Libre à vous ! Radio Cause Commune - Transcription de l'émission du 13 avril 2021

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Titre : Émission Libre à vous ! diffusée mardi 13 avril 2021 sur radio Cause Commune

Intervenant·e·s : Vincent Calame - Laurent Savaëte - Pascal Romain - Eda Nano - Isabelle Carrère - Luk - Frédéric Couchet _ Isabella Vanni à la régie

Lieu : Radio Cause Commune

Date : 13 avril 2021

Durée : 1 h 30 min

Podcast Provisoire

Page des références utiles concernant cette émission

Licence de la transcription : Verbatim

Illustration :

NB : transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.

Transcription

Voix off : Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.

Frédéric Couchet : Bonjour à toutes. Bonjour à tous.
Bienvenue dans Libre à vous !. Vous avez le droit de savoir. Nous recevons aujourd’hui l’association Ma Dada qui vise à faciliter l’accès aux documents produits ou reçus par l’administration et les autorités publiques dans le cadre de leur mission de service public. Ce sera le sujet principal de l’émission du jour, avec également au programme la chronique de Vincent Calame sur les empaqueteuses et empaqueteurs de logiciels libres, également la chronique d’Antanak sur les apprentissages informatiques par les jeunes et moins jeunes. Nous allons parler de tout cela dans l’émission du jour.

Soyez les bienvenus pour cette nouvelle édition de Libre à vous !, l’émission qui raconte les libertés informatiques, proposée par l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.
Je suis Frédéric Couchet, le délégué général de l’April.

Le site web de l’association est april.org, vous pouvez y trouver une page consacrée à cette émission avec tous les liens et références utiles, également les moyens de nous contacter. N’hésitez pas à nous faire des retours ou nous poser toute question.

Nous sommes mardi 13 avril 2021, nous diffusons en direct, mais vous écoutez peut-être une rediffusion ou un podcast.

À la réalisation de l’émission aujourd’hui ma collègue Isabella Vanni. Bonjour Isabella.

Isabella Vanni : Bonjour.

Frédéric Couchet : Nous vous souhaitons une excellente écoute.

[Jingle]

Chronique « Jouons collectif » de Vincent Calame, bénévole à l'April, sur les empaqueteuses et empaqueteurs de logiciels libres pour les distributions

Frédéric Couchet : Vincent Calame, informaticien libriste et bénévole à l’April, nous fait partager son témoignage d’un informaticien embarqué au sein de groupes de néophytes. Choses vues, entendues et vécues autour de l’usage de logiciels libres au sein de collectivités, associations, mouvements et équipes en tout genre, c’est la chronique « Jouons Collectif ».
Bonjour Vincent. Vincent Calame : Bonjour Frédéric.

Frédéric Couchet : Le sujet du jour « Les empaqueteuses et empaqueteurs de logiciels libres pour les distributions ».

Vincent Calame : Dans cette chronique, j’aimerais rendre hommage à des soutiers du Libre sans qui l’utilisation et la diffusion de nos logiciels et systèmes favoris seraient bien compliquées. Je veux parler effectivement des empaqueteuses et empaqueteurs de logiciels libres. Quésaco ? Les habitués de cette antenne savent que quand on parle d’installer un système libre sur un ordinateur, on parle, en fait, d’installer une distribution GNU/Linux, c’est-à-dire que Linux ne vient jamais seul mais accompagné d’une tripotée de logiciels. Si vous voulez installer LibreOffice sur votre ordinateur sous Microsoft Windows, vous devez aller le télécharger. Alors que dans une distribution GNU/Linux, LibreOffice est prêt à être installé, voire installé automatiquement et ça ce n’est possible que parce que quelqu’un a préparé LibreOffice sous forme de paquet prêt à l’emploi.
Pour en savoir plus, je vous invite à écouter l’émission du 29 janvier 2019 sur les distributions.

Frédéric Couchet : Petite correction, c’est le 22 janvier 2019, c’est l’émission sur les distributions GNU/Linux. On a parlé ce jour-là de Debian, Ubuntu, Mageia. Ce sont des distributions sur lesquelles, évidemment, on peut installer entièrement un environnement de travail avec du logiciel libre, tout prêt. Il y a différentes distributions en fonction, peut-être, principalement des besoins. On en a parlé dans l’émission du 22 janvier 2019 sur les distributions.

Vincent Calame : Pour ceux qui ne connaissent pas, ce qui se rapproche le plus de l’idée de « distribution », ce sont les magasins d’application des téléphones. En fait, vous ne téléchargez pas un logiciel sur votre téléphone comme vous pouvez le faire sur un ordinateur, vous allez le chercher dans le magasin. Évidemment, il y a une différence de taille ! Dans un magasin, ce sont les entreprises productrices du logiciel qui le proposent, au bon vouloir d’ailleurs, de Google ou d’Apple.
Dans une distribution, ce sont des bénévoles qui vont préparer le paquet à partir du code source du logiciel. Ces personnes ne font pas nécessairement partie de l’équipe qui code le logiciel. Pour faire un bon paquet, certes il faut connaître le logiciel mais aussi les exigences de la distribution. Une personne qui code va souhaiter promouvoir la toute dernière version de son bébé, alors que la personne qui fait un paquet va privilégier la stabilité parce que c’est elle, en fait, qui est responsable de la diffusion du logiciel auprès d’un large public.
Pour illustrer ce travail d’empaquetage et ses embûches, je vais prendre pour exemple le paquet du logiciel SPIP de la distribution Debian, ce qui me permet au passage de saluer son responsable, David Prévot, et de le remercier à cette antenne pour son travail qui nous est bien utile pour la nouvelle génération des sites de l’April.

Frédéric Couchet : Oui, parce que les nouveaux sites de l’April, en tout cas la nouvelle génération des sites de l’April va être sous SPIP, ce logiciel de gestion de contenu dont tu vas nous parler. Le premier site de cette nouvelle génération c’est le site librealire.org. Libre à lire ! est un site dédié aux transcriptions sur les libertés informatiques. On a plus de 800 transcriptions qui ont été faites par notre groupe de travail Transcriptions. Je vous rappelle d’ailleurs que chaque mois Marie-Odile Morandi, l’animatrice du groupe Transcriptions, fait une chronique dans l’émission. Je vous invite à voir librealire.org. Bientôt il y aura libreavous.org et le site principal de l’April, april.org, sera aussi migré en SPIP. SPIP justement, Vincent.

Vincent Calame : Pour comprendre la difficulté de l’entreprise de faire un paquet, il faut rappeler que SPIP est un logiciel de gestion de contenu, autrement dit un logiciel dédié à la production de sites web. Il fait partie de toute une génération de logiciels nés au cours des années 2000, le plus connu étant Wordpress, qui ont en commun d’être écrits dans le langage PHP et conçus pour être installés dans le cadre d’un hébergement mutualisé de site web. Qu’est-ce que c’est un hébergement mutualisé ? Un hébergement mutualisé est une formule très bon marché : vous achetez auprès d’un hébergeur un espace où vous pouvez déposer tous les fichiers que vous voulez. Il y a, bien sûr, beaucoup moins de possibilités que quand on dispose de son propre serveur mais, dans les années 2000, avoir son propre serveur c’était un luxe. Ces logiciels sont installables facilement. Ils ont un autre point commun : ils mélangent allègrement dans l’arborescence de leurs répertoires les paramètres de configuration, le code du logiciel, les fichiers téléversés, les fichiers personnalisation du site, des extensions téléchargées sur un site tiers, j’en passe et des meilleurs.
Or, sur un ordinateur, heureusement, cela ne se passe pas comme ça. L’arborescence des fichiers suit des bonnes pratiques d’organisation. Si vous avez déjà consulté celle d’un système GNU/Linux, vous verrez la présence d’un répertoire etc/ pour la configuration, d’un répertoire usr/ pour les logiciels, d’un répertoire var/ pour les données, je cite les plus connus. Cela permet à la personne qui administre le serveur de savoir où se rendre pour résoudre tel ou tel problème. On comprend facilement que la tâche serait bien plus compliquée si chaque logiciel n’en faisait qu’à sa tête dans l’organisation des fichiers.
Donc dans le travail pour le paquet SPIP de Debian, il a fallu ventiler les différents répertoires composant SPIP dans l’arborescence du système pour respecter cette hiérarchie normalisée. Quand le logiciel n’a pas été conçu pour ça au départ, ce n’est pas simple, il faut jouer sur les renvois et les liens pour qu’aucun chemin ne soit cassé.
L’autre travail fait sur le paquet Debian, pour lequel je suis particulièrement reconnaissant à David Prévot de l’avoir fait, c’est la mutualisation du code de SPIP. Je m’explique : quand vous avez plusieurs sites SPIP, vous devez à chaque fois installer le code entier. Du coup, à chaque mise à jour, vous devez reprendre les sites un par un. SPIP propose une extension pour mutualiser le code, donc simplifier le processus, mais j’avoue que je n’avais jamais eu le courage de me plonger dedans. Or, le paquet SPIP de Debian intègre cette extension et la rend ainsi beaucoup facile à utiliser.
Et, bien sûr, l’intérêt d’un paquet, c’est que vous avez rapidement les correctifs de sécurité et que ceux-ci sont appliqués en même temps que toutes les mises à jour habituelles de votre serveur. C’est précieux quand il s’agit de logiciels gérant des sites parce qu’ils sont très exposés à des actes de piratage.
Voilà. Il y aurait encore beaucoup de choses à dire sur le sujet, mais comme moi-même je n’ai pas encore franchi le pas de l’écriture de paquets, je ne suis pas le mieux placé pour en parler. Je ne peux que suggérer qu’une émission Libre à vous ! soit consacrée à ces femmes et hommes de l’ombre, indispensables à la diffusion des logiciels libres et qui recherchent toujours de nouveaux volontaires.

Frédéric Couchet : Tout à fait. Par exemple la distribution Debian dont on parlait tout à l’heure, je crois que ce sont 1000 qui font de l’empaquetage de paquets, ce qu’on appelle de l’empaquetage en français ou du packaging en anglais. Peut-être que tu serais volontaire pour animer un sujet long sur ce sujet, si on trouve des personnes volontaires pour parler de leur travail.

Vincent Calame : Je sais qu’il y en avait effectivement aux Soirées de Contribution du Libre de Parinux. On avait des personnes qui faisaient des paquets pour Debian. Donc oui, il y aurait des personnes qui pourraient présenter leur travail.

Frédéric Couchet : On va prévoir ça dans le calendrier. Je rappelle que nous avons parlé des distributions GNU/Linux dans l’émission du 22 janvier 2019. Vous retrouvez le podcast sur causecommune.fm et sur april.org.
C’était la chronique « Jouons collectif » de Vincent Calame.
Je te souhaite une belle fin de journée

Vincent Calame : Merci à vous aussi.

Frédéric Couchet : Merci Vincent.
Nous allons faire une pause musicale.

[Virgule musicale]

Frédéric Couchet : Nous allons écouter Desire par Markvard. On se retrouve dans trois minutes 30. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : Desire par Markvard.

Voix off : Cause Commune, 93.1.

Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter Desire par Markvard, disponible sous licence libre Creative Commons Attribution, CC By. Le site de l’artiste est sur SoundCloud, donc soundcloud.com/Markvard. Vous retrouverez les références sur causecommune.fm et sur april.org.

[Virgule musicale]

L'accès aux documents administratifs avec Ma Dada

Frédéric Couchet : Nous allons poursuivre par notre sujet principal qui porte sur l’accès aux documents administratifs. En effet nous avons le droit de savoi









Laurent Savaëte : Merci

Eda Nano : Merci

Frédéric Couchet :

Eda Nano : À bientôt. On va passer directement au sujet suivant.

[Virgule musicale]

Isabelle Carrère d'Antanak Les apprentissages informatiques pour les jeunes et moins jeunes

Frédéric Couchet : « Que libérer d’autre que du logiciel ». La chronique d’Antanak. Isabelle Carrère et d’autres personnes actives de l’association Antanak se proposent de partager des situations très concrètes et/ou des pensées de mise en acte et en pratique au sein du collectif — le reconditionnement, la baisse des déchets, l’entraide sur les logiciels libres, l’appropriation du numérique par tous et toutes. Le thème du jour : les apprentissages informatiques par les jeunes et moins jeunes.
Bonjour Isabelle.

Isabelle Carrère : Bonjour Fred.

Frédéric Couchet : C’est à toi.

Isabelle Carrère : Ça va bien ?

Frédéric Couchet : Ça va bien. Et toi ?

Isabelle Carrère : Oui, ça va bien ! Mais là, aujourd’hui, ça va être une chronique dans laquelle je vais un peu râler. Depuis le premier confinement, j’ai déjà eu l’occasion de le dire ici je crois, on a distribué des dizaines et des dizaines d’ordinateurs reconditionnés et installés avec des distributions libres sous GNU/Linux. On a toujours fait cela depuis 2015, le début de l’association, mais là, les choses se sont grandement accélérées !>br/> On y passe un temps assez fou ! Non seulement toute la logistique pour récupérer le matériel, faire les installations, les tests, les éventuelles réparations, les ajouts de RAM, le changement d’un composant, etc., mais là, surtout, c’est un travail énorme que de recevoir les enfants, les jeunes – collégiens, lycéens, étudiants – et les adultes aussi, et de passer un moment avec elles et eux pour leur expliquer des choses. C’est une affaire assez complexe que d’arriver à décrypter ce que les personnes savent réellement ou pas, en si peu de temps.
Oui ! On passe à peu près entre 30 et 45 minutes avec chaque personne à qui on donne un ordinateur. On parle des bases de l’utilisation de l’appareil lui-même : le fonctionnement de la batterie, les connexions, wifis, filaires, le nettoyage de l’ordinateur, etc. On parle du système, de l’interface graphique, les icônes, les menus du bureau, le tableau de bord, les outils pour le son, les mises à jour. On essaye d’expliquer tout ça avec les termes les plus simples possibles, les plus abordables, et enfin on parle des applications logicielles classiques : VLC, le traitement de texte, naviguer sur Internet, et puis aussi quelques autres outils tels que Jitsi Meet, même si on sait que c’est souvent Zoom que les profs vont leur demander d’utiliser majoritairement ! Ceci dit, on installe aussi Zoom pour que les enfants ne soient pas perdu·e·s. On explique aussi des choses sur les cookies, sur les bloqueurs de publicité qu’on a installés sur Firefox, sur le « s » de https dans l’adresse, etc. Bon !, cela fait énormément de choses à assimiler pour ces jeunes et ces enfants en très peu de temps.
Ce qui me fait grandement peur et que je voulais partager aujourd’hui avec vous c’est la façon dont on a déjà inculqué, même aux plus jeunes, que le seul besoin qu’ils avaient était de savoir cliquer ! Du coup ils t’écoutent à peine, sûrs et certains qu’ils ou elles vont savoir se débrouiller. « Oui, oui, on a déjà vu ça à l’école ! » Tu parles !, ils n’ont rien vu du tout, ou si peu !
Ce sont les mêmes qui nous rappellent quelque temps après : « L’ordinateur ne marche pas !— Ah bon ! Pourtant il marchait quand on te l’a donné ! — Oui, mais là ça marche plus ! — Qu’est-ce qui ne fonctionne pas ? — Là c’est le clavier ». On essaye de comprendre et finalement : « Les chiffres, là en haut, ne s’écrivent pas ! — « Ah ! Et comment fais-tu pour taper les chiffres ? » Un silence, dans lequel j’entends « en fait elle est stupide, pourquoi elle me demande ça ? ». « Je tape sur la touche – j’insiste — tu frappes juste, par exemple, sur le 0 ? – Ben oui ! Et a ne donne pas un 0, ça donne un à ». Vous voyez la suite ! On n’avait pas dit comment utiliser le clavier. Maintenant on vérifie systématiquement que les personnes le savent !
Bref !, en tout cas ils et elles nous demandent de leur donner des réponses toutes faites, des codes pour arriver, vite, à ce qu’il leur faut faire, pas le temps de comprendre comment ça marche et pourquoi tel élément a ainsi été conçu ainsi plutôt qu’autrement.

Ça a l’air idiot ce que je vous raconte ! Basique ! Eh bien voilà, c’est ce qui se passe crûment dans la vraie vie, celle où on demande aux mioches d’aller sur ENT, leur espace numérique de travail, qui, par ailleurs, continuent de ne pas être accessibles à tout le monde, ça continue d’être saturé !, et on va juste leur montrer « tu cliques ici, tu cliques là, tu fais-ci, tu fais ça, et surtout, tu dois rendre ton devoir à telle heure », alors que les bases du fonctionnement ne sont absolument pas acquises. Ils ne savent pas la différence entre un navigateur et un moteur de recherche ; ils pensent Google quand on leur parle d’Internet ; ils disent word si on parle traitement de texte ; ils croient que les données sont leur ordinateur, voire ne se posent même pas la question, comme ils utilisent des smartphones, juste avec ce qu’il y a dedans, sans se poser de questions.
Certains jeunes sont venus avec le portable qu’on leur avait donné en en réclamant un autre parce que « ça ne marche pas, je n’arrive pas à me connecter à ENT Pronote », en pleine confusion sur le matériel, les applications, n’ayant aucune approche de ce qui est local, ce qui est ailleurs, et tout contrits, évidemment, parce qu’ils pensaient avoir fit une bêtise

On se demande, ici à Antanak, comment faire pour faire avancer les choses pour ces jeunes. Les tout petits moments qu’on peut passer avec chacun, chacune, ne sont évidemment pas suffisants. Personne ne va prendre du temps pour venir à un atelier de partage, ceux qu’on organise, en tout cas pas tant qu’il n’y aura pas de conscience un peu plus complète de ces questions-là. Les adultes viennent dans nos ateliers, mais pas les jeunes ni les enfants, ceci dit, on ne fait pas non plus d’ateliers spécifiques pour elles et eux. Peut-être qu’on devrait.

Je ne suis pas en train de dire que personne ne fait rien, bien entendu ! Mais nous constatons que les injustices sont toujours grandes à ce sujet. Selon le quartier où vous êtes, où vous vivez, l’école ou le collège où vous allez, selon que vos parents savent lire ou écrire, ou peu, vous n’aurez pas les mêmes chances dans les apprentissages et les capacités d’appropriation et de pouvoir faire des choix, de discerner sur les actions et les activités numériques, de comprendre les risques, bref !,de réfléchir.

Au-delà de cette question de classe sociale, ce qui me fait peur c’est que là on est en train d’engloutir, avec une rapidité déconcertante, toutes les étapes qui devraient permettre de penser la numérisation globale de la société, la connexion permanente, les injonctions à utiliser tel objet, tel outil, parce que c’est pratique.
On sait, depuis plusieurs années maintenant, les risques de la connexion permanente dans le milieu professionnel, également dans les relations entre vie privée et vie professionnelle des adultes, beaucoup écrivent là-dessus, on parle des problématiques du télétravail, etc., mais on se dépêche de faire en sorte que les enfants et les jeunes soient dans la même situation pour leurs apprentissages et pour leurs loisirs, leur vie sociale qu’on pilote désormais à distance, en ce moment. En ce moment, mais peut-être encore après !
Alors quand on parle d’enfants ou de jeunes décrocheurs et décrocheuses scolaires, ça peut aussi, peut-être, se penser sur cet axe. Non !

Quant à l’histoire du monde du Libre, très rares, trop rares, sont les enseignants et enseignantes qui prennent le temps de parler de cela, d’expliquer ce « 3ᵉ monde », entre guillemets, et de ce que cela signifie.
Je suis contente, toujours, qu’on ait réussi, du fait de cet accroissement des demandes, à faire que de plus en plus de personnes utilisent les logiciels libres, mais ce n’est pas gagné ! Les biens communs ne sont pas tout à fait leur préoccupation. Je veux dire qu’en fait on ne leur en parle pas ailleurs, et ça, pour moi, c’est vraiment dommageable !

Frédéric Couchet : Je suis bien d’accord et c’est vrai que toute la semaine dernière, ayant trois enfants – lycée, collège et primaire – a été compliquée, mais pas uniquement effectivement pour les élèves, aussi pour les enseignants et enseignantes qui sont laissés un petit peu à l’abandon par leur ministère. On va faire référence, quand même, au cher ministre, comment s’appelle-t-il déjà ? Blanquer, je cherche son prénom, en fait j’ai un trou de mémoire, Jean-Michel ?, j’ai un trou de mémoire, on va me corriger, Jean-Michel qui était plutôt là pour accuser peut-être des attaques extérieures ou des collégiens qui se sont mobilisés pour faire tomber les services du CNED alors que, tout simplement, ils n’étaient pas du tout prêts.
Quand tu parles de la séparation entre vie privée et vie professionnelle, il y a des enseignants, notamment pour un de mes enfants, qui a envoyé des consignes à 21 heures ou 22 heures, en dehors de ses horaires de travail. Donc une surcharge monumentale de travail. Ce n’est pas comme si on ne savait pas qu’il allait y avoir cette nouvelle vague et je pense qu’à la nouvelle vague on ne sera toujours pas prêts.

Isabelle Carrère : Ce sera toujours comme ça !

Frédéric Couchet : Ce sera toujours terrible !
Sur le salon web, on te dit courage. Jean-Michel, on confirme bien que c’est Jean-Michel. Blanquer. Ce n’était vraiment pas une blague, je ne me souvenais plus exactement du prénom.
Si vous voulez découvrir Antanak, notamment les locaux d’Antanak, ce sont nos voisins et voisines. Vous êtes au 18 rue Bernard Dimey dans le 18e et nous sommes au 22. N’hésitez pas à passer ou simplement allez sur le site antanak.com.
C’était la chronique d’Antanak, Isabelle Carrère, qui est toujours présidente d’Antanak.

Comme on a encore un petit peu de temps on va enchaîner avec une chronique préenregistrée.
On va passer au sujet suivant.

[Virgule musicale]

Chronique « La pituite de Luk » intitulée " Cruels mégapixels »

Frédéric Couchet : Nous allons poursuivre avec la chronique « La pituite de Luk ». Cette « La pituite de Luk » a été enregistrée initialement pour l’émission du 30 mars 2021, mais nous n’avons pas pu la diffuser faute de temps. Son titre c’est « Cruels mégapixels ». On va l’écouter, elle dure quatre minutes et on se retrouve juste après.

[Virgule sonore]

Luk : C’est peut-être la 100ᵉ de Libre à vous !, mais c’est aussi ma 13ᵉ pituite. Je ne suis pas superstitieux sauf quand le chiffre 13 apparaît, ou que je brise un miroir, ou que je croise un félin de couleur sombre, ou que je renverse des condiments, plus quelques autres trucs. Du coup, j’ai enregistré depuis sous mon lit où j’ai trouvé refuge.

Le direct c’est dangereux Je lisais une biographie de Frank Zappa récemment et ça m’a motivé à ne pas sortir. En 1971, un de ses fans a eu la fameuse idée de tirer une fusée de détresse dans le casino de Montreux où se déroulait le concert. Il a engendré une série de catastrophes : matériel de la tournée réduit en cendres, Casino de Montreux réduit en cendres, mais aussi composition du tube Smoke on the water par Deep Purple. Moins d’une semaine après, un autre fan agressait Zappa, lui occasionnant des fractures multiples, un traumatisme crânien et le larynx écrasé. Bon, OK ! Ce sont peut-être les fans qui sont dangereux.

Ce n’est pas Ena Matsuokae qui dira le contraire. Cette jeune et jolie chanteuse japonaise postait ses selfies sur des réseaux sociaux. Elle s’est fait agresser par un fan. Le mec a zoomé sur une des photos au point de trouver le nom de l’arrêt de bus situé devant chez elle dans le reflet de son œil.

Mais bon !, pourquoi ai-je peur ? Pour me faire agresser par un fan, il faudrait déjà que je sois célèbre. Or j’en suis loin, dans mon avant-dernière pituite, j’ai demandé à ce qu’on m’envoie des lingots d’or et je n’en ai aucun !

Toujours au Japon, un motard cinquantenaire racontait ses périples sur Twitter en se faisant passer pour une jeune et jolie motarde. Il utilisait FaceApp pour changer sa tête. Les belles ballades d’un motard sont bien moins intéressantes qu’une belle motarde en ballade. Un fan a examiné un reflet, encore une fois, et a levé la supercherie.

Et du coup, si ça se trouve le danger ce n’est ni la célébrité, ni le direct, ce sont les mégapixels. À cause d’eux, sur Internet tout le monde peut savoir que vous êtes un vieux. On n’aurait jamais dû aller au-delà de 640 sur 480.

On veut nous faire croire que le règne du mégapixel c’est bien. C’est l’éternelle jeunesse, comme Carrie Fisher qui apparaît jeune dans un film du 20e siècle. J’ai découvert que Brel est passé des 360 pixels en noir et blanc de la télé d’antan aux 1080 pixels de la HD et à la couleur par la magie d’un deepfake commis un certain Chris Ume. Le résultat est atroce. Le visage de Brel est inexpressif, synthétique. Il ne transpire plus. Pour être raccord, il aurait fallu faire déclamer « Ne me quitte pas » par une synthèse vocale inexpressive à la place de sa légendaire interprétation qui prend aux tripes.

Il existe aussi Deep Nostalgia, un outil qui permet de construire des avatars de personnes disparues. On importe une photo et une IA en fait une animation comme les tableaux qui bougent dans Harry Potter. Une boîte nommée DeadSocial propose également de piloter les comptes de réseaux sociaux des gens décédés pour envoyer des messages pour les anniversaires ou autres évènements du genre. Que se passera-t-il quand les destinataires mourront aussi ? Deux machines se souhaiteront « bon anniversaire » et se répondront merci jusqu’à la fin des temps ou le dépôt de bilan de l’entreprise, je suppose.

Tout cela me fait penser à cette citation : « Le spectacle en général, comme inversion concrète de la vie, est le mouvement autonome du non-vivant ». Il faut toujours connaître une citation de Guy Debord si on veut entretenir son côté prétentieux et pompeux. N’empêche qu’à force de se la répéter ça finit par faire sens. Ça doit être une variation intello du syndrome de Stockholm. Parce que cette non-vie au travers des mégapixels reste limitée dans le temps, quoi qu’on en dise. Zappa est mort d’un cancer à l’âge de 52 ans et les nombreux enregistrements de son vivant ne produisent pas de nouvelles musiques.

Finalement, la cinquantaine est peut-être plus dangereuse que les mégapixels finalement.
Plus proche de nous, Yann Le Pollotec a succombé au Covid à l’âge de 59 ans. C’était un camarade libriste qui avait, entre autres choses, réanimé l’espace numérique à la Fête de l’Huma. La Fête de l’Huma, c’est cet évènement qui célèbre le prolétariat mais où le champagne coule à flots, en coulisse ; ça fait tellement petit bourgeois ! Mais bon !, le sarcasme est facile et cet espace numérique était l’occasion, pour les libristes, de parler à beaucoup de monde, année après année, sans mégapixels entre eux et nous.

Il est trop tard pour remercier encore une fois Yann Le Pollotec pour ces espaces humains. Puissions-nous le prendre comme exemple et vivre de plein droit aussi longtemps que possible.

[Virgule sonore]

Frédéric Couchet : C’était donc la chronique « La pituite de Luk » intitulée « Cruels mégapixels », enregistrée pour l’émission du 30 mars 2020 qui était la 100e. Toutes nos pensées vont à la famille et aux proches de Yann Le Pollotec qui était quelqu’un, en plus, d’absolument adorable.

Nous approchons de la fin de l’émission, nous allons terminer par quelques annonces.

Quoi de Libre ? Actualités et annonces concernant l'April et le monde du Libre

Frédéric Couchet : Je suppose