Libre à vous ! Radio Cause Commune - Transcription de l'émission du 5 novembre 2019

De April MediaWiki
Révision datée du 8 novembre 2019 à 04:33 par D O (discussion | contributions) (Début de la transcription de l'interview de Julie Bideux)
Aller à la navigationAller à la recherche
La version imprimable n’est plus prise en charge et peut comporter des erreurs de génération. Veuillez mettre à jour les signets de votre navigateur et utiliser à la place la fonction d’impression par défaut de celui-ci.


Titre : Émission Libre à vous ! diffusée mardi 5 novembre 2019 sur radio Cause Commune

Intervenant·e·s : - Frédéric Couchet - à la régie

Lieu : Radio Cause Commune

Date : 5 novembre 2019

Durée : 1 h 30 min

Podcast provisoire

Page des références utiles concernant cette émission

Licence de la transcription : Verbatim

Illustration :

NB : transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.


Transcrit

Transcription

Transcription

Voix off : Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.

Frédéric Couchet : Bonjour à toutes. Bonjour à tous. Vous êtes sur la radio Cause Commune 93.1 en Île-de-France et partout dans le monde sur le site causecommune.fm. La radio dispose également d’une application Cause Commune pour téléphone mobile.
Merci à vous d’être avec nous aujourd’hui.
La radio dispose également d’un salon web, utilisez votre navigateur web, rendez-vous sur le site de la radio, causecommune.fm, cliquez sur « chat » et retrouvez-nous ainsi sur le salon dédié à l’émission.
Nous sommes mardi 5 novembre 2019, nous diffusons en direct, mais vous écoutez peut-être une rediffusion ou un podcast.

Soyez les bienvenus pour cette nouvelle édition de Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre. Je suis Frédéric Couchet, le délégué général de l’April.
Le site web de l’April c’est april.org et vous pouvez y trouver une page consacrée à cette émission avec tous les liens et références utiles, les détails sur les pauses musicales et toute autre information utile en complément de l’émission et également les moyens de nous contacter. N’hésitez pas à nous faire des retours pour indiquer ce qui vous a plu mais aussi des points d’amélioration.
Si vous souhaitez réagir, poser une question pendant ce direct, n’hésitez pas à vous connecter sur le salon web de la radio, donc sur causecommune.fm.

Nous vous souhaitons une excellente écoute.

Nous allons maintenant passer au programme de l’émission du jour.
Nous commencerons par la chronique « La pituite de Luk » qui portera sur Google la presse et les droits voisins.
D’ici dizaine de minutes nous aborderons notre sujet principal qui portera sur les femmes et les métiers et communautés de l’informatique et du logiciel libre.
En fin d’émission nous aurons une présentation du Pacte pour la Transition
À la réalisation de l’émission aujourd’hui ma collègue Isabella Vanni. Bonjour Isabella.

Isabella Vanni : Bonjour.

Frédéric Couchet : Comme à chaque début d’émission on va vous proposer un petit quiz. Je vous donnerai les réponses en cours d’émission et vous pouvez proposer des réponses soit sur le salon web de la radio, soit via, par exemple, les réseaux sociaux.
Première question : l’émission du 29 octobre 2019 était la 42e émission de Libre à vous ! 42 est un nombre fétiche dans la culture geek, la culture informatique, la culture de l’imaginaire et nous avons donc fait quelques clins d’œil et références à une œuvre. Quelle est cette œuvre ?
Deuxième question. Aujourd’hui notre sujet principal portera sur les femmes et les métiers de l’informatique et du logiciel libre. Sauriez-vous dire qui est la première personne à avoir réalisé un programme informatique. Petit indice : c’est une femme.

Tout de suite place au premier sujet.

Chronique « La pituite de Luk », Google, la presse et les droits voisins

Frédéric Couchet : Nous allons commencer l’émission avec la chronique « La pituite de Luk » qui va porter sur Google, la presse et les droits voisins. Luk n’est pas avec nous aujourd’hui et la chronique est enregistrée, donc on se retrouve juste après.




Les femmes et les métiers et communautés de l'informatique et du logiciel libre avec Catherine Dufour, Katia Aresti et Caroline Corbal

Frédéric Couchet : Nous allons donc poursuivre par notre sujet principal qui va porter sur les femmes et l’informatique et aussi le logiciel libre avec nos invitées : Catherine Dufour ingénieure en informatique, autrice de Ada ou la beauté des nombres qui vient de paraître chez Fayard en septembre 2019. Bonjour Catherine.

Catherine Dufour : Bonjour.

Frédéric Couchet : Katia Aresti, ingénieure logiciel chez Red Hat, membre de Duchess France. Bonjour Katia.

Katia Aresti : Bonjour.

Frédéric Couchet : Et normalement au téléphone avec nous Caroline Corbal de Code for France et membre d'Open Heroines France. Bonjour Caroline.

Caroline Corbal : Bonjour, je suis là.

Frédéric Couchet : Super, on n’a pas eu ce problème technique téléphonique comme tout à l’heure. Bienvenue à vous trois. Première question même si je vous ai présentées très rapidement, une petite présentation personnelle, on va commencer par Caroline qui est au téléphone, c’est la situation la moins facile, donc Caroline.

Caroline Corbal : Bonjour. Tu m’as présentée, je suis membre du collectif Open Heroines que, je pense, on pourra présenter à nouveau tout à l’heure et sinon je suis cofondatrice d’une association qui s’appelle Code for France et je gravite dans le milieu du Libre depuis quatre/cinq ans.

Frédéric Couchet : D’accord. Katia Aresti.

Katia Aresti  : Je suis ingénieure informatique chez Red Hat et je suis membre de Duchess France qu’on présentera tout à l’heure aussi depuis 2010. Je fais de l’open source en Java, particulièrement

Frédéric Couchet : Je précise qu’on a déjà eu l’occasion d’avoir Katia Aresti dans notre émission sur le métier du développement logiciel libre, le podcast est disponible, et on a déjà eu aussi Caroline Corbal, je ne sais plus à quel moment c’était, mais pareil le podcast est disponible sur les sites de Cause Commune et de l’April. Catherine Dufour.

Catherine Dufour : Bonjour. Je m’appelle Catherine Dufour, je suis aussi ingénieure en informatique, je fais des bibliothèques numériques. Je fais des chroniques au Monde diplomatique,je donne des cours à Sciences Po et je suis auteure de science-fiction.

Frédéric Couchet : D’accord. Le sujet qu’on va aborder aujourd’hui, on ne va pas aborder tous les thèmes du sujet parce qu’il est très vaste, c’est une première émission sur le sujet, mais déjà première question, le constat, pourquoi on parle de ce sujet-là, la place des femmes dans l’informatique et du logiciel libre alors qu’en fait, initialement, ce n’était pas la situation qu’on connaît aujourd’hui. Qui veut commencer peut-être sur l’histoire, rappeler les premières… Je précise qu’à la radio elles se font des signes pour se passer la parole. On va commencer sans doute par Catherine Dufour, notamment est-ce que les femmes ont toujours absentes, en tout cas moins présentes que les hommes dans l’informatique ? Comment ça se passait il y a quelques années ?

Catherine Dufour : Elles ont toujours été très présentes. Avant elles étaient très présentes. L’informatique a commencé à la Seconde guerre mondiale, on va dire en gros, même si c’est vrai qu’IBM a été créée genre en 1890 par Hollerith, mais globalement la partie noble de l’informatique c’était le hard c’est-à-dire la machine et puis le soft, la programmation, c’était la partie moins noble, donc on employait des femmes. Celle qui a inventé le premier programme informatique c’est Ada Lovelace, c’était en 1843, c’était un peu lointain. La première codeuse d’un des premiers gros ordinateurs, le Mark 1, c’était Grace Hopper, qui est donc l’ingénieure américaine et après il y avait un autre gros ordinateur à l’époque, là je vous parle c’est Seconde guerre mondiale ou juste après, c’était l’ENIAC, qui a été programmé par six mathématiciennes. Donc la programmation est longtemps restée une prérogative féminine. Et dans les années 70 – il y a un très bon article de Chantal Morley sur le sujet, à mon avis vous le trouverez sur Slate – l’informatique est devenue de plus en plus prégnante, l’informatique s’est répandue partout et les salaires ont commencé à monter. Il y a eu une réaction en Angleterre où c’était quand même l’État qui était le plus gros employeur d’informaticiens et d’informaticiennes, ils se sont vraiment dit « on ne va donner des payes pareilles à des femmes  », et ils ont arrêté d’embaucher des programmeuses. Je crois qu’à l’époque il y a 50 % de femmes dans l’informatique ; dans les années 80, je ne sais plus les chiffres exacts, c’est passé 40 ou 30. Et maintenant, selon les paroisses, on dit que les femmes sont 12 % ou 20 % du secteur, mais il y a eu une volonté ferme de renvoyer les dames à la maison et de ne pas leur servir les gros salaires des informaticiens.

Frédéric Couchet : En fait, concrètement, c’est quand l’argent a commencé à arriver et le prestige on a dit : « Mesdames dehors, laissez la place aux hommes ! » C’est un peu ça.

Catherine Dufour : C’est toujours comme ça.

Frédéric Couchet : C’est toujours comme ça. Est-ce que Caroline ou Katia vous voulez compléter sur cette partie constat ou historique ou même le constat actuel ? Katia Aresti.

Katia Aresti : Oui, pour l’historique je pense que c’est très bien résumé, merci. Pour le constat actuel, oui, aujourd’hui on avance dans notre carrière pour travailler en tant que développeuse et plus on veut rester technique et avancer, du coup tu avances dans ta carrière, plus on voit qu’il y a plus de femmes qui quittent et qui vont être poussées plutôt à faire du management, du product owner, du fonctionnel. Très tôt dans notre carrière, on nous pousse plutôt à aller vers ça plus que les hommes je dirais. C’est comme si on voyait que comme les hommes, de toute manière, sont plus geeks, qu’ils vont peut-être plus s’épanouir pour devenir techniquement très forts avec les années et que nous on a quand même derrière un peu ce cliché qu’on va mieux faire de la gestion, qu’on va être plus sociales, etc., du coup on va nous pousser vers d’autres trucs très tôt dans notre carrière. Donc oui, quand tu as 14 ans d’expérience comme moi, eh bien on voit qu’il y a moins de femmes et dans l’open source encore moins.

Frédéric Couchet : On reviendra tout à l’heure sur la spécificité effectivement du Libre. Caroline Corbal est-ce que tu veux ajouter quelque chose ?

Caroline Corbal  : Oui, que je partage tout à fait ce qui vient d’être dit et je pense, en effet, que ça fait un moment qu’on parle de la place des femmes dans le numérique et que concrètement la situation évolue beaucoup trop lentement. On voit qu’il n’y a pas assez de femmes encore qui contribuent à des projets libres. Il y a encore trop d’évènements avec une majorité d’intervenants masculins voire 100 % masculins et ça j’en ai encore vus récemment et je pense que c’est juste plus possible. Il y a encore trop peu de femmes dans les comités de direction des entreprises et puis encore, au quotidien, trop de situations de sexisme ordinaire qu’on doit subir. En échangeant entre femmes on se rend vraiment que beaucoup ne se sentent pas légitimes à prendre la parole que ce soit en public ou parfois dans des environnements fermés, ce qui me semble très problématique.

Frédéric Couchet : D’accord. Avant de repasser la parole à Catherine Dufour, j’ai une petite question collective. Catherine dans son introduction a parlé des années 40/50 jusqu’aux années 70 on va dire, mais dans les années 80 il y a eu un moment important c’est l’arrivée des ordinateurs personnels. Est-ce que l’arrivée des ordinateurs personnels a aggravé la situation dans le sens où ils ont été peut-être plus été donnés à des garçons qu’à des filles ou, au contraire, est-ce que ça n’a joué aucun rôle ? C’est une question ouverte. Je redonne la parole à Catherine Dufour.

Catherine Dufour : Je n’aurai pas de réponse. Je dirais que très probablement, de toute façon, on a plus tendance à offrir des petits ordinateurs aux garçons et puis des petites machines à repasser aux filles, mais c’est juste du feeling. Je n’ai pas de données chiffrées là-dessus.
Pour reprendre, ce qu’a dit Katia est très important, c’est qu’il ne s’agit pas uniquement de plafond de verre. Un plafond de verre, vous montez en même temps que les hommes et à un moment pouf ! vous arrêtez, eux continuent. C’est ce qu’on appelle le couloir de verre. Là je voulais vous raconter une petite anecdote : une fois je suis intervenue dans une grosse société où il y avait une espèce de raout « féminisme et diversité ». C’est-à-dire qu’en gros on met dans une salle les femmes, les Noirs et les handicapés et on fait une grande conférence pour parler de ces soucis-là et à quel point la société essaye, justement, de détruire les inégalités. L’introduction a été faite par monsieur le PDG et puis il y a eu une petite allocution de monsieur le directeur financier et après ils nous ont dit : « Ce n’est pas tout ça, mais nous on a conseil d’administration, on va vous laisser discuter entre vous » [prononcé avec une voix mielleuse, NdT]. Ces messieurs sont allés exercer leurs fonctions régaliennes en nous laissant entre femmes, c’est-à-dire la responsable de la communication, la responsable des ressources humaines, c’est-à-dire, comme disait effectivement Katia, toutes les fonctions un petit peu molles, un petit peu dans le social, mais qui ne ont pas le nerf de la guerre, qui ne sont pas les vraies décisionnaires. Et à ce moment-là à la pause, en discutant avec les jeunes filles et les moins jeunes qui travaillaient dans cette société que j’ai compris que ce n’est pas tellement qu’on les empêchait de monter, c’est que dès le départ on les met dans un couloir de verre qui les emmènera de toute façon vers les fonctions molles où on est facilement remplaçable et où on ne prend pas les décisions importantes. Les hommes gardent en attribution, je dirais, le cœur du métier et le nerf de la guerre.
On ne raisonne plus forcément maintenant en fonction de plafond de verre mais en fonction de couloir de verre et c’est très bien fléché depuis le début de la carrière. Donc je félicite Katia pour avoir résisté à la pression de prendre ce couloir.

Frédéric Couchet : Avant de redonner la parole à Katia, sur le métier de développeuse, j’insiste : écoutez le podcast de l’émission avec Katia et Emmanuel Raviart où ils ont expliqué qu’on pouvait être développeur et développeuse de logiciels en l’occurrence de logiciels libres pendant des années et des années, que devenir chef de projet ou faire du marketing ce n’était pas la voie absolue ; je vous encourage vraiment à l’écouter. Je voulais juste savoir, par rapport à ma question sur les ordinateurs personnels des années 80, est-ce que Katia ou Caroline vous avez un commentaire là-dessus ou, pareil, vous n’avez pas de réponse ? Katia.

Katia Aresti : Effectivement je n’ai pas vécu ça parce que, justement, je pense que mon père m’a un peu mis dans la tête que je devais être une ingénieure. Depuis toute petite, quand j’avais trois/quatre et qu’on me demandait ce que je voulais être quand je serais grande, moi je disais que je voulais être ingénieure, parce que lui disait « tu vas être ingénieure ». Après j’ai fait ça parce que j’ai appris à coder plus tard et j’ai aimé coder. Donc c’est pour ça que j’ai pris cette voie, pas parce que mon père m’a dit de faire ceci ou cela, c’est vraiment qui moi ai choisi. Mais ce qui était intéressant dans mon cas c’est que lui m’a poussée à beaucoup de choses : c’est lui qui apportait les Lego à la maison, il achetait des jouets typiquement plus orientés pour des garçons ou, disons, marketisés pour les garçons, donc pas roses, mais j’avais aussi des poupées, énormément de poupées, je faisais de la peinture, je faisais de la danse, etc. Disons que j’ai été exposée à tout et je n’ai pas vécu ça. J’ai eu un ordinateur après. Oui, je crois que ça peut avoir une grosse influence la façon dont on te pousse à la maison et tous les stéréotypes de jouets, etc. Ce à quoi on joue quand on est petit et qu’on grandit avec ça, ça joue forcément quand même. Du coup je pense qu’il y a forcément eu une influence à mon avis, mais c’est empirique en même temps je n’ai pas de data, de données.

Frédéric Couchet : On reviendra sur ce sujet dans le cours de l’émission, sur le rôle de l’éducation, des parents, de l’école, etc. Juste après on va aborder aussi de ce qui aggrave la situation aujourd’hui, de ce qui peut aussi l’améliorer, on va parler d’aujourd’hui. Caroline, est-ce que sur la partie expérience des années 80, même si, de mémoire, tu es un peu plus jeune peut-être que nous, est-ce que tu as une expérience ou des commentaires à faire ?

Caroline Corbal : Je rejoins Katia. Moi j’ai eu de la chance parce que mes parents m’ont tout de suite mis un ordinateur dans les mains, c’était dans les années 90, donc j’ai pu essayer ça dès le début et c’est là où je pense que l’école va avoir un rôle fondamental pour gommer les discriminations qu’on peut avoir dans certains foyers. J’espère de toute façon qu’à terme, dans les foyers aussi, on aura de moins en moins ces discriminations-là.

Frédéric Couchet : OK. On va parler un petit peu de ce qui, même si Caroline a commencé, sur ce qui aggrave la situation, sur ce qui peut améliorer la situation, les propositions concrètes, on parlera aussi peut-être des spécificités du logiciel libre s’il y en a par rapport à l’informatique en général parce qu’il peut y avoir. Catherine Dufour, vous vouliez intervenir ?

Catherine Dufour : Oui. Je voulais juste dire que la notion de père est très importante. J’ai écrit un livre.

Frédéric Couchet : Pair, p, a,i, r ?

Catherine Dufour : P, e, r, e, avec un accent.

Frédéric Couchet : Père, OK.

Catherine Dufour : J’ai écrit un livre le Guide des métiers pour les petites filles qui ne veulent pas finir princesses où je donne des modèles c’est-à-dire des biographies de femmes informaticiennes, mathématiciennes, chercheuses d’or, agentes secrètes, surfeuses, bref, tout un tas de métiers rigolos et que les femmes ne font pas traditionnellement. Donc je me suis intéressée aux biographies de ces femmes-là, celles qui font de la voile, celles qui font du combat rapproché, enfin bref, des choses vues comme masculines. Systématiquement c’est le père qui autorise. Émilie du Châtelet qui est une grosse génie mathématique du 18e siècle, c’est son père qui lui a donné l’autorisation de faire et je retrouve très souvent le père comme moteur du fait qu’une femme s’affranchisse des limites imposées à son genre. Donc messieurs, si vous vous sentez féministes, le meilleur service que vous pouvez rendre aux femmes c’est d’autoriser votre fille à sortir justement de ces limites, l’autoriser et lui donner les moyens. Véritablement, ça se retrouve systématiquement.

Frédéric Couchet : D’accord. Excellente intervention. On reviendra sur la partie éducation encore plus en détail après. Caroline, tout à l’heure tu avais commencé à citer quelques points qui aggravent la situation. On a bien compris l’historique mais aujourd’hui il y a des choses qui aggravent. Est-ce qu’on peut faire un petit peu tour d’horizon rapide et peut-être les choses qui permettent, justement, de corriger ces points négatifs et les propositions concrètes ? Là on parlera un peu plus de vos structures et de vos actions. Qu’est-ce qui aggrave aujourd’hui la situation qui n’est déjà pas très belle ?

Caroline Corbal : Déjà, je dirais que ça dépend du point de vue où se place. Si on se place au niveau des organisations, par exemple des entreprises et des associations qui sont deux milieux que j’ai pu pas mal expérimenter, ce que j’ai observé c’est que le manque de dialogue est vraiment un souci. Entre équipes on a vraiment besoin de se parler, de se dire quelles sont nos attentes sur ces sujets-là au risque d’entretenir des situations qui sont non satisfaisantes. Ensuite, je pense qu’un des soucis c’est le manque de prise de risque : par exemple prise de risque lors d’évènements à inviter des intervenantes qui sont moins expérimentées, en disant qu’on veut tel ou tel nom masculin parce que c’est une valeur sûre. En fait, je pense qu’il faut vraiment qu’on apprenne à faire confiance à des femmes plus jeunes et si on ne le fait c’est un cercle vicieux et ces femmes-là ne pourront jamais se former.
Ensuite je pense que la manière dont les enjeux de diversité et d’inclusion sont traités aggravent parfois le problème parce que soit c’est traité soit comme des enjeux de communication sans action concrète derrière ce qui peut les desservir, sauf, en fait, c’est l’inverse, on n’en parle pas parce qu’on a peur de mal faire, de mal en parler, de ne pas utiliser les bons termes, par exemple de faire peur à ses clients en public et ça je pense que c’est vraiment regrettable.
Et dernier mot là-dessus, au niveau global aussi, je pense que l’absence de rôle modèle joue un rôle parce que nos cultures numériques sont vraiment peuplées d’icônes masculines, que ces hommes-là nous inspirent ou non, on peut tous citer leurs noms alors que ce n’est pas le cas de la plupart des femmes qui aujourd’hui excellent dans le milieu informatique. Je pense que ça aggrave vraiment le problème parce que les jeunes filles ne peuvent pas s’identifier à des rôles modèles féminins.

Frédéric Couchet : Très bien. En plus ça me fait rebondir sur le livre de Catherine Dufour, Guide des métiers pour les petites filles qui ne veulent pas devenir princesses où vous avez justement des rôles modèles.

Catherine Dufour : Des rôles modèles, c’était le but.

Frédéric Couchet : Anciennes et actuelles, ça c’est important et on reviendra tout à l’heure sur le rôle important joué sur ce rôle modèle notamment avec Duchess France pour la mise en valeur des rôles modèles. Est-ce que vous voulez compléter, Katia ou Catherine, sur cette partie vraiment aggravation de la situation ou est-ce qu’on passe directement aux choses plutôt positives, c’est-à-dire comment améliorer les choses ?

Catherine Dufour : Je suis tout à fait d’accord avec Caroline. En plus, moins il y a d’intervenantes moins il y a d’intervenantes. C’est-à-dire que quand on veut convier et avoir un minimum de parité et qu’on convie une femme, elle a déjà 80 invitations parce qu’elle est un peu toute seule. C’est un problème que je rencontre fréquemment. Il y a quand même des solutions, il y a un site qui s’appelle expertes.fr, qui est très bien, où vous allez trouver des femmes d’absolument toutes les couleurs dans toutes les disciplines. Surtout n’hésitez pas à aller sur ce site-là, il est génial pour trouver de la ressource.

Frédéric Couchet : Katia.

Katia Aresti : Rien. Tout a été dit et très bien expliqué.

Frédéric Couchet : On va parler des propositions concrètes ou en tout cas pour résoudre ce problème. Ça va être aussi l’occasion de présenter un peu vos initiatives et sans doute d’autres initiatives, il n’y a pas que les vôtres, évidemment. On va peut-être commencer par Duchess France avec Katia Aresti. Comme tu l’as dit tu es développeuse chez Red Hat, entreprise du logiciel libre, et tu fais partie de Duchess France. Quel est l’objectif de Duchess France et quelles sont vos principales actions ?

Katia Aresti : Duchess France est une association qui a été créée début 2010 par quatre femmes qui avaient fait un constat : justement, elles faisaient des soirées techniques à Paris et elles se disaient « pourquoi il n’y a pas plus de femmes ? Elles sont où les autres femmes, etc. ? Peut-être qu’elles ne sont pas motivées à venir à des soirées, etc. » Du coup elles ont créé ça avec justement l’idée de dire « vous n’êtes pas toutes seules, il y a plus de développeuses et des gens de femmes techniques donc rencontrons-nous et créons ». Ça c’était l’origine du groupe. Je me suis inscrite au groupe dès le départ, dès la création en mars 2010, et ensuite j’ai rejoint en tant que membre organisatrice, deux/trois mois après. Donc je ne suis pas fondatrice, mais je suis là depuis la fondation. En fait nos actions sont principalement pour mettre en avant justement des femmes pour que d’autres femmes s’inspirent des différents parcours, mettre en place toute une communauté sur Slack dans laquelle aujourd’hui on peut discuter.

Frédéric Couchet : Précise ce qu’est Slack.

Katia Aresti : Slack c’est un chat, un logiciel qui sert à créer des canaux de chat.

Frédéric Couchet : De communication.

Katia Aresti : Voilà. Du coup on peut poster sur différents sujets, échanger, etc., des trucs techniques comme personnels, n’importe quoi. On organise aussi des soirées techniques à Paris. On essaye que les intervenants dans les soirées techniques soient des femmes ou un homme et une femme. Parfois ce n’est pas possible, du coup on ne veut refuser quelqu’un qui veut venir parler à Duchess parce que c’est un homme, mais le but c’est vraiment de pousser les femmes à parler, à partager leurs connaissances techniques, donc on fait des soirées autour de ça. Ça peut aussi être simplement un apéro. On fait plein de choses, le truc n’est pas méga structuré dans le sens où on n’a pas une soirée tous les mois, je ne sais pas comment, c’est vraiment selon les besoins.

Frédéric Couchet : Au feeling.

Katia Aresti : Au feeling et selon les disponibilités de chacune parce qu’on fait quand même tout ça en bénévolat et du coup ça prend quand même un temps fou et la plupart on a une vie de travail plus famille plus mille trucs. La communauté est quand même assez grande et sur Meetup qui est un site pour justement rassembler, pour organiser des évènements et faire en sorte que les gens s’inscrivent, on était pas loin de 2500 inscrits ou 3000. En fait il y a plein de meetups donc de soirées techniques comme ça sur Paris et mon constat est que quand c’est Duchess qui l’organise la moitié des personnes qui assistent, sur des soirées très techniques, ce sont souvent des femmes. Alors que d’autres soirées techniques organisées par d’autres groupes, peut-être pas une femme, voire zéro, le pourcentage est vraiment beaucoup plus petit. Mais nous on n’organise pas que pour les femmes, on ne ferme à personne, en fait.

Frédéric Couchet : D’accord. On reviendra sur ta remarque, notamment sur les réunions mixtes ou non-mixtes, les réunions non-mixtes peuvent avoir leur importance. Je relaie une question ou plutôt une suggestion qui est sur le salon web – n’hésitez pas à vous joindre à nous sur causecommune.fm – Marie-Odile qui suggère sous forme de question d’enregistrer les conférences et de les publier et en plus je pense qu’elle pourrait rajouter qu’elle va les transcrire parce Marie-Odile c’est la personne qui transcrit les conférences. Question : est-ce que ces conférences sont enregistrées ?

Katia Aresti : Celles qu’on fait avec Duchess ?

Frédéric Couchet : Oui.

Katia Aresti : Si dans la salle qui nous héberge il y a moyen, oui. Mais sinon non et parfois ce sont juste des ateliers de coding, c’est pour les pros. Souvent, ce qu’on fait, c’est pour les pros, ce n’est pas pour initier les gens au code, c’est vraiment pour les pros qu’on est là, donc ce sont des choses techniquement assez poussées en fait.

Frédéric Couchet : D’accord. Caroline Corbal, de ton côté Open Heroines je pense que c’est assez proche. Tu vas nous expliquer ça. D’où vient Open Heroines et qu’est-ce que vous faites ?

Caroline Corbal : Il y a quelques similitudes avec ce que vient de dire Katia. Open Heroines, en fait, c’est un collectif international qui a été créé il y a quatre ans pour rassembler les voix de femmes qui agissent dans le numérique ouvert. Par numérique ouvert on entend le logiciel libre, l’open data, l’open gov, les communs numériques, etc. C’est un réseau international. Pour le coup c’est fermé aux hommes, c’est uniquement pour les femmes. Elles se retrouvent sur un Slack international et avec une amie, Cécile Le Guen, on a décidé il y a deux ans d’ouvrir le chapitre français de ce réseau face au constat qu’on rencontrait encore dans nos environnements professionnels trop de situations de sexisme ordinaire et qu’on avait besoin d’en parler entre femmes dans des espaces safes, où on se sent en sécurité pour en parler. Open Heroines en France est un réseau de confiance dans lequel chacune est bienvenue. C’est complètement informel, il n’y a pas de bullshit, pas de ???

Frédéric Couchet : Pas de quoi ?

Caroline Corbal : De bullshit. Comment on dit en français ? On parle de choses sérieuses quoi ! On parle de choses sérieuses, il n’y a pas de ???, pas d’ordre du jour, pas de feuille de route. On va avoir des ??? régulièrement. On a une boucle sur l’application Telegram pour échanger, sur laquelle toutes les femmes sont les bienvenues. Il y a d’ailleurs aussi des femmes qui ne sont pas dans le numérique qui nous rejoignent parce qu’elles sont intéressées par nos discussions. De temps en temps on monte des projets quand le besoin s’en fait ressentir. Par exemple récemment on a organisé une soirée sur les femmes et la politique pour aider des jeunes femmes à s’engager en politique. Là ça dépasse un peu le sujet du numérique. Si vous souhaitez nous rejoindre n’hésitez pas à me contacter et je vous rajouterai dans la boucle des discussions.

Catherine Dufour : Volontiers. Oui.

Frédéric Couchet : D’accord. Invitation lancée. Petite question tout à l’heure sur la partie justement les ateliers ou en tout cas les rencontres non-mixtes, est-ce que tu pourrais expliquer l’importance de ces rencontres non-mixtes ? C’est un sujet qui a souvent été un sujet de discussion dans les communautés et mal compris. Est-ce que tu peux nous expliquer, ou bien sûr Katia et Catherine, l’importance de ces rencontres entre femmes ?

Caroline Corbal : En fait c’est vraiment là, pour le coup, venu du constat qu’entre femmes on ne se parle pas de la manière que quand il y a des hommes et qu’il y a aussi beaucoup de femmes qui ne viennent pas à des réunions où il y a des hommes ou alors si elles viennent elles n’osent pas prendre la parole de la même manière. Vu l’ensemble des problèmes qu’on rencontrait, on avait besoin d’espaces où on se sent en sécurité, on se sent bien pour aborder ces problèmes. Parfois on parle de soucis liés justement au sexisme ordinaire, de tous ces sujets-là, là on est encore mieux pour en parler entre femmes puisqu’on peut en parler librement. Mais on parle aussi d’autres sujets. Je pense que la non-mixité ce n’est pas l’unique solution mais c’est une solution, c’est déjà quelque chose qui est déjà fondamental pour que les femmes puissent s’organiser entre elles et trouver des solutions.

Frédéric Couchet : D’accord. On va revenir sur ce sujet-là, les propositions concrètes, parce que j’ai vu sur vos sites que vous avez pas mal de propositions, notamment on reviendra sur l’organisation des conférences, quels conseils on peut donner justement aux structures qui organisent des conférences.

On va faire une pause musicale. On va écouter Age of Feminine par Kellee Maize. On se retrouve juste après. Belle journée à l’écoute de Cause Commune.

Pause musicale : Age of Feminine par Kellee Maize.

???

Pause musicale : Balloon girl par Hungry Lucy.

Frédéric Couchet : Balloon girl par Hungry Lucy, disponible sous licence libre Creative Commons BY SA c’est-à-dire Partage dans les mêmes conditions. Vous retrouverez les références évidemment sur le site de l’April, april.org et sur le site de Cause commune causecommune.fm.

Vous écoutez toujours l’émission Libre à vous ! sur radio Cause Commune 93.1 FM en Île-de-France et partout ailleurs sur le site causecommune.fm.
Nous allons maintenant passer au sujet suivant.

[Interview de Julie Bideux, chargée d'accompagnement au Pacte pour la Transition]

Frédéric Couchet : Nous allons poursuivre avec une interview de présentation du Pacte pour la Transition avec Julie Bideux chargée d’accompagnement au Pacte pour la Transition. Le site c’est pacte-transition.org. Bonjour Julie.

Julie Bideux  : Bonjour.

Frédéric Couchet : Est-ce que tu nous entends bien ?

Julie Bideux : Je vous entends très bien.

Frédéric Couchet : Super. Alors première question toute simple : Qu'est-ce que le pacte pour la transition ?

Julie Bideux : Alors le pacte c'est un projet qui est porté par une soixantaine d'associations dont l'April qui vise à favoriser la participation et la mobilisation citoyenne au niveau local sur la transition écologique et démocratique et notamment dans le contexte des prochaines élections municipales. Euh...

Frédéric Couchet : Oui vas y vas y.

Julie Bideux : Concrètement, le pacte c'est 32 mesures et défis techniques qui les accompagent pour qu'on fasse la transition dans les communes. Et donc ces mesures sont à destination à la fois des élus et des candidats mais surtout des associations et collectifs citoyens qui ont ??? ces candidats sur les questions de transition dans les prochains mois et les prochaines années et nous on accompagne également dans cette démarche.

Frédéric Couchet : D'accord. On va rappeler que les élections municipales c'est les 15 et 22 mars 2020 mais que la mobilisation commence. D'ailleurs les candidats et candidates commencent à se déclarer en fonction des villes. Donc le pacte comme tu l'as dit est porté par des collectifs avec pas mal d'organisations et initialement par le collectif pour une transition citoyenne. Alors tu as cité l'April, effectivement on fait partie des partenaires. Est-ce que tu peux nous citer quelques autres partenaires un petit peu entre guillemets «emblématiques», la diversité de ce collectif ?





Annonces