Libre à vous ! Radio Cause Commune - Transcription de l'émission du 24 mars 2020

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Titre : Émission Libre à vous ! diffusée mardi 24 mars 2020 sur radio Cause Commune

Intervenants : Emmanuel Revah - Alexis Monville - Mohican - Isabella Vanni - Frédéric Couchet - William Asgavari à la régie

Lieu : Radio Cause Commune

Date : 24 mars 2020

Durée : 1 h 30 min

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Page des références utiles concernant cette émission

Licence de la transcription : Verbatim

Illustration :

NB : transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.


Transcrit MO

Transcription

Voix off : Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.

Frédéric Couchet : Bonjour à toutes. Bonjour à tous.
Agilité et logiciel libre, c’est le sujet principal de l’émission du jour. Avec également au programme une chronique sur Mozilla et également le jeu du Gnou.
Nous allons parler de tout cela dans l’émission du jour.

Vous êtes sur la radio Cause Commune, la voix des possibles, 93.1 FM en Île-de-France et partout dans le monde sur le site causecommune.fm. La radio diffuse désormais également en DAB+ en Île-de-France, c’est la radio numérique terrestre.

Soyez les bienvenus pour cette nouvelle édition de Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre. Je suis Frédéric Couchet, délégué général de l’April.
Le site web de l’April c’est april.org. Vous pouvez y trouver une page consacrée à cette émission avec tous les liens et références utiles, les détails sur les pauses musicales et toute autre information utile en complément de l’émission. Également les moyens de nous contacter. N’hésitez pas à nous faire des retours pour indiquer ce qui vous a plu mais également des points d’amélioration.

Nous sommes mardi 24 mars 2020, nous diffusons en direct, mais vous écoutez peut-être une rediffusion ou un podcast.

Comme la semaine dernière, l’émission est diffusée dans des conditions exceptionnelles suite au confinement de la population. Toutes les personnes qui participent à l’émission sont en effet chez elles.

Si vous voulez réagir, poser une question pendant ce direct, n’hésitez pas à vous connecter sur le salon web de la radio. Pour cela vous rendez-vous sur le site de la radio, causecommune.fm, cliquez sur « chat » et retrouvez-nous sur le salon dédié à l’émission #libreavous.
Nous vous souhaitons une excellente écoute.

Voici maintenant le programme détaillé de l’émission du jour :
nous allons commencer dans quelques secondes par la chronique « Itsik Numérik » d'Emmanuel Revah qui va nous parler de Mozilla ;
d’ici une dizaine de minutes, nous aborderons notre sujet principal qui portera sur le thème « agile et logiciel libre », une rencontre sur les valeurs et principes avec Alexis Monville ;
en fin d’émission ce sera la chronique « Le libre fait sa comm’ » d’Isabella Vanni qui discutera avec Mohican, bénévole à l’April, du jeu de Gnou.
À la réalisation de l’émission William Asgavari que je salue. Bonjour William.

Chronique « Itsik Numérik » d'Emmanuel Revah sur Mozilla

Frédéric Couchet : Tout de suite place au premier sujet. Nous allons commencer avec la chronique « Itsik Numérik » d'Emmanuel Revah qui va devoir activer son micro s’il veut parler. Bonjour Manu.

Emmanuel Revah : Salut Frédéric. Ça va ?

Frédéric Couchet : Ça va bien. Et toi ?

Emmanuel Revah : Oui, ça va.

Frédéric Couchet : Tu veux nous parler aujourd’hui, je crois, de Mozilla. Je te laisse la parole.

Emmanuel Revah : OK. Cool. Parlons un peu de Mozilla. Pour parler de Mozilla, on va déjà parler de Firefox et un peu d’histoire sur Firefox.
Firefox est un navigateur web qui né à partir de son ancêtre Netscape, repris au début sous le nom merveilleux de Phoenix. Netscape renaît de ces cendres, tel un oiseau de feu ou firebird. C’était beau, léger, rapide et sans merde de taureau ou, pour les francophones, sans bullshit. Peu après, Phoenix a été intégré dans Mozilla, une suite de logiciels tout-en-un, avec un navigateur web, logiciel de courriel, discussion instantanée, éditeur HTML, etc.
Après le gros mastodonte, la suite Mozilla, c’est fini. Maintenant il y a d’un côté Thunderbird, le logiciel de courriel à moitié laissé pour mort, et de l’autre côté Firefox, le truc tellement connu que les gens ne savent même pas que c’est un logiciel libre. Pourtant, Firefox, c’est LE navigateur libre, sécurisé et qui est du côté des utilisateurs… Hum ! Hum ! Pardon, ça me gratte la gorge de dire des conneries pareilles ou alors j’ai un petit coup de COVID-19, je ne sais pas. Déjà, la dernière version de Firefox c’est la version 42 821… Non mais sérieusement, les numéros de version déjà commencent à ressembler à des numéros de séries plus qu’à autre chose. Au moment où j’ai écrit cette chronique, c’était il y a quatre jours, on était à la version 74 déjà !
Oui, Firefox c’est libre, mais Firefox dépend de Mozilla, pas la fondation, Mozilla Corporation, l’entreprise à but lucratif Mozilla. Ils disent avoir créé la corporation pour avoir plus de liberté d’action dans leurs comptes – sans doute qu’au pays des Donald Trump les entreprises sont plus libres que les associations ou les fondations. Ils disent que Firefox, son code source, etc., appartient à la Fondation. Ainsi la corporation s’occupe des finances, mais ne peut pas prendre le contrôle du logiciel. C’est déjà pas mal, on se souvient tous de MySQL, n’est-ce pas Monty ? Petit bout d’histoire de MySQL et Monty. Monty qui s’appelle Michael Widenius, je ne sais si je prononce bien, c’est le gars qui a lancé MySQL, c’est une base de données sous licence libre. Monty l’a vendue un jour à Sun Microsystems pour cher, un milliard de dollars, et ensuite il a pleurniché comme un enfant gâté quand Sun à vendu MySQL à Oracle. C’est important de garder les logiciels libres, libres ! Si vous ne voulez pas qu’ils tombent entre les mains des entreprises anti-libre, ne les vendez pas s’il vous plaît.
Bref, ils ont compris maintenant. Moi, je sais bien que le développement coûte « un pognon de dingue », mais le fait que Mozilla soit une entreprise à but lucratif est un piège pour elle-même. Ce janvier, juste ce janvier, ils ont licencié 70 personnes, des ingénieurs et tout, mais de l’autre côté ils investissent plus de 40 millions de dollars pour le développement de nouveaux « produits » ! On dirait un cas de « il n’y a pas d’argent magique » ! Il n’y en a pas pour le personnel, mais pour les nouveaux projets tout beaux, on trouve de la thune fastoche.
C’est quoi ces produits ? Eh bien, il s’agit surtout de services. Oui ! Le centre de l’attention va se tourner vers des services. Ça fait déjà un petit moment d’ailleurs. Mozilla passe tout doucement d’une entreprise de logiciel libre vers une société de services centralisés.

Excitons-nous d’abord sur le cas de Pocket. Il s’agit, à la base, d’une extension liée à un service qui sert à sauvegarder des pages web afin de les consulter plus tard. L’entreprise Pocket a été achetée par Mozilla et la partie extension est devenue libre, mais la partie serveur ne l’est toujours pas. Pocket, un service centralisé et basé sur du logiciel non libre, est directement intégré dans Firefox maintenant, ce n’est plus du tout une extension qu’on installe volontairement, on ne peut pas même pas la désactiver, en tout cas pas facilement. Pour la désactiver il faut aller dans les options avancées qui font peur.

Ensuite il y a Firefox Sync. Firefox Sync c’est le truc qui, comment dire, l’idée de base est géniale. C’est un moyen de synchroniser plein de trucs entre des instances de Firefox, par exemple entre le Firefox de mon ordinateur principal et le Firefox de mon ordinateur de voyage ; ou même avec le Firefox de mon téléphone, si j’avais un ordinateur-téléphone. Pour utiliser Firefox Sync, il faut s’inscrire. Déjà la page d’inscription, comme presque toutes les pages d’inscription de tous les trucs qui existent dans le monde, ne dit absolument rien sur ce que c’est. Il faut renseigner son adresse de courriel pour passer à la page suivante et enfin voir les CGU et une sorte de description de l’utilité d’un compte Firefox. Petit indice : vous pouvez mettre n’importe quoi pour passer la page et ensuite, enfin, lire les CGU. Franchement, je trouve que ça fait un peu dark patterns ou « interface truquée », vous savez l’interface utilisateur qui a été soigneusement conçue pour tromper ou manipuler les utilisateurs, un peu comme fait Facebook et tous ses potes.
Bref, il y a deux éléments. Il y a le côté navigateur, donc Firefox, et de l’autre côté la partie serveur. Par défaut, Firefox utilise le serveur de Mozilla. C’est cool non ? C’est quoi le problème ? Oui, mais, je veux un Internet décentralisé, je veux utiliser mon propre serveur, en mettre en place un pour mes amis, une association, une entreprise, etc. Eh bien, c’est possible, évidement, c’est du logiciel libre tout ça. Vous avez eu peur ! Super ! Non ! Attends ! La partie serveur est incroyablement inutilisable, le mode d’emploi prévient qu’il n’y a pas de paquets, ni RPM, ni DEB, ni rien. C’est-à-dire pas de version facile à installer, un peu comme on fait avec Firefox, on télécharge et on clique et c’est installé et surtout par défaut, c’est surtout ça, l’authentification se fait à travers le serveur d’authentification de Mozilla. Petit aparté. Firefox Sync est intégré dans Firefox depuis la version 4 et Firefox Accounts, c’est Sync mais un petit peu mieux, la partie authentification, depuis la version 29 de Firefox. Pour info, la version 29 de Firefox c’était il y à deux mois ou 15 ans, je sais pas. Ah si ! C’était en 2007 ! Pardon ! 2007, ça laisse le temps de faire un petit paquet DEB non ? C’est tellement vieux que ça aurait pu être déjà inclus dans Debian 5.0, c’est-à-dire en 2009.
Il faut préciser qu’il y a le serveur Sync et le serveur Accounts pour les comptes Firefox, et par défaut, ton serveur Sync personnel dépend du serveur Accounts de Mozilla pour l’authentification. Sympa non ? Toujours pas content ? Bon, si tu insistes espèce de libriste autonomiste, il y a moyen d’installer son propre serveur Accounts. Quand même ! Mais attention, la doc est préfixée d’un avertissement qui dit : « Cette doc est brouillon et incomplète, déso-lol ! P. S : sinon, il y a une image Docker à utiliser à vos risques et périls ». Il y a vraiment marqué ça sur la page d’installation : « à vos risques et périls ». Ça donne grave envie, non ?
Je suis désolé si c’est un peu trop technique pour une chronique radio, mais c’est important. Même si vous arrivez à installer ce bordel bien comme il faut, avec la doc obsolète et éparpillée, il vous reste un dernier obstacle et c’est le plus difficile : indiquer à vos utilisateurs qu’il faut aller dans « about:config » c’est-à-dire les options avancées qui font peur, et changer l’option « identity.sync.tokenserver.uri », il faut remplacer « https://token.services.mozilla.com/1.0/sync/1.5 » avec l’URL du serveur que tu viens d’installer.
Si dans un podcast de Libre-Nerd c’est compliqué, imagine auprès de ton asso, ton chaton, ton FAI alternatif et autre, qui veut proposer ce service très sympa et très tentant à des êtres humains. Je me permets de douter de Mozilla qui dit qu’ils font la promotion d’un Internet décentralisé… Non ! Pas avec ce genre de truc en tout cas. Ils font plein de trucs bien, mais là, c’est de la merde de taureau. Pardon, je veux dire du bullshit.
Je vais rajouter une petite couche car c’est vraiment un point qui me fait chier à travers un bouchon de liège : si tu installes ton propre serveur de compte, il faut modifier encore plein d’autres réglages dans le fameux « about:config ». Franchement, du côté utilisateur, on va directement chez Google et on arrête les conneries d’idéaliste libriste égalitariste techno-émancipé.
Firefox Sync n’est pas utilisable sans passer par l’autorité centrale que voudrait devenir Mozilla.

Maintenant, parlons un tout petit peu de Thunderbird en cours. Thunderbird, le logiciel de courriel mourant, sera relancé, grâce à MZLA Technologies Corporation. Sympa ce nom ! Encore une fois, je doute. En effet, la relance de cet oiseau trouvé au bord de la route à moitié mourant car mal nourri depuis bien des années passe par une entreprise à but lucratif qui voudrait financer le développement du logiciel à travers des partenariats et des services. Eh oui, encore des services ! Quand je vois le budget global de Mozilla, environ un demi milliard d’euros par an, et comment ils galèrent à faire tourner deux logiciels, je n’arrive même pas à me dire qu’ils ne font pas n’importe quoi. C’est évident qu’ils doivent arrêter leur dépendance au fric de Google. Et nous, les personnes qui utilisons Firefox et Thunderbird, on doit devenir la source des finances de tout ça ; ça, c’est clair et net. Mais je ne pense pas que la bonne piste est à travers des services qui, pour la plupart, existent déjà ailleurs, notamment par des fournisseurs éthiques, dont les chatons et pas que, il y en a plein. Et encore pire, des services dont les logiciels serveurs ne sont pas utilisables, voire, dans certains cas, même pas libres comme avec Pocket.
Mozilla est en train de mettre les logiciels dont nous avons besoin au second plan, derrière des services tels que des VPN, proxys et bientôt un service de courriel, qui existent déjà ailleurs. Leur objectif ce sont des bénéfices plus qu’un Internet ouvert et participatif. Mozilla ne doit pas être à la fois l’éditeur du logiciel et le seul fournisseur des services qui vont avec, sinon, ce n’est pas vraiment libre.
Bon, j’aime bien Firefox, pour l’instant, j’étais fan depuis l’époque de Phoenix. J’adore le Mozilla, et j’aime me dire qu’il y a un dinosaure qui est de notre côté. Pour les gens qui ont oublié le dinosaure, c’était la mascotte de Mozilla, c’était un dinosaure rouge et noir, d’ailleurs dessiné par Shepard Fairey, l’artiste qui a fait OBEY et l’affiche Hope de Obama. Eh bien notre cher dinosaure a été mis à la retraite en janvier 2017. La mascotte a été enlevée et elle a été remplacée par « :// », le truc des URL C’est mieux non ? Ça ressemble plus à un logo digne d’une Silicon Valley enfin devenu adulte, un peu comme votre oncle banquier qui a fait mai 68.
J’ai peur, je crains que Mozilla ne soit en train de s’éloigner des valeurs qui nous ont conquis. Le dinosaure me manque !

Frédéric Couchet : Merci Manu pour cette chronique qui fait beaucoup réagir sur le salon web de la radio, je rappelle causecommune.fm, bouton « chat » et salon #libreavous. Je rappelle également que les personnes de l’équipe des chroniques sont libres de leur sujet, aucune censure à l’April, petite relecture. Évidemment si Mozilla veut un droit de réponse, cela pourra faire l’objet d’une belle émission avec toi et Mozilla.
Je précise aux gens qui sont sur le salon web de la radio que Manu, qui vient de faire la chronique, est présent sur le salon donc il va pouvoir répondre à toutes vos remarques, questions, « louanges », je mets des guillemets à « louanges ». Manu comme tu t’en doutes, ta chronique fait réagir.
En tout cas je te remercie, je te souhaite de passer une bonne fin de journée et on se retrouve le mois prochain.

Emmanuel Revah : Super. Merci beaucoup Fred et merci à tout le monde.

Frédéric Couchet : Merci Manu.
On va passer une pause musicale. On va écouter Nakturnal par Kellee Maize.

Pause musicale : Nakturnal par Kellee Maize.

Voix off : Cause Commune, cause-commune.fm 93.1.

Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter Nakturnal par Kellee Maize, disponible sous licence libre Creative Commons Attribution. Vous retrouverez les références sur le site de l’April, april.org, et sur le site de la radio, causecommune.fm.

Vous écouter toujours l’émission Libre à vous ! sur radio Cause Commune, la voix des possibles, 93.1 en Île-de-France et partout dans le monde sur le site causecommune.fm. Nous allons passer au sujet principal.

Agilité (un groupe de pratiques basées sur l'auto-organisation d'une équipe, l'ajustement permanent et mutuel… pour viser la satisfaction des équipes et de la structure cliente) et le logiciel libre

Frédéric Couchet : Nous allons poursuivre par notre sujet principal qui va porter