Différences entre les versions de « Libre à vous ! Radio Cause Commune - Transcription de l'émission du 29 septembre 2020 »

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==Logiciel libre et de la santé – Appel d'offres de la Centrale d'Achat de l'Informatique Hospitalière sur le logiciel libre et du Health Data Hub (dont nous avions discuté lors du Libre à vous! #51 du 28 janvier 2020)==
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<b>Étienne Gonnu : </b>Aujourd’hui notre programmateur musical Éric Fraudain, du site Au Bout Du Fil, auboutdufil.com, nous fait découvrir CyberSDF, ou plutôt redécouvrir, car nous avions déjà eu l’occasion de diffuser cet artiste en suivant justement les recommandations de auboutdufi.com.<br/>
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Le premier morceau s’intitule <em>Flame and Go</em> par CyberSDF. Je vous souhaite une excellente écoute. On se retrouve juste après. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.
  
<b>Étienne Gonnu : </b>
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<b>Pause musicale : </b><em>Flame and Go</em> par CyberSDF.
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<b>Étienne Gonnu : </b>Nous venons d’écouter <em>Flame and Go</em> par CyberSDF, disponible sous licence libre Creative Commons Attribution. Vous retrouverez les références sur le site april.org, ainsi qu’une présentation de l’artiste sur le site auboutdufil.com.
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Vous écoutez toujours l’émission <em>Libre à vous !</em> sur radio Cause Commune, la voix des possibles, 93.1 en Île-de-France et partout ailleurs sur causecommune.fm. Je suis Étienne Gonnu, chargé de mission affaires publiques pour l’April.
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Passons maintenant au sujet principal.
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==Logiciel libre et santé – Appel d'offres de la Centrale d'Achat de l'Informatique Hospitalière sur le logiciel libre et du Health Data Hub (dont nous avions discuté lors du Libre à vous! #51 du 28 janvier 2020)==
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<b>Étienne Gonnu : </b>Nous avons choisi de vous parler aujourd’hui, comme je vous le disais, de santé et de logiciel libre et plus globalement des enjeux en termes de libertés informatiques qui s’attachent à la santé, donc vaste sujet s’il en est.<br/>
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Pour cela j’ai le plaisir d’accueillir, pour en parler avec moi, Adrien Parrot président de l’association InterHop qui vise à fédérer des bases de données de recherche au niveau national avec un accent sur les logiciels et algorithmes libres. Adrien Parrot tu es également médecin et ingénieur. Bonjour.
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<b>Adrien Parrot : </b>Bonjour.
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<b>Étienne Gonnu : </b>Normalement nous avons également avec nous Philippe Montargès coprésident d’Alterway et Pierre-Yves Dillard, membre fondateur d’Easter-eggs, deux entreprises historiques, si vous me permettez le terme, du logiciel libre. Philippe, Pierre-Yves. Bonjour.
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<b>Pierre-Yves Dillard : </b>Bonjour.
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<b>Philippe Montargès : </b>Bonjour. Je tenais à préciser que je parlerai aussi au nom du hub <em>open source</em> du Pôle Systematic et du CNLL [Conseil National du Logiciel Libre].
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<b>Étienne Gonnu : </b>D’accord. Donc Philippe Montargès. Entendu.<br/>
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Pour mémoire, comme je le disais en introduction, nous avions réalisé le 28 janvier 2020 un sujet long sur le Health Data Hub, une plateforme publique de recherche sur les données de santé, qui a fait le choix – bien sûr fort discutable selon nous, mais nous ne sommes pas les seuls – d’utiliser le <em>cloud</em> Azure de Microsoft pour héberger les données. Nous avions à cette occasion déjà eu le plaisir de recevoir Adrien Parrot et Nicolas Paris, également membre d’InterHop, ainsi que Stéphanie Combes qui présidait à l’époque ce qui était le projet de plateforme, qui est donc devenu une plateforme en place.<br/>
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Entre temps beaucoup de choses se sont produites et on reviendra en grande partie dessus, mais j’aimerais juste préciser rapidement, en quelques mots, on va dire la genèse de l’émission d’aujourd’hui.<br/>
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Fin juin une sénatrice, Nathalie Goulet, a déposé une proposition de résolution pour demander la création d’une commission d’enquête sur le Health Data Hub. On s’était dit, bien sûr, que c’était peut-être une bonne occasion de revenir sur le sujet, voir ce qui avait pu progresser et particulièrement dans le cadre de la situation sanitaire que nous traversons, les données de santé, de la recherche apparaissent quand même sous un jour d’autant plus important. Sauf que le temps d’organiser cela, en prenant en compte de la période estivale…<br/>
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Une Centrale d’achat de l’informatique hospitalière, CAIH, a lancé un appel d’offres pour proposer du logiciel libre, un appel d’offres très large sur le logiciel libre pour qu’il soit proposé aux membres des établissements de santé qui sont membres de cette centrale d’achat. Encore un sujet qu’on ne peut pas ignorer. Puis le Privacy Shield, qui est donc un accord entre l’Europe et les États-Unis sur le l’encadrement du traitement des données personnelles, un accord qui est déterminant pour la plateforme Health Data Hub, a été invalidé en juillet 2020 par la Cour de justice de l’Union européenne. Noémie Bergez a d’ailleurs fait sa chronique du mardi 22 septembre sur le sujet. Donc à nouveau quelque chose qu’on pouvait difficilement ne pas aborder dans une émission sur la santé et le logiciel libre.<br/>
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Donc il y a beaucoup de choses, d’ailleurs sans doute que nous serons amenés à revenir sur ces sujets de manière plus ciblée dans des émissions. Je pense qu’il serait intéressant pour objectif de cette émission, comme j’ai dit, de faire ressortir les enjeux de l’informatique dans le domaine de la santé, même si je n’aime pas trop le terme de domaine, et en quoi le logiciel libre constitue un élément de réponse.<br/>
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J’aimerais poser cette première question à nos invités à tour de rôle : quand on vous parle d’informatique et de santé, qu’est-ce que ça évoque chez vous que ce soit positivement, négativement ? Adrien Parrot, si tu souhaites et n’hésites pas à compléter l’introduction que j’ai pu faire de ta présentation.
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<b>Adrien Parrot : </b>Déjà merci de parler de ce sujet qui est pour moi très important. Pour moi le principal enjeu d’informatique en santé ce sont les données de santé, parce que c’est grâce à elles qu’on va entraîner nos futurs algorithmes, même pour faire de la recherche dans le domaine de l’informatique. Si on dit données de santé, tout de suite c’est où est-ce qu’on héberge ces données, où sont-elles et, du coup, un cadre de confiance qui doit rester vraiment primordial. Il ne faut surtout pas partir trop vite dans une direction si celle-ci n’est pas informée de façon transparente et si le patient reste en confiance dans le système de santé.<br/>
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L’informatique en santé s’inscrit dans la santé en général et les valeurs de confiance et de secret sont vraiment au fondement de la médecine. Pour moi c’est vraiment l’enjeu majeur qui doit stresser aussi un peu les informaticiens parce que, à ce titre, ils deviennent aussi des professionnels de santé lorsqu’ils traitent des données de santé. Donc ça impose presque un code de déontologie, pourquoi pas, mais en tout cas ça doit vraiment obséder. Il faut que les patients aient confiance, il faut informer les patients.<br/>
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Je voulais rapidement faire une petite référence à la chronique d’avant sur les rapports maître-esclave et, du coup, nous aussi peut-être qu’on est un peu dans une position, enfin une mentalité un peu de colonisés, où on pense qu’on ne peut pas faire autrement que appel à Microsoft, Apple, les GAFAM et les BATX [Baidu, Alibaba, Tencent et Xiaomi], donc Google, Amazon, Facebook et Microsoft. Donc on ne peut pas faire autrement que ça. On est obligé d’utiliser ça. Ils ont des budgets de développement absolument énormes. L’idée c’est de dire que si on peut, c’est une mentalité : le logiciel libre existe, il y a plein de choses qui existent, ce n’est pas parfait, mais on peut le faire.
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<b>Étienne Gonnu : </b>C’est très juste. Et on voit comment la colonisation des imaginaires peut être importante.<br/>
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Pierre-Yves Dillard, qu’est-ce que ça évoque chez toi l’informatique, la santé, quand on fait le parallèle entre les deux ?
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<b>Pierre-Yves Dillard : </b>Déjà de mon côté c’est un monde qui est particulier et qu’on n’aborde pas comme un autre secteur parce que c’est un domaine sensible qui nous touche également forcément en tant que citoyens. On y a un intérêt en tant que citoyen, on ne l’aborde pas de la même façon que d’autres domaines.<br/>
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Ensuite j’ai vu un choc, une rencontre avec une espèce de choc de culture où d’un côté on a, à quelques exceptions près, il y en a notamment à l’AP-HP, un monde médical qui est souvent un peu otage du jargon et de l’informatique et qui, finalement, est en train d’apprendre à réfléchir différemment et à réfléchir les outils et non pas seulement à réfléchir en termes de solutions, de boîtes, de marques et de packages, mais à réfléchir à ses besoins en termes de solutions, d’organisation. C’est là où effectivement on a, nous prestataires du logiciel libre, des choses à leur dire et des choses à échanger. On s’aperçoit qu’on peut avoir des visions, on peut partager des visions sur comment on peut emmener une informatique en garantissant notamment et on en revient aux données, que la donnée des citoyens est bien traitée, n’est pas vendue ou commercialisée sans son aval.
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<b>Étienne Gonnu : </b>Très juste. D’ailleurs un des points centraux du Réglement général sur la protection des données c’est bien la loyauté des traitements. Lorsqu’on parle effectivement des données de santé des citoyens, on peut voir à quel point la question est fondamentale.<br/>
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Philippe Montargès, d’Alterway notamment, qu’est-ce que ça évoque pour toi ?
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<b>Philippe Montargè : </b>Ce que ça évoque pour moi c’est que ça met en exergue une problématique très large qui est survenue suite à cette crise et encore en cours de la covid, où on s’aperçoit que, effectivement, on peut avoir les meilleures intentions du monde au niveau des pouvoirs publics et même au niveau des citoyens pour pouvoir, quelque part, récupérer la main sur ses logiciels, sur ses données, mais ça met en exergue un point fondamental. L’industrie française, voire européenne, notamment en termes d’infrastructure a pris un retard tellement énorme qu’on en est à se demander comment on fait pour développer les applications métiers ou d’usage comme dans le domaine de la santé qui nécessitent vraiment une très grande spécialisation et qui ont, on le voit bien, un impact sociétal au niveau des citoyens qui est énorme. On peut avoir les meilleurs projets du monde, mais on s’aperçoit que si on n’a pas une maîtrise des infrastructures, là on parle notamment des données, des infrastructures en termes de <em>cloud</em>, en termes de réseau, on s’aperçoit qu’on peut avoir les meilleurs projets du monde, mais derrière ça débouche sur des hiatus comme le Health Data Hub qui, effectivement quelque part, a fait un choix par défaut parce qu’il n’y avait qu’un seul prestataire à l’instant t qui pouvait répondre, semble-t-il, au cahier des charges du Health Data Hub. Pour moi ça pose vraiment la question, quelque part, de la schizophrénie de nos pouvoirs publics qui poussent à digitaliser très vite, à offrir des solutions très vite.<br/>
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Dans le cas de la santé on voit qu’il y a un intérêt énorme à exploiter toutes les données de santé qui existent pour pouvoir effectivement être capables de fournir des solutions, des analyses plus pertinentes et plus rapidement, mais s’il n’y a pas aussi derrière cette volonté d’investir et de se sortir quelque part de ce poison, de cette dépendance à l’infrastructure qu’elle soit essentiellement anglo-saxonne, américaine, voire chinoise, quelque part c’est voué à l’échec. On ne peut pas d’un côté pousser à la souveraineté numérique et de l’autre côté continuer à ne pas, dans les appels d’offres, promouvoir les solutions d’infrastructures qui sont plutôt européennes, sachant qu’elles sont effectivement à un stade qui n’a rien à voir avec ce que peuvent proposer les sociétés, dont on parle, américaines ou autres.<br/>
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Donc pour moi c’est un vrai sujet, ça met en exergue ce point-là, surtout sur un domaine comme la santé qui est, comme le disait Pierre-Yves avant, un domaine qui est extrêmement sensible et qui demande vraiment à avancer avec précautions.
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<b>Étienne Gonnu : </b>Très juste. C’est vrai que la question de souveraineté est assez récurrente. À l’April c’est vrai qu’on aime bien aussi dire que, au-delà d’avoir la souveraineté territoriale, par rapport à l’américaine et chinoise, avoir une souveraineté européenne. Ce qui importe beaucoup aussi et qui est vraiment indispensable c’est l’usage de logiciels libres pour qu’on parle vraiment d’une souveraineté populaire, pour qu’on puisse accéder aux sources.<br/>
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Je crois que Adrien souhaitait réagir également.
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<b>Adrien Parrot : </b>Oui, pour préciser aussi que dans le cadre du choix du Health Data Hub il n’y a pas eu de concertation large avec les différents acteurs, notamment les industriels du logiciel libre. Ça n’a pas été fait, ça aurait pu. Et ce qui est qui est bien, comme Pierre-Yves disait, c’est qu’avec le logiciel libre on peut coconstruire, donc on aurait pu être dans une démarche de coconstruction et d’évolution par paliers, progressive. Déjà construire une communauté d’hôpitaux qui partagent et échangent leurs données, centrées sur l’interopérabilité, c’est déjà un travail de fond qui prend des années, au moins des mois et des années je dirais. On aurait pu faire progressivement. Sur les infrastructures de l’AP-HP, les hôpitaux de Paris, je parle d’eux parce que je les connais, j’y ai travaillé, ont réussi en trois ans à monter une plateforme d’analyse <em>big data</em> à l’état de l’art, qui est centrée autour des logiciels <em>open source</em> et libres et qui traite 11 millions de patients avec plusieurs projets.<br/>
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Donc je pense vraiment que, même sur les hébergements et les infrastructures, si on s’en donne les moyens, en tout cas peut-être centrer à Paris et aux hôpitaux de Paris, on peut y arriver.
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<b>Étienne Gonnu : </b>Pierre-Yves Dillard.
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<b>Pierre-Yves Dillard: </b>J’acquiesçais, nous on est au cœur de ces problématiques. Effectivement l’hôpital n’est l’AP-HP et l’AP-HP est vraiment une exception dans le paysage. Après, quand on va dans d’autres établissements qui ont moins de moyens finalement, les réalités sont plus complexes et c’est plus compliqué à mettre en œuvre, il y a moins de ressources. Ce qui est frappant dans ce milieu-là, Adrien en est un exemple, c’est que les informaticiens sont des médecins. Je suis émerveillé dans les relations qu’on peut avoir avec les hôpitaux c’est de savoir qu’entre deux requêtes, il y a un service de réanimation en charge de la personne qui est que le jour elle soigne les patients du covid et la nuit elle fait des requêtes pour nous fournir des données, pour venir alimenter les applicatifs. C’est complètement fou comme situation. Ce sont des gens brillants, mais le système, dans certaines régions, tient grâce à la volonté incroyable de certaines personnes.
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<b>Étienne Gonnu : </b>Est-ce que tu peux préciser ce que signifie « requête » pour les personnes qui ne sont pas forcément familières du jargon ?
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<b>Pierre-Yves Dillard: </b>On a contexte où l’administrateur qui est en train de construire l’entrepôt de données et qui doit faire des requêtes pour aller récupérer des données pour venir alimenter le futur entrepôt de données de santé, eh bien c’est le responsable de la réanimation par ailleurs.
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<b>Étienne Gonnu : </b>Merci. Philippe Montargès.
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<b>Philippe Montargès : </b>Je reviens sur ce que disait Adrien tout à l’heure, effectivement dans la consultation, l’écosystème des acteurs du logiciel libre et de l’<em>open source</em> en France n’a pas été forcément contacté dans le cadre du Health Data Hub. Mais surtout, on travaille notamment dans le domaine de la donnée et de l’hébergement de la donnée, vous savez qu’il y a cette fameuse certification des données de santé qu’il faut avoir pour travailler et notamment infogérer et administrer des données de santé en France, certification HDS. Il y a 6 niveaux de certification dans cette certification HDS. On s’aperçoit que, d’une part, il y a très peu d’acteurs qui la possèdent sur les 6 nivaux. Azure de Microsoft était un acteur qui la possédait sur les six niveaux. Et quand on a cette certification même avec les six niveaux, ça ne garantit en aucune façon que vos données sont gérées en France ou en Europe.<br/>
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Pour moi ça pose aussi un problème quasiment au niveau de ces certifications qui sont complètes pour gérer correctement à la fois la logistique, à la fois l’infrastructure logistique et à la fois l’administration des données, la façon dont est gérée l’information et aussi le stockage. Mais on peut être certifié données de santé sans avoir l’obligation, et c’est ça qui m’a frappé dans ce dossier-là, d’avoir ces données stockées en France voire en Europe.
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<b>Étienne Gonnu : </b>C’est significatif. C’est vrai que l’hébergement est au cœur et on va revenir dessus parce qu’on va parler de la recherche sur la santé, on va notamment évoquer les actions en cours pour lutter contre ce choix du Health Data Hub. Philippe Montargès, tu évoquais le cahier des charges du Health Data Hub. Ce qu’on doit aussi avoir à l’esprit c’est qu’il y a aussi des décisions politiques ou des absences de décisions politiques, que ce soit dans la définition des critères pour être hébergeur de données de santé, dans la manière dont va être rédigé le cahier des charges du Health Data Hub. Il faut aussi réfléchir, en termes politiques, ce qu’on veut atteindre et qu’elle place on prend en compte pour les libertés informatiques.<br/>
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Je propose, avant de passer à cette question qui nous prendra peut-être plus de temps puisqu’elle est peut-être plus présente, d’évoquer quand même la situation, parce que Pierre-Yves notamment a commencé à évoquer ça, de l’informatique hospitalière puisqu’il y a eu cet appel d’offres pendant l’été et c’est vrai qu’on ne s’y attendait pas particulièrement. Il faut savoir qu’il y a plusieurs manières pour les hôpitaux de se fournir en informatique. Cette Centrale d’achat en informatique hospitalière est sans doute une des principales, elle a 1200 établissements de santé qui sont membres et qui peuvent se fournir via cet intermédiaire et elle vendait plutôt du Microsoft, elle était quand même plutôt vendeuse de Microsoft. Et là un appel d’offres de logiciels libres, sur une très grande variété de services logiciel libre, a été réalisé cet été.<br/>
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Avant de parler spécifiquement de cet appel d’offres, je suis extérieur, je ne connais pas du tout, on va dire, l’état de l’informatique hospitalière, quelles sont les spécificités – on imagine qu’elles sont là, Les données de santé ont été évoquées – de l’informatique dans un hôpital ? Adrien, toi qui es médecin, peut-être que tu as un avis.
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<b>Adrien Parrot : </b>Déjà il y a beaucoup de logiciels qui ne sont pas totalement spécifiques à l’hôpital et, du coup, on peut aussi commencer par eux et grappiller progressivement un éditeur de texte collaboratif, un tableur, des gestions d’administration, etc., c’est vraiment quelque chose qui est très transversal et d’ailleurs les SI, les services d’information des hôpitaux, se sont équipés historiquement initialement déjà sur les entrées/sorties, des choses qui sont assez loin du métier. Après, les principaux besoins c’est le dossier patient informatisé, potentiellement connecté avec le DMP [Dossier médical partagé] qui est le dossier patient national cette fois-ci. Là il existe plusieurs acteurs dont des logiciels libres aussi, il y a par exemple un projet GNU qui s’appelle <em>GNU Health</em> qui pense à la fédération, à la décentralisation, aux standards d’interopérabilité. Donc il y a tout ça.<br/>
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C’est vrai que ce qui m’a frappé c’est l’envergure du marché. Déjà, par exemple, si on remplace Oracle, si on commence par la base qui est la base de données, que progressivement on se libère d’Oracle qui coûte beaucoup d’argent pour aller vers PostgreSQL, c’est déjà un pas énorme pour les hôpitaux.
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<b>Étienne Gonnu : </b>Merci. Tu devances une question que je voulais poser. C’était s’il y avait aussi des logiciels libres vraiment spécifiques pour les métiers de santé. Du coup j’ai envie de me tourner vers nos deux représentants d’entreprises du Libre. Pierre-Yves Dillard d’Easter-eggs.
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<b>Pierre-Yves Dillard : </b>Nous on est une boîte de service, notre métier c’est de travailler plutôt sur des projets à façon, on ne fournit pas d’outils, on fournit de l’assistance. Effectivement, quand on va parler d’une solution on va forcément proposer, en tout cas chez Easter-eggs, PostgreSQL, ça fera partie d’une solution, mais on ne va pas fournir ou vendre PostgreSQL comme on vendrait un support Oracle. Ce sera intégré dans un projet plus global.<br/>
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Juste pour répondre à la première question sur quels sont les logiciels de l’informatique hospitalière. Nous on est amenés à les recenser à l’échelle notamment de l’AP-HM [Assistance Publique – Hôpitaux de Marseille], on s’aperçoit qu’il y a beaucoup de disparités, d’outils, de technos, de licences. Quand on doit regrouper le tout au sein d’un entrepôt on s’aperçoit qu’il y a pas mal de travail, déjà d’inventaire à faire, pour créer un vrai référentiel de données qui permet de faire un état de l’art du statut de la donnée, par où elle rentre, par où elle sort, où est-ce qu’on peut la récupérer et comment on peut garantir sa traçabilité. Pour moi c’est beaucoup de disparités et en même d’inégalités parce que d’un hôpital à l’autre on va avoir des outils avancés d’un côté et complètement à la traîne de l’autre. On peut être surpris de retrouver encore des traitements qui sont faits sous forme de fichiers classeurs notamment pour des besoins d’étude et des choses comme. Il y a des collectes qui se font non pas en base de données mais tout simplement via des tableurs.<br/>
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<b>Étienne Gonnu : </b>Effectivement, ça paraît peut-être archaïque dans cette ère du <em>big data</em> qu’on nous vend.
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Philippe Montargès, une réaction.
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<b>Philippe Montargès : </b>Moi je trouve que c’est une très bonne nouvelle effectivement que le secteur hospitalier lance ce type d’appel d’offres spécifiquement autour de solutions <em>open source</em> et logiciels libres. Le seul bémol, et je connais un petit peu le dossier parce que nous, Alterway, on fait partie d’un groupement qui répond concrètement à ce dossier-là. Dans l’étude du dossier, en fait avec le CNLL on a une grosse réflexion, on a mené une enquête sur globalement sur tous les marchés de support <em>open source</em> et logiciels libres qu’il y a auprès de l’administration. Il y a quand même à « éduquer » entre guillemets les acheteurs du secteur public à ce que c’est. On ne commande du logiciel libre comme on commande une solution propriétaire ou une solution sur étagère. Je pense que culturellement il faut que les mentalités des acheteurs évoluent. Il faut bien être conscient que l’argent qu’on investit, que ces centrales d’achat investissement dans ces appels d’offres, doivent profiter derrière à tout un écosystème d’acteurs industriels, de PME, d’éditeurs, d’infogéreurs, de sociétés de conseil et ainsi de suite.<br/>
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En fait on s’aperçoit que dans la constitution du modèle-même de ces appels d’offres c’est qu’il ne garantit quand même, et c’est un petit peu le sujet de cet appel d’offres, un montant forfaitaire qui sera attribué à telle ou telle PME. Pour les PME qui répondent à ces dossiers-là c’est très compliqué de pouvoir s’engager sans passer par un groupement et un groupement qui soit porté par un gros intégrateur. Parce que, effectivement, il y a une prise de risque et il y a quand même à garantir un certain niveau de service, de R &D (???) parfois. Notamment dans le cadre de ce marché-là qui est quand même un marché très large, qui dépasse le cadre de support de logiciel libre, qui va depuis les études de préconisation dans le choix d’outils <em>open source</em>, des études de migration pour migrer le système propriétaire à des systèmes logiciel libre, qui fournit les solutions d’éditeur en mode SaaS aux hôpitaux et aux établissements hospitaliers, qui puisse aussi apporter des solutions clefs en main sur tout ce qui est poste de travail Linux et tout, et derrière qui assure aussi une fonction de support. Donc c’est un marché qui est très ouvert, mais seulement ce qu’on voit c’est que la centrale d’achat, en l’occurrence de CAIH, est un organisme qui en fait sera plutôt un référencement auprès des 1200 établissements, je ne sais pas si je suis clair dans ce que je dis, que vraiment un budget à dépenser qui sera alloué aux sociétés qui vont répondre à ce dossier-là.<br/>
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C’est très compliqué de faire évoluer. Il y a une très grosse réflexion qui a lieu actuellement dans le secteur public. Au niveau du CNLL, avec ce type de groupement, on a répondu à un dossier récemment sur la DGFiP, sur la Direction générale des finances publiques. On essaye de faire évoluer le paradigme de ces dossiers d’appel d’offres. Il ne faut vraiment pas penser uniquement comment je massifie, comment j’optimise mon achat pour n utilisateurs derrière, mais il faut le penser vraiment comment j’investis dans un écosystème qui derrière va me fournir un service résilient, un service évolutif et qui va aussi, quelque part, contribuer à l’émergence d’acteurs industriels qui soient de taille suffisante. Pour revenir à ce qu’on disait tout à l’heure, le problème qu’on a en France et en Europe c’est qu’on n’a pas d’acteurs dans le numérique et notamment dans le numérique ouvert et <em>open source</em> qui soient de très grosse taille, très importants. Si on veut faire en sorte qu’on ait des acteurs qui grossissent et qui acquièrent cette taille critique, il faut que le mécanisme des appels d’offres publiques et notamment ce grand marché d’expertise de support ou ces contrats-cadres aille dans cette logique-là et favorise, quelque part, l’ensemble de l’écosystème derrière. C’est ça qu’on essaye de pousser et c’est ça que le gouvernement doit aussi mettre en avant dans cet appel d’offres-là.
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<b>Étienne Gonnu : </b>C’est vrai que c’est un point et c’est vrai que la commande publique peut paraître hors sujet, mais en fait il ne l’est pas dans le sens où on voit bien les effets que ça peut produire, du coup comment va s’équiper une partie de l’informatique hospitalière. C’est vrai qu’une chose qu’on pousse, notamment nous on pousse pour une priorité au logiciel libre, ça c’est pour l’aspect juridique, mais aussi culturel comme tu l’évoquais, on voit bien là à nouveau. Pour les personnes qui s’y connaissent et que ça intéresse, le contrat est un accord-cadre mono attributaire, non ???, c’est-à-dire qu’une seule réponse doit répondre à tout. Donc de fait, effectivement, c’est plutôt adapté aux gros acteurs uniques qui pratiquent plus l’informatique privative plutôt qu’un environnement constitué d’une constellation de TPE-PME qui vont être complémentaires dans leur façon de faire et qui vont faire communauté autour d’un logiciel libre ou de plusieurs et qui, en plus, sont plus souvent inscrites dans le tissu économique local.<br/>
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Pierre-Yves Dillard, tu as peut-être aussi une réflexion sur ce sujet.
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<b>Pierre-Yves Dillard : </b>Oui. En fait ces accords-cadres, qu’ils soient spécifiques au logiciel libre ou à d’autres types de logiciels, c’est toujours la même chose, ils sont réservés forcément. Aujourd’hui il faut qu’il y ait un très gros acteur qui prenne le leadership pour pouvoir avoir la ??? suffisante pour pouvoir répondre. C’est toujours pareil, en fait on a un inventaire absolument affolant de prestations attendues ou de logiciels à supporter, des listes assez étranges où on est en train de dire ça oui, ça non. Pour des acteurs comme nous, des petites PME avec des expertises sur certains sujets, on ne se sent pas tout à fait concerné par tout ça, sachant que dans la vraie vie, même les grands acteurs, quand ils vont répondre et à la fin être titulaires du marché, souvent ils vont se retourner et finalement sous-traiter vers des expertises, parce qu’en fait même les gros acteurs, aussi gros qu’ils soient souvent n’ont pas la capacité à couvrir l’immensité des attentes de tels appels d’offres. À chaque fois je trouve ça toujours un peu frustrant. J’ai l’impression que dans le monde propriétaire on n’a pas cette exigence de dire on fait un AO sur tout et on veut que vous répondiez. C’est compliqué.br/>
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Je sais qu’on est assez contactés pour notamment s’aligner, on nous a proposé une liste d’outils qu’on voulait supporter. La plupart ce sont des outils dont on n’a pas toujours entendu parler ou qu’on a utilisés un petit peu, mais c’est sûrement anecdotique en termes d’expertise attendue. Il faut savoir qu’une société sérieuse, quand elle fait du support sur un outil ou qu’elle apporte un outil, ce n’est pas l’outil en lui-même, c’est l’outil inséré dans le système d’information qui est important. Ça veut dire qu’on répond normalement avant par un audit, par une étude, par une analyse du contexte. Ce sont des réflexes qu’on a et on ne sait pas répondre comme ça en disant « oui, OK, on est expert, ceci on est experts cela ». On est toujours assez dérangés par ces marchés, ces appels d’offres.
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<b>Étienne Gonnu : </b>Philippe je te laisserai la parole peut-être pour un mot de conclusion parce que le temps file. J’aimerais qu’on puisse aussi aborder les questions de la recherche et de l’hébergement des données de santé.<br/>
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Un dernier mot avant qu’on fasse une petite pause musicale, Philippe.
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<b>Philipe Montargès : </b>Juste pour rebondir là-dessus. Je pense que c’est effectivement une question de culture dans la commande publique. Tu avais raison. Le secteur de la santé, s’il veut basculer massivement vers le logiciel libre, et je pense qu’il y a un intérêt à le faire pour des raisons éthiques, des raisons sociétales, des raisons aussi de favoriser l’économie nationale et les entreprises de logiciel libre en France ; il y a quand même des entreprises, des PME, des TPE, donc il y a intérêt à favoriser ce tissu-là. Je pense que la culture d’achat des grands donneurs d’ordre de ces marchés-là est encore une culture de massification, d’optimisation et pas une culture où j’investis par la commande publique dans un écosystème industriel.
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<b>Étienne Gonnu : </b>Super. Un dernier mot à Adrien.
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<b>Adrien Parrot : </b>Pour rebondir sur Pierre-Yves sur la place des entrepôts, il voit plutôt des systèmes qui sont éclatés. Du coup ça fait la transition que les entrepôts de données de santé des hôpitaux, justement, sont le lieu de passage et de standardisation, d’homogénéisation des données pour pouvoir réalimenter des outils, se libérer un peu des enclaves propriétaires et migrer progressivement vers des outils <em>open source</em>.<br/>
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Je rejoins sur la culture un peu de la massification, de la centralisation, c’est typiquement ce qu’on voit dans le Health Data Hub qui est un entrepôt de données déconnecté des lieux de production et qui, du coup, met aussi à mal cette logique décentralisée d’écosystème, de gens qui essaient de construire, de coconstruire et de se libérer des enclaves. Ça me fait réagir aussi avec le prochain sujet.
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<b>Étienne Gonnu : </b>C’est une super transition et qui nos amènera à la suite du sujet après une pause musicale. Je vous propose d’écouter <em>Dolling</em> par CyberSDF. On se retrouve juste après. Je vous souhaite une belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.
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<b>Pause musicale : </b><em>Dolling</em> par CyberSDF
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==Deuxième partie==
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<b>Étienne Gonnu : </b>Nous venons d’écouter <em>Dolling</em> par CyberSDF, disponible sous licence libre Creative Commons Attribution. Vous retrouverez les références sur le site de l’April, april.org.<br/>
  
  

Version du 1 octobre 2020 à 06:12


Titre : Émission Libre à vous ! diffusée mardi 29 septembre 2020 sur radio Cause Commune

Intervenant·e·s : Vincent Calame - Adrien Parrot - Pierre-Yves Dillard - Philippe Montargès - Luk - Étienne Gonnu - Isabella Vanni à la régie

Lieu : Radio Cause Commune

Date : 29 septembre 2020

Durée : 1 h 30 min

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Page des références utiles concernant cette émission

Licence de la transcription : Verbatim

Illustration :

NB : transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.

Transcrit : MO

Transcription

Voix off : Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.

Étienne Gonnu : Bonjour à toutes. Bonjour à tous.
Santé et logiciel libre, ce sera le sujet principal de l’émission du jour, avec également au programme la chronique « Jouons collectif » de Vincent Calame et aussi la « Pituite de Luk ». Voici le programme de l’émission du jour.

Vous êtes sur la radio Cause Commune, la voix des possibles, 93.1 FM en Île-de-France et partout dans le monde sur le site causecommune.fm.
Cause Commune sur la bande FM c’est de midi à 17 heures, puis de 21 heures à quatre heures en semaine. Du vendredi 21 heures au samedi 16 heures et le dimanche de 14 heures à 21 heures et sur Internet c’est 24 heures sur 24.
La radio dispose également d’une application Cause Commune pour téléphone mobile. La radio diffuse désormais en Dab+ 24 heures sur 24. Le Dab+ c’est la radio numérique terrestre avec notamment un meilleur son et c’est le terme officiel choisi par le CSA. Pour capter le Dab+ c’est gratuit, sans abonnement, il faut juste avoir un récepteur compatible avec la réception Dab+.

Soyez les bienvenus pour cette nouvelle édition de Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre. Je suis Étienne Gonnu chargé de mission affaires publiques pour l’April.

Le site web de l’April c’est april.org, vous pouvez y trouver une page consacrée à cette émission avec tous les liens et références utiles, les détails sur les pauses musicales et toute autre information utile en complément de l’émission et également les moyens de nous contacter. D’ailleurs n’hésitez pas à nous faire des retours pour indiquer ce qui vous a plu mais aussi, bien sûr, des points d’amélioration d’amélioration.

Nous sommes le 29 septembre 2020, nous diffusons en direct, mais vous écoutez peut-être une rediffusion ou un podcast.

À la réalisation de l’émission ma collègue Isabella. Salut Isa.

Isabella Vanni : Salut.

Étienne Gonnu : Si vous souhaitez réagir pour poser une question pendant le direct, n’hésitez pas à vous connecter sur le salon web de la radio. Pour cela rendez-vous sur le site de la radio, causecommune.fm, cliquez sur « chat » et retrouvez-nous sur le salon #libreavous dédié à l’émission. Vous pouvez aussi participer à nos échanges en appelant le 01 77 62 75 04, vous trouvez le numéro sur le site de la radio.

Nous vous souhaitons une excellente écoute.

Avant de vous présenter le programme de cette émission, je vais vous faire une petite confidence. J’ai un sacré trac. Ce n’est pas la première fois que j’anime Libre à vous!, mais c’est la première fois que je le fais depuis le studio de Cause Commune. J’ai le trac, mais je suis surtout très content et excité de pouvoir faire cette expérience et de la partager avec nos supers auditrices et auditeurs de Libre à vous! avec un programme qui, je l’espère, vous intéressera. Je n’en doute pas.
Ce programme quel est-il ? Nous commencerons, comme je l’ai annoncé, par la chronique « Jouons collectif » de Vincent Calame intitulée « Maître et serviteur » et, si j’ai bien compris, il s’agira d’une réflexion critique sur le jargon informatique.
Nous enchaînerons ensuite avec le sujet principal sur le logiciel libre et la santé. Pour cela nous aurons le plaisir d’avoir avec nous Adrien Parrot, Pierre-Yves Dillard et Philippe Montargès.
L’incroyable Luk nous expliquera en fin d’émission que « Digital rime avec Médiéval » et nous finirons par quelques annonces.

Avant de commencer cette émission nous allons faire un petit quiz. Je vous donnerai la réponse en fin d’émission. Vous pouvez nous proposer vos réponses sur le salon web de la radio accessible, comme je vous le disais, via le site web causecommune.fm, bouton « chat ». Vous pouvez également nous répondre via les réseaux sociaux sur les comptes @aprilorg sur Twitter et @aprilorg@pouet.april.org sur Mastodon, l’instance étant april.org où est hébergé le compte de l’April.
Cette question quelle est-elle ? Le 18 janvier 2020, dans le Libre à vous ! numéro 51 nous avions fait un sujet qui est directement lié à celui du jour, nous avions parlé du Health Data Hub, une plateforme de recherche sur les données de santé. Nous en reparlerons sans doute tout à l’heure. À l’époque un des points de tension autour de cette plateforme portait sur un accord entre l’Europe et les États-Unis sur l’encadrement du traitement des données personnelles, un accord qui a récemment été invalidé par la Cour de justice de l’Union européenne. Quel est le nom de cet accord ? Petit indice : il fut le sujet d’une chronique la semaine dernière.

Tout de suite place au premier sujet.

[Virgule musicale]

Chronique « Jouons collectif » de Vincent Calame, bénévole à l'April, sur le thème « Maître et serviteur »

Étienne Gonnu : J’ai le plaisir







Passons maintenant au sujet principal.

[Virgule musicale]

Étienne Gonnu : Aujourd’hui notre programmateur musical Éric Fraudain, du site Au Bout Du Fil, auboutdufil.com, nous fait découvrir CyberSDF, ou plutôt redécouvrir, car nous avions déjà eu l’occasion de diffuser cet artiste en suivant justement les recommandations de auboutdufi.com.
Le premier morceau s’intitule Flame and Go par CyberSDF. Je vous souhaite une excellente écoute. On se retrouve juste après. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : Flame and Go par CyberSDF.

Étienne Gonnu : Nous venons d’écouter Flame and Go par CyberSDF, disponible sous licence libre Creative Commons Attribution. Vous retrouverez les références sur le site april.org, ainsi qu’une présentation de l’artiste sur le site auboutdufil.com.

Vous écoutez toujours l’émission Libre à vous ! sur radio Cause Commune, la voix des possibles, 93.1 en Île-de-France et partout ailleurs sur causecommune.fm. Je suis Étienne Gonnu, chargé de mission affaires publiques pour l’April.

Passons maintenant au sujet principal.

[Virgule musicale]

Logiciel libre et santé – Appel d'offres de la Centrale d'Achat de l'Informatique Hospitalière sur le logiciel libre et du Health Data Hub (dont nous avions discuté lors du Libre à vous! #51 du 28 janvier 2020)

Étienne Gonnu : Nous avons choisi de vous parler aujourd’hui, comme je vous le disais, de santé et de logiciel libre et plus globalement des enjeux en termes de libertés informatiques qui s’attachent à la santé, donc vaste sujet s’il en est.
Pour cela j’ai le plaisir d’accueillir, pour en parler avec moi, Adrien Parrot président de l’association InterHop qui vise à fédérer des bases de données de recherche au niveau national avec un accent sur les logiciels et algorithmes libres. Adrien Parrot tu es également médecin et ingénieur. Bonjour.

Adrien Parrot : Bonjour.

Étienne Gonnu : Normalement nous avons également avec nous Philippe Montargès coprésident d’Alterway et Pierre-Yves Dillard, membre fondateur d’Easter-eggs, deux entreprises historiques, si vous me permettez le terme, du logiciel libre. Philippe, Pierre-Yves. Bonjour.

Pierre-Yves Dillard : Bonjour.

Philippe Montargès : Bonjour. Je tenais à préciser que je parlerai aussi au nom du hub open source du Pôle Systematic et du CNLL [Conseil National du Logiciel Libre].

Étienne Gonnu : D’accord. Donc Philippe Montargès. Entendu.
Pour mémoire, comme je le disais en introduction, nous avions réalisé le 28 janvier 2020 un sujet long sur le Health Data Hub, une plateforme publique de recherche sur les données de santé, qui a fait le choix – bien sûr fort discutable selon nous, mais nous ne sommes pas les seuls – d’utiliser le cloud Azure de Microsoft pour héberger les données. Nous avions à cette occasion déjà eu le plaisir de recevoir Adrien Parrot et Nicolas Paris, également membre d’InterHop, ainsi que Stéphanie Combes qui présidait à l’époque ce qui était le projet de plateforme, qui est donc devenu une plateforme en place.
Entre temps beaucoup de choses se sont produites et on reviendra en grande partie dessus, mais j’aimerais juste préciser rapidement, en quelques mots, on va dire la genèse de l’émission d’aujourd’hui.
Fin juin une sénatrice, Nathalie Goulet, a déposé une proposition de résolution pour demander la création d’une commission d’enquête sur le Health Data Hub. On s’était dit, bien sûr, que c’était peut-être une bonne occasion de revenir sur le sujet, voir ce qui avait pu progresser et particulièrement dans le cadre de la situation sanitaire que nous traversons, les données de santé, de la recherche apparaissent quand même sous un jour d’autant plus important. Sauf que le temps d’organiser cela, en prenant en compte de la période estivale…
Une Centrale d’achat de l’informatique hospitalière, CAIH, a lancé un appel d’offres pour proposer du logiciel libre, un appel d’offres très large sur le logiciel libre pour qu’il soit proposé aux membres des établissements de santé qui sont membres de cette centrale d’achat. Encore un sujet qu’on ne peut pas ignorer. Puis le Privacy Shield, qui est donc un accord entre l’Europe et les États-Unis sur le l’encadrement du traitement des données personnelles, un accord qui est déterminant pour la plateforme Health Data Hub, a été invalidé en juillet 2020 par la Cour de justice de l’Union européenne. Noémie Bergez a d’ailleurs fait sa chronique du mardi 22 septembre sur le sujet. Donc à nouveau quelque chose qu’on pouvait difficilement ne pas aborder dans une émission sur la santé et le logiciel libre.
Donc il y a beaucoup de choses, d’ailleurs sans doute que nous serons amenés à revenir sur ces sujets de manière plus ciblée dans des émissions. Je pense qu’il serait intéressant pour objectif de cette émission, comme j’ai dit, de faire ressortir les enjeux de l’informatique dans le domaine de la santé, même si je n’aime pas trop le terme de domaine, et en quoi le logiciel libre constitue un élément de réponse.
J’aimerais poser cette première question à nos invités à tour de rôle : quand on vous parle d’informatique et de santé, qu’est-ce que ça évoque chez vous que ce soit positivement, négativement ? Adrien Parrot, si tu souhaites et n’hésites pas à compléter l’introduction que j’ai pu faire de ta présentation.

Adrien Parrot : Déjà merci de parler de ce sujet qui est pour moi très important. Pour moi le principal enjeu d’informatique en santé ce sont les données de santé, parce que c’est grâce à elles qu’on va entraîner nos futurs algorithmes, même pour faire de la recherche dans le domaine de l’informatique. Si on dit données de santé, tout de suite c’est où est-ce qu’on héberge ces données, où sont-elles et, du coup, un cadre de confiance qui doit rester vraiment primordial. Il ne faut surtout pas partir trop vite dans une direction si celle-ci n’est pas informée de façon transparente et si le patient reste en confiance dans le système de santé.
L’informatique en santé s’inscrit dans la santé en général et les valeurs de confiance et de secret sont vraiment au fondement de la médecine. Pour moi c’est vraiment l’enjeu majeur qui doit stresser aussi un peu les informaticiens parce que, à ce titre, ils deviennent aussi des professionnels de santé lorsqu’ils traitent des données de santé. Donc ça impose presque un code de déontologie, pourquoi pas, mais en tout cas ça doit vraiment obséder. Il faut que les patients aient confiance, il faut informer les patients.
Je voulais rapidement faire une petite référence à la chronique d’avant sur les rapports maître-esclave et, du coup, nous aussi peut-être qu’on est un peu dans une position, enfin une mentalité un peu de colonisés, où on pense qu’on ne peut pas faire autrement que appel à Microsoft, Apple, les GAFAM et les BATX [Baidu, Alibaba, Tencent et Xiaomi], donc Google, Amazon, Facebook et Microsoft. Donc on ne peut pas faire autrement que ça. On est obligé d’utiliser ça. Ils ont des budgets de développement absolument énormes. L’idée c’est de dire que si on peut, c’est une mentalité : le logiciel libre existe, il y a plein de choses qui existent, ce n’est pas parfait, mais on peut le faire.

Étienne Gonnu : C’est très juste. Et on voit comment la colonisation des imaginaires peut être importante.
Pierre-Yves Dillard, qu’est-ce que ça évoque chez toi l’informatique, la santé, quand on fait le parallèle entre les deux ?

Pierre-Yves Dillard : Déjà de mon côté c’est un monde qui est particulier et qu’on n’aborde pas comme un autre secteur parce que c’est un domaine sensible qui nous touche également forcément en tant que citoyens. On y a un intérêt en tant que citoyen, on ne l’aborde pas de la même façon que d’autres domaines.
Ensuite j’ai vu un choc, une rencontre avec une espèce de choc de culture où d’un côté on a, à quelques exceptions près, il y en a notamment à l’AP-HP, un monde médical qui est souvent un peu otage du jargon et de l’informatique et qui, finalement, est en train d’apprendre à réfléchir différemment et à réfléchir les outils et non pas seulement à réfléchir en termes de solutions, de boîtes, de marques et de packages, mais à réfléchir à ses besoins en termes de solutions, d’organisation. C’est là où effectivement on a, nous prestataires du logiciel libre, des choses à leur dire et des choses à échanger. On s’aperçoit qu’on peut avoir des visions, on peut partager des visions sur comment on peut emmener une informatique en garantissant notamment et on en revient aux données, que la donnée des citoyens est bien traitée, n’est pas vendue ou commercialisée sans son aval.

Étienne Gonnu : Très juste. D’ailleurs un des points centraux du Réglement général sur la protection des données c’est bien la loyauté des traitements. Lorsqu’on parle effectivement des données de santé des citoyens, on peut voir à quel point la question est fondamentale.
Philippe Montargès, d’Alterway notamment, qu’est-ce que ça évoque pour toi ?

Philippe Montargè : Ce que ça évoque pour moi c’est que ça met en exergue une problématique très large qui est survenue suite à cette crise et encore en cours de la covid, où on s’aperçoit que, effectivement, on peut avoir les meilleures intentions du monde au niveau des pouvoirs publics et même au niveau des citoyens pour pouvoir, quelque part, récupérer la main sur ses logiciels, sur ses données, mais ça met en exergue un point fondamental. L’industrie française, voire européenne, notamment en termes d’infrastructure a pris un retard tellement énorme qu’on en est à se demander comment on fait pour développer les applications métiers ou d’usage comme dans le domaine de la santé qui nécessitent vraiment une très grande spécialisation et qui ont, on le voit bien, un impact sociétal au niveau des citoyens qui est énorme. On peut avoir les meilleurs projets du monde, mais on s’aperçoit que si on n’a pas une maîtrise des infrastructures, là on parle notamment des données, des infrastructures en termes de cloud, en termes de réseau, on s’aperçoit qu’on peut avoir les meilleurs projets du monde, mais derrière ça débouche sur des hiatus comme le Health Data Hub qui, effectivement quelque part, a fait un choix par défaut parce qu’il n’y avait qu’un seul prestataire à l’instant t qui pouvait répondre, semble-t-il, au cahier des charges du Health Data Hub. Pour moi ça pose vraiment la question, quelque part, de la schizophrénie de nos pouvoirs publics qui poussent à digitaliser très vite, à offrir des solutions très vite.
Dans le cas de la santé on voit qu’il y a un intérêt énorme à exploiter toutes les données de santé qui existent pour pouvoir effectivement être capables de fournir des solutions, des analyses plus pertinentes et plus rapidement, mais s’il n’y a pas aussi derrière cette volonté d’investir et de se sortir quelque part de ce poison, de cette dépendance à l’infrastructure qu’elle soit essentiellement anglo-saxonne, américaine, voire chinoise, quelque part c’est voué à l’échec. On ne peut pas d’un côté pousser à la souveraineté numérique et de l’autre côté continuer à ne pas, dans les appels d’offres, promouvoir les solutions d’infrastructures qui sont plutôt européennes, sachant qu’elles sont effectivement à un stade qui n’a rien à voir avec ce que peuvent proposer les sociétés, dont on parle, américaines ou autres.
Donc pour moi c’est un vrai sujet, ça met en exergue ce point-là, surtout sur un domaine comme la santé qui est, comme le disait Pierre-Yves avant, un domaine qui est extrêmement sensible et qui demande vraiment à avancer avec précautions.

Étienne Gonnu : Très juste. C’est vrai que la question de souveraineté est assez récurrente. À l’April c’est vrai qu’on aime bien aussi dire que, au-delà d’avoir la souveraineté territoriale, par rapport à l’américaine et chinoise, avoir une souveraineté européenne. Ce qui importe beaucoup aussi et qui est vraiment indispensable c’est l’usage de logiciels libres pour qu’on parle vraiment d’une souveraineté populaire, pour qu’on puisse accéder aux sources.
Je crois que Adrien souhaitait réagir également.

Adrien Parrot : Oui, pour préciser aussi que dans le cadre du choix du Health Data Hub il n’y a pas eu de concertation large avec les différents acteurs, notamment les industriels du logiciel libre. Ça n’a pas été fait, ça aurait pu. Et ce qui est qui est bien, comme Pierre-Yves disait, c’est qu’avec le logiciel libre on peut coconstruire, donc on aurait pu être dans une démarche de coconstruction et d’évolution par paliers, progressive. Déjà construire une communauté d’hôpitaux qui partagent et échangent leurs données, centrées sur l’interopérabilité, c’est déjà un travail de fond qui prend des années, au moins des mois et des années je dirais. On aurait pu faire progressivement. Sur les infrastructures de l’AP-HP, les hôpitaux de Paris, je parle d’eux parce que je les connais, j’y ai travaillé, ont réussi en trois ans à monter une plateforme d’analyse big data à l’état de l’art, qui est centrée autour des logiciels open source et libres et qui traite 11 millions de patients avec plusieurs projets.
Donc je pense vraiment que, même sur les hébergements et les infrastructures, si on s’en donne les moyens, en tout cas peut-être centrer à Paris et aux hôpitaux de Paris, on peut y arriver.

Étienne Gonnu : Pierre-Yves Dillard.

Pierre-Yves Dillard: J’acquiesçais, nous on est au cœur de ces problématiques. Effectivement l’hôpital n’est l’AP-HP et l’AP-HP est vraiment une exception dans le paysage. Après, quand on va dans d’autres établissements qui ont moins de moyens finalement, les réalités sont plus complexes et c’est plus compliqué à mettre en œuvre, il y a moins de ressources. Ce qui est frappant dans ce milieu-là, Adrien en est un exemple, c’est que les informaticiens sont des médecins. Je suis émerveillé dans les relations qu’on peut avoir avec les hôpitaux c’est de savoir qu’entre deux requêtes, il y a un service de réanimation en charge de la personne qui est que le jour elle soigne les patients du covid et la nuit elle fait des requêtes pour nous fournir des données, pour venir alimenter les applicatifs. C’est complètement fou comme situation. Ce sont des gens brillants, mais le système, dans certaines régions, tient grâce à la volonté incroyable de certaines personnes.

Étienne Gonnu : Est-ce que tu peux préciser ce que signifie « requête » pour les personnes qui ne sont pas forcément familières du jargon ?

Pierre-Yves Dillard: On a contexte où l’administrateur qui est en train de construire l’entrepôt de données et qui doit faire des requêtes pour aller récupérer des données pour venir alimenter le futur entrepôt de données de santé, eh bien c’est le responsable de la réanimation par ailleurs.

Étienne Gonnu : Merci. Philippe Montargès.

Philippe Montargès : Je reviens sur ce que disait Adrien tout à l’heure, effectivement dans la consultation, l’écosystème des acteurs du logiciel libre et de l’open source en France n’a pas été forcément contacté dans le cadre du Health Data Hub. Mais surtout, on travaille notamment dans le domaine de la donnée et de l’hébergement de la donnée, vous savez qu’il y a cette fameuse certification des données de santé qu’il faut avoir pour travailler et notamment infogérer et administrer des données de santé en France, certification HDS. Il y a 6 niveaux de certification dans cette certification HDS. On s’aperçoit que, d’une part, il y a très peu d’acteurs qui la possèdent sur les 6 nivaux. Azure de Microsoft était un acteur qui la possédait sur les six niveaux. Et quand on a cette certification même avec les six niveaux, ça ne garantit en aucune façon que vos données sont gérées en France ou en Europe.
Pour moi ça pose aussi un problème quasiment au niveau de ces certifications qui sont complètes pour gérer correctement à la fois la logistique, à la fois l’infrastructure logistique et à la fois l’administration des données, la façon dont est gérée l’information et aussi le stockage. Mais on peut être certifié données de santé sans avoir l’obligation, et c’est ça qui m’a frappé dans ce dossier-là, d’avoir ces données stockées en France voire en Europe.

Étienne Gonnu : C’est significatif. C’est vrai que l’hébergement est au cœur et on va revenir dessus parce qu’on va parler de la recherche sur la santé, on va notamment évoquer les actions en cours pour lutter contre ce choix du Health Data Hub. Philippe Montargès, tu évoquais le cahier des charges du Health Data Hub. Ce qu’on doit aussi avoir à l’esprit c’est qu’il y a aussi des décisions politiques ou des absences de décisions politiques, que ce soit dans la définition des critères pour être hébergeur de données de santé, dans la manière dont va être rédigé le cahier des charges du Health Data Hub. Il faut aussi réfléchir, en termes politiques, ce qu’on veut atteindre et qu’elle place on prend en compte pour les libertés informatiques.
Je propose, avant de passer à cette question qui nous prendra peut-être plus de temps puisqu’elle est peut-être plus présente, d’évoquer quand même la situation, parce que Pierre-Yves notamment a commencé à évoquer ça, de l’informatique hospitalière puisqu’il y a eu cet appel d’offres pendant l’été et c’est vrai qu’on ne s’y attendait pas particulièrement. Il faut savoir qu’il y a plusieurs manières pour les hôpitaux de se fournir en informatique. Cette Centrale d’achat en informatique hospitalière est sans doute une des principales, elle a 1200 établissements de santé qui sont membres et qui peuvent se fournir via cet intermédiaire et elle vendait plutôt du Microsoft, elle était quand même plutôt vendeuse de Microsoft. Et là un appel d’offres de logiciels libres, sur une très grande variété de services logiciel libre, a été réalisé cet été.
Avant de parler spécifiquement de cet appel d’offres, je suis extérieur, je ne connais pas du tout, on va dire, l’état de l’informatique hospitalière, quelles sont les spécificités – on imagine qu’elles sont là, Les données de santé ont été évoquées – de l’informatique dans un hôpital ? Adrien, toi qui es médecin, peut-être que tu as un avis.

Adrien Parrot : Déjà il y a beaucoup de logiciels qui ne sont pas totalement spécifiques à l’hôpital et, du coup, on peut aussi commencer par eux et grappiller progressivement un éditeur de texte collaboratif, un tableur, des gestions d’administration, etc., c’est vraiment quelque chose qui est très transversal et d’ailleurs les SI, les services d’information des hôpitaux, se sont équipés historiquement initialement déjà sur les entrées/sorties, des choses qui sont assez loin du métier. Après, les principaux besoins c’est le dossier patient informatisé, potentiellement connecté avec le DMP [Dossier médical partagé] qui est le dossier patient national cette fois-ci. Là il existe plusieurs acteurs dont des logiciels libres aussi, il y a par exemple un projet GNU qui s’appelle GNU Health qui pense à la fédération, à la décentralisation, aux standards d’interopérabilité. Donc il y a tout ça.
C’est vrai que ce qui m’a frappé c’est l’envergure du marché. Déjà, par exemple, si on remplace Oracle, si on commence par la base qui est la base de données, que progressivement on se libère d’Oracle qui coûte beaucoup d’argent pour aller vers PostgreSQL, c’est déjà un pas énorme pour les hôpitaux.

Étienne Gonnu : Merci. Tu devances une question que je voulais poser. C’était s’il y avait aussi des logiciels libres vraiment spécifiques pour les métiers de santé. Du coup j’ai envie de me tourner vers nos deux représentants d’entreprises du Libre. Pierre-Yves Dillard d’Easter-eggs.

Pierre-Yves Dillard : Nous on est une boîte de service, notre métier c’est de travailler plutôt sur des projets à façon, on ne fournit pas d’outils, on fournit de l’assistance. Effectivement, quand on va parler d’une solution on va forcément proposer, en tout cas chez Easter-eggs, PostgreSQL, ça fera partie d’une solution, mais on ne va pas fournir ou vendre PostgreSQL comme on vendrait un support Oracle. Ce sera intégré dans un projet plus global.
Juste pour répondre à la première question sur quels sont les logiciels de l’informatique hospitalière. Nous on est amenés à les recenser à l’échelle notamment de l’AP-HM [Assistance Publique – Hôpitaux de Marseille], on s’aperçoit qu’il y a beaucoup de disparités, d’outils, de technos, de licences. Quand on doit regrouper le tout au sein d’un entrepôt on s’aperçoit qu’il y a pas mal de travail, déjà d’inventaire à faire, pour créer un vrai référentiel de données qui permet de faire un état de l’art du statut de la donnée, par où elle rentre, par où elle sort, où est-ce qu’on peut la récupérer et comment on peut garantir sa traçabilité. Pour moi c’est beaucoup de disparités et en même d’inégalités parce que d’un hôpital à l’autre on va avoir des outils avancés d’un côté et complètement à la traîne de l’autre. On peut être surpris de retrouver encore des traitements qui sont faits sous forme de fichiers classeurs notamment pour des besoins d’étude et des choses comme. Il y a des collectes qui se font non pas en base de données mais tout simplement via des tableurs.

Étienne Gonnu : Effectivement, ça paraît peut-être archaïque dans cette ère du big data qu’on nous vend. Philippe Montargès, une réaction.

Philippe Montargès : Moi je trouve que c’est une très bonne nouvelle effectivement que le secteur hospitalier lance ce type d’appel d’offres spécifiquement autour de solutions open source et logiciels libres. Le seul bémol, et je connais un petit peu le dossier parce que nous, Alterway, on fait partie d’un groupement qui répond concrètement à ce dossier-là. Dans l’étude du dossier, en fait avec le CNLL on a une grosse réflexion, on a mené une enquête sur globalement sur tous les marchés de support open source et logiciels libres qu’il y a auprès de l’administration. Il y a quand même à « éduquer » entre guillemets les acheteurs du secteur public à ce que c’est. On ne commande du logiciel libre comme on commande une solution propriétaire ou une solution sur étagère. Je pense que culturellement il faut que les mentalités des acheteurs évoluent. Il faut bien être conscient que l’argent qu’on investit, que ces centrales d’achat investissement dans ces appels d’offres, doivent profiter derrière à tout un écosystème d’acteurs industriels, de PME, d’éditeurs, d’infogéreurs, de sociétés de conseil et ainsi de suite.
En fait on s’aperçoit que dans la constitution du modèle-même de ces appels d’offres c’est qu’il ne garantit quand même, et c’est un petit peu le sujet de cet appel d’offres, un montant forfaitaire qui sera attribué à telle ou telle PME. Pour les PME qui répondent à ces dossiers-là c’est très compliqué de pouvoir s’engager sans passer par un groupement et un groupement qui soit porté par un gros intégrateur. Parce que, effectivement, il y a une prise de risque et il y a quand même à garantir un certain niveau de service, de R &D (???) parfois. Notamment dans le cadre de ce marché-là qui est quand même un marché très large, qui dépasse le cadre de support de logiciel libre, qui va depuis les études de préconisation dans le choix d’outils open source, des études de migration pour migrer le système propriétaire à des systèmes logiciel libre, qui fournit les solutions d’éditeur en mode SaaS aux hôpitaux et aux établissements hospitaliers, qui puisse aussi apporter des solutions clefs en main sur tout ce qui est poste de travail Linux et tout, et derrière qui assure aussi une fonction de support. Donc c’est un marché qui est très ouvert, mais seulement ce qu’on voit c’est que la centrale d’achat, en l’occurrence de CAIH, est un organisme qui en fait sera plutôt un référencement auprès des 1200 établissements, je ne sais pas si je suis clair dans ce que je dis, que vraiment un budget à dépenser qui sera alloué aux sociétés qui vont répondre à ce dossier-là.
C’est très compliqué de faire évoluer. Il y a une très grosse réflexion qui a lieu actuellement dans le secteur public. Au niveau du CNLL, avec ce type de groupement, on a répondu à un dossier récemment sur la DGFiP, sur la Direction générale des finances publiques. On essaye de faire évoluer le paradigme de ces dossiers d’appel d’offres. Il ne faut vraiment pas penser uniquement comment je massifie, comment j’optimise mon achat pour n utilisateurs derrière, mais il faut le penser vraiment comment j’investis dans un écosystème qui derrière va me fournir un service résilient, un service évolutif et qui va aussi, quelque part, contribuer à l’émergence d’acteurs industriels qui soient de taille suffisante. Pour revenir à ce qu’on disait tout à l’heure, le problème qu’on a en France et en Europe c’est qu’on n’a pas d’acteurs dans le numérique et notamment dans le numérique ouvert et open source qui soient de très grosse taille, très importants. Si on veut faire en sorte qu’on ait des acteurs qui grossissent et qui acquièrent cette taille critique, il faut que le mécanisme des appels d’offres publiques et notamment ce grand marché d’expertise de support ou ces contrats-cadres aille dans cette logique-là et favorise, quelque part, l’ensemble de l’écosystème derrière. C’est ça qu’on essaye de pousser et c’est ça que le gouvernement doit aussi mettre en avant dans cet appel d’offres-là.

Étienne Gonnu : C’est vrai que c’est un point et c’est vrai que la commande publique peut paraître hors sujet, mais en fait il ne l’est pas dans le sens où on voit bien les effets que ça peut produire, du coup comment va s’équiper une partie de l’informatique hospitalière. C’est vrai qu’une chose qu’on pousse, notamment nous on pousse pour une priorité au logiciel libre, ça c’est pour l’aspect juridique, mais aussi culturel comme tu l’évoquais, on voit bien là à nouveau. Pour les personnes qui s’y connaissent et que ça intéresse, le contrat est un accord-cadre mono attributaire, non ???, c’est-à-dire qu’une seule réponse doit répondre à tout. Donc de fait, effectivement, c’est plutôt adapté aux gros acteurs uniques qui pratiquent plus l’informatique privative plutôt qu’un environnement constitué d’une constellation de TPE-PME qui vont être complémentaires dans leur façon de faire et qui vont faire communauté autour d’un logiciel libre ou de plusieurs et qui, en plus, sont plus souvent inscrites dans le tissu économique local.
Pierre-Yves Dillard, tu as peut-être aussi une réflexion sur ce sujet.

Pierre-Yves Dillard : Oui. En fait ces accords-cadres, qu’ils soient spécifiques au logiciel libre ou à d’autres types de logiciels, c’est toujours la même chose, ils sont réservés forcément. Aujourd’hui il faut qu’il y ait un très gros acteur qui prenne le leadership pour pouvoir avoir la ??? suffisante pour pouvoir répondre. C’est toujours pareil, en fait on a un inventaire absolument affolant de prestations attendues ou de logiciels à supporter, des listes assez étranges où on est en train de dire ça oui, ça non. Pour des acteurs comme nous, des petites PME avec des expertises sur certains sujets, on ne se sent pas tout à fait concerné par tout ça, sachant que dans la vraie vie, même les grands acteurs, quand ils vont répondre et à la fin être titulaires du marché, souvent ils vont se retourner et finalement sous-traiter vers des expertises, parce qu’en fait même les gros acteurs, aussi gros qu’ils soient souvent n’ont pas la capacité à couvrir l’immensité des attentes de tels appels d’offres. À chaque fois je trouve ça toujours un peu frustrant. J’ai l’impression que dans le monde propriétaire on n’a pas cette exigence de dire on fait un AO sur tout et on veut que vous répondiez. C’est compliqué.br/> Je sais qu’on est assez contactés pour notamment s’aligner, on nous a proposé une liste d’outils qu’on voulait supporter. La plupart ce sont des outils dont on n’a pas toujours entendu parler ou qu’on a utilisés un petit peu, mais c’est sûrement anecdotique en termes d’expertise attendue. Il faut savoir qu’une société sérieuse, quand elle fait du support sur un outil ou qu’elle apporte un outil, ce n’est pas l’outil en lui-même, c’est l’outil inséré dans le système d’information qui est important. Ça veut dire qu’on répond normalement avant par un audit, par une étude, par une analyse du contexte. Ce sont des réflexes qu’on a et on ne sait pas répondre comme ça en disant « oui, OK, on est expert, ceci on est experts cela ». On est toujours assez dérangés par ces marchés, ces appels d’offres.

Étienne Gonnu : Philippe je te laisserai la parole peut-être pour un mot de conclusion parce que le temps file. J’aimerais qu’on puisse aussi aborder les questions de la recherche et de l’hébergement des données de santé.
Un dernier mot avant qu’on fasse une petite pause musicale, Philippe.

Philipe Montargès : Juste pour rebondir là-dessus. Je pense que c’est effectivement une question de culture dans la commande publique. Tu avais raison. Le secteur de la santé, s’il veut basculer massivement vers le logiciel libre, et je pense qu’il y a un intérêt à le faire pour des raisons éthiques, des raisons sociétales, des raisons aussi de favoriser l’économie nationale et les entreprises de logiciel libre en France ; il y a quand même des entreprises, des PME, des TPE, donc il y a intérêt à favoriser ce tissu-là. Je pense que la culture d’achat des grands donneurs d’ordre de ces marchés-là est encore une culture de massification, d’optimisation et pas une culture où j’investis par la commande publique dans un écosystème industriel.

Étienne Gonnu : Super. Un dernier mot à Adrien.

Adrien Parrot : Pour rebondir sur Pierre-Yves sur la place des entrepôts, il voit plutôt des systèmes qui sont éclatés. Du coup ça fait la transition que les entrepôts de données de santé des hôpitaux, justement, sont le lieu de passage et de standardisation, d’homogénéisation des données pour pouvoir réalimenter des outils, se libérer un peu des enclaves propriétaires et migrer progressivement vers des outils open source.
Je rejoins sur la culture un peu de la massification, de la centralisation, c’est typiquement ce qu’on voit dans le Health Data Hub qui est un entrepôt de données déconnecté des lieux de production et qui, du coup, met aussi à mal cette logique décentralisée d’écosystème, de gens qui essaient de construire, de coconstruire et de se libérer des enclaves. Ça me fait réagir aussi avec le prochain sujet.

Étienne Gonnu : C’est une super transition et qui nos amènera à la suite du sujet après une pause musicale. Je vous propose d’écouter Dolling par CyberSDF. On se retrouve juste après. Je vous souhaite une belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : Dolling par CyberSDF

Deuxième partie

Étienne Gonnu : Nous venons d’écouter Dolling par CyberSDF, disponible sous licence libre Creative Commons Attribution. Vous retrouverez les références sur le site de l’April, april.org.








Deuxième partie

Étienne Gonnu :










[Virgule musicale]

Chronique « La pituite de Luk » sur le thème « Digital rime avec Médiéval »

Étienne Gonnu : Alors, nous allons passer à notre dernier sujet. Il s'agit donc de la « Pituite de Luk ». Luk doit être avec nous, normalement.
Luk : Je suis là, Étienne. Bonjour.
Étienne Gonnu : Bonjour, Luk. Si j'ai bien compris, tu vas nous expliquer aujourd'hui que digital rime avec médiéval.
Luk : Oui, alors déjà, j'aurais bien voulu venir, mais là, je suis encore en mode vacances. J'ai baroudé cet été autour du Mont Lozère au contact de la nature et sous le soleil. J'ai toujours une allure d'aventurier au teint hâlé, tellement avantageuse que ça frise l'indécence. Du coup, j'évite de sortir parce que ça fait ???. Cet été, je me suis tout bonnement retiré de la civilisation. Alors, c'était extrême , il n'y avait pas de réseau partout. C'est le genre de vacances qui permet de se plonger dans l'ancien monde, que ce soit en visitant des châteaux ou en cheminant sur d'anciens ??? qui croisent les moulins à châtaignes. Alors attention, je parle de l'ancien monde d'avant, pas du nouvel ancien monde d'avant la Covid, ni même du précédent nouvel ancien monde d'avant l'Internet, mais bel et bien du vieil ancien monde d'avant la modernité.
À cette époque, les différents se réglaient à coups de masse dans le heaume. La vie était simple. On pouvait satisfaire son ambition en envahissant le royaume de son propre frère ou lui piquer son territoire et ses gueux. C'était une époque où on ne s'embêtait pas avec les faits, Dieu suffisait à expliquer toute chose et toute objection était ??? La rumeur était la seule source d'information. Un illuminé affirmant avec assez de conviction qu'une apparition divine lui a soufflé un truc suffisait à déclencher une révolte, une guerre ou la construction d'un pont.
Et puis je suis rentré et je me suis demandé si les choses avaient vraiment changé. Ce qu'on appelle aujourd'hui la post-vérité n'est finalement pas bien différente. Il suffit d'être assez nombreux à y croire pour que ça devienne vrai. Inutile d'ailleurs que j'argumente plus là dessus. Je suis à la radio là, ça devrait suffire pour atteindre la masse critique de véracité.
Et puis, je me suis replongé dans l'actualité de l'été. J'ai découvert que le seigneur Apple avait banni Fortnite de son royaume parce qu'il refusait de payer le cens, la taxe médiévale que tout vassal doit à son suzerain. Puis Apple a lancé ses troupes à l'assaut de ??? pour les faire cracher au bassinet également mais il a dû se replier finalement. Toujours en matière de taxe médiévale, Amazon applique, semble-t-il, les prémisses, tels les ecclésiastiques d'autrefois. Comme eux, il aurait mis la main sur les premiers fruits de la récolte. Il est en effet accusé d'identifier les nouveaux produits à succès de start-ups et de ses vendeurs tiers pour sortir des produits concurrents et les mettre en avant sur sa propre foire médiévale en ligne.
Et puis, on a instauré la corvée de longue date en nous faisant cliquer sur des images pour passer l'identification. L'architecture centralisée des GAFA, c'est leur château-fort. Il doit être assez solide pour résister aux armes de siège du type DDoS et suffisamment sécurisé contre les espions s'infiltrant pour tenter de les assassiner en rendant publics leurs ??? et autres infos compromettantes. Les utilisateurs sont soumis à la dîme au travers de l'obsolescence programmée qui les force à racheter encore et toujours le même matériel. La pub en ligne assure le contrôle des âmes comme l’Église catholique autrefois et permet de toucher l'obole. La propriété intellectuelle et les services DRMisés les maintiennent dans leur condition de serfs. S'émanciper revient à partir sur les chemins de l'exil : plus de contacts avec ses proches, plus de photos, plus de musiques, plus d'historique des conversations.
Désormais, les titres de noblesse se reconnaissent au préfixe C, CO, CTO, CCO et j'en passe. Le minimum pour participer aux intrigues de cour, c'est d'être VP dans une boîte cotée en bourse. En dessous, il n'y a que des larbins ou des intrigants. Cela permet de pérorer lors de key notes, d'exhiber sa grosse réussite et de convaincre tout le monde que ses revenus indécents sont légitimes. Les ménestrels et troubadours de la presse chantent leurs louanges. Steve Jobs était un génie, doublé d'un bienfaiteur de l'humanité, Bill Gates est un philanthrope. Il faut baiser leurs pieds pour l'extrême charité dont ils font étalage quand ils tapent plus ou moins pour de vrai dans leurs trésors de quelques milliards.
Le logiciel libre n'est pas en reste. La Fondation Mozilla vire un quart de ses salariés car le futur de ses revenus est incertain mais Mitchell Baker touche 2,5 millions par an. Dans le monde des nouveaux aristocrates, c'est une paille, dit-elle, mais en Europe, Ton Roosendaal n'a jamais eu ce genre de prétentions. Il a pourtant emmené Blender vers des sommets, Baker ne peut pas en prétendre autant, Firefox est descendu à 4 % de fidèles. Le marché a remplacé Dieu, c'est lui qui définit les mérites et la légitimité.
En juin dernier, on a découvert les nouveaux supplices réservés aux gueux quand l'arbitraire des seigneurs leur tombe dessus. Trop critiques envers e-bay, Ina Steiner et son mari ont été l'objet d'un harcèlement par des hauts cadres de l'entreprise. Faire livrer des cafards vivants, un fœtus ou du sang de porc ou des livres Comment survivre à la perte de son époux remplacent les poussettes, brodequins et chevalets d'antan. Les galériens et forçats de notre époque sont les miséreux qui travaillent plus ou moins volontairement dans les usines de matériel informatique, services clients, services de modération et autres trucs du genre effectués dans des pays où les gueux sont adéquatement évalués selon les critères médiévaux contemporains.
Alors que les Américains constatent que leurs inégalités sont aujourd'hui supérieures à celles de la France de 1789, et où une guillotine a été symboliquement dressée devant la Maison Blanche, je repars pour ma part pour une année à tenter de faire avancer le libre avec mon bronzage et mes maigres moyens de gueux. Il y a peut-être à notre portée un nouveau monde d'après, qui ne ressemblerait pas à l'ancien monde d'avant.
Étienne Gonnu : Merci, Luk.






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Étienne Gonnu :