Libre à vous ! Radio Cause Commune - Transcription de l'émission du 24 novembre 2020

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Titre : Émission Libre à vous ! diffusée mardi 24 novembre 2020 sur radio Cause Commune

Intervenant·e·s : - Étienne Gonnu - Isabella Vanni à la régie

Lieu : Radio Cause Commune

Date : 24 novembre 2020

Durée : 1 h 30 min

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Page des références utiles concernant cette émission

Licence de la transcription : Verbatim

Illustration :

NB : transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.

Transcription

Voix off : Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.

Étienne Gonnu : Bonjour à toutes. Bonjour à tous.
La politique logiciel libre de Voisins-le-Bretonneux, ce sera le sujet principal de l’émission du jour, avec également au programme la chronique « Le fil rouge de la musique libre » d’Éric Fraudain sur l’artiste Purrple Cat et enfin « La pituite de Luk » qui nous proposera une vraie stratégie de promotion de l'informatique libre.
Nous allons parler de tout cela dans l’émission du jour.

Vous êtes sur la radio Cause Commune, la voix des possibles, 93.1 en Île-de-France et en DAB+ et partout dans le monde sur le site causecommune.fm.

Soyez les bienvenus pour cette nouvelle édition de Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre. Je suis Étienne Gonnu en charge des affaires publiques pour l’April.
Le site web de l’April c’est april.org, vous pouvez y trouver une page consacrée à cette émission avec tous les liens et références utiles et également les moyens de nous contacter. N’hésitez pas à nous faire des retours et à nous poser toute question.

Nous sommes mardi 24 novembre 2020, nous diffusons en direct, mais vous écoutez peut-être une rediffusion ou un podcast.

À la réalisation de l’émission ma collègue Isabella Vanni. Salut Isa.

Bonjour Isabella : Bonjour.

Étienne Gonnu : Si vous voulez réagir, poser une question pendant ce direct, n’hésitez pas à vous connecter sur le salon web de la radio. Pour cela rendez-vous sur le site de la radio, causecommune.fm, cliquez sur « chat » et retrouvez-nous ensuite sur le salon dédié à l’émission. Vous pouvez aussi participer à nos échanges, poser des questions en appelant le numéro de la radio, le 09 72 51 55 46 et je vais me corriger tout de suite, car nous avons un souci avec notre autre ligne, nous utilisons actuellement celle-ci, nous allons utiliser celle-ci pour échanger avec nos invités, donc n’essayez pas de nous appeler ça sonnera occupé. Excusez-moi pour ce malentendu.

Nous allons passer au premier sujet

[Virgule musicale]

La politique logiciel libre de Voisins-le-Bretonneux avec Christophe Boissonnade

Étienne Gonnu : Nous allons donc commencer, une fois n’est pas coutume, par notre sujet long qui porte aujourd’hui sur la politique logiciel libre de la ville de Voisins-le-Bretonneux. J’ai le plaisir de recevoir par téléphone le 1er adjoint à la maire et délégué à la ville solidaire au numérique et à la vie économique de la ville, Christophe Boissonnade. Bonjour Christophe.

Christophe Boissonnade : Bonjour Étienne. Bonjour à toute l’équipe de l’April que j’ai déjà eu le plaisir de rencontrer et bonjour aux auditeurs de Cause Commune.

Étienne Gonnu : J’ai une première question très classique à vous poser : est-ce que vous pourriez vous présenter, s’il vous plaît ?

Christophe Boissonnade : Donc 1er adjoint, vous l’avez déjà dit, à la ville numérique et la ville solidaire. Vous verrez, dans le cours le l’interview, que je pense qu’aujourd’hui ces deux sujets, ces deux délégations marchent ensemble surtout en ce qui concerne l’inclusion numérique, on en reparlera certainement plus tard.
J’ai un passé dans le logiciel libre où j’ai été moi-même consultant pendant 15 ans dans une structure, consultant indépendant, et aujourd’hui j’ai un petit peu changé de vie au niveau de mon métier mais je suis toujours dans le numérique, je promeus toujours les valeurs du logiciel libre dans le monde mutualiste. Je suis directeur général d’une petite fédération de mutuelles. L’ADN mutualiste est très proche de celui du logiciel libre, notamment dans le partage des ressources.

Étienne Gonnu : Très bien. Du coup vous avez devancé la question suivante que je voulais vous poser, vous introduit dans ce début ce qui, je pense, sera votre réponse. Je voudrais savoir pour vous déjà, avant de répondre en tant qu’élu mais en tant que citoyen, ce qu’est le logiciel libre ? Pourquoi c’est quelque chose d’important ?

Christophe Boissonnade : C’est important à plusieurs titres. Déjà, en tant qu’élus, ce qu’on essaie de faire normalement, dans tout ce qu’on fait, dans tous les projets que nous portons, c’est d’injecter toujours plus de liberté, toujours plus d’égalité, toujours plus de fraternité dans tout ce qu’on fait et en cela le logiciel libre est vraiment intéressant parce qu’il nous permet, à moi en tout cas, de lier les trois, ce qui est assez rare.
Et puis, aussi d’un point de vue plus éthique, dès qu’on gère, dès qu’on est amené à gérer de l’argent public, eh bien on est très soucieux du denier public et de ne pas dépenser inutilement. D’autant plus qu’en général les solutions propriétaires sont proposées par de grands acteurs américains qui sont bien souvent champions de l’évasion fiscale, c’est vrai qu’on dit optimisation, excusez-moi ! En tant qu’élus, notre responsabilité c’est aussi de faire en sorte de faire travailler des écosystèmes locaux et, pour ça, le logiciel libre est assez idéal pour trouver des compétences locales, même si ce n’est pas toujours évident, c’est vrai, par rapport à des solutions plus connues du monde propriétaire, en tout cas de faire en sorte que les sociétés avec lesquelles on travaille, soient fiscalisées en Europe et en France de préférence quand même. L‘idée étant que participer à la société c’est aussi payer l’impôt, ce n’est pas très ??? (6 min 35) de payer l’Impôt, mais ça permet de rouler sur les routes, ça permet aux enfants d’aller à l’école, ça permet d’être soigné dans les hôpitaux, ça permet d’être protégé, donc c’est tout ce qui est très important à nos yeux pour faire que la société continue de fonctionner, tout simplement.

Étienne Gonnu : Vous avez fait, je pense, un beau tour d’horizon de ce dont on pourra parler. J’espère qu’on pourra parler de tout ça parce que vous soulevez des choses très intéressantes. C’est vrai qu’on ne parle pas forcément toujours de la question de l’impôt et de la fiscalité quand on parle du logiciel libre et, globalement, quand on parle des libertés publiques, mais c’est quand même aussi un aspect très important de comment on fonctionne collectivement. Ensuite, la question c’est quel usage sera fait de cet impôt, est-ce que ça correspond justement à ce qu’on va considérer être l’intérêt général et à notre éthique.
Peut-être aussi pour qu’on comprenne mieux, du coup, d’où vous parlez. Vous vous êtes présenté. Vous êtes effectivement un élu, vous êtes donc délégué à la ville solidaire, au numérique et à vie économique. Déjà ce serait intéressant je pense pour nous, pour nos auditeurs et auditrices, de savoir quel est, on va dire, votre périmètre d’action. Vous avez mis le doigt sur une question que je voulais vous poser, parce que je trouve toujours intéressant de voir ce qui est dans les descriptifs de postes en matière de pouvoir, comment sont liés politiquement les périmètres à la technologie numérique : là on voit vie économique et solidarité qui sont donc liés à votre position de délégué au numérique. Voir comment tout ça s’articule, je pense que ça serait intéressant d’avoir votre éclairage.

Christophe Boissonnade : Bien sûr. C’est aussi la vision de la ville intelligente. C’est vrai que c’est un terme très galvaudé, c’est vraiment un mauvais ??? (8 min 20), on met tout ce qu’on veut dedans. Néanmoins, on peut en avoir une vision politique légèrement différente de celle qui est poussée par les grands industriels.
La ville intelligente, pour nous, c’est être au plus proche des citoyens, c’est leur permettre d’échanger avec la collectivité sur tout un tas de sujets et c’est vrai qu’aujourd’hui il est difficile de se passer du numérique pour consulter largement. On parle beaucoup de démocratie participative, je préfère le terme de démocratie implicative – démocratie, si elle n’est pas participative c’est un petit dommage ! Ces sujets-là sont vitaux aujourd’hui en termes de gouvernance. Par exemple, on ne peut pas faire de développement durable sans impliquer le citoyen dans les décisions. Aujourd’hui on voit, d’ailleurs je suis le premier à le regretter, mais il y a un certain désintéressement des citoyens pour les urnes. On voit les taux de participation sur les dernières élections, c’est inquiétant. On voit qu’il y a une distanciation entre le citoyen et la politique locale. Je ne parle pas de la politique politicienne : la politique locale c’est l’endroit dans lequel on vit. Ne serait-ce qu’à ce titre-là, sans partir dans des considérations de partis politiques, etc., on se doit de s’intéresser. L’endroit dans lequel on vit c’est aussi du bien commun. Aujourd’hui, ce qui est intéressant, c’est le numérique, je dirais, est devenu presque incontournable d’autant plus dans le contexte sanitaire que nous traversons puisque nous avons tous traversé une période, enfin deux périodes de confinement maintenant. Maintenir le lien, la relation aux citoyens en utilisant des outils numériques, si ce n’était pas encore évident il y a quelques mois, je crois qu’aujourd’hui tout le monde a compris que c’est absolument incontournable.
Donc cette vision de la politique numérique et de la ville intelligente c’est pour nous indissociable.
Le lien indissociable les autres délégations, vous allez très vite faire le lien vous aussi avec des cas concrets que je peux illustrer pour la délégation à la ville solidaire. Quand on travaille dans l’action sociale, on s’aperçoit aussi que vous énormément de Français qui sont éloignés du numérique. On sait aujourd’hui que ce sont 13 millions de Français qui sont éloignés du numérique. Voisins-le-Bretonneux n’est pas un petit village gaulois, Voisins-le-Bretonneux a aussi sa part de personnes qui sont déconnectées, déconnectés ou éloignées on va dire, donc on doit les prendre les charge. Ce n’est pas uniquement lié à l’âge. J’ai la chance d’animer dans l’espace public numérique une petite classe que j’appelle l’École du Libre où j’enseigne l’utilisation de certains logiciels libres à des jeunes et aussi à des adultes et des seniors. En fait, ce n’est pas parce que vous êtes adulte que vous savez vous servir d’un ordinateur et ce n’est pas parce que vous êtes jeune et que vous savez parfaitement manier un smartphone et les dernières applications que vous êtes capable de taper un CV sous LibreOffice, par exemple.
Donc nous on travaille beaucoup aujourd’hui sur tout ce qui est inclusion numérique. On ne le fait pas tout seuls, on le fait avec une coopérative qui s’appelle la MedNum, la coopérative de la médiation du numérique qui nous aide aussi, en termes de méthodologie, pour travailler sur ces questions-là qui sont essentielles. Et enfin, sur l’activité économique…

Étienne Gonnu : C’est clair que les questions de l’inclusion numérique sont très présentes. Je pense qu’on s’attardera sur cette notion-là qui me semble effectivement assez centrale du moins dans votre action, de ce que vous évoquez.
Il serait intéressant pour nous auditeurs et auditrices, en quelques chiffres, de nous décrire un petit peu ce qu’est Voisins-le-Bretonneux en termes de population, de localisation. Je pense que ça pourrait aussi clarifier, peut-être, d’où vous parlez.

Christophe Boissonnade : Oui absolument, pardon j’aurais pu le faire dans ma présentation.
Voisins-le-Bretonneux est une petite ville de l’Ouest parisien qui fait partie de la communauté d’agglomérations de Saint-Quentin-en-Yvelines. Si vous situez Versailles, on est vraiment entre Versailles et Trappes, en Yvelines. C’est aujourd’hui une population de 11 300 habitants, donc toute petite ville en banlieue parisienne, ce n’est pas une grande ville. On a un petit territoire et ça nous permet aussi de travailler en souplesse. Les élus sont, essayent en tout cas, d’être le plus proches possible de leurs concitoyens. Ça nous permet de tester pas mal de choses. Par exemple, un petit peu pour nous affranchir des algorithmes affinitaires de Facebook, on a lancé notre propre réseau social sur des briques 100 % open source, c’était dans le précédent mandat, depuis 2015. Je vous avoue que la concurrence est rude, c’est difficile d’attirer des gens sur des médias qui ne sont pas mainstream, en tout cas ça permet à des gens d’échanger sur des problématiques locales. Ça permet aussi à certains commerçants de faire de la publicité gratuitement pour leur activité, tout ça sans être tracés. Il n’y a pas d’obscurs algorithmes qui poussent de la publicité, c’est entièrement gratuit et c’est tout à fait le genre de service qu’on essaie de déployer auprès des Vicinoises et des Vicinois.

Étienne Gonnu : C’est intéressant. C’est un logiciel que vous avez développé vous-mêmes ?

Christophe Boissonnade : Non. C’est sur une base Joomla !.

Étienne Gonnu : Joomla !. Je pense qu’il y a des auditeurs et auditrices qui peuvent avoir un bagage technique, ce n’est pas le cas de tous, et qui pourraient être intéressés. Vous dites que c’est basé sur Joomla !

Christophe Boissonnade : Oui, absolument. Dès qu’on peut, c’est vraiment une philosophie et là j’ai une chance incroyable parce que si j’étais un élu tout seul, même passionné de logiciel libre depuis 20 ans, si je n’avais pas une solide équipe technique qui partageait ces mêmes valeurs au niveau des services de la ville, je ne ferais pas grand-chose. J’ai la chance, au service informatique de Voisins-le-Bretonneux et au service numérique, d’avoir des gens avec qui nous sommes parfaitement en phase sur ces sujets-là ce qui nous permet vraiment d’avancer peut-être plus vite qu’ailleurs parce que, entre la décision politique et, je vais dire, l’application concrète, les temps sont extrêmement réduits. On est capable de déployer des solutions extrêmement rapidement, ce qu’on a même fait pour une solution de distribution des masques pendant la crise sanitaire, on a développé un outil uniquement sur des bases open source. D’ailleurs on réfléchit à en partager le code.

Étienne Gonnu : C’est tout l’intérêt du logiciel libre, effectivement, surtout si c’est financé par de l’argent public, autant que ça serve un maximum.

Christophe Boissonnade : Exactement. On est bien d’accord.

Étienne Gonnu : Du coup, c’est intéressant ce que vous dites parce qu’on sait à quel point c’est important, finalement, qu’il y ait une collaboration entre le pouvoir politique, notamment élu, et ceux qui mettent en place la technique, qui travaillent. On sait que ça marche beaucoup mieux lorsqu’il y a cette collaboration que vous évoquez. Du coup comment vous traduiriez la politique logiciel libre de Voisins-le-Bretonneux ? Comment s’est-elle mise en place ? Et comment s’est traduite justement cette collaboration, ce travail en équipe que vous évoquez ? Et quel est votre rôle d’élu là-dedans ?

Christophe Boissonnade : Mon rôle d’élu, comme tous les élus, c’est d’impulser, d’aller toujours vers du plus. C’est pour ça que cette politique logiciel libre à Voisins est relativement simple, c’est « dès qu’on peut on en met ». Ce n’est pas plus compliqué que ça !
Après, une collectivité échange aussi avec beaucoup de partenaires. C’est parfois difficile de s’affranchir de certaines solutions propriétaires. On y travaille mais ça prend du temps. Je crois qu’on a essayé d’injecter du logiciel libre de façon très classique dans toutes nos écoles, sur tous les postes et aussi sur l’ensemble des postes collaborateurs qui travaillent sous LibreOffice. On essaye de déployer. On a aussi beaucoup de serveurs Linux sur nos serveurs de machines virtuelles, par exemple. Notre PABX c’est du Asterisk.

Étienne Gonnu : PABX, est-ce que vous pourriez expliquer ?

Christophe Boissonnade : Pardon, c’est notre serveur de téléphonie., merci de me reprendre. Notre serveur de téléphonie c’est aussi une solution 100 % libre, Asterisk. Donc voilà, dans tous nos outils, c’est difficile de faire le tour, ce serait certainement un peu ennuyeux à écouter. On est profondément attachés à ça, toujours dans cette logique de respect du denier public mais aussi de sécurité informatique parce que, dans bien des cas, la transparence du code est rassurante.

Étienne Gonnu : Oui, bien sûr. Ce qu’on décrit souvent, ce qu’on critique souvent et qu’on appelle un peu le fantasme d’une sécurité par le secret ou par l’obscurité parce que c’est caché.

Christophe Boissonnade : L’informatique ??? (18 min 13) dans les années 1990.

Étienne Gonnu : Plus de paires d’yeux peuvent auditer le code, mieux c’est.

Christophe Boissonnade : Complètement. Tout à fait.

Christophe Boissonnade : Là vous avez parlé, vous avez listé des exemples, c’est toujours intéressant d’avoir des exemples concrets des logiciels que vous utilisez. Il y a la bureautique, j’imagine qu’il y a des problématiques, enfin des questions logiciels métier. Vous avez parlé des serveurs. Comment vous procurez-vous du logiciel libre ? On sait que la commande publique… Formulé autrement, je ne sais pas comment vous l’avez dit, nous on parle de priorité au logiciel libre, fondamentalement effectivement, comme vous le disiez, « quand on peut on en met », donc vous êtes plutôt en développement interne ? Vos faites appel à prestation ? Comment concrètement ça se met en place ?

Christophe Boissonnade : On fait appel à pèrestataires. On n’a pas les ressources, on est une petite ville, donc on n’a pas vraiment les ressources pour développer en interne, hormis l’exemple, c’est l’exception qui confirme la règle, sur la solution pour la distribution des masques anti-covid. En général on fait plutôt appel à des prestataires sauf si on peut intégrer nous-mêmes parce qu’on en a les compétences.

Étienne Gonnu : D’accord. On défend une priorité au logiciel libre. C’est de moins en moins tendu, mais parfois on nous dit que ce n’est pas possible d’un point de vue commande publique. En fait, très concrètement, j’imagine que ce que vous faites c’est que vous identifiez peut-être le logiciel libre dont vous avez besoin, ou plutôt les besoins on va dire en termes techniques.

Christophe Boissonnade : Oui, on part toujours, effectivement, des besoins des utilisateurs et puis on voit quelles sont les solutions qui peuvent y répondre. C’est sûr que si on trouve un logiciel libre pour faire le travail, eh bien on aura une tendance naturelle à le choisir. Après effectivement, soit on a les compétences en interne pour le gérer et aussi le temps, parce qu’il y a aussi une question de ressources humaines, donc si on a le temps, eh bien on intègre la technologie nous-mêmes. En plus on aime bien, on a d’excellents techniciens qui aiment bien comprendre comment ça fonctionne. Et puis si, au contraire, on a des difficultés techniques, si on voit que ce n’est pas possible ou que ça va nous prendre trop de temps, dans ces cas-là on a effectivement beaucoup plus tendance à confier ça à des prestataires externes.

Étienne Gonnu : Très bien. Vous parliez des techniciens dans la ville, ça me fait penser, c’est mon collègue Frédéric Couchet qui utilise parfois cette phrase qui m’a tout de suite beaucoup plu pour expliquer qu’en fait la seule limite du logiciel libre c’est le talent, l’imagination des personnes lorsqu’elles cherchent à régler un problème. Elles ne sont pas limitées par des considérations, par des blocages de licence, etc.
Au sein de l’équipe technique il y avait déjà des libristes convaincus ? Il a fallu les convaincre ?

Christophe Boissonnade : Non, moi j’ai eu cette chance-là, cette chance extrême d’avoir notamment le directeur du service informatique qui connaissait déjà énormément le secteur du logiciel libre, beaucoup de logiciels libres, qui en avait déjà mis en place. Donc je me suis plus inscrit dans une continuité, très honnêtement je n’ai pas eu à pousser grand-chose, pour que ça s’installe. Par contre, si vous voulez, là on était plus sur de l’infrastructure. Dans les applications, je dirais plus les usages numériques, c’est là où, je vous parle du mandat précédent, en arrivant nous avons créé un service dédié au numérique parce qu’il n’y avait pas vraiment de distinction de faite, à l’époque, entre nos services informatiques ; il y avait aussi la communication et les usages numériques étaient un petit peu entre les deux ; on en parlait à l’informatique, on en parlait à la communication, mais on n’avait pas vraiment cette vision du numérique à part entière.
On a développé ces usages en mettant par exemple des outils sur Internet comme le réseau social dont je vous ai parlé, mais il y en d’autres, nous les avons développés uniquement à base de logiciels libres ou de technologies qui, en tout cas, intégraient des logiciels libres. Encore un exemple concret, on a fait une application smartphone pour la ville, dans l’appel d’offres on a veillé à ce que les technologies employées, même si on est passé par une société privée pour le faire, Neocity que je recommande d’ailleurs vivement, franchement ils ont fait un travail incroyable, ils utilisent, et c’est aussi en cela et je les remercie, des briques open source au sein des solutions qu’ils distribuent auprès des collectivités.

Étienne Gonnu : Très bien. S’ils font du bon travail autant le dire !
Vous évoquiez de partir du besoin des utilisateurs et des utilisatrices. Si on reste à Voisins-le-Bretonneux, qu’on ne parle plus des techniciens mais plutôt des agents publics en général, comment eux, selon vous, ont reçu un petit peu cette politique ? Comment perçoivent-ils ce « quand c’est possible on met du Libre » ? Comment sont-ils inclus dans ce processus ? Quels sont les retours qu’ils font de ce passage progressif vers toujours plus de logiciel libre ?

Christophe Boissonnade : On est vraiment dans les usages, les usages en interne à la mairie. Comment dire, dès que vous modifiez l’interface, d’ailleurs ce n’est pas une problématique qui est entièrement liée au logiciel libre, dès que vous touchez à des habitudes de travail, quel que soit le secteur, quels que soient les outils que vous utilisez, vous avez toujours forcément un peu de réticence au départ. C’est pour ça qu’en expliquant le fond de la démarche, en expliquant pourquoi on fait ça, les gens y adhèrent d’autant plus parce qu’on sait, aujourd’hui, que les budgets des collectivités locales se restreignent comme une peau de chagrin et il est très compliqué de sortir des budgets de plus en plus conséquents sachant qu’en plus aujourd’hui pour tout ce qui est suite bureautique, suite graphique, même d’autres logiciels, on arrive de plus en plus sur des abonnements dans le cloud, etc., ce n’est pas facile. Ce n’est pas facile !
Après, en repartant du besoin utilisateur, en les accompagnant et en leur mettant à disposition des outils qui répondent aussi, on en profite aussi, quand on fait des migrations, pour leur apporter des solutions encore plus, je dirais, plus proches de leurs besoins, qui leur font gagner du temps, eh bien c’est aussi apprécié. Vous voyez qu’il n’y a pas que le changement d’outil, c’est vrai que le changement d’habitudes fait toujours peur. Quand c’est fait vraiment avec le souci d’expliquer aux gens et aussi de leur demander comment est-ce qu’on peut améliorer les choses pour l’utilisateur final, eh bien en général, ils sont plutôt très réceptifs. Ça n’exclut pas qu’il y a quelques grognements, je ne vais pas dire que tout le monde a sauté de joie, mais globalement ça s’est vraiment très bien passé.

Étienne Gonnu : Vous répondez à la question que je voulais poser : si vous aviez un conseil clef à donner à une collectivité qui voudrait entreprendre cette démarche, notamment dans la relation aux agents publics. Je crois que vous avez répondu.

Christophe Boissonnade : C’est beaucoup d’explications. Comme je l’ai dit tout à l’heure. Pour moi c’est vraiment éthiquement inconcevable d’aller financer des solutions qui ne participent pas à la vie de la société, qui ne payent pas leurs impôts en France ou qui font tout pour ne pas en payer. C’est une aberration !

Étienne Gonnu : Oui, tout à fait. D’ailleurs on pourra revenir là-dessus. Je vous propose qu’on fasse une petite pause musicale pour souffler un peu et se ressaisir avant la suite de notre échange.
Nous allons écouter Purrple Cat. Le morceau quel est-il ? Midnight Snack. Nous allons écouter Midnight Snack par Purrple Cat. On se retrouve juste après. Belle journée à l’écoute de Cause commune, la voix des possibles.

Pause musicale : Midnight Snack par Purrple Cat.

Voix off :

Deuxième partie

Étienne Gonnu : Nous venons d’écouter Midnight Snack par Purrple Cat