Libre à vous ! Radio Cause Commune - Transcription de l'émission du 16 février 2021

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Titre : Émission Libre à vous ! diffusée mardi 16 février 2021 sur radio Cause Commune

Intervenant·e·s : Vincent Calame - Adrien Bourmault - Baptiste Lemoine - Isabella Vanni - Luk - Frédéric Couchet - Étienne Gonnu à la régie

Lieu : Radio Cause Commune

Date : 16 février 2021

Durée : 1 h 30 min

Podcast provisoire

Page des références utiles concernant cette émission

Licence de la transcription : Verbatim

Illustration :

NB : transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.

Transcription

Voix off : Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.

Frédéric Couchet : Bonjour à toutes. Bonjour à tous.
Des démarches pro-libres dans l’éducation, c’est le sujet principal de l’émission du jour, avec également au programme la chronique de Vincent Calame sur le thème de la légende dorée de la communauté spontanée et, en fin d’émission, peut-être la présence exceptionnelle de Luk pour sa chronique sur le thème « Je suis suprémaciste ».

Vous êtes sur la radio Cause Commune, la voix des possibles, 93.1 FM et en DAB+ en Île-de-France et partout dans le monde sur le site causecommune.fm.

Soyez les bienvenus pour cette nouvelle édition de Libre à vous !, l’émission qui vous raconte les libertés informatiques, proposée par l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.

Je suis Frédéric Couchet, le délégué général de l’April.
Le site web de l’April c’est april.org, vous pouvez y trouver une page consacrée à cette émission avec tous les liens et références utiles et également les moyens de nous contacter. N’hésitez pas à nous faire des retours ou nous poser toute question.

Nous sommes mardi 16 février 2021, nous diffusons en direct, mais vous écoutez peut-être une rediffusion ou un podcast.

À la réalisation de l’émission pour le démarrage Adrien Bourmault et, pour la suite, Étienne Gonnu. Bonjour les amis.

Adrien Bourmault : Salut.

Étienne Gonnu : Salut.

Frédéric Couchet : Pour participer à notre conversation aujourd’hui 09 72 51 55 46 ou via le salon web de la radio sur causecommune.fm, bouton « chat », sur le salon #libreavous.

Tout de suite place au premier sujet.

[Virgule musicale]

Chronique « Jouons collectif » de Vincent Calame, sur le thème « Viens à l'aventure avec nous »

Frédéric Couchet : Vincent Calame






Nous allons faire une petite pause musicale.

[Virgule musicale]

Frédéric Couchet : Nous allons écouter un morceau qui, je crois, avait été suggérée par Vincent dans une précédente émission qui s’appelle La valse des vieux sabots par Les bretons de l'est. On se retrouve dans deux minutes. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : La valse des vieux sabots par Les bretons de l'est.

Voix off : Cause Commune, 93.1.

Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter La valse des vieux sabots par Les bretons de l'est disponible sous licence Art Libre. Vous retrouverez les références sur le site de l’April, april.org, et sur le site de la radio, causecommune.fm.

Vous écoutez toujours l’émission Libre à vous ! sur radio Cause commune, la voix des possibles, 93.1 FM en Île-de-France et en DAB+, partout dans le monde sur le site causecommune.fm.

Nous allons poursuivre avec notre sujet principal.

[Virgule musicale]

Démarches pro-Libre dans l'éducation

Frédéric Couchet : Nous allons donc poursuivre avec notre sujet principal qui va porter sur les démarches pro-libre dans l’éducation. N’hésitez pas à participer à notre conversation au numéro au 09 50…, non, ce n’est pas ce numéro-là, je ne vais pas le dire, je sais que ce n’est pas le bon. En tout cas vous pouvez participer sur le salon web dédié à l’émission, sur le site causecommune.fm, bouton « chat » et ce sujet long va être animé par ma collègue Isabella Vanni à qui je passe la parole immédiatement.

Isabella Vanni : Merci Fred. Bonjour à tout le monde.
Aujourd’hui nous avons avec nous Adrien Bourmault, bénévole à l’April et étudiant du supérieur en informatique, et Baptiste Lemoine, ingénieur free-lance en recherche et développement logiciel, parent d’élève, également bénévole à l’April. Merci d’avoir accepté notre invitation. Tous les deux vous vous êtes vu proposer, voire imposer, un service non libre et non respectueux des données personnelles, soit par votre établissement éducatif soit par celui de votre enfant et vous avez alors entrepris des démarches pour alerter vos interlocuteurs sur les enjeux d’une informatique libre et loyale. Nous allons en savoir plus lors de notre échange.
Bonjour.

Adrien Bourmault : Salut.

Baptiste Lemoine : Bonjour.

Isabella Vanni : Pour commencer, je vous propose de vous présenter très brièvement. Adrien, tu veux commencer ?

Adrien Bourmault : Je m’appelle Adrien Bourmault. Je suis bénévole à l’April, entre autres à la régie de Libre à vous ! aujourd’hui juste avant qu’Étienne prenne le relais, également coanimateur système du Chapril pour le service XMPP et étudiant en informatique à Paris.

Isabella Vanni : Merci. Baptiste.

Baptiste Lemoine : Je fais des sites web en tant que free-lance depuis un paquet de temps. Je suis aussi bénévole au Chapril pour le service Mobilizon.

Isabella Vanni : Merci beaucoup. On peut rentrer dans le vif de la question. Comme je disais en introduction, votre établissement ou celui de votre enfant vous a proposé, voire imposé, un service non libre, non respectueux de vos données personnelles. Je voudrais savoir de quel logiciel, de quel service il s’agissait. Baptiste, tu veux commencer ?

Baptiste Lemoine : Pour ma part c’est dans l’école maternelle de ma fille qu’on nous a imposé l’utilisation du logiciel Klassroom qui est un logiciel qui permet de faire un blog pour la classe et d’échanger avec les professeurs.

Isabella Vanni : Très bien. Quelle a été ta réaction ? Tu as compris tout de suite qu’il s’agissait d’un logiciel propriétaire, qu’il pouvait y avoir des problèmes aussi côté respect des données personnelles ?

Baptiste Lemoine : Tout à fait, oui. À l’inscription, on nous a demandé notre mail pour parler entre professeurs et parents et ensuite, par mail, on nous a dit « tiens, inscrivez-vous là ». Donc c’était un petit peu comme Gaston Lagaffe qui dit « je t’ai fait un courrier pour dire que je t’ai envoyé un mail », c’était un peu drôle au début. Ensuite je suis allé voir un petit peu en quoi le logiciel consistait. J’ai tout de suite vu dans mon navigateur qu’il y avait un certain nombre de trackers qui étaient présents et des choses qui étaient impossibles à désactiver. Je me suis dit « tiens ! », ça m’a rappelé ce que j’ai vu du RGPD, le Règlement général sur la protection des données et je me suis dit qu’il y avait un petit problème. Je suis allé un peu plus loin pour vois ça et j’en ai alerté l’enseignante qui a ensuite demandé à ce qu’on se rencontre pour en parler.

Isabella Vanni : Si j’ai bien compris, il n’y a pas eu de choix. On vous a dit : « Voilà, ça c’est le logiciel avec lequel nous allons communiquer ».

Baptiste Lemoine : Exactement. C’est bien ça. On nous a dit « inscrivez-vous là ». S’il y a eu une concertation moi je ne lai pas eue. S’il y a eu des propositions d’autres choses, on ne les a pas vues. On était devant le fait accompli, « on va utiliser ça, maintenant il faut vous inscrire là pour profiter de ce qu’on va faire avec ».

Isabella Vanni : Est-ce qu’il y avait une autre façon de communiquer avec les enseignants ? C’est-à-dire que les courriels étaient aussi envisagés ou c’était le seul canal ?

Baptiste Lemoine : Tout à fait. L’académie fournit des adresses mails spéciales aux enseignants qui ne sont pas leur adresse personnelle. Comme ça ils peuvent diffuser auprès des parents sans être embêtés sur la gestion des contacts. Donc il y a d’autres moyens de communiquer. Il y a aussi le carnet rouge qu’on donne aux enfants, qui est ensuite transmis aux parents. Quand on est dans une classe avec plein de gamins on ne peut pas discuter individuellement avec les parents à la fin des cours comme on le ferait avec une micro crèche où il n’y a que dix personnes et là on a vraiment le temps de faire la transmission de ce qui s’est passé dans la journée. Là il y a d’autres moyens de communiquer. Il y avait même l’e-mail qui est moyen tout à fait simple et constructif de faire des échanges. Ce qui a été choisi c’est donc une solution logicielle privatrice.

Isabella Vanni : Est-ce qu’il y a eu une présentation exhaustive de ce logiciel ?

Baptiste Lemoine : Non. On a dû découvrir le truc en allant sur le site et c’est pareil pour les professeurs. J’ai eu un retour comme quoi les enseignants ont dû se débrouiller pour apprendre à s’en servir. Ils ont d’abord reçu une présentation de la part de gens qui font du marketing pour la boîte de Klassroom et ensuite on leur a dit « regardez, notre truc est vachement bien, c’est gratuit, vous pouvez avoir plus de choses si vous payez ». Et voilà ! Ils ont peut-être eu, à un moment, une présentation mais c’est par un effet d’influence dans l’école que des gens se sont dit « ce serait bien qu’on utilise tous ça ».

Isabella Vanni : OK ! Merci pour cette première présentation. Je vais passer la parole à Adrien. De quel logiciel propriétaire s’agissait-il dans ton cas ?

Adrien Bourmault : On a voulu nous proposer, enfin nous imposer l’utilisation du logiciel Zoom, en fait tout simplement pour donner à la fois les cours, les TD, les TME, Travaux machine encadrés, et également les examens. Ça a d’abord commencé par les cours. On nous a dit que les cours auraient lieu sur telle adresse, merci de vous y connecter à l’heure, évidemment sans avoir présenté avant quel était l’outil, sans jamais avoir expliqué ce qu’on allait y faire exactement, ça s’est fait vraiment très vite, comme ça, tout simplement en donnant l’adresse. Déjà, à partir de ce moment-là, j’étais réticent à utiliser le logiciel, j’ai écrit quelques mails à mes enseignants qui ne m’ont jamais répondu. Le moment où j’ai commencé un petit peu à m’exciter, c’est-à-dire que je me suis dit il va falloir que je réagisse, que j’aille plus haut. Donc j’ai envoyé un mail au directeur de l’UE.

Isabella Vanni : Tu peux expliquer ?

Adrien Bourmault : C’est l’Unité d’enseignement, en gros c’est la matière. Je lui ai écrit un mail, il m’a répondu assez sèchement que c’était son choix et qu’il était libre de faire ce qu’il voulait. J’ai été encore plus haut, j’ai envoyé un mail à la directrice des études de mon UFR [Unité de formation et de recherche]. Ce qui s’est passé c’est qu’au départ elle a défendu son enseignant et finalement, sous mes menaces de porter plainte auprès de la CNIL ça a bougé et j’ai pu, ensuite, proposer des alternatives. Mais au départ sans aucune concertation ni même les syndicats des étudiants ni même les représentants étudiants n’étaient au courant de ce choix de logiciel : ça avait fait en amont par les dirigeants de l’université sans avoir consulté personne.

Isabella Vanni : Est-ce que tous les professeurs ont proposé ce logiciel ?

Adrien Bourmault : Quasiment tous. Tous ont au moins cité ce nom-là. Certains ont décidé de faire autre chose après avoir été soit contactés par moi soit en ayant eux-mêmes réfléchi mais tous ont déjà au moins cité le nom du logiciel.

Isabella Vanni : D’accord. Si j’ai bien compris ils vous ont proposé, voire imposé ces logiciels sans les présenter, sans expliquer pourquoi. Normalement il faut demander un consentement éclairé aux personnes qui utilisent des logiciels qui prévoient aussi l’utilisation des données personnelles. Et cette question, ce consentement ne vous a pas, non plus, été demandé ?

Adrien Bourmault : D’ailleurs on ne m’a jamais orienté vers le Délégué à la protection des données ou quoi que ce soit dans ce style-là. Je ne sais toujours pas, à l’heure actuelle, qui est responsable de la collecte et du traitement des données personnelles.

Isabella Vanni : Je crois que tu m’avais dit que tu avais essayé de le contacter.

Adrien Bourmault : J’avais essayé. J’avais demandé à la directrice des études de m’orienter vers cette personne et jamais ça n’a été fait parce qu’on ne m’a jamais répondu à ce sujet.

Isabella Vanni : D’accord. C’est assez incroyable. Je fais une petite parenthèse. Si vous allez sur Internet – je parle à nos auditeurs et auditrices – il y a, en fait, sur des sites, le site du ministère de l’Éducation nationale ou le site que la CNIL a consacré au numérique à l’école, l’informatique à l’école, des pages qui expliquent ce qu’est le RGPD, le Réglement général sur la protection des données. On explique ce qu’est un Délégué à la protection des données. Il y a des listes avec tous les contacts, toutes les adresses pour contacter son délégué. Ce Délégué à la protection des données personnelles a vraiment la fonction de conseiller, de veiller à ce que les données personnelles soient respectées. Ce que veux dire par là c’est qu’il y a des choses qui, sur le papier, sont mises en place pour la tutelle, pour sauvegarder les données personnelles des élèves et des étudiants. Mais il y a visiblement quelque chose qui bloque, il y a une communication qui ne passe pas.

Baptiste Lemoine : Tout à fait. Il y a plusieurs points qui n’allaient pas. Je tiens quand même à noter qu’on nous a demandé si on voulait s’opposer, enfin si on voulait ou pas qu’on publie des photos de nos enfants dans Klassroom. Ça aurait pu être n’importe quel autre logiciel, ça aurait pu être tout et n’importe quoi parce que la protection de l’image existe bien en dehors de l’utilisation d’Internet. Je ne me souviens si on nous l’a demandé avant ou après que j’ai fait ma réaction par mail pour dire « attention, méfiez-vous quand même de ce truc-là, j’ai repéré que ça ne respecte pas le RGPD, il faudrait peut-être que vous en parliez à vos supérieurs ». Donc on nous a bien demandé de rayer la mention inutile entre « J’accepte qu’on publie des photos de mon enfant sur ce logiciel » ou « Je n’accepte pas ». Ça on nous l’a demandé dans le carnet de correspondance, le cahier avec un petit imprimé papier. C’est là que j’aurais bien aimé avoir l’historique vraiment précis de comment ça s’est passé parce que c’était en septembre. On nous a demandé est-ce qu’on s’oppose ou pas.
En fonction de ça, il fallait ensuite qu’ils décident comment ils allaient interagir avec ce logiciel s’il y avait des parents qui s’opposaient au truc. En fait ça les a désorientés parce que, clairement, moi j’ai marqué tout de suite « je ne veux absolument pas qu’il y ait des infos relatives à ma fille sur ce site et cette application », parce qu’il y a un site et une application. Pour leur dire que ce n’était pas juste une de mes lubies, je leur ai fait un lien vers le rapport d’Exodus Privacy à propos de Klassroom, donc de l’application.

Isabella Vanni : Est-ce que tu peux dire ce qu’est Exodus Privacy ?

Baptiste Lemoine : Exodus Privacy est une association qui examine tous les pisteurs qu’on peut trouver dans des applications. Eux vont nous dire précisément voila les autorisations qui sont demandées par telle application, à quelles entreprises sont envoyés vos données, comment ça fonctionne. Tout ça ce sont des choses qu’on peut auditer relativement facilement et, bien sûr, il y a toute une partie qu’on ne peut pas auditer quand c’est privateur à moins d’être considéré comme un criminel.

Isabella Vanni : Très bien ! OK ! Je savais ce qu’est Exodus Privacy. J’ai aussi eu l’occasion de l’utiliser pour des applications libres.
En ce qui concerne le droit à l’image dont tu parlais, c’est quelque chose qui existe bien évidemment au-delà des services informatiques qu’on peut proposer aux parents d’élèves. Le droit à l’image est aussi très cadré. C’est-à-dire que normalement, pour publier la photo d’un enfant, il faut l’accord des deux parents et, de plus, il faut que soit indiqué précisément pour quel usage l’image sera utilisée, donc il faut qu’il y ait un cas spécifique et aussi dans le temps. Il faut faire gaffe aussi. Je voulais savoir si la question sur le consentement pour le droit à l’image avait été faite dans les règles de l’art en ce qui te concerne.

Baptiste Lemoine : Ce n’est pas évident. Ce n’est vraiment pas évident, parce que du coup l’intérêt, si j’ai bien compris le besoin qui était derrière ça, c’était suite au confinement les parents voulaient voir ce que faisaient leurs enfants, ils voulaient les voir en image et ils voulaient que ce travail-là soit fait par des professeurs.
Au début, je me dis que c’est un peu bizarre comme besoin. Il y a des parents qui ont peut-être trouvé le moyen de l’avoir. Du coup, quand on fait des rapports visuels, un texte qui dit aujourd’hui on a fait ça, on fait tel montage, on a appris, on a fait telle chanson, du coup il y a des enregistrements qui sont faits et s’il y a des enfants qui ne doivent pas être inclus dans les enregistrements, c’est compliqué parce que la classe n’a pas une taille infinie, on ne peut pas prendre de tous les angles qu’on veut, quand on enregistre on ne peut pas faire tout à fait ce qu’on veut et, théoriquement, même la main d’un enfant pour qui on a dit « je ne veux pas qu’il y a la photo de cet enfant-là », on n’est pas censé la prendre en photo si les parents s’opposent. Dès qu’on fait des trucs de groupe c’est un peu compliqué à vraiment mettre en place. Donc, même si on veut bien faire les choses, c’est compliqué à respecter.

Isabella Vanni : Très bien.
Je passe à nouveau la parole à Adrien qui nous faisait un teaser, un petit teaser tout à l’heure, c’est-à-dire qu’effectivement au-delà de Zoom, il y avait aussi la possibilité d’utiliser un logiciel qui est libre, respectueux des données personnelles et qui, de façon incroyable ou pas, était à disposition, c’est-à-dire qu’il était déjà installé et disponible pour les professeurs. Tu peux nous en parler plus s’il te plaît ?

Adrien Bourmault : En fait le problème venait du fait que de la façon dont est organisée l’université, on a deux administrations. D’abord l’administration de l’UFR, qui est l’Unité de formation et de recherche, et l’administration générale de l’université. L’organisation générale avait décidé d’acheter des licences pour Zoom qu’elle fournissait donc à tous les UFR, y compris l’UFR d’informatique, de physique, de chimie ou de je ne sais quoi, et il y avait l’administration de notre UFR, celui d’informatique qui avait décidé, dont certains membres avaient décidé de mettre en place un serveur BigBlueButton dans l’ENT, l’Environnement numérique de travail de l’université.

Isabella Vanni : On va rappeler brièvement ce qu’est BigBlueButton pour les personnes qui ne connaissent pas.

Adrien Bourmault : BigBlueButton est un outil de visioconférence, avec un tableau intégré, la possibilité de mettre une présentation, de faire du partage d’écran, avec un chat en live pour discuter rapidement, poser des questions. Il y a aussi des notes partagées, intégrées. Il y a plein de choses très sympas et ça avait été mis en place sur Moodle, sur l'ENT qui est un logiciel qui est utilisé quasiment par toute l’université, que je connais. Et ça avait été mis en place. Simplement que des enseignants s’étaient dit « j’ai le choix entre les deux propositions de l’administration » et beaucoup se sont tournés vers la proposition de l’administration générale qui, pour eux apparemment, paraissait plus commode, alors que ça demandait aux étudiants de créer un compte sur Zoom, alors que pourtant, avec BigBlueButton, on n’avait pas besoin de créer de compte, c’était déjà intégré avec nos identifiants de l’ENT. Personnellement je n’ai pas compris quelle était la commodité supplémentaire à part d’utiliser un truc américain parce que c’est américain.

Isabella Vanni : Ou parce que c’était déjà connu, ou parce que peut-être qu’ils l’utilisaient déjà à titre personnel. Surtout, ce que tu dis, c’est compliqué : au moment où la faculté met à disposition deux solutions, les enseignants peuvent aussi avoir tendance à faire confiance à ce que l’université propose.

Adrien Bourmault : Oui, tout à fait puisque, en plus, l’administration générale présente ce contrat comme évidemment tout à fait légal, il est légal. Simplement, il ne précise pas qu’il faudrait pouvoir consentir ou non à l’usage des données personnelles et aucun des enseignants n’est allé lire les conditions générales d’utilisation. Aucun ! Et aucun ne nous a présenté ça comme étant d’accepter les conditions d’utilisation du présent logiciel. Quand on nous a envoyé un lien vers Zoom il n’y avait pas marqué « attention, en utilisant Zoom vous devez créer un compte, donc accepter les conditions d’utilisation ». Ça été ma première réaction, c’est de dire « vous me demandez de créer un compte sur un service qui dit qu’il va traiter commercialement mes données. Et si je ne veux pas, qu’est-ce que je fais ? »

Isabella Vanni : Tout à fait. C’est assez incroyable parce que, si j’ai bien compris, dans les deux cas les enseignants ont accepté cette solution sans se poser trop de questions par rapport à cette question des droits et de la protection des données personnelles. Si j’ai bien compris c’était un sujet qui n’était même pas dans leur radar de réflexion.

Baptiste Lemoine : C’est le genre de chose qui n’est absolument pas réfléchi parce qu’il y a toute une chaîne de commandement qu’il faut suivre. Quand on est dans l’éducation, de ce que j’en compris, c’est un peu comme l’armée : il ne faut pas tout le temps surmonter les ordres qu’on nous donne au-dessus. Si on nous recommande tel truc ce n’est même pas dans notre intérêt d’aller dire « vous êtes sûr que machin ? », c’est direct chantage à l’emploi. Chantage à l’emploi c’est encore quand ça se passe bien, d’après ce que j’ai vu. Questionner, remettre en cause les choses qui viennent d’une hiérarchie qui a beaucoup de pouvoirs sur les gens c’est toujours compliqué. C’est vrai dans n’importe quel métier qui fonctionne avec le même type de fonctionnement vertical. Rechercher des choses ce n’est même pas de l’ordre du possible, envisageable.
Même en dehors de ça, je ne les blâme pas non plus parce que je sais que qu’on est sous l’eau quand on travaille avec beaucoup d’enfants et même quand on ne travaille pas avec des enfants ou des jeunes adultes ou des adultes, c’est hyper-compliqué de faire proprement de la recherche sur tout ce qui est possible. Il faut juste qu’on ait vent d’un truc, qu’on nous le vende bien, qu’on nous dise que ça existe, rien que proposer des alternatives existantes ce sont des choses que les gens n’ont pas.

Isabella Vanni : Tu parlais de hiérarchie. Tu as même évoqué l’armée comme façon de fonctionner. Pourtant, si on remonte dans la hiérarchie, le ministère de l’Éducation nationale a diffusé un document, une circulaire, tout au début de la pandémie, on était au printemps 2020, où il faisait un focus, très bien fait par ailleurs, très détaillé – vous trouverez les références sur la page de l’émission d’aujourd’hui –, c’était un focus à la fois sur Zoom et sur Discord, ce n’était pas sur Klassroom, le logiciel dont tu nous as parlé. C’est une circulaire qui a été réceptionnée par chaque académie et chaque académie l’a, à son tour, relayée. Ça venait du ministère et c’était marqué « ce type de logiciel est à proscrire ».

Baptiste Lemoine : Exactement. C’est : on vous interdit d’utiliser ce truc-là.

Isabella Vanni : Ce n’était pas marqué « on vous interdit », c’est là toute la nuance. En français « à proscrire » ça veut dire je ne vous recommande pas de le faire.

Baptiste Lemoine : Ce n’est pas un ordre.

Isabella Vanni : Après est-ce que ça a un pouvoir impératif, légal, contraignant, jusqu’à quel point, je ne sais pas. Mais c’est quand même assez détaillé, il y a toutes les raisons pour lesquelles il ne faut pas utiliser ces logiciels. Même la CNIL a fait une page sur le site qu’elle consacre à l’informatique à l’école – vous trouverez à nouveau les références sur la page de l’émission d’aujourd’hui – où c’est très bien détaillé, ce qu’est le RGPD, le Règlement général sur la protection des données, ce qu’il faut faire pour les enseignants, les parents, etc. En fait les informations sont là.

Baptiste Lemoine : Exactement.

Isabella Vanni : Après il y a aussi le choix des outils et il y a aussi le fait que chaque académie, chaque collectivité devrait mettre à disposition un ENT, un Espace numérique de travail. Quelques collectivités essayent de le faire dans les règles de l’art et d’autres n’ont pas les moyens ou la volonté de le faire. Donc il y a plusieurs choses en jeu. Je dis ça, juste pour ne pas tout mettre sur les épaules des enseignants.

Adrien Bourmault : Bien sûr. Je constate que l’Éducation nationale a quand même essayé un petit peu de pousser vers le logiciel libre puisqu’ils ont mis en place Apps.education.fr. La région Île-de-France a aussi mis en place des choses, notamment une instance BigBlueButton qui est sur l’ENT Île-de-France. Donc tout n’est pas non plus complètement à jeter. Il y a des choses bien qui ont été faites. Le problème c’est que, apparemment, il y a aussi des chefs d’établissement qui permet des initiatives autres que ce qui a été proposé par le ministère.

Isabella Vanni : Tu as très bien fait de rappeler Apps.education.fr, on l’a mis dans les références, parce que c’est une plateforme qui a été développée par des agents de l’État. En fait, après, chaque académie pouvait proposer les mêmes services sur une plateforme dédiée et il y avait justement des outils complètement libres à disposition des enseignants pour leur travail. Donc quelque chose de magnifique, quelque chose de très important pour le mouvement du logiciel libre en France et qui a vu la lumière dans une période compliquée pour tout le monde, pendant la pandémie. C’était vraiment une très belle nouvelle.
On va poursuivre notre échange. On a parlé un petit peu des logiciels qu’on vous a proposés, de vos réactions. Je voulais savoir un petit peu quelles démarches vous avez mises en place, d’ailleurs tu en as déjà un peu parlé, pour essayer de décoincer un peu la situation. Toi, si j’ai bien compris, tu ne pouvais pas assister aux cours et tu ne pouvais même passer l’examen vu que tu ne voulais pas que tes données soient commercialisées.

Adrien Bourmault : Au départ je n’ai pas pu assister aux cours en direct. En négociant un petit peu j’ai quand même dit que j’avais tout à fait le droit de refuser de faire ce partage des données personnelles, en plus pour un traitement commercial. On m’a proposé de m’envoyer les cours en différé. Ça s’est fait peut-être pendant un mois ou deux, l. Là on est au tout premier confinement, on est en mars de l’année dernière. Finalement, ce qui s’est passé, c’est qu’on a arrêté de m’envoyer des cours ou on m’a envoyé des cours via Zoom en fait. Ça c’est arrivé, c’est-à-dire qu’on m’envoie un lien Zoom différé, qui est un lien Zoom qui contient une vidéo. Évidemment les anti-trackers qui sont sur mon navigateur m’ont permis d’avoir une page blanche, c’était super. Donc j’ai fini par demander à des camarades de m’envoyer les cours, tout simplement, de les télécharger sur ce lien Zoom parce que, eux, n’avaient pas de problème à l’utiliser et de m’envoyer la vidéo. Franchement c’était assez moyen !
D’autres yeux qui avaient commencé à utiliser Zoom ont fini par écouter mes arguments et certains professeurs sont tombés d’accord avec moi et m’ont proposé des alternatives. Ils ont proposé d’être sur les deux en même temps et quelques-uns ont même carrément basculé sur BigBlueButton.
On disait tout à l’heure qu’il y avait Apps.education.fr pour l’enseignement secondaire, dans le supérieur il y a aussi des initiatives globales que j’ai découvertes assez récemment. La semaine dernière j’ai découvert qu’il y a une instance BigBlueButton du CNRS qui est mise en place pour les maths, qui est donc accessible par tous les professeurs qui sont connectés à Renater. En fait Renater c’est le grand réseau internet des chercheurs et enseignants-chercheurs en France et un peu dans le monde. On peut, avec ses identifiants-là, se connecter sur cette instance BigBlueButton et donner des cours. Ça s’appelle greenlight.lal.cloud.math.cnrs.fr/, je le mets là dans le salon. C’est une instance BigBlueButton qui est ouverte à tous les enseignants du supérieur quand ils sont titulaires. Malheureusement, quand ils sont contractuels, ils n’ont pas toujours les habilitations pour le faire, en tout cas tout titulaire peut le faire.
Tout simplement j’ai proposé ce genre d’alternative, j’ai même proposé cette instance-là et certains profs ont été d’accord pour l’utiliser. Sinon, pour le reste, j’ai tout simplement dû demander à mes camarades de m’envoyer les vidéos.

Isabella Vanni : Ce n’est pas génial pour un étudiant de voir ses droits à suivre des cours bafoués de cette façon.
Je vous propose de faire une petite pause musicale et je laisse la parole à Fred qui connaît le titre et qui pourra vous le présenter.

Frédéric Couchet : En plus, c’est moi qui l’ai choisie.
Juste avant ça, soutien absolu aux personnels de l’Éducation nationale et le je vous encourage à écouter l’Antenne libre que j’avais animée le 14 novembre dernier avec notamment trois enseignantes de Seine-Saint-Denis qui étaient intervenues par téléphone même quatre, voire cinq parce qu’il y avait aussi Pablo et Vincent-Xavier. En tout cas on avait consacré deux heures d’émission le 24/11/2020 aux conditions des professeurs dans cette période très compliquée. Donc soutien absolu aux personnels de l’Éducation nationale.
On va écouter une musique qu’on a déjà écoutée, mais je l’adore, vous allez bouger, je vous le promets. Ça s’appelle Requiem for a fish par The Freak Fandango Orchestra. On se retrouve dans quatre minutes. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : Requiem for a fish par The Freak Fandango Orchestra

Voix off :

Deuxième partie

Frédéric Couchet : Je vous avais dit que ça allait bouger. Nous venons d’écouter Requiem for a fish par The Freak Fandango Orchestra. La musique est disponible sous licence libre Creative Commons Partage dans les mêmes conditions, CC By SA.

Vous écoutez toujours l’émission Libre à vous ! sur radio Cause Commune, la voix des possibles, 93.1 FM et en DAB+ en Île-de-France, partout dans le monde sur le site causecommune.fm.

Nous allons poursuivre notre sujet principal qui concerne les démarches pro-Libre dans l’Éducation nationale avec Isabella Vanni, Baptiste Lemoine, Adrien Bourmault. Je vous repasse la parole.

Isabella Vanni : Merci Fred.
On a présenté un petit peu la situation vécue par nos deux personnes invitées, les démarches qu’elles ont faites auprès de leurs enseignants, auprès de leurs établissements. Je voulais savoir un petit peu comment s’est finalement terminée cette expérience. Par exemple Baptiste, quand tu as interpellé l’enseignante plus précisément, comment ça s’est terminé par rapport à l’usage que tu ne voulais pas faire de Klassroom.

Baptiste Lemoine : Il y a eu un bain de sang ! Non ! On a discuté. J’ai commencé par faire de la recherche sur ce que je pouvais lui proposer comme alternatives.

Isabella Vanni : Très bien.

Baptiste Lemoine : Je connaissais quelques ??? du style si on veut faire un blog on peut faire ça avec plein de choses. J’ai même vu qu’il y a des lycées qui utilisent Mastodon pour communiquer par classe, ils font des espaces privés et tout le monde n’y a pas accès. Etalab avait mis en place un truc pour ça.

Isabella Vanni : Tu peux rappeler ce qu’est Etalab ?

Baptiste Lemoine : Etalab c’est la section open data du gouvernement, ce sont ceux qui font data-gouv.fr. C’est un espace où on peut trouver énormément de données sous licence libre. C’est à partir de là, par exemple, qu’on peut suivre les infos sur le Covid par le ministère de la Santé. Sur ce site il y a plein d’administrations qui sont invitées à publier des documents publics là-dessus.
J’ai fait des recherches. Je me suis souvenu de ce que fait Framasoft avec « Dégooglisons » parce qu’on peut tout à fait utiliser ces outils-là pour faire des tas de choses, que ce soit de la rédaction, de la publication, de la visio. Comme tu disais on peut utiliser BigBlueButton,. Il y en plein qui sont déjà en place par des chatons et par d’autres donc par des collectifs de bénévoles qui mettent ces choses-là en place.

Isabella Vanni : Tu as cité CHATONS. Tu sais qu’à chaque fois qu’on dit « CHATONS », on est obligé d’expliquer l’acronyme. Est-ce que tu es préparé ?

Baptiste Lemoine : Mince ! Je suis prêt. C’est le Collectif des Hébergeurs Alternatifs, Transparents, Ouverts, Neutres et Solidaires. Donc il y a plein de choses qui sont en place, qui existent et que les gens peuvent utiliser gratuitement et le tout sans trackers dans tous les sens.
Je suis même allé chercher un peu plus loin ce qui n’allait pas dans Klassroom : les bases de données sont chez Google, les médias sont chez Amazon et ce sont des trucs qu’on ne pourrait pas désactiver même s’il y avait un bouton, sinon le site ne marche plus, tout simplement.

Isabella Vanni : On vous invite tous à vérifier où sont hébergées vos données, où est hébergé le service que vous utilisez, ça peut être une bonne action à faire.

Baptiste Lemoine : Exactement. Même si c’est marqué dessus « on est conforme au RGPD », c’est tout de même important de savoir qu’il y a des boîtes qui, techniquement, ne peuvent pas se conformer au RGPD parce qu’elles sont un territoire qui, en particulier, correspond à des lois ; il y a le CLOUD Act qui oblige à faire de la collecte de données. Donc oui, il y a un détail sur ça. Au début j’ai un petit peu essayé de dire pourquoi la protection des données c’est important, pourquoi ce n’est pas juste une contrainte qui est un peu emmerdante et tout. Je n’étais pas en train de sortir les documents de Snowden à la professeure, parce que je sais que c’est un truc complexe à comprendre, tout le côté critique de la vie privée n’est pas évident à saisir – Klassroom c’est avec un « k » voilà, c’est ça.
Les problématiques de vie privée sont des sujets complexes qu’on ne peut pas expliquer en deux secondes. Du coup, quand on fait une réunion de dix minutes avec un professeur, s’il ne connaît pas déjà le sujet, il ne va y voir que des contraintes. Donc il y a beaucoup de choses comme ça qui sont difficiles à aborder avec le grand public. Ça demande du temps, ça demande de faire des recherches. Moi je fais de la recherche mais ce n’est pas le métier de tout le monde et c’est quelque chose qu’on essaye de développer et ça prend du temps.

Isabella Vanni : Par ailleurs, je me permets de dire que des formations sont effectivement prévues pour les enseignants, pour qu’ils puissent justement appréhender les enjeux liés à la protection des données personnelles. Tout à l’heure on a presque fait attention d’être un peu polémiques avec les enseignants avec lesquels vous avez parlé ???, mais en fait c’est quelque chose, comme tu disais, qui demande du temps. Il y a des formations qui sont prévues, mais quand les enseignants peuvent-ils participer à ces formations ? C’est compliqué : s’ils participent à ces formations ils doivent être remplacés. Je ne suis même pas sûre qu’il y ait assez de « réservistes », entre guillemets, pour pouvoir les remplacer dans les classes. En fait, il y a des choses qui sont très bien sur le papier, mais après il faut aussi donner aux enseignants la possibilité de s’approprier de ces informations. Visiblement ce n’est pas fait.

Baptiste Lemoine : Pour ça il faut donner des moyens à l’éducation et c’est quelque chose qu’on ne fait pas trop dans notre pays, de manière globale. Il y a même des enseignants qui n’ont pas le droit de dire du mal de comment est géré leur ministère. Donc il y a des lois, comme ça, des lois qui empêchent les gens d’être informés ou de communiquer librement sur ce qui se passe mal dans leur truc. Communiquer sur comment ça se passe mal c’est un peu le point de départ de toute amélioration. Il faut déjà se rendre compte qu’il y a un problème et si on n’est pas plein à s’en rendre compte c’est impossible de faire avancer les choses, c’est David contre Goliath. Quand on est dedans c’est peut-être plus facile de faire avancer les choses, mais, de mon point de vue extérieur, il faut déjà comprendre ça marche pour savoir à qui s’adresser et ensuite trouver les bonnes formules, trouver les bonnes infos, communiquer avec les bonnes personnes, ce n’est déjà pas évident.
Dans un premier temps quand j’ai dit ça, quand j’ai fait mon retour à la professeure, elle s’est sentie tout de suite accablée comme quoi elle participait à faire un truc absolument horrible et que c’était atroce ce qu’elle faisait en forçant les gens à utiliser ça. Elle était prise entre deux feux. D’un côté elle voulait répondre à un besoin des parents et, de l’autre côté, il fallait qu’elle fasse un truc en plus de ses heures de travail pour répondre à ce besoin. C’est comme si je lui disais « ce que vous faites c’est criminel, ce n’est vraiment pas sympa ».

Isabella Vanni : J’imagine que tu n’as pas vraiment utilisé ces termes. Au contraire, tu as été très constructif. Le fait de chercher des alternatives, de lui dire qu’il existait d’autres choses, de prendre le temps de parler avec elle, c’est une démarche constructive.

Baptiste Lemoine : Je me suis excusé. Je lui ai dit ce n’est pas vous que j’accuse, j’essaye de voir si c’est possible de faire autre chose. Même au niveau contraintes légales, je ne sais pas si elle a le droit d’utiliser d’autres choses. Ce que j’ai fait c’est m’orienter vers d’autres gens qui connaissent un peu mieux les métiers de l’éducation. J’ai demandé au sein de l’association Framasoft, j’ai demandé sur Mastodon à des gens que je connais pas, j’ai demandé un peu partout ce qu’on pouvait faire, comment ça fonctionne. Il y a en a qui m’ont dit « tu peux contacter le Délégué à la protection des données, tu peux voir à l’académie de Versailles, à l’académie de ce que tu veux » et eux font des recommandations. C’est-à-dire qu’ils n’imposent pas aux gens d’utiliser telle ou telle solution, ils leur disent : « Vous pouvez faire ça. Si vous ne faites pas, tant pis, débrouillez-vous !, et même si vous voulez utiliser débrouillez-vous !» parce que, apparemment, les professeurs se retrouvent tout seuls quand ils adoptent un logiciel. L’enseignante me disait que pour prendre en main le truc ça lui a pris cinq heures. Le premier jour elle s’est retrouvée à minuit à essayer de mettre en place les photos, d’écrire les trucs, de comprendre comment configurer le truc et elle était vraiment toute seule.

Isabella Vanni : Finalement elle était très volontaire, elle voulait faire quelque chose de bien. C’est juste qu’elle manquait d’informations sur l’importance de faire attention à ce qu’on utilise.
Je redonne la parole à Adrien pour savoir un petit peu comment s’est terminée, finalement, cette aventure. Est-ce que tu as réussi à trouver le bon interlocuteur ou la bonne interlocutrice ? Est-ce que, finalement, tu as réussi à obtenir de ne pas utiliser Zoom ?

Adrien Bourmault : Moi, en plus, ce n’était pas vraiment le même référentiel. Je suis dans une université qui parle d’informatique, donc ce sont des profs qui font de l’informatique au quotidien, certains sont des chercheurs, c’est leur domaine. L’une des UE où c’était le plus compliqué, donc Unité d’enseignement, la matière où c’était le plus compliqué d’obtenir un résultat ça a été une UE de réseau, même une UE des technologies du Web. Je n’allais pas leur apprendre ce qu’est le traçage ou ce qu’est un cookie, ils savent tout ça !, c’est leur métier. Et justement c’est ça, apparemment, qui les a le plus crispé, c’est que je vienne leur dire que ce n’était ps conforme à ce que je voulais, que je n’étais pas d’accord de partager mes données personnelles avec ces outils-là. Eux me disaient : « Moi j’ai choisi ça et je le fais en connaissance de cause puisque c’est mon métier ! »

Isabella Vanni : Quand c’est comme ça à qui on s’adresse ?

Adrien Bourmault : Justement, c’est bien le problème puisque je n’ai jamais trouvé de Délégué aux données personnelles. La seule chose que j’ai pu faire c’est de menacer la directrice d’aller déposer une plainte. Ce qui s’est passé c’est que, finalement, elle a entendu raison, elle est allée parler à l’enseignant et j’ai obtenu ensuite un arrangement uniquement pour l’examen. Là c’était dans le cadre d’un examen qu’on voulait me faire passer sur Zoom. Je n’allais pouvoir passer un examen en différé. Là on m’a fait « oui, OK, on va essayer de trouver un arrangement » et j’ai réussi à passer l’examen sur BigBlueButton quand tout le monde était sur Zoom.

Isabella Vanni : C’est-à-dire que l’enseignante, en fait, n’a pas réagi à tes arguments, elle a réagi à la menace de plainte.

Adrien Bourmault : La directrice des études. Elle est ensuite allée voir l’enseignant de cette UE qui, lui, a décidé de suivre ce qu’on lui disait, c’est-à-dire évitons la plainte, faisons passer l’examen parce que là il n’y a pas le choix et ensuite on reviendra sur Zoom pour les cours et il se débrouillera comme avant.
Donc ça s’est résolu comme ça, j’ai pu passer mon examen, j’ai eu mon UE et tout va bien. Maintenant ce n’est pas fini, ça continue. Actuellement je suis encore en train d’envoyer des mails pour dire que je ne suis pas d’accord d’utiliser Zoom. Je suis encore en train d’essayer de convaincre des professeurs d’utiliser autre chose qu’un outil propriétaire qui, en plus, demande le consentement à l’utilisation commerciale de nos données personnelles. J’y arrive petit à petit. Il y a certaines UE qui m’ont dit OK, mais j’ai encore, actuellement, des UE qui veulent encore m’obliger à utiliser Zoom, même Discord. Alors là, franchement !

Isabella Vanni : Est-ce qu’on peut dire de quoi il s’agit pour Discord ?

Adrien Bourmault : Discord c’est tellement éloigné des principes mêmes de l’éducation que je ne sais pas cer que ça fait là ! C’est censé être un truc de chat pour les jeux vidéo, ça n’a vraiment rien à voir ! Bon !
Je vois une question d’Étienne. Effectivement j’ai sollicité les syndicats. La réponse a été « on s’en fout de ton truc, nous on veut revenir en cours en présentiel ». C’est tout ce qu’on m’a répondu.

Baptiste Lemoine : Pas cool !

Isabella Vanni : Au moins une petite victoire, on peut dire : tu as quand même obtenu de faire l’examen sur la plateforme BigBlueButton. Pour ce qui concerne Baptiste, est-ce que tu as pu obtenir quelque chose ?

Baptiste Lemoine : Ce que j’ai obtenu c’est que, au final, en invoquant le droit à l’image, l’enseignante ne prenne pas de photos à publier sur Klassroom sur lesquelles on puisse vraiment reconnaître les enfants. Ce n’est pas vraiment une victoire parce que, au final, tout le monde a été obligé de s’inscrire et va rester dessus parce que l’enseignante continue de publier des choses dessus.

Isabella Vanni : Donc toi aussi tu as finalement ouvert un compte ?

Baptiste Lemoine : Moi non. Je peux faire des photos moi-même de ma fille.
C’est vrai qu’on prend beaucoup moins de précautions quand on va se diriger vers un logiciel qui est détenu par une entreprise qui pèse 1,4 millions d’euros que quand on fait intervenir un photographe dans une école. Aux enseignants j’ai dit « j’ai une entreprise, je me permets de publier vos photos. — OK, c’est cool, c’est quoi votre entreprise ? — C’est moi, je fais des photos, je publie sur mon ordinateur. Vous mettez des photos des enfants sur mon ordinateur, ça va bien se passer ! » Je pense que n’importe qui paniquerait si on lui disait ça, que ce soit moi ou quelqu’un d’autre ! Il y a des questions qu’on ne se pose pas et il faut arriver à le reconnaître. C’est comme l’étendue de notre ignorance. Pour n’importe qui, même si on est un expert dans un domaine, on ne peut pas tout savoir, c’est pour ça que c’est important de pouvoir communiquer des infos et, à plusieurs, de remettre en question de ce qu’on sait, la méthode par laquelle on prend des infos.

Isabella Vanni : À propos de communiquer les infos, pour l’instant on a parlé des enseignants, mais il y a d’autres personnes qui pouvaient être des alliés dans vos démarches, c’est-à-dire les autres parents d’élèves pour toi Baptiste ou les autres étudiants en ce qui concerne Adrien. Avez-vous fait des démarches auprès de ces potentiels alliés ?

Baptiste Lemoine : Effectivement est-ce qu’on s’est entraidés avec d’autres parents d’élèves ?, pour ma part je n’ai pas trop pu, du fait des conditions sanitaires, les gens s’évitent le plus possible le matin et le soir.

Isabella Vanni : Ça n’aide pas !

Baptiste Lemoine : On comprend. On a le mail de l’école, mais on n’a pas les contacts des autres parents. En plus, comme on vient d’arriver dans la ville, on ne connaît pas les autres parents. Donc l’isolement est vraiment très fort. Il y a même des gens qui reconnaissent que ça cause des problèmes psychologiques à l’échelle mondiale qui sont sans précédent. Du fait de cet isolement il y a des choses normales, enfin des choses qu’on peut obtenir normalement, comme la protection des données, tout ça c’est hyper-compliqué. J’avais vraiment l’impression de partir en croisade pour un truc hyper-banal, rien que dire que je n’ai pas envie qu’on se serve de tel truc pour publier des infos sur ma fille. Tous les parents devraient pouvoir demander ça et que ce soit entendu.

Isabella Vanni : Est-ce que tu as identifié un canal possible, potentiel, de communication pour parler avec les autres parents ?

Baptiste Lemoine : Oui, du coup, j’ai identifié d’autres choses. Au début de l’année on s’est un petit peu mobilisés avec les autres parents pour ouvrir une nouvelle classe, parce que quand il y a 31 ou 32 élèves par classe en maternelle c’est compliqué pour les professeurs et pour tout le monde. Ça n’a pas abouti, mais, comme ça, on a pu ouvrir le dialogue avec d’autres parents et avec la FCPE [Fédération des conseils de parents d'élèves], c’est un genre de syndicat des parents qui se bat pour des choses diverses et améliorer la qualité de vie dans l’école. Je leur mis en place un newsgroup, une liste de diffusion pour communiquer en gagnant beaucoup de temps sur la gestion des adresses. On a pu communiquer un petit peu comme ça. Je n’ai pas été plus loin parce qu’il y a toujours une dynamique de pouvoir et d’influence dans les groupes et si je disais « c’est moi qui ai demandé qu’on ne voie pas la photo de vos enfants sur tel truc », eux ne comprenant pas du tout le souci de la protection des données, c’est ce qui est arrivé en réunion de parents d’élèves ils ont dit « c’est dommage, on n’aura pas les photos de nos gamins ! »

Isabella Vanni : C’est toute la difficulté de promouvoir des outils respectueux des données personnelles, c’est-à-dire qu’il faut aussi prendre en compte les sensibilités, le manque d’informations de ces interlocuteurs, il faut amener les choses de la bonne façon, étape par étape, et peut-être que tu ne voulais pas tout de suite rentrer…

Baptiste Lemoine : Je ne voulais pas tout de suite me brouiller avec tout le monde. À ce moment-là je me suis dit je ne vais pas l’expliquer en deux secondes.

Frédéric Couchet : Je me permets juste d’intervenir parce que je vois une question sur le salon web et j’ai vécu, enfin ma fille a vécu exactement la même chose. C’est KriKri qui fait une remarque : le pire c’est que certains enfants peuvent avoir honte de parents qui ne font pas comme tout le monde. Je rappelle que j’ai eu le même cas : un jour ma fille au téléphone s’excusait d’utiliser LibreOffice alors qu’en fait, normalement, c’était une obligation dans l’Éducation nationale. Est-ce que tu as le même cas que ce que signale KriKri sur le salon web ?

Baptiste Lemoine : J’aimerais bien, mais je n’ai pas du tout de contacts avec es autres parents.

Frédéric Couchet : Comme tu disais tu viens d’arriver dans l’école.

Baptiste Lemoine : Ça fait six mois qu’on est dans l’école et on n’a toujours pas pu trop discuter avec les autres parents

Isabella Vanni : C’est clair que le contexte sanitaire, aujourd’hui, n’aide pas. Espérons que ça puisse être plus facile bientôt.
Adrien, par rapport à la recherche de potentiels alliés, est-ce que tu as fait des démarches dans ce sens ?

Adrien Bourmault : Oui j’ai cherché, j’ai beaucoup cherché et je suis tombé sur le mur de WhatsApp, vraiment ! Je me suis aperçu que tout le monde se parlait via WhatsApp, via Discord, via tous les trucs que je ne veux pas utiliser, que je refuserai toujours d’utiliser. Grâce à un professeur qui a fait une erreur, qui a envoyé un mail sans cacher les adresses des autres élèves, j’ai pu créer une liste de diffusion. Donc j’ai pu envoyer ma réponse au professeur qui disait « nous allons utiliser Zoom » à tous les élèves en même temps. Je me suis donc fait connaître parce que, en fait, ils n’étaient même pas au courant de mon existence alors que ça faisait peut-être six mois que je faisais mes démarches avec les enseignants. J’ai pu exposer mon point de vue. J’ai eu quelques réponses bienveillantes, quelques-uns qui étaient d’accord avec moi mais ne voulaient pas se lancer dans une croisade, et puis, carrément, des réponses désobligeantes me disant que j’étais indésirable et que je les empêchais d’étudier et d’avoir leur UE. Bon ! Je n’ai pas répondu à ces gens-là. Je me suis dit qu’il y aurait peut-être des gens avec qui je pourrais… Non ! Finalement je n’ai pas pu avoir d’alliés sur ce coup-là. Si j’avais dit que je voulais rouvrir les cours en présentiel, là, par contre, j’aurais eu 100 % d’alliés. Mais non !

Isabella Vanni : Ça manque beaucoup.

Adrien Bourmault : Les protéger de l’utilisation commerciale de leurs données sans consentement, non, ça ne touche pas assez. Et on est en informatique. Je rappelle ça, quand même !

Isabella Vanni : J’ai failli le dire. On est dans quand même des études d’informatique, théoriquement on devrait être le plus au courant des enjeux par rapport à l’utilisation de logiciels propriétaires ou de logiciels hébergés par des entreprises américaines, etc. J’imagine que ça a dû être un peu frustrant quand même.

Adrien Bourmault : Heureusement j’ai des enseignants, certains – la plupart du temps ce sont ceux qui travaillent dans le domaine de l’architecture du système d’exploitation – qui sont les plus sensibilisés au logiciel libre. Certains sont à fond derrière la FSF, un est même membre de la FSF, je crois, la Free Software Foundation, la Fondation pour le logiciel libre, fondation américaine. Certains étaient vraiment à fond derrière moi, qui m’ont dit « super, on te soutient ». Par contre, pas plus que ça ! On te soutient verbalement, ça ne veut pas dire qu’on va aller voir notre collègue enseignant pour lui dire tu pourrais faire un effort.

Isabella Vanni : Soutien moral. Ça aussi c’est dommage. Parce que toi, finalement, tu as fait de la promotion du logiciel libre.

Adrien Bourmault : De la sensibilisation, carrément.

Isabella Vanni : De la sensibilisation. Entre collègues aussi on pourrait imaginer qu’il pourrait y avoir des démarches dans ce sens.

Adrien Bourmault : Ça c’est le problème de cloisonnement qui existe beaucoup dans l’université, qui va d’ailleurs de pair avec l’autonomie des universités. En plus d’être complètement autonomes du ministère de l’Enseignement supérieur, il y a des gros conseils d’administration qui dirigent les universités. En plus, les UFR sont complètement cloisonnées entre elles, les unités de formation, et dans les UFR, les UE sont elles-mêmes un peu cloisonnées. C’est-à-dire qu’on a des enseignants qui ne parlent pas beaucoup entre eux ; certains sont dans des laboratoires différents. Ces laboratoires ne sont peut-être pas à côté, ils sont à l’autre bout de la fac, on ne sait pas trop et ces gens ne se parlent pas beaucoup ; ceux qui sont dans un même lieu se parlent, et encore !, quand ce n’est pas entre contractuels. Les contractuels, apparemment, ne parlent à personne.

Isabella Vanni : C’est vraiment dommage. En fait il n’y a pas des moments, des lieux de rencontre, d’échange, alors qu’on penserait que dans l’éducation c’est aussi une chose importante d’échanger son point de vue avec ses collègues je pense que c’est même primordial, avoir d’autres points de vue pour réfléchir à comment on enseigne, à comment on peut s’améliorer. Il y a aussi des enjeux liés à l’organisation même.

Adrien Bourmault : Et puis il y a aussi peut-être un autre enjeu qui est celui de l’enrichissement personnel des enseignants eux-mêmes. C’est-à-dire que certains manquent peut-être de culture. Je vois par exemple des enseignants de technologie du Web qui ne connaissent pas la différence entre logiciel libre et l’expression « libre de droit ». J’ai eu cet exemple, un professeur de technologie du Web qui m’a dit : « Ah oui, vous voulez parler de ce logiciel libre de droit ». Je leur ai dit : « Pardon ! Je parle de logiciel libre ». En fait, ils n’avaient aucune idée de ce que c’était. Je me demande si c’est l’éducation qu’ils ont eux-mêmes suivie, le cursus qu’ils ont suivi qui ne leur a jamais appris ou ils n’ont peut-être pas eu le temps de se mettre dans cette recherche-là. Je m’interroge : si vraiment il y a besoin de faire de la formation informatique à des profs d’informatique c’est qu’il y a un problème dans leur cursus.

Isabella Vanni : On est mal !

Baptiste Lemoine : Ça pourrait être intéressant. Il y a bien un cursus spécial, il y a un truc qui parlait d’essayer de faire du OpenStreetMap, éduquez-vous à la protection des données, c’est inscrit dans les programmes pour apprendre au lycée. Il y a un cours spécialement pour ça, j’avais regardé son programme, il y a des choses qui sont vraiment sympas. C’est beaucoup mieux que ce que j’avais eu quand j’étais au lycée où il y avait le Brevet informatique et Internet qui disait « vous savez faire un tableur, vous savez écrire un truc dans une page web, c’est bon, vous êtes calé ». Et encore, à l’époque, on se méfiait beaucoup plus de ce qu’on pouvait trouver sur Internet. On nous disait « attention c’est dangereux, ne publiez pas des informations sur vous, faites gaffe quand vous mettez des photos ».

Isabella Vanni : C’est vrai. Il y avait un principe de prudence qui primait.

Baptiste Lemoine : Une prudence qu’on ne retrouve pas du tout aujourd’hui. Il y avait même les gens qui étaient beaucoup plus sensibles à se dire « tiens, moi je peux publier des choses, tout le monde a voix au chapitre ». Il y avait même des gens qui étaient extrêmement techniques qui disaient « moi j’ai un blog qui tourne sur mon ordinateur. Ce n’est pas une autre machine quelque part qui le fait tourner ». Aujourd’hui il y a des gens qui me disent : « Dis-moi comment ça marche le cloud. Il y a vraiment un truc avec les nuages ? il y a des fils reliés à des nuages. Il y a des tours ? Comment ça se passe ? — Non, désolé, le nuage c’est juste l’ordinateur de quelqu’un d’autre ! »

Isabella Vanni : C’est bien d’évoquer ça, parce que, comme on le disait au début de l’émission, en fait il y a les informations, il y a des sites, il y a des formations qui sont prévues pour les enseignants et pour les élèves. Peut-être qu’on ne fait pas assez pour que, finalement, on s’assure que l’information passe.

Adrien Bourmault : Je voudrais réagir à une question. D’accord, il y a une petite différence entre logiciel libre et respect de la vie privée et des données personnelles. Sauf qu’on ne peut pas être sûr qu’un logiciel respecte vraiment la vie privée et les données personnelles, en tout cas nos choix en termes de données personnelles, si le logiciel n’est pas libre. La seule façon de pouvoir étudier le fonctionnement du programme et peut-être même le modifier si jamais ça ne va pas c’est que le logiciel soit libre. C’est différent mais, en fait, c’est compliqué lié.

Isabella Vanni : C’est la première brique, c’est la brique nécessaire.

Adrien Bourmault : Tout à fait.

Isabella Vanni : Notre échange est presque fini, on a encore quelques minutes. Je voulais savoir si vous pouviez nous dire ce que vous retenez de cette expérience ? Les aspects positifs, négatifs pour conclure notre discussion.

Adrien Bourmault : Je ne parlerai pas sur le négatif, je ne vais parler que de positif. Dans les aspects positifs, ce qu’il faut retenir c’est qu’il y a des alternatives, elles existent, elles sont partout, simplement ce qu’il faut faire c’est les présenter, c’est sensibiliser, dialoguer. En fait le dialogue c’est la première chose qu’il faut faire. Il ne faut pas s’énerver. Il faut commencer par dialoguer et présenter ce qui existe. Ensuite, quand on a peut-être un terrain d’entente, on en profite pour aller encore plus loin et présenter des choses encore mieux. On commence par le petit, dire on a la possibilité de faire ça pour un cours, peut-être pas pour tous. On présente des alternatives qui marchent pour certaines à faire pendant l’UE, mais on ne parle pas de tout, tout de suite. Petit à petit, si on voit que l’enseignant réagit plutôt, bien on peut lui présenter carrément la solution complète où on peut faire tous les cours sur des logiciels libres et, s’il est d’accord, eh bien tant mieux, tout ira bien.
Dans les alternatives qu’on a on a évidemment celles qui sont déjà installées par les universités, ça existe, il y a des fois des ENT, des Environnements numériques de travail, qui ont des systèmes de logiciels libres tout à fait utilisables pour les cours. Sinon on peut se tourner vers les chatons qui ont des choses qui sont très bien. Je n’ai pas envie de faire du prosélytisme, mais il y a Chapril, Chapril existe.

Isabella Vanni : C’est la contribution de l’association April au Collectif CHATONS.

Adrien Bourmault : Sinon, il y a évidemment les services du CNRS qui fonctionnent aussi très bien.

Isabella Vanni : Quelle sera ta prochaine démarche ?

Adrien Bourmault : Là, actuellement, je suis en train de lutter encore Zoom, contre une UE de technologie du Web. Je leur ai proposé le service du CNRS. J’attends une réponse. Si ça ne marche pas, eh bien je vais encore aller voir, on remontera encore plus haut, c’est tout.

Isabella Vanni : D’accord. Tu nous tiendras au courant.
Baptiste un petit bilan, points positifs sur ce retour.

Baptiste Lemoine : En bilan : il faut toujours se poser des questions lorsqu’on inclut un intermédiaire technique dans son flux de travail. Lorsque les gens entre dans une cage dorée, ce n’est pas parce que c’est une cage, c’est parce qu’elle est dorée. Donc c’est essentiel de se poser les bonnes questions quand on manque de temps, quand on n’a pas le temps de chercher beaucoup de choses, il faut pouvoir s’entraider avec les autres. Je suis super content d’avoir déjà reçu beaucoup d’ide de la part des autres personnes que j’ai sollicitées. J’ai pu trouver le Délégué à la protection des données et je retire de ça qu’il n’a pas tant d’efforts que ça à faire pour obtenir des choses vraiment concrètes, des choses vraiment utiles dans la défense des libertés des gens et qu’on puisse voir un peu plus sur le long terme.

Isabella Vanni : Pas mal la métaphore de la cage dorée. Je la réutiliserai.

Baptiste Lemoine : C’est pour ça que c’est aussi important d’avoir des beaux logiciels pour attirer le chaland.

Isabella Vanni : Très bien. Est-ce qu’il y a une question que je vous ai pas posée, à laquelle vous auriez voulu répondre ? On me dit qu’il y a une minute de temps. Donc je vous propose le mot de la fin, de faire un message pour conclure notre échange en 20 secondes chacun.

Baptiste Lemoine : Gros soutien à tous les gens qui bossent dans l’éducation parce que ce n’est franchement pas facile, surtout en ce moment. Il y a des gens qui sont volontaires, je tiens à le souligner, des gens qui veulent faire du Libre parce qu’ils ont compris, ils sont sensibles à toutes ces valeurs.

Isabella Vanni : D’ailleurs je crois me souvenir que tu as trouvé une école qui voulait faire une démarche.

Baptiste Lemoine : Exactement, j’ai une école et d’autres organismes qui veulent mettre en place des choses libres.

Isabella Vanni : Ce n’est pas l’école de ta fille.

Baptiste Lemoine : Non, malheureusement, c’est une autre, mais voilà, ça existe.

Isabella Vanni : Ils ont envie de se libérer d’un point de vue informatique. Très bien. Adrien.

Adrien Bourmault : Moi je crois que j’ai à peu près tout dit. On peut toujours reparler de Chapril et dire qu’on a des services qui peuvent aider, visio.chapril.org qui permet de faire des visioconférences. Chez les chatons il y a BigBlueButton de ethicit.fr qui permet de faire des visioconférences adaptées à l’éducation, avec un tableau blanc intégré, possibilité de présentations, partage d’écran, qui permet d’avoir beaucoup d’utilisateurs en même temps, ce que ne permet pas toujours le logiciel Jitsi, donc ça aussi à conseiller. Si on veut vraiment être dans les clous pour l’éducation c’est mieux d’utiliser les instances faites par les universités ou celle du CNRS. Celle du CNRS est parfaite pour ça, je la conseille à tous les enseignants qui n’auraient pas ça dans leur université. Allez sur greenlight.lal.cloud.math.cnrs.fr/. j’ai envoyé l’adresse un peu plus tôt dans le salon web.

Isabella Vanni : On va le rajouter dans les références.

Adrien Bourmault : L’URL est super.

Frédéric Couchet : Si quelqu’un a réussi à le noter on mettra les références sur les sites de l’April et de la radio.

Isabella Vanni : Merci beaucoup pour ce retour d’expérience et pour vos démarches. Les logiciels libres et respectueux de nos données personnelles sont un peu loin d’être encore la norme dans les établissements éducatifs, mais on a vu ensemble que les choses commencent à bouger et qu’il y a des alternatives. Vous avez contribué à faire bouger les choses avec vos actions de sensibilisation. Donc merci à vous pour ça et merci d’avoir participé à notre émission d’aujourd’hui.

Baptiste Lemoine : Merci à vous.

Adrien Bourmault : Merci à tout le monde.

Frédéric Couchet : Merci à vous trois.
Donc le sujet principal c’étaient la démarches pro-Libre dans l’éducation avec Isabella Vanni, Adrien Bourmault, Baptiste Lemoine. On a déjà parlé de Chapril, mais je vais rappeler, chapril.org, vous trouverez différents services libres et loyaux, on a parlé de visioconférence, d’audio conférence, de messagerie instantanée pour sortir de WhatsApp si vous voulez, pour gérer des évènements avec Mobilizon, en plus les deux animateurs de ces services sont en face de moi, Baptiste et Adrien. On peut aussi créer un sondage et, plus globalement, l’ensemble des services libres et loyaux c’est chatons.org, n’hésitez pas à y aller.
Pour finir, pensez à mes trois profs préférées Coralie, Émilie et Cécile, qu’elles profitent de leur repos bien mérité actuellement.

On va faire musicale

[Virgule suivant]

Frédéric Couchet : On va encore bouger dans cette pause musicale d’un autre style. Nous allons écouter Agger par Stone From The Sky. On se retrouve dans quatre minutes. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : Agger par Stone From The Sky.

Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter Agger par Stone From The Sky, disponible sous licence libre Creative Commons Partage dans les mêmes conditions. Si je me souviens bien, il y a deux ans on avait fait une interview de Dimitri de ce groupe français. Vous retrouverez sur le site de l’April, april.org, et sur causecommune.fm.

Vous écoutez toujours l’émission Libre à vous ! sur radio Cause Commune, la voix des possibles, 93.1 FM et en DAB+ en Île-de-France, partout dans le monde sur le site causecommune.fm.

Nous allons passer au sujet suivant.

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Chronique « La pituite de Luk » sur le thème « Je suis suprémaciste »

Frédéric Couchet : Nous allons passer au dernier sujet avec la chronique