Différences entre les versions de « Libre à vous ! Radio Cause Commune - Transcription de l'émission du 7 janvier 2020 »

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<b>Frédéric Couchet : </b>Nous venons d’écouter <em>La fin de Saint Valéry</em> par Ehma, disponible sous licence Art Libre. Vous retrouverez les références sur le site de l’April, april.org, et sur le site de Cause Commune, causecommune.fm.<br/>
 
<b>Frédéric Couchet : </b>Nous venons d’écouter <em>La fin de Saint Valéry</em> par Ehma, disponible sous licence Art Libre. Vous retrouverez les références sur le site de l’April, april.org, et sur le site de Cause Commune, causecommune.fm.<br/>
Nous allons écouter la deuxième série d’interviews faites au Paris Open Source Summit en décembre 2019 et on se retrouve juste après.
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Nous allons écouter la seconde série d’interviews faites au Paris Open Source Summit en décembre 2019 et on se retrouve juste après.
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<b>Olivier Cayrol, Logilab</b>
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<b>Frédéric Couchet : </b>Je suis avec Olivier Cayrol de la société Logilab, toujours au salon POSS en décembre 2019. Bonjour Olivier. Je voudrais déjà que tu nous présentes la société Logilab.
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<b>Olivier Cayrol : </b>Bonjour. Logilab est une petite entreprise de 25 personnes aujourd’hui. Nous sommes basés à Paris et à Toulouse et nous proposons des formations autour de différentes techniques comme Python ou ???, des choses comme ça, et nous répondons à des problèmes de nos clients en développement des logiciels en particulier.
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<b>Frédéric Couchet : </b>D’accord. Donc Logilab est membre de l’April depuis de longues années, elle soutient nos actions. Pourquoi une entreprise comme Logilab soutient les actions de l’April ?
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<b>Olivier Cayrol : </b>Logilab est une entreprise qui a toujours utilisé le logiciel libre depuis sa création en 2000, qui a contribué au logiciel libre et qui attache une grande importance, ça fait partie de ses valeurs, au logiciel libre. Quand on voit aujourd’hui que, très régulièrement, il y a des projets de loi, des initiatives qui vont à l’encontre des libertés fondamentales qui sous-tendent le logiciel libre, eh bien il nous semble tout à fait naturel que nous nous tournions vers des associations ou des acteurs qui sont capables de défendre auprès de nos gouvernants, de faire pression auprès de nos gouvernants pour défendre ces libertés-là et défendre le logiciel libre.
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<b>Frédéric Couchet : </b>Olivier, je te remercie et je remercie Logilab pour ce soutien depuis de longues années et je te souhaite une bonne fin de salon.
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<b>Olivier Cayrol : </b>Merci beaucoup. Bonne fin de salon également.
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<b>Frédéric Couchet : </b>Merci.
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<b>Benoit Sibaud, LinuxFr</b>
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<b>Frédéric Couchet : </b>Nous sommes avec Benoît Sibaud présent à POSS, le salon du logiciel libre à Paris en décembre 2019. Benoît, tu es président de LinuxFr et vous venez de recevoir un prix des acteurs du Libre. Déjà Benoît est-ce que tu peux te présenter à titre individuel ?
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<b>Benoît Sibaud : </b>Bonjour. Benoît Sibaud. Ça fait un petit moment que je traîne dans les milieux du Libre, depuis une vingtaine d’années. Je suis rentré dans l’équipe LinuxFR pour faire du développement. J’ai aussi exercé et j’exerce encore le rôle de directeur de publication et de président de l’association qui est derrière le site Linuxfr.org. J’ai aussi été actif pour la création d’un groupe d’utilisateurs du logiciel libre en région Auvergne, Linux Arverne, et au sein de l’association April pour la promotion et la défense du logiciel libre, d’abord comme membre du conseil d’administration puis cinq ans comme président.
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<b>Frédéric Couchet : </b>D’accord. LinuxFr c’est quoi exactement ?
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<b>Benoît Sibaud : </b>LinuxFr, à la base c’est une association, c’est une association qui sert de coquille juridique pour le site web d’actualité autour du logiciel libre linuxfr.org. L’association a vraiment pour unique fonction de servir à recevoir des dons et gérer les problèmes juridiques qui pourraient exister, liés au site. Le site en lui-même est un site d’actualité sur le logiciel libre, le matériel libre, la culture libre et tous les sujets annexes autour des libertés dans le monde numérique, on va dire de manière générale. Il est géré par une équipe de bénévoles, sans publicité, depuis 21 ans maintenant, donc un site qui a plus de 100 000 contenus et 1,8 millions de commentaires publiés actuellement.
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<b>Frédéric Couchet : </b>Si je comprends bien, en fait le site repose sur le principe que des personnes soumettent des contenus qui sont ensuite soumis à la modération de l’équipe de LinuxFR. C’est bien ça ?
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<b>Benoît Sibaud : </b>Il y a plusieurs types de contenus sur le site. Les contenus les plus visibles, ce qu’on appelle les dépêches, sont des articles qui sont soumis par nos visiteurs, soit directement écrits par un visiteur donné qui veut parler de son projet, sa communauté, son actualité, une actualité dans le monde du logiciel libre de manière générale ou qui touche au domaine informatique ou au domaine des libertés. Mais aussi des gens qui utilisent notre espace de rédaction collaborative pour pouvoir rédiger à plusieurs un contenu pour, par exemple, faire une synthèse sur un sujet donné. Souvent on n’a pas une personne qui connaît l’intégralité d’un domaine technique donné, un domaine technique ou juridique ou artistique, enfin un domaine dans son ensemble dans les sujets traités, donc on a une personne qui va écrire un paragraphe sur une partie du sujet, une autre personne qui va écrire un autre paragraphe, une troisième personne qui va s’intéresser uniquement à la correction orthographique, grammaticale, syntaxique, rajouter des liens supplémentaires, mettre des tags, ce genre de choses, puis une autre personne qui va venir et qui va se proposer de rajouter des images et on arrive à avoir plusieurs dizaines de contributeurs sur les contenus les plus volumineux en termes de taille.
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<b>Frédéric Couchet : </b>D’accord. Ça fait combien de contenus, enfin de dépêches postées par semaine à peu près ?
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<b>Benoît Sibaud : </b>Il y a quelques dépêches publiées par jour, donc on tourne autour d’une vingtaine à peu près, je pense, par semaine, ça dépend des semaines. Il y a des contenus qui sont réguliers, je pense par exemple à la dépêche, la reprise hebdomadaire pour annoncer l’Agenda du Libre et tous les évènements de la semaine sur le logiciel libre en France, en Belgique, en Suisse, en Tunisie et l’autre Agenda du Libre du Québec. On reprend leurs évènements, on les annonce en général le week-end pour la semaine qui suit. Donc on peut avoir ce type de contenus réguliers ou alors des contenus qui sont liés à une actualité, que ça doit une nouvelle directive européenne, l’annonce d’un nouveau projet ou l’évènement d’une communauté, enfin tout type d’évènements susceptibles d’intéresser nos lecteurs. Après tout, l’objectif de linuxfr c’est d’être géré par la communauté et d’être utilisé pour la communauté. Donc nos visiteurs sont aussi nos contributeurs, ils nous aident à publier des contenus. Après, nos visiteurs rentrent aussi dans l’équipe et deviennent modérateurs, animateurs de l’espace de rédaction, qui aident à coder le site, à rajouter des images et des visuels pour le site, à administrer les serveurs de l’association, les serveurs utilisés pour le site. Tout type d’activités qui permettent de faire tourner le site.
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<b>Frédéric Couchet : </b>D’accord. Une force particulière, enfin un point important dans les dépêches, ce sont les commentaires, c’est-à-dire que ce sont des dépêches qu’on peut commenter et c’est un peu, peut-être, un sujet de discussion ou sans doute de débat, la qualité ou le nombre de commentaires qu’il y a sur les dépêches. Est-ce que globalement ce sont des commentaires de qualité et est-ce qu’il y a une évolution dans les commentaires au fur et à mesure des années, par rapport au début ? Tu as dit que ça a été créé une vingtaine d’années, est-ce qu’aujourd’hui il y a plus de commentaires, moins de commentaires ?
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<b>Benoît Sibaud : </b>Il y a eu pas mal de changements sur la forme des commentaires. Notamment initialement il était possible de laisser des commentaires anonymement alors que ce n’est plus le cas actuellement ; plus précisément les commentaires sont associés à un compte et le compte c’est un pseudonyme. On ne sait pas forcément qui est la personne mais au moins c’est rattaché à un pseudonyme.<br/>
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En termes de volume, c’est très variable suivant les types de contenus. On a des contenus qui appellent assez de commentaires. Souvent les contenus qui, pour nous, sont les contenus modérés à priori, donc qui sont passés par la relecture de l’équipe de modération, qui ont été complétés, ont en général un petit moins de commentaires parce qu’ils appellent moins à commentaires : on annonce des faits, on annonce un évènement, on publie une synthèse sur tel ou tel sujet, donc il y a un peu moins de commentaires ou ce sont des commentaires très pointus, très techniques. À côté, on a d’autres types de contenus qui sont des contenus où on n’a qu’une modération à posteriori si nécessaire, où tout type de sujets peut être abordé et on peut avoir énormément d’échanges d’une qualité qui peut être variable, ça dépend du niveau de connaissance des gens. Mais c’est aussi permettre aux gens d’exprimer des arguments, devoir discuter avec les autres et échanger sur les divers sujets qui est intéressant. Ce ne sont pas forcément les sujets les plus liés au site en lui-même qui génèrent le plus de commentaires. Actuellement, si je me rappelle bien, le contenu avec le plus de commentaires sur le site est lié à un débat sur l’avortement, donc ce n’est pas vraiment lié à une thématique du site par exemple.
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<b>Frédéric Couchet : </b>Pour qu’on comprenne bien, c’est une dépêche qui était liée à l’avortement ou c’est un dérivé d’une dépêche qui n’était pas lié à ce sujet-là ?
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<b>Benoît Sibaud : </b>La partie dépêche, le contenu modéré à priori, ça veut dire que c’est en lien avec l’activité du site et ça passe par l’équipe de modération qui va relire, compléter et publier le contenu. On a d’autres types de contenus comme les journaux qui sont une forme de blog, au final : on permet aux visiteurs de poster des contenus sous leur nom sur le site, donc il y a une personne qui avait publié un contenu, en l’occurrence là sur l’avortement, et il y a eu des débats sur les pour et les contre. Il y avait eu de longs débats je crois aux alentours d’un millier de commentaires dessus.
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<b>Frédéric Couchet : </b>D’accord. Est-ce que vous avez – vous en avez, vous l’avez annoncé – pas des réquisitions, mais des plaintes justement pour des contenus qui pourraient être soit litigieux, soit diffamants dans l’histoire de linuxFR et comment vous gérez ça ?
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<b>Benoît Sibaud : </b>En termes de problèmes liés à du juridique et autre, on a différentes problématiques qui se sont déjà posées à nous. On a eu des cas où on n’était pas directement concernés, mais les contenus passaient par nous. Par exemple on a une personne, à un moment, qui a publié des contenus pour se venger d’une ex-petite amie à priori, donc dans le cadre de ce qu’on appellerait du <em>revenge porn</em>, donc qui a publié des informations personnelles sur une personne plus des contenus dégradants pour la personne. Les contenus ont été pour partie bloqués avant la modération parce qu’on pouvait ou dépubliés [effacés] dès qu’on en a eu connaissance. Là, après, on a été en contact avec la gendarmerie par exemple, mais on n’était pas directement concernés à part qu’on a permis de fournir les éléments qui étaient en notre possession.<br/>
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Il y a d’autres types de cas où on est concernés par rapport à la loi sur la confiance dans l’économie numérique de 2004 en tant que site qui publie du contenu, soit du contenu qui est publié par nos visiteurs, soit du contenu pour lequel on a fait une modération. Donc là on est partie prenante du processus de publication et on a une responsabilité supplémentaire qui est ajoutée.<br/>
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Sur ces différents types de contenus, pour différentes raisons, on a déjà reçu dans l’histoire du site plusieurs mises en demeure pour divers sujets, la première concernait une entreprise qui se considérait comme diffamée, la seconde un individu qui considérait son travail comme contrefait ; la troisième est en cours de publication, donc je vais attendre, j’espère qu’elle sera publiée sous peu et on reparlera de la quatrième un peu plus tard je pense.
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<b>Frédéric Couchet : </b>D’accord. Tout à l’heure tu parlais de l’équipe de bénévoles de LinuxFr. Il est important de préciser qu’il n’y a que des bénévoles qui contribuent à LinuxFr. Combien de personnes constituent aujourd’hui l’équipe ?
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<b>Benoît Sibaud : </b>Il y a globalement 20 à 30 personnes qui contribuent à l’équipe, c’est assez varié. On doit être une à deux personnes pour gérer la partie administration des serveurs. Il y a deux/trois personnes qui contribuent sur la partie code. Il y a une quinzaine de personnes dans l’équipe de modération. Il y a quelques personnes qui font l’animation de l’espace de rédaction pour aider les gens à écrire des contenus. Globalement, il y a à peu près 20 à 30 personnes qui travaillent sur le site. Ce ne sont pas forcément les mêmes qu’à l’origine, heureusement il y a eu du renouvellement : les problématiques habituelles de la vie, il y a des gens qui ont moins de temps libre, qui vont avoir des enfants, qui changent d’activité, qui s’orientent vers d’autres types sujets ou qui lancent leur propre projet. Globalement on a réussi à renouveler les équipes jusque-là et c’est plutôt une bonne chose de voir que le site est toujours là plus de 20 ans après.
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<b>Frédéric Couchet : </b>Justement, vous venez de recevoir un prix aujourd’hui au salon POSS. Le prix c’est le Prix du numérique ouvert et éthique. Peu importe le nom du prix ! C’est vrai qu’on pense qu’en 20 ans de présence, effectivement ! Comment vous le recevez ce prix en termes de l’équipe ? Ce n’est pas une concrétisation, mais comment vous recevez le prix ?
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<b>Benoît Sibaud : </b>C’est un prix qui était basé sur une candidature, ce qu’on a trouvé intéressant c’était la partie argumentation de la candidature et expliquer ce qu’on fait, pourquoi on le fait, comment on le fait. Expliquer que le fait de gérer nos serveurs, d’avoir notre logiciel et de contribuer à notre logiciel, de publier sous une licence libre le logiciel qu’on utilise pour réaliser le site, de gérer l’activité du site de manière la plus ouverte possible et de communiquer, de manière générale, sur tout ce qu’on fait et comment on le fait. On parlait tout à l’heure de la question des mises en demeure, quand on reçoit des mises en demeure, une fois que l’aspect strictement réponse juridique est traité, on va communiquer, on va publier la mise en demeure qu’on a reçue, on va expliquer la réaction qu’on a eue, l’analyse qu’on a pu en avoir et quel type d’actions on a pu avoir derrière, parce qu’on sait que ça va arriver à d’autres personnes de recevoir ce type de mise en demeure et que nous on peut se permettre de communiquer dessus et d’expliquer ce qu’il faut faire dans ce cas-là, comment réagir, ce qu’il faut faire, ce qu’il ne faut pas faire. De manière générale, on essaye de communiquer sur tous les sujets liés à notre activité pour que d’autres puissent faire la même chose que nous.<br/>
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On a fait de nombreuses conférences sur ces thématiques-là, dont une qui s’appelait « LinuxfR, mais refaire ? », si c’était à refaire comment on referait le site. On essaye d’être toujours en capacité, de se demander comment on pourrait refaire le site et est-ce que d’autres pourraient faire la même chose que nous, lancer la même chose que nous ? Une des questions, notamment, ce sont les restrictions qu’il peut y avoir maintenant sur la liberté d’expression ou le contexte juridique : en quoi on va avoir des nouvelles limitations, comment on doit s’adapter et quelles sont les nouvelles contraintes, quelles réponses on va adopter ? Oui, ça serait plus facile d’éliminer tous les contenus et tous les commentaires problématiques, on éviterait ainsi tous les problèmes, mais ce n’est pas forcément ce qu’on souhaite. Bref ! Ce sont toutes ces questions-là qui apparaissent derrière la question de faire du numérique de manière libre, certes, mais aussi de manière ouverte et éthique.
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<b>Frédéric Couchet : </b>D’accord. On va rappeler que le site c’est linuxfr.org et c’est le site de référence pour les actualités. On encourage évidemment les personnes qui écoutent l’émission ou le podcast à s’inscrire au flux RSS et à soumettre des propositions de dépêches ou à commenter les dépêches, de participer dans les journaux.<br/>
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Dernière question : qu’est-ce que tu pourrais souhaiter ? Quels seraient les besoins potentiels de LinuxFR pour les années à venir ?
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<b>Benoît Sibaud : </b>Comme tous les projets et les projets du Libre en particulier, on a toujours besoin de contributeurs pour aider à tous les niveaux. La vraie problématique est toujours la même pour tout le monde. Je disais qu’on a renouvelé les effectifs du côté de l’équipe mais aussi du côté des visiteurs, mais ça reste toujours le grand sujet pour le site : comment s’assurer que les nouvelles générations ou des nouveaux lecteurs vont venir sur le site, à quel point on va réussir à avoir un site qui est moderne techniquement, qui est moderne esthétiquement et qui aborde correctement les thématiques actuelles on va dire. Est-ce que si on parlait uniquement de logiciel libre maintenant ce ne serait peut-être pas suffisant. Le fait d’élargir à d’autres thématiques c’est dans l’air du temps et quels sont les prochains sujets qui vont apparaître, de quoi on va devoir parler, ça fait aussi partie des choses qu’on doit identifier et aider les gens à s’exprimer sur ces sujets-là. Le but de LinuxFr c’est de permettre aux communautés de s’exprimer, de servir de relais de communication et de pouvoir médiatiser un certain nombre de messages.<br/>
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Hier j’assurais la publication de la énième dépêche sur le sujet des brevets logiciels au niveau européen et un nouvel appel à manifester au Parlement à Bruxelles. Ça fait des dizaines de dépêches qu’on passe sur le sujet, on en parle depuis 2003 au moins et le sujet est toujours d’actualité, on continue à en parler. Ça reste un sujet important, c’est important que les nouveaux lecteurs ou ceux qui n’étaient pas là il y a 20 ans découvrent le sujet, en prennent connaissance et qu’on continue à animer les communautés et à diffuser ce type de messages.
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<b>Frédéric Couchet : </b>Benoît très bien. Je vais rappeler, je vais indiquer que le podcast de l’émission <em>Libre à vous !</em> est annoncé évidemment chaque semaine sur linuxfr. J’en profite pour remercier l’équipe de modération parce que, entre la première fois où j’ai posté des annonces et aujourd’hui, il y a eu des évolutions dans ma présentation qui ont été faites suite à des suggestions de l’équipe de modération pour améliorer la présentation de l’annonce. Ça c’est très important, quand on soumet une dépêche, d’avoir un retour nous disant « là tu pourrais améliorer telle ou telle chose », donc franchement merci à l’équipe de modération et puis merci à Linux Fr d’exister. On va faire un petit coucou notamment à Fabien Penso, l’un des fondateurs de LinuxFr il y a une vingtaine d’années.<br/>
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Benoît je te remercie pour cette présentation de LinuxFr et pour tout ce que tu fais. Je te souhaite une belle journée.
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<b>Benoît Sibaud : </b>Merci.
  
  
<b>Olivier Cayrol, Logilab</b>
 
  
<b>Frédéric Couchet : </b>
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<b>Pierre Baudracco, BlueMind</b>

Version du 9 janvier 2020 à 08:57


Titre : Émission Libre à vous ! diffusée mardi 7 janvier 2019 sur radio Cause Commune

Intervenant·e·s : Luk - Xavier Berne - Frédéric Couchet

Lieu : Radio Cause Commune

Date : 7 janvier 2020

Durée : 1 h 30 min

[ Écouter ou enregistrer le podcast]

Page des références utiles concernant cette émission

Licence de la transcription : Verbatim

Illustration :

NB : transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.

Transcrit : MO

Transcription

Voix off : Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.

Frédéric Couchet : Bonjour à toutes. Bonjour à tous. Vous êtes sur la radio Cause Commune 93.1 en Île-de-France et partout dans le monde sur le site causecommune.fm. La radio dispose également d’une application Cause Commune pour téléphone mobile.

Soyez les bienvenus pour cette nouvelle édition de Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre. Je suis Frédéric Couchet, le délégué général de l’April.
Le site web de l’April c’est april.org et vous y trouvez d’ores et déjà une page consacrée à cette émission avec tous les liens et références utiles, les détails sur les pauses musicales et toute autre information en complément de l’émission ainsi que les moyens de nous contacter pour nous faire des retours.

Nous sommes mardi 7 janvier 2020, nous diffusons en direct, mais vous écoutez peut-être une rediffusion ou un podcast.

J’ai le plaisir de vous adresser les meilleurs vœux de l’April et de la radio pour l’année 2020. Recevez tous nos vœux de bonheur et de santé pour vous et vos proches. Nous vous souhaitons une excellente écoute pour cette première édition Libre à vous ! de l’année 2020.

Voici maintenant le programme de cette émission.
Nous allons commencer dans quelques instants normalement par la chronique « La pituite de Luk » qui portera sur Amazon.
D’ici cinq à sept minutes nous aborderons notre sujet principal, ce seront des interviews réalisées lors du salon POSS en décembre 2019 à Paris, avec au programme le Conseil national du logiciel libre, le site d’information LinuxFr, le logiciel libre dans l’administration, l’association du Libre de l’école 42, le réseau Libre-entreprise et également des messages de soutien à l’April.
En fin d’émission nous aurons la chronique de Xavier Berne, journaliste à Next INpact qui nous parlera du projet de loi sur l’économie circulaire et plus particulièrement les parties concernant l’obsolescence programmée.
À la réalisation de l’émission aujourd’hui exceptionnellement nous avons le soutien de William Asgavari. Bonjour William.

Tout de suite place au premier sujet.

Nous allons commencer par la chronique « La pituite de Luk ». Luk, est-ce que tu es au téléphone ?

Chronique « La pituite de Luk » sur Amazon

Luk : Oui Fred, je suis là. J’aurais voulu venir mais encore une fois je n’ai pas pu, mais je ne suis pas loin. En fait, je suis coincé aux toilettes. Je n’ose plus sortir. C’est que, tu vois, je viens d’avoir une épiphanie. Ça ne veut pas dire que je viens de déposer une galette. Je parle d’une révélation. Une grande illumination cosmique s’épanouissant sur son socle de faïence.
Je ne l’ai pas vue venir. Ça s’est mis en place soudainement et tout est devenu si clair.
Il faut savoir pour comprendre que je me documente ces temps-ci sur l’achat d’une imprimante. J’étais donc assis sur les toilettes, en train de contempler mon sexe. Je pensais à tous ces sites qui proposent une sélection des meilleures imprimantes de l’année sans qu’on sache s’ils les ont vraiment testées. Je réfléchissais au fait que tous ont un point commun : ils font des liens vers Amazon, comme si on ne pouvait acheter ces produits nulle part ailleurs ! Amazon est absolument omniprésent et c’est là que ça m’a frappé : si ça se trouve Amazon est dieu et Jeff Bezos est son prophète.
Ouais, Amazon est le temple virtuel de la consommation mais possède aussi des magasins dans le monde réel. Il est également dans le salon des gens par l’entremise de sainte Alexa et fournit des serveurs au monde entier.
Amazon est même dans Ubuntu, si ça ce n’est pas un signe de félicité ! Je rappelle, Ubuntu est un principe philosophique porté par Nelson Mandela et Desmond Tutu avant d’être une distrib Linux. C’est du bantou et ça veut dire « mon humanité est inextricablement liée à ce qu’est la vôtre ». Considérant que l’Afrique du Sud est encore plus inégalitaire aujourd’hui qu’au temps de l’apartheid, je perçois bien la cohérence théologique d’associer Amazon et Ubuntu.

Amazon est omniscient. Sainte Alexa particulièrement. Elle connaît tous nos centres d’intérêt et nos désirs, elle a récemment mis la main sur les données de santé des Britanniques. Et ce n’est qu’un début ! Alexa écoute nos prières et y répond. Parfois même elle écoute aussi le reste et elle n’oublie rien.
Un jour, j’avais posté un truc quelque part sur Internet avec des liens vers des sites marchands mais aucun n’était Amazon, hérétique que j’étais. Miracle ! Il n’a pas fallu bien longtemps pour qu’un bon samaritain commente ma publication avec des liens Amazon. Amazon sait tout ce qui se passe dans tous les recoins du Web.

Pour compléter le tableau, Amazon est omnipotent. Il fait tourner tout Internet dans une unique machine virtuelle. C’est lui qui apporte les cadeaux de Noël. Le barbu et ses rênes sont un mythe, en vérité les rênes ce sont des drones de livraison et les petits lutins font les trois huit. Ils connaissent un bonheur régressif qui leur fait faire pipi dans des bouteilles pour rigoler. Ils contractent des TMS [troubles musculo-squelettiques] avec la jouissance normalement ressentie quand on attrape des MST [maladies sexuellement transmissibles].

Amazon a aussi le pouvoir de faire disparaître des trucs. Il l’a fait avec des e-books par la magie des DRM et c’est tellement bien que même la fondation Mozilla en fait la promotion. Mais ce n’est pas tout ! Amazon fait aussi disparaître ses impôts !

Omniprésent, omniscient, omnipotent… La nature divine d’Amazon est une évidence. Mais en même temps, Amazon est bien plus tangible, il offre bien plus qu’une promesse de vie éternelle qui n’engage que ceux qui y croient. Il fait sourire les cartons, maintenant, tout de suite. Amazon est une post-divinité !

Il faut, à ce stade, que je mentionne Bezos, son prophète. Transhumaniste convaincu, on comprend déjà qu’il est plus qu’humain. Bezos nous protège de Donald Trompe grâce au Washington Post qu’il possède et c’est là que ça devient très phallique. Le démon s’appelle « Trompe » et a un prénom de canard, ce n’est déjà pas anodin. En février dernier, le National Enquirer qui est un tabloïd qui roule pour Donald, a soumis Bezos à un chantage à la dick pic, ou photo de pénis en bon français. Ce fut un combat de bites épique. La Trompe à moumoute contre le chibre surpuissant de Bezos. Bien entendu, Bezos a vaincu.
Et un jour, Bezos s’élèvera dans le ciel, dans le puissant phallus ultra-technologique construit par sa compagnie spatiale Blue Origin. C’est pour ça qu’Amazon est masculin. On n’a pas le culte de Mère Nature, hein… Elle est en train d’agoniser sous une montagne de gadgets connectés aussi rapidement obsolescents que rapidement livrés par Amazon.
Dieu est mort, la Nature n’en a plus pour longtemps, place à la toute puissance d’Amazon.

OK, il y a de la concurrence : Apple a un réseau d’églises partout et des hordes d’Apple Fans prosélytes, mais ce n’est qu’une secte minoritaire qui distille un amour tarifé. Google et Facebook sont de faux dieux incapables de miracles dans le réel. Est-ce que Facebook peut livrer un poulet en caoutchouc en moins de 24 heures chez moi ? Non ! Amazon le peut. Leur catéchisme publicitaire est une pure illusion tautologique qui prend l’eau. Quant à Microsoft… Ce dieu caduc qui règne par la terreur et la force. C’est pour ça qu’il triomphe auprès du Pentagone, mais pour combien de temps encore ? Amazon est sur le coup !
Amazon nous offre un vrai culte, ancré dans le réel, avec un SAV impeccable. Il nous laisse notre libre arbitre, celui de choisir le camp du tangible et du vrai.
Allez ! Je sors des toilettes et je lance la guerre sainte. Il y a quatre lettres de trop à GAFAM.

Frédéric Couchet : Merci Luk pour cette belle chronique qui attaque bien l’année. D’ailleurs on nous fait de beaux commentaires sur le salon web en disant notamment que pour le début d’année « La pituite de Luk » attaque fort. Donc merci Luk.

Luk : J’espère que vous allez tous vous joindre à la vraie foi et on se retrouve le mois prochain.

Frédéric Couchet : J’espère surtout qu’on aura la chance de te voir en studio le mois prochain. En décembre on avait prévu de faire une diffusion depuis le salon POSS. Tu avais prévu de venir et tu as organisé une grève pendant tout le mois pour empêcher, finalement, que la diffusion ait lieu.

Luk : C’est exact.

Frédéric Couchet : Quand même, tu es trop fort !
En tout cas on se retrouve effectivement le mois prochain. C’était « La pituite de Luk » je précise avec un « k ». Sur le site de l’April et sur causecommune.fm vous retrouvez une page avec des références d’articles en lien avec la chronique de Luk et le site de Luk c’est incoyableluk.org, je répète Luk avec un « k ». Je te souhaite une belle journée Luk.

Luk : Merci et bonne émission.

Frédéric Couchet : Merci.
Après cette belle chronique nous allons faire une pause musicale. Nous allons écouter El Jefe par San Blas Posse. On se retrouve juste après. Belle journée à l’écoute de Cause commune.

Pause musicale : El Jefe par San Blas Posse.

Frédéric Couchet : Vous êtes toujours sur Cause Commune 93.1 en Île-de-France et partout ailleurs sur le site causecommune.fm. Nous venons d’écouter El Jefe par San Blas Posse, qui est disponible sous licence libre Creative Commons Partage dans les mêmes conditions.

Nous allons passer maintenant à notre sujet principal.

Diffusion d'interviews réalisées en décembre 2019 sur le salon POSS

Pierre Baudracco, CNLL

Frédéric Couchet : Je suis avec Pierre Baudracco, le coprésident du CNLL. Pierre, première question, c’est quoi cette structure ?

Pierre Baudracco : Bonjour Frédéric. Le CNLL pour Conseil National du Logiciel Libre est, en fait, l’union des entreprises du numérique ouvert. C’est une fédération nationale qui regroupe 12 clusters régionaux, c’est-à-dire des associations régionales de professionnels de l’open source : Occitanie, Nouvelle Aquitaine, PACA, Bretagne, Paris, etc.

Frédéric Couchet : Donc toutes les régions.

Pierre Baudracco : Quasiment toutes les régions. On s’est fédéré au niveau du CNLL pour permettre d’avoir une représentativité nationale et faire du lobbying au niveau national et européen aujourd’hui.

Frédéric Couchet : D’accord. Ça existe depuis combien de temps ?

Pierre Baudracco : Le CNLL a dix ans.

Frédéric Couchet : Dix ans. Et toi es coprésident depuis quelques semaines, c’est ça ?

Pierre Baudracco : Depuis quelques mois. Depuis à peu près la rentrée et on a communiqué il y a quelques semaines.

Frédéric Couchet : D’accord. On est à un salon avant tout professionnel, donc le POSS à Paris en décembre 2019, quel est l’état aujourd’hui du marché du logiciel libre en France notamment ?

Pierre Baudracco : On vient justement de publier d’une étude, d’avoir le résultat d’une étude faite par le CNLL, le Syntec Numérique et le Hub open source de Systematic qui dit, en gros, que le marché de l’open source cette année pèse à peu près 5 millions d’euros en France, services et logiciels confondus. Les particularités de ce marché c’est déjà que la France dans le marché européen de l’open source est le pays le plus développé, donc la France est le pays où le marché est le plus important. C’est un marché qui est en croissance entre 7 et 10 % selon les pays européens, ce qui est à peu près le double de la croissance du marché de l’IT. Donc point clé : le marché de l’open source croît deux fois plus vite que le marché de l’IT.

Frédéric Couchet : Pour situer, le marché de l’informatique en général.

Pierre Baudracco : Le marché de l’informatique en général. Pour situer, pour se positionner, il y a dix ans quand on avait la première enquête, c’est quelque chose qu’on fait chaque année, le poids de l’open source/logiciel libre était d’environ 2 %. Aujourd’hui on est à 10 % à peu près du marché de l’informatique en général et avec une projection d’atteindre les 12 % d’ici trois ans.
Autre point clé, la croissance, donc l’emploi : c’est un marché qui pèse cette année à peu près 47 000 emplois selon l’étude et on va gagner 12 000 emplois d’ici quatre ans.

Frédéric Couchet : D’accord. 12 000 emplois d’ici quatre ans. J’ai entendu dire qu’il y a des difficultés d’embauche, de recrutement, pour trouver des bons profils. Est-ce que c’est toujours le cas ces difficultés de recrutement ou, au contraire, vous trouvez des profils facilement ?

Pierre Baudracco : Nous c’est toujours le cas. Le numérique prend de l’ampleur partout. L’open source croît dans le numérique. En général les profils qui sont très open source sont des gens plutôt autonomes, débrouillards, qui aiment bien creuser, donc des profils plutôt recherchés Effectivement, vu qu’à peu près toutes les sociétés sont en train d’essayer de recruter, les petites comme les grosses, les éditeurs comme les intégrateurs, ça met une tension très forte sur le marché de l’emploi et sur la recherche de profils open source.

Frédéric Couchet : Est-ce qu’à ce niveau-là il y a des actions que vous attendriez de l’État, peut-être au niveau de la formation dans les grandes écoles pour, justement, avoir des profils logiciel libre prêts lorsqu’ils ont fini leurs études ?

Pierre Baudracco : Oui. Globalement, en fait, on aimerait que l’État reconnaisse un peu plus cette filière-là, sa capacité d’innovation et sa participation à la reconquête de la souveraineté numérique. L’open source est un point clé là-dessus. Ça veut dire qu’il faut former, donc qu’il faudrait avoir des filières dédiées, avoir des branches ou des cursus open source dans les écoles généralistes d’informatique et on aimerait avoir plus d’incitation au niveau État, gouvernement.

Frédéric Couchet : D’accord. Est-ce qu’en dix ans le CNLL a vu une évolution politique dans les divers gouvernements qui se sont succédé et au sein de l’administration également pour la prise en compte du Libre ? Est-ce que l’évolution est positive de ce côté-là ? C’est-à-dire qu’il y a plus en plus de soutiens de l’État ou est-ce qu’il y a encore des freins qu’il fait lever au-delà de la formation dont on vient de parler ?

Pierre Baudracco : C’est un petit peu compliqué. On a eu beaucoup de soutiens notamment au niveau politique ou via des textes en 2012, la loi Lemaire en 2016. Le problème est un petit peu toujours le même, c’est dans l’application, c’est-à-dire, en fait, le SAV des lois n’est pas effectué.

Frédéric Couchet : Le service après-vente.

Pierre Baudracco : Oui, le service après-vente. Il faut faire appliquer la loi, s’attacher à ce que les gens la respectent. Comme personne ne contrôle, comme personne n’incite, ce qui se passe c’est qu’il y a toujours des marchés qui ne respectent pas ces lois-là. En fait, tant qu’on ne vient pas les dénoncer il ne se passe rien. Donc on a toujours ce sujet-là. L’État parle un peu d’open source. Aujourd’hui il y a recul quand même sur ce sujet, de la DINUM notamment, même si certains, en interne, se battent pour, on sent que l’appui a faibli, que l’open source est un petit moins porteur en ce moment-là au niveau de l’État.

Frédéric Couchet : La DINUM c’est la Direction interministérielle du numérique, anciennement DINSIC, Direction interministérielle du numérique et du système d'information et de communication de l'État. Effectivement il y a des gens qui font des choses à l’intérieur, notamment qui sont présents à ce salon, à travers l’initiative Blue Hats, donc des personnes dans l‘administration qui contribuent u logiciel libre et des personnes à l’extérieur. Vous attendez quand même un engagement politique encore plus fort et surtout dans l’application derrière, le suivi, pour s’assurer que la loi qui encouragerait, qui donnerait la priorité au logiciel libre soit vraiment suivie d’effets ?

Pierre Baudracco : Tout à fait, ce serait logique ! La DINUM que tu as décrite, effectivement fait de choses : Bastien Guerry qui est là, qui anime les ateliers Blue Hats toute la journée, montre qu’il y a de l’open source dans l’administration avec des volontés de faire et de diffuser. Aujourd’hui c’est moins suivi au niveau politique. Par exemple le SILL qui était le Socle interministériel de logiciel libre donc un document qui est référencé, qui préconise des logiciels, n’est pas vraiment reconduit, n’est pas certifié cette année. Donc il y a des signaux politiques dangereux pour l’open source et ça c’est dommage parce qu’il y reste des actions, le côté politique ne suit plus trop.

Frédéric Couchet : D’accord. En tout cas, côté clientèle il y a de plus en plus de demandes autour du logiciel libre. Tu as parlé de souveraineté numérique tout à l’heure, il y a eu un rapport récent du Sénat sur la souveraineté numérique dans lequel, justement, il y a un encouragement à mettre en place une politique en faveur du logiciel libre.
Sur un salon tel que POSS, aujourd’hui c’est un peu particulier parce qu’il y a moins de monde que prévu suite aux grèves, mais le type de public qui vient, c’est un nouveau public ? Ou finalement c’est le public traditionnel de clients habituels ?

Pierre Baudracco : Effectivement, c’est dur de juger sur cette année. Au POSS qui est un salon généraliste sur l’open source, c’est la grande messe de l’open source, du coup le public est assez varié. Il y a toute une partie très professionnelle, expositions professionnelles, offres, qui montre la maturité côté marché. Là on va trouver un public de DSI, de décideurs, qui viennent voir quels types de solutions, quels types d’infra, quels types de stratégie puisqu’il y a aussi un programme très important de conférences sur le sujet. On va également retrouver toute la partie communauté de techs qui échangent sur le côté technique, les frameworks, les dévops, l’intégration, etc., les nouveaux enjeux comme ???, etc., également présents, mais on va trouver aussi le marché réel. Et là on va retrouver tout un tas de ce qu’on appelle des geeks ou des techs passionnés, du contributeur à la personne qui a un simple intérêt et là on retrouve toute la sphère technologique, technique qui est représentée.

Frédéric Couchet : D’accord. Malgré les conditions particulières de ce salon, malgré le manque de soutien politique, il y a toujours la motivation et finalement, comme tu le disais au départ, il y a un développement du logiciel libre, des marchés aussi peut-être par ailleurs. Les choses sont plutôt positives quelque part, évoluent positivement.

Pierre Baudracco : Globalement les choses sont positives parce que l’open source aujourd’hui ne fait plus peur, est devenue quasiment standard. Maintenant il y a des enjeux, les géants du cloud, les GAFAM, amis ou ennemis, contribuent mais, en même temps, ils deviennent hégémoniques, donc ils écrasent un peu tout le reste. Donc il y a vraiment des choses à penser, notamment il y a très certainement un modèle à l’européenne à penser. Donc éviter d’avoir des géants hégémoniques qui ensuite décident tout ce qu’ils veulent, mais plutôt répartir la confiance, les solutions, et équilibrer les acteurs, avoir de nombreux acteurs, avoir une sorte de cercle vertueux de confiance, en termes d’acteurs, en termes de règle et pour ça l’open source est un bon critère puisque c’est un critère de transparence, un peu d’équité d’accès aux informations.

Frédéric Couchet : D’accord. Pierre je te remercie. Est-ce que tu souhaites ajouter quelque chose ?

Pierre Baudracco : Non, Merci à toi Frédéric. Merci à l’April de soutenir le combat qui est mené depuis tant d’années et en espérant que vous soyez toujours aux côtés du POSS et de l’open source même si je n’ai pas beaucoup de doutes.

Frédéric Couchet : Voilà. Même si nous on emploie évidemment le terme « logiciel libre ». En tout cas rendez-vous l’an prochain, je ne sais pas si le salon aura lieu au même endroit.

Pierre Baudracco : À priori ça ne sera pas au même endroit ça serait plutôt au Palais des Congrès.

Frédéric Couchet : D’accord. OK. On verra ça. En tout cas merci. C’était Pierre Baudracco coprésident du CNLL. Merci Pierre.

Pierre Baudracco : Merci Frédéric.


Thierry Leblond, Scille

Frédéric Couchet : Je suis avec Thierry Leblond de la société Scille qui développe Parsec. Première question Thierry, c’est quoi Scille ? C’est quoi Parsec ?

Thierry Leblond : Scille est une startup éditeur de logiciels libres qui est un spécialiste de la cybersécurité des données sur le cloud et Parsec est notre produit principal. C’est un système qui permet de partager et de sécuriser des données sensibles sur le cloud depuis n’importe quelle connexion internet et depuis n’importe quel point du monde.

Frédéric Couchet : Seconde question : Scille est membre de l’April. Pourquoi Scille est membre de l’April, pourquoi Scille appartient à l’April ?

Thierry Leblond : J’aime bien la compétence de l’April, notamment la compétence juridique. J’aime bien aussi dans l’April son côté « poil à gratter », son côté aller questionner des sujets qui ne sont pas forcément évidents et obtenir parfois des réponses même dans la douleur et parfois sur plusieurs années.

Frédéric Couchet : Merci Thierry et bonne fin de salon.

Thierry Leblond : Merci Frédéric et bonne fin de salon aussi. Au revoir.


Bastien Guerry, DINUM et Blue Hats

Frédéric Couchet : Je suis avec Bastien Guerry de la DINUM qui est là pour les Blue Hats. Deux acronymes, en tout cas deux mots qu’on ne connaît pas. Déjà première question Bastien : qui es es-tu ? Qu’est-ce que la DINUM et qu’est-ce que Blue Hats ?

Bastien Guerry : Bastien Guerry. Je suis développeur pour la mission Etalab qui est rattachée à la direction du numérique anciennement DINSIC devenu DINUM récemment. Je travaille, j’accompagne les administrations pour l’ouverture de leur code source
Blue Hats est une idée qu’on a lancée avec Laurent Joubert l’année dernière faisant le constat que le logiciel libre était utilisé assez largement dans les administrations mais qu’il y avait finalement assez peu de communication des administrations entre elles sur ce qu’elles utilisaient, sur la manière de l’utiliser et surtout sur les compétences nécessaires pour l’utiliser. Donc c’était l’idée de lancer une communauté qui forme un compagnonnage permettant l’échange d’expériences, de compétences et de faire des remontées sur des cas d’usage de logiciels libres dans l’administration. C’est une communauté que la DINUM anime via une newsletter qui s’appelle La gazette #BlueHats, tous les deux mois, mais qui est auto-portée par l’ensemble de l’écosystème.

Frédéric Couchet : D’accord. On va rappeler que la DINUM c’est la direction interministérielle du numérique.
Là on est à un salon à priori plutôt professionnel, donc à Paris en décembre 2019. Pourquoi une journée Blue Hats dans ce salon ?

Bastien Guerry : Les administrations passent leur temps à travailler avec des entreprises, elles cherchent des entreprises ; quand elles veulent faire du logiciel libre, elles cherchent des entreprises du logiciel libre. Déjà c’est augmenter un peu les opportunités d’échanges entre différentes administrations qui viennent d’un peu tous les ministères et ces entreprises, que les uns et les autres se connaissent et mesurent aussi les avancées techniques. Un salon comme celui-ci c’est important pour voir ce qui se fait dans les grandes, petites entreprises, dans l’ensemble de l’écosystème, et essayer de trouver de réponses à des questions techniques que chacun se pose dans les administrations.

Frédéric Couchet : Est-ce que les entreprises qui sont venues connaissaient déjà l’initiative Blue Hats ? Est-ce qu’elles ont découvert qu’il y avait cette initiative au sein de l’État, Blue Hats ? Ou est-ce qu’elles savaient déjà, elles étaient au courant et elles sont venues spécifiquement pour ça ?

Bastien Guerry : Certaines savaient déjà parce qu’on a des liens avec le CNLL.

Frédéric Couchet : Le regroupement des entreprises du logiciel libre, on va dire, en France.

Bastien Guerry : Voilà. Et d’autres l’ont appris en voyant circuler des gens avec de chapeaux bleus dans le salon.

Frédéric Couchet : Il faut préciser, effectivement, que pour les reconnaître la plupart des Blue Hats portent un chapeau bleu.

Bastien Guerry : Ou une étiquette, un autocollant, sur leur ordinateur.

Frédéric Couchet : D’accord. La journée n’est pas encore terminée. Est-ce qu’il y a déjà eu un petit retour d’expérience ou des choses intéressantes qui ont été dites durant la matinée ?

Bastien Guerry : Durant la matinée on a fait des présentations courtes, de cinq à dix minutes. On a eu, par exemple, le ministère des Finances qui a expliqué son usage Matomo en intranet.

Frédéric Couchet : C’est quoi Matomo ?

Bastien Guerry : C’est un outil qui permet de collecter des statistiques sur les usages de sites web, qui s’appelait anciennement Piwik, qui est un outil libre qui permet vraiment d’avoir un contrôle complet sur les types de statistiques qu’on veut obtenir, comment les partager, le type de traqueurs qu’on place sur les sites web pour respecter la vie privée des agents publics. Donc on a eu, par exemple, un retour là-dessus qui était très intéressant. On a eu aussi l’ADULLACT qui a présenté le Comptoir du Libre qui est une somme de ressources à disposition des collectivités sur des logiciels libres et sur des entreprises qui aident à déployer ces logiciels libres pour les collectivités. Voilà. On a eu une douzaine de présentations toutes intéressantes pour l’ensemble de l’écosystème et qu’on partagera dans l’espace de présentation Blue Hats.

Frédéric Couchet : D’accord. Pour les personnes qui voudraient en savoir plus sur Blue Hats et qui voudraient s’inscrire à la lettre d’information dont tu as parlé tout à l’heure, est-ce qu’il y a un site web de référence ?

Bastien Guerry : Le plus simple c’est d’aller sur le site etalab.gouv.fr, d’aller dans les offres d’accompagnement et de cliquer sur le bouton « logiciels libres » [Accompagnement autour des logiciels libres] et c’est là que vous trouverez tous les liens vers La gazette #BlueHats, comment vous inscrire ainsi que les liens vers le socle interministériel du logiciel libre.

Frédéric Couchet : D’accord. Merci Bastien. Est-ce que tu as quelque chose à ajouter ? Une annonce d’évènement ou un appel à lancer ?

Bastien Guerry : Simplement continuer. Blue Hats, ce n’est pas simplement les gens de l’administration, c’est aussi des citoyens, c’est aussi des entreprises, c’est vraiment l’ensemble de l’écosystème qui pensent que le logiciel libre et le service public sont des valeurs communes qu’il faut encourager ensemble.

Frédéric Couchet : Merci. C’était Bastien Guerry de la mission Etalab, Blue Hats. Nous vous encourageons, évidemment, à vous inscrire à la newsletter, à la lettre d’information pour vous informer et peut-être contribuer. Merci Bastien.

Frédéric Couchet : Merci beaucoup.


Ludovic Dubost, XWiki

Frédéric Couchet : Je suis avec Ludovic Dubost, fondateur de la société XWiki. Première question : que fait XWiki ?

Ludovic Dubost : Chez XWiki on développe deux logiciels libres, deux logiciels libres de collaboration. Le premier s’appelle XWiki. C’est un logiciel de partage de connaissances et d’organisation des connaissances à l’intérieur d’une entreprise, basé sur le principe du wiki. Le deuxième logiciel qu’on fait s’appelle CryptPad qui est un logiciel de collaboration qui a la particularité d’être chiffré de bout en bout. Donc on peut éditer des documents à plusieurs, documents « WYSIWYG », textes, Kanban, donc différents types de documents et les partager et à aucun moment le serveur ne va avoir connaissance ni du contenu des documents ni des partages qui ont lieu.

Frédéric Couchet : XWiki est membre de l’April. Quelles sont les raisons qui t’ont conduit à soutenir l’April ?

Ludovic Dubost : Nous on est un éditeur de logiciels qui est impliqué dans l’open source. On est impliqués dans l’open source parce que un, on arrive à en faire un business qui marche, donc on arrive à vivre de ce développement. Mais on considère aussi que développer de l’open source c’est important. C’est important pas uniquement du point de vue technologique ou économique, mais c’est aussi important du point politique au niveau de la souveraineté des pays, au niveau de la liberté des citoyens. L’April défend ces sujets-là et, pour nous, c’est important de redonner une partie de nos propres revenus – ce n’est pas grand-chose d’être membre de l’April – pour soutenir les actions à la fois sociales et politiques liées à défendre ce modèle économique-là et ce modèle de développement du logiciel.

Frédéric Couchet : Merci Ludovic déjà pour ce que tu fais dans le Libre. Merci à toi et à XWiki pour le soutien à l’April. Je te souhaite une bonne fin de salon.

Ludovic Dubost : Merci beaucoup.


Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter la première série d’interviews faites lors du Paris Open Source Summit.
Nous allons faire une pause musicale. Nous allons écouter La fin de Saint Valéry par Ehma. On se retrouve juste après. Belle journée à l’écoute de Cause Commune.

Pause musicale : La fin de Saint Valéry par Ehma.

Deuxième partie

Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter La fin de Saint Valéry par Ehma, disponible sous licence Art Libre. Vous retrouverez les références sur le site de l’April, april.org, et sur le site de Cause Commune, causecommune.fm.
Nous allons écouter la seconde série d’interviews faites au Paris Open Source Summit en décembre 2019 et on se retrouve juste après.

Olivier Cayrol, Logilab

Frédéric Couchet : Je suis avec Olivier Cayrol de la société Logilab, toujours au salon POSS en décembre 2019. Bonjour Olivier. Je voudrais déjà que tu nous présentes la société Logilab.

Olivier Cayrol : Bonjour. Logilab est une petite entreprise de 25 personnes aujourd’hui. Nous sommes basés à Paris et à Toulouse et nous proposons des formations autour de différentes techniques comme Python ou ???, des choses comme ça, et nous répondons à des problèmes de nos clients en développement des logiciels en particulier.

Frédéric Couchet : D’accord. Donc Logilab est membre de l’April depuis de longues années, elle soutient nos actions. Pourquoi une entreprise comme Logilab soutient les actions de l’April ?

Olivier Cayrol : Logilab est une entreprise qui a toujours utilisé le logiciel libre depuis sa création en 2000, qui a contribué au logiciel libre et qui attache une grande importance, ça fait partie de ses valeurs, au logiciel libre. Quand on voit aujourd’hui que, très régulièrement, il y a des projets de loi, des initiatives qui vont à l’encontre des libertés fondamentales qui sous-tendent le logiciel libre, eh bien il nous semble tout à fait naturel que nous nous tournions vers des associations ou des acteurs qui sont capables de défendre auprès de nos gouvernants, de faire pression auprès de nos gouvernants pour défendre ces libertés-là et défendre le logiciel libre.

Frédéric Couchet : Olivier, je te remercie et je remercie Logilab pour ce soutien depuis de longues années et je te souhaite une bonne fin de salon.

Olivier Cayrol : Merci beaucoup. Bonne fin de salon également.

Frédéric Couchet : Merci.


Benoit Sibaud, LinuxFr

Frédéric Couchet : Nous sommes avec Benoît Sibaud présent à POSS, le salon du logiciel libre à Paris en décembre 2019. Benoît, tu es président de LinuxFr et vous venez de recevoir un prix des acteurs du Libre. Déjà Benoît est-ce que tu peux te présenter à titre individuel ?

Benoît Sibaud : Bonjour. Benoît Sibaud. Ça fait un petit moment que je traîne dans les milieux du Libre, depuis une vingtaine d’années. Je suis rentré dans l’équipe LinuxFR pour faire du développement. J’ai aussi exercé et j’exerce encore le rôle de directeur de publication et de président de l’association qui est derrière le site Linuxfr.org. J’ai aussi été actif pour la création d’un groupe d’utilisateurs du logiciel libre en région Auvergne, Linux Arverne, et au sein de l’association April pour la promotion et la défense du logiciel libre, d’abord comme membre du conseil d’administration puis cinq ans comme président.

Frédéric Couchet : D’accord. LinuxFr c’est quoi exactement ?

Benoît Sibaud : LinuxFr, à la base c’est une association, c’est une association qui sert de coquille juridique pour le site web d’actualité autour du logiciel libre linuxfr.org. L’association a vraiment pour unique fonction de servir à recevoir des dons et gérer les problèmes juridiques qui pourraient exister, liés au site. Le site en lui-même est un site d’actualité sur le logiciel libre, le matériel libre, la culture libre et tous les sujets annexes autour des libertés dans le monde numérique, on va dire de manière générale. Il est géré par une équipe de bénévoles, sans publicité, depuis 21 ans maintenant, donc un site qui a plus de 100 000 contenus et 1,8 millions de commentaires publiés actuellement.

Frédéric Couchet : Si je comprends bien, en fait le site repose sur le principe que des personnes soumettent des contenus qui sont ensuite soumis à la modération de l’équipe de LinuxFR. C’est bien ça ?

Benoît Sibaud : Il y a plusieurs types de contenus sur le site. Les contenus les plus visibles, ce qu’on appelle les dépêches, sont des articles qui sont soumis par nos visiteurs, soit directement écrits par un visiteur donné qui veut parler de son projet, sa communauté, son actualité, une actualité dans le monde du logiciel libre de manière générale ou qui touche au domaine informatique ou au domaine des libertés. Mais aussi des gens qui utilisent notre espace de rédaction collaborative pour pouvoir rédiger à plusieurs un contenu pour, par exemple, faire une synthèse sur un sujet donné. Souvent on n’a pas une personne qui connaît l’intégralité d’un domaine technique donné, un domaine technique ou juridique ou artistique, enfin un domaine dans son ensemble dans les sujets traités, donc on a une personne qui va écrire un paragraphe sur une partie du sujet, une autre personne qui va écrire un autre paragraphe, une troisième personne qui va s’intéresser uniquement à la correction orthographique, grammaticale, syntaxique, rajouter des liens supplémentaires, mettre des tags, ce genre de choses, puis une autre personne qui va venir et qui va se proposer de rajouter des images et on arrive à avoir plusieurs dizaines de contributeurs sur les contenus les plus volumineux en termes de taille.

Frédéric Couchet : D’accord. Ça fait combien de contenus, enfin de dépêches postées par semaine à peu près ?

Benoît Sibaud : Il y a quelques dépêches publiées par jour, donc on tourne autour d’une vingtaine à peu près, je pense, par semaine, ça dépend des semaines. Il y a des contenus qui sont réguliers, je pense par exemple à la dépêche, la reprise hebdomadaire pour annoncer l’Agenda du Libre et tous les évènements de la semaine sur le logiciel libre en France, en Belgique, en Suisse, en Tunisie et l’autre Agenda du Libre du Québec. On reprend leurs évènements, on les annonce en général le week-end pour la semaine qui suit. Donc on peut avoir ce type de contenus réguliers ou alors des contenus qui sont liés à une actualité, que ça doit une nouvelle directive européenne, l’annonce d’un nouveau projet ou l’évènement d’une communauté, enfin tout type d’évènements susceptibles d’intéresser nos lecteurs. Après tout, l’objectif de linuxfr c’est d’être géré par la communauté et d’être utilisé pour la communauté. Donc nos visiteurs sont aussi nos contributeurs, ils nous aident à publier des contenus. Après, nos visiteurs rentrent aussi dans l’équipe et deviennent modérateurs, animateurs de l’espace de rédaction, qui aident à coder le site, à rajouter des images et des visuels pour le site, à administrer les serveurs de l’association, les serveurs utilisés pour le site. Tout type d’activités qui permettent de faire tourner le site.

Frédéric Couchet : D’accord. Une force particulière, enfin un point important dans les dépêches, ce sont les commentaires, c’est-à-dire que ce sont des dépêches qu’on peut commenter et c’est un peu, peut-être, un sujet de discussion ou sans doute de débat, la qualité ou le nombre de commentaires qu’il y a sur les dépêches. Est-ce que globalement ce sont des commentaires de qualité et est-ce qu’il y a une évolution dans les commentaires au fur et à mesure des années, par rapport au début ? Tu as dit que ça a été créé une vingtaine d’années, est-ce qu’aujourd’hui il y a plus de commentaires, moins de commentaires ?

Benoît Sibaud : Il y a eu pas mal de changements sur la forme des commentaires. Notamment initialement il était possible de laisser des commentaires anonymement alors que ce n’est plus le cas actuellement ; plus précisément les commentaires sont associés à un compte et le compte c’est un pseudonyme. On ne sait pas forcément qui est la personne mais au moins c’est rattaché à un pseudonyme.
En termes de volume, c’est très variable suivant les types de contenus. On a des contenus qui appellent assez de commentaires. Souvent les contenus qui, pour nous, sont les contenus modérés à priori, donc qui sont passés par la relecture de l’équipe de modération, qui ont été complétés, ont en général un petit moins de commentaires parce qu’ils appellent moins à commentaires : on annonce des faits, on annonce un évènement, on publie une synthèse sur tel ou tel sujet, donc il y a un peu moins de commentaires ou ce sont des commentaires très pointus, très techniques. À côté, on a d’autres types de contenus qui sont des contenus où on n’a qu’une modération à posteriori si nécessaire, où tout type de sujets peut être abordé et on peut avoir énormément d’échanges d’une qualité qui peut être variable, ça dépend du niveau de connaissance des gens. Mais c’est aussi permettre aux gens d’exprimer des arguments, devoir discuter avec les autres et échanger sur les divers sujets qui est intéressant. Ce ne sont pas forcément les sujets les plus liés au site en lui-même qui génèrent le plus de commentaires. Actuellement, si je me rappelle bien, le contenu avec le plus de commentaires sur le site est lié à un débat sur l’avortement, donc ce n’est pas vraiment lié à une thématique du site par exemple.

Frédéric Couchet : Pour qu’on comprenne bien, c’est une dépêche qui était liée à l’avortement ou c’est un dérivé d’une dépêche qui n’était pas lié à ce sujet-là ?

Benoît Sibaud : La partie dépêche, le contenu modéré à priori, ça veut dire que c’est en lien avec l’activité du site et ça passe par l’équipe de modération qui va relire, compléter et publier le contenu. On a d’autres types de contenus comme les journaux qui sont une forme de blog, au final : on permet aux visiteurs de poster des contenus sous leur nom sur le site, donc il y a une personne qui avait publié un contenu, en l’occurrence là sur l’avortement, et il y a eu des débats sur les pour et les contre. Il y avait eu de longs débats je crois aux alentours d’un millier de commentaires dessus.

Frédéric Couchet : D’accord. Est-ce que vous avez – vous en avez, vous l’avez annoncé – pas des réquisitions, mais des plaintes justement pour des contenus qui pourraient être soit litigieux, soit diffamants dans l’histoire de linuxFR et comment vous gérez ça ?

Benoît Sibaud : En termes de problèmes liés à du juridique et autre, on a différentes problématiques qui se sont déjà posées à nous. On a eu des cas où on n’était pas directement concernés, mais les contenus passaient par nous. Par exemple on a une personne, à un moment, qui a publié des contenus pour se venger d’une ex-petite amie à priori, donc dans le cadre de ce qu’on appellerait du revenge porn, donc qui a publié des informations personnelles sur une personne plus des contenus dégradants pour la personne. Les contenus ont été pour partie bloqués avant la modération parce qu’on pouvait ou dépubliés [effacés] dès qu’on en a eu connaissance. Là, après, on a été en contact avec la gendarmerie par exemple, mais on n’était pas directement concernés à part qu’on a permis de fournir les éléments qui étaient en notre possession.
Il y a d’autres types de cas où on est concernés par rapport à la loi sur la confiance dans l’économie numérique de 2004 en tant que site qui publie du contenu, soit du contenu qui est publié par nos visiteurs, soit du contenu pour lequel on a fait une modération. Donc là on est partie prenante du processus de publication et on a une responsabilité supplémentaire qui est ajoutée.
Sur ces différents types de contenus, pour différentes raisons, on a déjà reçu dans l’histoire du site plusieurs mises en demeure pour divers sujets, la première concernait une entreprise qui se considérait comme diffamée, la seconde un individu qui considérait son travail comme contrefait ; la troisième est en cours de publication, donc je vais attendre, j’espère qu’elle sera publiée sous peu et on reparlera de la quatrième un peu plus tard je pense.

Frédéric Couchet : D’accord. Tout à l’heure tu parlais de l’équipe de bénévoles de LinuxFr. Il est important de préciser qu’il n’y a que des bénévoles qui contribuent à LinuxFr. Combien de personnes constituent aujourd’hui l’équipe ?

Benoît Sibaud : Il y a globalement 20 à 30 personnes qui contribuent à l’équipe, c’est assez varié. On doit être une à deux personnes pour gérer la partie administration des serveurs. Il y a deux/trois personnes qui contribuent sur la partie code. Il y a une quinzaine de personnes dans l’équipe de modération. Il y a quelques personnes qui font l’animation de l’espace de rédaction pour aider les gens à écrire des contenus. Globalement, il y a à peu près 20 à 30 personnes qui travaillent sur le site. Ce ne sont pas forcément les mêmes qu’à l’origine, heureusement il y a eu du renouvellement : les problématiques habituelles de la vie, il y a des gens qui ont moins de temps libre, qui vont avoir des enfants, qui changent d’activité, qui s’orientent vers d’autres types sujets ou qui lancent leur propre projet. Globalement on a réussi à renouveler les équipes jusque-là et c’est plutôt une bonne chose de voir que le site est toujours là plus de 20 ans après.

Frédéric Couchet : Justement, vous venez de recevoir un prix aujourd’hui au salon POSS. Le prix c’est le Prix du numérique ouvert et éthique. Peu importe le nom du prix ! C’est vrai qu’on pense qu’en 20 ans de présence, effectivement ! Comment vous le recevez ce prix en termes de l’équipe ? Ce n’est pas une concrétisation, mais comment vous recevez le prix ?

Benoît Sibaud : C’est un prix qui était basé sur une candidature, ce qu’on a trouvé intéressant c’était la partie argumentation de la candidature et expliquer ce qu’on fait, pourquoi on le fait, comment on le fait. Expliquer que le fait de gérer nos serveurs, d’avoir notre logiciel et de contribuer à notre logiciel, de publier sous une licence libre le logiciel qu’on utilise pour réaliser le site, de gérer l’activité du site de manière la plus ouverte possible et de communiquer, de manière générale, sur tout ce qu’on fait et comment on le fait. On parlait tout à l’heure de la question des mises en demeure, quand on reçoit des mises en demeure, une fois que l’aspect strictement réponse juridique est traité, on va communiquer, on va publier la mise en demeure qu’on a reçue, on va expliquer la réaction qu’on a eue, l’analyse qu’on a pu en avoir et quel type d’actions on a pu avoir derrière, parce qu’on sait que ça va arriver à d’autres personnes de recevoir ce type de mise en demeure et que nous on peut se permettre de communiquer dessus et d’expliquer ce qu’il faut faire dans ce cas-là, comment réagir, ce qu’il faut faire, ce qu’il ne faut pas faire. De manière générale, on essaye de communiquer sur tous les sujets liés à notre activité pour que d’autres puissent faire la même chose que nous.
On a fait de nombreuses conférences sur ces thématiques-là, dont une qui s’appelait « LinuxfR, mais refaire ? », si c’était à refaire comment on referait le site. On essaye d’être toujours en capacité, de se demander comment on pourrait refaire le site et est-ce que d’autres pourraient faire la même chose que nous, lancer la même chose que nous ? Une des questions, notamment, ce sont les restrictions qu’il peut y avoir maintenant sur la liberté d’expression ou le contexte juridique : en quoi on va avoir des nouvelles limitations, comment on doit s’adapter et quelles sont les nouvelles contraintes, quelles réponses on va adopter ? Oui, ça serait plus facile d’éliminer tous les contenus et tous les commentaires problématiques, on éviterait ainsi tous les problèmes, mais ce n’est pas forcément ce qu’on souhaite. Bref ! Ce sont toutes ces questions-là qui apparaissent derrière la question de faire du numérique de manière libre, certes, mais aussi de manière ouverte et éthique.

Frédéric Couchet : D’accord. On va rappeler que le site c’est linuxfr.org et c’est le site de référence pour les actualités. On encourage évidemment les personnes qui écoutent l’émission ou le podcast à s’inscrire au flux RSS et à soumettre des propositions de dépêches ou à commenter les dépêches, de participer dans les journaux.
Dernière question : qu’est-ce que tu pourrais souhaiter ? Quels seraient les besoins potentiels de LinuxFR pour les années à venir ?

Benoît Sibaud : Comme tous les projets et les projets du Libre en particulier, on a toujours besoin de contributeurs pour aider à tous les niveaux. La vraie problématique est toujours la même pour tout le monde. Je disais qu’on a renouvelé les effectifs du côté de l’équipe mais aussi du côté des visiteurs, mais ça reste toujours le grand sujet pour le site : comment s’assurer que les nouvelles générations ou des nouveaux lecteurs vont venir sur le site, à quel point on va réussir à avoir un site qui est moderne techniquement, qui est moderne esthétiquement et qui aborde correctement les thématiques actuelles on va dire. Est-ce que si on parlait uniquement de logiciel libre maintenant ce ne serait peut-être pas suffisant. Le fait d’élargir à d’autres thématiques c’est dans l’air du temps et quels sont les prochains sujets qui vont apparaître, de quoi on va devoir parler, ça fait aussi partie des choses qu’on doit identifier et aider les gens à s’exprimer sur ces sujets-là. Le but de LinuxFr c’est de permettre aux communautés de s’exprimer, de servir de relais de communication et de pouvoir médiatiser un certain nombre de messages.
Hier j’assurais la publication de la énième dépêche sur le sujet des brevets logiciels au niveau européen et un nouvel appel à manifester au Parlement à Bruxelles. Ça fait des dizaines de dépêches qu’on passe sur le sujet, on en parle depuis 2003 au moins et le sujet est toujours d’actualité, on continue à en parler. Ça reste un sujet important, c’est important que les nouveaux lecteurs ou ceux qui n’étaient pas là il y a 20 ans découvrent le sujet, en prennent connaissance et qu’on continue à animer les communautés et à diffuser ce type de messages.

Frédéric Couchet : Benoît très bien. Je vais rappeler, je vais indiquer que le podcast de l’émission Libre à vous ! est annoncé évidemment chaque semaine sur linuxfr. J’en profite pour remercier l’équipe de modération parce que, entre la première fois où j’ai posté des annonces et aujourd’hui, il y a eu des évolutions dans ma présentation qui ont été faites suite à des suggestions de l’équipe de modération pour améliorer la présentation de l’annonce. Ça c’est très important, quand on soumet une dépêche, d’avoir un retour nous disant « là tu pourrais améliorer telle ou telle chose », donc franchement merci à l’équipe de modération et puis merci à Linux Fr d’exister. On va faire un petit coucou notamment à Fabien Penso, l’un des fondateurs de LinuxFr il y a une vingtaine d’années.
Benoît je te remercie pour cette présentation de LinuxFr et pour tout ce que tu fais. Je te souhaite une belle journée.

Benoît Sibaud : Merci.


Pierre Baudracco, BlueMind