Libre à vous ! Radio Cause Commune - Transcription de l'émission du 2 mars 2021

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Titre : Émission Libre à vous ! diffusée mardi 2 mars 2021 sur radio Cause Commune

Intervenant·e·s : Clément Oudot alias KPTN - Nadine Stéphant - Thomas - Véronique Bonnet - Frédéric Couchet - Étienne Gonnu - Adrien Bourmault à la régie

Lieu : Radio Cause Commune

Date : 2 mars 2021

Durée : 1 h 30 min

Podcast provisoire

Page des références utiles concernant cette émission

Licence de la transcription : Verbatim

Illustration :

NB : transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.

Transcription

Voix off : Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.

Étienne Gonnu : Bonjour à toutes. Bonjour à tous.
Solidaires Informatique, un syndicat qui représente les travailleurs et les travailleuses des métiers de l’informatique, c’est le sujet principal du jour. Nous recevrons également KPTN pour nous parler de son nouvel album Flammes et nous réécouterons une chronique sur des « Mesures à la portée des gouvernements pour promouvoir le logiciel libre ». Voilà le programme de l’émission du jour.

Vous êtes sur la radio Cause Commune, la voix des possibles, 93.1 FM et en DAB+ en Île-de-France et partout dans le monde sur le site causecommune.fm.

Soyez les bienvenus pour cette nouvelle édition de Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.

Je suis Étienne Gonnu, chargé de mission affaires publiques pour l’April .
Le site web de l’April est april.org, vous pouvez y trouver une page consacrée à cette émission avec tous les liens et références utiles et également les moyens de nous contacter. N’hésitez pas à nous faire des retours ou nous poser toute question.

Nous sommes le mardi 2 mars 2021, nous diffusons en direct, mais vous écoutez peut-être une rediffusion ou un podcast.

À la réalisation de l’émission Adrien Bourmault pour sa première réalisation en solo. Salut Adrien.

Adrien Bourmault : Salut.

Étienne Gonnu : Si vous souhaitez réagir, poser une question pendant ce direct, n’hésitez pas à vous connecter sur le salon web de la radio. Pour cela rendez-vous sur le site de la radio, causecommune.fm, cliquez sur « chat » et retrouvez-nous sur le salon dédié à l’émission. Vous pouvez aussi participer à nos échanges en appelant le 09 72 51 55 46. Vous retrouverez ce numéro sur le site de la radio.
Nous vous souhaitons une excellente écoute.

Tout de suite place à notre premier sujet.

[Virgule musicale]

Interview de l’artiste KPTN, dont le nouvel album Flammes est disponible sous licence Creative Commons By Sa version 4.0

Étienne Gonnu : J'ai le plaisir d'avoir au téléphone Clément Oudot, aussi connu sous le nom de scène KPTN, pour nous parler de son nouvel album Flammes, disponible sous licence Creative Commons Partage dans les mêmes condition, CC BY-SA 4.0.
Salut Clément.

Clément Oudot : Salut.

Étienne Gonnu : Ou devrais-je donc dire KPTN. Flammes était assez destiné comme nom d'album, j’imagine ?

Clément Oudot : Il y a un petit jeu de mots sur le nom de l'album, et dans les textes des chansons pour ceux qui les écouteront, vous verrez que ça joue beaucoup avec la langue française. Je vous invite à lire les paroles et à essayer de trouver tous les petits jeux de mots qui peuvent s'y cacher.

Étienne Gonnu : Oui. C’est vrai que tu joues beaucoup avec les mots. Je vais d’ores et déjà préciser que tu as un site avec une page dédiée à cet album. Pour chacune des chansons, si on clique sur l'image, on a accès à la page de la chanson avec les paroles entières. Flammes, à part la référence, pour ceux qui ne l’avaient pas saisie, à la série d'animation japonaise Capitaine Flam, est-ce que ça a un autre sens ou c’était vraiment pour le plaisir de ce jeu de mots ?

Clément Oudot : C'est avant tout pour le plaisir du jeu de mots. Capitaine Flam renvoie un peu à ma génération, je suis des années 80, et c'est un premier album, pour moi c’est une illumination, c’est le début de quelque chose. On peut aussi voir la flamme comme cette étincelle pour démarrer quelque chose.

Étienne Gonnu : Très bien. On s'y attendait un peu, mais c'est joliment dit !
KPTN c'est juste toi ? C’est un groupe ?

Clément Oudot : KPTN c'est juste moi, mais j'ai eu la chance de me faire aider par des amis, parce que tout seul je n'aurais jamais réussi à faire tout ça. J'ai été bien entouré. Corentin Saux et Stanislas Blaineau ont été les maîtres d'œuvre de cet album, ils m'ont aidé à tout enregistrer et à mettre tout ça en musique. Je les en remercie. Je n'ai pas été tout seul dans cette aventure.

Étienne Gonnu : Si on écoute ta musique, tu chantes. Tu joues aussi d'un instrument ?

Clément Oudot : Sur cet album je suis auteur-compositeur-interprète, comme on dit, je fais toutes les guitares, également de la mandoline sur une chanson, et bien entendu je chante. Stan est bassiste. Toute la basse est une vraie basse, avec un vrai musicien derrière ! Le reste – de l’orgue, de la batterie – a été fait en musique assistée par ordinateur par Corentin.

Étienne Gonnu : La musique assistée par ordinateur est un sujet qui nous tient à cœur, c'est dans le back-office, on va dire, de l'émission.
Ça fait combien de temps que tu fais de la musique ? Tu dis que c'est ton premier album, mais on a déjà eu le plaisir de diffuser un morceau que tu avais réalisé, on va dire que tu n'en es pas à ton coup d'essai.

Clément Oudot : Non. Tout petit j'ai fait de la musique classique. À l'adolescence, j'ai pris la guitare et commencé à faire des chansons et 25 ans après j'ai abouti à cet album. Ça faisait un moment que j’écrivais des chansons qui étaient un peu dans ma tête, pas beaucoup diffusées. Il y a 2 ans je me suis dit « il faut que je fasse un disque », donc c'est la concrétisation de tout ça. Ça fait donc très longtemps que je fais de la musique et des chansons.

Étienne Gonnu : Tu devances ma prochaine question : tu as donc mis 2 ans à réaliser cet album ?

Clément Oudot : Oui. Vous n'êtes pas sans savoir que l'année dernière il y a eu des conditions qui ont un peu changé. Même sans ça, c'est vraiment pour moi un hobby, donc j'ai pris le temps, et les gens qui l'ont fait avec moi l'ont fait également de manière totalement bénévole, donc cela prend forcément plus de temps qu'un professionnel qui pourrait y consacrer plusieurs semaines d'affilée. Ça a été fait au fur et à mesure, toutes les chansons ont été enregistrées à des jours différents.

Étienne Gonnu : Tu dis que tu n’es pas musicien professionnel. Je pense que ça peut intéresser des gens et finalement qu’on connaisse ta musique puisque, ce n’est pas anodin, tu es informaticien par ailleurs, libriste même. Peux-tu te présenter en quelques mots?

Clément Oudot : Tout à fait. Je suis plutôt quelqu'un de technique. Je travaille chez Worteks, une société de services en logiciel libre, je suis contributeur de projets libres comme LemonLDAP::NG, LDAP Tool Box, tout ce qui concerne les annuaires et le SSO[single sign-on]. La plupart du temps je m'exprime plutôt sur des sujets un peu plus sérieux et un peu plus techniques. J'ai quand même une passion et un vrai désir de faire du Libre dans la partie technique, donc quand j'ai fait de la musique j'ai trouvé assez naturel d’en faire aussi de façon libre, c’est aussi pour ça que j’ai choisi la licence Creative Commons.

Étienne Gonnu : À nouveau tu devances ma prochaine question. J'allais te demander pourquoi tu diffuses ta musique sous licence libre, tu as déjà commencé à y répondre, et pourquoi le choix particulier d'une licence de type copyleft, la Creative Commons BY-SA qui permet la réutilisation, la modification, la diffusion et le partage de ta musique pour toute utilisation, y compris commerciale, à condition de te créditer, d'indiquer la licence, d’indiquer si des modifications ont été effectuées. On peut faire un remix, du coup il faut le diffuser dans les mêmes conditions, c’est-à-dire avec la même licence.

Clément Oudot : J'ai fait ce choix d'une manière un peu simple. Comme je l’ai dit, pour moi c'est un hobby, donc je n'avais pas d'enjeu par rapport à la monétisation de ce travail, je n'ai pas besoin de ça pour vivre, donc c'est plus facile pour moi, en tant qu'amateur, de faire ce choix-là, que peut-être pour des professionnels. Après, il y a vraiment une conviction de dire que ce que l'on produit doit pouvoir être librement diffusé, c’est une première chose, et librement réutilisé. Je crois beaucoup à l'écosystème du Libre, que ça soit dans le logiciel comme dans la culture, donc c'est vraiment par conviction personnelle que j’ai voulu faire ça. Je serais plutôt ravi que des gens trouvent ce que je fais assez bon pour être repris dans d'autres contextes, pour l'instant ce n'est pas le cas, mais peut-être qu’un jour ça le sera !

Étienne Gonnu : Pour le clin d'œil, Fred nous dit sur le salon web de l’émission qu'il boit justement son café dans un mug Worteks.<br/ Tu as parlé de tes engagements, tu es engagé pour les libertés informatiques. D’ailleurs, on sent dans ton album un engagement au sens politique plus large : l’égalité hommes-femmes, l’écologie aussi me paraît assez présente dans tes chansons. C'est important pour toi d'exprimer ces convictions dans ta musique ?

Clément Oudot : Oui, ça fait un peu Miss France de dire qu'on est contre la guerre, pour l'écologie ; ça ne fait jamais de mal de le redire. D'autre part, j'ai essayé de traiter ces sujets-là, qui me tiennent bien sûr à cœur, de façon un peu décalée, avec ces calembours, C'est une façon de s’exprimer sur ces choses-là.
La chanson sur l'écologie s'appelle Le musée d'air contemporain . J'ai imaginé que dans quelques années – j'espère le plus loin possible – les enfants iraient dans un musée pour voir ce que c'était de l'air pur, de l'eau, etc. Donc imaginer un peu cette dystopie ; cette chanson a été faite comme ça. Il y a plein d'autres façons de traiter ces sujets-là, des sujets parfois graves, j’ai d'ailleurs eu des remarques. Une chanson sur le suicide, une chanson sur l'alcoolisme, qui ne sont pas des sujets simples, mais que j'essaie de traiter de manière un peu décalée. J'espère que c'est réussi !

Étienne Gonnu : Je trouve en tout cas. D'ailleurs Le musée d'air contemporain est une des chansons que l'on va diffuser – les trois pauses musicales seront des morceaux tirés de ton album. Avant qu’on ne se quitte, le premier morceau que nous allons écouter dans quelques instants, À toi de jouer, est un duo, tu me le disais avant l’émission, sur le thème de l'égalité hommes-femmes. Peux-tu nous décrire ce titre en quelques mots, et notamment nous dire comment s'est mis en place ce duo ?

Clément Oudot : Il y a une histoire un peu particulière sur cette chanson. Je travaille dans le logiciel libre, dans un lieu de coworking qui s’appelle La Cordée. Beaucoup d'entre nous font du télétravail. Dans ce lieu de coworking j'ai rencontré pas mal de gens, dont des personnes qui faisaient de la musique, qui m'ont aidé à faire cet album, et un groupe 7Fridays [SevenFriday], qui chante en anglais. Ils m’ont demandé de leur écrire une chanson en français sur le thème du féminisme, quelque chose d'assez compliqué pour moi, n'étant pas une femme, je me demandais ce que j’allais bien pouvoir dire, ce que j’allais pouvoir apporter là-dessus. J'ai décidé de créer une chanson qui parle un peu de l'égalité hommes-femmes. Ils n’ont pas pu la mettre sur leur album, au final cette chanson que j'ai écrite pour eux, on l'a enregistrée en duo et elle est arrivée sur mon album. Comme ça on a pu publier cette chanson.

Étienne Gonnu : Super, belle histoire. Nous allons écouter ce morceau.
KPTN, Clément, je te remercie d'avoir passé ce temps avec nous.

Clément Oudot : Merci pour votre invitation.

Étienne Gonnu : Avec plaisir. Au plaisir d'échanger à nouveau. Bonne fin de journée.

KPTN : Merci. Au revoir.

Étienne Gonnu : Nous allons justement faire une pause musicale.

[Virgule musicale]

Étienne Gonnu : Nous allons écouter À toi de jouer par KPTN. On se retrouve juste après. Je vous souhaite une belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : À toi de jouer par KPTN.

Voix off : Cause Commune, 93.1.

Étienne Gonnu : Nous venons d’écouter À toi de jouer par KPTN, disponible sous licence libre Creative Commons, Partage dans les mêmes conditions, CC By SA. Vous retrouverez les références sur causecommune.fm et sur april.org.

Vous écoutez l’émission Libre à vous ! sur radio Cause Commune, la voix des possibles, 93.1 FM et en DAB+ en Île-de-France, partout dans le monde sur le site causecommune.fm.

Je suis Étienne Gonnu de l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.

Passons maintenant à notre sujet suivant.

[Virgule musicale]

Échange avec Solidaires Informatique, syndicat membre de l’Union Syndicale Solidaires et qui syndique les travailleuses et travailleurs des métiers de l’informatique, du conseil et du jeu vidéo

Étienne Gonnu : Nous allons poursuivre par notre sujet principal, le syndicalisme dans les métiers de l’informatique et plus précisément Solidaires informatique, un syndicat des travailleuses et travailleurs des métiers de l’informatique, du conseil et du jeu vidéo avec Nadine Stéphant qui doit être avec nous au téléphone. Bonjour Nadine.

Nadine Stéphant : Bonjour Étienne.

Étienne Gonnu : Super. Et Thomas qui est présent avec nous en studio. Tous les deux vous êtes adhérente et adhérent de Solidaires Informatique.
Je rappelle à nos auditrices et auditeurs qu’ils peuvent participer à notre conversation au 09 72 51 55 46 ou sur le salon web dédié à l’émission, sur le site causecommune.fm, bouton « chat ».

Bonjour Nadine, Bonjour Thomas.
Une question sans doute très classique pour commencer, est-ce que vous pourriez vous présenter s’il vous plaît. Honneur à Nadine par téléphone.

Nadine Stéphant : Je suis Nadine Stéphant. Je suis membre du bureau national de Solidaires informatique. Je suis engagée syndicalement maintenant depuis 12 ans, dont une grande partie à Solidaires Informatique. J’ai par ailleurs des mandats en entreprise, CSE [Comité social et économique], je suis délégué syndicale et je suis également défenseur syndical depuis un an environ.
Juste pour dire un petit peu les conditions de mon engagement à Solidaires Informatique, je suis arrivée par conviction ancienne, des constats de nécessité au vu des conditions sociales dans l’entreprise, ça ce n’était pas traduit pour l’instant par un engagement formel syndical. J’y suis venue comme ça en voulant mettre en action mes convictions. Je suis salariée d’une grosse structure SS2I, donc société de services informatiques. Je dis ce terme-là volontairement c’est l’ancien nom que tout le monde connaît, qu’on appelle maintenant ESN, entreprise de services numériques, et je travaille très précisément dans une filiale software RH. Voilà.

Étienne Gonnu : OK. Merci. Thomas.

Thomas : Salut. Je suis syndiqué depuis trois/quatre ans maintenant. Je suis aussi libriste depuis un peu plus longtemps, sous Linux. Et pareil, je suis dans une SS2I, une société de services, où je suis développeur, je viens de quitter le monde du développement pour passer du côté agile de la force, c’est-à-dire être un peu plus dans l’organisation des projets et des développeurs et développeuses dans l’informatique.

Étienne Gonnu : Très bien. Une question que j’aime bien poser en introduction et je pense que du coup, Thomas, tu vas être parfaitement indiqué pour y répondre, qu’est-ce que ça évoque pour toi quand on parle de logiciel libre ? Si tu parles de logiciel libre, qu’est-ce que ça t’évoque, comment tu le présentes aux gens ?

Thomas : Ça dépend à qui je parle. Pour répondre à ta question : qu’est-ce que ça m’évoque ? Pour moi c’est le refus de la propriété et des brevets qui est un point hyper-important. On en parlera peut-être tout à l’heure, mais Solidaires est un syndicat qui se veut engagé, qui se veut militant, politique, et un des problèmes qu’on trouve, je pense, dans nos sociétés, c’est qu’on met de la propriété privée, des brevets partout. Et passer au logiciel libre, c’est justement refuser cette propriété privée qui est abusive et ça permet de faire avancer la technique, la science et les connaissances de manière générale. Voilà pourquoi je suis libriste. Il y a des raisons politiques et des raisons techniques, je pense que pour les deux c’est hyper-important.

Étienne Gonnu : Bien sûr. Nadine est-ce que tu souhaiterais compléter ?

Nadine Stéphant : Non, pas vraiment. Je pense que Thomas est tout à fait plus compétent que moi sur le sujet. Juste pour une précision par rapport à notre syndicat qui, en fait, dans son congrès 2020, avait présenté une motion pour le logiciel libre. Comme disait Thomas, ça fait en effet partie des enjeux et des points importants pour notre syndicat que de revendiquer le logiciel libre.

Thomas : Je crois même que c’était un peu avant 2020. Mais bon !, il faudrait qu’on regarde les dates, ça fait quelques années.

Nadine Stéphant : En tout cas, c’est récent en tout cas.

Étienne Gonnu : L’important c‘est l’objet. On va y revenir parce qu’on va évoquer bien sûr le rapport qu’a Solidaires Informatique avec le logiciel libre tant dans ses pratiques que dans ses revendications. Peut-être que ça peut être intéressant d’aborder de manière générale déjà ce qu’est un syndicat. C’est vrai que c’est un terme qu’on entend souvent dans le langage courant, dont on entend régulièrement parler, et ce n’est pas forcément clair pour tout le monde ce qu’est un syndicat, quel est son rôle. Qu’est-ce qu’un syndicat, Nadine Stéphant ?

Nadine Stéphant : Déjà sans parler précisément de Solidaires Informatique, un syndicat est un regroupement de travailleurs et de travailleuses, ça peut être assez large cette notion de travailleurs et travailleuses, on pourra en reparler peut-être plus précisément après, qui organise la défense de ses intérêts. Si on rentre plus particulièrement sur Solidaires Informatique – je ne sais pas si on veut orienter vraiment dans le détail pour l’instant la réponse, je ne sais pas – si je dois préciser un peu, Solidaires Informatique c’est un syndicat de l’Union syndicale Solidaires. Cette notion d’union syndicale est aussi importante puisqu’elle fédère un ensemble de syndicats, de syndicats de branche, quand je dis de branche, en fait ça veut dire de secteurs professionnels et de syndicats locaux aussi puisqu’on est organisés de cette façon-là, y compris à Solidaires informatique donc à un niveau plus fin. Donc Solidaires Informatique est adhérent à cette Union syndicale.
On existe à peu près depuis 2011, l’Union syndicale Solidaires a été créée en 1981. Donc c’est vraiment le regroupement des travailleurs et des travailleuses, nous en l’occurrence de l’informatique, et plus particulièrement, dans notre secteur, ça touche à la fois l’informatique en général, mais on a aussi des cabinets de conseil, des jeux vidéo.

Étienne Gonnu : Je crois que Thomas souhaite compléter.

Thomas : Concrètement, c’est vrai que défendre les intérêts c’est exactement ce qu’a dit Nadine, ça veut dire quoi « nos intérêts de travailleurs » ? Il y a évidemment la question des salaires, mais il y a un peu plus, il y a la question des retraites qui n’est pas liée à notre entreprise mais qui est liée au niveau national. Il y a des combats un petit peu comme ça. Ça peut être aussi le temps de travail : est-ce qu’on fait des heures supplémentaires, est-ce qu’on ne fait pas d’heures supplémentaires.
Après il y a d’autres choses qu’on fait dans un syndicat : on réfléchit, on pense, on est un groupe dans lequel on imagine un futur meilleur et on s’organise pour pouvoir obtenir de nouveaux droits. Les nouveaux droits ça peut être tout simplement avoir une machine à café gratuite jusqu’à, effectivement, des trucs beaucoup plus sérieux comme avoir un vrai système de retraite qui nous servira dans le long terme.
Il y a d’autres trucs un peu cachés. J’ai découvert ça en étant syndiqué. Il y a des fois un côté un peu ??? sur les bords ; il y a untel qui s’est fait engueuler par le patron et c’est aussi le rôle du syndiqué je crois, Nadine tu me reprendras, d’aller voir, d’aller discuter, d’aller rassurer, d’aller dire qu’on va la ou le défendre quand il y a des soucis x ou y dans le monde de l’entreprise, parce que, je ne vous l’apprends pas, le monde de l’entreprise n’est pas toujours parfait et parfaitement rose, donc on a un rôle à jouer. Et, comme l’a dit Nadine, les syndicats sont souvent élus ou dans des conseils représentatifs au sein des entreprises, notamment le CSE, le Comité social et économique, où on doit porter la parole des syndiqués et des salariés de manière générale auprès de la direction pour justement faire un peu le dialogue et réussir à obtenir des droits qu’ont demandés, que demandent les salariés. On fait un peu le porte-parole des salariés.

Étienne Gonnu : D’ailleurs je pense que c’est une notion importante. Je vais te passer la parole Nadine. Simplement Thomas mentionnait les élections et je crois que les syndicats ont vocation à avoir un fonctionnement démocratique pour représenter de manière démocratique l’ensemble des travailleuses et des travailleurs. Thomas opine de la tête. Je pose naïvement la question. Est-ce que vous pouvez compléter là-dessus ? Nadine tu souhaitais réagir par ailleurs.

Nadine Stéphant : Oui, je voulais compléter un petit peu ce que disait Thomas. En effet, on va bien au-delà d’une activité de porte-parole de salariés, c’est-à-dire qu’on représente l’intérêt de la profession de façon générale. Ce n’est pas seulement être l’intermédiaire ou un peu le tampon entre les salariés et l’employeur, mais c’est bien s’assurer que les droits des salariés tels qu’ils sont édictés par la loi, par des accords, etc., son bien respectés et faire notre rôle de syndicat en les faisant respecter s’ils ne le sont pas et en négociant, comme disait Thomas tout à l’heure, également des avancées sociales.
Je voulais juste intervenir, en fait, sur le positionnement peut-être très particulier de Solidaires Informatique et de l’Union syndicale Solidaires. On est au-delà de la défense des intérêts des salariés sur le plan social, on est aussi très présents et c’est très important pour nous sur des enjeux sociétaux. C’est-à-dire, en fait, des actions en termes de lutte contre par exemple le sexisme, les luttes féministes, la lutte contre le racisme, l’écologie, enfin un certain nombre de sujets d’éthique et sociétaux qui sont également très importants pour nous.

Étienne Gonnu : Ça faisait partie des sujets que j’aurais aimés justement qu’on aborde, on peut les aborder tout de suite d’ailleurs. Si on va sur le site de Solidaires Informatique, ça se voit notamment dans les différentes prises de position politiques. D’ailleurs, dans le bandeau, vous parlez d’engagement anti-raciste, anti-sexiste, pro-féministe, etc. Vous n’êtes pas strictement, c’est ce que tu disais, dans la représentation des travailleuses et des travailleurs, mais dans un engagement politique plus large, si je résume à gros traits ton propos.

Nadine Stéphant : Tout à fait.

Étienne Gonnu : Très bien. Un aspect qui me paraissait intéressant c’est cette notion de travailleuses, travailleurs du numérique qui est mise en avant, il me semble, sur le site, que tu as commencé à évoquer Nadine. Qu’est-ce que vous représentez ? Strictement les salariés ? Que les travailleurs et travailleuses ? Et je vais joindre une question que m’a posée un membre de l’April en amont de l’émission et je pense qu’elle est en lien, qui aimerait savoir si votre syndicat fait des actions par exemple pour les personnes en recherche d’emploi ? En gros, est-ce que les personnes au chômage sont des travailleuses et travailleurs ? Thomas.

Thomas : Pour les personnes en recherche d’emploi, je sais que de temps en temps il y a des CV qui passent, qu’on peut essayer de faire, mais ce n’est pas notre activité principale. En revanche, on syndique les retraités de l’informatique, très clairement,

Étienne Gonnu : Nadine, tu souhaites compléter ?

Nadine Stéphant : Oui, tu as fait, ce que dit Thomas est vrai, on syndique les retraités. On s’est aussi posé beaucoup de questions sur l’évolution du travail dans la société au sens large, à savoir notamment le développement qu’on déplore, mais qu’on ne peut que constater, de l’auto-entrepreneuriat et de toute cette forme de travail qui fait perdre aux gens une certaine protection sociale. Comme on dit « travailleurs et travailleuses », on ne dit pas « salariés et salariées », ce sont aussi des autoentrepreneurs et autoentrepreneuses qu’on syndique, sous réserve qu’ils ne soient pas eux-mêmes employeurs, sous-traitants.
C’est vrai que sur la question des chômeurs, on a malheureusement des adhérents qui deviennent chômeurs et ils continuent souvent, pour beaucoup d’entre eux, parce qu’on aménage justement l’adhésion de telle sorte qu’elle n’ait pas de coût ou quasiment pas de coût pour eux, mais on n’a pas de démarche, comme tu demandais Étienne, de démarche spécifique envers les chômeurs et chômeuses. Juste pour finir là-dessus, je pense que ça tient aussi au fait que pendant longtemps, c’est peut-être de moins en moins vrai, mais pendant longtemps il est vrai que le secteur de l’informatique était tellement florissant que perdre son emploi n’était absolument pas une difficulté ou quasiment. Depuis quelques années maintenant ça devient un vrai problème, notamment pour les populations plus âgées, mais c’est vrai que ce n’est pas dans nos axes d’action pour l’instant.

Étienne Gonnu : C’est intéressant. Effectivement les syndicats évoluent aussi dans la réalité des contextes sociaux dans lesquels ils se situent sur le secteur.
Thomas j’ai l’impression que tu souhaites réagir ou compléter.

Thomas : Nadine a dit l’essentiel. Effectivement dans notre profession, il y a un truc qui est spécifique c’est qu’on a emploi qui est quand même assez fort, notamment chez les jeunes. En revanche, passé la barrière des 45/50 ans, il y a des salariés qui se font mettre au placard et il faut en parler parce que les gens de mon âge ne voient absolument pas le truc arriver. Quand tu as 55 ans, que tu es expert en Cobol, un langage de programmation qui était très utilisé dans les années 70/80 et qui, aujourd’hui, commence un petit peu à être moins demandé, eh bien il y a de la répression sur les vieux de salariés qui arrivent en fin de carrière, ont un gros salaire et ne sont plus hyper-utiles sur le marché de l’emploi. Il y a vraiment des scandales qui se vivent là-dessus où des salariés de l’informatique se font virer de manière malpropre.

Étienne Gonnu : Entendu. Je vais relayer deux questions qui rentrent dans ce sujet, qui sont sur le salon web de la radio. Marie-Odile demande si vous défendez également les travailleurs et travailleuses du clic ; elle fait référence aux travaux du chercheur Antonio Casilli. Laurent demande si vous êtes impliqué, de manière ou d’une autre, dans les luttes contre les grosses plateformes telle Uber.

Nadine Stéphant : Je ne sais pas si Thomas veut répondre.

Thomas : Sur le clic on essaye. On a fait venir des experts pour justement nous parler un petit peu de ce sujet-là. C’est très difficile de syndiquer ces gens-là parce qu’ils sont justement derrière des plateformes ; je pense à Amazon Truck et ce genre de choses. C’est très difficile de les contacter, on ne sait pas qui ils sont, on ne sait pas comment ils travaillent. Ce sont des gens qui ne viennent pas frapper à notre porte, souvent, d’ailleurs, ce sont des gens qui n’habitent pas en France, qui habitent en Inde ou ce genre de choses. On aimerait bien faire quelque chose là-dessus. Si vous avez des contacts, si jamais vous-même êtes travailleuse ou travailleur du clic n’hésitez pas à nous contacter parce qu’il y a vraiment un boulevard qui s’ouvre là-dessus et une exploitation horrible qui est en train d’avancer là-dessus. C’est vrai qu’un syndicat, en général, ça commence quand il y a deux personnes dans une même entreprises qui se parlent à la machine à la café. Quand chacun est derrière son PC à distance, dans des pays éloignés, on ne sait pas encore comment faire. Je pense qu’on a une marge de progression à faire là-dessus.
Enfin les grosses plateformes, sur Uber je ne crois pas qu’on ait de syndiqués chez eux, ni dans les VTC de manière générale. Après, est-ce qu’on est pour ces plateformes-là ? Non, parce que c’est évidemment de l’exploitation des travailleurs. On n’aime pas, enfin on pense que ce n’est pas le meilleur contrat que d’être autoentrepreneur et on le voit. Il y a des autoentrepreneurs dans l’informatique. On en a parlé et depuis quelque temps on a changé notre règlement intérieur pour justement syndiquer des autoentrepreneurs qui étaient considérés comme des « patrons », entre guillemets, alors que socialement ce n’est pas exactement ça. Nadine.

Nadine Stéphant : Pareil, je n’ai pas forcément beaucoup de choses à rajouter. C’est vrai que Thomas connaît particulièrement le sujet des travailleurs du clic parce qu’il est lui-même adhérent de cette section territoriale qui est Solidaires Informatique Île-de-France. Ça avait été un sujet de réflexion apporté par l’un de nos adhérents. C’est vrai que ce sont des réflexions qu’on mène mais qui, pour l’instant, comme disait Thomas, n’aboutissent pas.
Pour l’auto-entreprenariat, en effet nos statuts ont évolué récemment justement pour syndiquer les travailleurs de plateformes et des autoentrepreneurs sous réserve, comme je disais tout à l’heure, qu’ils ne soient pas eux-mêmes des employeurs.

Étienne Gonnu : Entendu. Tu parlais de la distance, du fait de se retrouver dans une même entreprise et d’échanger pour pouvoir commencer à se syndiquer. On voit bien aussi que ce n’est peut-être pas complètement anodin que certaines grandes entreprises capitalistes fassent en sorte, justement, que les personnes ne puissent pas se retrouver que ce soit en les mettant à distance ou en passant par des statuts comme l’auto-entreprenariat.
Du coup ça amène une question. Vous êtes engagés de manière générale, on va dire, sur les métiers de l’informatique, vous avez déjà expliqué que ça se décline sous différentes manières. Je vais parler de secteur, est-ce que c’est un secteur qui est fortement syndiqué, peu syndiqué ?, c’est ce qu’il m’avait semblé comprendre. Comment vous l’expliquez ? Est-ce que ça évolue ? Thomas.

Thomas : Nadine, tu veux commencer.

Nadine Stéphant : Peu importe. Je réagis un peu par rapport à ça puisqu’il y a plein de sujets là-dedans, en effet. Je voulais juste rebondir sur le travail, je voulais juste parler de télétravail un peu rapidement avant qu’on y revienne un peu plus loin.

Étienne Gonnu : On pourra y revenir, mais je t’en prie.

Nadine Stéphant : Tu évoquais le fait que les sociétés organisent la mise à distance des travailleurs justement pour éviter cette fédération un peu de forces pour défendre ses intérêts. C’est un sujet de fond sur lequel il faudra aussi qu’on réfléchisse très sérieusement parce que le télétravail qui était fait jusqu’ici, de ce que je vois, de ce que je constate, le télétravail était un problème culturel des entreprises par manque de confiance envers leurs salariés. Du fait du confinement, de la pandémie, il est devenu très massif dans nos secteurs et les employeurs voient tout l’intérêt, tout le bénéfice qu’ils auraient à ce mode de fonctionnement en mettant, bien sûr, en œuvre tout ce qui leur permet de se sécuriser et de s’assurer, mais qui empêche les gens de communiquer entre eux, qui permet de faire des économies, etc. Donc c’est un gros sujet de réflexion.
Par contre, pour revenir sur la syndicalisation du secteur, comme dans toutes les entreprises, comme dans tous les secteurs, la syndicalisation est forcément un peu difficile. Elle est parfois plus difficile dans le secteur de l’informatique parce que, justement, les gens sont beaucoup à distance. Je pense que ce n’est pas forcément pire qu’ailleurs, mais c’est quelquefois difficile aussi parce que ça a été une population relativement bien traitée au niveau salarial pendant de nombreuses années, avec des statuts de cadre même si leur métier ce n’est pas forcément d’être cadre. Ça a créé quelquefois une population un peu confortable, qui s’est un peu éloignée du syndicalisme, mais que je pense voir revenir un peu avec les plus jeunes notamment qui souffrent plus, malheureusement, des conditions actuelles.

Étienne Gonnu : Thomas, tu souhaites régir ?

Thomas : Elle a dit l’essentiel. Je pense effectivement, je le vois dans mon entreprise, on a la trentaine, on est dans la start-up nation, tout va bien dans le meilleur des mondes, regardez on a un baby-foot, c’est formidable ! Du coup les gens ne se posent pas la question de pourquoi se syndiquer : mon salaire est à peu près correct, j’ai un baby-foot et le café est gratuit ! Ça, ça marche deux ans, trois ans, quatre ans et puis, à un moment il y a des coups de pression qui commencent à arriver, il y a des objectifs un peu chiffrés qui comment à arriver et il y a un peu de pression. Je pense qu’un des points qu’on a à gérer c’est la maladie. Sur notre travail il y a peu d’accidents du travail, par contre il y a du burn-out dans le milieu des ingénieurs et des SS2I, du coup, là on commence un petit peu à se syndiquer. Après, les gens qu’on arrive à syndiquer ce sont les gens qui sont assez ouverts politiquement, assez engagés, notamment les libristes qui, j’ai l’impression, vont se syndiquer un peu plus que les autres. C’est sûr que quand un gros salaire, enfin un salaire de cadre moyen, les gens ne comprennent pas l’intérêt, ils ont l’impression d’être dans une classe qui fait d’eux ??? et la société les met en avant, etc.
Il faut un peu de temps. Effectivement les très jeunes et, je pense, les très vieux eux sont plus fragiles sur ces questions-là et en général, par cette fragilité, ils viennent effectivement voir les syndicats pour avoir un peu d’aide.
Un dernier point. Je pense aussi que les écoles d’ingénieurs sont des milieux qui sont très peu politisés, où ça éveille peu les réflexions politiques et syndicales. Du coup effectivement, quand ils arrivent en entreprise, eh bien ils n’ont pas ces réflexes-là quoi.

Étienne Gonnu : Entendu. Nadine.

Nadine Stéphant : Juste pour avoir, peut-être, un panorama un peu plus exhaustif, je voulais revenir sur le secteur du jeu vidéo qui est un peu atypique dans ce milieu-là et qui fait aussi partie de notre champ de syndicalisation. Globalement ce qu’on entend dire et ce qu’on constate c’est que nos camarades salariés du jeu vidéo sont beaucoup moins bien traités, même si ça s’est beaucoup dégradé dans les services, etc., mais le jeu vidéo comme, en plus, c’est sur des activités entre guillemets « plaisir », où les gens investissent aussi beaucoup cette activité parce qu’ils sont vraiment passionnés, il y a vraiment des conditions particulièrement mauvaises et, de ce côté-là, peut-être que la syndicalisation sera plus forte assez rapidement.

Thomas : Tout à fait. Je suis hyper d’accord avec ce que dit Nadine, tout ce que je viens de dire à l’instant n’est pas vrai pour le jeu vidéo. La tension sur le marché de l’emploi pour le jeu vidéo n’est pas du tout pareille, il y a beaucoup de gens qui veulent travailler dans le milieu du jeu vidéo, du coup les employeurs en profitent pour faire baisser les salaires, imposer des charges, imposer ce qu’on appelle le crunch qui est un moment où on pressurise les travailleurs juste avant le lancement d’un jeu vidéo et ça crée des problèmes très graves. Du coup, en ce moment, j’ai effectivement l’impression qu’on a de plus en plus syndiqués qui viennent du milieu du jeu vidéo parce qu’ils se rendent compte de l’exploitation et des problèmes qu’il y a dans leur monde.

Étienne Gonnu : On a vu, je n’ai pas les infos en tête et on pourra les mettre dans les références. On a eu récemment des exemples réguliers de scandales dans des grandes productions de jeux vidéo.

Thomas : Typiquement on est, comment dire, responsables, on a mis des choses en place. Un des grands boss, j’ai oublié le nom de cette entreprise française très connue.

Nadine Stéphant : Ubisoft et Quantic Dream.

Thomas : Ubisoft, voilà. Un des boss de Ubisoft a quitté l’entreprise, officiellement pour faire du jardinage. Nous on considère que c’est parce qu’il y a des vraies questions de sexisme qui se sont passées au sein de l’entreprise. On a fait une campagne, on a expliqué les choses, on a recueilli des témoignages, ça s’est passé même juridiquement, du coup les choses commencent un petit peu à bouger sur la question du sexisme dans le milieu du jeu vidéo qui est un énorme problème. La section syndicale de chez Ubisoft a fait un travail exemplaire là-dessus à mon avis.

Étienne Gonnu : C’est vrai que vous êtes organisés en différentes sections qui représentent différentes entreprises, différents types de secteurs, Ubisoft, j’ai toute la liste, on peut la retrouver effectivement sur le site.
Avant qu’on fasse une pause musicale, on a clairement compris, en tout cas j’ai compris que les syndicats sont des organisations politiques, qu’elles mènent un combat politique. Quelle est la différence, justement, avec un parti politique ?

Thomas : On ne se présente pas aux élections. Si on revient à la Charte d’Amiens qui est un texte qui a voté en 1911 [1912] dont on se revendique un petit peu, l’objectif c’est l’autogestion par les syndicats des entreprises. C’est notre objectif final. On ne veut pas gagner les élections, on veut que les syndiqués gèrent les entreprises en autogestion. Bon ! Je crois que ça na va pas arriver demain, on se bat tous les jours pour. Du coup, ça veut dire changer la vie des salariés et changer le monde, mais ça ne veut pas dire s’inscrire dans un schéma politique traditionnel, on ne veut pas aller aux élections, on ne veut pas se présenter, on ne veut pas rentrer dans le jeu de la République, ce n’est pas ça notre objectif.

Étienne Gonnu : Nadine, tu souhaites compléter ?

Nadine Stéphant : Je pense que c’est très clair. Les propos de Thomas sont très clairs et posent bien le cadre d’intervention du syndicat.

Thomas : Peut-être, pour repréciser, on a quand même des avis sur le monde et sur les politiques qui sont en train d’être menées. Quand le gouvernement nous propose une réforme des retraites, évidemment on n’est pas d’accord parce que c’est un désavantage pour les salariés et, du coup, on n’hésite pas à critiquer le gouvernement là-dessus, on n’hésite pas à faire des manifs, des grèves, justement pour exprimer notre mécontentement et faire en sorte qu’il écoute les gens et pas ses intérêts.

Étienne Gonnu : C’est très clair. D’ailleurs, le texte de la Charte d’Amiens est un texte intéressant à lire, qui n’est pas non plus particulièrement long, et qui précise bien l’organisation entre partis politiques et syndicats. J’invite tout le monde à le lire

Nadine Stéphant : Tout à fait.

Thomas : Je crois qu’il est écrit qu’on refuse d’incorporer à l’intérieur du syndicat les problèmes ou les questionnements des partis politiques et des sectes, sous-entendu la religion, je crois que c’est ça, c’est un peu daté.

Nadine Stéphant : C’est fondateur. Tout à fait.

Thomas : C’est fondateur.

Étienne Gonnu : Super.
Je vous propose qu’on fasse une petite pause musicale pour s’aérer les méninges. Nous allons écouter, comme nous l’avons dit, Le musée d'air contemporain , le deuxième morceau proposé par KPTN. On se retrouve dans trois minutes. Une belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : Le musée d’air contemporain par KPTN.

Voix off : Cause Commune, 93.1.

Deuxième partie

Étienne Gonnu : Nous venons d’écouter










Étienne Gonnu : Nous allons faire à présent une pause musicale.

[Virgule suivant]

Étienne Gonnu : Nous allons écouter le dernier des trois morceaux sélectionnés pour nous par KPTN de son nouvelk album Flammes, il s’agit de Grève angélique. On se retrouve juste après. Je vous souhaite une belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : Grève angélique par KPTN.

Étienne Gonnu : Nous venons d’écouter Grève angélique par KPTN, disponible sous licence Creative Commons Partage dans les mêmes conditions, CC By SA. Vous retrouverez sur le site de l’April, april.org.
On remarque effectivement qu’à la fin les anges n’obtiennent pas gin de cause comme le faisait remarquer Thomas avant l’émission. Ils ne sont pas syndiqués

Thomas : Avec le syndicat Solidaires, ils auraient obtenu leurs revendications !

Étienne Gonnu : Tout est dit.

Thomas : Je rigole, évidemment !

Étienne Gonnu : Vous écoutez l’émission Libre à vous ! sur radio Cause Commune, la voix des possibles, 93.1 FM et en DAB+ en Île-de-France, partout dans le monde sur le site causecommune.fm.

Je suis Étienne Gonnu de l’April.
Nous allons passer à notre dernier sujet.

[Virgule musicale]

Chronique « Partager est bon  » de Véronique Bonnet, professeur de philosophie et vice-présidente de l’April, sur le thème « Mesures à la portée des gouvernements pour promouvoir le logiciel libre ».

Étienne Gonnu : Nous allons poursuivre avec la rediffusion d’une chronique « Partager est bon » de Véronique Bonnet, professeur de philosophie et présidente de l’April. Une chronique sur les « Mesures à la portée des gouvernements pour promouvoir le logiciel libre », enregistrée en mars 2020 par mon collègue Frédéric Couchet. Je précise qu’à l’époque Véronique était alors vice-présidente de l’association.
On se retrouve dans une dizaine de minutes, toujours en direct sur Cause Commune, la voix des possibles.

[Virgule sonore]

Frédéric Couchet : Une lecture d’informations et de mise en perspective de la philosophie GNU, c’est la chronique « Partager est bon » de Véronique Bonnet, professeur de philosophie et vice-présidente de l’April. Le sujet du jour : « Mesures à la portée des gouvernements pour promouvoir le logiciel libre et pourquoi c’est leur devoir de le faire ».
Véronique, on t’écoute.

Véronique Bonnet : Fred, effectivement il faut prendre son souffle pour lire ce titre qui est quasiment un titre à la Alexandre Dumas. Si j’avais à faire un commentaire de ce titre très long, je dirais qu’il y a de la part de Richard Stallman, l’auteur de ce texte, la volonté de démontrer que si les gouvernements ayant à leur portée des mesures ne les mettent pas en œuvre, alors il y a une faute morale. C’est-à-dire que les gouvernements ont le devoir d’adopter ces mesures si elles sont nécessaires dans le cadre du respect et des citoyens et des gouvernements eux-mêmes. Un gouvernement qui se respecte mettra en œuvre ces mesures.

Ce texte, par conséquent, est beaucoup plus qu’un texte éthique, parce que éthique veut dire simplement avantageux, intéressant, qui obtient le maximum de gains avec un minimum de pertes, ça n’est pas de cela dont il s’agit. Il s’agit d’un texte moral. Je dis bien moral et non pas moralisateur, c’est-à-dire que ce texte ne fait pas la leçon. Il est moral au sens où il rappelle que prendre des décisions pour d’autres humains impose des devoirs. Il s’agit de tout faire pour ne pas les nier comme humains, il faut les respecter.
Bien sûr il peut y avoir des bénéfices politiques – effectivement, peut-être qu’un gouvernement exemplaire reste au pouvoir plus longtemps –, mais il ne s’agit pas simplement d’un texte au sens d’une manière de faire pour persister. Il s’agit essentiellement d’une tâche que le gouvernement va donner à lui-même. Je cite, c’est dit dans l’introduction : « La mission de l’État est d’organiser la société avec pour objectif la liberté et le bien-être de la population. » Certes, l’État doit aussi veiller à sa souveraineté et à sa sécurité. Il doit aussi faire des économies, privilégier et dynamiser l’industrie locale des services logiciels. » Certes. On le voit, l’argumentaire est aussi stratégique, il est aussi économique, mais il est d’abord humaniste, comme le montre d’ailleurs la chronologie des points évoqués.

Richard Stallman part de la notion d’éducation. Autrement dit il pose que l’État, dans ses relations avec le public, doit avoir en vue une souveraineté, une souveraineté informatique, une souveraineté écologique c’est-à-dire qu’il faut éviter ce qu’on appelle le gaspillage, le caractère non-recyclable de certains choix logiciels, il y a bien des considérations d’optimisation ; il va évoquer la neutralité technologique des États pour d’ailleurs inviter à les dépasser.

Quelle teneur de ce qui est proposé pour l’éducation ? Pour la philosophie GNU, il s’agit de n’enseigner que le logiciel libre. Bien sûr il y a un bénéfice secondaire qui n’est pas mince, à savoir que ceci garantit l’avenir politique d’une nation, mais au-delà de ce bénéfice secondaire, il y a surtout le devenir autonome des individus. Voilà ce qui est indiqué : « Enseigner un programme non libre revient à enseigner la dépendance ce qui est contraire à la mission de l’école. »
Parti de ce foyer qu’est l’émancipation, il y a un deuxième point qui examine cette fois les relations de l’État avec le public. On évoque des politiques publiques qui sont souvent cruciales. En effet, lorsqu’on utilise le logiciel libre, il y a des conséquences pour les individus et pour les organisations. Donc il est très important de ne pas obliger les particuliers à utiliser un programme non libre, sinon ça veut dire qu’il y a une rupture d’égalité devant le service public.
Il se trouve que j’ai eu l’occasion d’en parler au Défenseur actuel des droits qui est très sensible à cette question de l’équité des citoyens devant l’État.

Frédéric Couchet : Précisons qu’il s’agit de Jacques Toubon.

Véronique Bonnet : Absolument, il s’agit de Jacques Toubon.
D’où la proposition de ne distribuer que du logiciel libre y compris lorsqu’il s’agit de logiciels utilisés à l’école.
Récemment, il a été question dans différentes tribunes de matériel distribué, déjà prédéterminé pour aller vers du logiciel non libre. Il a été question aussi de sites web de l’État. Il serait fondamental d’y accéder seulement avec des logiciels libres. Je donne un exemple : il se trouve que comme enseignante on m’a proposé d’utiliser un programme qui est Educ'ARTE. Educ'ARTE propose aux enseignants, pour leurs classes, de disposer d’émissions éducatives. Or, expérience amère, malheureuse, il se trouve qu’avec Educ'ARTE il faut utiliser Flash, ce à quoi je n’ai pas pu me résoudre. Donc j’ai écrit à Educ'ARTE et mon courrier est en attente de réponse.

Pourquoi, par conséquent, proposer des formats et des protocoles libres, non seulement les protocoles de communication mais aussi les liseuses qui interviennent dans les bibliothèques, dans les établissements scolaires. Elles sont encore à libérer, il y a beaucoup de travail à faire pour y parvenir puisqu’il s’agit de libérer les ordinateurs des licences. Mais là encore, lorsque ce point est évoqué dans le texte, c’est la plupart du temps la vente liée qui prévaut. Ce n’est pas simplement une question d’argent. Cette contrainte d’imposer d’utiliser des ordinateurs avec des licences est inique et, en plus, certains dispositifs empêchent le recyclage, le reconditionnement des ordinateurs de seconde main et, en ce sens, l’État doit se mobiliser pour parler d’indice de réparabilité, pour parler de recyclage et de cohérence écologique.

Le point qui est examiné ensuite est celui de la souveraineté informatique. Il est précisé que l’État doit garder la main sur ce qui le concerne, sinon il est subordonné à des entités privées. Migrer vers le logiciel libre est un ainsi un axe fort. À cette même antenne il a été question de la migration de la Gendarmerie nationale vers le logiciel libre, ce qui permet donc de développer des solutions informatiques tout à fait cohérentes lorsqu’un État est un État qui s’impose le devoir de respecter ses citoyens.
D’où, deuxième point, il se trouve que la souveraineté informatique est traitée doublement : il y a dans ce texte une préconisation du contrôle de l’État sur les tâches qui sont de son ressort, c’est-à-dire que l’État doit contrôler ses ordinateurs et maîtriser, si l’ordinateur n’est pas portable, le lien qui permet son utilisation. Il faut influencer, par conséquent, le développement du logiciel libre, ne surtout pas encourager le logiciel non libre. Il y a parfois des contrats étonnants qui sont passés entre les États et les GAFA !

J’ai déjà parlé tout à l’heure du gaspillage. Vous avez le rappel, en fin de texte, que les ordinateurs, pour ne pas être mis au rebut, doivent pouvoir être débloqués et surtout ne pas être verrouillés par des dispositifs qui rendraient impossible l’installation d’un logiciel libre.

Le dernier point est tout à fait inspirant pour le professeur de philosophie que je suis, puisque, dans ce texte, on parle bien de neutralité technologique, mais on dépasse aussi cette expression. Je cite, il est dit que « l’État ne doit pas imposer de préférence arbitraire sur des choix techniques », mais pour autant, il ne doit pas être neutre au sens d’indifférent. L’État ne peut pas être indifférent. Je cite : « Seuls ceux qui désirent mettre un pays sous leur joug pourraient suggérer que son gouvernement soit "neutre" en ce qui concerne sa souveraineté et la liberté de ses citoyens. » Il y a des formes de neutralité qui sont des formes de refus de se pencher moralement sur le respect des citoyens. Autrement dit, et là je me réfère à deux expressions d’Alexis de Tocqueville dans De la démocratie en Amérique, il y a, pour les gouvernements, des résistances honnêtes et des rébellions légitimes et, par exemple, l’April peut en être le vecteur.

Frédéric Couchet : Merci Véronique. Je vais préciser que la Gendarmerie nationale, pour les gens qui veulent écouter le podcast, c’est l’émission du 3 septembre 2019, l’émission 34, et pour la partie gaspillage-recyclage, nous avons consacré une émission à la loi anti-gaspillage le 7 janvier 2020, c’est l’émission 48. Vous pouvez les retrouver sur april.org ou sur causecommune.fm.
C’était la chronique « Partager est bon » de Véronique Bonnet, professeur de philosophie et vice-présidente de l’April.
Véronique, je te souhaite une belle fin de journée.

Véronique Bonnet : Très belle journée à toi Fred.

[Virgule sonore]

Étienne Gonnu : Nous venons d’écouter la chronique « Partager est bon » de Véronique Bonnet sur les « Mesures à la portée des gouvernements pour promouvoir le logiciel libre », enregistrée en mars 2020. Vous retrouverez les références sur la page consacrée à l’émission sur april.org.

Nous approchons de la fin de notre émission et nous allons terminer par quelques annonces.

[Virgule musicale]

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