Différences entre les versions de « Libre à vous ! Radio Cause Commune - Transcription de l'émission du 02 février 2021 »

De April MediaWiki
Aller à la navigationAller à la recherche
Ligne 48 : Ligne 48 :
  
 
[Virgule musicale]
 
[Virgule musicale]
 +
 +
==Chronique « Les transcriptions qui redonnent le goût de la lecture » de Marie-Odile Morandi, animatrice du groupe Transcriptions et administratrice de l'April, sur le thème de la déontologie pour la filière électronique==
 +
 +
<b>Étienne Gonnu : </b>Nous allons commencer par « Les transcriptions qui redonnent le goût de la lecture » de Marie-Odile Morandi.<br/>
 +
Aujourd’hui, Marie-Odile, je crois que tu vas nous parler du thème de la déontologie dans la filière électronique.
 +
 +
<b>Marie-Odile Morandi : </b>Oui, bonjour Étienne, tout à fait.<br/>
 +
Récemment Deux transcriptions ont particulièrement retenu mon attention dernièrement dont les intitulés sont « Le numérique peut-il être écologique et responsable ? » et « Concevoir de manière responsable, l’exemple de Fairphone ». Vous trouverez les liens vers ces deux transcriptions sur la page des références concernant l’émission d’aujourd’hui, sur le site de l’April.
 +
 +
En 2018, on comptait 15 milliards d’équipements numériques – ordinateurs, consoles de jeu, smartphones. On en prédit 65 milliards en 2025. À l’heure actuelle il y aurait 8 milliards d’abonnements mobiles dans le monde, plus que d’êtres humains.
 +
Certes, nous avons tous constaté récemment que ces formidables équipements sont devenus indispensables dans des secteurs comme le monde médical, le monde de l’éducation et bien d’autres. Mais ils sont aussi une source importante d’impacts environnementaux. Ces impacts sont concentrés principalement au moment de la fabrication des équipements, au moment de la production de l’électricité qui va les alimenter et au moment de leur fin de vie, quand ils deviennent des déchets qui sont mal ou pas recyclés.
 +
 +
Dans un téléphone portable on compte à peu près 200 composants fabriqués à partir d’environ 40 matériaux différents dont ce qu’on appelle les terres rares, utilisés aussi pour les éoliennes et les panneaux photovoltaïques, donc l’énergie dite renouvelable, l’électronique, les véhicules électriques. L’exemple des smartphones s’applique à la globalité de l’industrie électronique.
 +
 +
La phase de fabrication est celle qui concentre à elle seule trois quarts des impacts. Elle se déroule dans des pays émergents éloignés de la zone européenne, souvent sur des arrières-fonds de confits armés et de corruption. Les forêts primaires sont rasées, les écosystèmes détruits sur des hectares. Dans les mines, il faut déplacer de grandes quantités de matière pour récupérer des quantités relativement petites de produits utiles ; c’est le cas des terres rares dont les ressources s’épuisent.
 +
La roche ou les minerais sont alors dissous à l’aide de produits toxiques pour récupérer ces métaux, phase très polluante, vorace en eau, avec détournement de l’utilisation de l’eau potable et contamination des sols et des fleuves.
 +
Les conditions de travail sont très difficiles, voire dramatiques. Ce sont souvent, entre guillemets, « des auto-entrepreneurs » qui vont, avec leur propre matériel plus ou moins performant, creuser des tunnels, sans aucune régulation. Un million d’enfants travaillent dans ces mines pour un ou deux euros par jour.
 +
L’assemblage du produit final a lieu principalement en Chine où la main-d’œuvre est un peu moins chère, même si c’est de moins en moins le cas.
 +
 +
On estime à 53 millions de tonnes la quantité annuelle de déchets électroniques dont moins de 20 % sont collectés, recyclés de manière efficace, sans polluer, dans une usine reconnue officiellement. On ne sait pas ce qu’il advient des 80 % restant.
 +
 +
Le constat étant fait, il faut maintenant réveiller les consciences et c’est ce que font les intervenants et intervenantes dont les propos ont été transcrits : Agnès Crépet et Alix Dodu de Fairphone, Frédéric Bordage de GreenIT qui était intervenu dans l’émission <em>Libre à vous !</em> du 17 septembre 2019, Vincent Courboulay, maître de conférences en informatique à La Rochelle Université et Sophie Comte, cofondatrice du magazine <em>Chut !</em>.
 +
 +
Devons-nous, utilisateurs et utilisatrices, suivre la mode pour nos outils technologiques sur lesquels sont développées des fonctions, avouons-le, pas très utiles, dont le modèle économique est basé sur la notion de désir ? Or nous Européens, occidentaux des pays riches, donnons des signaux de ce qui est fun, de ce qui est cool, quasiment au reste de la population. Est-ce raisonnable ?
 +
L’équipement le plus vert c’est celui qu’on ne fabrique pas et nos usages numériques les plus respectueux de la planète sont ceux qu’on modère le plus possible. Prendre soin de son terminal, smartphone ou ordinateur, pour pouvoir l’utiliser longtemps permettra de réduire son empreinte numérique.
 +
 +
D’où la nécessité de prendre en considération le réemploi. Donner une seconde vie à nos équipements numériques, les reconditionner, les remettre à un état quasi neuf pour qu’ils puissent être réemployés devient fondamental.
 +
De plus en plus de Français sont intéressés par l’achat en reconditionné. Il y a donc bien envie d’une consommation plus responsable. La filière réemploi se développe principalement au travers de l’économie sociale et solidaire ; ce sont des emplois locaux, d’insertion ou liés au handicap, non délocalisables, un formidable terreau d’emplois.
 +
 +
Nous, utilisateurs, avons les cartes en main. Chacun d’entre nous peut agir à son humble niveau.
 +
Les pouvoirs publics ont aussi leur rôle à jouer. Les intervenants se montrent optimistes et affirment qu’il y a une prise de conscience récente de la nécessité d’encadrer cette filière reconditionnement-réemploi avec quelques promesses pour l’année 2021.
 +
Des standards internationaux existent depuis plus d’une dizaine d’années concernant la prise en compte des aspects environnementaux dans le cycle de vie des produits. Des dizaines d’entreprises éco-conçoivent concrètement des services numériques. Fairphone en fait partie et son approche est l’exemple à suivre : penser une écoconception qui consiste à inclure dès la fabrication les impacts environnementaux, sociaux et humains du produit.
 +
Fairphone est une société néerlandaise qui fabrique un téléphone, mais ce téléphone est un moyen, absolument pas une finalité. Son objectif est de lever l’opacité, d’expliquer les chaînes d’approvisionnement et divulguer son savoir librement à d’autres, consommateurs ou fabricants de téléphones, mais aussi à l’industrie électronique au sens large. La fabrication d’un téléphone de façon éco-conçue donne aux militants de Fairphone légitimité et crédibilité afin d’influencer d’autres partenaires et favoriser la transition vers une industrie électronique plus vertueuse.
 +
Certes le prix de ce téléphone durable et éthique est conséquent, mais sans doute plus juste : des contacts sont tissés avec les ONG et les gouvernements locaux pour s’assurer que les matériaux utilisés ne sont pas entachés de sang, pour permettre petit à petit de combattre le travail des enfants dans les mines, améliorer les conditions de travail des mineurs artisanaux ainsi que les conditions de vie des travailleuses et travailleurs au moment de l’assemblage dans les pays asiatiques. De plus, ce téléphone est constitué de modules indépendants. Il est facilement démontable. C’est un téléphone réparable.
 +
 +
Le sujet des logiciels est évoqué, mentionnant qu’il existe des solutions alternatives à Google et Apple. Chez Fairphone, on travaille à rendre disponibles des mises à jour durables dans le temps, nécessaires à la longévité du produit.
 +
 +
Certains et certaines d’entre vous connaissent peut-être Serge Latouche, un auteur dont j’ai particulièrement apprécié les ouvrages. Professeur d’économie, il a développé au début des années 2000 le concept de décroissance, une décroissance soutenable.
 +
Actuellement on a forgé des expressions et des démarches comme « sobriété numérique » ou « numérique responsable ». L’objectif, derrière, est bien le même : aider au quotidien les citoyens à réduire leur impact environnemental en réfléchissant en amont à la réelle nécessité de l’acte d’achat – l’objet le plus durable reste celui que l’on possède déjà – en faisant un choix éclairé au moment de l’achat – l’objet est-il réparable ? – et en ayant un usage raisonné et raisonnable du numérique. Vous trouverez, en lisant les transcriptions, divers conseils utiles et faciles à mettre en œuvre par chacun d’entre nous.
 +
 +
Nous sommes toutes et tous concernés, individus, entreprises et pouvoirs publics. L'expérience de Fairphone, la remarquable démarche vertueuse de ses militants et militantes, est un modèle de déontologie à faire connaître au plus grand nombre. Oui, il est possible de rendre nos équipements plus durables. Oui, il est possible au moment de leur fabrication de prendre en compte non seulement les problématiques environnementales, mais aussi les problématiques sociales et humaines, c’est-à-dire penser aux hommes, aux femmes et hélas aux enfants qui sont derrière chaque appareil.
 +
 +
<b>Étienne Gonnu : </b>Merci Marie-Odile pour ce sujet ô combien important. D’ailleurs je trouve que tu fais intelligemment le lien entre les enjeux environnementaux et les enjeux sociaux qui sont justement inséparables, en réalité. Je vais profiter de ta chronique pour saluer Frédéric Bordage, que tu as mentionné, avec qui nous avions agi sur le projet de loi économie circulaire, pour lutter contre l’obsolescence logicielle. On va également en profiter pour saluer le travail d’Antanak, une association basée justement sur le don et le partage, qui fait de la récup de matériel informatique qui est reconfiguré avec des logiciels libres et qui nous propose chaque mois une chronique justement dans <em>Libre à vous !</em> « Que libérer d’autre que du logiciel ».<br/>
 +
Merci beaucoup Marie-Odile. Je vais te dire bonne journée et au mois prochain.
 +
 +
<b>Marie-Odile Morandi : </b>Peut-être au mois prochain. Merci à vous. Bonne émission.
 +
 +
<b>Étienne Gonnu : </b>Salut Marie-Odile.<br/>
 +
Nous allons faire une pause musicale.
 +
 +
[Virgule musicale]
 +
 +
<b>Étienne Gonnu : </b>Aujourd’hui notre programmateur musical, Éric Fraudain, du site auboutdufil.com, nous fait Découvrir l’artiste Your Friend, Ghost, un duo formé par Matt et Jesse Chason, deux cousins originaires de la région de l’Hudson Valley dans l’État de New York. Le premier morceau s’intitule <em>Nowhere Known</em>. On se retrouve juste après. Je vous souhaite une belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.
 +
 +
<b>Pause musicale : </b><em>Nowhere Known</em> par Your Friend, Ghost.
 +
 +
<b>Voix off : </b>Cause Commune, 93.1.
 +
 +
<b>Étienne Gonnu : </b>Nous venons d’écouter <em>Nowhere Known</em> par Your Friend, Ghost, disponible sous licence libre Creative Commons Attribution, CC By, qui permet la réutilisation, la modification, la diffusion, le partage de cette musique pour toute utilisation y compris commerciale, à condition de créditer l’artiste, le nom, la source du fichier original, d’indiquer la licence et d’indiquer si des modifications ont été effectuées. Vous retrouverez les références sur causecommune.fm et april.org, ainsi qu’une présentation de l’artiste sur le site auboutdufil.com.<br/>
 +
 +
Vous écoutez l’émission <em>Libre à vous !</em> sur radio Cause commune, la voix des possibles, 93.1 FM en Île-de-France et en DAB+ et partout dans le monde sur le site causecommune.fm.<br/>
 +
Je suis Étienne Gonnu, chargé de mission affaires publiques pour l’Aprtil.
 +
 +
Passons maintenant à notre sujet suivant.
 +
 +
[Virgule musicale]
 +
 +
==L'engagement de Télécom Saint-Étienne, école d’ingénieurs, en faveur du logiciel libre avec Jacques Fayolle et Pierre-Yves Fraisse respectivement directeur et directeur des systèmes d'information de Télécom Saint-Étienne==
 +
 +
<b>Étienne Gonnu : </b>Nous allons poursuivre par notre sujet principal

Version du 2 février 2021 à 19:14


Titre : Émission Libre à vous ! diffusée mardi 02 février 2021 sur radio Cause Commune

Intervenants : Marie-Odile Morandi - Jacques Fayolle - Pierre-Yves Fraisse - Jean-Christophe Becquet -- Étienne Gonnu - Adrien Bourmault et Isabella Vanni à la régie

Lieu : Radio Cause Commune

Date : 02 février 2021

Durée : 1 h 30 min

Podcast provisoire

Page des références utiles concernant cette émission

Licence de la transcription : Verbatim

Illustration :

NB : transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.

Transcription

Voix off : Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.

Étienne Gonnu : L’engagement de Télécom Saint-Étienne, école d’ingénieurs, pour le logiciel libre, c’est le sujet principal de l’émission du jour. Également au programme la chronique de Marie-Odile Morandi sur la déontologie de la filière électronique et Jean-Christophe Becquet nous présentera sa pépite libre, le livre de Jean-Michel Cornu La coopération, nouvelles approches. Nous allons parler de tout cela dans l’émission du jour.

Vous êtes sur la radio Cause Commune, la voix des possibles, 93.1 FM et en DAB+ en Île-de-France et partout dans le monde sur le site causecommune.fm.

Soyez les bienvenus pour cette 92e édition de Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.

Je suis Étienne Gonnu, chargé de mission affaires publiques pour l’April.
Le site web de l’April c’est april.org, vous pouvez y trouver une page consacrée à cette émission avec tous les liens et références utiles et également les moyens de nous contacter. N’hésitez pas à nous faire des retours ou à nous poser toute question.

Nous sommes le mardi 2 février 2021, nous diffusons en direct, mais vous écoutez peut-être une rediffusion ou un podcast.

À la réalisation de l’émission aujourd’hui, pour sa première, Adrien Bourmault assisté de ma collègue Isabella Vanni. Salut à vous.

Adrien Bourmault : Salut.

Étienne Gonnu : Si vous souhaitez réagir, poser une question pendant ce direct, n’hésitez pas à vous connecter sur le salon web de la radio. Pour cela rendez-vous sur le site de la radio, causecommune.fm, cliquez sur « chat » et retrouvez-nous sur le salon dédié à l’émission.
Vous pouvez aussi participer à nos échanges en appelant le 09 72 51 55 46, vous retrouverez le numéro sur le site de la radio.

Nous vous souhaitons une excellente écoute . Tout de suite place au premier sujet.

[Virgule musicale]

Chronique « Les transcriptions qui redonnent le goût de la lecture » de Marie-Odile Morandi, animatrice du groupe Transcriptions et administratrice de l'April, sur le thème de la déontologie pour la filière électronique

Étienne Gonnu : Nous allons commencer par « Les transcriptions qui redonnent le goût de la lecture » de Marie-Odile Morandi.
Aujourd’hui, Marie-Odile, je crois que tu vas nous parler du thème de la déontologie dans la filière électronique.

Marie-Odile Morandi : Oui, bonjour Étienne, tout à fait.
Récemment Deux transcriptions ont particulièrement retenu mon attention dernièrement dont les intitulés sont « Le numérique peut-il être écologique et responsable ? » et « Concevoir de manière responsable, l’exemple de Fairphone ». Vous trouverez les liens vers ces deux transcriptions sur la page des références concernant l’émission d’aujourd’hui, sur le site de l’April.

En 2018, on comptait 15 milliards d’équipements numériques – ordinateurs, consoles de jeu, smartphones. On en prédit 65 milliards en 2025. À l’heure actuelle il y aurait 8 milliards d’abonnements mobiles dans le monde, plus que d’êtres humains. Certes, nous avons tous constaté récemment que ces formidables équipements sont devenus indispensables dans des secteurs comme le monde médical, le monde de l’éducation et bien d’autres. Mais ils sont aussi une source importante d’impacts environnementaux. Ces impacts sont concentrés principalement au moment de la fabrication des équipements, au moment de la production de l’électricité qui va les alimenter et au moment de leur fin de vie, quand ils deviennent des déchets qui sont mal ou pas recyclés.

Dans un téléphone portable on compte à peu près 200 composants fabriqués à partir d’environ 40 matériaux différents dont ce qu’on appelle les terres rares, utilisés aussi pour les éoliennes et les panneaux photovoltaïques, donc l’énergie dite renouvelable, l’électronique, les véhicules électriques. L’exemple des smartphones s’applique à la globalité de l’industrie électronique.

La phase de fabrication est celle qui concentre à elle seule trois quarts des impacts. Elle se déroule dans des pays émergents éloignés de la zone européenne, souvent sur des arrières-fonds de confits armés et de corruption. Les forêts primaires sont rasées, les écosystèmes détruits sur des hectares. Dans les mines, il faut déplacer de grandes quantités de matière pour récupérer des quantités relativement petites de produits utiles ; c’est le cas des terres rares dont les ressources s’épuisent. La roche ou les minerais sont alors dissous à l’aide de produits toxiques pour récupérer ces métaux, phase très polluante, vorace en eau, avec détournement de l’utilisation de l’eau potable et contamination des sols et des fleuves. Les conditions de travail sont très difficiles, voire dramatiques. Ce sont souvent, entre guillemets, « des auto-entrepreneurs » qui vont, avec leur propre matériel plus ou moins performant, creuser des tunnels, sans aucune régulation. Un million d’enfants travaillent dans ces mines pour un ou deux euros par jour. L’assemblage du produit final a lieu principalement en Chine où la main-d’œuvre est un peu moins chère, même si c’est de moins en moins le cas.

On estime à 53 millions de tonnes la quantité annuelle de déchets électroniques dont moins de 20 % sont collectés, recyclés de manière efficace, sans polluer, dans une usine reconnue officiellement. On ne sait pas ce qu’il advient des 80 % restant.

Le constat étant fait, il faut maintenant réveiller les consciences et c’est ce que font les intervenants et intervenantes dont les propos ont été transcrits : Agnès Crépet et Alix Dodu de Fairphone, Frédéric Bordage de GreenIT qui était intervenu dans l’émission Libre à vous ! du 17 septembre 2019, Vincent Courboulay, maître de conférences en informatique à La Rochelle Université et Sophie Comte, cofondatrice du magazine Chut !.

Devons-nous, utilisateurs et utilisatrices, suivre la mode pour nos outils technologiques sur lesquels sont développées des fonctions, avouons-le, pas très utiles, dont le modèle économique est basé sur la notion de désir ? Or nous Européens, occidentaux des pays riches, donnons des signaux de ce qui est fun, de ce qui est cool, quasiment au reste de la population. Est-ce raisonnable ? L’équipement le plus vert c’est celui qu’on ne fabrique pas et nos usages numériques les plus respectueux de la planète sont ceux qu’on modère le plus possible. Prendre soin de son terminal, smartphone ou ordinateur, pour pouvoir l’utiliser longtemps permettra de réduire son empreinte numérique.

D’où la nécessité de prendre en considération le réemploi. Donner une seconde vie à nos équipements numériques, les reconditionner, les remettre à un état quasi neuf pour qu’ils puissent être réemployés devient fondamental. De plus en plus de Français sont intéressés par l’achat en reconditionné. Il y a donc bien envie d’une consommation plus responsable. La filière réemploi se développe principalement au travers de l’économie sociale et solidaire ; ce sont des emplois locaux, d’insertion ou liés au handicap, non délocalisables, un formidable terreau d’emplois.

Nous, utilisateurs, avons les cartes en main. Chacun d’entre nous peut agir à son humble niveau. Les pouvoirs publics ont aussi leur rôle à jouer. Les intervenants se montrent optimistes et affirment qu’il y a une prise de conscience récente de la nécessité d’encadrer cette filière reconditionnement-réemploi avec quelques promesses pour l’année 2021. Des standards internationaux existent depuis plus d’une dizaine d’années concernant la prise en compte des aspects environnementaux dans le cycle de vie des produits. Des dizaines d’entreprises éco-conçoivent concrètement des services numériques. Fairphone en fait partie et son approche est l’exemple à suivre : penser une écoconception qui consiste à inclure dès la fabrication les impacts environnementaux, sociaux et humains du produit. Fairphone est une société néerlandaise qui fabrique un téléphone, mais ce téléphone est un moyen, absolument pas une finalité. Son objectif est de lever l’opacité, d’expliquer les chaînes d’approvisionnement et divulguer son savoir librement à d’autres, consommateurs ou fabricants de téléphones, mais aussi à l’industrie électronique au sens large. La fabrication d’un téléphone de façon éco-conçue donne aux militants de Fairphone légitimité et crédibilité afin d’influencer d’autres partenaires et favoriser la transition vers une industrie électronique plus vertueuse. Certes le prix de ce téléphone durable et éthique est conséquent, mais sans doute plus juste : des contacts sont tissés avec les ONG et les gouvernements locaux pour s’assurer que les matériaux utilisés ne sont pas entachés de sang, pour permettre petit à petit de combattre le travail des enfants dans les mines, améliorer les conditions de travail des mineurs artisanaux ainsi que les conditions de vie des travailleuses et travailleurs au moment de l’assemblage dans les pays asiatiques. De plus, ce téléphone est constitué de modules indépendants. Il est facilement démontable. C’est un téléphone réparable.

Le sujet des logiciels est évoqué, mentionnant qu’il existe des solutions alternatives à Google et Apple. Chez Fairphone, on travaille à rendre disponibles des mises à jour durables dans le temps, nécessaires à la longévité du produit.

Certains et certaines d’entre vous connaissent peut-être Serge Latouche, un auteur dont j’ai particulièrement apprécié les ouvrages. Professeur d’économie, il a développé au début des années 2000 le concept de décroissance, une décroissance soutenable. Actuellement on a forgé des expressions et des démarches comme « sobriété numérique » ou « numérique responsable ». L’objectif, derrière, est bien le même : aider au quotidien les citoyens à réduire leur impact environnemental en réfléchissant en amont à la réelle nécessité de l’acte d’achat – l’objet le plus durable reste celui que l’on possède déjà – en faisant un choix éclairé au moment de l’achat – l’objet est-il réparable ? – et en ayant un usage raisonné et raisonnable du numérique. Vous trouverez, en lisant les transcriptions, divers conseils utiles et faciles à mettre en œuvre par chacun d’entre nous.

Nous sommes toutes et tous concernés, individus, entreprises et pouvoirs publics. L'expérience de Fairphone, la remarquable démarche vertueuse de ses militants et militantes, est un modèle de déontologie à faire connaître au plus grand nombre. Oui, il est possible de rendre nos équipements plus durables. Oui, il est possible au moment de leur fabrication de prendre en compte non seulement les problématiques environnementales, mais aussi les problématiques sociales et humaines, c’est-à-dire penser aux hommes, aux femmes et hélas aux enfants qui sont derrière chaque appareil.

Étienne Gonnu : Merci Marie-Odile pour ce sujet ô combien important. D’ailleurs je trouve que tu fais intelligemment le lien entre les enjeux environnementaux et les enjeux sociaux qui sont justement inséparables, en réalité. Je vais profiter de ta chronique pour saluer Frédéric Bordage, que tu as mentionné, avec qui nous avions agi sur le projet de loi économie circulaire, pour lutter contre l’obsolescence logicielle. On va également en profiter pour saluer le travail d’Antanak, une association basée justement sur le don et le partage, qui fait de la récup de matériel informatique qui est reconfiguré avec des logiciels libres et qui nous propose chaque mois une chronique justement dans Libre à vous ! « Que libérer d’autre que du logiciel ».
Merci beaucoup Marie-Odile. Je vais te dire bonne journée et au mois prochain.

Marie-Odile Morandi : Peut-être au mois prochain. Merci à vous. Bonne émission.

Étienne Gonnu : Salut Marie-Odile.
Nous allons faire une pause musicale.

[Virgule musicale]

Étienne Gonnu : Aujourd’hui notre programmateur musical, Éric Fraudain, du site auboutdufil.com, nous fait Découvrir l’artiste Your Friend, Ghost, un duo formé par Matt et Jesse Chason, deux cousins originaires de la région de l’Hudson Valley dans l’État de New York. Le premier morceau s’intitule Nowhere Known. On se retrouve juste après. Je vous souhaite une belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : Nowhere Known par Your Friend, Ghost.

Voix off : Cause Commune, 93.1.

Étienne Gonnu : Nous venons d’écouter Nowhere Known par Your Friend, Ghost, disponible sous licence libre Creative Commons Attribution, CC By, qui permet la réutilisation, la modification, la diffusion, le partage de cette musique pour toute utilisation y compris commerciale, à condition de créditer l’artiste, le nom, la source du fichier original, d’indiquer la licence et d’indiquer si des modifications ont été effectuées. Vous retrouverez les références sur causecommune.fm et april.org, ainsi qu’une présentation de l’artiste sur le site auboutdufil.com.

Vous écoutez l’émission Libre à vous ! sur radio Cause commune, la voix des possibles, 93.1 FM en Île-de-France et en DAB+ et partout dans le monde sur le site causecommune.fm.
Je suis Étienne Gonnu, chargé de mission affaires publiques pour l’Aprtil.

Passons maintenant à notre sujet suivant.

[Virgule musicale]

L'engagement de Télécom Saint-Étienne, école d’ingénieurs, en faveur du logiciel libre avec Jacques Fayolle et Pierre-Yves Fraisse respectivement directeur et directeur des systèmes d'information de Télécom Saint-Étienne

Étienne Gonnu : Nous allons poursuivre par notre sujet principal