Différences entre les versions de « Libre à vous ! Radio Cause Commune - Transcription de l'émission du 15 janvier 2019 »

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'''Titre :''' Émission <em>Libre à vous !</em> diffusée mardi 15 janvier 2019 sur radio Cause Commune
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Publié [https://www.april.org/libre-a-vous-radio-cause-commune-transcription-de-l-emission-du-15-janvier-2019 ici] - Janvier 2019
 
 
'''Intervenants :''' Marc Dandrelot, CADA - Tangui Morlier, Regards Citoyens - Xavier Berne, Next INpact, Jean-Christophe Becquet, April - Frédéric Couchet, April
 
 
 
'''Lieu :''' Radio Cause commune
 
 
 
'''Date :''' 15 janvier 2019
 
 
 
'''Durée :''' 1 h 30 min
 
 
 
'''[https://media.april.org/audio/radio-cause-commune/libre-a-vous/emissions/20190115/libre-a-vous-20190115.ogg Écouter ou enregistrer le podcast]'''
 
 
 
[https://www.april.org/emission-libre-a-vous-diffusee-mardi-15-janvier-2019-sur-radio-cause-commune Page des références utiles concernant cette émission]
 
 
 
'''Licence de la transcription :''' [http://www.gnu.org/licenses/licenses.html#VerbatimCopying Verbatim]
 
 
 
'''Illustration :'''
 
 
 
'''NB :''' <em>transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.<br />
 
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.</em>
 
 
 
'''Statut :''' Transcrit MO
 
 
 
==Transcription==
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
==15' 50==
 
 
 
<b>Frédéric Couchet : </b>Vous êtes de retour dans l'émission <em>Libre à vous !</em> sur radio Cause Commune 93.1 en Île-de-France et partout ailleurs sur le site causecommune.fm. Je voudrais juste m'adresser à la régie : Xavier Berne dit que ça sonne occupé quand il essaye d’appeler.<br/>
 
Nous sommes le 15 janvier 2019, il est 15 heures 45 ; vous êtes avec l'émission pour comprendre et agir avec l'April, l'association de promotion et de défense du logiciel libre. Nous venons d'écouter <em>La rencontre</em> par Ehma. Les références sont évidemment sur le site de l'April, april.org.
 
 
 
Nous allons donc passer maintenant à notre sujet principal avec nos invités. On va accueillir Xavier Berne qui nous a rejoints par téléphone. Xavier Berne est journaliste au site d’enquête et d’actualité Next INpact. Bonjour Xavier.
 
 
 
<b>Xavier Berne : </b>Bonjour Frédéric. Bonjour à tous.
 
 
 
<b>Frédéric Couchet : </b>Je rappelle qu’est également présent en studio avec nous, Marc Dandelot, président de la Commission d’accès aux documents administratifs ; Tangui Morlier membre du collectif Regards Citoyens et en régie c’est toujours Charlotte qui gère ça.<br/>
 
Notre sujet va porter sur les conditions d’accès aux documents administratifs, le rôle des différents acteurs dans ce qu’il est convenu, pour certains, d’appeler l’<em>open data</em> par défaut. Nous allons revenir aussi sur certains avis de la CADA qui ont fait beaucoup parler et on va parler, notamment, des difficultés. On va commencer par une courte introduction, enfin une introduction sur le droit d’accès aux documents administratifs parce que peut-être que les personnes qui écoutent se disent que ça ne les concerne absolument pas au quotidien. On va commencer par Xavier Berne de Next Inpact. Est-ce que tu pourrais nous faire une petite introduction sur le droit d’accès aux documents administratifs ?
 
 
 
<b>Xavier Berne : </b>Oui. Bien sûr. Le droit d’accès aux documents administratifs c’est, en fait, quelque chose qui est assez ancien parce qu’il se fonde sur ce qu’on appelle la loi CADA qui a fêté ses 40 ans l’année dernière. Globalement l’idée c’est de dire que tout citoyen a le droit d’accéder à des documents qui sont considérés comme publics parce qu’ils ont été détenus ou produits par des administrations, des administrations au sens large : ça peut être un ministère, ça peut votre mairie, ça peut être une école. Très concrètement vous pouvez, en tant que citoyen, aller demander aux administrations à avoir accès à un rapport, avoir droit par exemple à votre dossier médical. Vous pouvez vraiment demander énormément de choses : des statistiques ; ça peut être également, on a beaucoup parlé ces derniers temps de code source pour les logiciels qui sont développés par l’administration. On a parlé, par exemple, du code source du logiciel de calcul de l’impôt sur le revenu ou celui de la taxe d’habitation. Je sais que Bercy a prévu d’ouvrir prochainement le code source du logiciel de calcul de la taxe foncière, etc. Voilà ! C’est ça qu’on appelle le droit d’accès aux documents administratifs.
 
 
 
<b>Frédéric Couchet : </b>Tangui Morlier de Regards Citoyens, est-ce que tu veux compléter ?
 
 
 
<b>Tangui Morlier : </b>Oui. Ce droit est un droit fondamental dans notre démocratie et il est relativement vieux puisqu’il date de 1978. Effectivement, pour tous les citoyens, la règle par défaut c’est que l’administration est transparente. Son activité doit pouvoir être auditée par les citoyens. Ce droit offre la possibilité à tout citoyen de demander aux administrations l’accès à des documents, des données ou des logiciels à travers un mécanisme qui était, à mon sens, assez ingénieux. C’est-à-dire que plutôt que de rentrer directement dans une phase contentieuse en attaquant l’administration qui pouvait refuser d’accéder aux documents, passer par un médiateur, passer la Commission d’accès aux documents administratifs qui était conçue comme une médiation entre les citoyens et une administration qui, faute de temps, faute de connaissances ou faute d’envie ne communiquait pas les documents qu’elle possédait.
 
 
 
<b>Frédéric Couchet : </b>Ce qui important de retenir là, on va revenir sur la procédure, justement, avec Marc Dandelot président de la CADA, c’est qu’en fait le droit d’accès aux documents administratifs concerne tout le monde, ne serait-ce que pour comprendre le fonctionnement de sa collectivité, sa mairie, accéder à des documents qui nous concernent au quotidien. Ça ne concerne pas que les journalistes ou les activistes, ça concerne toute personne qui est effectivement intéressée par, on va dire, la vie de sa collectivité ou à titre simplement individuel.
 
 
 
<b>Tangui Morlier : </b>Absolument. Il y a même deux droits. Il y a un droit d’accès à l’ensemble des documents dans lesquels il n’y a pas de mention de personne, il n’y a pas mention de secret particulier parce que, évidemment, les organisations publiques, notamment de défense, ont droit à un certain secret.<br/>
 
Et il y a deuxième droit qui offre la possibilité aux citoyens, lorsqu’ils sont concernés par une décision d’accéder, aux documents qui les concernent directement. Ces documents ne sont évidemment pas accessibles aux autres citoyens, sinon ce serait une atteinte à leur privée.
 
 
 
<b>Frédéric Couchet : </b>Tout à fait. Marc Dandelot vous êtes président de la fameuse Commission d’accès aux documents administratifs. Est-ce que vous pouvez nous présenter la Commission et puis la procédure qu’une personne doit suivre si elle souhaite accéder à un document administratif ?
 
 
 
<b>Marc Dandelot : </b>D’abord bonjour Xavier. Je n’ai pas eu l’occasion de le saluer quand il est arrivé à l’antenne.
 
 
 
<b>Xavier Berne : </b>Merci. Bonjour.
 
 
 
<b>Marc Dandelot : </b>Je peux vous répondre. Je voudrais juste un petit commentaire préalable sur ce qui vient d’être très bien présenté sur les documents administratifs pour que les auditeurs comprennent bien ; deux choses et peut-être une illustration.<br/>
 
D’abord le fait que dès l’origine il a bien été spécifié que ce qui a le caractère de document administratif c’est tout document qui soit produit <b>ou</b> détenu par l’administration dans sa mission. C’est-à-dire qu’un document administratif, pour faire l’objet du droit d’accès, n’est pas nécessairement un document que l’administration a élaboré elle-même. Je vous donne juste un exemple : un document de caractère tout à fait privé qui se trouve être dans un dossier de l’administration pour l’accomplissement d’une procédure va, de ce fait, devenir un document administratif. Et le droit d’accès s’applique aussi à ce type de document. Juste un exemple pour comprendre : un plan d’architecte dans un dossier de permis de construire c’est un document privé ; il devient document administratif lorsqu’il est transmis à la mairie pour un permis de construire.
 
 
 
<b>Frédéric Couchet : </b>Donc ce sont tous les documents détenus par l’administration.
 
 
 
<b>Marc Dandelot : </b>Tous les documents ou détenus et/ou produits par elle, bien sûr.<br/>
 
Et la deuxième chose que je voudrais dire parce qu’elle est doit être bien comprise c’est que c’est quelle soit la soit la nature ou le support. Je vais vous donner quelques exemples. On a souvent, au départ, raisonné et compris les documents administratifs comme un rapport ou une lettre de l’administration, mais ça peut être une photographie, ça peut être un courriel – les courriels que j’ai envoyés ce matin à ma secrétaire générale qui est à côté de moi, ce sont des documents administratifs qui sont communicables sous réserve de ne pas, évidemment, contenir des secrets protégés. Ce sont des choses dont les administrations elles-mêmes n’ont pas encore tout à fait conscience. Autre exemple : le journal télévisé que vous pouvez regarder sur une chaîne publique, à partir du moment où on considère que les chaînes publiques font partie de la mission de service public, eh bien le journal télévisé, les images du journal télévisé revêtiront la qualité de documents administratifs. Donc c’est une conception extrêmement large et je dirais que cette dimension est très utile à la transparence de l’action administrative.<br/>
 
Voilà le point que je voulais souligner.
 
 
 
<b>Frédéric Couchet : </b>D’accord. On a bien compris que c’est très large. Mais d’un point de vue concret, on se met à la place de quelqu’un qui écoute, qui souhaite accéder à un document administratif, pas forcément vos échanges avec votre secrétaire générale, évidemment, mais un document d’une collectivité, comment doit-elle procéder ?
 
 
 
<b>Marc Dandelot : </b>La première chose à faire, c’est qu’elle doit le demander.
 
 
 
<b>Frédéric Couchet : </b>À qui ?
 
 
 
<b>Marc Dandelot : </b>Elle doit le demander à l’autorité administrative en principe qui est celle qui est redevable de l’obligation, mais si elle se trompe, c’est-à-dire si elle s’adresse à une autorité administrative parce qu’elle ne connaît bien, eh bien l’autorité administrative à laquelle elle s’adresse va être obligée de la transmettre à qui de droit.
 
 
 
<b>Frédéric Couchet : </b>Supposons qu’elle s’adresse à la bonne collectivité, une mairie.
 
 
 
<b>Marc Dandelot : </b>Si elle obtient satisfaction, la messe est dite.
 
 
 
<b>Frédéric Couchet : </b>OK.
 
 
 
<b>Marc Dandelot : </b>Si elle n’obtient pas satisfaction et qu’elle veut contester, elle s’adresse à la CADA par une procédure extrêmement simple qui est, je dirais, de saisir moyennant une lettre ou un courriel. Maintenant ça se passe sur le plan électronique ; nous avons mis en place une application qui est un formulaire type, qui n’est même pas obligatoire mais qui est beaucoup recommandé. Parce qu’on ne peut pas saisir le juge directement d’un refus de communication d’un document.
 
 
 
<b>Frédéric Couchet : </b>Aujourd’hui on ne va pas parler du juge. Pour l’instant on s’arrêtera à la CADA.
 
 
 
<b>Marc Dandelot : </b>La réponse à votre question c’est que la procédure, si l’administration n’a pas dans un premier temps donné satisfaction à la personne, si la personne veut continuer, elle s’adresse à la CADA.
 
 
 
<b>Frédéric Couchet : </b>Donc le processus et je laisserai évidemment Tangui Morlier et Xavier Berne de compléter. Oui, Xavier Berne.
 
 
 
<b>Xavier Berne : </b>Si je peux me permettre de compléter, c’est important aussi : les administrations ont un mois pour répondre. Au bout d’un mois, s’il n’y a pas eu de réponse, on considère que c’est un refus tacite et c’est donc à partir de ce délai d’un mois qu’on peut saisir la CADA. Je pense que c’est important aussi de le préciser.
 
 
 
<b>Frédéric Couchet : </b>Tout à fait. C’est effectivement ce que j’allais préciser. On prend l’exemple d’une mairie ou autre, la personne demande, sollicite, un document administratif à la mairie. La mairie lui répond négativement avec un certain nombre d’arguments, peu importe, et on verra tout à l’heure dans certains avis. À ce moment-là, effectivement, la personne peut saisir la CADA si elle veut contester la décision. Mais également si la collectivité, donc la mairie, ne répond pas dans un délai d’un mois, on a à faire à un refus tacite et, à ce moment-là effectivement, la personne peut saisir la CADA comme vous l’avez dit soit par lettre soit aujourd’hui par courriel. Est-ce que la CADA a un délai obligatoire de traitement de l’avis ? Un mois ?
 
 
 
<b>Marc Dandelot : </b>Oui. Le délai légal est d’un mois.
 
 
 
<b>Frédéric Couchet : </b>Un mois. D’accord. Tangui, est-ce que tu veux compléter quelque chose déjà, tout de suite, sur la partie procédurale simplement ?
 
 
 
<b>Tangui Morlier : </b>Non. Outre le fait que ça peut paraître extrêmement intimidant pour un citoyen qui s’adresse à une administration d’obtenir son droit à la transparence et que ce mécanisme de la CADA est un mécanisme extrêmement simple. Je dois dire que je n’ai jamais utilisé le formulaire du site de la CADA et je crois que la prochaine fois il faudra que je le fasse ; mais un simple émail adressé à cada@cada.fr, si mes souvenirs sont bons, permet de voir son dossier instruit.
 
 
 
<b>Frédéric Couchet : </b>Tout à fait. Nous-mêmes à l’April, effectivement, on n’a jamais utilisé le formulaire. C’est d’une « simplicité » entre guillemets cette procédure, tout à fait claire. Quels sont les moyens dévolus à la CADA. La CADA a été créée en 1978, par la loi informatique et libertés. Aujourd’hui on est en 2019. Oui Xavier.
 
 
 
<b>Xavier Berne : </b>Par la loi CADA ! Pas par la loi informatique et libertés !
 
 
 
<b>Frédéric Couchet : </b>Oui, par la loi CADA, excusez-moi ! C’est pour ça que je suis entouré d’experts pour me corriger.
 
 
 
<b>Xavier Berne : </b>C’était la même année ! Tu as de la chance, c’était la même année.
 
 
 
<b>Frédéric Couchet : </b>Exactement. En 1978 il s’est passé plein de choses. J’ai même oublié ce que je voulais dire.
 
 
 
<b>Marc Dandelot : </b>Vous parliez des moyens.
 
 
 
<b>Frédéric Couchet : </b>Les moyens, oui. Le nombre de demandes, je suppose, a considérablement augmenté. Pour savoir, aujourd’hui quels sont les moyens de la CADA en termes de ressources humaines, par exemple pour traiter les demandes, en termes financiers. Combien de personnes vous avez pour traiter toutes ces demandes et combien de demandes vous recevez par an ?
 
 
 
==27’ 40==
 
 
 
<b>Marc Dandelot : </b>Nous recevons par an un peu plus de 7000 demandes. C’est un niveau qui s’est confirmé au cours des dernières années. Il était moitié moins élevé il y a une demi-douzaine d’années. Nous restons une petite institution ; nous sommes une des plus petites de ce qu’on appelle autorité administrative indépendante. Il y a un secrétariat général qui comporte une quinzaine de personnes et un groupe de rapporteurs qui sont, pour l’essentiel, soit des magistrats administratifs soit des fonctionnaires spécialisés par exemple dans les archives ou dans des questions administratives pointues, qui sont chargés d’examiner les dossiers et de préparer les rapports. C’est vrai que nos moyens sont extrêmement tendus pour faire face à ce qu’est aujourd’hui la sollicitation de la CADA.
 
 
 
<b>Frédéric Couchet : </b>Est-ce que ce nombre de personnes, et après je passe la parole à Tangui Morlier qui veut réagir, est constant depuis quelques années ou est-ce que ça a évolué positivement ?
 
 
 
<b>Marc Dandelot : </b>Il est largement constant. Il a très légèrement évolué, mais il n’a pas évolué dans la proportion requise pour que nous puissions faire notre mission de façon aussi rapide que le prévoit la loi.
 
 
 
<b>Frédéric Couchet : </b>Tangui Morlier.
 
 
 
<b>Tangui Morlier : </b>Peut-être, si je peux me permettre, vous avez oublié un acteur assez important aussi, ce sont les membres de la Commission elle-même, dont vous faites partie.
 
 
 
<b>Marc Dandelot : </b>Je n’ai pas encore répondu à cet aspect de la question, effectivement, pour présenter la CADA, pour présenter les procédures qui vont conduire au traitement de la demande.
 
 
 
<b>Tangui Morlier : </b>Pardon.
 
 
 
<b>Marc Dandelot : </b>Ce qu’il faut savoir c’est que la CADA, en tant qu’autorité indépendante, est une autorité collégiale qui comprend 11 membres qui sont de profils divers. Il y a des hauts-magistrats, des personnalités qualifiées à différents titres, par exemple au titre des archives, des personnalités qualifiées au titre de la diffusion publique. Il y a des professeurs d’université, il y en a deux, actuellement un professeur de droit public et un professeur d’histoire. Et puis, comme c’est aussi la tradition française dans ce type de collège, des élus, c’est-à-dire un représentant des élus locaux, un sénateur et un député. Au total donc 11 membres.
 
 
 
<b>Frédéric Couchet : </b>Donc c’est cette Commission qui prend la plupart des avis et certains avis sont pris par délégation, je ne sais pas si c’est le bon terme, par le président dans certains cas.
 
 
 
<b>Marc Dandelot : </b>Oui. Depuis une réforme récente que nous avons introduite. Normalement tous les avis sont soumis au collège qui se prononce collégialement. Mais, comme il y a un nombre important d’avis qui sont en réalité la reprise d’une doctrine bien établie de la CADA et qui ne présentent pas de nécessité d’un débat collégial dans l’institution, il est prévu que le collège a délégué à son président la possibilité de prendre sous sa seule signature ces avis très simples. C’est ce qu’on appelle, entre guillemets, « les ordonnances du président ».
 
 
 
<b>Frédéric Couchet : </b>On abordera au moins un de ces avis-là vu qu’il y en a qui nous concerne et qui concerne Next INpact. Est-ce que Xavier Berne, Tangui Morlier, vous voulez ajouter quelque chose sur cette partie-là ou poser une question éventuellement aussi ? Xavier. Comme tu es au téléphone, je te donne peut-être la parole.
 
 
 
<b>Xavier Berne : </b>Oui. Est-ce que vous pouvez un petit peu nous raconter comment sont prises les décisions en séance ? Comment se passent les discussions entre membres du collège de la CADA ?
 
 
 
<b>Marc Dandelot : </b>Oui. Voilà aussi concrètement que possible comment ça se présente. D’abord, lorsque le collège se réunit, nous avons la possibilité de recourir à deux types de procédure : soit on a une délibération qui est, je dirais, classique, soit, si nous avons une nécessité particulière, nous pouvons inviter des administrations ou des représentants, même quelquefois des personnes concernées, à participer à un dialogue avec la Commission, au début. Nous n’en abusons pas parce que ça fait aussi durer les débats ; ça c’est une première option.<br>
 
La deuxième chose c’est que pour l’essentiel des affaires, lorsqu’une affaire a été inscrite à l’ordre du jour du collège, le rapporteur général qui est une institution très originale et importante de la CADA, qui est le leader du groupe des rapporteurs – les rapporteurs qui ont préparé les dossiers ne sont pas physiquement présents lors d’une réunion de la CADA parce qu’ils sont souvent en province et que ça serait compliqué ; en revanche il y a un rapporteur général – vient faire un rapport indépendant qui expose l’affaire au collège sur la base duquel la discussion du collège peut se fonder.<br>
 
Ensuite comme toute institution collégiale, comme le ferait même une quasi juridiction, il y a un débat au sein du collège et c’est ensuite la tâche du président, lorsque le débat est terminé, d’apprécier s’il y a un consensus sur une solution ou s’il faut voter. Lorsque c’est nécessaire nous procédons à un vote, ou bien lorsque ce n’est pas nécessaire, on constate qu’il y a un accord global. C’est comme ça que fonctionnent toutes les instances collégiales.
 
 
 
<b>Frédéric Couchet : </b>Tangui Morlier.
 
 
 
<b>Tangui Morlier : </b>Le délai légal d’un mois pour que vous puissiez instruire la demande et émettre un avis est un délai très contraint.
 
 
 
<b>Marc Dandelot : </b>Oui.
 
 
 
<b>Tangui Morlier : </b>Aujourd’hui il est de combien de temps en moyenne ?
 
 
 
<b>Marc Dandelot : </b>Aujourd’hui la moyenne c’est plutôt autour de trois mois. Nous ne sommes pas satisfaits de cette situation. Il faut bien voir que la raison pour laquelle on a voulu enserrer la CADA dans un délai extrêmement court c’est pour que la personne qui saisit la CADA puisse sans attendre, si la CADA n’a pas rendu son avis, l’expiration de ce délai, saisir le juge administratif. Donc c’est une garantie. Maintenant, compte-tenu du nombre et de la complexité des affaires qui nous sont soumises, nous avons souvent aujourd’hui tendance à rendre nos avis dans un délai qui est de l’ordre de trois mois, qui n’est pas conforme à ce que prévoit la loi et que nous nous efforçons de contenir et de restreindre, mais c’est une opération délicate tant que la pression au nombre d’affaires reste au niveau où elle est aujourd’hui.
 
 
 
<b>Frédéric Couchet : </b>Ça me permet de préciser le recours au tribunal administratif effectivement dans la procédure. On reprend l’exemple de quelqu’un, d’une personne qui sollicite un document administratif d’une mairie ; la mairie refuse ; la personne sollicite la CADA qui donne un avis qui donne raison à la personne qui demande le document, mais la mairie continue de refuser parce que l’avis n’est pas contraignant, c’est un avis simplement. À ce moment la personne peut saisir le tribunal qui là pourra juger. Et l’une des premières décisions les plus importantes, en tout cas suite aux lois numériques, c’est le code source des impôts il y a deux-trois ans je crois bien, où une personne demande à Bercy le code source des impôts ; Bercy refuse. La personne saisit la CADA. La CADA confirme que le code source est bien un document administratif ; Bercy ne s’y conforme pas. Finalement la personne a saisi le tribunal administratif. Entre temps Bercy, ayant compris qu’ils allaient se faire bouler au tribunal administratif, ils ont décidé d’ouvrir le code source des impôts, mais je rappellerais que le tribunal administratif avait donné raison à la personne qui demandait ce code source, avait donné raison à la CADA, en expliquant en plus très clairement que Bercy globalement, dans son argumentaire juridique, se foutait de la gueule du monde. [Rires]. Je n’arrête pas de vous le dire(???) ; C’est un avis personnel ! En tout cas les juges administratifs ne s’étaient pas trompés. Cette procédure, effectivement, peut aller jusqu’au tribunal administratif ce qui est un petit peu plus long.
 
 
 
<b>Marc Dandelot : </b>Si je puis me permettre un commentaire.
 
 
 
<b>Frédéric Couchet : </b>Allez-y.
 
 
 
<b>Marc Dandelot : </b>Je crois que ce que vous dites est très important dans la mesure où, même si la CADA de par ses pouvoirs n’émet que des avis, l’expérience montre que pour une série de raisons qui tiennent, j’ai tendance à le penser, à la qualité de ses avis, dans un très grand nombre de cas et, je ne dis pas presque toujours, mais je pourrais dire presque toujours, l’avis de la CADA est conforté par le tribunal administratif. C’est ça qui fait l’autorité des avis de la CADA. Donc le fait que lorsque l’administration s’expose, plutôt ne suit pas un avis de la CADA – elle a le pouvoir de ne pas le faire, c’est comme ça que le législateur a voulu assurer l’équilibre du dispositif –, mais elle doit s’attendre avec beaucoup de probabilités, si elle insiste dans ce sens, à être censurée par le juge administratif.
 
 
 
<b>Frédéric Couchet : </b>Je vais poser une dernière question et je vais te laisser la parole Tangui. Je vais poser une dernière avant une pause musicale et, après la pause musicale, on abordera la qualité des avis de la CADA et notamment certains avis. Ma question porte sur les évolutions récentes qui ont pu être introduites notamment par la loi pour une République en 2016 ou d’autres lois, dans ce dispositif. Est-ce qu’il y a eu des évolutions majeures, soit positives, positivement pour les différents acteurs, soit négativement. Je pose la question collégiale à nos trois invités. Je vais commencer par Tangui qui voulait prendre la parole ou tu veux parler d’autre chose Tangui, réagir ?
 
 
 
<b>Tangui Morlier : </b>Je voulais juste informer nos auditeurs qu’il n’y a pas besoin d’attendre l’avis de la CADA. En fait il suffit d’avoir saisi la CADA pour pouvoir aller voir le juge administratif et cet avis est non contraignant vis-à-vis du tribunal administratif comme on l’a souligné.<br/>
 
Effectivement il y a eu des réformes et la loi CADA a été notablement réformée lors de la législature précédente puisqu’il y a deux lois qui l’ont directement impactée : la loi de Clotilde Valter sur les données publiques et la loi numérique d’Axelle Lemaire qui ont, à quelques mois d’intervalle, fait progresser grandement le droit à la transparence avec l’introduction du droit à l’<em>open data</em>. Ça on le doit à la loi Lemaire qui permet aux citoyens non seulement de pouvoir obtenir la communication d’un document, mais de pouvoir aussi la publication de ce document ou de ces données. En plus c’est un processus qui est venu des citoyens puisque, entre autres, Regards Citoyens a pas mal agi pour que les parlementaires intègrent ça dans le texte du gouvernement.
 
 
 
<b>Frédéric Couchet : </b>En gros, c’est le principe de ne demander qu’une seule fois. C’est-à-dire un document demandé à l’administration… Non ce n’est pas exactement ça ?
 
 
 
<b>Marc Dandelot : </b>Ce qu’on appelle l’<em>open data</em> qui est en français l’ouverture des données qui est, en termes d’importance du sujet, la plus grande novation effectivement de la loi Lemaire, ça consiste en quoi ? Ça consiste en une inversion du paradigme de l’accès. Dans le dispositif traditionnel de la loi de 1978 dont on a parlé jusque-là, il y a un droit d’accès qui implique que la personne demande le document. Dans le système de ce qu’on appelle l’<em>open data</em>, il y a une obligation pour l’administration concernée de spontanément mettre en ligne.
 
 
 
<b>Frédéric Couchet : </b>OK.
 
 
 
<b>Marc Dandelot : </b>Ce qui évidemment va entraîner une dispense : la demande devient sans objet. Simplement vous imaginez que pour que cette obligation se réalise spontanément il faut un changement de comportement assez important de la part de l’administration, qui n’est pas seulement lié à des problèmes pratiques, mais aussi à des problèmes culturels.
 
 
 
<b>Frédéric Couchet : </b>D’ailleurs je suis un peu coupable, parce qu’avec Tangui Morlier et Xavier Berne on a consacré une émission à ce sujet. J’invite les personnes intéressées, c’est je crois, de mémoire, l’émission d’octobre 2018 sur les données publiques ouvertes et notamment les collectivités. Tangui je te laisse continuer sur ce que tu voulais dire et ensuite je passerai la parole à Xavier Berne.
 
 
 
<b>Tangui Morlier : </b>Deuxième innovation de ces lois et là il me semble que c’est la loi Valter qui l’a introduite c’est que les documents numériques peuvent être demandés en format ouvert, ce qui n’était pas forcément le cas avant. Certaines administrations donnaient des formats propriétaires qui, ne pouvant pas être ouverts par les citoyens, devenaient sans usage réel. Et la dernière innovation pour les résumer…
 
 
 
<b>Marc Dandelot : </b>La gratuité surtout.
 
 
 
<b>Tangui Morlier : </b>La gratuité est effectivement annoncée par la loi Valter, mais c’était déjà la règle. Elle est annoncée politiquement de manière plus forte à travers la loi Valter.<br/>
 
La troisième innovation, on en a parlé tout à l’heure, c’est le fait que le président de la CADA puisse prendre des avis sans solliciter le collège, ce qui offre un droit supplémentaire en termes de fluidification éventuelle de la CADA.
 
 
 
<b>Frédéric Couchet : </b>On va en parler juste après la pause musicale. Xavier Berne, est-ce que tu veux intervenir sur cette partie-là ?
 
 
 
<b>Xavier Berne : </b>Non, je pense que c’est bon. Je pense que les deux intervenants précédents ont plutôt bien fait le tour sur les nouveautés de la loi numérique. Il y en a beaucoup d’autres mais après ça relève peut-être du détail. Ce qu’il faut retenir c’est qu’effectivement cette loi CADA relevait plutôt du modèle : je demande à l’administration, l’administration me donne. Avec la loi numérique il y a de nouvelles obligations pour que les administrations mettent également sur Internet des documents administratifs pour que tout le monde en profite. Au-delà de l’aspect bénéfique pour la société civile c’est aussi important pour les administrations. Pourquoi ? Parce que juridiquement, un document qui est mis en ligne n’a plus à être communiqué ensuite à un citoyen qui viendrait le demander. Ça veut dire qu’après l’administration n’a plus à répondre aux demandes individuelles. L’administration a donc aussi intérêt à ce que les documents administratifs soient mis en ligne.
 
 
 
<b>Frédéric Couchet : </b>Tangui Morlier tu veux intervenir.
 
 
 
<b>Tangui Morlier : </b>Peut-être parmi les dernières réformes, il y a une réforme plus inquiétante qui, en théorie, ne doit pas impacter si on regarde d’un point de vue simplement juridique la loi CADA, mais qui est une régression en matière de transparence globale de la société, c’est le secret des affaires qui a été voté un petit peu plus récemment. Il se trouve parfois que la CADA, et ça permettra peut-être de lancer le sujet, s’empare de ce sujet alors qu’à priori elle ne devrait pas être concernée, et que ça crée aussi beaucoup d’inquiétude de la part des administrations ou de certains délégataires de service public qui vont utiliser cet argument du secret des affaires pour opposer de l’opacité.
 
 
 
<b>Frédéric Couchet : </b>C’est l’un des sujets qui sera abordé après la pause musicale. Quand on parlera des avis on parlera principalement de trois avis on va dire, entre guillemets, « emblématiques ». Nous allons faire une pause musicale, le morceau s’appelle <em>La petite Britney</em>, le groupe s’appelle 6 février 1985, je ne sais pas pourquoi, et on se retrouve juste après.
 
 
 
Pause musicale : <em>La petite Britney</em> par le groupe 6 février 1985.
 
 
 
==45’ 47==
 
 
 
<b>Frédéric Couchet : </b>Vous êtes de retour sur l’émission <em> Libre à vous</em>
 

Dernière version du 21 janvier 2019 à 15:02


Publié ici - Janvier 2019