Libre à vous ! Radio Cause Commune - Transcription de l'émission du 12 novembre 2019

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Titre : Émission Libre à vous ! diffusée mardi 12 novembre 2019 sur radio Cause Commune

Intervenant·e·s : - Frédéric Couchet - à la régie

Lieu : Radio Cause Commune

Date : 12 novembre 2019

Durée : 1 h 30 min

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Page des références utiles concernant cette émission

Licence de la transcription : Verbatim

Illustration :

NB : transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.


Transcription

Voix off : Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.

Frédéric Couchet : Bonjour à toutes. Bonjour à tous. Vous êtes sur la radio Cause Commune 93.1 en Île-de-France et partout dans le monde sur le site causecommune.fm.



[Virgule musicale]

Chronique de Jean-Christophe Becquet « Pépites libres »

Frédéric Couchet : Textes, images, vidéos ou bases de données, sélectionnés pour leur intérêt artistique, pédagogique, insolite, utile, Jean-Christophe Becquet, président de l’April, nous présente une ressource sous une licence libre. Les auteurs de ces pépites ont choisi de mettre l’accent sur les libertés accordées à leur public, parfois avec la complicité du chroniqueur, c’est la chronique « Pépites libres ». Jean-Christophe, tu es normalement avec nous au téléphone depuis Digne-les-Bains.

Jean-Christophe Becquet : Oui. Bonjour Fred, bonjour à tous, bonjour à toutes.

Frédéric Couchet : Bonjour Jean-Christophe. Le sujet du jour c’est la musique, le domaine public, les droits voisins et Musopen, la musique classique libérée.

Jean-Christophe Becquet : En effet. Le droit d'auteur réserve au créateur d'une œuvre un monopole temporaire sur l'exploitation de son travail. Ce privilège, qu'on appelle le droit patrimonial, interdit toute reproduction ou représentation de l'œuvre sans l'autorisation expresse de l'auteur. En droit français, cette restriction se prolonge 70 ans après la mort de l'auteur. Ensuite, les œuvres basculent dans ce que l’on appelle le domaine public.
Le domaine public désigne donc l'ensemble des œuvres pour lesquelles les droits patrimoniaux ont expiré et dont le public devrait pouvoir profiter librement. Malheureusement, c'est un petit peu plus compliqué que cela et d'autres droits se superposent au droit d'auteur pour venir restreindre encore les usages. Ce sont, entre autres, les droits voisins du droit d'auteur. Dans le cas de la musique, les droits voisins recouvrent les droits des producteurs et des interprètes.

Ainsi, pour la musique classique, s'il ne fait aucun doute que les compositions de Mozart, Beethoven ou Chopin appartiennent au domaine public, la plupart des enregistrements sont encore sous le joug de restrictions pour plusieurs décennies. En effet, la durée des droits voisins des interprètes a été prolongée de 50 à 70 ans par le Parlement européen en 2011. Cette directive a été transposée dans le droit français en 2015.

C'est pour dépasser ces restrictions qu'Aaron Dunn a lancé en 2005 le projet Musopen, ma pépite du jour. Musopen est une organisation américaine à but non lucratif dont l’objectif est de libérer les enregistrements de musique classique. Comment ? Eh bien en proposant à des musiciens professionnels d'enregistrer des œuvres pour les offrir au public. Musopen sollicite le soutien à travers des campagnes de financement participatif. Les artistes sont rémunérés. Simplement, au lieu d'une rente basée sur la diffusion de chaque enregistrement, ils perçoivent une rétribution pour leur travail au moment de son exécution. Ensuite, on leur demande de donner leur accord pour une diffusion libre, donc de renoncer contractuellement à leurs droits voisins d'interprète.

En 2012, le projet Musopen a par exemple levé 68 000 dollars, environ 62 000 euros, six fois l'objectif initialement fixé, auprès de plus de 1 200 contributeurs. Cet argent a permis de financer l'Orchestre symphonique de Prague pour enregistrer des œuvres de Beethoven, Brahms ou Tchaïkovski. En partageant librement les fruits de ce travail, Musopen a contribué à rendre accessibles à tous ces trésors de notre patrimoine musical.

Le site Musopen propose aujourd'hui un catalogue musical riche de plus de 5000 enregistrements partagés selon le régime du domaine public ou une licence libre, la licence Creative Commons BY-SA. D'autres enregistrements sont sous des licences de libre diffusion, c'est-à-dire qu'elles restreignent les utilisations commerciales ou la production de versions modifiées, licences Creative Commons NC ou ND, on ne peut donc pas les considérer comme libres. Pour chaque fichier, Musopen indique de manière très claire sous quelle licence il est disponible. On peut donc faire des recherches en filtrant selon la licence.
Musopen propose aussi un espace de partage de partitions musicales d'œuvres également passées dans le domaine public.
Musopen propose un accès gratuit mais limité aux téléchargements. Pour bénéficier de l'ensemble des services, il faut souscrire un abonnement payant. Notons que ce n'est absolument antinomique avec les licences libres que d'exiger une participation financière, par exemple, dans le cas de Musopen, pour télécharger plus de cinq fichiers par jour. Comme pour les logiciels, le gratuit n'est pas automatiquement libre et libre n'est pas forcément gratuit !

On trouve d'autres initiatives similaires comme Open Goldberg Variations qui a permis de libérer l'enregistrement et la partition des Variations Goldberg, une œuvre pour clavecin composée par Jean-Sébastien Bach.
Citons également Florence Robineau, pianiste et professeure au conservatoire de Rungis. Elle enregistre des morceaux de musique classique et les partage sous licence libre Creative Commons BY-SA.

Ces projets constituent un bel exemple d'utilisation des licences libres. Il est important de rappeler que ces licences s'appuient sur le droit d'auteur. En effet, dans le cas des interprétations musicales libérées par Musopen, Open Goldberg Variations ou Florence Robineau, c'est précisément parce que l’Internet [l'interprète, NdT] dispose d'un privilège sur son œuvre qu'il peut choisir de la partager sous licence libre.

Frédéric Couchet : Merci Jean-Christophe. En fait ce n’était pas « l’Internet », c’est « l’interprète », même Étienne rigole en régie ; je trouve que ce lapsus est assez révélateur. Je précise qu’on a écouté un extrait d’Open Goldberg Variations, de mémoire c’était l’émission du 9 juillet 2019, les références sont sur April et sur le site de Cause Commune, causecommune.fm. On rajoutera aussi le site de Florence Robineau qui partage ses musiques [interprétations] sous licence libre. C’est assez marrant parce que juste avant le début de l’émission je parlais avec Pierre Slamich, qui est l’un des invités pour le sujet d’après, justement de cette difficulté à trouver des morceaux de musique classique sous licence libre. J’espère que ta chronique permet aux gens de comprendre qu’en dehors du droit d’auteur il y a les fameux droits voisins ce qui fait que ça rend aujourd’hui effectivement, alors que, comme tu le dis, toutes ces musiques, toutes ces partitions sont dans le domaine public, le fait de trouver des interprétations disponibles librement très compliqué.

Jean-Christophe Becquet : Oui, en effet. Je rajouterai sur la page de l’émission les références du site Musopen, musopen.org, les Open Goldberg Variations, le site de Florence Robineau et quelques articles de presse, notamment sur Numerama, qui expliquent un petit peu la genèse et le succès de ces projets, notamment la levée de fonds dont je parlais tout à l’heure pour le projet Musopen.

Frédéric Couchet : Excellent. Comme tu parles de musique classique et de Musopen on va faire une pause musicale qui est intégrée dans ta chronique. Tu nous as suggéré d’écouter Peer Gynt, Morning Mood composé par Edvard Grieg. On se retrouve juste après. Belle journée à l’écoute de Cause Commune.

Pause musicale : Morning Mood, suite no. 1, Op. 46 interprétée par Peer Gynt composée par Edvard Grieg.

Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter Peer Gynt, Morning Mood composé par Edvard Grieg, disponible sous licence libre marque du domaine public et vous retrouverez les informations sur le site de l’April, april.org, et sur le site de la radio causecommune.fm.

Vous écoutez l’émission toujours Libre à vous ! sur radio Cause commune 93.1 FM en Île-de-France et partout ailleurs sur le site causecommune.fm.
Nous allons maintenant attaquer notre sujet principal.

[Virgule musicale]

Open Food Facts

Frédéric Couchet : Nous allons poursuivre par notre sujet principal



[Virgule musicale]

Chronique de Vincent Calame

Frédéric Couchet : Nous allons poursuivre avec la chronique « Jouons collectif » de Vincent Calame, bénévole à l’April. Bonjour Vincent.

Vincent Calame : Bonjour.

Frédéric Couchet : Alors aujourd'hui, tu souhaites nous parler de la clause «Pas d'usage commercial» de certaines licences Creative Commons.

Vincent Calame : Oui tout à fait. Pour cette chronique, j'ai un peu marché sur les plates-bandes de Jean-Christophe Becquet qui tient ici même une chronique «Pépite libre» qui présente des ressources justement sous licence libre. Et dans sa toute première chronique que l'on peut télécharger sur le site de l'April, il évoquait le cas d'une vidéo d'une conférence qui était sous licence Creative Commons mais qui ne pouvait pas rééutiliser dans une formation parce que ce n'est pas cette clause et qu'est-ce qu'elle avait justement cette clause usage non commercial. Et donc, dans sa chronique il parle de l'échange qu'il a eu avec l'auteur pour lui faire retirer cette clause. Et c'est ça dont je voudrais parler aujourd'hui.

Frédéric Couchet : Alors : clause, licence, Creative Commons... Trois mots de jargon d'un coup, explique nous ça.

Vincent Calame : Voilà alors, les habitués connaissent ça par coeur mais il faut préciser pour les personnes qui nous rejoignent. La licence c'est un document juridique qui indique les conditions d'utilisation d'un logiciel ou de toute autre production. Je parle sous contrôle. Vous savez, c'est souvent ce long texte que vous faites défiler rapidement sans lire pour faire activer le bouton «J'accepte» sans poser de questions. Il y a donc de très nombreuses licences différentes. Et dans le cas des logiciels libres, on dit qu'un logiciel est libre quand l'auteur lui a attaché une licence qui assure à l'utilisateur donc quatres libertés : la liberté d'utilisation, la liberté d'examen du code, de modification du code et de distribution de codes modifiés. La plus célèbre des licences libres et la première c'est la GNU GPL. Ces licences qui sont très utilisées dans le monde du logiciel libre ont inspiré d'autres licences plus adaptées à d'autres productions intellectuelles comme les textes et les vidéos. Et une des plus connues c'est la Creative Commons.

Frédéric Couchet : Attention Vincent, attention ! On ne dit pas la licence Creative Commons mais les licences Creative Commons.

Vincent Calame : Voilà, parce que nous approchons du problème. En fait, le système des Creative Commons, c'est une famille de licences. Et quand vous avez votre document, vous êtes l'auteur, vous voulez le mettre sous licence Creative Commons, vous choisissez un certain nombre de clauses parmi celles disponible. Il y a par exemple, la clause attribution qui demande que l'auteur initial soit bien cité, la clause «Partage à l'identique» qui impose de distribuer les modifications sous les mêmes conditions et la clause NC pour Non-Commercial qui interdit l'usage commercial.

Frédéric Couchet : Alors nous y sommes. Alors pourquoi pose-t-elle problème cette clause «Pas d'usage commercial» ?

Vincent Calame : Alors parce que une licence Creative Commons avec cette clause est une licence non libre. En effet, la première liberté des licences libres c'est celle de la liberté d'utilisation donc y compris dans un usage commercial. Et donc, avec une clause non commercial, vous limitez la liberté de l'utilisateur. Le problème en fait de cette clause, c'est que elle apparaît comme assez naturelle même très naturelle en particulier pour une association qui en France est régie par la fameuse loi de 1901.

Frédéric Couchet : Donc la loi qui parle d'associations à but non lucratif.

Vincent Calame : Exactement. Et pour les associations, il y a une légitime fierté à faire partie d'un secteur non marchand. Du coup, je pense qu'elles ont le sentiment que la clause NC est faite pour elles. Donc la difficulté du côté des millitants du libre, c'est de montrer en quoi cette clause est un frein à la diffusion de leurs productions. Donc un exemple, une photo ne peut pas être mise dans une production papier même si cette production a été vendue à un prix coûtant, juste au prix de l'impression. Je pense que pour les associations aussi, cette clause rassure parce que derrière ça, il y a quelqu'un, la crainte que quelqu'un profite du travail. Qu'il se fasse de l'argent dans le dos de l'association.

Frédéric Couchet : Oui oui. Ça c'est un fantasme en fait. Non ?

Vincent Calame : Oui. Je pense que oui dans le sens où moi je n'ai pas d'exemple concret d'un vol de données, d'informations ou de quelque chose qui serait de l'argent là-dessus. Mais je pense qu'il n'y a pas d'exemple concret mais en revanche il y a un environnement dont il faut être conscient quand on est aussi millitant du libre dans le sens où le monde associatif est en ce moment soumis à une très forte pression de rentabilité. Il y a des suppressions de subventions, il y a des exigences de redevabilité excessives, de rendre les comptes, des évalutations comptables et très tatillonnes et très financières, il faut faire du chiffre. Il y a également ce phénomène dans certains secteurs qui relève de l'économie sociale et solidaire comme les aides à la personne, à l'insertion etc,