Libre à vous ! Radio Cause Commune - Transcription de l'émission du 26 janvier 2021

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Titre : Émission Libre à vous ! diffusée mardi 26 janvier 2021 sur radio Cause Commune

Intervenants : Éric Fraudain - Emmanuel Gil Peyrot - Nicolas Vérité - Adrien Bourmault - Luk - Frédéric Couchet - Isabella Vanni à la régie

Lieu : Radio Cause Commune

Date : 26 janvier 2021

Durée : 1 h 30 min

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Page des références utiles concernant cette émission

Licence de la transcription : Verbatim

Illustration :

NB : transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.

Transcription

Voix off : Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.

Frédéric Couchet : Bonjour à toutes. Bonjour à tous.
Quitter WhatsApp pour une messagerie instantanée libre, ce sera le sujet principal de l’émission du jour. Également au programme, Éric Fraudain va nous faire découvrir l’artiste norvégien Vexento. Et en fin d’émission la chronique de Luk qui portera sur Elon Musk, Signal et moi. Nous allons parler de tout cela dans l’émission du jour.

Vous êtes sur la radio Cause Commune, la voix des possibles, 93.1 FM et en DAB+ en Île-de-France et partout dans le monde sur le site causecommune.fm.

Soyez les bienvenus pour cette nouvelle édition de Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.

Je suis Frédéric Couchet, le délégué général de l’April.
Le site web de l’association c’est april.org, vous pouvez trouver une page consacrée à cette émission avec tous les liens et références utiles et également les moyens de nous contacter.

Nous sommes mardi 26 janvier 2021, nous diffusons en direct, mais vous écoutez peut-être une rediffusion ou un podcast.

À la réalisation de l’émission aujourd’hui ma collègue Isabella Vanni. Bonjour Isabella.

Isabella Vanni : Bonjour.

Frédéric Couchet : Si vous souhaitez réagir, poser une question pendant ce direct, n’hésitez pas à vous connecter sur le salon web de la radio. Pour cela rendez-vous sur le site causecommune.fm, cliquez sur « chat ». et retrouvez-nous sur le salon dédié à l’émission.

Nous vous souhaitons une excellente écoute et tout de suite place au premier sujet.

[Virgule musicale]

Chronique « Le fil rouge de la musique libre » par Éric Fraudain, créateur du site Au Bout Du Fil : présentation de l’artiste Vexento

Frédéric Couchet : « Le fil rouge de la musique libre ». Dans cette chronique, Éric Fraudain, créateur du site Au Bout Du Fil, nous fait découvrir des artistes ayant opté pour la libre diffusion de leurs œuvres musicales.
Bonjour Éric.

Éric Fraudain : Bonjour Frédéric.

Frédéric Couchet : Aujourd’hui Éric tu vas nous faire découvrir l’artiste norvégien Vexento.

Éric Fraudain : Tout à fait.
Il y a des musiques qui ont un véritable pouvoir d’apaisement et que l’on est forcé d’écouter dans une sorte de transe hypnotique, comme si le monde autour de nous avait soudain cessé d’exister. Le titre que je vous propose d’écouter aujourd’hui, Now, fait indéniablement partie de ces musiques.
Il a été composé par Vexento, un musicien d’à peine plus de vingt ans et qui pourtant possède déjà le talent et la sensibilité d’un artiste accompli. Il est très jeune, mais il a déjà un style bien à lui, ce qui n’est pas donné à tous les musiciens de sa génération. De son vrai nom Alexander Hansen, cet artiste est d’origine norvégienne, mais il vit aujourd’hui au Canada. C’est peut-être l’habitude de côtoyer des paysages grandioses où la nature est encore préservée qui a donné à Vexento cette sensibilité exacerbée qu’ont les artistes.
N’attendons plus. Je vous propose d’écouter Now de Vexento, une musique publiée sous la licence Creative Commons By, Attribution 3.0. À tout de suite.

Écoute de Now de Vexento

Éric Fraudain : Vous venez de découvrir Now de Vexento, une musique publiée sous la licence Creative Commons By, Attribution 3.0.
Vexento décrit sa passion pour la musique comme une échappatoire à la réalité. C’est aussi pour lui une manière d’exprimer ses émotions et d’organiser les pensées qui fusent sans arrêt dans son esprit. Son répertoire est essentiellement instrumental, bien que de temps en temps il lui arrive de poser une voix sur quelques titres, dont Now.
Sa musique est expressive. À travers les notes, les rythmes, les tempos et les sonorités, on décèle les émotions qu’il a lui-même ressenties et cherché à transmettre. Lorsqu’il compose, ce sont ses émotions qui le guident, et c’est pour cette raison que Vexento ne réduit pas sa musique à un style unique. Il explore la musique électronique sous tous les angles pour créer des morceaux plutôt dansants ou plutôt chill, des rythmes joyeux ou mélancoliques, des sonorités riches ou dépouillées. Now est l’un de ses titres dépouillés, sobre, avec une mélodie simple mais efficace, au piano.
Ce morceau a beau faire plus de cinq minutes, pourtant il semble court, probablement parce qu’il se compose de deux parties qui sont différentes, mais qui vont parfaitement ensemble, comme s’il s’agissait de deux morceaux d’un medley ou d’une playlist. La première partie commence tout doucement puis monte en crescendo jusqu’à une rupture brusque, qui laisse place à une deuxième partie plus lente et plus douce. Je trouve que cette progression est menée de manière très intelligente, car c’est aussi cette rupture qui fait l’originalité et l’âme du morceau.
Je vous disais que Now est un morceau parfait pour se détendre et s’apaiser. Vexento avoue écouter ce genre de musique lorsqu’il est stressé. Cela lui permet de se concentrer uniquement sur le moment présent, sur les émotions qu’il ressent au moment précis où il écoute la musique. C’est sûrement pour ça que ce morceau s’intitule Now. Même si Vexento avait plus souvent l’habitude d’écouter ce genre de musiques que de les composer, il s’est lancé afin de faire ressentir les mêmes sensations à ses fans. Now a été très bien accueillie sur Soundcloud et Spotify. Ça tombe bien, car Vexento est un artiste très sensible aux réactions de ses fans et n’hésite pas à prendre en compte leurs retours pour faire évoluer sa musique. Il y aura donc plus de morceaux dans ce style à l’avenir !
Now est un morceau libre de droits que vous pouvez télécharger et réutiliser pour vos propres vidéos sous certaines conditions. C’est la bande parfaite pour animer une vidéo de paysages en time-lapse ou des images qui véhiculent une émotion particulière.
Merci pour votre écoute et à très bientôt sur « Le fil rouge de la musique libre »

Frédéric Couchet : Merci Éric pour cette belle découverte donc Vexento.
C’était la chronique de Éric Fraudain, auboutdufil.com, sur lequel vous pouvez retrouver plusieurs musiques Vexento avec les analyses de Éric. On va continuer tout à l’heure à écouter Vexento et comme tu l’as dit le site web de l’artiste est soundcloud.com/vexento.
Je te remercie Éric et je te souhaite une bonne fin de journée.

Éric Fraudain : Bonne journée à toi aussi. Merci à tous.

Frédéric Couchet : À bientôt. On va faire une pause musicale.

[Virgule musicale]

Frédéric Couchet : On va continuer avec Vexento et avec mon titre préféré, je pense, des trois que nous allons écouter aujourd’hui. Là vous allez entendre une musique beaucoup plus rythmée, avec une mélodie qui, vous l’entendez, démarre en sifflotant, calme, apaisante et qui sera ensuite enrichie par des sonorités électriques et un rythme marqué à la batterie.
Nous allons écouter Spark par Vexento. On se retrouve juste après. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : Spark par Vexento.

Voix off : Cause Commune, 93.1.

Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter Spark par Vexento, disponible sous licence libre Creative Commons Attribution, CC By. Je vous rappelle le site de l’artiste soundcloud.com/vexento et vous pouvez trouver une présentation sur le site de notre programmateur musical Éric Fraudain, auboutdufil.com.

Vous écoutez l’émission Libre à vous ! sur radio Cause commune, la voix des possibles, 93.1 FM et en DAB+ en Île-de-France et partout dans le monde sur le site causecommune.fm.

Nous allons passer au sujet principal.

[Virgule musicale]

Les messageries instantanées libres avec Adrien Bourmault, Emmanuel Gil Peyrot, Nicolas Vérité

Frédéric Couchet : Nous allons poursuivre avec notre sujet principal qui va porter aujourd’hui sur les messageries instantanées, notamment suite aux polémiques autour de WhatsApp, Nous allons donc parler de WhatsApp, de Telegram, de Signal, de XMPP, de Jami, de décentralisation, de gouvernance. Ne vous inquiétez pas, les invités vont vous expliquer ça de façon toute simple, la plus simple possible. Nos invités justement. En studio avec moi Adrien Bourmault. Bonjour Adrien.

Adrien Bourmault : Bonjour.

Frédéric Couchet : Au téléphone normalement avec nous Emmanuel Gil Peyrot. Bonjour Emmanuel.

Emmanuel Gil Peyrot : Bonjour

Frédéric Couchet : Et Nicolas Vérité.

Nicolas Vérité : Bonjour Fred. Bonjour Adrien. Bonjour Emmanuel.

Frédéric Couchet : Parfait Tout le monde est là. Je précise que Adrien Bourmault a proposé ce sujet sur les messageries instantanées et l’a en très grande partie, en majeure partie, préparé, donc je vais plus jouer un rôle d’animateur même si évidemment je me suis quand même penché un peu sur la question, parce que je ne vais pas juste me contenter de lire des fiches, même si j’ai une fiche sous les yeux.
N’hésitez pas à participer à notre conversation sur le salon web dédié à l’émission, sur le site causecommune.fm, bouton « chat » et vous nous rejoignez sur le salon #libreavous, si vous avez des questions ou des réactions sur ce sujet.

Début d’année 2021 l’application de messagerie instantanée WhatsApp a publié un message pour avertir les personnes utilisatrices de l’application que ses conditions d’utilisation allaient changer et qu’elles impliqueraient désormais d’accepter de partager davantage de données avec Facebook, à qui appartient WhatsApp, je le rappelle, depuis 2014, dans un but commercial. En cas de refus les personnes ne pourraient plus utiliser la messagerie à partir du 8 février 2021. Il y a eu une levée de boucliers contre cette pratique, on va y revenir en détail en début d’émission. Ça concerne à priori à peu près deux milliards d’utilisateurs et d’utilisatrices. Des messageries alternatives, autres messageries comme Telegram et Signal, ont vu arriver des millions d’utilisateurs et d’utilisatrices. On va parler de tout cela.
On va d’abord commencer par une petite présentation individuelle rapide des trois personnes invitées. On va commencer par les personnes qui sont au téléphone. On va commencer par Nicolas Vérité.

Nicolas Vérité : Bien. Je me présente, Nicolas et Vérité comme la vérité. J’ai été contributeur et je suis toujours contributeur du monde XMPP. On va détailler ce que c’est plus tard, mais j’ai été dans la XSF, donc la XMPP Standards Foundation, la fondation qui gère l’évolution du protocole. Attention c’est très technique. J’ai fait de la board directors, de la comm’ team, enfin de diverses teams. J’ai aussi participé à la communauté JabberFR, puis j’ai travaillé de manière professionnelle autour du monde de XMPP. Accessoirement j’ai aussi été le président de LinuxFR.org, que vous connaissez bien, pendant une dizaine d’années. Voilà !

Frédéric Couchet : Merci pour cette présentation. Effectivement LinuxFR.org est le site principal francophone d’information autour du logiciel libre et si vous ne connaissez pas je vous encourage à y aller, car vous serez informé de toutes les actualités autour du logiciel libre, linuxfr.org.
Deuxième petite présentation, toujours au téléphone, Emmanuel Gil Peyrot.

Emmanuel Gil Peyrot : Bonjour. Moi c’est Emmanuel ou linkmauve comme beaucoup de gens me connaissent sur Internet. J’ai aussi été et je suis d’ailleurs toujours membre de la XSF en ayant été notamment membre du ???, le groupe élu pour la gouvernance des protocoles et son évolution. Je suis également président et administrateur de l’association JabberFR pour la promotion des messageries instantanées libres, standards et ouvertes ; on fournit aussi des services autour de XMPP. Je suis également contributeur à différents clients et serveurs XMPP, notamment Gajim et Prosody si vous les connaissez.

Frédéric Couchet : OK. Merci Emmanuel. On va finir en studio par Adrien Bourmault.

Adrien Bourmault : Moi c’est Adrien Bourmault. Je suis coanimateur du service XMPP du Chapril, groupe de travail, initiative de l’April, faisant partie du CHATONS. Je suis également mainteneur de l’entrée de Conversations, l’application Conservations dans le Free Software Directory, c’est-à-dire le dictionnaire de la FSF des logiciels libres.

Frédéric Couchet : Merci Adrien. Je précise aux auditeurs et auditrices de l’émission que vous allez entendre beaucoup de mots clés. Ne vous inquiétez pas, les personnes vont expliquer et résumeront en plus, en fin d’émission, l’essentiel à retenir. De toute façon sur les sites april.org et causecommune.fm, il y aura une page avec toutes les références utiles consacrées à l’émission. Ne vous inquiétez pas.
On va commencer par la première partie de notre échange qui va être l’introduction, qui va être la polémique WhatsApp. D’ailleurs je précise qu’il y a déjà une réaction de Jean-Luc sur le salon web qui précise que les changements de condition d’utilisation de WhatsApp ne concernaient, à priori, que les utilisateurs hors d’Europe. Effectivement, vu que, en Europe, on n’est pas concernés à priori suite au RGPD, le Réglement général sur la protection des données. On va revenir dessus. Après ça se discute et, de toute façon, entre ce qui est annoncé et ce qui est fait dans la réalité, ce sont souvent deux choses différentes dans ces systèmes privateurs. En tout cas on va commencer par la polémique WhatsApp. Peut-être, Adrien, vas-tu commencer par nous rappeler ce qu’est cette polémique concrètement ? Qu’est-ce qui a été annoncé et quels sont les problèmes ? En tout cas pourquoi ça a généré tant de bruit sur certains réseaux et dans la presse ?

Adrien Bourmault : En fait, c’est une polémique qui est née d’un changement de virgule, si on pouvait résumer ça. En fait, déjà depuis 2016, WhatsApp partageait énormément de données avec Facebook, étant donné qu’il avait été racheté en 2014 et rapidement les conditions d’utilisation de WhatsApp incluaient des partages de données avec Facebook, simplement ce partage de données n’était pas totalement clair. En fait, les conditions d’utilisation étaient assez opaques et il était difficile de comprendre ce qui était vraiment partagé.
Le changement qui est arrivé cette année rend plus clair les données collectées et comment elles sont partagées avec Facebook, à ceci près qu’elles suppriment également un point essentiel qui était qu’on pouvait refuser jusqu’alors le partage des données avec Facebook par une option dans l’application. Cette option disparaît totalement et il n’est donc plus possible de ne pas partager les données avec Facebook.
L’autre chose qui s’ajoute c’est la création du partage de ses données personnelles par la vente à des comptes WhatsApp Business, ce qui permettrait en fait à des professionnels de pouvoir faire de la publicité ciblée simplement en achetant à WhatsApp des packs de contacts ou de données qui sont normalement anonymisées, évidemment, mais comment sont-elles anonymisées ?, nous, utilisateurs, ne pouvons pas le savoir.
Ce que cette polémique nous montre, simplement, c’est que ce changement de virgule qui était censé rendre plus claires les conditions et peut-être aider à la popularité de WhatsApp et à ce que son image soit améliorée a été complètement contre-productif et a amené à la polémique qu’on connaît.

Frédéric Couchet : D’accord. Pour compléter, Emmanuel Gil Peyrot ou Nicolas Vérité sur la polémique WhatsApp, pour que les gens comprennent bien ce qui s’est passé. Je suppose que parmi les auditeurs et auditrices il y a des gens qui utilisent WhatsApp, mais pas forcément tout le monde, juste pour bien comprendre, à moins que le résumé d’Adrien ait été parfait. Nicolas.

Nicolas Vérité : Oui, le résumé d’Adrien était parfait, de toute façon. Je vais juste paraphraser en disant que c’est effectivement d’un changement de virgule. On connaît très bien l’appétence pour Facebook et donc d’Instagram et WhatsApp à sucer les données, les mettre dans un puits sans fond et les exploiter à des buts mercantiles, évidemment c’est pour afficher de la publicité.
Qu’est-ce qui s’est passé ? Eh bien une réaction populaire et ça ce n’est pas complètement maîtrisé. À mon avis ça ressemble ce qui est un ensemble de faits qui ont tous convergé entre eux. Il y a eu la censure ou plutôt le bannissement de Trump et de ses partisans sur cette plateforme, donc peut-être que ça indique un ras-le-bol, une peur de la censure et de l’exploitation des données. C’est comme ça que je le lis en tout cas. Emmanuel a peut-être un avis différent.

Emmanuel Gil Peyrot : Non, je le partage plutôt bien. Il y a eu un tout qui s’est fait en ce début d’année, où il y a vraiment eu énormément de gens qui ont été à la fois victimes et à la fois spectateurs de ces différentes plateformes qui contrôlent les communications, comme quoi c’était très problématique de leur donner autant de pouvoir sur nos vies, sur nos processus de décision, sur les personnes avec qui on peut, par exemple, entrer en contact par exemple.

Frédéric Couchet : D’accord. Adrien tu veux réagir.

Adrien Bourmault : Je repense justement à la question sur les conséquences de ces changements sur l’Europe. Il y a bien un changement sur l’Europe, il n’y a pas de problème là-dessus, simplement c’est moins franc qu’avec les autres pays. En Europe, en fait, on est protégé par le RGPD, le Réglement général sur la protection des données, qui limite un petit peu la casse. Le problème étant qu’on ne pourra pas, avec le RGPD, vendre des données, WhatsApp ne pourra pas vendre des données à n’importe qui, à des tiers par exemple. Il sera obligé de vendre inter WhatsApp, intra WhatsApp. Ce qui va se passer c’est qu’en Europe il y aura quand même de la vente de données, surtout de la vente de listes de contacts, mais qui se fera via les comptes WhatsApp Business. C’est-à-dire qu’une entreprise possédant un compte sur WhatsApp Business pourra acheter une liste de contacts, mais ça ne pourra pas être vendu par exemple à Google, ça ne pourra pas être vendu à un publicitaire extérieur. C’est la seule nuance que le RGPD nous enlève.

Frédéric Couchet : D’accord. Si je comprends bien et je ne vais pas paraphraser, je vais citer l’Electronic Frontier Foundation qui est la fondation américaine qui se bat pour les libertés informatiques, qui a réagi, qui dit, en fait, « la bonne nouvelle est que globalement cette mise à jour ne fait aucun changement extrême dans la manière dont WhatsApp partage ses données avec sa société mère Facebook. La mauvaise nouvelle est que ces changements extrêmes ont, en fait, eu lieu il y a quatre ans ». Donc la fondation, l’Electronic Frontier Foundation, estime que cette réaction actuelle est due en grande partie au fait que les gens ont découvert ces changements dont ils n’avaient pas forcément confiance, lapsus révélateur, conscience. En fait, c’est un défaut de communication et les gens, finalement, se sont rendu compte de ce qui se passait depuis quelques années et que ce qui allait changer était finalement à la marge, une virgule comme tu as dit Adrien. C’est ça ?

Adrien Bourmault : Oui, c’est exactement ça.

Frédéric Couchet : D’accord. Est-ce que sur cette introduction quelqu’un veut rajouter quelque chose. J’ai bien, sur le salon web, la question de Sarah et on va la prendre, c’est justement le sujet d’après. Sur la polémique WhatsApp est-ce que vous souhaitez ajouter quelque chose ?

Nicolas Vérité : Il y a un signal fort, lapsus aussi, Brian Acton un des cofondateurs de WhatsApp, qui a été racheté par Facebook, s’est éclipsé de son rôle justement dû à des clashes avec Mark Zuckerberg sur l’exploitation des données. Plus tard il a rejoint le bateau Signal. C’est un signal fort, si vous m’autorisez à parler ainsi, Fred.

Frédéric Couchet : Je t’autorise tout à fait surtout que ça va être le sujet d’après. Effectivement on va parler de Signal, je ne me souviens plus du nom de l’un des cofondateurs de Facebook qui a participé au financement de Signal il y a quelques années. On va prendre la question vu que le sujet suivant c’est Signal, Telegram, les alternatives. Suite à la polémique WhatsApp des utilisateurs et utilisatrices se sont tournés vers des alternatives considérées communément comme peut-être plus éthiques, plus libres que WhatsApp. La question de Sarah notamment c’est : « on est d’accord que ce changement de conditions, du moins le bad buzz autour de ça, même compris, a lancé une grande vague vers des alternatives type Signal. Est-ce que ça a été le cas avec Telegram ou avec d’autres systèmes ? » On va détailler ce que sont Signal et Telegram. De mémoire, on parle de millions d’utilisateurs et d’utilisatrices qui ont rejoint Signal et Telegram. On va commencer par ces deux alternatives. Celle qui a sans doute fait plus de buzz c’est Signal.
Par contre j’ai oublié une question qu’on avait prévue dans l’introduction. On parle de messagerie instantanée. Il serait quand même bien de définir ce qu’on entend aujourd’hui par messagerie instantanée, notamment pour la majorité des utilisateurs et utilisatrices. Adrien, peut-être que tu veux faire ça ?

Adrien Bourmault : Oui. J’imagine qu’il y a plusieurs définitions possibles. Aujourd’hui, quand on parle de messagerie instantanée, on parle d’un dispositif qui permet d’envoyer des messages de façon à pouvoir soutenir par écrit une conversation interactive. Je pense que c’est comme ça qu’on peut la définir. Le mail ne rentre pas dans la discussion instantanée, puisque ce n’est pas instantané, on a besoin d’attendre une réponse, on peut même parfois attendre l’envoi et il n’y a pas de sûreté de la réception dans un temps donné. Ce que nous permet la messagerie instantanée, normalement, c’est de pouvoir soutenir une conversation dans le temps réel. J’imagine que c’est comme ça qu’on pourrait la définir.

Frédéric Couchet : C’est une définition. Je ne connais pas WhatsApp, je me suis quand même posé de savoir quelles fonctionnalités il y avait. Tu parles de messages, on peut imaginer que ce sont des messages textes type SMS, mais en gros, dans les fonctionnalités dont les gens ont besoin dans ce type de messagerie aujourd’hui – parce que le plus important c’est ce dont les gens ont besoin – ce sont donc des messages textuels, mais il y a aussi, je crois, des notions de groupe pour parler à plusieurs, il y a des échanges de fichiers, donc images, vidéos, est-ce qu’on peut aussi passer des appels téléphoniques par ces messageries instantanées ?

Adrien Bourmault : Oui. En effet les gens ont plusieurs besoins. Ça dépend évidemment des groupes de personnes. Effectivement aujourd’hui la messagerie instantanée la plus communément répandue, comme définition, ce sera effectivement la possibilité d’avoir des conversations un à un, des groupes privés, peut-être parfois des salons publics, la possibilité de faire des appels audio ou vidéo, de partager des fichiers, des images, des vidéos. C’est effectivement le partage multimédia en fait, tout simplement.

Frédéric Couchet : D’accord. Nicolas et Emmanuel, est-ce que vous ajouter quelque chose sur cette définition ou tentative de définition d’une messagerie instantanée de nos jours ?

Nicolas Vérité : Oui, tout à fait. J’ai juste un petit truc. En fait oui, on est sur des messages courts, temporaires, parfois enregistrés ou archivés donc ça nous permet d’être plus réactifs, plus rapides dans une conversation.
Je veux différencier deux grands types de messagerie instantanée, si les gens me permettent. En fait il y a une génération qui a explosé au début d’Internet qui était la messagerie instantanée sur ordinateur. On peut citer les anciens ICQ et MSN propriétaires. Puis il y a eu la génération mobile. Donc on a tout passé en mobile quand il y a eu l’avènement de l’iPhone. C’est WhatsApp qui a emporté tous les suffrages, il y a eu d’autres qui ont suivi derrière dont Telegram et Signal. Aujourd’hui, depuis un peu moins d’une dizaine d’années, on voit une génération de messageries instantanées orientées entreprise. Là il s’agit de mettre la conversation de groupes au centre pour la collaboration des collaborateurs de l’entreprise.

Frédéric Couchet : D’accord. Ce point est intéressant, même si aujourd’hui on s’adresse plus potentiellement à des usages personnels, il y a effectivement cet aspect entreprise qui est important.
On va justement parler de Signal, Telegram. On va commencer par Signal. J’ai retrouvé les chiffres. La base installée serait passée de 10 millions à plus de 50 millions en quelques heures. On est évidemment très loin des 1,5 ou 2 milliards d’utilisateurs et d’utilisatrices de WhatsApp. En tout cas il y a eu une vraie grosse migration vers Signal. Déjà première question : c’est quoi Signal ? Deuxième question qui suivra : pourquoi les gens ont commencé à migrer vers Signal ?, et après on parlera de Telegram. C’est quoi Signal ? Peut-être Emmanuel Gil Peyrot.

Emmanuel Gil Peyrot : Je voudrais d’abord ajouter quelque chose d’autre à propos de la messagerie instantanée qui est que contrairement à l’e-mail, on a traditionnellement différents services pour la messagerie instantanée. C’est-à-dire que quelqu’un qui va être par exemple chez WhatsApp ne va pas pouvoir communiquer avec quelqu’un qui est chez Signal ou Telegram ou tout ça. C’est quelque chose qui a été choisi au fil du temps par les différentes grandes entreprises qui possèdent ces outils de communication, mais qui n’a rien du tout d’inné, c’est vraiment un choix technologique qui a été fait. Et, du coup, ça fait une surabondance de différents protocoles, différents logiciels, qu’on doit installer sur nos téléphones par exemple pour communiquer avec les différentes personnes qu’on a autour de soi.
Signal est effectivement une alternative à WhatsApp ou à n’importe quelle autre application de messagerie instantanée qu’on a mentionnée juste avant et qui a pour avantage d’être gérée par une association, contrairement à une entreprise, contrairement à WhatsApp notamment qui est gérée maintenant par Facebook et qui promeut énormément la confidentialité des messages en disant qu’ils n’ont pas accès au contenu des messages, qu’ils n’ont pas accès aux groupes des gens avec qui on communique, qu’ils n’ont pas accès à énormément de choses et, surtout, qu’ils ne gardent aucune trace de ces échanges. Encore une fois, c’est une question de confiance qu’on va avoir envers la plateforme.

Frédéric Couchet : Si je compare, si je comprends bien, Signal n’est pas simplement une alternative qui repose sur le même système privateur que WhatsApp. Déjà, comme tu le dis, c’est géré par une association à but non lucratif, alors que WhatsApp appartient à Facebook et avant c’était déjà une entreprise. Si je comprends bien il y a du chiffrement de bout en bout, avec un chiffrement qui utilise un protocole qui est connu, testé, ouvert et je pense que je laisserai réagir les experts sur le sujet, notamment sur cette partie-là. Par contre ça reste un outil centralisé. Sur ces deux points-là qui veut réagir ? Nicolas, Adrien. Nicolas, avantage au téléphone.

Nicolas Vérité : Oui, je veux bien. Avantage au téléphone, merci beaucoup. Effectivement c’est de l’open source, par contre il y a également une entreprise. Il y a une fondation, mais il y a aussi une entreprise. L’histoire de Signal a été mouvementée. C’est passé par plusieurs noms, plusieurs implémentations, ça a périclité, c’est revenu sous forme de fondation.
Effectivement ça utilise du chiffrement, c’est comme ça qu’on dit, du chiffrement, sinon on appelle ça de la crypto, c’est crypté, c’est chiffré et c’est centralisé. Ça veut dire qu’il n’y a qu’un seul serveur Signal qui est d’ailleurs situé aux États-Unis, contrairement à des ??? comme XMPP ou l’e-mail. On a un serveur sur lequel on a 10, 20 ou 100 000 utilisateurs qui peuvent parler avec d’autres personnes sur d’autres serveurs. Ça ce sont des réseaux de type décentralisé, on n’est pas centralisé, on est décentralisé et ces serveurs communiquent entre eux. C’est-à-dire que tous les utilisateurs de chacun des serveurs peuvent communiquer entre eux, on appelle ça de la fédération.

Frédéric Couchet : D’accord. On abordera évidemment ces points : décentralisation, fédération. On va poursuivre sur Signal et sur la partie centralisée. Tu as donc dit, pour que les gens comprennent bien, qu’il y a un serveur, en tout cas il y a signal.org sur lequel les gens s’inscrivent avec des serveurs qui sont hébergés, tu viens de dire aux États-Unis. Pour être plus précis, juste avant en préparant l’émission, je crois que Adrien était encore plus précis que ça. Adrien où sont ces fameux serveurs de la Fondation Signal ?

Adrien Bourmault : En fait il n’y a pas un seul serveur, il y en trois qui sont notamment en cluster.
Donc un premier serveur, celui qui sert à la connexion sur signal.org et à la création de son compte, c’est un serveur qui est hébergé chez Amazon Web Services, c’est le premier serveur, aux États-Unis évidemment.
Le deuxième aussi aux États-Unis qui sert à héberger les conversations de groupes qui est chez Google Cloud qui est donc hébergé là-bas en tant que machine virtuelle.
Le troisième serveur chez Microsoft Azur qui lui sert à gérer les grosses quantités de fichiers, ce qu’on appelle un Content Delivery Network qui permet le téléchargement de fichiers, le passage de grosses données, des choses comme ça, partage de fichiers et parfois aussi de vidéos parce qu’il y a aussi un serveur ??? là-dessus.
Donc oui, les trois sont aux États-Unis.
Je rebondis sur une question que j’ai vue sur le chat sur la gouvernance de Signal. En fait Signal est beaucoup présentée dans les médias comme étant une fondation à but non lucratif. C’est vrai qu’il y a une Fondation Signal mais ce n’est pas elle qui paye les employés de Signal et ce n’est pas elle non plus qui possède la propriété intellectuelle du code qui est marquée sur la licence, le fameux copyright. En fait c’est la société Signal Messenger LLC, une société à responsabilité limitée, de droit américain, qui est financée en grande partie par la fondation Signal, mais pas seulement, il y a aussi des investisseurs extérieurs, elle n’est pas cotée en bourse – encore heureux –, mais il y a des possibilités d’investir. Du coup, il y a bien derrière une société à responsabilité limitée, donc à but lucratif, il ne faut pas l’oublier. La Fondation Signal ne sert qu’à recevoir des dons défiscalisables selon le droit américain.

Frédéric Couchet : D’accord. C’est important. On va aussi en parler parce que sur le salon web il y a peetah qui parle de la licence du serveur. Quand je parle du serveur je fais évidemment une simplification, il y a beaucoup plus de serveurs qui gèrent tout ça, il y a beaucoup plus de machines, mais on fait une simplification pour que ce soit plus simple. Juste préciser que l’application qu’on utilise sur le téléphone pour Signal est une application qui est en logiciel libre, par contre le serveur, la partie logicielle sur le serveur n’est pas du tout sous licence libre, c’est bien ça ?

Adrien Bourmault : En fait si, le serveur est libre, mais il y a une énorme latence entre l’installation des mises à jour sur le serveur et la publication du code. En fait il y a une partie du temps où, après une mise à jour du serveur, le serveur est propriétaire avent que le code soit publié.

Frédéric Couchet : Je crois qu’Emmanuel veut régir là-dessus. Vas-y.

Emmanuel Gil Peyrot : Notamment parce qu’on n’a aucune garantie sur le fait que le code du serveur soit effectivement celui qui est utilisé ensuite chez Signal. C’est un énorme problème qui est partagé par la grande majorité des messageries puisque, dès qu’il y a un serveur, l’administrateur du serveur peut faire les modifications qu’il veut.

Frédéric Couchet : D’accord. Nicolas.

Nicolas Vérité : On est obligé de faire confiance au code. Par contre, on est sur une licence AGPL, Affero GPL v3, ça veut dire qu’on est obligé de fournir à nouveau le code si on veut ré-exploiter le serveur. Maintenant, si on exploite un serveur, si on met en œuvre un serveur finaliste, un serveur Signal, on n’aura que quelques utilisateurs autour de soi, sa famille, ses proches, etc. et ce serveur ne sera pas interconnecté avec le serveur officiel de signal.org.

Frédéric Couchet : D’accord. Je crois qu’on comprend bien que l’intérêt qu’il peut y avoir pour des utilisateurs et utilisatrices au niveau de Signal, ce côté centralisation qui peut permettre de retrouver plus facilement effectivement ses amis.
Signal a bénéficié de soutiens de poids, on pourrait dire de coups d’accélérateur. Il y a Elon Musk récemment et je crois que Luk va en parler dans sa chronique après, mais beaucoup plus important, à mon sens, c’est Edward Snowden, le lanceur d’alerte, je ne sais plus si c’est dès 2014 ou 2015, qui encourageait les gens à utiliser Signal. À votre connaissance est-ce que Edward Snowden, lanceur d’alerte américain qui a révélé des pratiques, a révélé des documents qui montraient l’ampleur de la surveillance américaine, utilise encore Signal ? Et finalement pourquoi un tel lanceur d’alerte dit qu’il faut utiliser Signal ? Adrien.

Adrien Bourmault : Il utilise toujours Signal, il le conseille même encore. Là où on peut se poser quand même des questions c’est que son argument principal c’est « j’utilise Signal parce que je ne suis pas encore mort ». On peut se poser la question : est-ce qu’il a une totale confiance ou est-ce qu’il dit ça de façon cynique ?, je ne sais pas trop, je ne suis pas là pour analyser les propos d’Edward Snowden. Il l’utilise encore, il n’utilise pas uniquement ça, il utilise aussi IRC à des moments, il parle aussi via XMPP avec l’EFF.

Frédéric Couchet : L’EFF c’est l’Electronic Frontier Foundation dont je parlais tout à l’heure.
Sur cette position par rapport à Snowden sur Signal, Emmanuel et Nicolas, est-ce que vous voulez ajouter quelque chose ?

Nicolas Vérité : Snowden se protège de toute lecture de ses messages par du chiffrement. En fait, il pourrait avoir l’équivalent sur une autre application, par exemple sur XMPP.

Frédéric Couchet : Emmanuel.

Emmanuel Gil Peyrot : Je voudrais ajouter aussi que la méthode de chiffrement qui a été créée par Signal, donc qui s’appelait à l’époque ???, de nos jours Signal Protocol, a été réutilisée notamment par WhatsApp qui l’a intégrée dans son système de chiffrement de la messagerie suite, justement, aux révélations de Edward Snowden, en fait pour faire un peu taire les polémiques autour de ça, autour du fait que Facebook pouvait accéder à tous les messages de tous les utilisateurs de WhatsApp. Ça a été utilisé aussi par d’autres, notamment le protocole qu’on appelle OMEMO sur XMPP utilise le même protocole, le Signal Protocol. On n’est pas du tout les seuls, parce que c’est complètement intégrable dans d’autres protocoles de nos choix.

Frédéric Couchet : Et c’est un protocole qui est publié, qui a donc subi des analyses, etc., contrairement à des protocoles de chiffrement privés, qui ne sont pas publiés, dans lesquels, finalement, la sécurité repose exclusivement dans la confiance qu’on a dans la structure, qui sont souvent des entreprises qui sont basées, en fait, sur la publicité, sur nos données personnelles.
Tu veux ajouter quelque chose ?

Nicolas Vérité : En effet, ce protocole de chiffrement est libre, mais il n’est pas standardisé, c’est-à-dire qu’il y a plein de paires d’yeux d’experts qui ont revu ce protocole, qui l’ont amélioré, donc il est relativement fiable, par contre il n’a jamais été standardisé. C’est pour ça que ça peut poser éventuellement problème.

Frédéric Couchet : On va faire une petite pause musicale et on se retrouve juste après. Nous allons poursuivre notre découverte de Vexento. On va écouter Shifting winds. On se retrouve juste après. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : Shifting winds par Vexento.

Voix off :

Deuxième partie

Frédéric Couchet : Nous coupons un petit peu