Différences entre les versions de « Libre à vous ! Radio Cause Commune - Transcription de l'émission du 29 juin 2021 »

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'''Titre :''' Émission <em>Libre à vous !</em> diffusée mardi 29 juin 2021 sur radio Cause Commune
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Publié [https://www.librealire.org/emission-libre-a-vous-diffusee-mardi-29-juin-2021-sur-radio-cause-commune ici] - Juillet 2021
 
 
'''Intervenant·e·s :''' Lorette Costy - Laurent Costy - Anna Cathelineau - Aurélia Garnier - Pierre Fumet - Luk - Isabella Vanni -  à la régie
 
 
 
'''Lieu :''' Radio Cause Commune
 
 
'''Date :''' 29 juin 2021
 
 
 
'''Durée :''' 1 h 30 min
 
 
 
[https://media.april.org/audio/radio-cause-commune/libre-a-vous/backups/output-2021-06-29-15h29.mp3 Podcast provisoire]
 
 
 
[https://www.april.org/libre-a-vous-diffusee-mardi-29-juin-2021-sur-radio-cause-commune Page des références utiles concernant cette émission]
 
 
'''Licence de la transcription :''' [http://www.gnu.org/licenses/licenses.html#VerbatimCopying Verbatim]
 
 
 
'''NB :''' <em>transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.<br/>
 
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.</em>
 
 
 
==Transcription==
 
<b>Voix off : </b><em>Libre à vous !</em>, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.
 
 
 
<b>Isabella Vanni : </b>Bonjour à toutes. Bonjour à tous.<br/
 
La reconversion professionnelle vers les métiers de l’informatique c’est le sujet principal de l’émission du jour. Avec également au programme la chronique  À cœur vaillant, la voie est libre » de Laurent et Lorette Costy et aussi la chronique « La pituite de Luk » qui a pour titre aujourd’hui « 10 d'un coup ! ». Nous allons parler de tout cela dans l’émission du jour.
 
 
 
Soyez les bienvenus pour cette nouvelle édition de <em>Libre à vous !</em>, l’émission qui vous raconte les libertés informatiques, proposée par l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.<br/>
 
Je suis Isabella Vanni, coordinatrice vie associative et responsable projets à l’April.
 
 
 
Le site web de l’April est april.org, vous pouvez y trouver une page consacrée à cette émission avec tous les liens et références utiles et également les moyens de nous contacter. N’hésitez pas à nous faire des retours ou nous poser toute question.
 
 
 
Nous sommes le mardi 29 juin 2021, nous diffusons en direct, mais vous écoutez peut-être une rediffusion ou un podcast.
 
 
À la réalisation de l’émission d’aujourd’hui Adrien Bourmault. Bonjour.
 
 
 
<b>Adrien Bourmault : </b>Salut.
 
 
 
<b>Isabella Vanni : </b>Nous vous souhaitons une excellente écoute.
 
 
 
[jingle]
 
 
 
==Chronique « À cœur vaillant, la voie est libre » de Laurent et Lorette Costy sur le thème « Cookies dingues, l'air de rien et la femme libérée »==
 
 
 
<b>Isabella Vnanni : </b>Nous allons commencer par la chronique « À cœur vaillant, la voie est libre » de Laurent et Lorette Costy qui sont aujourd’hui au studio avec moi. Bonjour à vous.
 
 
 
<b>Laurent Costy : </b>Bonjour.
 
 
 
<b>Lorette Costy : </b>Bonjour.
 
 
 
<b>Isabella Vanni : </b>je crois que c’est une grande première pour Lorette au studio. Je vous laisse la parole pour votre chronique.
 
 
 
<b>Lorette Costy : </b>Allô Papa ?<br/>
 
Je suis un petit fichier texte envoyé par différents serveurs sur l’appareil que j’utilise quand je consulte des sites Web. Apparu au milieu des années 90, je suis un traceur qui a pour rôle de garder en mémoire les comportements en ligne des utilisateurs et peut parfois leur simplifier la vie. C'est par exemple grâce à moi qu'un site marchand peut se souvenir du contenu d’un panier entre deux visites ! Je suis, je suis, je suis ? [Ces deux phrases sont prononcées de plus en plus rapidement, NdT]
 
 
 
<b>Laurent Costy : </b>Top. Les cookies !
 
 
 
<b>Lorette Costy : </b>Ah oui, oui, oui, oui, ouiiiii ! Tu gagnes un cookiiiiiie ! Mais bon, je suis vener ! À chaque fois que je vais sur un site Internet, il faut choisir « valider » ou « accepter les cookies ». Sur certains sites, comme Allociné, ils te demandent même de payer pour refuser les cookies ! Franchement, Internet c’était mieux avant ! Quelle mouche les a donc piqués sur la toile ?
 
 
 
-<b>Laurent Costy : </b>Ah, les cookies ! On doit ce nom à Lou Montulli, informaticien américain qui a été l’un des fondateurs de Netscape, l’ancêtre de Mozilla Firefox. Une vraie pépite que ce cookie pour raconter Internet ! Et, en parlant de pépites, tu devrais écouter les pépites libres de Jean-Christophe Becquet disponibles en podcast sur le site de <em>Libre à vous</em>. On y découvre plein de trucs sympas !
 
 
 
<b>Lorette Costy : </b>Mais moi je n’ai pas faim, je ne veux pas de pépites ou d’histoires de cookies ! Je veux juste comprendre pourquoi ils embêtent mon Web avec toutes leurs fenêtres agressives et leurs cookies wall !
 
 
 
-<b>Laurent Costy : </b>Tu permets ? Je vais supprimer le cookie que j’ai gagné tout à l’heure. Il me suffit de cliquer sur le cadenas dans la barre d’adresse dans Mozilla Firefox et de choisir le menu ad hoc. Voilà, c’est fait.
 
 
 
<b>Lorette Costy : </b>Du coup, c’est quoi l’intérêt d’effacer les cookies si je perds mon panier ? Ou si je dois redonner ma préférence de langage ou, pire, voir réapparaître encore une fois le cookie wall ?
 
 
 
<b>Laurent Costy : </b>Hélas, s’il y a des gentils cookies qui sont là pour t’aider, ils ne sont plus seuls. Il y a aussi des cookies méchants et intrusifs qui veulent tout savoir de toi. D’ailleurs parfois, même les gentils cookies peuvent être ambigus et contribuer à mieux cerner tes habitudes.
 
 
 
<b>Lorette Costy : </b>Du coup, les méchants cookies, je peux les supprimer sans vergogne ?
 
 
 
<b>Laurent Costy : </b>Mince, je crois que ce mot « vergogne » n’est plus très utilisé de nos jours et ça risque de ne pas faire très naturel dans ta bouche dans cette chronique.
 
 
 
<b>Lorette Costy : </b>Oui, je te confirme. Dans la vraie vie, j’aurais plutôt dit un truc du genre « je peux les trasher à terre without regrets ? » Et, en plus, ça aurait permis de glisser un mauvais jeu de mots médical de 2ᵉ écoute. Bref !, revenons à mes cookies.
 
 
 
<b>Laurent Costy : </b>Donc oui, des cookies vilains existent et sont là à des fins de ciblage. Des serveurs déposent des traceurs et l’information collectée est revendue à des régies publicitaires. C’est l’évolution dans le monde numérique de ce qui se pratiquait avant : tu t’abonnais à un magazine de chasse et tu recevais ensuite de la publicité dans ta boîte aux lettres pour des promos sur les cartouches Pandanlagl.
 
 
 
<b>Lorette Costy : </b>Vlan ! Mais il y en a tant que ça, des cookies-traceurs-vilains ?
 
 
 
<b>Laurent Costy : </b>Pour s’en rendre compte, le meilleur moyen est de reproduire cette petite expérience que le prof de physique libriste Georges Kaznadhar pratique dans sa classe.
 
 
 
<b>Lorette Costy : </b>Fan boy. [Prononcé à voix basse, NdT]
 
 
<b>Laurent Costy : </b>D’abord, tu ouvres Firefox. Tu désactives éventuellement les add-ons/plugins anti-traçages que tu aurais mis en place pour une navigation plus tranquillisée…
 
 
 
<b>Lorette Costy : </b>Comme Privacy Badger, µblock origine ou même canvas fingerprint defender ou même ghostery par exemple !
 
 
 
<b>Laurent Costy : </b>Waouh, je vois que tu maîtrises quelques extensions incontournables pour limiter tes traces sur Internet ! Respect total de moi envers toi !
 
 
 
<b>Lorette Costy : </b>Merci. Mais des fois, je suis quand même gênée de les activer car ça limite la rémunération des youtubeurs à cause du manque à gagner, déjà faible pour eux, par exemple sur les revenus publicitaires.
 
 
 
<b>Laurent Costy : </b>Je vois. C’est un peu plus compliqué que ça à mon avis. De fait, la question de la rémunération de celles et ceux qui produisent des contenus est un sujet extrêmement important, mais je trouve ça un peu pratique de la part des géants du Web de dire qu’il faut désactiver les anti-traceurs et les anti-pubs. C’est d’abord pour protéger leurs profits colossaux qu’ils disent ça et les youtubeurs, par exemple, sont de bons alibis et font de bons petits soldats. Si les géants du Web étaient si empathiques, ils auraient contribué de meilleure grâce à financer la presse ou à payer des impôts décents plutôt que d’élever l’optimisation fiscale au rang d’un art ultime !
 
 
 
<b>Lorette Costy : </b>Oui, d’autant que, quand on regarde les conditions pour gagner un peu d’argent sur YouTube, il y a beaucoup de prétendants et de prétendantes mais peu d’élu·e·s, même si ça évolue avec le métier d’influenceur et les partenariats. Bref, j’ai désactivé les anti-traceurs et ensuite ?
 
 
 
<b>Laurent Costy : </b>Tu ouvres le débogueur de Firefox par la touche F12 par exemple. Tu sélectionnes le volet réseau et là, tu hallucines.
 
 
 
<b>Lorette Costy : </b>Exact. Je confirme, j’hallucine. La quantité juste incroyable de trucs qui passent ! Tous ça, ce sont des cookies ?
 
 
 
<b>Laurent Costy : </b>Non, il s’agit plutôt d’une liste de toutes les requêtes, autrement dit, échanges d’informations, avec d’autres serveurs. Si tu essaies avec le site laposte.fr, le volet réseau précédemment ouvert affiche 105 requêtes dont 22 ne sont pas associées au domaine laposte.fr ! Ce sont donc des cookies tiers ou des scripts – des petits programmes – qui communiquent avec d’autres serveurs que celui avec lequel tu souhaitais échanger !<br/>
 
Par exemple, si on cherche à quoi correspond le script « try.abtasty.com », on arrive sur un site qui ne laisse aucun doute sur les intentions : « Révolutionnez l'expérience de votre marque et de vos produits » ou « Augmenter les conversions, les <em>leads</em> et les revenus » ou encore « Une approche de l'expérience client omnicanal ».
 
 
 
<b>Lorette Costy : </b>Ah les gredins ! Me transformer comme ça, moi, à mon insu, en cliente omnicanale ! Du coup, je comprends mieux pourquoi ils nous demandent notre accord à l’arrivée sur le site. C’est pour que l’on prenne conscience de tout ce qu’il se passe !
 
 
 
<b>Laurent Costy : </b>Tu auras compris que c’est la réglementation qui évolue et qui leur impose de prévenir et d’obtenir le consentement de l’internaute.
 
 
 
<b>Lorette Costy : </b>Ça me revient maintenant ! Les articles 4, 7 et un peu le 11 du RGPD. : le consentement doit être libre, spécifique, éclairé, univoque et l’utilisateur doit être en mesure de le retirer, à tout moment, avec la même simplicité qu’il l’a accordé.
 
 
 
<b>Laurent Costy : </b>Ah tiens, je pensais qu’il y avait aussi l’article 42. <em>Don’t act</em>. Mais effectivement, alors qu’au début d’Internet les cookies étaient acceptés par défaut dans les paramètres des navigateurs et que les utilisateurs n'étaient pas informés de leur présence, avec les abus, l’Europe puis chaque pays ont dû réglementer tout ça.
 
 
 
<b>Lorette Costy : </b>Donc, même si on constate une fatigue et un agacement au consentement devant ces cookies-wall répétitifs, cette prise de conscience est importante par toutes et tous ! C’est la mise en pratique de cette prise de conscience nécessaire qu’il faut peut-être interroger ?
 
 
 
<b>Laurent Costy : </b>Sans doute. Et Google va répondre à tes préoccupations. Ils ont annoncé récemment la fin des cookies tiers sur leur navigateur Chrome, prétextant bien sûr la protection de l’internaute. Malheureusement, les cookies ne sont pas les seuls outils qui permettent de profiler. En l’occurrence, Google va continuer à prédire finement par le biais d’un ciblage par cohortes d’internautes ou même par le <em>CNAME cloaking</em>.
 
 
 
<b>Lorette Costy : </b>Explique les gros mots d’abord.
 
 
 
<b>Laurent Costy : </b>En gros, pour te la faire courte, pour le <em>CNAME cloaking</em> il s’agit d’utiliser les capacités des serveurs DNS, voir la première chronique. pour masquer l’origine de la requête ou du cookie et faire croire que cela vient bien du site que tu voulais visiter. Bref, c’est tromper les gens et ça outrepasse la nécessité du consentement. Et puis, il y a aussi l’empreinte numérique, ou <em>fingerprint</em>, c’est-à-dire la reconnaissance par l’intermédiaire du matériel utilisé, du navigateur, du système d’exploitation, etc. En croisant ces informations et d’autres, on peut même déduire facilement des données sensibles dont l’orientation sexuelle, religieuse ou politique…
 
 
 
<b>Lorette Costy : </b>Et en plus, comme tu l’as dit dans la chronique 3, quand on sait prédire, on sait influencer, tant commercialement que politiquement. Démocratie en danger dirait Mamie !
 
 
 
<b>Laurent Costy : </b>En préparant cette chronique, j’ai même découvert tout ce qui est à l’œuvre avec les données ainsi collectées. Sur linc.cnil.fr , on découvre qu’elles font l’objet de transactions incroyables. La différenciation par utilisateur et par annonceur a conduit au développement de systèmes permettant de mettre en relation des annonceurs et une impression, un espace publicitaire affiché à un utilisateur sur un site Web, dans un délai très court correspondant au temps de chargement d’une page web, donc inférieur à 100 ms.
 
 
 
<b>Lorette Costy : </b>C’est dingue ! 100 ms c’est 20 fois le temps qu’il faut à X-Or pour revêtir son scaphandre de combat !
 
 
 
<b>Laurent Costy : </b>Tout juste ! On mettra la référence pour les boomers sur la page du podcast. Et durant ces 100 ms, les impressions sont proposées à de nombreux services publicitaires via un système d’enchères qui s’améliore avec la précision des données fournies. Ces transactions avec nos données représentent plusieurs centaines de milliards d’enchères pas jour alors qu’en comparaison la bourse de New York ne gère environ que 12 milliards de transactions !
 
 
 
<b>Lorette Costy : </b>Ah les Boloss à New York ! Avec tout ça, il faut vraiment que je travaille mes traces sur Internet ! Ce n’est pas possible d’alimenter sciemment un tel système !
 
 
 
<b>Laurent Costy : </b>En tout cas je t’y encourage, mais ça reste d’une grande complexité. Malgré mon expérience, je reste une vraie passoire à données ! C’est un travail de chaque instant que d’essayer de maîtriser cela.
 
 
<b>Lorette Costy : </b>Bon, je vais essayer de m’y atteler Je te fais la bise Papa Potam !
 
 
 
<b>Laurent Costy : </b>La bise aussi et n’oublie pas, à cœur vaillant, la voie est libre !
 
 
 
<b>Isabella Vanni : </b>Merci. Merci beaucoup à Laurent et Lorette Costy pour cette chronique. Je pense que je ne suis pas la seule à être une grande fan de votre chronique qui est à la fois drôle et pédagogique. Il y a un énorme boulot derrière, il suffit de regarder la liste des références sur notre page consacrée à l’émission, que je vous invite à consulter, parce qu’il y a vraiment plein de choses à apprendre.<br/>
 
Je vous dis encore merci et rendez-vous à la rentrée, en septembre, pour une prochaine chronique peut-être.
 
 
 
<b>Laurent Costy : </b>Merci Isabella.
 
 
 
<b>Lorette Costy : </b>Merci.
 
 
 
<b>Isabella Vanni : </b>Merci</br>
 
Nous allons maintenant faire une pause musicale. Nous allons écouter <em>Ghosts</em> par Daniel Weltlinger, sous licence libre Creative Commons, CC By SA 3.0. Il s’agit d’un violoniste jazz, inspiré par le style Gypsy Jazz de Django Reinhardt. On se retrouve juste après. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix de possibles.
 
 
 
<b>Pause musicale : </b><em>Ghosts</em> par Daniel Weltlinger.
 
 
 
<b>Voix off : </b>Cause Commune, 93.1.
 
 
 
<b>Isabella Vanni : </b>Nous venons d’écouter <em>Ghosts</em> par Daniel Weltlinger, disponible sous licence libre Creative Commons, CC By SA 3.0. Je vous avais dit en introduction qu’il s’agit d’un violoniste jazz, mais vous l’aurez entendu, il y avait aussi d’autres musiciens, notamment contrebasse, guitare. Creative Commons Partage dans les mêmes conditions, CC By SA, qui permet la réutilisation, la modification, la diffusion, le partage de cette musique pour toute utilisation, y compris commerciale, à condition de créditer l’artiste, d’indiquer la licence et d’indiquer si des modifications ont été effectuées. Dans le cas où vous effectuez un remix, que vous transformez ou créez du matériel à partir de cette musique, vous devez diffuser votre œuvre modifiée dans les mêmes conditions, c’est-à-dire avec la même licence.
 
 
 
[Jingle]
 
 
 
<b>Isabella Vanni : </b>Nous allons poursuivre par notre sujet principal qui porte aujourd’hui sur la reconversion professionnelle vers les métiers de l'informatique. Le sujet a été enregistré il y a quelques jours. Nous allons écouter ce sujet enregistré. On se retrouve juste après.
 
 
 
[Virgule sonore]
 
 
 
==« La reconversion professionnelle vers les métiers de l'informatique »==
 
 
 
<b>Isabella Vanni : </b>Bonjour. Je suis Isabella Vanni, coordinatrice vie associative et responsable projets à l'April.
 
Nous sommes le mardi 15 juin 2021 et nous enregistrons un sujet à l'avance. C'était la condition pour faire intervenir toutes nos personnes invitées.<br/>
 
Nous allons parler de reconversion professionnelle vers les métiers de l'informatique et nous allons le faire avec Anna Cathelineau, cheffe de projet web chez Codepi, en studio avec moi. Bonjour Anna.
 
 
 
<b>Anna Cathelineau : </b>Bonjour.
 
 
 
<b>Isabella Vanni : </b>Aurélia Garnier, cheffe de produit chez cstar industries, par téléphone. Bonjour Aurélia.
 
 
 
<b>Aurélia Garnier : </b>Bonjour.
 
 
 
<b>Isabella Vanni : </b>Et Pierre Fumet, administrateur système chez Easter-eggs, qui intervient via le système d'audioconférence Mumble. Bonjour Pierre.
 
 
 
<b>Pierre Fumet : </b>Bonjour Isa.
 
 
 
<b>Isabella Vanni : </b>Nous allons commencer notre échange. Il n’y a qu’Anna en studio avec moi. Aurélia et Pierre, si vous souhaitez intervenir à un moment mais que vous n’avez pas la parole, n’hésitez pas à m’appeler, Isa, pour que je vous donne la parole.<br/>
 
Pour commencer j’aimerais savoir, vu que le sujet est la reconversion professionnelle vers les métiers de l’informatique, pourquoi vous avez, à un moment de votre vie, décidé de faire cette reconversion ? Quel a été le déclic ? Anna, peut-être, tu veux commencer.
 
 
 
<b>Anna Cathelineau : </b>Oui, merci.<br/>
 
Pour moi, c’est surtout une rencontre pendant mon master 2 de médiation culturelle, où on avait des cours de multimédia ; mon super professeur de multimédia m’a fait découvrir le <em>processing</em> et j’ai vraiment adoré ça, donc j’ai commencé un peu à coder des petites choses en <em>processing</em>.
 
 
 
<b>Isabella Vanni : </b>Pourrais-tu expliquer ce qu’est le <em>processing</em> ?
 
 
 
<b>Anna Cathelineau : </b>Là c’était du p5, c’était globalement du code destiné à la production d’œuvres artistiques, nous en tout cas on s’en servait pour ça et c’était un peu pour comprendre tous les artistes numériques, ce genre de choses. C’est vraiment dans ce cas-là. J’ai vraiment adoré faire ça, je me souviens que je créais des petits ronds, je les détruisais avec des touches, c’était vraiment super et le déclic est vraiment venu là. J’étais dans la culture, j’ai continué à avoir quelques expériences et finalement à chaque fois, dans toutes mes expériences, c’était vraiment le côté pas forcément dev, mais j’utilisais des CMS, ce genre de choses, j’ai fait du TYPO3, j’ai fait WordPress. Finalement on m’a parlé l’école Simplon, au départ pour que je sois cheffe de projet, et, en découvrant l’école Simplon qui est une école de dev qu’a également faite Aurélia, je me suis rendu compte que je ne voulais pas y travailler, que je voulais être élève là-dedans, que c’était vraiment ça que je voulais faire. Sachant que j’avais quand même une petite appétence pour l’informatique depuis toujours, mais je n’avais jamais envisagé d’en faire mon métier.
 
 
 
<b>Isabella Vanni : </b>D’accord. Effectivement, tu disais que tu étais plutôt dans le domaine de l’art et de la culture. C’est donc au cours du master 2, la rencontre avec ce professeur et avec cette façon de travailler.
 
 
 
<b>Anna Cathelineau : </b>Effectivement. C’est vraiment un déclic, c’est la première personne qui m’a montré que je pouvais mettre les mains dans le code en fait.
 
 
 
<b>Isabella Vanni : </b>D’accord. Et c’était à quel âge ?, si je peux demander.
 
 
 
<b>Anna Cathelineau : </b>Hou là, c’était en 2016, je ne sais plus exactement quel âge j’avais, mais j’ai 30 ans, vous pouvez très bien faire le calcul.
 
 
 
<b>Isabella Vanni : </b>Tu disais que tu as découvert, tu as mis les mains dans le cambouis comme on dit, et après ça c’est fait assez vite, c’est-à-dire que quand tu as eu le déclic, tu as tout de suite contacté l’école d’informatique pour te former ?
 
 
 
<b>Anna Cathelineau : </b>Non. J’ai attendu, j’ai quand même fait deux expériences de six mois dans la culture, un stage et un service civique, et c’est à la fin de ce service civique, au moment où il fallait que je me lance dans le monde professionnel, que j’ai finalement décidé de sortir du chemin tracé.
 
 
 
<b>Isabella Vanni : </b>D’accord. Merci Anna.<br/>
 
Je passe la parole peut-être à Aurélia. Je sais que tu te décris dans une page de présentation web comme une personne qui a eu un parcours atypique, c’est-à-dire que tu as fait pas mal d’expériences professionnelles assez différentes. Est-ce que tu veux un petit peu nous en parler et nous dire aussi comment ça se fait que tu as finalement choisi l’informatique pour ta carrière professionnelle ?
 
 
 
<b>Aurélia Garnier : </b>Oui, bien sûr.<br/>
 
À la base j’ai fait des études de photographie et après j’ai un peu voyagé à droite à gauche, je suis allée en Angleterre, en Australie, etc., j’ai beaucoup travaillé dans la restauration et, en fait, j’ai eu un moment dans ma vie où j’ai eu envie de revenir sur quelque chose de plus créatif, mais ne savais pas trop quoi ni comment ni pourquoi. J’ai entendu parler d’une formation qui était sur cinq semaines, qui s’appelait Hackeuse, qui était aussi faite par Simplon. En fait c’était une formation qui était réservée aux femmes, une formation qui voulait qu’on réfléchisse ensemble pourquoi il n’y a pas, je ne veux pas dire qu’il n’y a pas de femmes dans le numérique, mais pourquoi il y a beaucoup moins de femmes dans le numérique que d’hommes, essayer un peu de démystifier aussi le code. Je pense que ce sont des choses qui me plaisaient, mais il y avait une espèce d’aura un peu mystique là-dessus, ça me semblait extrêmement compliqué et pas pour moi. En fait décoder un peu tout, ça sans mauvais jeu de mot. À la suite de cette formation qui était assez courte, finalement, en effet j’ai fait une formation plus longue de sept mois, c’est ça Anna ?
 
 
 
<b>Isabella Vanni : </b>Effectivement, vous avez suivi le même cours et c’est là où vous vous êtes rencontrées.
 
 
 
<b>Aurélia Garnier : </b>Oui. C’est là où on s’est rencontrées, où j’ai rencontré Anna.
 
 
 
<b>Isabella Vanni : </b>Et tu as enchaîné avec une formation plus longue.
 
 
 
<b>Aurélia Garnier : </b>Tout à fait. J’ai enchaîné avec une formation plus longue. Au cours de cette formation je me suis rendu compte que le code c’était vraiment un truc qui me plaisait, c’était un peu comme jouer au Lego et ça me plaisait bien. Après il y avait le côté un peu plus humain et organisationnel qui a pris un peu le dessus, on pourra en reparler plus tard, c’est pour ça que je suis devenu plutôt cheffe de produit. Mais, en effet, je pense que démystifier un peu tout ça a été une des grosses missions de Simplon et de cette formation.
 
 
 
<b>Isabella Vanni : </b>C’était la première fois que tu codais vraiment ? Que tu programmais ?
 
 
 
<b>Aurélia Garnier : </b> Oui, tout fait.
 
 
 
<b>Isabella Vanni : </b>C’était vraiment une première.
 
 
 
<b>Aurélia Garnier : </b>À la base j’ai une formation de photographie et j’avais un petit peu des expériences sur des logiciels comme Photoshop ou des choses un peu de traitement d’image, mais, avant Simplon, le code pur c’était un peu un mystère, inconnu pour moi.
 
 
 
<b>Isabella Vanni : </b>Heureusement que pendant la formation tu t’es aperçue que ça te plaisait parce que c’était vraiment un saut dans le vide si j’ai bien compris. Anna en avait déjà fait un petit peu l’expérience, pour toi c’était vraiment une grosse nouveauté.
 
 
 
<b>Aurélia Garnier : </b>Oui. Lors de la formation Hackeuse on a eu quand même pas mal de présentations sur le sujet, je suis une personne assez curieuse de nature et, pour moi, il n’y a jamais de mauvaises expériences. C’était un peu un saut dans le vide, mais je m’étais toujours dit si au final ça ne me plaît pas j’arriverai à retirer quelque chose de ça. Au final, eh bien je n’ai jamais regretté ma décision.
 
 
 
<b>Isabella Vanni : </b>Très bien. Merci pour ce témoignage.<br/>
 
Je vais passer la parole à Pierre. Toi aussi tu as fait pas mal d’expériences professionnelles avant d’être informaticien, n’est-ce pas ?
 
 
 
<b>Pierre Fumet : </b>C’est vrai que je ne suis pas du tout informaticien d’origine. C’est mon troisième métier socialement. J’ai commencé vraiment sur le tard l’informatique, vers 40 ans je dirais, je l’ai un petit peu pratiquée dans mon premier métier qui était professeur, j’ai été professeur de philosophie en lycée pendant trois ans et là c’était vraiment en tant qu’utilisateur, mais d’emblée j’ai bidouillé un petit peu le premier ordinateur que j’ai eu, j’ai eu envie d’aller voir ce qui se passait derrière. Puis j’ai complètement laissé tomber ça parce que j’ai changé de métier une première fois, j’ai travaillé en restauration, en service, en salle, en traiteur, restaurant, etc., puis je me suis lassé de la restauration, c’était super de faire ça pendant un temps, mais j’ai eu envie de lever un petit peu le pied et parallèlement je me suis intéressé à l’informatique, en fait par moi-même, vraiment chez moi. Je me suis formé.
 
 
 
<b>Isabella Vanni : </b>En autodidacte ?
 
 
 
<b>Pierre Fumet : </b>Oui, au début de manière complètement autodidacte, puis j’ai eu l’opportunité, sur la suggestion d’un conseiller Pôle emploi tout simplement, de faire une formation bac + 2 d’administration système réseau à l‘Afpa, ce que j’ai fait. J’ai terminé ça en 2010, donc j’ai commencé à travailler en informatique une petite année après ça, après une période de transition, vers l’âge de 40 ans puisque j’en ai 52 maintenant.
 
 
 
<b>Isabella Vanni : </b>Comme quoi on peut se reconvertir même après 40 ans et je crois que Pôle emploi t’avait interviewé justement comme exemple de personne qui peut se reconvertir aussi à cet âge-là.
 
 
 
<b>Pierre Fumet : </b>Oui. Le témoignage, en fait, le petit film qui avait fait pour Pôle emploi n’était pas lié à l’âge de la reconversion, c’était plutôt des exemples de reconversion un petit peu extrêmes, inattendues. Moi, effectivement, je n’ai pas un parcours classique, je n’ai pas un parcours très logique, en tout cas comme ça, vu de l’extérieur, puisque je passe un peu d’une extrême à l’autre, d’un métier assez cérébral, intellectuel, dans le service public, à travailler de manière très manuelle dans le privé, de manière très intensive mais répétitive aussi dans la restauration. Après j’arrive dans l’informatique comme ça et c’était plutôt pour illustrer ça, pour illustrer le fait que c’est toujours possible, finalement, d’arriver dans ce type de métier pourvu qu’on trouve la bonne formation, qu’on sache ne pas avoir froid, ne pas avoir peur, ne pas appréhender le changement parce que c’est vrai que ce n’est pas très évident. On change de métier, donc, en fait, on redevient quelqu’un qui est néophyte, donc il faut aussi réapprendre cette position-là, il faut l’accepter.
 
 
 
<b>Aurélia Garnier : </b>Isa.
 
 
 
<b>Isabella Vanni : </b>Oui Aurélia.
 
 
 
<b>Aurélia Garnier : </b>Je trouve que ce que dit Pierre est hyper-intéressant et je suis assez d’accord avec lui. Je ne sais pas ce que tu en penses, Pierre, mais je sais qu’en ayant fait pas mal d’expériences professionnelles assez différentes, mine de rien je trouve qu’on arrive à récupérer un peu les savoirs qu’on a acquis sur ses anciennes expériences et à les réutiliser dans l’informatique, en tout cas dans ma position. Je me demande si, de ton côté, c’est quelque chose que tu ressens un peu.
 
 
 
<b>Pierre Fumet : </b>Je suis tout à fait d’accord. Je trouve ça très pertinent aussi effectivement. Ce que je voulais simplement dire c’est que quand on commence un métier de zéro, comme ça, on est un petit nouveau, donc quand on travaille avec des gens qui peuvent être beaucoup plus jeunes que soi-même, il faudra accepter quelque chose comme ça, le fait que les autres ont beaucoup plus d’expérience, de connaissances, etc.<br/>
 
Par ailleurs, bien évidemment que quand on a déjà travaillé dix ans ou plus, même dans un métier très différent, quelqu’un qui vous recrute est attentif à ça, normalement. Normalement on sait déjà travailler, donc on saura, quelque part, travailler aussi en informatique, travailler c’est-à-dire peut-être s’organiser, tirer parti d’expériences, etc.
 
 
 
<b>Isabella Vanni : </b>Merci. Anna aussi voulait rebondir sur ce sujet. Je t’en prie.
 
 
 
<b>Anna Cathelineau : </b>Justement, moi qui suis parfois aussi en plein recrutement de développeurs, quand on a deux profils, un profil sorti d’école d’ingénieurs et un profil en reconversion mais qui a déjà eu une expérience professionnelle, qui connaît le monde de l’entreprise, en fait en général, finalement, je vais plutôt préférer la personne qui a déjà bossé en entreprise. Je considère que le code ça s’apprend, ça s’apprend vite, ça s’apprend globalement sur les tas, même quand on sort de l’école on n’est pas forcément un dev formé dans le langage sur lequel on va travailler, alors qu’en fait la façon de se comporter en entreprise, <em>soft skills</em> qu’on a pu gagner au fur et à mesure du temps, ce sont des choses que je trouve très valorisables et très importantes.
 
 
 
<b>Isabella Vanni : </b>Merci.<br/>
 
Je suis ravie parce que j’ai des invités exceptionnels qui posent les questions que j’allais poser moi-même avant même que je les formule. Effectivement c’est une des questions que je voulais vous poser : en quoi les expériences précédentes ont pu vous aider, si elles ont été utiles, et vous avez déjà répondu.<br/>
 
Tout à l’heure Pierre tu disais que tu avais déjà un petit peu pratiqué l’informatique quand tu étais professeur de philosophie. Pourquoi ne t’es-tu pas lancé dans ce métier à ce moment-là ? Pourquoi as-tu viré d’abord vers la restauration ? Pourquoi as-tu fait ce détour ? Avais-tu peur à ce moment-là ? Qu’est-ce qui s’est passé ?
 
 
 
<b>Pierre Fumet : </b>En étant professeur, j’étais très loin d’imaginer bosser en informatique. Quand j’ai découvert ça, c’était vraiment du bidouillage, de l’exploration d’ailleurs un peu chaotique de comment était fait un ordinateur, qu’est-ce qu’il y avait derrière les logiciels.
 
 
 
<b>Isabella Vanni : </b>Tu ne te projetais pas, en fait, dans une profession.
 
 
 
<b>Pierre Fumet : </b>Non, pas du tout, j’étais vraiment en phase de découverte complète. Je n’en étais pas du tout là. En plus j’ai fait une transition dont j’avais sans doute besoin, passer d’un métier cérébral, comme ça, de professeur et avec la position d’autorité, peut-être, qu’est censée avoir le professeur, à un métier très pratique, très quotidien, où il y avait une forme de dépense très intense au quotidien que j’ai vraiment cherchée à cette époque-là.<br/>
 
Non, je ne pensais pas du tout à l’informatique à ce moment-là.
 
 
 
<b>Isabella Vanni : </b>En fait, tu avais besoin de ce « détour », entre guillemets, parce que finalement ça a été une expérience importante pour toi, mais tu en avais besoin donc finalement, quand tu dis que c’est un parcours pas très logique, eh bien, quand on t’entend parler, en fait ça paraît très logique parce qu’il a satisfait tes besoins, tes envies de ce moment-là. Je crois que pour Aurélia c’est un peu la même chose.
 
 
 
<b>Aurélia Garnier : </b>Oui. Je suis totalement d’accord, Isa. En effet, un peu comme Pierre – c’est marrant parce que c’est aussi une expérience dans la restauration, dans des restaurations puisque c’était différentes expériences – oui, je pense qu’il y a ce côté physique dont j’avais besoin. Je pense que j’ai un contact un peu facile avec les gens, du coup j’avais aussi besoin de ce contact humain.
 
 
 
<b>Isabella Vanni : </b>Je me demande s’il te manque ; c’était quelque chose de très important.
 
 
 
<b>Aurélia Garnier : </b>Des fois le petit rush de midi me manque un peu. Après j’ai la chance, dans mon métier, d’être quand même très en contact avec les gens. Encore aujourd’hui je pense que sur mes huit de heures de travail, je vais passer cinq heures en conférence, au téléphone, etc., donc ça va.
 
 
 
<b>Isabella Vanni : </b>Le contact humain est très important pour toi et tu as quand même réussi à trouver un métier dans l’informatique qui te donne ça. La restauration peut te manquer un peu, mais tu es quand même contente de ton métier actuel.
 
 
 
<b>Aurélia Garnier : </b>Oui. Tout à fait. Je pense que je me suis bien trouvée où je suis.
 
 
 
<b>Isabella Vanni : </b>Par contre, par rapport à Pierre, on disait que pour toi c’était une découverte, je ne vais pas dire tardive, mais tu as découvert l’informatique, tu as enchaîné avec la formation. Tu avais quel âge, si tu souhaites le dire, quand tu as fait la première formation Hackeuse et qu’ensuite tu as enchaîné, Aurélia ?
 
 
 
<b>Aurélia Garnier : </b>J’avais à peu près le même âge qu’Anna, je pense que je devais avoir 25 ans, dans ces eaux-là quand j'ai commencé. Oui.
 
 
 
<b>Isabella Vanni : </b>J’ai la même question que j’ai posée à Pierre pour Anna. Tu disais que pendant le master 2 tu avais commencé à prendre un peu le goût de l’informatique. Pourquoi n’as-tu pas suivi cet instinct tout de suite ? Pourquoi as-tu fait ce détour ?
 
 
 
<b>Anna Cathelineau : </b>En fait, ça faisait déjà six ans que je me préparais à travailler dans la culture.
 
 
 
<b>Isabella Vanni : </b>Tu te préparais !
 
 
 
<b>Anna Cathelineau : </b>Je me préparais ! J’étais allée jusqu’au master de recherche et finalement j’avais décidé de ne pas aller jusqu’au doctorat. Au départ, je me destinais vraiment à être chercheuse. Donc là c’était déjà une sorte de pré-reconversion parce que je m’étais redirigée vers la gestion de projet culturel. J’ai eu un peu cette difficulté de regarder tout mon parcours et de me dire « OK, là en fait ce n’est pas ça que tu vas faire et ça fait six ans que tu te dis, aller, je vais être dans la culture, je vais bosser dans un musée ou quelque chose un peu du genre et finalement ce ne sera pas ça ». C’est ce petit gap-là qui a été un peu difficile en fait. Pour ça la formation Simplon a été géniale parce que ça a été vraiment un des meilleurs moments de ma vie. Clairement j’ai adoré ma formation à Simplon, du coup ça m’a permis aussi de faire cette transition psychologique dont j’avais besoin.
 
 
 
<b>Isabella Vanni : </b>En fait j’avais un peu l’impression que, pour toi, le fait de travailler dans la culture c’était presque plus une consigne dans ta tête qu’une vraie envie ou je me trompe ?
 
 
 
<b>Anna Cathelineau : </b>Sur la fin je pense que j’avais arrêté de me poser la question de si je voulais le faire ou pas. J’aime toujours la culture et je fais des projets à côté concernant la culture mais c’est vrai que ça faisait six ans que je m’étais conditionnée que j’allais travailler dans la culture, ce n’était même plus une question que je me posais.
 
 
 
<b>Isabella Vanni : </b>Est-ce que tu t’es demandé pourquoi, pendant six ans, tu as suivi ce chemin sans plus te poser de questions ?
 
 
 
<b>Anna Cathelineau : </b>Je pense qu’il y a plusieurs choses. D’une part, quand on est lancé et qu’au bout d’un moment on a la licence, on se dit je vais faire le master. Ça roule tout seul et puis je pense qu’il y a aussi ce côté – c’est un sujet un peu <em>toutchy</em> –, quand on est une fille c’est extrêmement valorisant de connaître la culture et l’histoire de l’art, c’est vraiment un domaine qui est, en fait, très valorisé, c’est quelque chose… socialement c’est bien !<br/>
 
Dans mon entourage c’était « ah oui, Anna fait de l’histoire de l’art, c’est très bien », mais personne n’avait jamais parlé de l’informatique par exemple. Ce n’est pas du tout valorisé et on me parlait peu de sciences, aussi. Je pense qu’il y a aussi ce petit conditionnement, non volontaire, ça s’est fait un peu comme ça, et comme les gens ont vu que j’aimais la culture, tout roulait. En fait j’ai l’impression que j’étais arrivée à un stade où il n’y avait même plus de questions à se poser.
 
 
 
<b>Isabella Vanni : </b>Il y avait presque des automatismes en fait.
 
 
 
<b>Anna Cathelineau : </b>C’est ça, c’était vraiment devenu un automatisme. C’était je suis dans la culture et je reste dans la culture parce que je suis dans la culture.
 
 
 
<b>Isabella Vanni : </b>On parlait de conditionnement presque involontaire ou pression que tu ressentais ; quand tu as décidé de switcher et de passer à l’informatique, comment ton entourage a-t-il réagi ?
 
 
 
<b>Anna Cathelineau : </b>Étonnement ils n’ont pas été plus surpris que ça, c’est pour ça que je me dis que c’était peut-être un conditionnement que j’avais moi-même intériorisé, à force. Ça les a aussi soulagés parce qu’ils voyaient d’un côté le monde du travail de la culture et, de l’autre côté, le monde du travail de l’informatique et ils ont dit « au moins tu n’auras pas de mal à trouver du travail ». Donc ça c’était plutôt bien. Par contre, c’est vrai que quand on me parle en soirée, on me parle toujours de culture et on me parle très peu d’informatique et quand on me parle d’informatique c’est « je ne comprends pas trop ce que tu fais, mais ce n’est pas grave, tu as l’air d’être heureuse, donc c’est très bien ».
 
 
 
<b>Isabella Vanni : </b>Donc pas trop de conversations autour de ça, mais ça a été écouté. Ils ont compris que tu t’épanouissais dans ce métier. Je pense que c’est finalement ce qui compte pour les personnes qui nous entourent et qui sont attachées à nous. Le fait qu’on s’épanouisse dans son métier, c'est finalement ce qui compte le plus.
 
 
 
<b>Anna Cathelineau : </b>Il y avait aussi cet aspect que dans la culture on s’attend à avoir des métiers de passion, donc l’entourage se dit que si la personne le fait c’est qu’elle est passionnée. Finalement je suis arrivée en disant « écoutez, finalement j’ai une passion en plus et cette passion-là va me permettre d’avoir plus facilement du travail ; ce n’est pas pour ça que j’abandonne la culture, c’est toujours quelque chose que j’aime, mais petit changement de programme. Ce n’est pas ça qui me donnera de l’argent au final. » Donc, entre deux passions, c’est vers celle-là que je me suis tournée.
 
 
 
<b>Isabella Vanni : </b>Aurélia, toi aussi tu as commencé avec tout autre chose, plutôt la photographie, tu as fait plein d’expériences différentes pour ensuite tomber dans l’informatique. Est-ce que tu as ressenti, à un moment, un petit peu comme Anna, des conditionnements volontaires ou involontaires ? Et est-ce que ton entourage t’a soutenue dans tes changements de direction ?
 
 
 
<b>Aurélia Garnier : </b>Isa, je suis trop contente que tu me poses la question parce que je me mordais la langue pour laisser parler Anna, en me disant je vais intervenir mais chaque chose en son temps. En fait je voulais rebondir sur quelque chose qu’a dit Anna, c’est ce fait d’encourager les filles dans un domaine et pas dans le nôtre.<br/>
 
Honnêtement je n’ai jamais montré une grosse appétence dans le numérique, par contre je pense que j’avais une appétence dans les mathématiques. J’ai eu la chance ou la malchance d’en avoir une aussi plutôt dans les arts et dans la photo et on m’a clairement encouragée à aller plutôt du côté des arts et de la photo que du côté des maths. <em>Avec des si on met Paris dans une bouteille</em>, mais clairement, je ne sais pas comment c’est maintenant, je pense qu’à mon époque, en tout cas c’est comme ça que je l’ai ressenti, on m’a vraiment plus dirigée du côté de l’art. Pas forcément ma famille parce que j’ai eu la chance d’être dans un cocon assez bienveillant où on m’a toujours dit « fais ce que tu veux et vis ta vie », mais plus du côté plutôt scolaire, je suppose. Du coup oui, perso je me suis dirigée dans la photo parce que j’aimais l’art et j’aimais la culture, mais c’était aussi un truc, c’était un peu mon astuce quand j’avais mon appareil photo d’aller rencontrer des gens, d’aller leur parler, d’aller en savoir un peu plus sur leur vie. Du coup j’ai eu vraiment de la chance là-dessus, je n’ai jamais reçu une pression quelconque pour arrêter ou continuer ou faire quoi que ce soit.
 
 
 
<b>Isabella Vanni : </b>Parfois c’est une pression explicite, parfois, comme disait Anna, c’est vraiment involontaire, c’est quelque chose presque sur le fond mais qui impacte quand même.
 
 
 
<b>Aurélia Garnier : </b>Ouais.
 
 
 
<b>Isabella Vanni : </b>Tant mieux !
 
 
 
<b>Aurélia Garnier : </b>J’étais en train de réfléchir un peu quand même là-dessus pour ne pas dire de bêtises, non vraiment je pense que j’ai eu de la chance là-dessus. C’était plus du côté scolaire mais, de toute façon, je pense que d’une manière générale j’ai toujours été un peu fâchée avec le système scolaire. Mais pour mes expériences, du côté de mes proches, etc., je pense qu’on m’a toujours un peu laissé faire ce que je voulais.
 
 
 
<b>Isabella Vanni : </b>Très bien.<br/>
 
Et en ce qui concerne Pierre, le seul homme qui intervient aujourd’hui, est-ce que tu as ressenti un conditionnement dans tes choix professionnels ?
 
 
 
<b>Pierre Fumet : </b>Pas tellement je pense. Le premier métier que j’ai commencé, professeur de philosophie après un CAPES, ça ne s’est pas fait tout de suite d’emblée, je n’ai pas mal hésité avant et j’ai fait à ça alors qu’il n’y avait pas du tout de professeurs dans ma famille.<br/>
 
La restauration, là c’était encore plus le grand écart par rapport à ce que faisait mon entourage. Donc non, je n’ai pas ressenti trop de pression. Après ça rassure aussi quand même, ça ne fait pas peur parce qu’on sait qu’il y a pas mal de travail en informatique, que c’est relativement facile de trouver du boulot, de même que dans la restauration d’ailleurs. Non, je n’ai pas trop senti de pression.
 
 
 
<b>Isabella Vanni : </b>D’accord.<br/>
 
Je vous remercie pour ce premier tour de parole. Je vous propose de faire une pause musicale pour donner une respiration à notre échange.<br/>
 
Nous allons écouter <em>Playmate</em> par Terror Bird. C'est un nom sous lequel publie l'artiste canadienne Nikki Never. Nous avons déjà diffusé un morceau de cette artiste. Son genre de prédilection est le Synth-goth pop, c'est-à-dire un pop électronique aux sonorités un peu sombres. Je vous laisse écouter.
 
 
 
<b>Pause musicale : </b><em>Playmate</em> par Terror Bird.
 
 
 
<b>Voix off : </b>Cause Commune, 93.1.
 
 
 
==Deuxième partie==
 

Dernière version du 6 juillet 2021 à 14:39


Publié ici - Juillet 2021