Libre à vous ! Radio Cause Commune - Transcription de l'émission du 29 janvier 2019

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Titre : Émission Libre à vous ! diffusée mardi 29 janvier 2019 sur radio Cause Commune

Intervenants : Vincent Calame, April -

Lieu : Radio Cause commune

Date : 29 janvier 2019

Durée : 1 h 30 min

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Page des références utiles concernant cette émission

Licence de la transcription : Verbatim

Illustration :

NB : transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.

Statut : Transcrit MO

Transcription

Voix off : Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.

Frédéric Couchet : Bonjour à toutes. Bonjour à tous. Vous êtes sur la radio Cause Commune 93.1 en Île-de-France et partout dans le monde sur le site causecommune.fm. La radio dispose d’un webchat, donc utilisez votre navigateur web, rendez-vous sur le site de la radio et cliquez sur « chat » ; vous pouvez ainsi nous retrouver sur le salon dédié à l’émission.
Nous sommes mardi 29 janvier 2019, nous diffusons en direct, mais vous écoutez peut-être une rediffusion ou un podcast.

Soyez les bienvenus pour cette nouvelle édition de Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre. Je suis Frédéric Couchet, son délégué général.
Mon collègue Étienne Gonnu, en charge des affaires publiques à l’April, est également présent. Bonjour Étienne.

Étienne Gonnu : Salut Fred.

Frédéric Couchet : Le site web de l’April est april.org et vous pouvez déjà y retrouver une page consacrée à cette émission avec tous les liens et références utiles, les détails sur les pauses musicales et toute autre information utile en complément de l’émission. Nous mettrons à jour cette page évidemment après l’émission si nécessaire.
N’hésitez pas à nous faire des retours. Vous pouvez nous indiquer ce qui vous a plu mais aussi des points d’amélioration. Je vous souhaite une excellente écoute.

Nous allons passer maintenant au programme de l’émission.
Nous allons commencer dans quelques secondes par une intervention de Vincent Calame, informaticien et bénévole à l’April, qui va nous proposer une nouvelle chronique intitulée « Jouons collectif ». Bonjour Vincent.

Vincent Calame : Bonjour Fred.

Frédéric Couchet : D’ici une quinzaine de minutes notre sujet principal portera sur le désormais célèbre projet de directive droit d’auteur. Un échange qui sera animé principalement par mon collège Étienne Gonnu. Nous avons le plaisir d’avoir avec nous en studio Pierre-Yves Beaudouin, président de Wikimedia France. Bonjour Pierre-Yves.

Pierre-Yves Beaudouin : Bonjour Fred.

Frédéric Couchet : Et au téléphone tout à l’heure nous rejoindra Anne-Catherine Lorrain Lorrain, qui est conseillère politique à la commission parlementaire affaires juridiques au Parlement européen pour le groupe des Verts européens.
En fin d’émission nous aborderons notre dernier sujet qui concernera les activités d’un de nos groupes de travail, trad-gnu, qui a pour objectif de présenter l’informatique libre et la philosophie de GNU en français. Nous expliquerons évidemment ce qu’est le GNU à ce moment-là. Et j’aurais l’occasion d’échanger avec Patrick Creusot qui participe bénévolement à ce groupe.

Tout de suite place au premier sujet. Nous allons commencer par une intervention de Vincent Calame qui est informaticien et bénévole à l’April et qui fait beaucoup de choses pour le logiciel libre, j'y reviendrais à la fin, et qui propose une chronique intitulée « Jouons collectif ». Déjà Vincent est-ce que tu peux te présenter rapidement ? Ton profil ? Ton parcours ?

2’ 33

Vincent Calame : Oui. Je suis donc informaticien. Je conçois et je code des logiciels libres. J’ai ma propre petite société et je travaille étroitement depuis plus de15 ans avec une fondation, la Fondation Charles Léopold Mayer pour le Progrès de l’Homme, ce qui m’a amené à travailler pour eux mais aussi pour de nombreux collectifs et associations militantes en France et à l’international.

Frédéric Couchet : On va préciser tout de suite que la Fondation Charles Léopold Mayer pour le Progrès de l’Homme est située dans le 10e arrondissement de Paris et qu’elle accueille très souvent des évènements libristes, notamment grâce à ta présence Vincent Calame : il y a des réunions April, des soirées de contribution le jeudi soir, il y a beaucoup d’évènements qui se passent dans cette fondation qui est donc située dans le 10e arrondissement de Paris.

Vincent Calame : Dans le 11e.

Frédéric Couchet : Dans le 11e, excuse-moi. Tu vois, quand je ne prépare pas je confonds le 10e et 11e ; donc dans le 11e, à côté de Bastille.
Ta chronique s’appelle « Jouons collectif » et la description c’est : choses vues, entendues et vécues autour de l’usage du logiciel libre au sein des collectifs donc associations, mouvements, équipes en tout genre. En gros c’est le témoignage d’un informaticien « embarqué » au sein de groupes de néophytes. Est-ce que tu peux déjà nous introduire la chronique et le premier sujet aujourd’hui que tu souhaites aborder ?

Vincent Calame : Oui. Informaticien « embarqué » parce qu’effectivement je me retrouve souvent dans le cadre d’évènements ou pour des projets plus long terme de sites web ou d’organisations de travail de communs (???) en groupe travail notamment, quels sont les meilleurs outils en particulier à l’international, quels sont les meilleurs outils de travail à distance pour ces collectifs-là et je me retrouve souvent le seul informaticien, donc informaticien de service qui peut gérer aussi bien des petits problèmes de branchement d’ordinateurs que des problèmes de disque dur ou mon cœur de métier qui est quand même de coder. Mais en fait, pour les gens qui ne s’y connaissent pas, une fois qu’on a touché un peu à l’informatique on est censé tout savoir et pouvoir intervenir sur tous les sujets. Voilà !
Je voulais profiter de cette chronique pour témoigner de comment on passe le logiciel libre à des non informaticiens mais dans le sujet du monde associatif.
Il y a plein de manières, de lieux ou passer le logiciel libre auprès du grand public. Ça ce sont plutôt des actions de sensibilisation. Moi c’est plutôt quand je suis confronté à un groupe, essayer de proposer du logiciel libre et le faire adopter, ce qui n’est pas toujours simple.

Frédéric Couchet : Justement c’est un peu le point de départ de ta chronique, ce n’est pas toujours simple. Et pourtant le logiciel libre devrait aller finalement de soi dans les lieux associatifs et notamment les collectifs militants. Et pourtant, finalement de ton expérience, ça ne va pas de soi aussi facilement. Quelles sont les raisons ?

Vincent Calame : Les raisons, pour moi il y a une raison pratique, au début, qui est le poids de l’habitude et des pratiques. Il y a également, il faut dire, quand on est face à Google, il y a la force de frappe financière et technique de ces grands groupes ce qui fait qu’il est difficile de lutter parfois contre des outils qui marchent très bien. C’était à la limite plus facile il y a une dizaine d’années quand on était face à Microsoft et ses problèmes récurrents. Là, quand on est face aux GAFA, c’est plus compliqué de proposer des outils alternatifs quand les gens ont déjà leurs habitudes.

Frédéric Couchet : Tu as parlé des GAFA, on peut parler des GAFAM, c’est-à-dire Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft. En gros ce sont les gens d’Internet dont le modèle économique est basé sur la captation des données des personnes qui utilisent ces services.

Vincent Calame : Tout à fait.

Frédéric Couchet : Je te laisse poursuivre.

Vincent Calame : Voilà ! Donc il y a beaucoup de raisons pratiques. Je précise qu’il y a aussi de ma part, de mon expérience, au début quand on est militant du logiciel libre on a une petite naïveté quand on aborde ces collectifs en pensant que ça va aller de soi qu’ils allaient se mettre au logiciel libre, parce qu’on est les gentils, ce sont les méchants, qu’il y a des proximités de valeur, de partage et ainsi de suite. En fait, ce dont on se rend compte, enfin moi ce dont je me suis rendu compte, c’est pour moi une des raisons assez profonde, c’est qu’au fond, pour beaucoup de gens, l’informatique c’est quand même quelque chose d’hostile ; c’est un outil, pour moi, hostile et aliénant, notamment dans un cadre professionnel. Je ne pense pas au quotidien, je veux dire que pour un usage privé ça peut être très agréable, mais je pense que pour beaucoup de gens, dans le monde professionnel, l’informatique est quelque chose de pénible qui fait perdre de la maîtrise. Je prends un exemple qui est hors du cadre associatif mais pour les garagistes, maintenant réparer une voiture c’est brancher un ordinateur et regarder ce que fait le tableau de bord. Il n’y a plus du tout la noblesse du métier, on va dire, de réparer le moteur ce qui, sans doute, faisait la passion des gens qui aimaient la mécanique.

Frédéric Couchet : Il faut disposer d’une mallette qui est fournie par le constructeur de la voiture, sinon effectivement, la plupart des interventions ne peuvent pas être faites aujourd’hui sur des voitures.

Vincent Calame : Voilà ! Je pense qu’il y a énormément de métiers qui ont perdu cette maîtrise de leur outil. Nous, informaticiens, on reste beaucoup devant notre écran mais au fond, quand on regarde dans un milieu professionnel, tout le monde reste devant son écran, face à des logiciels qu’il ne contrôle, pas qu’il ne maîtrise pas et qui lui impose des choses qui peuvent même le freiner et qui sont censées l’aider et qui peuvent le freiner ou le contrôler.
Pour moi l’informatique a mauvaise presse auprès des gens et c’est pour ça que c’est considéré comme quelque chose à part.

Frédéric Couchet : Tu as parlé d’aspect pratique, habitudes, du côté aliénant de l’informatique. L’informatique libre, le logiciel libre vise, justement, à libérer les personnes. Quelles sont les conséquences du constat que tu fais par rapport à tes pratiques de sensibilisation de ces collectifs pour rapport au logiciel libre et d’installation de logiciels libres ?

Vincent Calame : Il y a presque, pour moi, un paradoxe. Effectivement le logiciel libre c’est un message d’émancipation puisqu’il s’agit de retrouver, justement, le contrôle de sa machine, le contrôle de ses logiciels, savoir ce qui fonctionne réellement. Simplement c’est aussi un message très exigeant puisqu’il s’agit d’aller vers l’absolu, il s’agit d’aller regarder le code et regarder comment c’est possible, évidemment ce qu’on ne fait pas quand ce n’est pas son métier surtout, je dirais, dans un cadre professionnel. Un amateur peut le faire sur son propre ordinateur, mais quand on est face à un logiciel comptable ou n’importe quoi, un comptable n’a pas cette capacité, n’a pas cette connaissance, n’aura pas la formation. On ne lui donnera jamais la formation d’ailleurs pour le faire !
Donc, au fond, je dirais que le message du logiciel libre est presque culpabilisant. J’ai eu le témoignage, l’expérience avec quelqu’un qui m’avait dit il y a une dizaine années : « Quand j’ai un problème avec Microsoft et que j’ai un écran bleu, eh bien au fond je me dis c’est la multinationale, méchant Microsoft et ça permet, finalement, de se défouler ». Alors que quand le problème veanait d’un logiciel libre ça renvoyait aussi à la propre incapacité de la personne de contrôler son environnement et, finalement, l’hostilité vis-à-vis de l’informatique était encore accrue vis-à-vis du logiciel libre qui avait presque une image encore plus technique et informatique que le reste. Au fond on avait l’impression qu’on avait plus d’efforts à faire pour montrer que non, l’ordinateur ne veut vous pas du mal quand il se plante ; il y a l’apprivoisement, il y a un apprentissage et c’est possible. C’est l’impression que j’ai qu’au fond on était encore plus identifiés comme une race à part, on va dire.

Frédéric Couchet : D’accord. En tout cas c’est surtout une image parce que, finalement, si on réfléchit bien et quand on explique aux gens, le logiciel libre vise aussi à expliquer plus concrètement comment fonctionne l’informatique et que les bugs ça existe, que ce n’est pas forcément la faute de la personne qui utilise l’ordinateur, que cela peut être corrigé et que quelque part, justement, ça change ce modèle de relation entre la personne qui utilise un ordinateur et les logiciels, qu’il n’y avait pas dans le logiciel privateur comme Microsoft.
Quand tu parles, oui c’est Microsoft, c’est machin, ça me fait penser aussi à l’époque quand, dans les grandes entreprises, il y avait des problèmes avec IBM, on disait « de toute façon ce sont les hommes en bleu », parce qu’à l’époque les personnes étaient souvent habillées avec des costards et ce n’est pas notre faute, etc. Pourtant le logiciel libre essaye de renverser un petit cette tendance. Mais toi tu constates que dans les collectifs, en fait, ça demande quand même beaucoup de travail d’explication. Quelles seraient les perspectives ou les pistes pour l’avenir ?

Vincent Calame : La situation a quand même bien évolué depuis que je suis dans ce milieu. On sent une sensibilisation accrue. Je pense que les gens ont conscience que l’informatique n’est pas un monde à part, de moins en moins, et notamment avec toute la question des communs numériques ce n’est plus réservé, ce n’est pas isolé par rapport au reste et je pense que les gens, les collectifs sentent mieux cette importance, le fait que c’est un fait de société essentiel. Je sens aussi qu’il y a une demande qui commence à s’exprimer, de manière presque spontanée, des gens autour de ces questions-là. C’est de plus en plus intégré dans la démarche des gens et des collectifs. Donc je suis très optimiste là-dessus, simplement effectivement je pense qu’il faut juste prendre son bâton de pèlerin et c’est un travail de long terme qui porte ses fruits, mais ça ne se fait pas dans un claquement de doigts. Le problème de l’informatique c’est que c’est très facile de créer, de mettre en place des choses, d’installer quelque chose, le plus dur c’est de maintenir et c’est souvent d’ailleurs dans ce défaut de maintenance que se pose le problème. C’est pour ça que c’est un travail de longue haleine.
Moi ce que je vois c’est que les gens comprennent bien les avantages. Je programme des logiciels qui sont utilisés et je suis en contact direct avec les utilisateurs ; ça ils apprécient effectivement le fait de pouvoir me remonter immédiatement les problèmes et les voir corriger. Quand le logiciel libre c’est le système d’exploitation et, qu’effectivement, on ne sait pas trop à qui s’adresser, là c’est plus compliqué.

Frédéric Couchet : D’accord. D’où l’importance aussi de l’accompagnement physique que tu fais auprès des collectifs. Ça sera un peu la thématique récurrente de ta chronique. Là on a parlé, on a échangé en terme général, mais dans les prochaines chroniques tu prendras des points particuliers, des exemples. Tu parleras aussi des fonctions cachées de certains logiciels, des fonctions magnifiques qu’on découvre totalement par hasard ou au contraire des rajouts de fonctionnalités qui perturbent la personne qui utilise l’ordinateur parce qu’elle a été habituée à autre chose. Ce sont tous ces sujets-là que tu aborderas de part ton expérience d’accompagnement de collectifs.
Je crois qu’Étienne veut poser une question ou rajouter quelque chose.

Étienne Gonnu : Je trouve très intéressant, en fait, ce que tu dis, la manière dont tu l’abordes et je trouve que ça fait vraiment écho à ce dont j’ai l’impression. Je ne suis pas informaticien et pourtant, au sein de l’April, je défends le logiciel libre. Je trouve que ça fait vraiment écho à ce que je ressens, dans la manière dont j’ai l’impression de le défendre et ce pourquoi je me bats.
C’est-à-dire de réfléchir que le logiciel libre c’est une manière, en fait, de réfléchir politiquement à la place de l’informatique. Savoir que le logiciel soit libre ou non, quand il est imposé aux gens, quand il conditionne les usages, quand il est imposé et que les gens doivent adapter leur manière de collaborer, de travailler, au logiciel qu’on leur impose forcément c’est aliénant. Tout la réflexion c’est de repartir des besoins effectifs et c’est comme ça que ça va se construire avec toujours aussi ces notions de confiance. Moi, en tant que non informaticien, je n’ai pas besoin de mettre les mains dans le cambouis parce qu’il y a des gens en qui je fais confiance qui m’ont recommandé un outil par exemple et je sais qu’il y a une sorte de manière vertueuse de produire, enfin créer de l’informatique et c’est pour ça aussi que je peux avoir confiance.
Je trouve que c’est très intéressant la manière dont tu renverses justement tout ça, toute cette réflexion.

Vincent Calame : Oui. Je pense que l’informatique est un objet technique mais ne doit pas être seulement ça. C’est toute la question de la maîtrise sociale de la technique et des sciences, de montrer que ce n’est pas qu’un sujet d’experts et c’est un sujet qui nous concerne tous au quotidien.

Frédéric Couchet : Écoute on te remercie Vincent pour cette première édition de la chronique « Jouons collectif ». On va sans doute se retrouver le mois prochain.
Nous allons passer une pause musicale avant de passer au sujet suivant. La pause musicale c’est Side effect par Fog Lake et on se retrouve juste après.

Pause musicale : Side effect par Fog Lake.

Voix off : Cause Commune 93.1

18’ 02

Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter Side effect par Fog Lake.