Libre à vous ! Radio Cause Commune - Transcription de l'émission du 1er septembre 2020

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Titre : Émission Libre à vous ! diffusée mardi 1er septembre 2020 sur radio Cause Commune

Intervenant·e·s : Jean-François Clair - Renaud de Colombel - Marie-Odile Morandi - Étienne Gonnu - Frédéric Couchet - Étienne Gonnu à la régie

Lieu :

Date : 1er septembre 2020

Durée : 1 h 30 min

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Page des références utiles concernant cette émission

Licence de la transcription : Verbatim

Illustration :

NB : transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.

Transcrit : MO

Transcription

Voix off : Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.

Frédéric Couchet : Bonjour à toutes. Bonjour à tous.
Quel plaisir d’entendre ce générique ! C’est la rentrée ! Nous espérons que vous avez passé un bel été malgré le contexte et que vous êtes en plein forme. Nous sommes ravis d’être de retour avec vous.
L’été a tout de même été actif de notre côté pour préparer une belle saison 4 de Libre à vous !, l’émission sur les libertés informatiques.
En ce jour de rentrée bien sûr on fait un message amical et un soutien à tous les élèves qui ont repris et aux personnels de l‘Éducation nationale avec un petit message particulier à ma femme qui est professeur des écoles et à mes trois enfants qui ont repris aujourd’hui.

Au programme du jour, eh bien on va parler d’Éducation nationale, de syndicats et du logiciel libre. Ce sera le sujet principal de l’émission, avec également au programme les nouveautés de la saison 4 de Libre à vous! et également la chronique de Marie-Odile Morandi qui nous fera un retour sur les chroniques de Véronique Bonnet intitulées « Partager est bon ». Nous allons parler de tout cela dans l’émission du jour.

Vous êtes sur la radio Cause Commune, la voix des possibles, 93.1 FM en Île-de-France et partout dans le monde sur le site causecommune.fm. La radio diffuse également en DAB+ en Île-de-France.

Soyez les bienvenus pour cette édition de Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre. Je suis Frédéric Couchet, le délégué général de l’April.
À la réalisation aujourd’hui mon collègue Étienne Gonnu en charge des affaires publiques. Bonjour Étienne.

Étienne Gonnu : Salut Fred.

Frédéric Couchet : Tu n’as pas trop chaud dans ton petit espace de régie avec le masque ?

Étienne Gonnu : Non, ça va.

Frédéric Couchet : Ça va. OK. Bonne réalisation.

Étienne Gonnu : Bonne émission à toi.

Frédéric Couchet : Le site de l’April c’est april.org, vous pouvez y trouver une page consacrée à cette l’émission avec tous les liens et références utiles, les détails sur les pauses musicales et toute autre information utile en complément de l’émission et également les moyens de nous contacter. N’hésitez pas à nous faire des retours pour indiquer ce qui vous a plu mais également des points d’amélioration.

Nous sommes mardi 1er septembre 2020, nous diffusons en direct, mais vous écoutez peut-être une rediffusion ou un podcast.

Si vous souhaitez réagir, poser une question pendant ce direct, n’hésitez pas à vous connecter sur le salon web de la radio. Pour cela rendez-vous sur le site de la radio, causecommune.fm, cliquez sur le bouton « chat » et rejoignez-nous sur le salon dédié à l’émission #libreavous.
Nous vous souhaitons une excellente écoute et tout de suite place au premier sujet.

[Virgule musicale]

Les nouveautés de la saison 4 de l'émission

Frédéric Couchet : Nous allons commencer par accueillir







On va faire une petite pause musicale.

[Virgule musicale]

Frédéric Couchet : Cette pause musicale n’a pas été proposée par Éric Fraudain, elle a été proposée par Marie-Odile Morandi qui interviendra en fin d’émission.
Nous allons écouter Pixel Peeker Polka par Kevin MacLeod. On se retrouve juste après. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : Pixel Peeker Polka par Kevin MacLeod.

Voix off : Cause Commune, 93.1.

Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter Pixel Peeker Polka par Kevin MacLeod disponible sous licence libre Creative Commons Attribution, CC By, c’est-à-dire que vous pouvez utiliser cette musique comme bon vous semble à partir du moment où vous créditez l’auteur de la musique. Vous retrouverez les références sur le site de l’April, april.org et sur causecommune.fm.
Vous écoutez toujours l’émission Libre à vous ! sur radio Cause Commune, la voix des possibles, 93.1 FM et en DAB+ en Île-de-France et partout dans le monde sur le site causecommune.fm.
Nous allons passer maintenant au sujet suivant.

[Virgule musicale]

Frédéric Couchet : Nous allons poursuivre avec notre sujet principal qui porte sur les syndicats de l’Éducation et le logiciel libre. Le sujet a été enregistré il y a quelques jours, car les deux personnes invitées travaillent aujourd’hui lors de la diffusion de l’émission car c’est la rentrée des classes comme vous le savez. Nous allons écouter ce sujet enregistré et on se retrouve après.

Syndicats de l'Éducation et logiciel libre, avec Jean-François Clair du SNES-FSU et Renaud de Colombel du Sgen-CFDT

Étienne Gonnu : Bonjour. Je m’appelle Étienne Gonnu, je suis en charge des affaires publiques pour l’April et j’ai le plaisir d’être aujourd’hui avec Jean-François Clair du Syndicat national de l’Enseignement supérieur, SNES-FSU, et Renaud de Colombel du Syndicat national Sgen-CGDT pour échanger sur la question du logiciel libre dans l’Éducation nationale avec la grille de lecture qui est la leur, celle des syndicats.
Nous sommes le mardi 25 août et, une fois n’est pas coutume, nous enregistrons notre sujet en avance pour la simple raison qu’au moment de la diffusion de l’émission qui sera, elle, en direct le mardi 1er septembre, ce sera la rentrée des classes et que nos invités seront, à ce titre, bien occupés.
Jean-François me corrige c’est de l’enseignement secondaire, pas supérieur. Excusez-moi.
Jean-François Clair, Renaud de Colombel. Bonjour. Je vais aussi préciser qu’étant donné le contexte sanitaire en Île-de-France nous enregistrons l’émission non pas en studio, dans le studio de la radio Cause Commune, bien sûr, mais à distance avec le logiciel libre Mumble comme nous le faisions à la fin de la saison précédente.
Pour commencer, est-ce que vous pourriez-vous vous présenter, s’il vous plaît, vous-même et vos structures syndicales ? Jean-François Clair du SNES-FSU est-ce que tu pourrais te présenter s’il te plaît ?

Jean-François Clair : Bonjour. Le SNES-FSU c’est le syndicat majoritaire dans l’enseignement secondaire, donc SNES, et FSU c’est la Fédération syndicale unitaire qui regroupe une quarantaine d’organisations syndicales essentiellement sur la fonction publique, mais originellement aussi autour de l’enseignement, donc on a le SNUipp pour le primaire, le SNESUP pour le supérieur, etc.
Le secondaire c’est de la 6ᵉ à la terminale avec quand même aussi, de temps en temps, des BTS et des classes préparatoires. Je ne sais pas ce que vous voudriez bien que je dise d’autre pour présenter, comme ça, juste le syndicat.

Étienne Gonnu : Et toi, du coup, je ne sais pas si tu travailles à temps plein dans ton syndicat. Quel est ton mandat dans ce syndicat ?

Jean-François Clair : J’ai oublié de me présenter effectivement, je pensais trop à mon organisation syndicale. Je suis professeur de mathématiques dans un collège REP + à Paris. J’ai une toute petite décharge de deux heures pour m’occuper du numérique. Donc je suis responsable de tout ce qui est numérique au sein du SNES-FSU. On a une équipe numérique qui travaille à l’intérieur du SNES de la même manière qu’il y a, de temps en temps, des regroupements des différents responsables ou interlocuteurs privilégiés des autres organisations syndicales à l’intérieur de la FSU. Par exemple, en ce moment, on est en train de travailler pour la FSU sur l’élaboration d’une demande de service public numérique pour l’Éducation.

Étienne Gonnu : OK. Je précise décharge, tu pourras me corriger, mais en gros, un certain nombre d’heures de temps de travail peuvent être allouées au travail pour le syndicat.

Jean-François Clair : C’est ça.

Renaud de Colombel: Absolument. C’est l’équivalent de ce que le privé appelle de la délégation syndicale.

Étienne Gonnu : Parfait.
Renaud de Colombel. Bonjour à nouveau. Est-ce que toi aussi tu peux te présenter ainsi que ta structure, s’il te plaît ?

Renaud de Colombel : Bonjour à tous et toutes, auditeurs, auditrices. Je suis Renaud de Colombel, je suis militant technique pour la fédération des Sgen-CFDT. Les Sgen ce sont les syndicats généraux de l’Éducation nationale, ce sont des syndicats qui représentent toutes les catégories de personnels, des titulaires comme des non-titulaires, des enseignants, des personnels techniques et administratifs, les personnels de direction, les secrétaires, etc. Le Sgen représente les personnels de plusieurs ministères, le ministère de l’Éducation nationale de la Jeunesse et des Sports, mais aussi de l’Enseignement supérieur de la Recherche et l’Innovation, la partie enseignement du ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation. Mon rôle, dans cette fédération syndicale, c’est d’être un peu la personne ressource numérique qu’on trouve dans les établissements pour la fédération, c’est-à-dire de fournir à mes camarades les moyens de travailler avec les outils numériques.

Étienne Gonnu : Du coup tu es déchargé à 100 % si je ne me trompe pas.

Renaud de Colombel : Voilà. J’étais professeur des écoles et je ne suis plus en classe pour le moment puisque je travaille à 80 % pour la fédération au niveau national et 20 % pour le syndicat Sgen-CFDT Alsace.

Étienne Gonnu : OK. Merci de ces précisions. C’est intéressant de voir justement qu’il y a différents profils, différentes manières de participer au sein d’une structure syndicale et, du coup, vos prismes de lecture peuvent aussi varier par rapport à ça. Je pense que c’est intéressant au-delà des positions politiques de vos syndicats respectifs.
Je vais d’ailleurs préciser que vos deux structures syndicales sont membres de l’April ce qui, du point de vue de l’April, dans la mission de promotion et de défense du logiciel libre, la mission qu’elle se donne, est quelque chose de très intéressant d’une part par l’impact politique que peuvent avoir les syndicats et des capacités de sensibilisation au sein des professions que vous représentez, en plus dans l’Éducation nationale, c’est quelque chose d’extrêmement important d’avoir du poids pour promouvoir et défendre le logiciel libre.
Avant qu’on aille au cœur de notre vaste sujet du jour, l’Éducation nationale et le logiciel libre, d’ailleurs il est possible qu’on fasse d’autres émissions sur ce sujet, sans doute même, au sein de cette saison 4 de Libre à vous !, je pense qu’il serait intéressant que vous nous précisiez votre grille de lecture justement, le sens de votre action et c’est pour ça que j’aimerais vous poser une question d’apparence toute simple : c’est quoi un syndicat ? Renaud, si tu veux continuer ta prise de parole.

Renaud de Colombel : Absolument. Un syndicat, si on regarde une définition comme celle qui est sur Wikipédia, par exemple, on peut lire, on peut résumer, « organiser de défense des intérêts des salariés ». Les salariés, je l’ai dit, pour nous ce sont toutes les catégories de salariés. Les intérêts des personnels c’est le suivi de carrière, le salaire, l’avancement, les conditions de travail, le recrutement, les horaires, ce qui est attendu par l’employeur. Comment on procède, entre guillemets, pour « défendre » tous ces personnels ?, eh bien tout simplement un, en écoutant les personnels en les rencontrant à différents niveaux dans les établissements, dans des réunions, dans des heures d’information, etc., sur les réseaux sociaux, dans nos colloques, dans nos conseils syndicaux. On construit ensemble des propositions, un peu un programme politique si on peut dire, qu’on va présenter après et essayer de faire adopter par l’administration dans différentes instances.

Étienne Gonnu : Super. Très clair. Merci. Jean-François quelle est ta lecture de cette question d’apparence simple ?

Jean-François Clair : Je n’ai pas grand-chose de différent à dire. Effectivement un syndicat c’est destiné essentiellement à défendre les salariés, les personnes qui travaillent, on pourrait parler plutôt de travailleurs dans un sens un peu plus général. Je préciserais juste une chose par rapport à ce que Renaud a dit quand il parlait de la façon dont on construisait une espèce de politique. En fait, on se dote à ce moment-là, à l’intérieur d’une organisation syndicale, de ce que l’on appelle des mandats. Par exemple, là moi je suis tout à fait mandaté pour parler au nom du SNES-FSU, je ne suis pas mandaté pour parler au nom de la FSU. Par contre, je peux présenter des mandats de la FSU puisqu’on est adhérents à la FSU. Donc il y a des structures à l’intérieur d’une organisation syndicale, mais, en gros, le syndicat est fait par ses syndiqués. C’est-à-dire que ce sont les adhérents qui vont déterminer à travers leur expression, leur action, les élections internes qu’il va y avoir dans l’organisation syndicale au moment des congrès, quelle est l’orientation que va devoir suivre l’organisation syndicale.

Renaud de Colombel : Absolument, c’est lors des congrès, c’est un peu comme quand on réunit le Parlement entre guillemets – les congrès ce n’est pas tout le temps, ce sont des évènements exceptionnels qui se tiennent à peu près tous les quatre ans chez nous – que les adhérents font entendre leur voix et pèsent par le vote. Nous, dans CFDT, le « D » c’est « démocratique », donc à tous les niveaux de nos instances, comme disait Jean-François, on prend des décisions sur des bases démocratiques, c’est-à-dire du vote des mandats en fonction du poids des uns et des autres.

Étienne Gonnu : Merci de ces précisions. C’est vrai que cette notion de mandat est très importante. Je me permets un petit parallèle que j’ai déjà fait par ailleurs. On voit aussi, peut-être d’une autre manière, un parallèle qu’on peut faire par rapport à une association comme l’April, l’April n’est pas du tout un syndicat, elle réunit non pas des travailleurs et travailleuses mais plutôt des personnes qui vont partager une certaine conception de l’intérêt général, une éthique, l’éthique du logiciel libre, qui vont se réunir au sein d’une structure pour défendre ce qui leur semble être leur éthique, tout simplement.
Puisqu’on commence justement à parler de politique, finalement de défense de certaines convictions, comme je disais vos deux structures sont membres, ont adhéré à l’April, donc ça montre déjà, ne serait-ce que par cette action, un engagement vers le logiciel libre. Pour l’April, comme je l’ai dit, c’est quelque chose de très positif, on est très heureux que ce genre de personne morale adhère, soit membre de notre association. À l’inverse, pourquoi selon vous c’est important pour des syndicats, notamment des syndicats de l’enseignement secondaire, d’adhérer à une association comme l’April ?

Renaud de Colombel : Jean-François c’est pour toi cette question parce qu’on parle du secondaire, moi ça sera une réponse un peu plus large.

Jean-François Clair : C’est très simple. C’est tout simplement parce que ça fait partie de nos convictions fondamentales. Depuis des années nous avons comme mandat, justement, la défense du logiciel libre et, dans la mesure du possible, l’utilisation prioritaire de tout ce qui est logiciel libre, parce que c’est aussi une philosophie, une façon de penser, on va dire, le monde informatique, donc ça nous a semblé tout à fait naturel de rejoindre l’April en y adhérant.

Renaud de Colombel : Si je peux me permettre de resituer un petit peu, enfin de rappeler certains principes peut-être pour les auditeurs qui découvriront le logiciel libre ou le logiciel libre dans l’Éducation nationale avec cette émission. Par rapport aux quatre libertés offertes par le logiciel, par la licence d’utilisation du logiciel libre, qui sont d’utiliser quel que soit, qui qu’on soit, où qu’on soit, d’étudier le code, voir comment fonctionne le logiciel, redistribuer les logiciels, avoir le droit de donner des copies de ce logiciel à qui on veut et puis de modifier et de diffuser ces modifications, nos valeurs, les valeurs de la CFDT, les cinq valeurs de la CFDT sont quasiment parallèles, on va dire, ou se recoupent largement avec les valeurs du logiciel libre.
Parmi les valeurs CFDT :

  • l’émancipation, avoir les outils pour être maître de sa vie ;
  • la démocratie : être acteur, participer aux prises de décision ;
  • l’indépendance de tout État, de tout parti, de toute religion, l’indépendance est aussi un des bénéfices de l’utilisation des logiciels libres ;
  • l’autonomie, ne pas être tributaire de ressources externes, est permise par le modèle économique du logiciel libre
  • et la solidarité, l’entraide, la défense du droit de tous et la lutte contre la discrimination sont assurées largement.

Je ne vous fais pas le détail des croisements qu’on peut avoir entre les quatre libertés du logiciel libre et les valeurs de la CFDT, ça paraît assez évident. C’est pour nous la base de notre adhésion au logiciel libre donc de notre soutien à l’April qui promeut et défend les logiciels libres au niveau national.

Étienne Gonnu : Super et merci. Je parlais d’éthique du logiciel libre, tu as parfaitement défini ce à quoi ça correspond. Merci Renaud de Colombel.
Du coup, si je comprends ce que vous nous dites, l’adhésion n’a pas fait l’objet de résistances particulières, elle est arrivée comme une évidence au sein de vos structures ? Ou vous avez dû batailler pour l’obtenir, ce n’est pas toujours évident ?

Jean-François Clair : Dans le cas de mon organisation syndicale, ça n’entrait pas directement dans le champ des partenariats qu’on pouvait établir en général. Ceci dit, il n’y a pas eu de résistance particulière. Renaud a très bien expliqué les quatre points fondamentaux autour du logiciel libre. Comme il s’agit de valeurs qu’on défend aussi, c’est venu naturellement.

Renaud de Colombel : Personnellement, la petite anecdote de l’émission, c’est que moi j’ai rejoint un syndicat, le Sgen- CFDT, il y a plus de 20 ans parce que ce syndicat avait lancé un appel à soutenir le logiciel libre. Ils m’avaient envoyé ça dans un document Word, donc je suis allé les trouver et je leur ai proposé de leur apporter mon aide pour se mettre en conformité avec leurs idées. Ça fait quatre ou cinq ans, qu’on a adhéré à l’April, je ne sais plus, donc le chemin est parfois long, je ne suis pas le seul, il y a plein de monde dans nos structures qui est convaincu des intérêts des logiciels libres et de la nécessité de les défendre, de les faire avancer. « Le chemin est long mais la voie est libre », comme dirait Framasoft.

Étienne Gonnu : Belle citation. Tu soulèves quelque chose, je te donne la parole juste près Jean-François, que je pense important au-delà du sujet de l’Éducation nationale, au-delà de la question des syndicats, dans ton attitude. Tu as vu quelque chose, une incohérence, c’est quelque chose qu’on peut voir au quotidien avec les administrations, au sein d’une entreprise, peu importe. Il ne faut pas tout de suite arriver dans l’idée « ce sont des nuls, je vais leur rentrer dedans », mais au contraire y voir des opportunités de proposer autre chose, de montrer autre chose. On peut pointer une incohérence, et c’est bien de le faire, mais on peut le faire de manière constructive comme tu as su le faire et on voit du coup quel bénéfice ça a pu produire.
Jean-François clair, tu souhaitais ajouter quelque chose.

Jean-François Clair : Je voulais juste aller un peu dans le sens de ce qui disait Renaud, faire preuve aussi d’une forme de pragmatisme. C’est vrai que c’est toi qui viens de le signaler, à savoir qu’il y a aussi des mauvais réflexes, des habitudes. Il y a tout un apprentissage à faire parce que, finalement, le logiciel libre n’est pas toujours « formaté », entre guillemets, pour être aussi facilement utilisable que peut l’être celui qui est vendu de manière tout à fait commerciale et propriétaire, parce qu’il y a aussi ce côté propriétaire. Je vois bien, on est à l’April, au SNES on utilise énormément d’outils qui viennent du monde du Libre, l’ensemble de notre infrastructure informatique est basée sur des solutions libres et, à côté de ça, on a quand même toujours des collègues qui préfèrent sérieusement utiliser un document Word plutôt qu’utiliser un document, je ne me souviens plus comment ça s’appelle, en Apache.

Étienne Gonnu : OpenDocument.

Jean-François Clair : ODT, voilà, c’est ça.

Renaud de Colombel : C’est très important en tant que militant non pas syndical, mais militant du logiciel libre. Je fais aussi partie d’un LUG.

Étienne Gonnu : Qui est un groupe d’utilisateurs et d’utilisatrices de logiciels libres, je me permets juste de le préciser.

Renaud de Colombel : Merci Étienne, un groupe d’utilisateurs et d’utilisatrices de logiciels libres. Quand on milite, quand on agit dans un groupe comme ça et qu’on va à la rencontre du public, c’est pareil que quand on essaie d’expliquer ça à nos collègues, ça ne va pas de soi, mais expliquer, montrer les avantages, essayer d’emporter l’adhésion, est pour moi, de mon expérience, la seule démarche qui produise des fruits à long terme.

Étienne Gonnu : Très juste. Jean-François, tu souhaitais rajouter.

Jean-François Clair : Oui, j’aurais presque fait un parallèle, finalement, avec la protection des données et le RGPD [Réglement général de protection des données], c’est-à-dire qu’il y a une idée, une grande idée et derrière il faut arriver à la mettre en place et, pour la mettre en place, ça nécessite énormément de pédagogie.

Étienne Gonnu : On sait, de toute façon, surtout que vos structures ne sont pas des petites structures et c’est toute la logique d’accompagnement au changement dans des démarches pragmatiques aussi, en partant des besoins des utilisateurs et des utilisatrices. Toujours montrer l’exemple, ça ce sont des choses importantes.
Par ailleurs, vous avez répondu à une question que je me posais : au sein de vos structures qui affichent clairement les valeurs d’éthique du logiciel libre, quel est justement l’état d’utilisation ? Visiblement, de ce que je comprends dans ce que vous me dites, ça va plutôt dans le bon sens, ça traduit aussi en actes l’engagement à l’April.

Renaud de Colombel : Oui. Comme dans le cas de Jean-François et du SNES, enfin de la FSU, les infrastructures sont majoritairement sur des logiciels libres – serveurs, applications web, etc., mais on laisse le choix du système d’exploitation sur le matériel qu’on confie aux militants qui travaillent beaucoup avec nous, parce que certaines personnes ne veulent pas prendre le temps de découvrir de nouveaux usages et on se dit qu’on ne va pas les forcer et les braquer, mais plutôt leur montrer que sur l’ordinateur qui est équipé de Linux ça marche, peut-être des fois mieux, que sur l’ordinateur qui est équipé de Windows ; que LibreOffice, pour ce qu’on en fait, fonctionne tout aussi bien voire mieux que la suite Microsoft Office, etc. Chez nous on a à peu près 47 % d’ordinateurs personnels sous Windows et 42 % sous Linux, par exemple, plus des Mac pour les services de communication qui font de la PAO, etc.

Étienne Gonnu : Merci de ces précisions. On va avancer parce qu’en fait on n’est pas encore entrés dans le vif du sujet.
Jean-François, tu souhaites apporter une précision ?

Jean-François Clair : Juste un petit truc, quand on organise nos congrès, tous les congressistes ont accès à une salle informatique qui est installée et tous les postes sont sous Linux à ce moment-là. Les seuls postes qui peuvent être sous un autre système d’exploitation sont ceux qui appartiennent aux syndiqués.

Étienne Gonnu : C’est vrai qu’en plus, du coup, au sein de vos structures les membres d’organisations syndicales sont plutôt des gens qui ont un engagement politique et qui sont, du moins, plus susceptibles de passer à GNU/Linux et d’accepter ce pas supplémentaire.br/> J’aurais peut-être une dernière question avant qu’on fasse notre pause musicale et qu’on entre dans le vif du sujet de l’éducation. Puisque vous êtes des structures politiques, est-ce que vous avez le sentiment que les enjeux relatifs aux technologies numériques sont perçus, justement, comme des questions politiques notamment en termes de conditions de travail ce qui est un peu le sel de vos structures, ou est-ce que, entre guillemets, ça reste perçu comme juste « une petite question », un sujet technique qui ne concernerait que les geeks ? J’en appelle plus à votre sentiment qui est quelque chose d’empirique, mais quel est votre sentiment par rapport à ça ?

Renaud de Colombel : Je dirais que certains collègues sont sensibilisés à ces enjeux-là et voient la question comme politique, philosophique, etc. Ceux-là, quand ils arrivent vers nous, ont déjà franchi le pas de s’équiper en logiciels libres, soit c’est l’occasion parce que je travaille dans un service qui met les outils à disposition et qui peut faciliter la transition vers les logiciels libres, et puis d’autres le voient un peu comme une question technique. Je veux dire que c’est plutôt ceux-là qui se disent qu’ils vont se concentrer sur leur mandat politique ; ils n’ont peut-être pas de temps à dépenser à apprendre de nouveaux usages.

Jean-François Clair : En ce qui nous concerne, ça fait une bonne quinzaine d’années, maintenant, que je m’occupe du numérique au sein du SNES et ça a été l’occasion pour moi de lancer une dynamique à l’intérieur du SNES, justement pour en faire véritablement une question politique. En fait c’est assez paradoxal. On s’aperçoit qu’on a des collègues qui vont défendre à tout crin, on va dire, l’informatique libre et puis, d’un autre côté, ne vont pas hésiter à continuer de travailler avec un logiciel de Microsoft pour publier leurs textes ou pour faire leurs présentations. On est avec ce paradoxe que pointait Renaud à savoir que oui, parfois il y a des collègues qui sont plus, comment dire, sur leur mandat politique hors numérique ou informatique et considèrent que ça ce sont plus des questions techniques. Une chose est sûre : actuellement l’évolution de la société fait que les gens se posent de plus en plus de questions et que les collègues sont de plus en plus sensibilisés à toutes ces questions de logiciel libre et de principes qui se retrouvent derrière.

Étienne Gonnu : Parfait.

Renaud de Colombel : Tout à l’heure je parlais de prendre des décisions démocratiques. Le soutien au logiciel libre par notre organisation a fait l’objet de débats et de prise de position officielle. C’est-à-dire que même si tout le monde dans la Fédération ne travaillait pas avec des logiciels libres, la majorité d’entre nous a pris la décision de dire que notre organisation soutenait les logiciels libres.

Étienne Gonnu : Merci de ces précisions.
Je vous propose comme je vous le disais, de faire une pause musicale.

[Virgule sonore]

Étienne Gonnu : Nous allons écouter Uncatchable d’Alexandr Zhelanov. On se retrouve juste après. On vous souhaite une belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : Uncatchable par Alexandr Zhelanov.

Deuxième partie

Étienne Gonnu : Nous venons d’écouter Uncatchable