Les recettes de cuisine sont-elles libres

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Vidéo ici : [1]

00' transcrit Marie-Odile

Le sujet de la conférence c'est "Les recettes de cuisine sont-elles libres ?". J'avoue que je vais avoir du mal à, venez, rapprochez-vous parce que comme on n'a pas de rétro on fait une petite conférence autour de l'écran. Voilà ! Alors j’enchaîne parce que c'est assez court. Là j’ai 20 minutes pour traiter de la question est-ce que les recettes de cuisine sont libres ?" C'est trop court pour y répondre, mais pour poser, effectivement c'est une problématique, donc pour poser la problématique.

Pour me présenter rapidement je m’appelle Romy Duhem-Verdière. J'ai fait un site de cuisine qui s'appelle tout simplement cuisine libre et je l'ai fait parce que je me suis retrouvée, j'étais abonnée à une Amap qui distribue des paniers de fruits et légumes et je me suis retrouvée chaque semaine, j'avais un nouveau truc dans mon panier que je n'arrivais pas à identifier, j'étais très déconcertée moi qui venais de la campagne, de ne pas savoir comment les cuisiner. et plus je cherchais par internet, plus je trouvais des recettes un petit peu partout, copiées-collées, c'était un peu le bazar et je me suis dit pourquoi ne pas centraliser. Donc c'est de là qu'est née l'idée du site et en voyant que toutes les recettes étaient copiées-collées, je me suis posé la question de la licence et sous quelle licence diffuser ces recettes. Donc c'est un petit spontané au début, le site. Il se trouve qu'il a bien marché, mais je vais enchaîner sur la présentation. Ce qui est intéressant c'est que la recette c'est la métaphore, vous connaissez tous Richard Stallmann que vous voyez à l'écran, c'est pour ça que c'est important de voir les slides parce que je le trouve très très bien avec sa corne d'abondance et son bouclier GPL. Richard Stallmann c'est le père fondateur, pour faire court, le père fondateur des logiciels libres. Donc ce n'est pas n'importe qui. Et pour expliquer ce qu'est un logiciel libre, il prend la métaphore de la recette de cuisine. Grosso modo une recette de cuisine c'est ce qu'on va avoir sur un petit bout de papier, dans un bouquin transmis par la grand-mère, ou la recette qui est transmise par les copains chez lesquels on est allé dîner, qu'on prend en note et qu'on refait chez soi, en ajoutant ou pas des ingrédients, en l'améliorant.

Donc ce qui est distribué c'est la recette de cuisine, ce qu'on déguste c'est le plat cuisiné qu'on peut sans cesse améliorer et aller refaire chez les copains en disant "Tiens j'ai rajouté un ingrédient, c'est super sympa." C'est comme ça que ça fonctionne et on pourrait imaginer en tout cas, c'est ce qui fonctionne dans les restaurants, dans les restaurants ce n'est pas la recette qui est distribuée mais le plat préparé. Et on va dans un restaurant pour déguster le plat, et à partir du plat on a souvent un petit peu de mal à recomposer la recette, en tout cas dans son intégralité. Donc ça fait la différence entre d'un côté ce qui serait une cuisine libre et de l’autre côté ce que je viens d'expliquer dans les restaurants où c'est le plat cuisiné qui est distribué, ce serait la cuisine privative.

Et bien les logiciels libres ça fonctionne exactement de la même façon. J'ai remplacé recette par code source ce qui permet de réaliser le programme. Donc les logiciels libres c'est le code source, je fais très rapidement très court, les logiciels libres c'est le code source qui est distribué ce qui permet à chacun d'exécuter le programme et de l'améliorer, et les logiciels dit privatif, c'est comme ça que Stallmann le dit, le code source, n'est pas distribué mais on ne peut pas l'améliorer c'est seulement le programme qui est acheté et utilisable.

Donc ça c'est la métaphore que fait Stallmann, mais je me suis dit qu'il ne doit pas beaucoup cuisiner parce que quand je suis allée sur internet et dans les bouquins de cuisine, je me suis dit c'est bizarre elles sont toutes sous copyright, tous droits réservés. Là ce sont des captures d’écran sur des grands sites de cuisine, j'ai pris les petites lignes en bas, c'est marqué copyright, tous droits réservés, marmiton. Et en fait je ne trouve pas de recettes libres. Donc je me suis posé la question.

Intervention inaudible.

Oui alors. Je vais sauter cet exemple-là. On va aller directement sur marmiton. Mais si on va en parler. Donc marmiton là c'est une fiche de recette sur le site marmiton et ça c'est un extrait des mentions légales, où ils disent, c'est intéressant la façon dont ils le formulent, c'est un petit peu ambigu : "Dans tous les cas vous ne pouvez pas reproduire les recettes pour en faire un usage commercial. Alors marmiton c'est un site qui repose sur la contribution. C'est-à-dire que les internautes vont sur le site pour déposer des recettes de cuisine qui sont partagées, c'est très sympa, c'est très communautaire. Je trouve l'idée très bonne. Mai par contre une fois qu'ils les ont déposées sur le site de marmiton, ils n'ont plus le droit, si jamais ils voulaient faire un livre, vendre un livre avec leurs propres recettes de cuisine, de la faire, parce qu'elles sont désormais sous copyright marmiton et nous n'avons pas le droit de faire une reproduction pour usage commercial.

Intervention inaudible.

Oui

Intervention inaudible.

Jusqu'à quel point il faut modifier pour récupérer ? Alors c'est une bonne question ; je continue puis on revient parce que ça va peut-être y répondre après.

Concernant la propriété par contre ils ne disent pas que les recettes leur appartiennent, c'est là où leur formulation est intéressante, ils disent que les recettes diffusées sur le site sont incorporées dans une base de données appartenant à la société marmiton. C'est vrai la base de données leur appartient ; la classification qu'ils ont faite et l'organisation des données leur appartient, mais dedans il y a les recettes et qu'on n'a pas le droit de reproduire cette base de données ni extraire des données contenues dans cette base autrement que pour un usage privé. Donc on a le droit de faire un post-it avec sa recette sur le frigo, mais on n'a pas le droit de faire autre choses. D'ailleurs ils s'en servent maintenant pour éditer un magasine, c'est marmiton magasine, qui est vendu à je ne sais plus combien de milliers d'exemplaires et qui marche très bien et qui leur rapporte beaucoup plus que leur système économique web, les publicités sur le site. Et je en sais pas, je n'ai pas encore bien regardé quelles sont, dans le magasine, les droits de reproduction qui sont marqués vis-à-vis de chaque recette. Je crois qu'ils respectent les noms d'auteur, donc ils respectent la paternité, mais voila.

Un autre exemple aussi, je ne sais si vous en avez entendu parler, c'est, le foodle. ça c'est scandaleux. C'est une tablette numérique qui est éditée par le groupe Seb. Déjà ils ont fait leur propre tablette, ils vendent l'objet tablette et une base de données avec des milliers de recettes de cuisine. Or les blogueurs et blogueuses culinaires se sont rendus compte que ce sont leurs recettes de cuisine qui sont dans cette tablette, avec leurs photos, leurs textes, mais pas leurs noms et il y eu donc un scandale assez fort et ils se sont ligués et ils ont mis en place un collectif qui s'appelle "halte au plagiat culinaire" où justement ils étudient cette question de comment faire pour rédiger une recette pour qu'elle ne soit pas plagiée, pour qu'elle soit suffisamment reconnaissable, pour qu’elle donne du mal à celui qui veut plagier, et ils réfléchissent à comment les mettre sous copyright, comment les envoyer à l'avance à je ne sais plus quel organisme sous enveloppe scellée pour pouvoir les protéger, etc. Ça devient un petit peu compliqué et ce n'est pas forcément la meilleure façon de protéger, en tout cas les recettes de cuisine.

Et c'est là où en fait il y a un malentendu sur ce qu'est une recette. Quand Richard Stallmann en parle, il ne parle pas forcément de la même recette que celle qui est rédigée dans un blog de cuisine. C'est pour ça qu'on ne se comprend pas toujours. Une recette à la base, ce sont simplement des ingrédients, la liste des ingrédients avec leurs quantités et la préparation dans sa plus simple expression, c'est-à-dire qu'est-ce qu'on doit faire de ces ingrédients-là pour produire le plat final. Et ça ça n'est pas considéré comme étant une œuvre de l'esprit, dons ce n'est pas protégeable par le droit d'auteur. Donc effectivement c'est libre.

Intervention inaudible.

Alors une liste d'ingrédients avec un mode d'emploi n'est pas considéré comme une œuvre de l'esprit donc ce n'est pas protégeable par le droit d'auteur. Et je crois que c'est la même chose pour l'industrie du parfum où la composition d’un parfum, on ne peut pas la protéger. C'est une liste d'ingrédients. La seule façon de protéger dans ce cas-là, c'est de ne pas divulguer, donc c'est d’être dans le secret. Mais ce n'est pas aller déposer à l'INPI pour protéger la liste. C'est comme ça qu'il y a des recettes de grands chefs qui ne sont pas reproductibles parce qu'on ne connaît pas la liste des ingrédients. Le grand exemple c'est le coca-cola. On ne sait pas ce qu'il y a dans le coca-cola.

Intervention inaudible.

On ne peut pas breveter une recette.

Intervention inaudible.

Dès qu’elle est publiée, on ne peut la breveter. Du coup la seule façon de ne pas la publier, c'est de rester dans le secret. Effectivement dès qu'elle est publiée elle est reproductible.

Intervention inaudible.

C'est une bonne question. je ne sais pas si ce qu'on appelle effectivement du domaine public précisément. Au niveau juridique je ne saurais pas répondre. A vue de nez je dirais oui, mais...

Intervention inaudible

Oui, oui, je pense que c'est plutôt dans ce sens là.

Intervention inaudible

10' 19

Donc Richard Stallmann a raison quand il prend effectivement la métaphore de la recette de cuisine pour expliquer le logiciel libre. Effectivement ça fonctionne. Sauf qu'une recette ce n'est pas toujours que ça. Quand il commence à y avoir du rédactionnel, une illustration, une préparation qui est expliquée en racontant c'est ma grand-mère qui m'a transmis la recette, blablabla, etc, avec des effets de style, c'est-à-dire quand il y a de la rédaction et de l'illustration ça devient une œuvre de l'esprit et c'est effectivement protégeable par le droit d'auteur. Donc en fait ce qui est protégé ce n'est pas tant la recette que la publication qui en et faite. Donc une recette sur un blog, effectivement on peut la diffuser sous une licence, sous un copyright, sous quelque chose. En réalité il y a un peu une zone de flou, parce qu'entre la liste d'ingrédients toute simple avec les étapes, ça c'est qui est à gauche sur l'écran et la recette qui est effectivement rédigée ce qui est tout-à-fait à droite, c'est un article qui est paru dans Slate.fr, qui raconte comment faire des carbonara. En fait c'est une italienne qui s'est offusquée qu'on ne savait pas faire de recettes de carbonara, que toutes les recettes qu'elle lisait sur internet étaient scandaleusement à côté de la plaque donc elle a fait un article monumental avec beaucoup de phrases. Il est magnifique, il est succulent à lire. On ne peut pas le reproduire sans se rendre compte que ça vient de cette auteure-là. Donc ça c'est effectivement protégeable par le droit d'auteur, ça ne veut que c'est systématiquement le copyright qu'elle va choisir, elle peut aussi le mettre sous licence libre, mais c'est protégable. Alors que la recette pure n'est pas protégeable. Et entre deux on a tout un cas de publications pour lesquelles ce n'est pas toujours évident de savoir. Oui ?

Public : Si on prend l'article de droite, avec l'explication très détaillée de la recette, qui en soi qui est protégée, mais si on sort le contenu même, en fait juste la recette de base qui finalement n'est pas protégée, alors ? C'est ça ?

R. D-V : Oui c'est exactement ça et c'est pour ça qu'il y a des blogueuses culinaires qui écrivent, dans le collectif "halte au plagiat", qui donnent des conseils en disant, je crois que ça émane de ce collectif-là, je ne voudrais pas dire une erreur, mais c'est peut-être sur un autre blog que je l'ai lu, en tout cas il y en a qui donnent le conseil de rédiger de façon telle qu'il y ait tellement de fioritures autour de la recette que ça donne trop de travail au copieur de devoir l'extraire pour extraire les ingrédients, pour pouvoir distribuer la recette. Ce qu'il a le droit de faire. Voilà !

Donc ça c'est pour situer. En fait la question n'est pas simple. Je ne vais pas répondre à la question, Je vais en fait ne faire que la reposer. Ce que moi je propose, en tout cas l'orientation qu'on a prise, c'est plutôt que de les rédiger, de travailler à rédiger les recettes pour qu'elles ne soient pas reproductibles ou de les déposer, de les envoyer pour sceller, et de finalement fermer les productions et les publications qu'on fait, c'est l'inverse, et c'est le choix que j'ai fait en voyant que sur internet on n’arrêtait pas de copier-coller les recettes des uns et des autres, je me suis dit autant jouer le jeu, faire en sorte qu'elles soient facilement reproductibles en les plaçant sous licence libre ostensiblement.

Et c'est comme ça que, c'est ce je disais au début, est né le site Cuisine-libre qui est pléonasme du coup, puisque les recettes qu'on distribue elles sont, là on le voit un petit peu à l'écran, il y a la liste des ingrédients toute simple, il y a le mode d'emploi qui est plus ou moins rédigé selon, c'est un site contributif, donc ce ne sont pas toujours les mêmes auteurs, donc c'est plus ou moins rédigé selon les auteurs, mais c'est souvent assez simple, donc ça reste des recettes libres et oui du coup je disais c'est un peu un pléonasme de parler de cuisine libre mais c'est une façon aussi de faire de la pédagogie autour de ça et de mettre en avant qu'en les distribuant de façon libre c'est aussi une façon de se protéger des éventuels plagiats. Donc voila ça c'est le site que j'ai fait. Il existe depuis 2009. Je vous invite à aller le voir.Toutes les recettes ont été testées. Il n'y en a pas beaucoup mais elles sont toutes très bonnes, en plus.

Il y a aussi une autre initiative qui je pense est antérieure. C'est un site communautaire croate qui est assez volumineux. Je dirais que c'est un peu l'équivalent de marmiton, mais où tout est sous licence libre. C'est aussi la licence CC-BY-SA qu'ils ont choisie. Et on ne comprend pas quand on ne parle pas le croate, mais c'est intéressant d'aller le voir. J'ai quand même réussi à choper des recettes de choux au mouton, des choses comme ça avec beaucoup de paprika, mais c'est intéressant de voir comment ils ont organisé les contenus, comment ils arrivent à les valoriser, à valoriser leurs auteurs aussi autour de cette distribution libre des recettes. Une autre petite initiative que j'ai bien aimée aussi c'est la super superette, je ne sais pas si vous en avez entendu parler. Ça c'est génial. Là on retourne vraiment dans la métaphore du logiciel libre qu'on a vu tout au début. Leur idée c'est plutôt que d’acheter le produit des gâteaux Savane, je vous dit le nom de la marque, plutôt que d'acheter le produit industriel en magasin, ils vont proposer la recette qui va permettre de faire au plus proche de ce produit là. Donc là ce qu'on voit ce sont des Kinder Surprise en fait. Ce sont des œufs en chocolat avec une petite surprise à l'intérieur et donc sur leur blog, je crois que ce sont deux filles, donc elles distribuent des recettes qui permettent de faire au plus proche des produits industriels qu'on connaît bien. Je ne sais pas encore sous quelle licence, c'est pour ça que je mets un gros point d'interrogation, elles distribuent, mais ce serait très intéressant et ça tomberait sous le sens qu’elles le fassent aussi sous licence libre. Et ce que j'aimais bien aussi, on retombe sur la métaphore de Richard Stallmann au début et c'est une façon aussi de libérer des recettes qui sont gardées secret dans le cadre des fabrications industrielles.

Voila. Je crois que j'ai fait le tour du sujet. Évidemment bon appétit, même si on est après le repas.

Applaudissements.

16' 56

Si vous avez des questions ? Je ne sais pas combien de temps il reste, Agnès.

Agnès : On a fini le temps mais les autres ne sont pas encore là donc on continue.

R. D-V : D'accord