Libre à vous ! Radio Cause Commune - Transcription de l'émission du 3 novembre 2020

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quatre

Titre : Émission Libre à vous ! diffusée mardi 3 novembre 2020 sur radio Cause Commune

Intervenant·e·s : Marie-Odile Morandi - Valentin - Vincent Calame - Frédéric Couchet - Étienne Gonnu à la régie

Lieu : Radio Cause Commune

Date : 3 novembre 2020

Durée : 1 h 30 min

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Page des références utiles concernant cette émission

Licence de la transcription : Verbatim

Illustration :

NB : transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.

Transcription

Voix off : Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.

Frédéric Couchet : Bonjour à toutes. Bonjour à tous.
La Playlist de Libre à vous !, des musiques libres diffusées dans l’émission et commentées par Valentin, ce sera le sujet principal de l’émission du jour, avec également au programme la chronique de Marie-Odile Morandi sur le thème de « De Robota à l’intelligence artificielle » et également la chronique de Vincent Calame sur le thème « Maintenir et archiver, deux enjeux pour un site associatif ». Nous allons parler de tout cela dans l’émission du jour.

Vous êtes sur la radio Cause Commune, la voix des possibles, 93.1 en Île-de-France et en DAB+ et partout dans le monde sur le site causecommune.fm.

Soyez les bienvenus pour cette nouvelle édition de Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre. Je suis Frédéric Couchet, le délégué général de l’April.

Le site web de l’April est april.org, vous pouvez y trouver une page consacrée à cette l’émission avec tous les liens et références utiles et également les moyens de nous contacter. N’hésitez pas à nous faire des retours ou nous poser des questions.

Nous sommes le 3 novembre 2020, nous diffusons en direct, mais vous écoutez peut-être une rediffusion ou un podcast.

À la réalisation de l’émission aujourd’hui mon collègue Étienne Gonnu. Bonjour Étienne.

Étienne Gonnu  : Salut Fred.

Frédéric Couchet : Si vous souhaitez réagir, poser une question pendant ce direct, n’hésitez pas à vous connecter sur le salon web de la radio. Pour cela rendez-vous sur le site de la radio, causecommune.fm, cliquez sur « chat » et retrouvez-nous sur le salon dédié à l’émission.

Nous vous souhaitons une excellente écoute.

On va commencer malheureusement par une très triste nouvelle. C’est en effet avec une grande peine que nous apprenions le décès de Laurent Seguin, hier matin, dans sa quarante-cinquième année. Laurent était ancien président de l’Aful, travaillait chez Entr’ouvert, une coopérative spécialisée dans le logiciel libre et membre du réseau Libre-entreprise dont on a parlé récemment. Laurent était une figure incontournable du logiciel libre, personne aux multiples talents. Nous adressons nos plus vives condoléances à sa famille et à ses proches et nous allons lui rendre un hommage tout à l’heure, hommage qui devrait peut-être vous surprendre.

On va commencer tout de suite par le premier sujet.

[Virgule musicale]

Chronique « Les transcriptions qui redonnent le goût de la lecture » de Marie-Odile Morandi, « De Robota à l’intelligence artificielle »

Frédéric Couchet : Les choix, voire les coups de cœur de Marie-Odile Morandi, qui met en valeur deux ou trois transcriptions dont elle conseille la lecture, c’est la chronique « Les transcriptions qui redonnent le goût de la lecture » de Marie-Odile Morandi, animatrice du groupe transcriptions de l’April. Le thème du jour : « De Robota à l’intelligence artificielle ».
Bonjour Marie-Odile.

Marie-Odile Morandi : Bonjour Fred.

Frédéric Couchet : Je te laisse la parole.

Marie-Odile Morandi : L’été dernier je me suis particulièrement intéressée aux robots et à l’intelligence artificielle. J’ai beaucoup apprécié diverses conférences ou tables rondes auxquelles a participé Laurence Devillers, qui ont été transcrites et publiées. Je souhaite aujourd’hui vous faire partager cet intérêt et vous encourager à lire ou relire ces transcriptions. Les références sont sur le site de l’April sur la page dédiée à l’émission. Laurence Devillers est professeure en informatique, intelligence artificielle à la Sorbonne sur les domaines autour de la langue ; elle est chercheuse, titulaire d’une chaire dont vous découvrirez le nom. Elle a publié divers ouvrages dont vous retrouverez les titres dans les transcriptions.

Elle nous rappelle que l’origine du mot robot est attribuée à l’écrivain tchécoslovaque Karel Čapek, en 1920. Le mot robota signifie serviteur, esclave. Les premiers robots qu’on a vu arriver dans les usines, les plus connus, sont des systèmes automatiques qui enchaînent des actions déterminées, dont l’ordre est déterminé. Aucun choix n’est fait par la machine.

Aujourd’hui le robot est devenu un système qui va percevoir son environnement grâce des senseurs, une caméra, un micro. Cette machine va ensuite « raisonner » sur ce qu’elle a perçu, « prendre des décisions », et actionner « ses bras ou ses jambes », je mets tout cela entre guillemets, pour exécuter des actions dans notre vie réelle. Le vocabulaire utilisé, celui des films de science-fiction mais aussi celui des scientifiques, nous pousse, dit-elle, à anthropomorphiser, à prêter à ces machines des capacités humaines. Cependant ce vocabulaire génère aussi de l’anxiété, de la peur.

Les robots aident dans l’accomplissement de tâches difficiles, pénibles ou dans des situations à risque comme on l’a vu dans la pandémie, en particulier en Chine. Laurence Devillers insiste sur le fait qu’il ne s’agit pas de remplacer les humains, il faut comprendre et agir sur la complémentarité de l’un avec l’autre en établissant des cadres, des protocoles. L’humain doit rester au centre et il est urgent, dans la société, qu’on fasse expérimenter ces objets pour qu’on oublie d’avoir peur à chaque fois que l’on parle de ce sujet.

Comment ces machines qui nous semblent si douées fonctionnent-elles ? D’où tiennent-elles leurs connaissances ? Que met-on dans ces robots ? Eh bien on y met de l’intelligence artificielle et pour Laurence Devillers, cette expression est un oxymore : intelligence c’est humain ; artificiel c’est artifice, c’est la machine.

Le domaine de recherche de Laurence Devillers est celui du langage. Elle étudie les chatbots, les agents conversationnels qui utilisent de nombreux modules d’intelligence artificielle pour faire de l’analyse du signal, de la reconnaissance de la parole, pour générer des réponses, faire des actions. Mais que sont vraiment capables de faire ces agents conversationnels ? À l’heure actuelle pas grand-chose nous dit-elle. Ils ne sont pas très malins, ils ne comprennent rien à ce qu’on dit, ils ne comprennent rien à ce qu’ils répondent. Bref, ils n’ont aucune compréhension, donc ils ne conversent pas.

Peuvent-ils reconnaître nos émotions ? Non, absolument pas. Et pour cause, les émotions dans les robots n’existent pas. Dans ces machines il n’y a pas de viscères, pas de vivant, donc ni désir, ni plaisir, ni douleur. Aucun sentiment. Aucune émotion. Comment pourraient-elles en avoir puisque les émotions sont liées à chaque individu, sa personnalité, sa culture, son enfance, et bien d’autres choses encore. On voit là toute la complexité de la détection automatique des émotions. Avec juste des programmes, ces machines ne font qu’imiter ce qu’on leur a fourni. Elles ne savent pas détecter nos émotions qui sont internes, cachées, elles ne savent en détecter que l’expression, ce que nous voulons bien laisser apparaître ou que nous laissons apparaître malgré nous. Tout cela est bien complexe !

Pour Laurence Devillers, on ne peut pas faire confiance à ces systèmes dans l’état actuel de nos connaissances. Plusieurs problèmes se posent. D’abord il est difficile, en ce moment, d’avoir énormément de données, à part les GAFAM, les géants américains et peut être quelques entreprises. Aussi le monde de la recherche se tourne vers ce qu’il est possible de faire avec peu de données. Ensuite, ces données doivent être sélectionnées pour éviter les biais et étiquetées correctement, c’est-à-dire annotées par segments audios en indiquant « là c’est de la tristesse, là c’est de la joie » ou « ici c’est positif, ici c’est très actif ». Ce micro-travail d’annotation est réalisé par de nombreuses personnes non payées, mal payées, en général embauchées par les GAFAM, certainement dans des pays dont la culture est très différente de la nôtre. Laurence Devillers s’interroge sur la façon dont tout cela est fait et se montre très inquiète. Il n’y a aucune expertise alors qu’il serait nécessaire d’avoir beaucoup de données, de bien les choisir, de les équilibrer pour que ce ne soit pas discriminant et avoir bien vérifié l’annotation qui est présente.

Elle insiste énormément sur la nécessité de chartes éthiques ; elle fait partie d’un comité international d’éthique qui regroupe 15 pays. Pour elle il faut construire des environnements qui permettent d’auditer les systèmes, de les évaluer et de vérifier sur le long terme comment ils vont être utilisés sachant qu’ils risquent de modifier nos comportements. Ces systèmes, nous dit-elle, ne sont absolument pas robustes : 70 % de bonnes classifications dans les cas de contextes réels, donc 30 % d’erreurs sur la reconnaissance des émotions ce qui est, selon elle, énorme et pourtant ces machines sont utilisées par exemple pour aider au recrutement de candidats à certains emplois ; un manque total d’éthique selon elle.

Elle nous exhorte à nous intéresser à la manipulation que peuvent exercer ces systèmes sur nous, c’est un de ses domaines de recherche, en posant la question : « S’il est possible de faire une machine capable de comprendre un profil, de détecter l’affect, de simuler une certaine empathie, de singer l’humain, quelles vont être les conséquences ? Quelles vont être les possibilités de manipulation ? » En effet, une machine qui détecte dans quel état d’esprit nous sommes, pourra nous influencer, nous pousser à faire des achats alors que ce n’était pas notre souhait, nous pousser à choisir différentes stratégies dans notre vie qui pourront être lourdes de conséquences.

Nos conversations sont enregistrées chez nous, dans notre intimité. Les informations ainsi recueillies seront utilisées pour créer de nouveaux modèles qui seront vendus sous d’autres formes, peut-être dans d’autres objets. Soyons donc vigilants !

En ce moment, 80 % de ces appareils sont réalisés par des hommes qui leur donnent majoritairement des noms féminins – Alexa, Samantha, etc. – des corps de femme jeune, des voix féminines, jeunes, alors que ces machines simulent des servantes qui s’occupent de la maison, des assistantes, en tout cas des exécutantes de rôles subalternes. Laurence Devillers dénonce cette représentation de la femme dans ces objets conversationnels qui nous bercent avec une voix féminine et qui vont finalement décider pour nous. Elle fait part de diverses expériences réalisées avec des robots sociaux auprès de personnes âgées, dépendantes, handicapées, que je vous laisse découvrir, ce qui personnellement me laisse perplexe, sachant que les GAFAM cherchent à mettre la main aussi sur le grand âge, certains offrant par exemple des iPad dans les Ehpad. L’intelligence vient de l’humain qui a su faire ces machines. En aucune manière la machine ne va devenir créative et ne va se doter de fonctions qu’un ingénieur n’aurait pas prévu de lui donner. Elle encourage chaudement les jeunes femmes à rejoindre ce domaine de recherche pluridisciplinaire associant informatique, psychologie, philosophie, et autres ; 20 % de femmes pour le moment c’est, comment dire, bien trop peu, doux euphémisme ! La manipulation est aux aguets et, comme elle nous le répète, nous avons besoin de comprendre la situation actuelle mais peut-être encore plus celle qui risque de se créer demain. Il en va de la défense de nos libertés, thème cher à l’April. Mon intention est de continuer à transcrire autant que possible les conférences auxquelles Laurence Devillers participera et qui seront mises en ligne. Des finalités de nos transcriptions – réutilisation sans déformer les propos des intervenants, meilleure indexation de mots-clefs dans les moteurs de recherche –, il me semble que l’accessibilité pour les personnes porteuses de handicap concernant le sujet traité aujourd’hui acquiert tout son sens. N’hésitez pas à venir participer !

Frédéric Couchet : Merci Marie-Odile. Comme tu le disais accessibilité, indexation, réutilisation sont les maîtres mots du groupe Transcriptions. Vous pouvez nous aider, l’émission est contributive et le groupe Transcriptions est contributif. Vous pouvez nous aider par des transcriptions, par des relectures, pour plus d’informations rendez-vous sur le site de l’April, april.org, et Marie-Odile sera là pour répondre à toutes vos questions.
Marie-Odile je te remercie. Je te souhaite une bonne fin de journée. On se retrouve le mois prochain.

Marie-Odile Morandi : Entendu. À la prochaine fois. Bonne continuation.

Frédéric Couchet : Merci Marie-Odile.

Frédéric Couchet : On va faire une pause musicale.

[Virgule musicale] Frédéric Couchet : En tout début d’émission, je vous disais que nous avions appris le décès de Laurent Seguin, décédé hier à l’âge de 44 ans. Laurent Seguin est principalement connu pour ses talents informatiques et notamment libristes, ingénieur, il travaillait dans une société coopérative de logiciel libre qui s’appelle Entr’ouvert, il était également militant dans différentes structures associatives. Laurent avait aussi un autre don et c’est via cet autre don qu’on souhaite lui rendre un hommage, autre don qu’il exerçait sous le pseudonyme de CyberSDF. Diffuser de la musique sous licence libre, en l’occurrence licence Creative Commons Attribution, faisait en effet partie de ses engagements et il le faisait avec talent.
Ce nom vous dit peut-être quelque chose, nous avons en effet déjà diffusé plusieurs musiques libres de CyberSDF parmi ses 170 compositions et d’autres émissions de la radio en utilisent régulièrement. Éric Fraudain, notre programmateur musical qui s’occupe du site auboutdufil.com, écrit d’ailleurs à propos de CyberSDF, je cite : « Depuis que je gère ce site, j’ai rarement eu l’occasion de découvrir des artistes aussi polyvalents. La diversité des styles musicaux de ses compositions est tout simplement impressionnante. Vous avez de tout. C’est la particularité et l’originalité de CyberSDF qui fait de lui un artiste hors norme à mes yeux. »
Lors d’une précédente diffusion de musiques de CyberSDF, je l’avais contacté. Il m’avait répondu en me disant notamment « en vrai je crée d’abord pour moi, je fais que ce que j’ai envie d’écouter et comme je suis très éclectique je passe d’un style musical à un autre assez facilement. Une fois que je suis content de mon travail il m’arrive de le publier pour le partager avec les gens, je ne publie pas tout. » Framasoft vient d’ailleurs de publier l’ensemble de cette interview aujourd’hui sur framblog.org. Vous retrouverez l’interview de CyberSDF. Je précise que le fait qu’on cite CyberSDF et qu’on l’associe à son nom, Laurent Seguin, a été fait avec l’accord, évidemment, de sa famille.
On va se faire un petit plaisir. On va rendre hommage à CyberSDF en écoutant Dolling. On se retrouve juste après journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : Dolling par CyberSDF.

Voix off : Cause Commune 93.1.

Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter Dolling par CyberSDF disponible sous licence libre Creative Commons Attribution, CC By 3. Vous retrouverez les références sur le site de l’April, april.org, et également sur les pages de CyberSDF sur soundcloud.com et sur dogmazic.net.

Vous écoutez toujours l’émission Libre à vous ! sur radio Cause Commune, la voix des possibles, 93.1 en Île-de-France et en DAB+ et partout dans le monde sur le site causecommune.fm.

Nous allons passer au sujet suivant.

[Virgule musicale]

La Playlist de Libre à vous ! diffusion de musiques libres diffusées dans l'émission, commentées par Valentin

Frédéric Couchet : Nous allons poursuivre par notre sujet principal