Différences entre les versions de « Libre à vous ! Radio Cause Commune - Transcription de l'émission du 12 janvier 2021 »

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<b>Frédéric Couchet : </b>Texte, image, vidéo ou base de données, sélectionnée pour son intérêt artistique, pédagogique, insolite, utile. Jean-Christophe nous présente une ressource sous une licence libre. Les auteurs et autrice de ces pépites ont choisi de mettre l’accent sur la liberté à accorder à leur public, parfois avec la complicité du chroniqueur. C’est la chronique « Pépites libres » de Jean-Christophe Becquet, vice-président de l’April. Bonjour Jean-Christophe.
 
<b>Frédéric Couchet : </b>Texte, image, vidéo ou base de données, sélectionnée pour son intérêt artistique, pédagogique, insolite, utile. Jean-Christophe nous présente une ressource sous une licence libre. Les auteurs et autrice de ces pépites ont choisi de mettre l’accent sur la liberté à accorder à leur public, parfois avec la complicité du chroniqueur. C’est la chronique « Pépites libres » de Jean-Christophe Becquet, vice-président de l’April. Bonjour Jean-Christophe.
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==Le logiciel libre et la formation professionnelle, retour d’expérience et actualité de deux centres de formation avec Marie-Jo Kopp Castinel d’OpenGo et Jean-Michel Boulet de 2i2L==
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<b>Frédéric Couchet : </b>Nous allons poursuivre avec notre sujet principal qui va porter sur le logiciel libre et la formation professionnelle, retour d’expérience et actualité de deux centres de formation avec Marie-Jo Kopp Castinel d’OpenGo et Jean-Michel Boulet de 2i2L.<br/>
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On va vérifier que Marie-Jo et Jean-Michel sont au téléphone. Bonjour Marie-Jo.
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<b>Marie-Jo Kopp Castinel : </b>Bonjour Fred. Bonne année à tout le monde.
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<b>Frédéric Couchet : </b>Merci. Bonne année à toi également. Bonjour Jean-Michel.
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<b>Jean-Michel Boulet : </b>Bonjour. Bonjour à tout le monde. Bonne année.
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<b>Frédéric Couchet : </b>En espérant qu’elle soit meilleure que la précédente.<br/>
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Nous allons donc parler aujourd’hui, comme je le disais en introduction, de logiciel libre et de formation professionnelle. On va commencer par une petite présentation individuelle, une présentation de chacun de vous. On va commencer par Marie-Jo
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<b>Marie-Jo Kopp Castinel : </b>Marie-Jo. Je suis responsable du centre de formation OpenGo, spécialisé en migration vers le logiciel libre et vers LibreOffice en particulier, depuis une quinzaine d’années ; OpenGo fait également d’autres formations. Engagée dans Open office puis LibreOffice, dans l’association La Mouette, dans l’association PLOSS-RA, dont nous reparlerons, et formatrice de métier.
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<b>Frédéric Couchet : </b>Merci Marie-Jo. À ton tour Jean-Michel.
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<b>Jean-Michel Boulet : </b>Jean-Michel Boulet. Je suis formateur avant tout, formateur en enquêtes statistiques, traitement, analyse et représentation de données, c’est le plus clair de mon temps. Par ailleurs, comme Marie-Jo, je suis responsable de formation et gérant de l’organisme de formation 2i2L depuis 2006. On est super spécialisés sur des niches métier, on fait du métier et c’est pour ça que, généralement, on communique en disant qu’on assure de la formation en mode ingénierie sur des niveaux qu’on apprécie de transmettre et sur des logiciels libres uniquement, uniquement sur des logiciels libres. C’est la licence du logiciel qui nous fait rentrer la formation dans le catalogue.
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<b>Frédéric Couchet : </b>D’accord. On va évidemment parler de tout ça en détail.<br/>
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Première question avant d’aborder, justement, la partie ingénierie, logiciel libre, bureautique, premier sujet : pourquoi finalement est-il si important de former les gens en informatique ? Moi qui pensais, qui croyais que l’informatique c’est très simple, utilisable par toute personne. L’importance de former les gens. On va commencer par Marie-Jo.
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<b>Marie-Jo Kopp Castinel : </b>On constate, et Jean-Michel complétera avec d’autres aspects, que les gens ont un niveau informatique, donc le poste utilisateur, on ne va pas parler d’outils métier mais d’outils bureautiques et autres, assez mauvais, on va dire, au 21e siècle, particulièrement mauvais, parce qu’on ne forme pas les gens, parce qu’il y a des sociétés qui font des logiciels avec des gros boutons qui disent que c’est facile, alors que ce n’est pas vrai. Il faut un mode d’emploi. C’est comme si vous dites à quelqu’un « voilà les clefs de la voiture, tu vas conduire ». Non, il y a un mode d’emploi pour un traitement de texte, pour un tableur, pour tout outil. C’est donc essentiel de former les gens, on en demande de plus en plus aux gens, ils sont de plus en plus sous pression, donc il faut qu’ils arrivent à gagner du temps, à ne pas perdre de temps sur des outils qu’ils ne savent pas utiliser. Et là je laisse compléter Jean-Michel sur d’autres aspects.
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<b>Jean-Michel Boulet : </b>Je ne sais pas quels autres aspects. Il faut monter les gens en compétence, on commence à le comprendre, sur les aspects métier et logiciel. Pour les logiciels c’est ce qui nous concerne mais ce n’est pas du tout ce qu’on vend. On vend de la formation métier, de la méthode et puis des pratiques métier, parce que ce sont des spécialistes métiers qui interviennent, donc c’est d’abord ça.<bR/>
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Le logiciel vient dans un deuxième temps, c’est-à-dire qu’il faut le prendre en main et l’idée c’est d’assurer des gains de temps, de monter les gens en compétence et gagner de l’argent ; du temps et de l’argent.
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<b>Marie-Jo Kopp Castinel : </b>En tout cas de ne pas en perdre par l’improductivité des gens dans l’outil de bureautique, l’outil numérique en général, il n’y a pas que la bureautique.
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<b>Frédéric Couchet : </b>Oui, effectivement. On va parler un petit peu de bureautique et aussi d’ingénierie parce que, justement, vous êtes très complémentaires par rapport à ça. Il y a un exemple qui me vient en tête, je ne vais pas citer le document mais un document qui vient d’être publié très récemment dont la table des matières en PDF n’est pas cliquable, table des matières qui, visiblement, a été faite à la main, j’ai suivi ça. C’est quand même hallucinant, effectivement aujourd’hui, en 2021, que sur un outil de bureautique des gens fassent une table des matières à la main. C’est clairement un manque de formation ! C’est ça ?
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<b>Marie-Jo Kopp Castinel : </b>Oui, c’est encore plus flagrant quand ce sont des assistant·e·s. Encore, quand ce sont des gens qui sont dans d’autres métiers pour lesquels c’est juste un outil, bon !, ils n’ont pas été formés, c’est un manque de formation ! Mais pour des gens dont c’est le métier de produire du document bureautique, c’est en effet absolument incroyable de voir la méconnaissance totale des formats, la méconnaissance totale des techniques pour faire des documents corrects. Je l’ai vécu par rapport aux attestations notamment pour le Covid, c’est même un non-respect de l’individu à qui on transmet un document comme ça. Je trouve que ça va même loin dans l’image d’une entreprise ; je parlerai du privé. Une entreprise privée qui fournit un document bureautique d’une qualité médiocre casse son image de marque. Je trouve ça grave de ne pas avoir un document PDF avec une table des matières cliquable.
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<b>Frédéric Couchet : </b>Oui, ça m’a un peu étonné. On ne va pas citer le document, il vient d’être publié.<br/>
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Est-ce que c’est important, c’est encore renforcé, enfin je suppose, dans le cas des outils collaboratifs ; là on va vient de parler d’un document de bureautique. Depuis quelques années les outils collaboratifs se développent de plus en plus, donc je suppose que le besoin de formation est encore plus important et qu’il n’est pas uniquement technique dans ce cadre-là. Jean-Michel.
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<b>Jean-Michel Boulet : </b>Il n’est pas uniquement technique, j’ai envie de dire. Il l’est, bien sûr, parce qu’il y a de la méthode. Quand il y a de la méthode, il y a du métier, il y a un peu de technique. Mais, en effet, ça ne l’est plus parce qu’aujourd’hui tous les gens ont des mobiles, tous les gens utilisent Internet et tout le monde a bien compris où est-ce qu’il fallait cliquer, c’est à peu près tout le temps la même chose qui revient.<br/A
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Avant de parler de monter les gens en compétence, on a peut-être un manque de communication et de connaissance des outils, de tout ce qu’il faut, des choix. Les possibilités de faire des choix ça commence par là, j’ai envie de dire. Si on parle de formation professionnelle, on est obligé d’aborder les prérequis et c’est le premier point sur lequel il faut pointer, c’est la connaissance avant la montée en compétence ; les choix qui sont faits.<br/>
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Je ne sais pas si je réponds bien à ta question.
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<b>Frédéric Couchet : </b>Est-ce que tu peux préciser, s’il te plaît ?
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<b>Jean-Michel Boulet : </b>En fait, on est là un petit peu aussi parler des retours logiciel libre dans la formation professionnelle. J’ai envie de dire, d’un côté, heureusement que la connaissance n’est pas nécessaire, mais, en même temps, elle est intéressante. C’est-à-dire que quand nous intervenons sur des formations, les stagiaires ne savent pas forcément qu’ils sont sur une application particulière avec une licence particulière.
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<b>Frédéric Couchet : </b>Tu veux dire une information sur la partie licence logiciel libre.
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<b>Jean-Michel Boulet : </b>Non, pas sur la partie licence. Sur la partie logicielle, c’est-à-dire les choix qui sont faits au niveau des outils.<br/>
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Je vais prendre un autre exemple. Si on prend l’actualité avec le tout le confinement, tout le monde s’est retrouvé sur un super outil de visioconférence d’une entreprise californienne dont je tairai le nom et il y a eu beaucoup de communication dessus. Donc, du fait de la communication sur les radios, sur la télévision, enfin j’imagine parce que je n’ai pas la télévision comme ça, comme il y a eu beaucoup de communication partout, tout le monde s’est retrouvé dessus. Donc il y a eu des demandes de formation par rapport à ça, l’utilisation, des choses comme ça. Mais, en ce qui concerne le logiciel libre en tout cas, on a d’abord eu une première étape à prendre en considération c’est la connaissance et le choix dans les outils.
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<b>Frédéric Couchet : </b>En l’occurrence, je suppose que tu parlais de Zoom, effectivement pendant le confinement. En plus, pendant le confinement, les gens ont clairement été laissés seuls à se débrouiller. Je connais bien le monde de l’enseignement pour côtoyer pas mal de profs plus ou moins indirectement et, effectivement, nombre d’outils privateurs ont été utilisés ! En fait, ils ont retrouvé ce qu’ils connaissaient, en tout cas, peut-être, ce dont la presse parlait, etc., et ils se sont mis sur des trucs ! Donc c’est ce manque de connaissance d’alternatives. Donc quand tu demandais une demande de formation autour de Zoom, qu’est-ce que tu faisais ? Tu leur expliquais qu’il y avait des alternatives et tu les formais là-dessus ?
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<b>Jean-Michel Boulet : </b>Oui en effet. L’orientation de 2i2L est clairement vers le logiciel libre, donc c’est d’abord la licence qui compte.<br/>
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Après, évidemment, si on aborde ce point-là, on a d’autres inconvénients sur les logiciels. On ne refuse pas, clairement, de former sur un logiciel.
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<b>Frédéric Couchet : </b>Ce sont des choix.
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<b>Jean-Michel Boulet : </b>Si, en même temps, on refuse de former sur certains logiciels pour des raisons qui sont, là en l’occurrence, toute la partie RGPD, protection des données, la transparence du logiciel et ces choses-là.<br/>
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Oui, on va plutôt avoir une démarche de réorienter les gens vers d’autres applications, en l’occurrence BigBlueButton et ça a bien fonctionné. Plein d’instances ont été installées, on a accompagné les gens là-dessus, sur Moodle et toutes ces choses-là. Il y a eu cette réaction.<br/>
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Avant de prendre ces décisions de formation, il y a eu un long travail de transmission de connaissance.
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<b>Frédéric Couchet : </b>D’accord. On va détailler tout à l’heure les logiciels dont tu cites les noms, dans la partie travail collaboratif, je ne le fais pas tout de suite.<br/>
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Par contre, sur le salon web de la radio – je rappelle que les auditeurs et auditrices peuvent participer en se connectant sur le site web causecommune.fm, bouton « chat » et nous rejoindre sur le salon –, Jean-Christophe qui intervenait juste avant vous en chronique dit qu’il y a déjà un manque de conscience de la nécessité de se former de la part de la plupart des utilisateurs et utilisatrices, mais surtout des employeurs qu’ils soient publics ou privés. Est-ce que tu partages ce point de vue, Marie-Jo ?
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<b>Marie-Jo Kopp Castinel : </b>Non seulement je le partage, mais je fais je fais beaucoup de formation de formateurs, je ne fais pas que de la bureautique et c’est ce qu’on appelle l’incompétence inconsciente. La première phase de l’apprentissage, il faut bien le comprendre, c’est l’incompétence inconsciente. J’arrive en formation, déjà il faut que j’y aille. Vous savez c’est toujours une question de référentiel, la plupart pensent « je suis bon à côté de mon collègue ! ». C’est un référentiel. J’avais des pompiers que je salue, qui sont super, qui me disent « on n’est pas bons ». Je dis « si, vous étés bons à côté d’autres gens ! ». Les gens se sentent soit très mauvais soit très bons en fonction de leurs collègues, comme disait Coluche. Bref !<BR/>
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Donc la première chose de l’apprentissage c’est « je ne sais pas que je ne sais, donc je n’ai pas besoin d’être formé puisque je fais du tableur tous les jours ». Mais, en fait, ils ne savent rien faire, ils bidouillent avec le tableur tous les jours parce qu’ils n’ont jamais été formés. Ils arrivent en formation et, pour aller plus loin sur le sujet, il y a les quatre phases d’apprentissage : l’incompétence inconsciente, je ne sais pas que je ne sais pas, et puis, pendant la formation, il y a la phase d’incompétence consciente. Là je réalise que je ne sais pas et c’est là qu’on a les phases les plus compliquées à gérer en tant que formateur, avec des gens qui peuvent avoir des réactions assez compliquées parce qu’ils se retrouvent en situation d’échec. Donc oui les gens ne savent pas qu’ils ne savent pas, ne réalisent pas à quel point ils ne savent pas utiliser les outils. Moi je le vis avec mon téléphone portable, je n’aime pas le téléphone portable, je fais appel à mes gamins qui sont assez grands parce que je ne sais pas utiliser mon téléphone portable. Les gens ne réalisent pas à quel point ils utilisent mal. On a parlé de traitement de texte, mais on pourrait peut-être plus parler de messagerie aujourd’hui, on a le même problème. On ne forme pas les gens aux messageries, alors que les gens passent leur vie à envoyer des mails, ils ne savent pas faire un filtre, ils ne savent pas classer leurs mails, ils ne savent pas « répondre à tous. » Les gens qui ne savent pas répondre à tous, ça m’horripile !, mais c’est parce qu’ils n’ont jamais été formés, ni pris conscience de ça.
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<b>Frédéric Couchet : </b>Et je suppose aussi que les pseudo-algorithmes des boîtes mails privatrices type Google, Yahoo et compagnie, qui pré-filtrent automatiquement les mails. C’est-à-dire qu’ils envoient les pseudos spams dans un onglet, je ne sais plus comment il s’appelle, sur Gmail je crois que c’est « Promotions » et je crois que, finalement, tout le reste arrive dans la boîte principale et effectivement les gens ne trient pas parce qu’ils n’ont pas appris, tout simplement.
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<b>Marie-Jo Kopp Castinel : </b>Quand quelqu’un dit « je ne veux pas d’une nouvelle boite », je dis dans le milieu associatif, tu connais bien ce monde-là, « je n’ai pas envie d’avoir une adresse parce que je vais encore avoir des mails », eh bien tu fais un filtre, tu ranges tes mails. Encore faut-il savoir utiliser l’outil messagerie. En ce moment c’est criant la perte de temps occasionnée dans les entreprises et les collectivités par cette non-formation, en fait.<br/>
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Et surtout des gens qui pètent les plombs parce qu’ils sont en surcharge de travail alors que, peut-être, on pourrait être plus tranquille en étant plus efficace, enfin oui, ils pourraient être plus tranquilles pour faire leur travail. Du coup, ils retrouveraient facilement les cinq heures qui leur manquent par semaine.<br/>
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La formation est un investissement. J’ai vécu aussi ça, un endroit où le gars dit « je ne viens pas ce matin, je n’ai pas le temps — Pourquoi n’avez-vous pas le temps ? — Je n’aurai pas le temps jusqu’au mois de juin. – Venez et vous verrez que la demi-journée qu’on va passer ensemble va vous faire gagner quatre-cinq heures par semaine. » Il m’a dit « je viens juste ce matin ». Résultat il est venu le matin il m’a dit « OK, j’ai compris que je ne connaissais pas, je vais rester toute la journée ».
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En plus, non seulement je ne sais pas que je ne sais pas, mais, en plus, les gens se disent « je n’ai pas le temps » Si ! J’ai le temps d’investir une journée pour gagner plusieurs heures par semaine, que ce soit sur de la bureautique pure ou sur de l’application plus métier, plus orientée métier comme le fait Jean-Michel, sur des logiciels plus orientés métier.
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<b>Frédéric Couchet : </b>D’accord. Vas-y Jean-Michel si tu veux compéter.
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<b>Jean-Michel Boulet : </b>Compléter et prendre le contre-pied, en fait, parce que je ne vis pas ça. C’est-à-dire que dans les demandes qu’on a je suis plutôt avec des spécialistes métiers qui ont, justement, pointé le fait qu’ils ont un manque de maîtrise sur certains points et ils ont une demande précise. Pour nous ça commence par, ça en fait. Ça commence par une prise de connaissance des attentes, des besoins très précis pour découper une formation sur mesure. Pratiquement toutes les formations qu’on a c’est que le besoin est pointé et les stagiaires sont là parce qu’ils savent qu’ils ont besoin d’apprendre pour continuer à travailler.
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<b>Marie-Jo Kopp Castinel : </b>On en revient au public. En préparant cette émission, on s’en est bien rendu compte avec Jean-Michel. On n’a pas les mêmes préoccupations parce que ce n’est pas du tout le même axe de formation, en effet. Quand vous formez des gens en leur disant « on change d’outil bureautique, on forme sur un nouvel outil », il n’y a pas d’aboutissement, d’objectif précis, en fait, il faut juste qu’ils retrouvent leurs petits. En effet Jean-Michel, quand tu fais du QGIS ou des choses comme ça, c’est clair que le gars sait pourquoi il doit être formé.
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<b>Frédéric Couchet : </b>Ça va justement être l’occasion de préciser pour les personnes. Je vais laisser chacun et chacune expliquer son métier de formation, son cœur de métier. Je vais préciser que QGIS est un outil, un système de gestion d’informations géographiques dont on parlera sans doute prochainement dans <em>Libre à vous !</em>.<br/>
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OpenGo je rappelle le site web, opengo.fr, quels types de formation donnes-tu Marie-Jo ?
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<b>Marie-Jo Kopp Castinel : </b>On est vraiment spécialiste bureautique, donc accompagnement beaucoup dans les collectivités, parfois grosses associations ou entreprises privées, mais principalement collectivités ; c’est aujourd’hui l’activité principale. Ce sont vraiment des projets. Un projet de migration ce n’est pas que de la formation : il y a la formation, il y a la reprise documentaire, il y a la conduite du changement, il y a la communication, ça c’est le projet complet. C’est vrai que dans ce cadre-là de formation, les gens n’ont pas envie d’être en formation, ils n’ont pas envie qu’on leur enlève leur outil. C’est une partie de l’activité qui est très importante, c’est quand même la spécialité.<br/>
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OpenGo fait aussi de la formation en infographie, fait aussi des formations. On n’a pas le même vocabulaire avec Jean-Michel, lui parle de formation ingénierie, moi je parle de formation action, c’est-à-dire que j’ai aussi de clients où on va. Dernièrement, j’ai formé un responsable et une directrice financière sur du tableur, sur Calc, mais ce n’était pas dans le but de faire du Calc, c‘était dans le but de monter les budgets, les comparatifs, donc là aussi on est dans de l’ingénierie. C’est vrai qu’on va faire ça aussi.<br/>
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Donc c’est plus souvent, en effet, de la formation. Il y a toujours un programme spécifique puisqu’on ne fait que de l’intra et du spécifique aussi.<br/>
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J’en reviens à l’outil. La bureautique ce n’est pas toujours dans un but précis, c’est dans un but d’apprentissage du logiciel. Là, par contre, j’étais à Annecy ce matin, je reviens d’Annecy. J’accompagne les pompiers sur un projet avec Draw, LibreOffice Draw, là on sait exactement ce qu’on doit faire. C’est passionnant parce qu’on doit justement arriver à la finalité de l’outil métier qu’on est en train de créer avec l’outil Draw, mais c’est assez rare. Dans les migrations, et c’est vraiment une grosse différence avec Jean-Michel, on a des publics où là, en effet, il n’y a pas une finalité, il faut apprendre le nouvel outil, mais après on ne sait pas ce que les gens vont en faire, selon leurs usages.
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<b>Frédéric Couchet : </b>D’accord. Ça c’est OpenGo, Marie-Jo.<br/>
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Toi, Jean-Michel, de 2i2l.fr, tu fais de l’ingénierie. J’aimerais bien que tu nous expliques ce qu’est l’ingénierie, notamment pour les auditrices et auditeurs qui nous écoutent.
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<b>Jean-Michel Boulet : </b>C’est historique. Je suis un formateur en enquêtes statistiques, statistiques, analyse de données, depuis 20 ans. Dans mon travail je suis plutôt avec des chefs de projet ou avec des services qui ont des besoins de répondre à des questions.<br/>
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En fait je suis parti là-dessus dans le début des années 2000 et aujourd’hui j’ai agrégé un ensemble de spécialistes autour de moi. Comme ce ne sont que des spécialistes, eh bien on en vient à faire des formations pour des spécialistes métiers, des chefs de projet, des ingénieurs, etc., sur des projets.<br/>
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Pour vous donner quelques exemples, vous parliez de QJIS juste avant. QJIS est une application pour faire de la cartographie 2D, donc pour faire des cartes et qu’est-ce qu’on fait avec des cartes ? On fait beaucoup de choses. Par exemple avec QJIS on peut faire de la construction de cartes dynamiques pour la gestion de PLU, les plans locaux d’urbanisme. Toutes les collectivités, en France, ont besoin d’utiliser des logiciels comme ça pour faire les projets sur leur territoire. QJIS sert à ça et, aujourd’hui, on arrive à faire avec QJIS des choses que ne permettent pas de faire d’autres logiciels propriétaires, en particulier des aspects dynamiques, comme ça, de construction de cartes.<br/>
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D’autres exemples que je pourrais donner en cartographie, en cartographie 3D, trois dimensions : il y a un outil logiciel libre qui s’appelle ??? qui permet de faire des projections des terres submergées par les eaux dans les bassins versants. Vous avez de l’eau qui s’écoule le long d’une rivière et vous avez, avec ???, la possibilité de modéliser en 3D toute la prise d’eau sur tout le territoire. Donc ça permet d’avoir des projections avec l’élévation du niveau de la mer, des choses comme ça.<br/>
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On peut faire de la formation-intervention sur OpenStreetMap, sur la maîtrise des contributions à OpenStreetMap, sur la réalisation de cartes spécifiques pour le vélo avec des calculs d’itinéraire. Là, en fait, on va avoir des besoins où le formateur n’intervient pas uniquement avec des connaissances du logiciel, mais il intervient aussi avec de la méthodologie métier, des compétences métier qui sont assez élevées en fait. Pratiquement tous les formateurs, c’est du bac + 5 au niveau des interventions.<br/>
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Je peux vous donner d’autres exemples. On peut faire des formations, je peux vous en donner qui font sourire parce qu’elles sont rares, mais on peut faire du FFmpeg par exemple sur des flux vidéos sur la déformation de carlingue des avions dans les espaces de soufflerie.
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<b>Frédéric Couchet : </b>FFmpeg, c’est un outil, c’est une boîte à outils on va dire magique pour traiter effectivement de la vidéo, de l’audio, on l’utilise d’ailleurs beaucoup à l’April. C’est vraiment quelque chose de pointu, de haut niveau. Je suppose que tu fais aussi des formations de développement dans le cadre de ce que tu appelles ingénierie, de la création d’applications ?
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<b>Jean-Michel Boulet : </b>Oui, évidemment, il y a des choses plus classiques. On fait aussi simplement de la bureautique parce que c’est toujours intéressant d’aborder, de rencontrer. On a des clients qui le nous demandent par rapport à des formations spécialisées et on en vient à faire des choses plus génériques.<br/>
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Tout ce qui est générique, on fait du développement. Oui, on fait du développement, principalement du Python ; en ce moment c’est plutôt ça.
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<b>Frédéric Couchet : </b>Justement j’ai une question. Tu viens de parler de clientèle. Comment trouvez-vous vos clients ? J’ai l’impression que votre public cible est assez différent. Marie-Jo, comment trouves-tu tes clients ?
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<b>Marie-Jo Kopp Castinel : </b>Je voudrais juste rajouter, parce que j’ai parlé de LibreOffice, c’est un peu réducteur. Tout à l’heure tu as parlé des outils collaboratifs, bien sûr arrive maintenant en formation me concernant tout ce qui est la partie NexCloud, outil collaboratif. Là on n’est que dans du spécifique parce qu’à chaque entité en NextCloud on retrouve OnlyOffice derrière ou Collabora Office, ça dépend, mais il y a beaucoup d’ OnlyOffice derrière. C’est juste pour élargir sur le monde du poste de travail. Moi je suis vraiment basée poste de travail.
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<b>Frédéric Couchet : </b>Avant que tu répondes à la question, on va juste préciser que NextCloud est un environnement de travail collaboratif qui intègre agenda, qui intègre de la bureautique, enfin plein de choses. Vraiment quelque chose qui est un gros développement et il y a des administrations importantes qui migrent, il y a même des structures privées et autres. Je crois, de mémoire, si je me trompe Adrien me corrigera, qu’il y a une instance NexCloud proposée par le Chapril. Si vous voulez partager des photos dans votre famille ou un agenda avec votre famille, vous pouvez aller sur chapril.org.<br/>
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Je reviens à ma question, Marie-Jo, comment trouves-tu ta clientèle ?
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<b>Marie-Jo Kopp Castinel : </b>Concernant les collectivités, je ne la trouve pas, je réponds à des appels d’offre. C’est un gros travail, surtout quand on est une TPE, c’est toujours le vrai problème qu’on a sur PLOSS- RA avec toutes les entreprises, d’où le combat qu’on a, on en reparlera tout à l’heure, que les appels d’offre ne soient pas complètement pipés parce que c’est un énorme travail que de répondre à appel d’offre, même, entre guillemets, un « petit appel d’offre simple », la bureautique c’est assez simple, c’est quatre-cinq jours de boulot pour répondre à un appel d’offre. Les collectivités ce ne sont que des appels d’offre. Après, ça peut être des devis, des appels à projet avec des devis. Sinon, j’ai créé ma première société en 1996 et, en gros, j’ai la chance de ne pas avoir perdu de clients. Donc à force, par réseau, par connaissance et puis justement, on peut en parler maintenant, par le monde libriste en fait. Je pense que le monde libriste est un peu petit et on se connaît les uns les autres. Une fois j’ai formé des gens grâce à l’April, ils m’avaient trouvé sur le site de l’April.<br/>
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Donc ça va être du réseau, du bouche-à-oreille et des appels d’offre.
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<b>Frédéric Couchet : </b>D’accord. Je vais juste préciser avant de passer la parole à Jean-Michel sur le même sujet, que tu as cité PLOSS-RA, on va dire que PLOSS-RA c’est le regroupement d’entreprises libristes de la région Rhône-Alpes, tout simplement
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<b>Marie-Jo Kopp Castinel : </b>Auvergne-Rhône-Alpes.
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<b>Frédéric Couchet : </b>Auvergne-Rhône-Alpes, excuse-moi, ça a changé il y a quelques années, donc Auvergne-Rhône- Alpes.<br/>
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Même question Jean-Michel, comment trouves-tu ta clientèle et quels types de clients as-tu ?
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<b>Jean-Michel Boulet : </b>Puisque vous parlez du PlOSS-RA, je vais vous parler d’Alliance Libre.
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<b>Marie-Jo Kopp Castinel : </b>Alliance Libre c’est du côté de Nantes.
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<b>Jean-Michel Boulet : </b>C’est le cluster des Pays de la Loire et de Bretagne qui rassemble les entreprises ; les entreprises adhérentes d’Alliance Libre sont des entreprises qui font du Libre, l’idée c’est bien ça, c’est de nous mettre en réseau : ça rassemble historiquement Cap Libre qui était à Rennes. Donc on fait Pays de la Loire, Bretagne. On fait en sorte de se connaître. Alliance Libre ce sont 36 numéros SIRET, sociétés, 350 salariés, ça varie, à peu près 350 personnes qui travaillent sur le Libre.<br/>
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Je continue à répondre toujours dans l’idée de comment je trouve mes contrats. Forcément, bien sûr, c’est le réseau du Libre.<br/>
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À Nantes, au périphérique sud de Nantes, on est dans un bâtiment où il y a pratiquement 50 personnes dans un bâtiment où on fait tous du Libre, c’est le siège social de l’association Alliance Libre. Donc tous les jours, dans les deux salles de formation, on est parmi des libristes.<br/>
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Ça c’est une première chose, comment on trouve des contrats.<br/>
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J’ai envie de dire aussi aujourd’hui que ce n’est pas l’entrée principale. Il n’y a pas longtemps j’ai fait des calculs par rapport à l’année 2020, vu qu’elle n’a pas été terrible, j’ai plus de la moitié de mes contrats qui sont des anciens clients. On fonctionne depuis 2006, donc heureusement là, cette année, plus de la moitié sont des anciens clients.<br/>
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En fait il y a l’aspect réseau libriste, l’aspect on a un peu de bouteille donc on a des clients et, pour une minorité, le site web. Ce n’est pas énorme, ce n’est pas le principal. J’ai envie de dire avant ça, c’est vraiment du réseau en dehors du Libre, c’est tout le réseau qu’on fait en dehors du Libre puisque j’ai parlé du Libre avant.<br/>
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Donc j’ai envie de dire le Libre, les anciens clients, du réseau et puis un petit peu le site web, mais pas trop. J’ai envie de rajouter, j’avais envie de dire rien des réseaux sociaux, mais, en même temps, je n’y suis pas du tout !
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<b>Frédéric Couchet : </b>Effectivement !<br/>
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Avant la pause musicale, je vais préciser que PLOSS-RA, Auvergne-Rhône-Alpes et Alliance Libre Pays de la Loire et Bretagne sont membres d’un réseau plus important encore qui est le Conseil National du Logiciel Libre, cnll.fr.<br/>
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On va faire une petite pause musicale avant de poursuivre notre discussion. Nous allons rester avec Jahzzar. On va écouter <em>Ashes</em> par Jahzzar. On se retrouve juste après. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.
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<b>Pause musicale : </b><em>Ashes</em> par Jahzzar.
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<b>Voix off : </b>
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==Deuxième partie==
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<b>Frédéric Couchet : </b>Nous venons d’écouter

Version du 14 janvier 2021 à 09:29


Titre : Émission Libre à vous ! diffusée mardi 12 janvier 2021 sur radio Cause Commune

Intervenant·e·s : - Frédéric Couchet- Étienne Gonnu à la régie

Lieu : Radio Cause Commune

Date : 12 janvier 2021

Durée : 1 h 30 min

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Page des références utiles concernant cette émission

Licence de la transcription : Verbatim

Illustration :

NB : transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.

Transcription

Voix off : Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.

Frédéric Couchet : Bonjour à toutes. Bonjour à tous.
Logiciel libre et formation professionnelle, retour d’expérience et actualité de deux centres de formation, c’est le sujet principal de l’émission du jour. Avec également au programme la bande dessinée libre Pepper&Carrot, Poivre et Carotte, et aussi les systèmes d’exploitation libres pour téléphone mobile. Nous allons parler de tout cela dans l’émission du jour.

Vous êtes sur la radio Cause Commune, la voix des possibles, 93.1 FM et en DAB+ en Île-de-France et partout dans le monde sur le site causecommune.fm.

Soyez les bienvenus sur cette nouvelle édition de Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.

Je suis Frédéric Couchet, le délégué général de l’April.
Le site web de l’April c’est april.org, vous pouvez y trouver une page consacrée à cette émission avec les liens et les références utiles et également les moyens de nous contacter.

Nous sommes mardi 12 janvier 2021, nous diffusons en direct, mais vous écoutez peut-être une rediffusion ou un podcast.

À la réalisation de l’émission aujourd’hui mon collègue Étienne Gonnu, accompagné de Adrien Bourmault, bénévole à l’April. Bonjour les gars.

Étienne Gonnu : Salut.

Adrien Bourmault : Hello.

Frédéric Couchet : Si vous souhaitez réagir, poser une question pendant ce direct, n’hésitez pas à vous connecter sur le salon web de la radio. Pour cela rendez-vous sur le site causecommune.fm, cliquez sur « chat » et rendez-vous sur le salon dédié à l’émission.
Nous vous souhaitons une excellente écoute.

Tout de suite place au premier sujet.

[Virgule musicale]

Chronique « Pépites libres » de Jean-Christophe Becquet, vice-président de l’April, sur la bande dessinée libre Pepper&Carrot de David Revoy

Frédéric Couchet : Texte, image, vidéo ou base de données, sélectionnée pour son intérêt artistique, pédagogique, insolite, utile. Jean-Christophe nous présente une ressource sous une licence libre. Les auteurs et autrice de ces pépites ont choisi de mettre l’accent sur la liberté à accorder à leur public, parfois avec la complicité du chroniqueur. C’est la chronique « Pépites libres » de Jean-Christophe Becquet, vice-président de l’April. Bonjour Jean-Christophe.

Le logiciel libre et la formation professionnelle, retour d’expérience et actualité de deux centres de formation avec Marie-Jo Kopp Castinel d’OpenGo et Jean-Michel Boulet de 2i2L

Frédéric Couchet : Nous allons poursuivre avec notre sujet principal qui va porter sur le logiciel libre et la formation professionnelle, retour d’expérience et actualité de deux centres de formation avec Marie-Jo Kopp Castinel d’OpenGo et Jean-Michel Boulet de 2i2L.
On va vérifier que Marie-Jo et Jean-Michel sont au téléphone. Bonjour Marie-Jo.

Marie-Jo Kopp Castinel : Bonjour Fred. Bonne année à tout le monde.

Frédéric Couchet : Merci. Bonne année à toi également. Bonjour Jean-Michel.

Jean-Michel Boulet : Bonjour. Bonjour à tout le monde. Bonne année.

Frédéric Couchet : En espérant qu’elle soit meilleure que la précédente.
Nous allons donc parler aujourd’hui, comme je le disais en introduction, de logiciel libre et de formation professionnelle. On va commencer par une petite présentation individuelle, une présentation de chacun de vous. On va commencer par Marie-Jo

Marie-Jo Kopp Castinel : Marie-Jo. Je suis responsable du centre de formation OpenGo, spécialisé en migration vers le logiciel libre et vers LibreOffice en particulier, depuis une quinzaine d’années ; OpenGo fait également d’autres formations. Engagée dans Open office puis LibreOffice, dans l’association La Mouette, dans l’association PLOSS-RA, dont nous reparlerons, et formatrice de métier.

Frédéric Couchet : Merci Marie-Jo. À ton tour Jean-Michel.

Jean-Michel Boulet : Jean-Michel Boulet. Je suis formateur avant tout, formateur en enquêtes statistiques, traitement, analyse et représentation de données, c’est le plus clair de mon temps. Par ailleurs, comme Marie-Jo, je suis responsable de formation et gérant de l’organisme de formation 2i2L depuis 2006. On est super spécialisés sur des niches métier, on fait du métier et c’est pour ça que, généralement, on communique en disant qu’on assure de la formation en mode ingénierie sur des niveaux qu’on apprécie de transmettre et sur des logiciels libres uniquement, uniquement sur des logiciels libres. C’est la licence du logiciel qui nous fait rentrer la formation dans le catalogue.

Frédéric Couchet : D’accord. On va évidemment parler de tout ça en détail.
Première question avant d’aborder, justement, la partie ingénierie, logiciel libre, bureautique, premier sujet : pourquoi finalement est-il si important de former les gens en informatique ? Moi qui pensais, qui croyais que l’informatique c’est très simple, utilisable par toute personne. L’importance de former les gens. On va commencer par Marie-Jo.

Marie-Jo Kopp Castinel : On constate, et Jean-Michel complétera avec d’autres aspects, que les gens ont un niveau informatique, donc le poste utilisateur, on ne va pas parler d’outils métier mais d’outils bureautiques et autres, assez mauvais, on va dire, au 21e siècle, particulièrement mauvais, parce qu’on ne forme pas les gens, parce qu’il y a des sociétés qui font des logiciels avec des gros boutons qui disent que c’est facile, alors que ce n’est pas vrai. Il faut un mode d’emploi. C’est comme si vous dites à quelqu’un « voilà les clefs de la voiture, tu vas conduire ». Non, il y a un mode d’emploi pour un traitement de texte, pour un tableur, pour tout outil. C’est donc essentiel de former les gens, on en demande de plus en plus aux gens, ils sont de plus en plus sous pression, donc il faut qu’ils arrivent à gagner du temps, à ne pas perdre de temps sur des outils qu’ils ne savent pas utiliser. Et là je laisse compléter Jean-Michel sur d’autres aspects.

Jean-Michel Boulet : Je ne sais pas quels autres aspects. Il faut monter les gens en compétence, on commence à le comprendre, sur les aspects métier et logiciel. Pour les logiciels c’est ce qui nous concerne mais ce n’est pas du tout ce qu’on vend. On vend de la formation métier, de la méthode et puis des pratiques métier, parce que ce sont des spécialistes métiers qui interviennent, donc c’est d’abord ça.
Le logiciel vient dans un deuxième temps, c’est-à-dire qu’il faut le prendre en main et l’idée c’est d’assurer des gains de temps, de monter les gens en compétence et gagner de l’argent ; du temps et de l’argent.

Marie-Jo Kopp Castinel : En tout cas de ne pas en perdre par l’improductivité des gens dans l’outil de bureautique, l’outil numérique en général, il n’y a pas que la bureautique.

Frédéric Couchet : Oui, effectivement. On va parler un petit peu de bureautique et aussi d’ingénierie parce que, justement, vous êtes très complémentaires par rapport à ça. Il y a un exemple qui me vient en tête, je ne vais pas citer le document mais un document qui vient d’être publié très récemment dont la table des matières en PDF n’est pas cliquable, table des matières qui, visiblement, a été faite à la main, j’ai suivi ça. C’est quand même hallucinant, effectivement aujourd’hui, en 2021, que sur un outil de bureautique des gens fassent une table des matières à la main. C’est clairement un manque de formation ! C’est ça ?

Marie-Jo Kopp Castinel : Oui, c’est encore plus flagrant quand ce sont des assistant·e·s. Encore, quand ce sont des gens qui sont dans d’autres métiers pour lesquels c’est juste un outil, bon !, ils n’ont pas été formés, c’est un manque de formation ! Mais pour des gens dont c’est le métier de produire du document bureautique, c’est en effet absolument incroyable de voir la méconnaissance totale des formats, la méconnaissance totale des techniques pour faire des documents corrects. Je l’ai vécu par rapport aux attestations notamment pour le Covid, c’est même un non-respect de l’individu à qui on transmet un document comme ça. Je trouve que ça va même loin dans l’image d’une entreprise ; je parlerai du privé. Une entreprise privée qui fournit un document bureautique d’une qualité médiocre casse son image de marque. Je trouve ça grave de ne pas avoir un document PDF avec une table des matières cliquable.

Frédéric Couchet : Oui, ça m’a un peu étonné. On ne va pas citer le document, il vient d’être publié.
Est-ce que c’est important, c’est encore renforcé, enfin je suppose, dans le cas des outils collaboratifs ; là on va vient de parler d’un document de bureautique. Depuis quelques années les outils collaboratifs se développent de plus en plus, donc je suppose que le besoin de formation est encore plus important et qu’il n’est pas uniquement technique dans ce cadre-là. Jean-Michel.

Jean-Michel Boulet : Il n’est pas uniquement technique, j’ai envie de dire. Il l’est, bien sûr, parce qu’il y a de la méthode. Quand il y a de la méthode, il y a du métier, il y a un peu de technique. Mais, en effet, ça ne l’est plus parce qu’aujourd’hui tous les gens ont des mobiles, tous les gens utilisent Internet et tout le monde a bien compris où est-ce qu’il fallait cliquer, c’est à peu près tout le temps la même chose qui revient.<br/A Avant de parler de monter les gens en compétence, on a peut-être un manque de communication et de connaissance des outils, de tout ce qu’il faut, des choix. Les possibilités de faire des choix ça commence par là, j’ai envie de dire. Si on parle de formation professionnelle, on est obligé d’aborder les prérequis et c’est le premier point sur lequel il faut pointer, c’est la connaissance avant la montée en compétence ; les choix qui sont faits.
Je ne sais pas si je réponds bien à ta question.

Frédéric Couchet : Est-ce que tu peux préciser, s’il te plaît ?

Jean-Michel Boulet : En fait, on est là un petit peu aussi parler des retours logiciel libre dans la formation professionnelle. J’ai envie de dire, d’un côté, heureusement que la connaissance n’est pas nécessaire, mais, en même temps, elle est intéressante. C’est-à-dire que quand nous intervenons sur des formations, les stagiaires ne savent pas forcément qu’ils sont sur une application particulière avec une licence particulière.

Frédéric Couchet : Tu veux dire une information sur la partie licence logiciel libre.

Jean-Michel Boulet : Non, pas sur la partie licence. Sur la partie logicielle, c’est-à-dire les choix qui sont faits au niveau des outils.
Je vais prendre un autre exemple. Si on prend l’actualité avec le tout le confinement, tout le monde s’est retrouvé sur un super outil de visioconférence d’une entreprise californienne dont je tairai le nom et il y a eu beaucoup de communication dessus. Donc, du fait de la communication sur les radios, sur la télévision, enfin j’imagine parce que je n’ai pas la télévision comme ça, comme il y a eu beaucoup de communication partout, tout le monde s’est retrouvé dessus. Donc il y a eu des demandes de formation par rapport à ça, l’utilisation, des choses comme ça. Mais, en ce qui concerne le logiciel libre en tout cas, on a d’abord eu une première étape à prendre en considération c’est la connaissance et le choix dans les outils.

Frédéric Couchet : En l’occurrence, je suppose que tu parlais de Zoom, effectivement pendant le confinement. En plus, pendant le confinement, les gens ont clairement été laissés seuls à se débrouiller. Je connais bien le monde de l’enseignement pour côtoyer pas mal de profs plus ou moins indirectement et, effectivement, nombre d’outils privateurs ont été utilisés ! En fait, ils ont retrouvé ce qu’ils connaissaient, en tout cas, peut-être, ce dont la presse parlait, etc., et ils se sont mis sur des trucs ! Donc c’est ce manque de connaissance d’alternatives. Donc quand tu demandais une demande de formation autour de Zoom, qu’est-ce que tu faisais ? Tu leur expliquais qu’il y avait des alternatives et tu les formais là-dessus ?

Jean-Michel Boulet : Oui en effet. L’orientation de 2i2L est clairement vers le logiciel libre, donc c’est d’abord la licence qui compte.
Après, évidemment, si on aborde ce point-là, on a d’autres inconvénients sur les logiciels. On ne refuse pas, clairement, de former sur un logiciel.

Frédéric Couchet : Ce sont des choix.

Jean-Michel Boulet : Si, en même temps, on refuse de former sur certains logiciels pour des raisons qui sont, là en l’occurrence, toute la partie RGPD, protection des données, la transparence du logiciel et ces choses-là.
Oui, on va plutôt avoir une démarche de réorienter les gens vers d’autres applications, en l’occurrence BigBlueButton et ça a bien fonctionné. Plein d’instances ont été installées, on a accompagné les gens là-dessus, sur Moodle et toutes ces choses-là. Il y a eu cette réaction.
Avant de prendre ces décisions de formation, il y a eu un long travail de transmission de connaissance.

Frédéric Couchet : D’accord. On va détailler tout à l’heure les logiciels dont tu cites les noms, dans la partie travail collaboratif, je ne le fais pas tout de suite.
Par contre, sur le salon web de la radio – je rappelle que les auditeurs et auditrices peuvent participer en se connectant sur le site web causecommune.fm, bouton « chat » et nous rejoindre sur le salon –, Jean-Christophe qui intervenait juste avant vous en chronique dit qu’il y a déjà un manque de conscience de la nécessité de se former de la part de la plupart des utilisateurs et utilisatrices, mais surtout des employeurs qu’ils soient publics ou privés. Est-ce que tu partages ce point de vue, Marie-Jo ?

Marie-Jo Kopp Castinel : Non seulement je le partage, mais je fais je fais beaucoup de formation de formateurs, je ne fais pas que de la bureautique et c’est ce qu’on appelle l’incompétence inconsciente. La première phase de l’apprentissage, il faut bien le comprendre, c’est l’incompétence inconsciente. J’arrive en formation, déjà il faut que j’y aille. Vous savez c’est toujours une question de référentiel, la plupart pensent « je suis bon à côté de mon collègue ! ». C’est un référentiel. J’avais des pompiers que je salue, qui sont super, qui me disent « on n’est pas bons ». Je dis « si, vous étés bons à côté d’autres gens ! ». Les gens se sentent soit très mauvais soit très bons en fonction de leurs collègues, comme disait Coluche. Bref !
Donc la première chose de l’apprentissage c’est « je ne sais pas que je ne sais, donc je n’ai pas besoin d’être formé puisque je fais du tableur tous les jours ». Mais, en fait, ils ne savent rien faire, ils bidouillent avec le tableur tous les jours parce qu’ils n’ont jamais été formés. Ils arrivent en formation et, pour aller plus loin sur le sujet, il y a les quatre phases d’apprentissage : l’incompétence inconsciente, je ne sais pas que je ne sais pas, et puis, pendant la formation, il y a la phase d’incompétence consciente. Là je réalise que je ne sais pas et c’est là qu’on a les phases les plus compliquées à gérer en tant que formateur, avec des gens qui peuvent avoir des réactions assez compliquées parce qu’ils se retrouvent en situation d’échec. Donc oui les gens ne savent pas qu’ils ne savent pas, ne réalisent pas à quel point ils ne savent pas utiliser les outils. Moi je le vis avec mon téléphone portable, je n’aime pas le téléphone portable, je fais appel à mes gamins qui sont assez grands parce que je ne sais pas utiliser mon téléphone portable. Les gens ne réalisent pas à quel point ils utilisent mal. On a parlé de traitement de texte, mais on pourrait peut-être plus parler de messagerie aujourd’hui, on a le même problème. On ne forme pas les gens aux messageries, alors que les gens passent leur vie à envoyer des mails, ils ne savent pas faire un filtre, ils ne savent pas classer leurs mails, ils ne savent pas « répondre à tous. » Les gens qui ne savent pas répondre à tous, ça m’horripile !, mais c’est parce qu’ils n’ont jamais été formés, ni pris conscience de ça.

Frédéric Couchet : Et je suppose aussi que les pseudo-algorithmes des boîtes mails privatrices type Google, Yahoo et compagnie, qui pré-filtrent automatiquement les mails. C’est-à-dire qu’ils envoient les pseudos spams dans un onglet, je ne sais plus comment il s’appelle, sur Gmail je crois que c’est « Promotions » et je crois que, finalement, tout le reste arrive dans la boîte principale et effectivement les gens ne trient pas parce qu’ils n’ont pas appris, tout simplement.

Marie-Jo Kopp Castinel : Quand quelqu’un dit « je ne veux pas d’une nouvelle boite », je dis dans le milieu associatif, tu connais bien ce monde-là, « je n’ai pas envie d’avoir une adresse parce que je vais encore avoir des mails », eh bien tu fais un filtre, tu ranges tes mails. Encore faut-il savoir utiliser l’outil messagerie. En ce moment c’est criant la perte de temps occasionnée dans les entreprises et les collectivités par cette non-formation, en fait.
Et surtout des gens qui pètent les plombs parce qu’ils sont en surcharge de travail alors que, peut-être, on pourrait être plus tranquille en étant plus efficace, enfin oui, ils pourraient être plus tranquilles pour faire leur travail. Du coup, ils retrouveraient facilement les cinq heures qui leur manquent par semaine.
La formation est un investissement. J’ai vécu aussi ça, un endroit où le gars dit « je ne viens pas ce matin, je n’ai pas le temps — Pourquoi n’avez-vous pas le temps ? — Je n’aurai pas le temps jusqu’au mois de juin. – Venez et vous verrez que la demi-journée qu’on va passer ensemble va vous faire gagner quatre-cinq heures par semaine. » Il m’a dit « je viens juste ce matin ». Résultat il est venu le matin il m’a dit « OK, j’ai compris que je ne connaissais pas, je vais rester toute la journée ». En plus, non seulement je ne sais pas que je ne sais pas, mais, en plus, les gens se disent « je n’ai pas le temps » Si ! J’ai le temps d’investir une journée pour gagner plusieurs heures par semaine, que ce soit sur de la bureautique pure ou sur de l’application plus métier, plus orientée métier comme le fait Jean-Michel, sur des logiciels plus orientés métier.

Frédéric Couchet : D’accord. Vas-y Jean-Michel si tu veux compéter.

Jean-Michel Boulet : Compléter et prendre le contre-pied, en fait, parce que je ne vis pas ça. C’est-à-dire que dans les demandes qu’on a je suis plutôt avec des spécialistes métiers qui ont, justement, pointé le fait qu’ils ont un manque de maîtrise sur certains points et ils ont une demande précise. Pour nous ça commence par, ça en fait. Ça commence par une prise de connaissance des attentes, des besoins très précis pour découper une formation sur mesure. Pratiquement toutes les formations qu’on a c’est que le besoin est pointé et les stagiaires sont là parce qu’ils savent qu’ils ont besoin d’apprendre pour continuer à travailler.

Marie-Jo Kopp Castinel : On en revient au public. En préparant cette émission, on s’en est bien rendu compte avec Jean-Michel. On n’a pas les mêmes préoccupations parce que ce n’est pas du tout le même axe de formation, en effet. Quand vous formez des gens en leur disant « on change d’outil bureautique, on forme sur un nouvel outil », il n’y a pas d’aboutissement, d’objectif précis, en fait, il faut juste qu’ils retrouvent leurs petits. En effet Jean-Michel, quand tu fais du QGIS ou des choses comme ça, c’est clair que le gars sait pourquoi il doit être formé.

Frédéric Couchet : Ça va justement être l’occasion de préciser pour les personnes. Je vais laisser chacun et chacune expliquer son métier de formation, son cœur de métier. Je vais préciser que QGIS est un outil, un système de gestion d’informations géographiques dont on parlera sans doute prochainement dans Libre à vous !.
OpenGo je rappelle le site web, opengo.fr, quels types de formation donnes-tu Marie-Jo ?

Marie-Jo Kopp Castinel : On est vraiment spécialiste bureautique, donc accompagnement beaucoup dans les collectivités, parfois grosses associations ou entreprises privées, mais principalement collectivités ; c’est aujourd’hui l’activité principale. Ce sont vraiment des projets. Un projet de migration ce n’est pas que de la formation : il y a la formation, il y a la reprise documentaire, il y a la conduite du changement, il y a la communication, ça c’est le projet complet. C’est vrai que dans ce cadre-là de formation, les gens n’ont pas envie d’être en formation, ils n’ont pas envie qu’on leur enlève leur outil. C’est une partie de l’activité qui est très importante, c’est quand même la spécialité.
OpenGo fait aussi de la formation en infographie, fait aussi des formations. On n’a pas le même vocabulaire avec Jean-Michel, lui parle de formation ingénierie, moi je parle de formation action, c’est-à-dire que j’ai aussi de clients où on va. Dernièrement, j’ai formé un responsable et une directrice financière sur du tableur, sur Calc, mais ce n’était pas dans le but de faire du Calc, c‘était dans le but de monter les budgets, les comparatifs, donc là aussi on est dans de l’ingénierie. C’est vrai qu’on va faire ça aussi.
Donc c’est plus souvent, en effet, de la formation. Il y a toujours un programme spécifique puisqu’on ne fait que de l’intra et du spécifique aussi.
J’en reviens à l’outil. La bureautique ce n’est pas toujours dans un but précis, c’est dans un but d’apprentissage du logiciel. Là, par contre, j’étais à Annecy ce matin, je reviens d’Annecy. J’accompagne les pompiers sur un projet avec Draw, LibreOffice Draw, là on sait exactement ce qu’on doit faire. C’est passionnant parce qu’on doit justement arriver à la finalité de l’outil métier qu’on est en train de créer avec l’outil Draw, mais c’est assez rare. Dans les migrations, et c’est vraiment une grosse différence avec Jean-Michel, on a des publics où là, en effet, il n’y a pas une finalité, il faut apprendre le nouvel outil, mais après on ne sait pas ce que les gens vont en faire, selon leurs usages.

Frédéric Couchet : D’accord. Ça c’est OpenGo, Marie-Jo.
Toi, Jean-Michel, de 2i2l.fr, tu fais de l’ingénierie. J’aimerais bien que tu nous expliques ce qu’est l’ingénierie, notamment pour les auditrices et auditeurs qui nous écoutent.

Jean-Michel Boulet : C’est historique. Je suis un formateur en enquêtes statistiques, statistiques, analyse de données, depuis 20 ans. Dans mon travail je suis plutôt avec des chefs de projet ou avec des services qui ont des besoins de répondre à des questions.
En fait je suis parti là-dessus dans le début des années 2000 et aujourd’hui j’ai agrégé un ensemble de spécialistes autour de moi. Comme ce ne sont que des spécialistes, eh bien on en vient à faire des formations pour des spécialistes métiers, des chefs de projet, des ingénieurs, etc., sur des projets.
Pour vous donner quelques exemples, vous parliez de QJIS juste avant. QJIS est une application pour faire de la cartographie 2D, donc pour faire des cartes et qu’est-ce qu’on fait avec des cartes ? On fait beaucoup de choses. Par exemple avec QJIS on peut faire de la construction de cartes dynamiques pour la gestion de PLU, les plans locaux d’urbanisme. Toutes les collectivités, en France, ont besoin d’utiliser des logiciels comme ça pour faire les projets sur leur territoire. QJIS sert à ça et, aujourd’hui, on arrive à faire avec QJIS des choses que ne permettent pas de faire d’autres logiciels propriétaires, en particulier des aspects dynamiques, comme ça, de construction de cartes.
D’autres exemples que je pourrais donner en cartographie, en cartographie 3D, trois dimensions : il y a un outil logiciel libre qui s’appelle ??? qui permet de faire des projections des terres submergées par les eaux dans les bassins versants. Vous avez de l’eau qui s’écoule le long d’une rivière et vous avez, avec ???, la possibilité de modéliser en 3D toute la prise d’eau sur tout le territoire. Donc ça permet d’avoir des projections avec l’élévation du niveau de la mer, des choses comme ça.
On peut faire de la formation-intervention sur OpenStreetMap, sur la maîtrise des contributions à OpenStreetMap, sur la réalisation de cartes spécifiques pour le vélo avec des calculs d’itinéraire. Là, en fait, on va avoir des besoins où le formateur n’intervient pas uniquement avec des connaissances du logiciel, mais il intervient aussi avec de la méthodologie métier, des compétences métier qui sont assez élevées en fait. Pratiquement tous les formateurs, c’est du bac + 5 au niveau des interventions.
Je peux vous donner d’autres exemples. On peut faire des formations, je peux vous en donner qui font sourire parce qu’elles sont rares, mais on peut faire du FFmpeg par exemple sur des flux vidéos sur la déformation de carlingue des avions dans les espaces de soufflerie.

Frédéric Couchet : FFmpeg, c’est un outil, c’est une boîte à outils on va dire magique pour traiter effectivement de la vidéo, de l’audio, on l’utilise d’ailleurs beaucoup à l’April. C’est vraiment quelque chose de pointu, de haut niveau. Je suppose que tu fais aussi des formations de développement dans le cadre de ce que tu appelles ingénierie, de la création d’applications ?

Jean-Michel Boulet : Oui, évidemment, il y a des choses plus classiques. On fait aussi simplement de la bureautique parce que c’est toujours intéressant d’aborder, de rencontrer. On a des clients qui le nous demandent par rapport à des formations spécialisées et on en vient à faire des choses plus génériques.
Tout ce qui est générique, on fait du développement. Oui, on fait du développement, principalement du Python ; en ce moment c’est plutôt ça.

Frédéric Couchet : Justement j’ai une question. Tu viens de parler de clientèle. Comment trouvez-vous vos clients ? J’ai l’impression que votre public cible est assez différent. Marie-Jo, comment trouves-tu tes clients ?

Marie-Jo Kopp Castinel : Je voudrais juste rajouter, parce que j’ai parlé de LibreOffice, c’est un peu réducteur. Tout à l’heure tu as parlé des outils collaboratifs, bien sûr arrive maintenant en formation me concernant tout ce qui est la partie NexCloud, outil collaboratif. Là on n’est que dans du spécifique parce qu’à chaque entité en NextCloud on retrouve OnlyOffice derrière ou Collabora Office, ça dépend, mais il y a beaucoup d’ OnlyOffice derrière. C’est juste pour élargir sur le monde du poste de travail. Moi je suis vraiment basée poste de travail.

Frédéric Couchet : Avant que tu répondes à la question, on va juste préciser que NextCloud est un environnement de travail collaboratif qui intègre agenda, qui intègre de la bureautique, enfin plein de choses. Vraiment quelque chose qui est un gros développement et il y a des administrations importantes qui migrent, il y a même des structures privées et autres. Je crois, de mémoire, si je me trompe Adrien me corrigera, qu’il y a une instance NexCloud proposée par le Chapril. Si vous voulez partager des photos dans votre famille ou un agenda avec votre famille, vous pouvez aller sur chapril.org.
Je reviens à ma question, Marie-Jo, comment trouves-tu ta clientèle ?

Marie-Jo Kopp Castinel : Concernant les collectivités, je ne la trouve pas, je réponds à des appels d’offre. C’est un gros travail, surtout quand on est une TPE, c’est toujours le vrai problème qu’on a sur PLOSS- RA avec toutes les entreprises, d’où le combat qu’on a, on en reparlera tout à l’heure, que les appels d’offre ne soient pas complètement pipés parce que c’est un énorme travail que de répondre à appel d’offre, même, entre guillemets, un « petit appel d’offre simple », la bureautique c’est assez simple, c’est quatre-cinq jours de boulot pour répondre à un appel d’offre. Les collectivités ce ne sont que des appels d’offre. Après, ça peut être des devis, des appels à projet avec des devis. Sinon, j’ai créé ma première société en 1996 et, en gros, j’ai la chance de ne pas avoir perdu de clients. Donc à force, par réseau, par connaissance et puis justement, on peut en parler maintenant, par le monde libriste en fait. Je pense que le monde libriste est un peu petit et on se connaît les uns les autres. Une fois j’ai formé des gens grâce à l’April, ils m’avaient trouvé sur le site de l’April.
Donc ça va être du réseau, du bouche-à-oreille et des appels d’offre.

Frédéric Couchet : D’accord. Je vais juste préciser avant de passer la parole à Jean-Michel sur le même sujet, que tu as cité PLOSS-RA, on va dire que PLOSS-RA c’est le regroupement d’entreprises libristes de la région Rhône-Alpes, tout simplement

Marie-Jo Kopp Castinel : Auvergne-Rhône-Alpes.

Frédéric Couchet : Auvergne-Rhône-Alpes, excuse-moi, ça a changé il y a quelques années, donc Auvergne-Rhône- Alpes.
Même question Jean-Michel, comment trouves-tu ta clientèle et quels types de clients as-tu ?

Jean-Michel Boulet : Puisque vous parlez du PlOSS-RA, je vais vous parler d’Alliance Libre.

Marie-Jo Kopp Castinel : Alliance Libre c’est du côté de Nantes.

Jean-Michel Boulet : C’est le cluster des Pays de la Loire et de Bretagne qui rassemble les entreprises ; les entreprises adhérentes d’Alliance Libre sont des entreprises qui font du Libre, l’idée c’est bien ça, c’est de nous mettre en réseau : ça rassemble historiquement Cap Libre qui était à Rennes. Donc on fait Pays de la Loire, Bretagne. On fait en sorte de se connaître. Alliance Libre ce sont 36 numéros SIRET, sociétés, 350 salariés, ça varie, à peu près 350 personnes qui travaillent sur le Libre.
Je continue à répondre toujours dans l’idée de comment je trouve mes contrats. Forcément, bien sûr, c’est le réseau du Libre.
À Nantes, au périphérique sud de Nantes, on est dans un bâtiment où il y a pratiquement 50 personnes dans un bâtiment où on fait tous du Libre, c’est le siège social de l’association Alliance Libre. Donc tous les jours, dans les deux salles de formation, on est parmi des libristes.
Ça c’est une première chose, comment on trouve des contrats.
J’ai envie de dire aussi aujourd’hui que ce n’est pas l’entrée principale. Il n’y a pas longtemps j’ai fait des calculs par rapport à l’année 2020, vu qu’elle n’a pas été terrible, j’ai plus de la moitié de mes contrats qui sont des anciens clients. On fonctionne depuis 2006, donc heureusement là, cette année, plus de la moitié sont des anciens clients.
En fait il y a l’aspect réseau libriste, l’aspect on a un peu de bouteille donc on a des clients et, pour une minorité, le site web. Ce n’est pas énorme, ce n’est pas le principal. J’ai envie de dire avant ça, c’est vraiment du réseau en dehors du Libre, c’est tout le réseau qu’on fait en dehors du Libre puisque j’ai parlé du Libre avant.
Donc j’ai envie de dire le Libre, les anciens clients, du réseau et puis un petit peu le site web, mais pas trop. J’ai envie de rajouter, j’avais envie de dire rien des réseaux sociaux, mais, en même temps, je n’y suis pas du tout !

Frédéric Couchet : Effectivement !
Avant la pause musicale, je vais préciser que PLOSS-RA, Auvergne-Rhône-Alpes et Alliance Libre Pays de la Loire et Bretagne sont membres d’un réseau plus important encore qui est le Conseil National du Logiciel Libre, cnll.fr.
On va faire une petite pause musicale avant de poursuivre notre discussion. Nous allons rester avec Jahzzar. On va écouter Ashes par Jahzzar. On se retrouve juste après. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : Ashes par Jahzzar.

Voix off :

Deuxième partie

Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter