de nous. Et on est bien loin de la confiance, de l’ « École de la confiance » qui est vantée par le ministre actuel de l’Éducation. Protégeons nos mineurs.

Frédéric Couchet : D’accord. Merci Marie-Odile. Donc l’émission c’est Les Amis d’Orwell sur Radio libertaire, « À l’école du Big Data » et sur la page consacrée à l’émission sur april.org, vous trouvez un lien vers la transcription.
Ça c’était ton coup de cœur, tu as bien détaillé pourquoi il fallait lire cette transcription ou écouter l’émission. Tu as deux autres émissions ou en tout cas transcriptions dont tu aimerais parler, peut-être en un peu plus court. Le premier c’est un sujet que nous avons abordé dans cette émission « téléphonie mobile et liberté » ; c’était le Libre à vous ! du 6 novembre. Les deux intervenants parlaient effectivement de la téléphonie mobile, des pertes de liberté et de comment essayer de les regagner. Pourquoi faut-il écouter cette émission ?

Marie-Odile Morandi : Chacun d’entre nous est concerné par cette émission parce que chacun d’entre nous, désormais, porte dans sa poche ce qu’on appelle un téléphone portable et qui ressemble de plus en plus à un ordinateur qui nous surveille.

Frédéric Couchet : Dans cette émission il y a eu, selon toi, un tableau assez sombre, en fait, concernant nos libertés. C’est ça ?

Marie-Odile Morandi : Oui, tout à fait. Au début de l’émission il y a une présentation des deux produits les plus courants qu’on trouve sur le marché, le produit Apple, l’iPhone qui nous enferme totalement dans une prison dorée et c’est toi-même, Frédéric, qui as dit : « C’est en quelque sorte une vente forcée matériel et logiciel » et, avec ce produit, Apple nous demande de lui faire confiance.
Il y a une présentation du système Android qui est installé par tous les fabricants de téléphones, plus ou moins libre et plus ou moins modifié par les fabricants de téléphones. Donc effectivement le début de l’émission était assez sombre concernant nos libertés avec nos téléphones.

Frédéric Couchet : Par contre, dans la suite de l’émission, des pistes ont été évoquées, on ne va pas toutes les répéter mais, selon toi, quelle est la piste, la première piste pour essayer de regagner un peu de liberté qui peut être mise en œuvre par à peu près n’importe qui avec son téléphone mobile ?

Marie-Odile Morandi : Les premières pistes, effectivement, ce sont des pistes qui sont en cours et qui, à mon avis, ne sont pas à la portée de tout le monde. Par contre, on a eu une explication assez claire concernant le magasin d’applications F-Droid. Le projet F-Droid c’est le produit qui me semble le plus facile pour commencer à libérer nos téléphones, puisqu’il suffit d’installer l’application F-Droid sur nos téléphones et, à partir de là, de télécharger les produits dont on a besoin, probablement en commençant par le moteur de recherche qui sait tout ce dont on a besoin.

Frédéric Couchet : C’est assez marrant parce que, en arrivant en métro dans l’émission, en fait Patrick Creusot a installé F-Droid sur son téléphone. Je précise que pour installer F-Droid, par contre il y a un petit truc à savoir, il faut activer l’autorisation d’installer des applications tierces sinon vous ne pourrez pas l’installer. En tout cas c’est un magasin d’applications libres ; vous pouvez retrouver l’équivalent pour lire vos courriels, faire des réseaux sociaux. Ça s’appelle F-Droid. Effectivement c’est la première action à faire pour regagner des libertés. Ça c’est l’émission du 6 novembre sur « téléphonie mobile et liberté ». Pareil, vous retrouvez la référence sur le site de l’April.
On va finir rapidement par la dernière transcription dont tu conseilles la lecture. Là c’est une interview de notre camarade Jérémie Zimmermann, d’octobre 2018, Intitulée « 1984, un manuel d’instructions ? ». En une minute pourquoi il faut lire cette transcription, Marie-Odile, s’il te plaît ?

Marie-Odile Morandi : Jérémie Zimmermann, on le connaît ce n’est pas la première fois que le groupe Transcriptions transcrit certaines de ses interventions et je pense que cette interview était une bonne synthèse de tout ce qu’il a fait durant ces dernières années et de toutes ses opinions concernant disons les processus européens de création des lois et puis il a un regard très acéré sur la vie politique actuelle. Bien entendu il nous rappelle ses luttes et il nous rappelle ce qu’il faudrait faire pour que le logiciel libre et les libertés numériques soient encore plus à notre portée.

Frédéric Couchet : Donc c’est une transcription d’une interview, je crois, d’une heure ou d’une heure et demie, c’est une interview vidéo si je me souviens bien. Rappelle-moi le titre de la transcription.

Marie-Odile Morandi : « 1984, un manuel d’instructions ? ».

Frédéric Couchet : D’accord. Pareil, la référence est sur le site de l’April. Jérémie Zimmermann est un ancien membre du conseil d’administration de l’April, ancien porte-parole de La Quadrature du Net, est toujours membre de l’April et à qui on fait de gros bisous là où il se trouve actuellement. Écoute, merci Marie-Odile pour cette chronique « Les transcriptions qui redonnent envie de lire ». On se retrouvera, je pense, le mois prochain pour une seconde chronique. Est-ce que tu as quelque chose à ajouter ?

Marie-Odile Morandi : Non je pense qu’on a fait le tour et j’encourage les personnes qui n’ont pas le temps d’écouter les émissions qu’on choisit de transcrire, de lire les transcriptions et puis d’approfondir si elles en ont le temps.

Frédéric Couchet : C’est une excellente conclusion. Je crois qu’au nom d’ailleurs de toutes les personnes qui participent à des émissions ou autres on te remercie de transcrire tous ces propos, ainsi que les personnes qui font des relectures. Je rappelle qu’évidemment le groupe Transcriptions est ouvert à toute personne qui souhaite contribuer. Il suffit de s’inscrire sur la liste de discussion qui est également en référence sur le site de l’April. Écoute Marie-Odile, je te souhaite une bonne journée.

Marie-Odile Morandi : Bonne journée à vous. Au revoir.

18’ 45

Frédéric Couchet : Au revoir.
Nous allons avancer et donc passer au second sujet. DINSIC, Etalab, deux mots qu’on va évidemment expliquer, expliciter. Dans un premier temps on va essayer de revenir un petit peu sur un historique de la place de l’informatique, l’administration électronique au sein de l’État français et expliquer ce que font ces deux structures, la DINSIC et la mission Etalab. Je rappelle que nous sommes en compagnie de Laurent Joubert et de Mathilde Bras. Laurent est-ce que tu veux commencer par nous faire un petit rappel historique de la situation et nous expliquer ce qu’est la DINSIC ?

Laurent Joubert : La DINSIC c’est la DSI Group de l’État, donc la Direction des systèmes d’information, plutôt une direction des systèmes d’information stratégique et qui anime les différentes directions des systèmes d’information des ministères. On s’occupe de l’administration centrale et, en plus d’interagir avec les ministères sur tous les systèmes d’information, on est aussi en lien avec toutes les autres agences interministérielles comme l’Agence nationale de sécurité des systèmes d’information, la Direction du budget, la Direction des achats de l’État ou également la DGAFP [Direction générale de l’administration et de la fonction publique] qui est, en fait, la DRH de l’État.

Frédéric Couchet : DRH ?

Laurent Joubert : La Direction des ressources humaines, pour tous les aspects numériques et informatiques.

Frédéric Couchet : D’accord. Et est-ce que c’est la première structure qui existe sur ce sujet ?

Laurent Joubert : La DINSIC a été créée en 2011, elle est donc assez récente. Elle est passée par différentes étapes. En 2014, il y a eu la création du SI unique de l’État ; ça c’est une étape importante.

Frédéric Couchet : Du SI unique, du système d’information unique.

Laurent Joubert : Du système d’information unique de l’État parce que jusque-là on avait des systèmes d’information ministériels. À partir de 2014, il y a cette création du système d’information unique de l’État qui a été rattaché sous l’autorité du Premier ministre. Et puis, en 2015, on a rajouté un « N » à DISIC, qui est devenu DINSIC, pour « numérique » et le « N » a été aussi le rattachement d’Etalab et de l’incubateur de start-ups d’État qui s’appelle beta.gouv.fr.
Depuis nous sommes cette entité et nous nous occupons non plus que des systèmes d’information mais aussi du numérique, globalement, pour les administrations centrales.

Frédéric Couchet : D’accord. Avant de passer la parole à Mathilde justement pour la partie mission Etalab, je voudrais rappeler quand même qu’il y a un historique quand assez fort, en fait, des agences de l’État autour, on va dire, de l’informatique, etc., parce que la première agence a été créée – il y a des évolutions aujourd’hui c’est intéressant de le voir – en 98, c’est la Mission interministérielle de soutien technique pour le développement des technologies de l’information et de la communication dans l’administration, c’est la MTIC pour les personnes qui s’en souviennent. Je crois me souvenir qu’à l’époque son directeur était Jean-Pierre Dardayrol et ensuite il y a un certain nombre de structures qui se sont succédé : il y a eu l’Agence pour le développement de l’administration électronique, la Direction générale de modernisation de l’État, il y eu l’ATICA ; ATICA, j’avoue que j’ai un trou de mémoire sur ce que ça veut dire [Agence pour les technologies de l’information et de la communication dans l’administration, NdT]. En tout cas ce n’est pas récent, c’est une suite logique avec une évolution, effectivement, qui semble importante. Ce que tu as dit tout à l’heure c’est le système d’information de l’État, c’est le rôle de plus en plus central, finalement, de cette agence par rapport aux autres agences où, de mémoire, le rôle notamment avec les deux autres directions des systèmes d’information des ministères était plus souple ou en tout cas l’Agence avait « moins de pouvoirs » entre guillemets, moins de rôles par rapport à ces directions de systèmes d’information de chaque ministère.

Laurent Joubert : C’était plus à côté. Là, avec la DISIC en 2011, il y a bien la création de cette DSI Group. On pourrait résumer à trois missions :

  • on a une mission d’autorité, donc ça c’est assez important, on peut édicter un peu des règles auprès des autres DSI ministérielles ;
  • on a un rôle d’accompagnement pour permettre, justement, d’accompagner les réformes et d’être capable de mener des grands projets informatiques
  • et on a un rôle de ressources où on est là aussi pour proposer concrètement des aides. Donc ça c’est important.

Frédéric Couchet : D’accord. Tu as parlé de la mission Etalab. Mathilde Bras, est-ce que tu peux nous présenter la mission Etalab, son rôle et ses objectifs ?

Mathilde Bras : Bien sûr. La mission Etalab, comme l’a rappelé Laurent, a rejoint ou elle a été intégrée dans la DINSIC en 2015, mais elle a également été créée en 2011 ; elle était, à l’époque, directement placée sous l’autorité du Premier ministre. C’est un peu comme la DINSIC, ses fonctions ont évolué au cours du temps.
À l’origine, la première mission cœur d’Etalab était de favoriser l’ouverture des données publiques vu qu’en 2008 on avait eu la conférence de Sébastopol sur l’ouverture des données publiques au niveau international. Il a fallu ensuite pouvoir développer cette politique d’open data,excusez-moi de l’anglais, on l’utilise beaucoup, donc cette politique d’open data au niveau national.
En effet le premier développement de la mission Etalab ça a été vraiment de mettre en place cette politique d’open data qui a commencé, finalement, par beaucoup de pédagogie et la construction de la plateforme data.gouv.fr, qui est la plateforme interministérielle qui recense l’ensemble des données produites et circuler au cœur de l’administration. Au cours du temps, via les rapprochements avec la DISIC et alors même qu’on était quand même en France et en Europe en train de voir le numérique évoluer et rentrer de plus en plus dans notre quotidien, on a trouvé utile et bénéfique d’intégrer Etalab dans la DINSIC. Au cours de cette intégration, donc depuis l’année 2015, plusieurs missions ont été rajoutées au portefeuille d’Etalab afin d’incarner également les trois grosses missions de la DINSIC, donc l’autorité : on a participé de manière très active à la rédaction de la loi pour une République numérique.

Frédéric Couchet : De 2016.

Mathilde Bras : De 2016, exactement, et maintenant nous sommes en charge d’accompagner les ministères à appliquer cette nouvelle réglementation : on accompagne, finalement, également les ministères autour de la mise en œuvre de la loi pour une République numérique. On a intégré la fonction de l’administration générale des données, qui ne concerne plus, non plus, l’ouverture des données publiques mais la circulation des données entre les administrations, ce qui est le cœur lorsqu’il faut moderniser des services publics.
On a également pris des fonctions autour de l’innovation, puisqu’en parallèle des missions de l’incubateur des start-ups d’État on a créé le programme « Entrepreneur.e d’Intérêt Général ».
Enfin, pour terminer, on est également pourvoyeur de ressources et d’outils, puisqu’en plus de la plateforme data-gouv.fr on met en place des produits, des micros petits outils qui permettent de faciliter l’exploitation des données et la mise en place de services.

Frédéric Couchet : D’accord. Laurent, oui.

Laurent Joubert : Peut-être pour compléter, il y a un point qui est important parce qu’il y a beaucoup de fausses idées sur la DINSIC aussi, ce qu’il est intéressant de voir c’est qu’on est un plus d’une centaine.

Frédéric Couchet : Justement ça tombe bien, j’avais une question sur les effectifs actuels et les effectifs à venir. Une centaine actuellement.

Laurent Joubert : Un peu plus d’une certaine, on doit être précisément à 140, là. Il faut voir que par rapport aux différentes missions on est découpé en trois tiers. Il y a un tiers qui concerne le service à compétence nationale du réseau interministériel d’État ; ça c’est un réseau qui est propre pour connecter les différentes administrations entre elles. Il y a un tiers qui regroupe toutes les fonctions, je dirais plus DSI stratégique, et un tiers qui concerne les effectifs sur la mission Etalab et l’incubateur.

Frédéric Couchet : D’accord. Est-ce que tu as une idée, en comparaison par rapport à d’autres structures dans d’autres pays, je pense par exemple à l’Estonie ; c’est peut-être une question piège, si tu ne sais pas ce n’est pas grave. Est-ce que vous avez une idée, tous les deux, du nombre de personnes qui travaillent dans ces structures par exemple en Estonie ou ailleurs, en Angleterre ?

Mathilde Bras : En termes d’échelle c’est difficile de comparer avec l’Estonie parce que c’est un pays qui est plus petit et le modèle est différent.

Frédéric Couchet : C’est vrai.

Mathilde Bras : J’imagine, mais je ne suis pas du tout sûre de moi, je pense qu’ils sont moins que nous en d’effectifs.

Laurent Joubert : On a fait des mesures, comme ça, avec d’autres pays : typiquement si on se compare aux Anglo-saxons, avec la partie GDS en Angleterre.

Frédéric Couchet : C’est quoi GDS ?

Mathilde Bras : Government Digital Service, c’est l’équivalent de la DINSIC au niveau du Premier ministre.

Frédéric Couchet : D’accord.

Laurent Joubert : Ou aux États-Unis, ils sont proportionnellement un peu plus nombreux, avec des missions aussi un peu plus larges, donc ça peut aller jusqu’à quatre-cinq fois la taille de ce que peut être la DINSIC.

Frédéric Couchet : D’accord. Là vous estimez, finalement, que les équipes DINSIC sont suffisantes, peut-être, pour établir les missions. Est-ce qu’il faudrait encore plus de personnes ? Est-ce qu’il y a des prévisions de recrutement dans les années à venir parce que, finalement, l’informatique, le numérique, prend de plus en plus part ? Est-ce qu’il y a des prévisions, tout simplement, ou pas du tout ?

Mathilde Bras : On n’a pas la connaissance de prévisions très précises. En tout cas, ce qui est sûr c’est que, quand on voit l’évolution de la DINSIC depuis 2011, on peut s’imaginer qu’on va s’adapter aussi aux futures évolutions du numérique dans l’administration. C’est vrai que quand on voit aussi, même les nouveaux types de recrutement qui sont effectués dans l’administration, pas que dans la DINSIC, on voit bien que de plus en plus de métiers dans l’administration vont avoir trait au numérique et à l’innovation, en tout cas en termes chiffrés.

Laurent Joubert : Aujourd’hui il y a beaucoup d’attente autour du numérique en général. Que de soit dans les ministères ou au sein de la DINSIC il y a effectivement une volonté d’aller promouvoir le numérique. Maintenant, concrètement où vont se situer les effectifs, comment est-ce que ça va être réparti ? Il n’y a pas encore de plan, en tout cas, il n’y a pas d’augmentation prévue pour l’instant.

Frédéric Couchet : D’accord. On a eu une première présentation. Est-ce que tu as une question Étienne, n’hésite pas à la dire.

Étienne Gonnu : Je pense que ça sera abordé plus dans la réflexion « Entrepreneur.e d’Intérêt Général », mais vous parlez beaucoup d’incubateur de start-ups d’État. C’est vrai que la notion de start-up est assez, comment dire, politiquement orientée maintenant, du moins elle est quand même beaucoup utilisée, et je pense que start-up d’État est quand même un objet assez à part. Je pense que ça peut être intéressant de développer sur cette notion.

Mathilde Bras : Oui, si vous le souhaitez. Donc « start-up d’État » en effet ça peut paraître un peu antinomique, tout comme « entrepreneur d’intérêt général » et finalement c’est le but d’avoir créé ces mots-là pour montrer qu’en fait dans l’État, dans le service public, on pouvait aussi adapter des méthodologies pour débureaucratiser un tout petit peu le service public. Donc l’idée d’une start-up d’État est très simple c’est de se dire qu’aujourd’hui il y a des agents publics qui rencontrent dans leur quotidien et dans l’application de leur mission un certain nombre d’irritants qui font qu’ils n’ont pas le sentiment de mener à bien leur mission.
Par exemple, une start-up d’État qui est assez emblématique, qui s’appelle mes-aides.gouv.fr, ça vient du ministère des Affaires sociales, qui fait le constat que le taux de non recours aux aides sociales est très élevé, donc qu’il faut trouver un moyen de faire parvenir à ceux qui le nécessitent les bonnes informations sur les démarches à effectuer pour recevoir ces aides. À partir de cet irritant, le service que propose beta.gouv.fr, c’est d’exfiltrer cet agent public de son administration et, en un temps très court, pouvoir construire un produit qui prend en compte cet irritant et améliore le service auprès d’un usager.
Après il y a toute une méthodologie qui est mise en place par beta.gouv.fr pour mettre en place un produit rapidement, pour faire des tests utilisateurs et pour déployer un certain marché – ce n’est pas vraiment le terme puisqu’on est dans le service public –, mais pour trouver de plus en plus d’utilisateurs et, à partir de leurs retours, améliorer ce produit et faire en sorte qu’un service public numérique devienne le service public amélioré.

Laurent Joubert : À ce propos la méthodologie est ouverte et toutes les administrations ont aussi la possibilité de la consulter, de s’y former. Maintenant effectivement, le terme « start-up d’État » peut prêter à confusion et c’est sûr qu’aujourd’hui on ne le nommerait peut-être pas exactement de la même manière. Ce qu’il est intéressant de voir c’est que c’est vraiment la volonté d’aller résoudre un irritant et d’avoir des méthodologies un peu modernes pour résoudre un problème concret.

Mathilde Bras : Voilà. Et se dire qu’on évite de faire des cahiers des charges très longs, très coûteux, qui finalement font aboutir à une solution qui n’est pas adaptée aux utilisateurs. C’est pour ça qu’on essaye aussi d’interpeller l’administration autour de ces termes-là puisqu’on voit, dans les administrations qu’on accompagne, qu’il y a beaucoup de croyances sur ce que veut dire être entrepreneur, créer une start-up et, du coup, nous on permet de donner des clefs à ces administrations-là pour développer der nouvelles méthodes.

Frédéric Couchet : En quelque sorte, c’est la mise en œuvre du développement agile, finalement, pour résoudre des problèmes.

Mathilde Bras : Il y a en effet une grande philosophie autour de l’agilité au sein de l’incubateur, mais il y a d’autre philosophies qui complètent, en effet, cette méthodologie.

Frédéric Couchet : OK. Après avoir parlé de ces irritants, c’est un mot que j’aime beaucoup, on va faire une pause musicale. On va écouter Optimism de l’album Owl Faces par Minda Lacy et on se retrouve juste après.

[Pause musicale Optimism de l’album Owl Faces par Minda Lacy]

34’ 50

Frédéric Couchet : Excusez-moi, je viens de louper le retour ; ce sont les joies du direct ! Nous venons d’écouter Optimism de l’album Owl Faces par Minda Lacy. C’est une musique qui est disponible en licence CC By-SA et dont vous retrouvez la référence évidemment sur l’April.

Vous écoutez l’émission Libre à Vous ! sur radio cause commune, 93.1 en Île-de-France, et partout ailleurs sur le site causecommune.fm. Libre à Vous ! c’est l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.
Juste avant la pause nous parlions de la DINSIC et d’Etalab avec Laurent Joubert, Mathilde Bras et mon collègue Étienne Gonnu. On a eu une présentation générale. Maintenant on va essayer de parler un peu plus en détail de la place du logiciel libre dans la stratégie de la DINSIC et d’Etalab à travers divers différents sujets : politique de contribution ; on parlera aussi d’« Entrepreneur.e d’Intérêt Général », quelle est la place du logiciel libre ; les Blue Hats, le projet Blue Hats ; on nous expliquera ce que c’est que le projet Blue Hats.
Laurent par quoi souhaites-tu commencer, Laurent Joubert, sur cette place du logiciel libre ? Je vais commencer par une question peut-être plus directe : à l’April nous défendons une politique volontariste en faveur du logiciel libre qui est évidemment celle de la priorité au logiciel libre. Est-ce qu’au niveau de la DINSIC-Etalab est-ce que c’est la priorité au logiciel libre ou est-ce que c’est une autre stratégie qui est mise en œuvre ?

Laurent Joubert : Pour répondre directement à cette question, aujourd’hui, notamment dans la loi République numérique de 2016, il y a effectivement un encouragement au logiciel libre et aux standards ouverts qui est proposé. Il y a eu beaucoup de débats justement sur la position. Ce qui est intéressant de retenir c’est que côté DINSIC on met vraiment en avant la valeur d’usage et on ne souhaite pas être dogmatique sur cette partie-là. Ce qui compte avant tout c’est la valeur d’usage pour le citoyen, pour l’usager et être sûr que ça réponde aux différentes besoins. Donc là, en fonction des différents sujets, on peut être amené à prendre différents choix. On ne veut pas être dogmatique, mais ce qui est intéressant c’est qu’on souhaite, quand même, que le Libre soit systématiquement évalué en tout cas. Pourquoi ? Parce que, d’une manière générale, le Libre a quand même beaucoup de caractéristiques intrinsèques qui collent bien au service public.

Frédéric Couchet : C’est ce que j’allais dire. Tu parles de valeur d’usage, etc., mais j’aurais tendance à dire que le logiciel libre c’est ce qui cadre vraiment avec la valeur d’usage pour les personnes.

Laurent Joubert : Oui. Donc on retrouve un petit peu ces caractéristiques intrinsèques de transparence, la possibilité de le modifier, la possibilité de l’étudier. Ça c’est important. Par rapport aussi aux questions qu’on a pu se poser sur la première partie de l’émission sur les transcriptions, avoir cette capacité de redevabilité des administrations vis-à-vis des citoyens et de la transparence, eh bien ça passe par le code source. Donc c’est vrai que cette capacité-là est importante. Si on remonte un petit peu même en théorie sur, je dirais, les principes d’un service public, ne serait-ce qu’en termes de continuité, eh bien le logiciel libre apporte des garanties : on n’est pas lié à un éditeur particulier. Donc ne serait-ce que pour garantir un service public numérique, s’appuyer sur un logiciel libre ça permet une certaine indépendance, une certaine pérennité qui sont autant d’attraits et d’atouts pour délivrer un service public.
Donc voilà ! On est sur une approche non dogmatique, on encourage le logiciel libre et les standards ouverts. Maintenant, effectivement, ce n’est pas exclusif et il n’y a pas une priorité forte ou marquée au logiciel libre.

Frédéric Couchet : D’accord. Donc il n’y a pas de priorité mais effectivement il y a une démarche qui est, quand même, plutôt positive. Comment concrètement elle se met en œuvre ? Quels sont les outils qui sont utilisés aujourd’hui à la DINSIC ou à la mission Etalab dans ce cadre ?

Laurent Joubert : Si on fait un petit historique, quand même, sans remonter à 1998, etc., ce qu’il faut voir c’est que du fait de ces caractéristiques-là, ça fait quand même longtemps que le secteur public s’intéresse au Libre et particulièrement en France. Quelque part c’est un point qui est positif.

Frédéric Couchet : La France a été précurseur effectivement.

Laurent Joubert : On est précurseur au niveau international. Concrètement parlant ça s’est traduit, je pense, par la création de marchés de support logiciel libre assez tôt dans les années 2000 et je pense que l’élément un peu fondateur ça a été la circulaire Ayrault de 2012 qui a quand même été une circulaire signée par un Premier ministre où on évoque, justement, le logiciel libre, on constitue la création de communautés internes à l’État sur la bureautique, les développements, l’environnement de travail. Ça ce sont déjà des premiers aspects concrets.

Frédéric Couchet : La circulaire Ayrault c’est la circulaire intitulée « Sur le bon usage des logiciels libres dans l’administration », qui était effectivement signée par le Premier ministre de l’époque, Jean-Marc Ayrault, et qui était issue des travaux, à l’époque ça devait s’appeler la DISIC, qui était, à l’époque, dirigée par Jérôme Filippini.

Laurent Joubert : Tout à fait.

Frédéric Couchet : Effectivement il n’y avait pas de priorité au logiciel libre dans cette circulaire, mais c’était, finalement, des bonnes pratiques à mettre en œuvre. C’est vrai qu’à l’époque nous on avait salué cette circulaire comme vraiment un point très important, une marque très importante dans la prise en compte du logiciel libre et des bonnes pratiques de logiciel libre dans les administrations.

Laurent Joubert : L’April en avait même fait une traduction anglaise officieuse.

Frédéric Couchet : Exactement ! Je ne m’en souvenais pas ! Merci Laurent, effectivement.

Laurent Joubert : Ça c’est un point important. Ce qu’il faut retenir aussi de cette circulaire-là c’est qu’elle était majoritairement, pas que, mais majoritairement axée sur la consommation de logiciels libres au sein de l’administration. On était vraiment dans une logique d’utilisation de logiciels libres pour rendre les services publics. Peut-être que ce qui est intéressant de noter c’est qu’aujourd’hui on est en train d’opérer un changement culturel et on essaye de plus en plus d’aller vers une logique de contribution.

Frédéric Couchet : D’accord. Ça c’est la politique de contribution au logiciel libre. Dans l’informatique, effectivement, on peut consommer de l’informatique et on peut aussi produire de l’informatique. C’est vrai qu’historiquement, dans l’administration, de nombreux logiciels sont produits aussi par les prestataires, je pense qu’on en parlera. Aujourd’hui il y a une politique de contribution formelle en faveur du logiciel libre qui est mise en place par la DINSIC avec un document dont la première version, si je me souviens bien, mais tu me corrigeras, date de l’an dernier, de 2018.

Laurent Joubert : Tout à fait.

Frédéric Couchet : D’accord. Donc cette politique de contribution, en quelques mots ? Je précise qu’on consacrera une seconde émission à ce sujet-là, plus en détail, notamment avec Bastien Guerry qui est référent logiciel libre au sein de la mission Etalab, courant février je pense, mais en quelques mots qu’est-ce que c’est que cette politique de contribution ? Quels sont ses objectifs ?

Laurent Joubert : Peut-être avant d’aller sur les objectifs de cette politique en tant que telle, les objectifs du logiciel libre pour nous, c’est aussi de gagner en maîtrise de notre système d’information ; ça c’est quand même un point important. En termes d’efficience, aussi, sur tout ce qui est mutualisation de code, donc être capable d’aller plus en mutualisation des différents projets et bénéficier des réutisabilités du logiciel libre. Je pense qu’il y a aussi un objectif en termes de recrutement ou de ressources humaines, parce que, quelque part, le logiciel libre c’est aussi un moyen de valoriser les compétences des développeurs internes et donc de montrer, en fait, la valeur que peut avoir un agent à travailler sur ce type de logiciel. Donc on a beaucoup de cibles qui sont identifiées sur cette partie logiciel libre dont une qui est un peu la quintessence du tout mais qui est quand même favoriser la démocratie, être capable, on va reprendre le Code is Law, mais être capable, par ces logiciels en prenant des exemples comme APB, Admission Post-bac où on a vu, en fait, que de plus en plus le code pouvait influer sur des décisions qui concernent la vie des gens. Ça c’est aussi le sens de l’intérêt général et du service public.

Frédéric Couchet : Code is Law, pour rappeler, c’est le tire d’un livre de Lawrence Lessig, c’est un des livres préférés d’Étienne Gonnu donc tu lui fais plaisir.
Ça c’est partie DINSIC. On va revenir évidemment sur la DINSIC. Côté Etalab Mathilde, tout à l’heure, tu as parlé du programme « Entrepreneur.e d’Intérêt Général ». Est-ce que tu peux nous décrire ce que c’est, quels sont les objectifs et quelle est la place, évidemment, du logiciel libre dans ce programme. Est-ce qu’elle est petite, grande ?

Mathilde Bras : Absolument. Le programme « Entrepreneur.e d’Intérêt Général » c’est un programme qu’on a créé il y a maintenant deux ans et l’objectif c’est de pouvoir attirer des personnes qui savent coder, qui savent faire du design, qui savent analyser des données, les exploiter et les restituer, au sein de l’administration afin d’améliorer son fonctionnement. Donc on est sur un programme d’attractivité de ressources humaines, parce qu’aujourd’hui, un des plus grands problèmes de l’administration c’est quand il s’agit de recruter des personnes qui pourraient avoir vocation à travailler dans le privé, il est très difficile de les attirer avec des fiches de poste et des salaires. Donc le programme « Entrepreneur.e d’Intérêt Général » essaye de répondre un peu à cette problématique.
L’idée c’est qu’on sélectionne au sein de plusieurs ministères des projets qui ont trait à l’exploitation des données, à l’amélioration de services et que, ensuite, on recrute tous les ans une promotion de 30 entrepreneurs qui ne pensaient peut-être pas entrer un jour dans le service public et qui consacrent dix mois pour résoudre des défis au sein des ministères dont les projets ont été sélectionnés.
En fait, une des valeurs du programme c’est l’ouverture, donc ça a beaucoup de sens : l’ouverture à des nouveaux talents, mais l’ouverture des codes sources.
L’obligation des ministères qui font partie de ce programme c’est que toutes les ressources qui sont produites sont en logiciel libre.

Frédéric Couchet : Donc c’est une obligation du programme « Entrepreneur.e d’Intérêt Général ».

Mathilde Bras : C’est une obligation, exactement.

Frédéric Couchet : D’accord.

Mathilde Bras : Donc ça en fait une force assez importante puisque, depuis la création du programme, on a dépôt en l’occurrence sur GitHub, mea culpa, où on a l’ensemble des codes qui sont développés par les entrepreneurs d’intérêt général et qui, d’ailleurs, sont assez efficaces et assez puissants puisque d’une promotion d’« Entrepreneur.e d’Intérêt Général » à l’autre, des scripts et des librairies qui sont créés par les entrepreneurs d’intérêt général sont réutilisés. Donc on crée aussi des potentiels pour mutualiser des outils. Typiquement quand on parle d’analyse de données, de data science, aujourd’hui on a besoin d’avoir des méthodes pour faire des graphes qui font des relations entre les données, on a besoin d’avoir des méthodologies pour pseudonymiser des données ou pour indexer des données. Aujourd’hui ce qui est produit par ces entrepreneurs d’intérêt général peut servir d’un usage à l’autre dans l’administration.
Pourquoi je raconte ça ? C’est parce que ces exemples-là démontrent aussi la force, on va dire même financière, du logiciel libre dans l’administration, c’est qu’on peut éviter de construire deux fois les mêmes outils , lorsqu’il y en a un qui a été créé en très peu de temps par une personne qui était volontaire pour rejoindre le service public.
En résumé, dans le programme « Entrepreneur.e d’Intérêt Général » le logiciel libre est un pilier et peut-être plus largement au sein d’Etalab, c’est la petite incise que je voulais faire pour continuer les questions.

Frédéric Couchet : Vas-y !

Mathilde Bras : Ce qui est assez fort c’est qu’il y a quand même une culture du logiciel libre qui est très ancrée puisque la plupart des membres d’Etalab sont plutôt libristes, même s’il y a des débats entre nous ça c’est super intéressant. Depuis la loi pour une République numérique, Laurent l’a rappelé, l’ouverture des codes sources fait partie des obligations au titre de cette loi. Du coup, depuis, on entreprend pas mal de travaux avec des administrations qui souhaitent volontairement ouvrir des codes sources qui prennent des décisions individuelles. Par exemple Laurent a évoqué Admission Post Bac, on a entrepris récemment l’ouverture du code source de la taxe d’habitation pour expliciter la façon dont celle-ci est calculée ; vous allez me dire qu’elle va bientôt être supprimée, elle ne va pas être totalement supprimée. Par ailleurs ça permet aussi de comprendre les tenants et les aboutissants, en fait, du calcul de cette taxe.

47’ 30

Frédéric Couchet : C’est intéressant parce que ça me fait venir plein de questions. Je vais toutes les envoyer à la fois et ça va vous concerner tous les deux. Déjà sur application [admission] Post-Bac, effectivement, on va rappeler qu’on a des progrès aujourd’hui. Tu as cité une plateforme d’hébergement de code, aujourd’hui l’État met directement en ligne sur une plateforme d’hébergement de code son code. En 2016, je rappelle que la première version d’APB, Admission Post-bac avait été envoyée en version imprimée. Deux ans plus tard il y a quelques progrès. J’ai plusieurs questions. Une question qui est en lien avec les contrats. Tu viens de nous dire que les « Entrepreneur.e d’Intérêt Général », entendons-nous bien le terme « entrepreneur » est un terme neutre qui intègre toutes les personnes quel que soit leur genre, c’est dix mois, ce sont des CDD. J’ai plusieurs questions est-ce que ces personnes ont vocation après à rester dans l’administration ? Une autre question c’est pourquoi faire le choix de recruter des gens compétents en CDD très courts plutôt que sur des contrats pérennes parce que, finalement, les besoins en informatique au niveau de l’État ne vont pas diminuer mais au contraire vont augmenter ?
Tu as cité GitHub qui est une plateforme d’hébergement de code qui appartient aujourd’hui à Microsoft. Est-ce que dans les projets de l’État, c’est une question peut-être aussi pour Laurent, est-ce qu’on va avoir un code.gouv.fr, c’est-à-dire une plateforme pour que l’État héberge ses propres codes ? Voilà ! Quelques questions pour vous deux qui me viennent à l’esprit après cette intervention.

Mathilde Bras : Je commence par les deux premières questions. Les « Entrepreneur.e d’Intérêt Général » est-ce qu’ils ont vocation à rester dans l’administration ? En fait, quand on a créé le programme, on ne s’était pas trop posé cette question-là puisqu’on a été vraiment en expérimentation également sur de nouvelles manières de recruter. Il s’avère que la première promotion comptait un peu moins de 15 entrepreneurs et, sur ces 15 personnes, il y en a trois qui ont rejoint l’administration et plusieurs qui ont continué à interagir de près ou de loin avec l’administration en tant que free-lance ou au sein d’associations. Donc il y a une certaine continuité. Cette année, la deuxième promotion s’est arrêtée il y a quelques semaines, il y en a certains qui continuent. Donc l’enjeu c’est qu’on se rend compte aujourd’hui qu’il y a une vraie force de ce programme pour créer de nouveaux parcours au sein de l’administration.
Il faut encore l’outiller parce que, et ça fait le lien avec votre deuxième question, aujourd’hui on fait des contrats de dix mois pour des raisons très simples c’est que ça nous permet de recruter rapidement et sans passer par des contrôles budgétaires que je n’expliciterais pas parce que c’est trop compliqué, mais en tout cas ça nous permet d’aller vite et de passer un peu outre les règles classiques. On est vraiment, d’une certaine manière, dans une zone dématérialisée du recrutement dans l’État et c’est ce qui est aussi très agréable parce que, du coup, comme c’est présenté un peu comme un concours, on ne publie des fiches de poste incompréhensibles, on publie une mission.

Frédéric Couchet : Un objectif, un projet.

Mathilde Bras : Un objectif, un projet ; on présente l’équipe, etc. Donc on accélère tout ça. Ça dure dix mois pour ces raisons, un petit peu, de démilitarisation. Est-ce que ça a vocation à être pérenne ? On l’espère parce que, du coup, on expérimente depuis deux ans, bientôt trois, un nouveau modèle de recrutement. Après il faut que ça continue à s’éprouver et en fait, ce qui est intéressant, c’est qu’aujourd’hui il y a des ministères qui font appel à nous plutôt un peu en continu pour nous demander des conseils sur la manière de recruter un développeur ou une développeuse, une designer, des data scientists, etc. Donc on voit bien qu’on a trouvé un certain modèle de recrutement qui peut être intéressant au-delà même du programme. Je laisse la parole à Laurent sur code.gouv.

Frédéric Couchet : Laurent Joubert.

Laurent Joubert : Pour compléter aussi, ce qui peut être intéressant c’est que c’est une première étape donc ça permet, en fait, d’avoir quelqu’un pendant dix mois et de proposer un indépendant qui n’a pas forcément, je dirais, des revenus stables dans le temps, d’avoir là, pendant dix mois, une fiche de paye et ensuite, grâce à ça, pouvoir être recruté dans l’administration. Il y a deux moyens de rejoindre l’administration c’est soit sur concours soit par contrat et, par contrat, en tant qu’indépendant, s’il y a des variations importantes d’un mois sur l’autre, c’est assez difficile pour l’administration d’être capable d’établir un contrat. Là, notamment pour des profils un peu plus slashers, donc qui ont l’habitude de passer d’une activité à une autre régulièrement.

Frédéric Couchet : Slashers ? Je ne connaissais pas ce terme. Je dois être vieux !

Laurent Joubert : Ça permet de recruter des profils un peu atypiques

Mathilde Bras : C’est quand les gens se présentent en disant « je suis – on va dire – développeur slash chef de projet ; slasher. Des gens qui font de la pluriactivité mais dans le temps.

Frédéric Couchet : Merci Mathidle. OK. Donc ma question sur Github ou, pour être plus positif, sur un futur code, il y a un data.gouv.fr, comme l’a dit Mathilde en introduction, est-ce qu’il y aura bientôt un code.gouv.fr ? Et je complète ma question, est-ce qu’on a une idée aujourd’hui de la volumétrie des projets qui sont mis sur GitHub ou Framagit, parce que je crois que vous utilisez aussi Framagit, par l’administration ? Est-ce qu’on sait déjà combien il y en a, en fait ?

Laurent Joubert : Oui. Il y a un recensement qui est en cours, en fait. Le premier point, peut-être : il y a cette politique de contribution qui est un document important parce que c’est un document officiel, c’est un document qui fait autorité sur une doctrine de publication et de contribution à des projets libres existants pour tous les informaticiens de l’État qu’ils soient agents titulaires ou contractuels. Ça, déjà, c’est un point important et qui cadre aussi la capacité des prestataires, donc des sociétés de services qui travaillent pour l’État et comment est-ce qu’elles peuvent contribuer à des logiciels libres. Ce document fait autorité. C’était important de le publier parce qu’il y avait beaucoup de verrous peut-être psychologiques ou autres, mais tant que les choses ne sont pas explicitement autorisées dans l’administration, ça peut créer une certaine confusion donc la politique de contribution y répond.

Frédéric Couchet : D’ailleurs, si je me souviens bien, l’une des forces, enfin l’un des points très positifs de la circulaire Ayrault de 2012, c’est d’avoir donné une légitimité, une sorte de protection aux agents de l’État qui faisaient du logiciel libre parce que, tout d’un coup, ça devenait un document signé par le Premier ministre de l’époque.

Laurent Joubert : Tout à fait. Là, un des objectifs de la politique de contribution, c’est aussi de valoriser de valoriser et de reconnaître l’agent qui contribue pour montrer qu’effectivement, évidemment tant que ça rentre dans le cadre de ses missions, mais que c’est quelque chose d’intéressant et le fait de coder en mode ouvert, c’est quelque chose de positif, c’est quelque chose sur lequel les autres agents vont pouvoir capitaliser donc il y a toutes ces pratiques-là qui sont insérées. Il y a deux parties importantes dans la politique de contribution : des principes un peu génériques et vraiment des modalités pratiques qui sont à mettre en œuvre pour pouvoir facilement contribuer ou publier un nouveau code source en logiciel libre.

Frédéric Couchet : Je suppose qu’il y a des conseils sur les licences à choisir ou, en tout cas, les choses à vérifier. Si, par exemple, on contribue à un code qui est déjà sur une licence, je suppose qu’il y a des relations aussi avec les prestataires parce que, évidemment, beaucoup de code dans l’administration est développé par les prestataires donc il faut obtenir, effectivement, un transfert de droits pour la mise sous licence libre ; des choses qui n’étaient pas pensées dès le départ dans les années avant.

Laurent Joubert : La vocation de cette politique de contribution est vraiment de s’adresser aux développeurs.

Frédéric Couchet : De l’administration ?

Laurent Joubert : De l’administration ou de la société de services qui travaille sur un projet de l’administration.

Frédéric Couchet : D’accord.

Laurent Joubert : C’est très pragmatique là-dessus. Elle nécessite un certain nombre de prérequis comme la gestion de clauses contractuelles pour vérifier qu’effectivement la possibilité de publier en logiciel libre est inclue dans le contrat. En tout cas c’est un document qui officialise les bonnes pratiques sur la contribution d’un développeur.

Frédéric Couchet : Et ce document est disponible à quel endroit ?

Laurent Joubert : Le document est sur numerique.gouv.fr.

Frédéric Couchet : D’accord. Donc sur numerique.gouv.fr et, si je ne me suis pas trompé, j’ai mis la référence sur la page de l’April donc vous pouvez retrouver ce document qui doit faire une quinzaine de pages si je me souviens bien, 20 pages ?

Laurent Joubert : C’est un document web, en plus, on n’a pas fait un PDF.

Frédéric Couchet : C’est un document web. J’en ai une version PDF. Donc en tout cas sur numerique.gouv.fr.

Laurent Joubert : Tout à fait. Et qu’il est possible d’ailleurs d’amender, de corriger. Si jamais il y a des coquilles vous pouvez contribuer.

Frédéric Couchet : À l’époque il y avait eu un appel à contributions, de façon ouverte, effectivement avant la rédaction finale. Je te laisse poursuivre.

Laurent Joubert : Tout à fait. Sur la partie licence il y a une certaine contrainte parce que, d’un point de vue autorité, il y a un décret qui autorise en fait pour la publication de nouveaux codes sources un certain nombre de licences. L’objectif ce n’était pas d’être dans une logique de prolifération de licences libres, donc il y a deux familles de licences qui sont autorisées : les familles permissives et les licences avec obligation de réciprocité. On ne va pas aller dans le détail technique.

Frédéric Couchet : On entrera dans ce détail technique lors d’une prochaine émission avec notamment Bastien Guerry, référent logiciel libre à Etalab. Effectivement c’est un décret qui fait suite à la loi pour la République numérique et qui précise les types de licences autorisés et dans ces types de licences le nom des licences qui ont été listées.

Laurent Joubert : Ça c’est important. Il y a le volet autorité qui est hors politique de contribution. La politique de contribution donne quelques orientations sur le choix de la licence, si jamais, justement, il faut plutôt s’orienter vers une licence avec obligation de réciprocité ou plutôt sur une licence permissive.
Sur la partie de l’entrepôt des codes sources, des forges, de l’emplacement où on peut collaborer, le point qui a été retenu c’est que du moment qu’on est sur du logiciel libre, ce qui est important c’est d’être capable d’interagir avec d’autres développeurs. Le mot d’ordre qu’on a retenu après pas mal de discussions qui ont été menées notamment à l’international avec d’autres États aussi parce que c’est une politique de contribution qui n’a pas été faite uniquement du côté franco-français, c’est de pouvoir en fait choisir n’importe quelle plateforme, l’idée c’est ça, où on va trouver les contributeurs qui peuvent venir sur le projet. Donc GitHub est effectivement une des plateformes de référence sur le sujet, mais en fait il n’y a pas de restriction spécifique. Si vous voulez être sur la forge Framagit, OW2, GitLab, FSFE, que sais-je, en fait ce qui est important c’est : on va mettre en avant les capacités sociales de trouver les contributeurs.
Le code est ouvert donc en termes de réversibilité il y a quand même la possibilité de le reprendre, de le retravailler, de le passer sur une autre instance. Peut-être un partenariat qui est intéressant à souligner, c’est le partenariat qui a été fait avec Software Heritage qui est, en fait, la bibliothèque d’Alexandrie des codes sources et pour lesquels, justement, ils vont archiver les dépôts de code publiés par l’administration et ça a vocation à être centralisé et justement à donner un petit peu cette réversibilité pour garantir qu’on ne perdra jamais les codes ou l’historique de ces codes parce que Software Heritage garde aussi l’intégralité de l’historique. Donc voilà ! GitHub, pas GitHub, chacun est libre de sa décision. L’avantage de Git c’est d’être décentralisé. Il y a cette capacité-là, on en profite, on la met en avant et on laisse les chefs de projet choisir l’endroit où ils se sentent le plus à l’aise. La seule contrainte qu’on pose c’est d’être sur des comptes d’organisations. On ne veut pas être sur des comptes personnels qui ont vocation un petit peu à disparaître ou autre. Ça c’est important de pouvoir mettre une certaine forme de gouvernance sur la création de groupes d’organisations.

Frédéric Couchet : D’accord. Merci pour la réponse. L’un des défis donc c’est la création d’une communauté de contributeurs et je pense qu’on va en reparler après la pause musicale. Avant la pause je vais préciser que Software Heritage est un projet porté notamment par l’Inria et Roberto Di Cosmo. Nous aurons Roberto Di Cosmo dans Libre à vous !, je ne sais pas quand pour le moment mais en tout cas nous l’avons convié à venir pour présenter ce projet effectivement absolument magnifique.

Nous allons faire une pause musicale avant de revenir sur le sujet et de parler notamment de la contribution. Nous allons écouter La traverséede Max Livio avec Iko Tuff par Skunky Skanky. Je ne sais pas si j’arrive à le dire correctement et on se retrouve en tout cas juste après ça.

[Pause musicale : La traversée de Max Livio avec Iko Tuff par Skunky Skanky]

1 h 3 min 15

Frédéric Couchet : Vous êtes de retour sur radio Cause Commune 93.1 en Île-de-France et partout ailleurs sur le site causecommune.fm. Nous avons écouté La traversée de Max Livio, qui est disponible en licence CC By-SA. La référence est évidemment sur le site de l’April donc april.org.
Nous allons continuer notre sujet notre sujet avec Mathilde Bras, Étienne Gonnu et Laurent Joubert sur la « DSI de l’État » entre guillemets, la Direction informatique de l’État quelque part. Nous parlions juste avant la pause musicale de l’importance, plutôt du défi de créer des contributeurs, des contributeuses. Le logiciel libre ce n’est pas simplement du code, ce sont aussi des gens qui contribuent. Il y a un projet ou une initiative, je sais pas, tu vas nous dire peut-être Laurent, qui a été lancé récemment, qui s’appelle Blue Hats, donc « Hackers d’intérêt général ». Qu’est-ce que c’est que cette initiative, Laurent Joubert ?

Laurent Joubert : Tout à fait. C’est le référent logiciel libre de l’État, Bastien Guerry, qui a eu l’idée de Blue Hats. L’objectif c’est de fédérer toutes les personnes qui travaillent sur des projets d’intérêt général, des projets libres d’intérêt général. Le point qui est important c’est que ça ne se limite pas aux développeurs. Que vous soyez utilisateur, designer, data sceintist ou autre, l’objectif c’est de pouvoir permettre la création d’une communauté de gens qui travaillent sur des projets utilisés par l’administration ou qui pourraient être utilisés par l’administration et de favoriser aussi ces liens entre la sphère civile, la société civile et l’administration. L’objectif c’était un petit peu d’ouvrir les personnes qui travaillaient sur ces projets, leur permettre d’être reconnues à l’extérieur et d’attirer aussi des gens qui ont envie de s’impliquer, qui ont envie de travailler à l’intérêt général et, en fait, d’avoir un impact concret sur des projets pour que ce soit directement utilisé par l’administration. C’est vraiment l’objectif premier de la création de cette communauté.

Frédéric Couchet : D’accord. Donc c’est une création récente, quelques semaines je dirais.

Laurent Joubert : C’est un test.

Frédéric Couchet : C’est un test.

Laurent Joubert : Ça a été évoqué lors de la dernière émission et c’était juste avant le Paris Open Source Sunmmit, Caroline Corbal en avait parlé. Le point qui est important c’est effectivement qu’on reprend un petit peu une culture hacker avec le côté Blue Hats.

Frédéric Couchet : Chapeaux bleus.

Laurent Joubert : L’objectif ce n’était pas de faire de l’anglais, donc les chapeaux bleus, pour justement montrer que c’est quelque chose que tout le monde peut s’accaparer ou autre. Il y a ce côté hacker, c’est-à-dire ce côté je vais essayer de modifier et d’utiliser les règles existantes pour obtenir un impact direct au sein de l’administration. C’est en expérimentation aujourd’hui, on n’a pas la prétention d’en faire un mouvement ou quoi que ce soit, mais si des gens peuvent venir avec n’importe quel chapeau bleu au sein d’un évènement public pour dire « moi je suis mainteneur, je suis à l’origine d’un projet d’intérêt général et je souhaite pouvoir en discuter avec d’autres », ça me permet d’être identifié, ça me permet de discuter avec d’autres. En fait, on se rend compte que ces gens-là ont tous un fibre un peu spéciale, de vouloir travailler à l’intérêt général et donc créer cette communauté peut être vraiment bénéfique pour l’administration et la forcer, un petit peu, à s’ouvrir et à découvrir ce qui se passe en dehors des murs de l’administration centrale.

Frédéric Couchet : D’accord. Souvent on croit que le terme « hacker » ce sont des personnes très techniques, alors qu’en fait pas du tout. Mathilde Bras, est-ce que cette initiative Blue Hats, ce programme « Entrepreneur.e d’Intérêt Général », c’est réservé justement aux gens, aux personnes ayant des compétences techniques fortes ou, au contraire, est-ce que tout le monde peut participer ?

Mathilde Bras : Justement je pense que le programme « Hackers d’intérêt général » et « Entrepreneur.e d’Intérêt Général » c’est justement de pouvoir faire se rencontrer des mondes différents. Laurent a dit la société civile et l’administration et, au sein de l’administration, ce sont en effet des personnes qui ont des compétences techniques sur le numérique et d’autres qui ont des compétences techniques sur l’administration. Pour donner quelques exemples, au sein du programme « Entrepreneur.e d’Intérêt Général », on a eu des histoires assez incroyables où des personnes qui avaient une spécialité de métier, en l’occurrence c’était des archives, se sont initiées aux méthodes agiles, au développement numérique collaboratif, etc. Donc on voit bien que ces espaces, donc « Hackers d’intérêt général », « Entrepreneur.e d’Intérêt Général », sont des espaces de médiation pour aussi faire monter en compétences à la fois l’administration sur le numérique et les personnes plus compétentes en informatique sur l’administration. Donc c’est assez intéressant. Il y a un autre exemple qui personnellement me touche beaucoup, ce sont des anciens entrepreneurs d’intérêt général qui sont en train de monter une association sur la transparence des médias et qui sont en train de mettre en place une communauté. Pareil, c’est très expérimental, mais une communauté de personnes qui veulent créer des outils open source.

Frédéric Couchet : Voire libres.

Mathilde Bras : Pardon ?

Frédéric Couchet : Voire libres.

Mathilde Bras : Voire libres, à disposition des journalistes, de chercheurs, de citoyens pour décrypter, déchiffrer la façon dont les médias parlent de l’actualité, la façon dont l’actualité parle de la presse, etc. On voit bien que ces espaces-là sont des espaces de confiance, des espaces de médiation. Ce sont des espaces d’apprentissage qui paraissent quand même assez essentiels aujourd’hui pour déconstruire aussi certaines croyances et adresser quelques irritants que peuvent rencontrer des personnes geeks comme moi qui, parfois, commencent à s’énerver quand le logiciel libre n’est pas ergonomique. Donc ça permet aussi de faire entrer des designers dans tout ça qui sont très importants pour aider à la prise en main de certains outils.

Frédéric Couchet : Excellent ! Tu parles de design, ça me fait penser qu’il y a une excellente émission que vous pouvez écouter sur Cause Commune, un podcast, c’est l’émission Pause commune avec Manuel Dorne. Je ne me souviens pas. Corrige-moi Olivier.

Olivier Grieco : C’est Geoffrey, Manuel c’est Korben.

Frédéric Couchet : C’est Geoffrey, excuse-moi, Manuel c’est le frère. Je la refais, c’est avec Geoffrey Dorne.

Olivier Grieco : Et c’est l’épisode 14 de Pause commune .

Frédéric Couchet : Donc c’est l’épisode 14 de Pause commune . Pause commune c’est tous les mardis de 12 heures à 14 heures et j’avais écouté l’émission. Geoffrey est vraiment excellent et il fait du design.
Écoutez merci Mathilde et Laurent. Est-ce que vous avez quelque chose à ajouter pour cette première émission ou est-ce que ça vous paraît bien ?

Mathilde Bras : On vous remercie de votre invitation, en tout cas

Frédéric Couchet : Moi ça me partait très bien. En tout cas je vous remercie de votre présence. Vous allez rester avec nous pour le sujet suivant. Je rappelle que nous avions avec nous Mathilde Bras de la mission Etalab et Laurent Joubert de la DINSIC. Je n’ai pas encore la date fixée, mais nous aurons prochainement le référent logiciel libre, Bastien Guerry, dont il a été question plusieurs fois. Je vais juste finir. Tout à l’heure, je ne sais pas si c’est Laurent ou Mathilde qui a expliqué qu’il y avait des libristes présents effectivement à la DINSIC et à la mission Etalab et c’est vrai, on ne va pas le cacher, avec Laurent on se connaît depuis de nombreuses années, avec Bastien Guerry aussi. Je pense que c’est un point très positif ces évolutions : avoir des gens qui viennent des communautés, qui connaissent les communautés du Libre et qui travaillent effectivement au sein de l’administration ; vraiment c’est une évolution positive !

Nous allons aborder notre dernier sujet. Étienne Gonnu a un défi parce que nous allons aborder un sujet qui est quand même loin d’être simple, mais qui est très important. Depuis le 1er janvier 2018, c’est évidemment tout récent, toute personne utilisant un logiciel ou système de caisse doit détenir un document attestant de la conformité de son outil à la réglementation visant à lutter contre la fraude à la TVA, un dispositif inscrit à l’article 286.3bis du Code général des impôts et initialement issu de la loi de finances pour 2016, date à laquelle l’April, l’association dont nous faisons partie, s’est engagée pour la promotion et la défense des logiciels libres ayant des fonctions d’encaissement. Donc le sujet logiciels libres de caisse et loi de finances. Est-ce que tu peux nous faire un petit point de la situation sur ce sujet très important ?

1 h 11 min 52

Étienne Gonnu : Tu as déjà très bien résumé,