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<b>Antonio Casilli : </b>La métaphore est complètement difficile à assumer.
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<b>Antonio Casilli : </b>D’ailleurs la métaphore est complètement difficile à assumer ; elle est douteuse voire complètement erronée. Les données ne sont pas données ; en fait, il faudrait les appeler les <em>products</em>, c’est-à-dire qu’elles sont des informations produites par chacun d’entre nous ; elles n’existent pas dans la nature. Il y a quelqu’un qui doit cliquer, il y a quelqu’un qui doit s’enregistrer, il y a quelqu’un qui doit faire quelque chose, matériellement, pour produire cette information. Donc du coup, à mon avis, s’il veut vraiment aller chercher une métaphore ce serait, encore une fois, la métaphore de l’usine qui vient à l’esprit et qui s’adapte mieux.
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Après, évidemment, le problème principal dans ce type de raisonnement libéral est que c’est un raisonnement qu’on peut résumer en disant « ils nous disent, les libéraux, que les données sont à nous et ils nous disent qu’on peut les vendre ». Mais si vous y pensez !
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<b>Olivia Gesbert : </b>Ils disent qu’en attendant on nous a spoliés.
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<b>Antonio Casilli : </b>Non !
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<b>Olivia Gesbert : </b>On nous spolie régulièrement de ces données-là.
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<b>Antonio Casilli : </b>Mais justement.
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<b>Olivia Gesbert : </b>Peut-être qu’il faudrait envisager de se les réapproprier pour pouvoir, éventuellement, les négocier, si on le souhaite. Ce qui est intéressant aussi c’est cette question de la gratuité qui prévalait en tout, jusqu’ici, quand on parlait du Web ou d’Internet on envisageait ce principe de gratuité. Aujourd’hui, quand on connaît les profits que les grandes entreprises du numérique font, est-ce que la gratuité n’est pas une illusion ?
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<b>Antonio Casilli : </b>La gratuité a toujours été une illusion, ça c’est certain, et d’ailleurs, le fait de continuer à insister sur la gratuité et de l’utiliser comme un argument pour chercher à faire passer quelque chose d’encore pire, c’est-à-dire un marché de la micro-donnée ou plutôt de micropaiement pour la donnée, est un problème qui dérive de la perspective qui est complètement européenne, franco-française et j’insisterais aussi, très blanche, très privilégiée, des porteurs de cet argument-là. Par cela je veux dire que, en l’occurrence, si on regarde par exemple ce qui se passe avec ce qu’on appelle les plateformes de micro-travail qui sont des plateformes de production de clics qui sont souvent dans des pays comme le Pakistan, l’Inde, l’Indonésie ou certains pays d’Afrique.
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<b>Journaliste : </b>Excusez-moi, justement là-dessus, parce que vous en parlez souvent de ces plateformes « producteurs de clics ». Est-ce que vous pouvez nous décrire comment c’est, concrètement ?
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<b>Antonio Casilli : </b>Concrètement, au niveau de conditions de travail, parfois il s’agit de personnes qui travaillent depuis chez elles, depuis leur ordinateur ou leur smartphone. Donc il faut que ces personnes soient équipées. Ou alors des personnes qui travaillent dans des bureaux, voire dans des fermes à clics, parfois on les appelle, sans vouloir tout confondre, mais ce sont des locaux dans lesquels on a une centaine de postes donc d’ordinateurs ou parfois des centaines de smartphones et ces personnes, à longueur de journée, cliquent sur des contenus, sur des vidéos. Ce sont les personnes qui font monter les compteurs des visionnages sur YouTube, qui, par exemple parfois, sont les vrais faux <em>followers</em> sur Twitter ; ce sont les fans de Facebook et les services de ces personnes-là sont achetés par une pluralité de sujets, parfois célébrités ou hommes politiques en quête de popularité artificielle, parfois grandes entreprises comme les GAFAM qui cherchent, tout simplement, ce qu’on dit, à entraîner leurs algorithmes, c’est-à-dire à calibrer, à améliorer leurs services et ils ont besoin pour ça d’énormément de personnes qui les testent. Et ces personnes-là sont micro-payées dans la plupart des cas, c’est-à-dire elles reçoivent 0,005 pour chaque clic.
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<b>Journaliste : </b>Un boulot pas très intéressant. Mais pourquoi on ne peut pas faire ça mécaniquement ? Il n’y a pas de moyens de le faire mécaniquement ?
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<b>Antonio Casilli : </b>Non parce que justement les machines, on appelle ça l’apprentissage machine ou le <em>machine learning</em>, mais qui dit <em>learning</em> dit aussi que quelqu’un doit enseigner aux machines à faire ce qu’elles font. Et donc, ce qu’elles font, elles l’apprennent au fur et à mesure que ces personnes cliquent. Et en l’occurrence, nous-mêmes, en tant que travailleurs non rémunérés des plateformes, nous aussi nous entraînons ces machines et nous aussi, par contre, nous nous trouvons dans cette situation. Mais je répète que le problème principal n’est pas dans l’activité en tant que telle, c’est dans le régime de propriété et surtout dans le régime de propriété finalisé à la vente, c’est-à-dire orienté vers la vente que le <em>think tank</em> que Génération libre propose. Parce qu’en gros, si vous y pensez, ils ne nous disent pas : « Vos données sont à vous et il n’y a que vous qui puissiez les vendre. » Mais ils vous disent, au contraire : « Vos données vous ne pouvez que les vendre, car elles sont à vous. » C’est-à-dire que là, vraiment, c’est surdéterminé l’usage qu’on va faire et donc ils nous poussent vers cette marchandisation.
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<b>Olivia Gesbert : </b>Non. Ils nous disent aussi vous pouvez faire le choix, à partir du moment où vous vous êtes réapproprié vos données, de ne pas les vendre. En tout cas il y a, entre deux, des acteurs, des intermédiaires, qui permettront d’aller négocier directement avec ces grandes plateformes ou avec les GAFA pour prévoir les termes du contrat.
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[Rire d’Antonio]
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<b>Antonio Casilli : </b>Écoutez les termes du contrat, justement, si on regarde ce qui se passe déjà aujourd’hui, et rien dans le rapport Génération libre, à un détail près, semble indiquer un changement de cap, de direction, voilà, ce qui se passe avec les conditions générales d’usage c’est que les conditions générales d’usages sont faites d’une manière telle à engendrer le manque d’attention et l’ignorance même sur leur contenu de la part des usagers. Après évidemment, en plus il y a une stigmatisation de l’usager, c’est-à-dire plus ils sont bêtes ils ne regardent pas ce qu’ils signent. Ils ne regardent pas ce qu’ils signent parce qu’elles sont structurées d’une manière telle qu’elles sont illisibles par un œil humain ; donc un œil humain ne va pas les lire. Et rien ne semble indiquer que cela va changer. C’est-à-dire qu’imaginer un futur dans lequel cette proposition de la micro-vente de données soit mise en place, eh bien on se retrouvera, tout simplement, face à des conditions générales d’usage qui sont complètement opaques qui sont, en plus, complètement standardisées malgré ce qu’on dit dans le rapport, je veux dire, malgré le fait que Gaspard Koenig dise que ça va nous permettre d’avoir une négociation individuelle. Le problème principal est justement dans cette idée de la négociation individuelle. Si je suis dans une négociation individuelle versus contre Facebook, eh bien pour moi c’est fini ! Je n’ai aucune possibilité d’influencer la décision. La décision est surdéterminée et d’ailleurs, c’est déjà le cas. C’est-à-dire je suis déjà dans une situation dans laquelle je n’ai aucun impact sur ce qui est écrit dans les conditions générales d’usage.
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<b>Olivia Gesbert : </b>C’est pour ça que pour les auteurs de ce rapport il faut imaginer, ensuite, des sociétés, des intermédiaires, comme des sociétés d’auteurs aujourd’hui sur la question des droits d’auteur. Je ne sais pas si c’est réaliste ou pas. Se pose, à travers tout ça en tout cas, une autre question que beaucoup de vos confrères soulignent, c’est la question éthique : se vendre à travers nos données. Vous, vous dites est-ce qu’on est vraiment en train de vendre une partie de nous-même, une partie de nos identités si on vendait ces données ou, comme elles ne sont pas à nous, finalement ça ne nous retire rien de personnel. C’était le sujet de cette tribune que vous avez cosignée avec Paola Tubaro, cette question posée de notre vie privée. Quand on a aujourd’hui quatre milliards d’êtres humains connectés, en quoi cela incite-t-il pour vous, Antonio Casilli, à repenser ce qui relève de la vie privée et de notre identité ?
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<b>Antonio Casilli : </b>La vie privée a subi un changement radical. Malgré le fait qu’elle ait souvent été déclarée comme morte, finie, révolue, etc., elle est encore là sauf qu’elle a changé de visage. Elle a arrêté d’être un droit individuel pour devenir, finalement, une négociation collective. Et cette négociation collective est extrêmement problématique ; il faut apprendre ou réapprendre à la gérer. Quand je parle de négociation collective ce n’est pas au sens commercial du terme, c’est presque au sens syndical du terme. C’est-à-dire que là, vraiment, on se retrouve dans une situation dans laquelle des groupes humains cherchent, en gros, à reprendre le pouvoir sur les données qu’eux-mêmes ont générées, qui a été, évidemment, approprié par les plateformes. Donc ceci est vraiment une évolution énorme par rapport à l’idée même qu’on s’était faite de la <em>privacy</em> à la fin du XIXe siècle, parce que le concept même de <em>privacy</em>, j’insiste, c’est un concept qu’on hérite de la jurisprudence américaine et qui avait été défini, à l’époque, dans un célèbre article de 1890 comme le droit d’être laissé en paix. Alors le droit d’être laissé en paix, de vivre seul, cet isolement magnifique n’est pas exactement, n’est pas du tout ce qu’un usager d’une plateforme sociale recherche. Au contraire, je cherche à être avec les autres tout en gardant un contrôle sur ce que moi et sur ce que les autres font de mes propres données et de nos propres données, au sens large et au sens commun.
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<b>Journaliste : </b>On a parfois du mal à voir, finalement, en quoi le fait que nos données soient données ou vendues, par ailleurs, pourrait nous coûter quelque chose dans l’existence ou pourrait amputer quelque chose de notre liberté au niveau individuel, évidemment. Est-ce que vous pouvez nous faire toucher du doigt ça, peut-être ?
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<b>Antonio Casilli : </b>Pour faire court, la question, très vite, devient vraiment une perte de contrôle sur la destination de ces données. Un exemple typique : imaginez que mon nom ou, par exemple, ma date de naissance ou la photo de mon visage, voilà ça c’est peut-être l’exemple qui va raisonner avec l’expérience de tout un chacun, soit acheté par une banque pour en faire certains usages. Il peut l’utiliser, par exemple, pour sa pub, ceci arrive déjà.
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<b>Journaliste : </b>Vous avez un droit à l’image à ce moment-là.
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<b>Antonio Casilli : </b>J’ai un droit à l’image mais, effectivement, il faut voir si c’est « articulable » avec cette image-là qui n’est pas une image en tant que telle. Soyons clairs pour les plateformes notre image à nous n’est pas l’image, c’est-à-dire n’est pas le visage qui s’affiche, mais c’est tout un ensemble de ce qu’on appelle des métadonnées, c’est-à-dire des données qui se cachent derrière. Ces métadonnées sont, par exemple, l’appareil photo qui a pris cette image ou alors la géolocalisation ou certains indicateurs biométriques de la personne qui est représentée dans cette image. Et le droit, en l’état actuel, ne protège pas toutes ces données-là et l’exploitation de toutes ces données-là. Et là on se retrouve avec un problème. C’est-à-dire que le problème principal c’est, effectivement, la perte de contrôle et, en plus, la perte de contrôle de notre image en tant qu’image qui est aussi, je répète, une donnée collective. Mon image à moi, en l’occurrence, peut avoir des impacts, par exemple en termes de réputation si elle est utilisée ou abusée sur, par exemple, les membres de ma famille ou mes collègues et ainsi de suite. Donc les conséquences peuvent être multiples et extrêmement graves et surtout, la question, encore une fois, est qu’on ne peut pas privatiser et vendre comme une propriété privée une entité, la donnée qui est, en soi, une entité collective.
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<b>Olivia Gesbert : </b>Je cite, pour refermer cette parenthèse, la présidente de la CNILL, Isabelle Falque-Pierrotin, qui déclarait récemment encore dans <em>Le Monde</em> : « Cette approche marchande rompt avec nos convictions humanistes et personnalistes profondes dans lesquelles le droit à la protection est un droit fondamental faisant écho à l’essence même de la dignité humaine. Naturellement ce droit n’est pas un droit marchand. »
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Invité de cette deuxième et dernière partie de <em>La Grande table</em> le sociologue Antonio Casilli. Il est 13 h 18 sur France Culture.
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[Musique]
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<b>Voix off : </b>France Culture – <em>La Grande table</em>. Olivia Gesbert.
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<b>Olivia Gesbert : </b>Où allons-nous ? Vers quoi allons-nous ?

Version du 26 mars 2018 à 12:00


Titre : Création de Les travailleurs de la donnée d'Antonio Casilli

Intervenants : Antonio Casilli - Olivia Gesbert - Journaliste

Lieu : France Culture - Émission La Grande table

Date : février 2018

Durée : 32 min 47

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Licence de la transcription : Verbatim

NB : transcription réalisée par nos soins. Les positions exprimées sont celles des intervenants et ne rejoignent pas forcément celles de l'April.

Statut : Transcrit MO

Transcription

Olivia Gesbert : Et dans l’actualité des idées aujourd’hui, à qui appartiennent nos données personnelles ? Notre invité est le sociologue Antonio Casilli, spécialiste des réseaux sociaux, maître de conférence en digital humanities à Télécom ParisTech et chercheur associé au centre Edgar Morin proche de l’EHESS [École des hautes études en sciences sociales]. Auteur en 2010 des Liaisons numériques aux Éditions du Seuil sur les nouvelles formes de sociabilité contemporaine et, cinq ans après, avec Dominique Cardon de Qu’est-ce que le Digital Labor ? chez INA Éditions, un essai sur l’impact des plateformes numériques sur nos manières de travailler.

Dans une tribune parue récemment dans Le Monde, il revient sur cette idée que la protection de nos données personnelles ne doit pas exclure celle des droits des travailleurs du clic. Si tout le monde s’accorde à dire que nos informations sont de moins en moins chez nous, sont-elles pour autant à nous ? C’est ce qu’on va tenter de comprendre avec vous. Antonio Casilli, bonjour.

Antonio Casilli : Bonjour.

Olivia Gesbert : Redevenir maître de ses données personnelles, ne plus se laisser dépouiller par les GAFA, voire les GAFAM si on y rajoute Microsoft aujourd’hui, à Google, Apple, Facebook et Amazon, c’est ce que préconise le rapport du think tank libéral Génération libre intitulé « Mes data sont à moi : pour une patrimonialité des données personnelles ». Un rapport porté par son président Gaspard Koenig. C’est une logique du propriétaire ou de propriétaire qui vous intéresse, Antonio Casilli ?

Antonio Casilli : Qui m’intéresse, qui m’interpelle et qui, en même temps, m’insupporte d’un certain point de vue dans la mesure où on peut considérer que ce rapport oublie plusieurs années de réflexion sur les données personnelles à l’heure des plateformes numériques et fait semblant que ce soit possible de gommer les asymétries de pouvoir entre les plateformes-mêmes et leurs utilisateurs.

Olivia Gesbert : Asymétries de pouvoir, ça on est tous d’accord. La question c’est à qui appartiennent ces données ? On parle de données personnelles. On aurait tendance à penser, quand même, qu’elles sont à nous, à priori, ou à chacun d’entre nous.

Antonio Casilli : Les données personnelles sont désormais une entité difficile à définir. On s’accorde, par exemple, pour dire que certaines données qui existent depuis avant Internet comme les données relatives à notre santé, à nos convictions politiques ou à notre appartenance syndicale par exemple, sont non seulement des données personnelles mais en plus des données qui sont sensibles. Le fait est que, avec les nouvelles données, on va dire celles qui sont natives du numérique au sens où elles sont générées grâce à nos appareils, équipements et, évidemment, aux plateformes qui les gèrent, on se trouve face à une nouvelle génération de données qui sont beaucoup moins personnelles et qui sont beaucoup plus collectives. Parce que dans la mesure où, par exemple, mon smartphone, à cet instant précis, est en train d’enregistrer que je suis là à la maison de la Radio, il est en train de dire où je suis et donc il est en train de dire quelque chose sur moi en tant que personne, mais il est aussi en train de dire des choses sur toutes les personnes qui m’entourent et qui, par exemple, grâce à des croisements assez complexes de données peuvent, par exemple, dévoiler que d’autres personnes sont dans cette même salle et que d’autres personnes sont en train d’interagir avec moi. Et ceci arrive chaque jour. Aujourd’hui, les données personnelles sont de moins en moins personnelles. D’ailleurs on pourrait dire qu’il n’y a rien de plus collectif que les données personnelles. Cela peut paraître un slogan, mais c’est une manière simple pour résumer le fait que sur une plateforme comme Facebook, qui est une plateforme sociale par définition, les données deviennent, elles-mêmes, sociales.

Olivia Gesbert : Si on en arrive par là à déduire que vous êtes un auditeur de Radio France et qu’on vous propose, sans aucun retour commercial, des bouquets de podcasts France Culture, idées, culture, physique, n’hésitez pas, abonnez-vous. Plus sérieusement, Gaspard Koenig résume cette idée de patrimonialité comme suit, en 140 signes, sur Twitter : « Proudhon explique dans sa théorie de la propriété pourquoi la propriété est la plus grande force révolutionnaire qui existe. Ce qui valait pour le cadastre ou des brevets doit aujourd’hui s’appliquer aux data. » C’est intéressant cette idée de l’internaute pas simplement propriétaire mais aussi producteur primaire de données dans une chaîne de valeur, petit propriétaire et auto-entrepreneur de sa propre identité numérique, voire client. On ne sait plus exactement qui on est on est dans cette espèce de vaste réseau.

Antonio Casilli : D’abord il y aurait beaucoup de choses à dire sur la récupération et l’appropriation de Proudhon de la part d’un libéral comme Gaspard Koenig.

Olivia Gesbert : Assumé.

Antonio Casilli : D’ailleurs j’ai moi-même hésité à me présenter aujourd’hui en disant que je représente mon propre think tank anarcho-communiste, comme ça, parce que chacun, désormais, peut présenter, comment dire, appuyer ses propos mieux. Voilà ! Donc, pour faire court, la différence entre une position comme celle que vous venez de résumer et la mienne pourrait se dire comme ça : on n’est pas les auto-entrepreneurs de nos données, ni les petits propriétaires, ni les petits entrepreneurs de nos données. On est les travailleurs de nos données. Et quand je dis travailleurs, je le dis au sens le plus humble et parfois le plus dangereusement précaire : on est les ouvriers voire les prolétaires de ces données-là. C’est-à-dire qu’il y a aujourd’hui avec les plateformes numériques, donc les GAFAM dont on parle très souvent, une tendance à la mise au travail des publics, les publics que nous sommes, et cette mise au travail, en fait, est faite d’injonctions, est faite d’alertes, est faite de call to action ; on appelle en anglais « l’appel à l’action ». Vous pensez, par exemple, à toutes les pastilles, toutes les alertes, tous les pings, tous les sons qui vous arrivent, tous les signalements de mails qui vous, en gros, obligent à regarder par là et, en même temps, cliquer.

Olivia Gesbert : Ces sollicitations, vous dites.

Antonio Casilli : Ces sollicitations, en fait, ne sont pas des sollicitations ; ce sont des formes de subordination, c’est-à-dire de mises aux ordres de nous-mêmes. Et donc, dans ce contexte-là, il y a beaucoup moins de liberté, il y a beaucoup moins de propriété, il y a beaucoup, si l’on veut, d’expropriation de nos données. Et de ce point de vue-là, le fait de créer un marché — alors de faire semblant de le créer parce que ce marché existe déjà —, des données personnelles, ne va pas résoudre le problème. Parce le problème n’est pas dans le marché, le problème est dans cette relation de subordination entre les plateformes et les usagers.

<Olivia Gesbert : Bien sûr.

Journaliste : Si on essaie d’évaluer ce que ça vaut, cette propriété ? Pas grand-chose parce que finalement, savoir quels sont vos goûts, évidemment vous avez dit que ça a une valeur collective par la masse, par la grande masse. Est-ce que ça a vraiment de la valeur, en fait ?

Antonio Casilli : Oui.

Journaliste : Comment l’estimer ?

Antonio Casilli : Cela a une valeur. La question de l’estimation de la valeur est une vaste question qui est un objet de controverse depuis des années et des années. En gros, évidemment il faut dire que pour chacun d’entre nous, selon l’usage, la donnée peut avoir une valeur différente. Par exemple si je considère ma donnée de géolocalisation aujourd’hui en tant que telle peut-être qu’elle vaut 0,0005 euros, mais, en même temps, si je l’articule avec une information sensible ou l’information sensible de quelqu’un qui est à côté de moi, du coup cette valeur de cette donnée peut avoir une valeur qui est énorme. Et d’ailleurs, la question est toujours de dire la valeur pour qui ? Parce qu’il n’y a pas de valeur dans un vide. La valeur existe dans un contexte social. Alors dans ce contexte social souvent la question est que les plateformes s’efforcent de montrer à quel point nos données eh bien ne méritent pas véritablement d’être payées. D’ailleurs les grandes plateformes et les grands télécoms aussi sont engagés depuis des années, depuis au moins cinq ans, dans des expériences de, par exemple, chercher à rémunérer leurs utilisateurs. Telefónica par exemple en Espagne et d’autres plateformes un peu partout ; Google même y réfléchit ; par exemple il met en place des systèmes d’enchères à la baisse. Donc en gros, jusqu’à quel point je peux pousser ce prix vers le bas, jusqu’au moment où tu dis : « Non, non, attends, je ne vais pas te donner mes données ! » La question devient très vite que ce marché-là, de fait, existe déjà. Et les usagers ne sont certainement pas favorisés ; ils sont d’ailleurs, vraiment, les perdants dans ce contexte. Ce marché-là existe déjà parce qu’il y a déjà dans le monde des centaines de milliers de personnes qui gagnent leur vie en produisant des clics et des données pour les grandes plateformes et ces personnes-là parfois reçoivent quelques centimes par clic, parfois moins de quelques centimes par clic et, par contre, nous on ne le sait pas ici en France, parce que très souvent ces personnes-là sont dans les pays tiers, sont ailleurs dans le monde.

Olivia Gesbert : Et pour nous faire comprendre, vous avez pris l’exemple du champ, du propriétaire du champ et de l’agriculteur qui cultiverait ce champ. À qui appartient le champ ou la récolte ? Gaspard Koenig, lui, prend l’exemple du pétrole ; voilà peut-être qui vous différencie.

[Interlude musical]

Journaliste : Finalement les données, ??? nous dit : « Les données c’est mille milliards d’euros en 2020, 8 % du PIB européen. C’est le pétrole du XXIe du pétrole, etc. » Mais à qui appartient le pétrole ? Qui est le producteur premier du pétrole ? Je veux bien qu’il y ait des entreprises de raffinage que sont les plateformes, mais le producteur premier, lui aussi, a le droit d’être rémunéré. Mon point c’est de dire un, si vous instaurez un droit de propriété sur les data, d’abord les plateformes devront payer les utilisateurs en fonction de l’intérêt de leurs data. Aujourd’hui vous nous dites c’est un service gratuit. Oui mais c’est très collectiviste, parce que finalement c’est le même prix pour tout le monde, c’est-à-dire gratuit. Alors que dans un système de droit de propriété vous aurez un marché, donc une différentiation de la valeur : vous aurez certaines données qui vaudront beaucoup plus que d’autres et ça ne dépendra pas des niveaux de richesse.

Olivia Gesbert : D’autres contributeurs, toujours dans une tribune du Monde, Serge Abitboul et Gilles Dowek disaient : « Ne rêvez pas ! Personne ne vous paiera une fortune pour dire que la soupe était bonne ou le lit un peu dur. » Donc on peut effectivement envisager cette question des données sous l’angle des céréales, du champ, de la soupe qu’on juge bonne ou pas, ou de l’or noir et se dire que toutes nos données personnelles, non pas les unes après les autres, mais toutes ensemble, réunies, peuvent constituer une espèce de grande source d’or noir comme le fait à l’instant Gaspard Koenig. En quoi son raisonnement vous paraît biaisé ?

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Antonio Casilli : D’ailleurs la métaphore est complètement difficile à assumer ; elle est douteuse voire complètement erronée. Les données ne sont pas données ; en fait, il faudrait les appeler les products, c’est-à-dire qu’elles sont des informations produites par chacun d’entre nous ; elles n’existent pas dans la nature. Il y a quelqu’un qui doit cliquer, il y a quelqu’un qui doit s’enregistrer, il y a quelqu’un qui doit faire quelque chose, matériellement, pour produire cette information. Donc du coup, à mon avis, s’il veut vraiment aller chercher une métaphore ce serait, encore une fois, la métaphore de l’usine qui vient à l’esprit et qui s’adapte mieux.

Après, évidemment, le problème principal dans ce type de raisonnement libéral est que c’est un raisonnement qu’on peut résumer en disant « ils nous disent, les libéraux, que les données sont à nous et ils nous disent qu’on peut les vendre ». Mais si vous y pensez !

Olivia Gesbert : Ils disent qu’en attendant on nous a spoliés.

Antonio Casilli : Non !

Olivia Gesbert : On nous spolie régulièrement de ces données-là.

Antonio Casilli : Mais justement.

Olivia Gesbert : Peut-être qu’il faudrait envisager de se les réapproprier pour pouvoir, éventuellement, les négocier, si on le souhaite. Ce qui est intéressant aussi c’est cette question de la gratuité qui prévalait en tout, jusqu’ici, quand on parlait du Web ou d’Internet on envisageait ce principe de gratuité. Aujourd’hui, quand on connaît les profits que les grandes entreprises du numérique font, est-ce que la gratuité n’est pas une illusion ?

Antonio Casilli : La gratuité a toujours été une illusion, ça c’est certain, et d’ailleurs, le fait de continuer à insister sur la gratuité et de l’utiliser comme un argument pour chercher à faire passer quelque chose d’encore pire, c’est-à-dire un marché de la micro-donnée ou plutôt de micropaiement pour la donnée, est un problème qui dérive de la perspective qui est complètement européenne, franco-française et j’insisterais aussi, très blanche, très privilégiée, des porteurs de cet argument-là. Par cela je veux dire que, en l’occurrence, si on regarde par exemple ce qui se passe avec ce qu’on appelle les plateformes de micro-travail qui sont des plateformes de production de clics qui sont souvent dans des pays comme le Pakistan, l’Inde, l’Indonésie ou certains pays d’Afrique.

Journaliste : Excusez-moi, justement là-dessus, parce que vous en parlez souvent de ces plateformes « producteurs de clics ». Est-ce que vous pouvez nous décrire comment c’est, concrètement ?

Antonio Casilli : Concrètement, au niveau de conditions de travail, parfois il s’agit de personnes qui travaillent depuis chez elles, depuis leur ordinateur ou leur smartphone. Donc il faut que ces personnes soient équipées. Ou alors des personnes qui travaillent dans des bureaux, voire dans des fermes à clics, parfois on les appelle, sans vouloir tout confondre, mais ce sont des locaux dans lesquels on a une centaine de postes donc d’ordinateurs ou parfois des centaines de smartphones et ces personnes, à longueur de journée, cliquent sur des contenus, sur des vidéos. Ce sont les personnes qui font monter les compteurs des visionnages sur YouTube, qui, par exemple parfois, sont les vrais faux followers sur Twitter ; ce sont les fans de Facebook et les services de ces personnes-là sont achetés par une pluralité de sujets, parfois célébrités ou hommes politiques en quête de popularité artificielle, parfois grandes entreprises comme les GAFAM qui cherchent, tout simplement, ce qu’on dit, à entraîner leurs algorithmes, c’est-à-dire à calibrer, à améliorer leurs services et ils ont besoin pour ça d’énormément de personnes qui les testent. Et ces personnes-là sont micro-payées dans la plupart des cas, c’est-à-dire elles reçoivent 0,005 pour chaque clic.

Journaliste : Un boulot pas très intéressant. Mais pourquoi on ne peut pas faire ça mécaniquement ? Il n’y a pas de moyens de le faire mécaniquement ?

Antonio Casilli : Non parce que justement les machines, on appelle ça l’apprentissage machine ou le machine learning, mais qui dit learning dit aussi que quelqu’un doit enseigner aux machines à faire ce qu’elles font. Et donc, ce qu’elles font, elles l’apprennent au fur et à mesure que ces personnes cliquent. Et en l’occurrence, nous-mêmes, en tant que travailleurs non rémunérés des plateformes, nous aussi nous entraînons ces machines et nous aussi, par contre, nous nous trouvons dans cette situation. Mais je répète que le problème principal n’est pas dans l’activité en tant que telle, c’est dans le régime de propriété et surtout dans le régime de propriété finalisé à la vente, c’est-à-dire orienté vers la vente que le think tank que Génération libre propose. Parce qu’en gros, si vous y pensez, ils ne nous disent pas : « Vos données sont à vous et il n’y a que vous qui puissiez les vendre. » Mais ils vous disent, au contraire : « Vos données vous ne pouvez que les vendre, car elles sont à vous. » C’est-à-dire que là, vraiment, c’est surdéterminé l’usage qu’on va faire et donc ils nous poussent vers cette marchandisation.

Olivia Gesbert : Non. Ils nous disent aussi vous pouvez faire le choix, à partir du moment où vous vous êtes réapproprié vos données, de ne pas les vendre. En tout cas il y a, entre deux, des acteurs, des intermédiaires, qui permettront d’aller négocier directement avec ces grandes plateformes ou avec les GAFA pour prévoir les termes du contrat.

[Rire d’Antonio]

Antonio Casilli : Écoutez les termes du contrat, justement, si on regarde ce qui se passe déjà aujourd’hui, et rien dans le rapport Génération libre, à un détail près, semble indiquer un changement de cap, de direction, voilà, ce qui se passe avec les conditions générales d’usage c’est que les conditions générales d’usages sont faites d’une manière telle à engendrer le manque d’attention et l’ignorance même sur leur contenu de la part des usagers. Après évidemment, en plus il y a une stigmatisation de l’usager, c’est-à-dire plus ils sont bêtes ils ne regardent pas ce qu’ils signent. Ils ne regardent pas ce qu’ils signent parce qu’elles sont structurées d’une manière telle qu’elles sont illisibles par un œil humain ; donc un œil humain ne va pas les lire. Et rien ne semble indiquer que cela va changer. C’est-à-dire qu’imaginer un futur dans lequel cette proposition de la micro-vente de données soit mise en place, eh bien on se retrouvera, tout simplement, face à des conditions générales d’usage qui sont complètement opaques qui sont, en plus, complètement standardisées malgré ce qu’on dit dans le rapport, je veux dire, malgré le fait que Gaspard Koenig dise que ça va nous permettre d’avoir une négociation individuelle. Le problème principal est justement dans cette idée de la négociation individuelle. Si je suis dans une négociation individuelle versus contre Facebook, eh bien pour moi c’est fini ! Je n’ai aucune possibilité d’influencer la décision. La décision est surdéterminée et d’ailleurs, c’est déjà le cas. C’est-à-dire je suis déjà dans une situation dans laquelle je n’ai aucun impact sur ce qui est écrit dans les conditions générales d’usage.

Olivia Gesbert : C’est pour ça que pour les auteurs de ce rapport il faut imaginer, ensuite, des sociétés, des intermédiaires, comme des sociétés d’auteurs aujourd’hui sur la question des droits d’auteur. Je ne sais pas si c’est réaliste ou pas. Se pose, à travers tout ça en tout cas, une autre question que beaucoup de vos confrères soulignent, c’est la question éthique : se vendre à travers nos données. Vous, vous dites est-ce qu’on est vraiment en train de vendre une partie de nous-même, une partie de nos identités si on vendait ces données ou, comme elles ne sont pas à nous, finalement ça ne nous retire rien de personnel. C’était le sujet de cette tribune que vous avez cosignée avec Paola Tubaro, cette question posée de notre vie privée. Quand on a aujourd’hui quatre milliards d’êtres humains connectés, en quoi cela incite-t-il pour vous, Antonio Casilli, à repenser ce qui relève de la vie privée et de notre identité ?

Antonio Casilli : La vie privée a subi un changement radical. Malgré le fait qu’elle ait souvent été déclarée comme morte, finie, révolue, etc., elle est encore là sauf qu’elle a changé de visage. Elle a arrêté d’être un droit individuel pour devenir, finalement, une négociation collective. Et cette négociation collective est extrêmement problématique ; il faut apprendre ou réapprendre à la gérer. Quand je parle de négociation collective ce n’est pas au sens commercial du terme, c’est presque au sens syndical du terme. C’est-à-dire que là, vraiment, on se retrouve dans une situation dans laquelle des groupes humains cherchent, en gros, à reprendre le pouvoir sur les données qu’eux-mêmes ont générées, qui a été, évidemment, approprié par les plateformes. Donc ceci est vraiment une évolution énorme par rapport à l’idée même qu’on s’était faite de la privacy à la fin du XIXe siècle, parce que le concept même de privacy, j’insiste, c’est un concept qu’on hérite de la jurisprudence américaine et qui avait été défini, à l’époque, dans un célèbre article de 1890 comme le droit d’être laissé en paix. Alors le droit d’être laissé en paix, de vivre seul, cet isolement magnifique n’est pas exactement, n’est pas du tout ce qu’un usager d’une plateforme sociale recherche. Au contraire, je cherche à être avec les autres tout en gardant un contrôle sur ce que moi et sur ce que les autres font de mes propres données et de nos propres données, au sens large et au sens commun.

Journaliste : On a parfois du mal à voir, finalement, en quoi le fait que nos données soient données ou vendues, par ailleurs, pourrait nous coûter quelque chose dans l’existence ou pourrait amputer quelque chose de notre liberté au niveau individuel, évidemment. Est-ce que vous pouvez nous faire toucher du doigt ça, peut-être ?

Antonio Casilli : Pour faire court, la question, très vite, devient vraiment une perte de contrôle sur la destination de ces données. Un exemple typique : imaginez que mon nom ou, par exemple, ma date de naissance ou la photo de mon visage, voilà ça c’est peut-être l’exemple qui va raisonner avec l’expérience de tout un chacun, soit acheté par une banque pour en faire certains usages. Il peut l’utiliser, par exemple, pour sa pub, ceci arrive déjà.

Journaliste : Vous avez un droit à l’image à ce moment-là.

Antonio Casilli : J’ai un droit à l’image mais, effectivement, il faut voir si c’est « articulable » avec cette image-là qui n’est pas une image en tant que telle. Soyons clairs pour les plateformes notre image à nous n’est pas l’image, c’est-à-dire n’est pas le visage qui s’affiche, mais c’est tout un ensemble de ce qu’on appelle des métadonnées, c’est-à-dire des données qui se cachent derrière. Ces métadonnées sont, par exemple, l’appareil photo qui a pris cette image ou alors la géolocalisation ou certains indicateurs biométriques de la personne qui est représentée dans cette image. Et le droit, en l’état actuel, ne protège pas toutes ces données-là et l’exploitation de toutes ces données-là. Et là on se retrouve avec un problème. C’est-à-dire que le problème principal c’est, effectivement, la perte de contrôle et, en plus, la perte de contrôle de notre image en tant qu’image qui est aussi, je répète, une donnée collective. Mon image à moi, en l’occurrence, peut avoir des impacts, par exemple en termes de réputation si elle est utilisée ou abusée sur, par exemple, les membres de ma famille ou mes collègues et ainsi de suite. Donc les conséquences peuvent être multiples et extrêmement graves et surtout, la question, encore une fois, est qu’on ne peut pas privatiser et vendre comme une propriété privée une entité, la donnée qui est, en soi, une entité collective.

Olivia Gesbert : Je cite, pour refermer cette parenthèse, la présidente de la CNILL, Isabelle Falque-Pierrotin, qui déclarait récemment encore dans Le Monde : « Cette approche marchande rompt avec nos convictions humanistes et personnalistes profondes dans lesquelles le droit à la protection est un droit fondamental faisant écho à l’essence même de la dignité humaine. Naturellement ce droit n’est pas un droit marchand. »

Invité de cette deuxième et dernière partie de La Grande table le sociologue Antonio Casilli. Il est 13 h 18 sur France Culture.

[Musique]

Voix off : France Culture – La Grande table. Olivia Gesbert.

21’ 47

Olivia Gesbert : Où allons-nous ? Vers quoi allons-nous ?