Différences entre les versions de « Libre à vous ! Radio Cause Commune - Transcription de l'émission du 2 octobre 2018 »

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<b>Voix off : </b><em>Libre à vous !</em>, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.
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<b>Frédéric Couchet : </b>Bonjour à toutes. Bonjour à tous. Vous êtes sur la radio Cause Commune 93.1 en Île-de-France et partout ailleurs sur le site cause-commune.fm. La radio dispose d’un salon de discussion web, donc utilisez votre navigateur web et rendez-vous sur chat.libre-a-toi.org ou sur le site de la radio et cliquez sur « chat ».<br />
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Nous sommes mardi 2 octobre 2018, il est 15 heures 30, nous diffusons en direct et vous écouterez peut-être un podcast dans le futur.
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Soyez les bienvenus pour cette nouvelle émission, la cinquième de <em>Libre à vous !</em>, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.
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Je suis Frédéric Couchet, le délégué général de l’April et j’ai mon collègue Étienne Gonnu qui est évidemment avec moi. Bonjour Étienne.
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<b>Étienne Gonnu : </b>Bonjour Fred.
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<b>Frédéric Couchet : </b>Je présenterai après nos autres invités pour l’émission du jour.<br />
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Le site web de l’April c’est april.org, donc a, p, r, i, l point org, et vous y retrouverez une page consacrée à cette émission avec tous les liens et références utiles, les détails sur les pauses musicales et toute autre information utile en complément de l’émission. N’hésitez pas à nous faire des retours pour indiquer ce qui vous a plu, mais aussi des points d’amélioration et je vous souhaite, nous vous souhaitons, une excellente écoute.
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On va passer au programme du jour. Nous avons le plaisir d’avoir par téléphone Laurence Comparat qui est adjointe accès à l’information et libération des données publiques, utilisation et diffusion des logiciels libres, Administration générale à la ville de Grenoble et qui est également présidente de l’association OpenData France. Bonjour Laurence.
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<b>Laurence Comparat : </b>Bonjour.
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<b>Frédéric Couchet : </b>Nous avons également en studio Xavier Berne, journaliste au célèbre site d’actualité et d’enquêtes Next INpact qui traite à la fois d’informatique mais aussi de l’actualité politique et juridique liée à l’informatique. Bonjour Xavier.
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<b>Xavier Berne : </b>Bonjour.
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<b>Frédéric Couchet : </b>Nous avons enfin Tangui Morlier, membre du collectif Regards Citoyens dont le but est de proposer un accès simplifié au fonctionnement de nos institutions démocratiques à partir des informations publiques. Tangui est également un ancien président de l’April et toujours membre de l’April. Bonjour Tangui.
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<b>Tangui Morlier : </b>Bonjour.
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<b>Frédéric Couchet : </b>Ensuite nous aurons par téléphone Béatrice Jeanjean qui est chargée de communication à l’Adullact, Association des Développeurs et Utilisateurs de Logiciels Libres pour les Administrations et les Collectivités Territoriales. Elle nous parlera du label Territoire Numérique Libre ; ce sera aux alentours de 16 heures 15, 16 heures 30. Et ensuite, après ça, mon collègue Étienne Gonnu fera un point sur la directive droit d’auteur, l’actualité suite au vote au Parlement européen qui a eu lieu le 12 septembre dernier.
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<b>Étienne Gonnu : </b>Tout à fait.
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<b>Frédéric Couchet : </b>Mais tout de suite place au premier sujet, collectivités et données publiques ouvertes et ce à quelques jours de l’entrée en vigueur de nouvelles obligation concernant les données publiques pour les administrations et les collectivités.<br />
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Je vais faire une courte introduction et, évidemment, après je vais passer la parole aux experts et aux expertes que nous avons invités.
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L’<em>open data</em>, pour données ouvertes, est une démarche qui vise à rendre les données numériques accessibles et utilisables par tous et toutes. Un cadre juridique définit les informations qui peuvent être rendues publiques et celles qui ne le peuvent pas. Une donnée ouverte peut être produite par une collectivité, une administration ou même une entreprise. Elle est diffusée selon une méthodologie et une licence ouverte garantissant son libre accès, sa réutilisation par tout le monde, sans restriction technique, juridique ou financière.
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Pour préparer cette émission, j’ai lu un petit peu le <em>Manuel de l’Open Data</em> – la référence sera sur le site de l’April – et ce manuel commence ainsi :<br />
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« Savez-vous quelle proportion exacte de vos impôts est dépensée pour l’éclairage extérieur ou pour la recherche sur le cancer ? Connaissez-vous le chemin le plus court, le plus sûr et le plus pittoresque pour rentrer chez vous à vélo ? Savez-vous ce que contient l’air que vous allez respirer sur ce chemin ? Où vous pouvez trouver les meilleures opportunités d’emploi dans votre région ou le nombre le plus important d’arbres fruitiers par personne ? À quel moment il est possible d’influencer des décisions sur des sujets qui vous intéressent, et à qui s’adresser ?<br />
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Les nouvelles technologies rendent possible la mise en place de services répondant à ces questions. La plupart des données nécessaires pour répondre à ces questions sont générées par des entités publiques. Cependant, ces données nécessaires ne sont pas souvent disponibles dans un format simple à utiliser. La démarche <em>open data</em> vise à libérer le potentiel de ces informations, de source officielle ou non, afin de permettre le développement de nouveaux services, d’améliorer la vie des citoyens, et de faire en sorte que la société fonctionne mieux.<br />
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La notion de données ouvertes, et plus spécifiquement de données publiques ouverte existe depuis plusieurs années déjà. L’<em>open data</em> a commencé à gagner en visibilité en 2009, avec les initiatives de plusieurs gouvernements (États-Unis, Royaume-Uni, Canada, Nouvelle-Zélande) pour ouvrir leurs propres données publiques. »
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Et comme le précise le site Regards Citoyens, la France entre progressivement dans la danse, notamment grâce à des initiatives de citoyens et de citoyennes et de localités.
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Nous n’allons pas entrer dans le détail de tous les points, notamment les aspects peut-être juridiques et techniques ; nous allons principalement parler de l’intérêt de la mise à disposition de données publiques ouvertes, de la démarche de collectivités et de personnes, du droit à l’<em>open data</em> et des possibles difficultés de mise en œuvre pour les citoyennes, chercheurs, journalistes. Pour cela je vais la parole à nos invités, que je remercie encore une fois d’avoir accepté notre invitation, et en premier je vais passer la parole à Xavier Berne qui est journaliste au site d’enquête et d’actualité Next INpact, qui a produit un certain nombre d’analyses et d’articles récemment notamment sur les données publiques et le droit d’accès aux documents administratifs. Est-ce que tu peux nous faire une petite introduction sur ce droit d’accès aux documents administratifs et aux données publiques ?
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<b>Xavier Berne : </b>Oui. Bien sûr. Effectivement, ce mouvement de l’<em>open data</em> prend sa source dans ce qu’on appelle le droit d’accès aux documents administratifs ; c’est un petit peu pompeux, peut-être, comme nom, mais c’est quelque chose qui est, en fait, ancien parce que la loi dite CADA sur l’accès aux documents administratifs date de 1978, donc elle a fêté ses 40 ans cette année. En fait, ce droit d’accès aux documents administratifs c’est quelque chose qui est très concret, c’est-à-dire que c’est le droit pour le citoyen de connaître les informations publiques parce que détenues ou produites par des administrations. Concrètement, en tant que citoyen, vous avez donc le droit d’aller demander par exemple à votre maire ses éventuelles notes de frais ; vous pouvez aller demander à Bercy, au ministère des Finances, le code source du logiciel qui permet de calculer par exemple les impôts sur le revenu ou la taxe d’habitation ; vous avez aussi le droit d’aller demander à l’Élysée certains éléments du dossier d’Alexandre Benalla ou aussi le menu qui a été servi le 14 juillet 2017, je crois, quand Donald Trump a déjeuné à l’Élysée : c’est un document administratif qui est communicable au citoyen qui en fait la demande.
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Donc voilà, j’ai pris quelques exemples un petit peu parlants pour que tout le monde ait une idée de ce que c’est, mais c’est un droit qui est en fait très vaste, qui concerne des rapports, des délibérations, des instructions ; ça peut être aussi des statistiques et là on fait le lien avec les données publiques ; ça peut aussi être des correspondances et puis, dans d’autres sphères, ça peut être aussi le dossier médical, par exemple, à un hôpital on peut demander à avoir accès à son dossier médical même si là ce sera uniquement par la personne qui est concernée par le dossier médical en question.<br />
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Bien entendu il y a des exceptions qui visent à protéger par exemple les données personnelles, le secret industriel et commercial, des choses de type secret Défense.
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Ce qu’il faut retenir, à mon avis, c’est que, pour faire valoir ce droit, c’est extrêmement simple ; c’est aussi gratuit, c’est-à-dire qu’il n’y a pas besoin forcément de faire un recommandé auprès de l’administration auprès de laquelle vous faites une demande, il suffit d’une simple demande écrite à votre mairie, à l’école dans laquelle sont scolarisés vos enfants.<br />
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Là où ça peut se corser c’est quand l’administration en face fait un petit peu la sourde oreille ou refuse de vous transmettre le fameux document en question, mais ça, peut-être que l’on en reparlera un petit peu plus tard dans l’émission.
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<b>Frédéric Couchet : </b>Tout à fait, nous en reparlerons. En fait, ce que tu expliques c’est clairement que ce droit d’accès aux documents administratifs c’est un droit très ancien. En fait ce n’est pas nouveau même si, effectivement, le mouvement [ouverture des] données publiques est relativement « récent » entre guillemets, sous la terminologie <em>open data</em>, et que c’est un droit qui est activable par toute personne qui peut être intéressée. Tu as cité un certain nombre d’exemples.
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Je vais passer la parole à Tangui Morlier du Collectif Regards Citoyens. Tu peux peut-être apporter quelques précisions ou quelques exemples concrets sur les données publiques et sur l’importance, effectivement, pour les personnes d’avoir accès à ces données publiques.
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<b>Tangui Morlier : </b>Oui, absolument. Effectivement ce droit existe depuis 1978 alors que lorsqu’on parle d’<em>open data</em> on a l’impression que c’est quelque chose d’extrêmement récent et malgré le fait que ça existe depuis 1978, c’est toujours une surprise pour les citoyens de découvrir que tout document qui est produit par l’administration lui est communicable. N’importe quelle production, à condition qu’elle ne viole pas les secrets dont a parlé Xavier, notamment le secret logique de la vie privée, eh bien ce document est accessible. Donc on peut connaître plein de choses des administrations dès 1978 et il se trouve qu’en 2005 il y eu une rénovation de cette loi qui vise à l’actualiser avec l’usage du numérique et de l’informatique.<br />
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En 1978 on est dans une démocratie du papier où, pour qu’un acte soit reconnu légal, eh bien il faut avoir la signature de la personne en charge, le directeur de service, le maire ou l’élu, mais il se trouve que cette démocratie du papier a un petit peu évolué avec l’avènement de l’informatique et notamment de l’Internet. De plus en plus les gens s’échangent des documents numériques donc la loi s’est activée en 2005, s’est mise à jour pour permettre non seulement la communication du papier, mais également la communication des documents numériques.<br />
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Un simple e-mail à une administration peut vous permettre d’obtenir des documents numériques et notamment des tableurs, ce qui peut permettre de découvrir plus en détail le fonctionnement d’une collectivité territoriale. Pour quelqu’un qui s’intéresse, par exemple, aux finances d’une collectivité territoriale, il a deux choix : aller consulter en mairie ou sous la forme d’un PDF un rapport de plusieurs centaines de pages avec de très beaux camemberts qui permettent de connaître l’usage des deniers publics ou demander le tableur de l’ensemble des dépenses de la commune pour pouvoir connaître tout le détail et la finesse de l’exécution des budgets des différentes communes.
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Donc c’est ce que permet cette rénovation de la loi de 1978 en 2005 et ce qui a permis de pouvoir lancer le mouvement de l’<em>open data</em>, c’est-à-dire que des citoyens qui, découvrant des données numériques sous la forme de tableurs notamment, eh bien vont penser ou vont avoir l’idée de réutilisations qui soient utiles pour leur vie ou utiles pour leur connaissance de la vie publique.<br />
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C’est le cas, par exemple, dans l’association Regards Citoyens que je représente où on s’est passionnés pour la vie parlementaire et, grâce à l’extraction de données issues du site de l’Assemblée nationale, on a pu faire un site qui s’appelle NosDéputés.fr, qui permet de savoir ce que font les parlementaires à l’Assemblée nationale et on a également fait un site qui s’appelle NosFinancesLocales.fr qui représente sous la forme graphique des données comptables des différentes collectivités.<br />
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Il y a beaucoup de militants qui vont utiliser soit le droit de 1978 ; je pense à un Grenoblois qui s’appelle Raymond Avrillier qui a découvert quelques scandales, dans les années 90, liés à l’usage des deniers publiques à Grenoble et, un plus récemment, il avait demandé les marchés publics des sondages de l’Élysée ce qui lui a permis de découvrir ce scandale qu’on appelle aujourd’hui les scandales des sondages de l’Élysée, en s’étant aperçu qu’il y avait de la surfacturation sur ces sondages.<br />
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Parfois, et c’est d’ailleurs assez souvent le cas lorsqu’on s’intéresse à ces problématiques-là, un certain nombre de scandales de la vie publique sont découverts grâce à cette loi qui donne énormément de pouvoirs aux citoyens.
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<b>Frédéric Couchet : </b>Merci Tangui. En plus tu nous fais les enchaînements en parlant de Grenoble. Mais juste avant de passer la parole à Laurence Comparat, pour montrer que nous sommes vraiment en direct, nous sommes en interaction avec les personnes qui nous écoutent, Marie-Odile, sur le salon web de la radio nous fait remarquer qu’il ne faut pas employer le mot « camembert » mais il faut plutôt parler de graphique en secteurs car sinon les Italiens diront des « Parmesans ». Il faut savoir que Marie-Odile habite en Italie donc voilà !
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<b>Tangui Morlier : </b>Ah d’accord ! Merci Marie-Odile parce que, effectivement, j’ai cet abus de langage.
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<b>Frédéric Couchet : </b>Donc je fais remonter cette information. Évidemment on va passer maintenant la parole à Laurence Comparat qui est en direct de Grenoble. Laurence Comparat vous êtes adjointe au maire de la ville de Grenoble, notamment en charge de la libération des données publiques. Il serait intéressant d’avoir le point de vue de la collectivité parce que là on a entendu le point de vue du journaliste qui recherche de l’information mais qui est aussi, évidemment, un citoyen, le point de vue du collectif Regards Citoyens. Quel est le point de vue de la collectivité par rapport à cette démarche d’<em>open data</em> à la fois par rapport aux obligations légales, mais aussi, tout simplement, dans la dynamique de mettre à disposition des données publiques ouvertes à chacun et chacune ?
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==13’ 26==
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<b>Laurence Comparat : </b>C’est extrêmement intéressant

Version du 4 octobre 2018 à 13:17


Titre : Émission Libre à vous ! diffusée mardi 2 octobre 2018 sur radio Cause Commune

Intervenants : Frédéric Couchet - Xavier Berne - tangui Morlier - Laurence Comparat - Étienne Gonnu

Lieu : Radio Cause commune

Date : 2 octobre 2018

Durée : 1 h 30 min

Écouter ou télécharger le podcast

Page des références utiles concernant cette émission

Licence de la transcription : Verbatim

Illustration :

NB : transcription réalisée par nos soins. Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas forcément celles de l'April.

Statut : Transcrit MO

Transcription

Voix off : Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.

Frédéric Couchet : Bonjour à toutes. Bonjour à tous. Vous êtes sur la radio Cause Commune 93.1 en Île-de-France et partout ailleurs sur le site cause-commune.fm. La radio dispose d’un salon de discussion web, donc utilisez votre navigateur web et rendez-vous sur chat.libre-a-toi.org ou sur le site de la radio et cliquez sur « chat ».
Nous sommes mardi 2 octobre 2018, il est 15 heures 30, nous diffusons en direct et vous écouterez peut-être un podcast dans le futur.

Soyez les bienvenus pour cette nouvelle émission, la cinquième de Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.

Je suis Frédéric Couchet, le délégué général de l’April et j’ai mon collègue Étienne Gonnu qui est évidemment avec moi. Bonjour Étienne.

Étienne Gonnu : Bonjour Fred.

Frédéric Couchet : Je présenterai après nos autres invités pour l’émission du jour.
Le site web de l’April c’est april.org, donc a, p, r, i, l point org, et vous y retrouverez une page consacrée à cette émission avec tous les liens et références utiles, les détails sur les pauses musicales et toute autre information utile en complément de l’émission. N’hésitez pas à nous faire des retours pour indiquer ce qui vous a plu, mais aussi des points d’amélioration et je vous souhaite, nous vous souhaitons, une excellente écoute.

On va passer au programme du jour. Nous avons le plaisir d’avoir par téléphone Laurence Comparat qui est adjointe accès à l’information et libération des données publiques, utilisation et diffusion des logiciels libres, Administration générale à la ville de Grenoble et qui est également présidente de l’association OpenData France. Bonjour Laurence.

Laurence Comparat : Bonjour.

Frédéric Couchet : Nous avons également en studio Xavier Berne, journaliste au célèbre site d’actualité et d’enquêtes Next INpact qui traite à la fois d’informatique mais aussi de l’actualité politique et juridique liée à l’informatique. Bonjour Xavier.

Xavier Berne : Bonjour.

Frédéric Couchet : Nous avons enfin Tangui Morlier, membre du collectif Regards Citoyens dont le but est de proposer un accès simplifié au fonctionnement de nos institutions démocratiques à partir des informations publiques. Tangui est également un ancien président de l’April et toujours membre de l’April. Bonjour Tangui.

Tangui Morlier : Bonjour.

Frédéric Couchet : Ensuite nous aurons par téléphone Béatrice Jeanjean qui est chargée de communication à l’Adullact, Association des Développeurs et Utilisateurs de Logiciels Libres pour les Administrations et les Collectivités Territoriales. Elle nous parlera du label Territoire Numérique Libre ; ce sera aux alentours de 16 heures 15, 16 heures 30. Et ensuite, après ça, mon collègue Étienne Gonnu fera un point sur la directive droit d’auteur, l’actualité suite au vote au Parlement européen qui a eu lieu le 12 septembre dernier.

Étienne Gonnu : Tout à fait.

Frédéric Couchet : Mais tout de suite place au premier sujet, collectivités et données publiques ouvertes et ce à quelques jours de l’entrée en vigueur de nouvelles obligation concernant les données publiques pour les administrations et les collectivités.
Je vais faire une courte introduction et, évidemment, après je vais passer la parole aux experts et aux expertes que nous avons invités.

L’open data, pour données ouvertes, est une démarche qui vise à rendre les données numériques accessibles et utilisables par tous et toutes. Un cadre juridique définit les informations qui peuvent être rendues publiques et celles qui ne le peuvent pas. Une donnée ouverte peut être produite par une collectivité, une administration ou même une entreprise. Elle est diffusée selon une méthodologie et une licence ouverte garantissant son libre accès, sa réutilisation par tout le monde, sans restriction technique, juridique ou financière.

Pour préparer cette émission, j’ai lu un petit peu le Manuel de l’Open Data – la référence sera sur le site de l’April – et ce manuel commence ainsi :
« Savez-vous quelle proportion exacte de vos impôts est dépensée pour l’éclairage extérieur ou pour la recherche sur le cancer ? Connaissez-vous le chemin le plus court, le plus sûr et le plus pittoresque pour rentrer chez vous à vélo ? Savez-vous ce que contient l’air que vous allez respirer sur ce chemin ? Où vous pouvez trouver les meilleures opportunités d’emploi dans votre région ou le nombre le plus important d’arbres fruitiers par personne ? À quel moment il est possible d’influencer des décisions sur des sujets qui vous intéressent, et à qui s’adresser ?
Les nouvelles technologies rendent possible la mise en place de services répondant à ces questions. La plupart des données nécessaires pour répondre à ces questions sont générées par des entités publiques. Cependant, ces données nécessaires ne sont pas souvent disponibles dans un format simple à utiliser. La démarche open data vise à libérer le potentiel de ces informations, de source officielle ou non, afin de permettre le développement de nouveaux services, d’améliorer la vie des citoyens, et de faire en sorte que la société fonctionne mieux.

La notion de données ouvertes, et plus spécifiquement de données publiques ouverte existe depuis plusieurs années déjà. L’open data a commencé à gagner en visibilité en 2009, avec les initiatives de plusieurs gouvernements (États-Unis, Royaume-Uni, Canada, Nouvelle-Zélande) pour ouvrir leurs propres données publiques. »

Et comme le précise le site Regards Citoyens, la France entre progressivement dans la danse, notamment grâce à des initiatives de citoyens et de citoyennes et de localités.

Nous n’allons pas entrer dans le détail de tous les points, notamment les aspects peut-être juridiques et techniques ; nous allons principalement parler de l’intérêt de la mise à disposition de données publiques ouvertes, de la démarche de collectivités et de personnes, du droit à l’open data et des possibles difficultés de mise en œuvre pour les citoyennes, chercheurs, journalistes. Pour cela je vais la parole à nos invités, que je remercie encore une fois d’avoir accepté notre invitation, et en premier je vais passer la parole à Xavier Berne qui est journaliste au site d’enquête et d’actualité Next INpact, qui a produit un certain nombre d’analyses et d’articles récemment notamment sur les données publiques et le droit d’accès aux documents administratifs. Est-ce que tu peux nous faire une petite introduction sur ce droit d’accès aux documents administratifs et aux données publiques ?

Xavier Berne : Oui. Bien sûr. Effectivement, ce mouvement de l’open data prend sa source dans ce qu’on appelle le droit d’accès aux documents administratifs ; c’est un petit peu pompeux, peut-être, comme nom, mais c’est quelque chose qui est, en fait, ancien parce que la loi dite CADA sur l’accès aux documents administratifs date de 1978, donc elle a fêté ses 40 ans cette année. En fait, ce droit d’accès aux documents administratifs c’est quelque chose qui est très concret, c’est-à-dire que c’est le droit pour le citoyen de connaître les informations publiques parce que détenues ou produites par des administrations. Concrètement, en tant que citoyen, vous avez donc le droit d’aller demander par exemple à votre maire ses éventuelles notes de frais ; vous pouvez aller demander à Bercy, au ministère des Finances, le code source du logiciel qui permet de calculer par exemple les impôts sur le revenu ou la taxe d’habitation ; vous avez aussi le droit d’aller demander à l’Élysée certains éléments du dossier d’Alexandre Benalla ou aussi le menu qui a été servi le 14 juillet 2017, je crois, quand Donald Trump a déjeuné à l’Élysée : c’est un document administratif qui est communicable au citoyen qui en fait la demande.

Donc voilà, j’ai pris quelques exemples un petit peu parlants pour que tout le monde ait une idée de ce que c’est, mais c’est un droit qui est en fait très vaste, qui concerne des rapports, des délibérations, des instructions ; ça peut être aussi des statistiques et là on fait le lien avec les données publiques ; ça peut aussi être des correspondances et puis, dans d’autres sphères, ça peut être aussi le dossier médical, par exemple, à un hôpital on peut demander à avoir accès à son dossier médical même si là ce sera uniquement par la personne qui est concernée par le dossier médical en question.
Bien entendu il y a des exceptions qui visent à protéger par exemple les données personnelles, le secret industriel et commercial, des choses de type secret Défense.

Ce qu’il faut retenir, à mon avis, c’est que, pour faire valoir ce droit, c’est extrêmement simple ; c’est aussi gratuit, c’est-à-dire qu’il n’y a pas besoin forcément de faire un recommandé auprès de l’administration auprès de laquelle vous faites une demande, il suffit d’une simple demande écrite à votre mairie, à l’école dans laquelle sont scolarisés vos enfants.
Là où ça peut se corser c’est quand l’administration en face fait un petit peu la sourde oreille ou refuse de vous transmettre le fameux document en question, mais ça, peut-être que l’on en reparlera un petit peu plus tard dans l’émission.

Frédéric Couchet : Tout à fait, nous en reparlerons. En fait, ce que tu expliques c’est clairement que ce droit d’accès aux documents administratifs c’est un droit très ancien. En fait ce n’est pas nouveau même si, effectivement, le mouvement [ouverture des] données publiques est relativement « récent » entre guillemets, sous la terminologie open data, et que c’est un droit qui est activable par toute personne qui peut être intéressée. Tu as cité un certain nombre d’exemples.

Je vais passer la parole à Tangui Morlier du Collectif Regards Citoyens. Tu peux peut-être apporter quelques précisions ou quelques exemples concrets sur les données publiques et sur l’importance, effectivement, pour les personnes d’avoir accès à ces données publiques.

Tangui Morlier : Oui, absolument. Effectivement ce droit existe depuis 1978 alors que lorsqu’on parle d’open data on a l’impression que c’est quelque chose d’extrêmement récent et malgré le fait que ça existe depuis 1978, c’est toujours une surprise pour les citoyens de découvrir que tout document qui est produit par l’administration lui est communicable. N’importe quelle production, à condition qu’elle ne viole pas les secrets dont a parlé Xavier, notamment le secret logique de la vie privée, eh bien ce document est accessible. Donc on peut connaître plein de choses des administrations dès 1978 et il se trouve qu’en 2005 il y eu une rénovation de cette loi qui vise à l’actualiser avec l’usage du numérique et de l’informatique.
En 1978 on est dans une démocratie du papier où, pour qu’un acte soit reconnu légal, eh bien il faut avoir la signature de la personne en charge, le directeur de service, le maire ou l’élu, mais il se trouve que cette démocratie du papier a un petit peu évolué avec l’avènement de l’informatique et notamment de l’Internet. De plus en plus les gens s’échangent des documents numériques donc la loi s’est activée en 2005, s’est mise à jour pour permettre non seulement la communication du papier, mais également la communication des documents numériques.
Un simple e-mail à une administration peut vous permettre d’obtenir des documents numériques et notamment des tableurs, ce qui peut permettre de découvrir plus en détail le fonctionnement d’une collectivité territoriale. Pour quelqu’un qui s’intéresse, par exemple, aux finances d’une collectivité territoriale, il a deux choix : aller consulter en mairie ou sous la forme d’un PDF un rapport de plusieurs centaines de pages avec de très beaux camemberts qui permettent de connaître l’usage des deniers publics ou demander le tableur de l’ensemble des dépenses de la commune pour pouvoir connaître tout le détail et la finesse de l’exécution des budgets des différentes communes.

Donc c’est ce que permet cette rénovation de la loi de 1978 en 2005 et ce qui a permis de pouvoir lancer le mouvement de l’open data, c’est-à-dire que des citoyens qui, découvrant des données numériques sous la forme de tableurs notamment, eh bien vont penser ou vont avoir l’idée de réutilisations qui soient utiles pour leur vie ou utiles pour leur connaissance de la vie publique.
C’est le cas, par exemple, dans l’association Regards Citoyens que je représente où on s’est passionnés pour la vie parlementaire et, grâce à l’extraction de données issues du site de l’Assemblée nationale, on a pu faire un site qui s’appelle NosDéputés.fr, qui permet de savoir ce que font les parlementaires à l’Assemblée nationale et on a également fait un site qui s’appelle NosFinancesLocales.fr qui représente sous la forme graphique des données comptables des différentes collectivités.
Il y a beaucoup de militants qui vont utiliser soit le droit de 1978 ; je pense à un Grenoblois qui s’appelle Raymond Avrillier qui a découvert quelques scandales, dans les années 90, liés à l’usage des deniers publiques à Grenoble et, un plus récemment, il avait demandé les marchés publics des sondages de l’Élysée ce qui lui a permis de découvrir ce scandale qu’on appelle aujourd’hui les scandales des sondages de l’Élysée, en s’étant aperçu qu’il y avait de la surfacturation sur ces sondages.
Parfois, et c’est d’ailleurs assez souvent le cas lorsqu’on s’intéresse à ces problématiques-là, un certain nombre de scandales de la vie publique sont découverts grâce à cette loi qui donne énormément de pouvoirs aux citoyens.

Frédéric Couchet : Merci Tangui. En plus tu nous fais les enchaînements en parlant de Grenoble. Mais juste avant de passer la parole à Laurence Comparat, pour montrer que nous sommes vraiment en direct, nous sommes en interaction avec les personnes qui nous écoutent, Marie-Odile, sur le salon web de la radio nous fait remarquer qu’il ne faut pas employer le mot « camembert » mais il faut plutôt parler de graphique en secteurs car sinon les Italiens diront des « Parmesans ». Il faut savoir que Marie-Odile habite en Italie donc voilà !

Tangui Morlier : Ah d’accord ! Merci Marie-Odile parce que, effectivement, j’ai cet abus de langage.

Frédéric Couchet : Donc je fais remonter cette information. Évidemment on va passer maintenant la parole à Laurence Comparat qui est en direct de Grenoble. Laurence Comparat vous êtes adjointe au maire de la ville de Grenoble, notamment en charge de la libération des données publiques. Il serait intéressant d’avoir le point de vue de la collectivité parce que là on a entendu le point de vue du journaliste qui recherche de l’information mais qui est aussi, évidemment, un citoyen, le point de vue du collectif Regards Citoyens. Quel est le point de vue de la collectivité par rapport à cette démarche d’open data à la fois par rapport aux obligations légales, mais aussi, tout simplement, dans la dynamique de mettre à disposition des données publiques ouvertes à chacun et chacune ?

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Laurence Comparat : C’est extrêmement intéressant